Consultez notre étude 2010 — 2011 sur les sanctions relatives à la présence des députés !

Séance en hémicycle du 13 avril 2011 à 15h00

Résumé de la séance

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La séance

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Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

L'ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.

Nous commençons par une question du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Orliac

Madame la ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement, le Gouvernement auquel vous appartenez est sur le point de se déjuger en donnant son feu vert à des propositions de loi présentées par des parlementaires de la majorité alors que les députés du groupe SRC, dans une proposition de loi déposée il y a plusieurs semaines, demandaient déjà l'interdiction de la prospection et de l'exploitation des huiles et gaz de schiste dans notre pays.

Mais personne n'est dupe. Ce revirement, ce désaveu que vous vous apprêtez à infliger à l'ancien numéro deux du Gouvernement et ministre d'État, auteur de cette mesure scandaleuse, sont d'abord le résultat d'une forte mobilisation citoyenne sur les territoires concernés.

Il aura fallu attendre la puissante opposition des élus, des associations mais aussi des pêcheurs, des chasseurs, pour que vous admettiez que ces autorisations étaient dangereuses pour l'environnement et la santé.

Les ravages causés par la fracturation hydraulique sont dramatiques pour les sous-sols et les nappes phréatiques. Ils vont à l'encontre des orientations du Grenelle de l'environnement et il est inadmissible que ces permis aient pu être délivrés sans concertation avec les élus et les populations des régions concernées.

Nous dénonçons la réforme du code minier qui permet l'exploration et l'exploitation de gaz et d'huile de schiste en simplifiant volontairement les procédures pour les compagnies pétrolières et gazières en quête de nouveaux gisements, et plus encore de profits.

Le groupe SRC demande l'interdiction de leur prospection et exploitation sur tout le territoire national. Nous ne pouvons nous contenter d'un moratoire et nous demandons l'abrogation de tous les permis de prospection qui ont été délivrés par votre prédécesseur qui invoque aujourd'hui étourderie et précipitation pour expliquer sa décision, et qui n'hésite pas à déposer lui-même une proposition de loi abrogeant un texte qu'il a lui-même signé. Étrange conception de la responsabilité politique !

Madame la ministre, pouvez-vous reconnaître devant la représentation nationale que ces autorisations étaient contraires à l'intérêt général et donc à l'intérêt des Français ? Pourquoi autant de complaisance à l'égard des sociétés pétrolières et gazières avides de profits ? (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à Mme la ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement.

Debut de section - PermalienNathalie Kosciusko-Morizet, ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement

Madame la députée, vous voudriez faire croire à un revirement récent du Gouvernement sur ce sujet.

Debut de section - PermalienNathalie Kosciusko-Morizet, ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement

Je vous invite à reprendre toutes les interventions que j'ai faites dans cet hémicycle depuis le mois de janvier. Elles ont été nombreuses puisque des questions sur le gaz de schiste, il y en a toutes les semaines. Vous y trouverez une position constante : oui, l'inquiétude est vive face aux projets d'exploration des gaz et huiles de schiste. Elle est relayée depuis le début par des élus de tous bords, comme en témoigne d'ailleurs le grand nombre de propositions de loi déposées.

Debut de section - PermalienNathalie Kosciusko-Morizet, ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement

Elle trouve sa source dans l'expérience américaine et l'écho qui en a été donné par le film Gasland.

Devant ces enjeux complexes et les risques environnementaux tels qu'on les voit dans ces images,…

Debut de section - PermalienNathalie Kosciusko-Morizet, ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement

J'ai demandé il y a déjà plusieurs semaines, avec mon collègue Éric Besson, en charge de l'énergie, qu'une mission d'inspection soit réalisée. Dans l'attente du résultat de cette mission, toute opération de fracturation hydraulique a été suspendue, ainsi que l'a souhaité le Premier ministre.

Sur la base de cette mission qui doit rendre son rapport d'étape d'ici à quelques jours, le Gouvernement précisera sa position pour l'avenir et pour la discussion parlementaire. Et je suis heureuse de voir que les parlementaires sont en train de faire converger leurs différentes propositions, ce qui me semble conforme à la mobilisation de tous, sur tous ces bancs, depuis le début des échanges.

Et puisque cet épisode a montré le caractère quelque peu antique du code minier dont les procédures de consultation sont moins que minimales au stade des permis d'exploration, le Gouvernement a engagé la modification du code minier ce matin même, en conseil des ministres, à l'occasion d'un projet de loi ratifiant une ordonnance de codification. Alors que cette codification était initialement prévue à droit constant, le Gouvernement proposera d'introduire une procédure de consultation du public dès les permis d'exploration. Vous le voyez, nous aurons prochainement de belles occasions de débattre de ces enjeux au Parlement. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Gaz de schiste

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Christian Jacob, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Jacob

Monsieur le Premier ministre, en 2005, le Parlement a donné valeur constitutionnelle à la charte de l'environnement et plus particulièrement au principe de précaution. Au nom de ce principe, il est de notre responsabilité d'interdire l'exploitation et l'exploration des hydrocarbures non conventionnels par fracturation hydraulique. Il est également de notre responsabilité d'abroger les permis délivrés.

C'est le sens de la proposition de loi que j'ai déposée avec de nombreux collègues du groupe UMP, proposition dont les motivations sont je crois partagées sur l'ensemble de ces bancs.

Vous avez demandé, monsieur le Premier ministre, que la procédure d'urgence soit utilisée, et je vous en remercie. Cela permettra au Parlement d'avoir une position tranchée avant l'été.

Si nous ne pouvons prendre le risque de réaliser des dommages irréversibles pour notre environnement, pour nos paysages, pour nos nappes phréatiques, nous ne pouvons pas non plus verser dans l'obscurantisme.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Jacob

C'est pourquoi nous souhaitons que la mission que vous avez confiée au conseil général de l'environnement et au conseil général de l'industrie soit prolongée au-delà des trois mois prévus, afin que nous disposions d'une expertise à la fois transparente, accessible à l'ensemble de nos concitoyens et scientifiquement incontestable. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienFrançois Fillon, Premier ministre

Mesdames et messieurs les députés, il est légitime que notre pays conduise des recherches pour savoir s'il y a des gisements d'énergie qui peuvent être exploités. Il est tout aussi légitime que nos concitoyens soient inquiets s'agissant des autorisations données en matière d'exploration et d'exploitation de gisements de gaz de shit (Exclamations et rires sur de nombreux bancs), pardon, de gaz de schiste (« Ah ! » sur les mêmes bancs), compte tenu des méthodes actuellement employées ainsi que de l'expérience de nombreux autres pays, les États-Unis en particulier.

Les autorisations qui ont été données l'ont été dans des conditions qui ne sont pas satisfaisantes.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Glavany

Heureusement que Borloo ne vous a pas remplacé !

Debut de section - PermalienFrançois Fillon, Premier ministre

Il n'y a pas eu assez de concertation ni d'information. J'en prends, en tant que chef du Gouvernement, ma part de responsabilité.

Pour qu'il n'y ait aucun doute dans le débat entre les Français et le Gouvernement sur ce sujet, je considère qu'il faut tout remettre à plat et donc annuler les autorisations déjà données.

Debut de section - PermalienFrançois Fillon, Premier ministre

Plusieurs propositions de loi ont été déposées en ce sens. C'est la meilleure façon d'aller vite et le Gouvernement les soutiendra.

En même temps, mesdames et messieurs les députés, je ne veux pas que nous fermions la porte à toute possibilité d'exploiter demain, avec d'autres techniques, ces gisements. C'est la raison pour laquelle j'ai demandé au conseil général de l'industrie, de l'énergie et des technologies et au conseil général de l'environnement et du développement durable de conduire une mission de recherche scientifique sur les possibilités d'exploiter demain ces gisements avec d'autres technologies. J'ai décidé de prolonger cette mission afin que la recherche scientifique soit conduite jusqu'à son terme.

Mesdames et messieurs les députés, il n'est pas question de sacrifier notre environnement, mais il n'est pas question non plus de fermer la porte à des progrès technologiques qui permettraient demain d'accéder à de nouvelles ressources énergétiques. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Roland Muzeau, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland Muzeau

Monsieur le Premier ministre, en dix ans, les inégalités de revenu et de patrimoine ont explosé.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland Muzeau

Par vos choix fiscaux de classe au bénéfice des plus fortunés, du bouclier fiscal à la baisse des droits de mutation, votre gouvernement a encouragé le grand retour des héritiers en même temps qu'il multipliait par deux la dette de la France.

Entre 2004 et 2007, 0,01 % de nos concitoyens, les plus riches, ont vu leurs revenus augmenter de 40 %, soit un gain annuel de 360 000 euros.

La crise a boosté les dividendes des actionnaires du CAC 40, en progression de 13 % en 2010, comme le patrimoine des cinq cents plus grosses fortunes, en augmentation de 25 %.

La rémunération annuelle des grands patrons vaut désormais des centaines voire des milliers d'années de SMIC, quand six millions de salariés touchent moins de 750 euros par mois. Quant aux 10 % de salariés du secteur privé payés au SMIC, vous leur refusez tout coup de pouce depuis 2007.

Face à ces injustices, le ressentiment des Français est immense. Ils sont appauvris par l'augmentation des dépenses obligatoires – logement, transports, énergie, sans parler de l'envolée des prix des produits de première nécessité – et par la stagnation des salaires.

Avec votre « panier essentiel » du pauvre, l'encadrement des prix énergétiques ou le forfait kilométrique, vous bricolez pour faire illusion. La réalité, c'est qu'une fois encore vous vous apprêtez à exonérer d'ISF 300 000 foyers fiscaux et à en alléger 200 000 autres, pour une perte de recettes de 1,6 milliard d'euros. Votre gouvernement ose, dans le même temps, diminuer de 35 % l'allocation en faveur des demandeurs d'emploi en formation.

Les revenus, l'augmentation des salaires, voilà la priorité des Français. Il faut une autre répartition des richesses entre le capital et le travail. Le Gouvernement pourrait agir sur le SMIC, programmer son augmentation.

Monsieur le Premier ministre, il y a urgence. Allez-vous prendre des mesures et convoquer une conférence nationale sur les salaires ? (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR et sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. le ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'État, porte-parole du Gouvernement.

Debut de section - PermalienFrançois Baroin, ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'état, porte-parole du Gouvernement

Monsieur le député, vous mélangez un peu tout et son contraire. (« Mais non ! » sur plusieurs bancs des groupes GDR et SRC.) Vous restez enfermé dans un dogme. J'avais pourtant cru comprendre que vous aviez abandonné depuis longtemps le thème de la lutte des classes. (Exclamations sur les bancs du groupe GDR.)

Debut de section - PermalienFrançois Baroin, ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'état, porte-parole du Gouvernement

La réalité est que vous niez ce constat d'évidence qui s'est imposé à tous : l'impact de la crise mondiale venue des États-Unis a affecté l'ensemble des économies européennes. Face à cela, nous avons défini une méthode, déterminé un calendrier et fixé des objectifs.

La méthode a consisté à gérer l'urgence et à parer à la chute dans le vide, c'est-à-dire à protéger les économies,…

Debut de section - PermalienFrançois Baroin, ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'état, porte-parole du Gouvernement

…l'investissement et donc l'emploi en sauvant le dispositif bancaire. Aider les banques a été un moyen pour l'État de récupérer de l'argent, de protéger les économies des particuliers,…

Debut de section - PermalienFrançois Baroin, ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'état, porte-parole du Gouvernement

…de provoquer un effet de levier pour les entreprises et donc de susciter la création d'emplois.

Ensuite, en préservant notre modèle social, nous avons amorti l'impact social de la crise. La France a été le pays qui s'est en Europe le mieux sorti de la récession. Nous en sommes sortis plus vite…

Debut de section - PermalienFrançois Baroin, ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'état, porte-parole du Gouvernement

…et nous en arrivons aujourd'hui au troisième stade, celui de la gestion de la crise budgétaire qui nous amène à proposer des économies en matière de dépenses. Nous allons plus vite que prévu au rendez-vous que nous nous sommes fixé, conforme à l'engagement français de réduction des déficits.

Le pouvoir d'achat constitue notre priorité. C'est le sens des mesures prises par le Premier ministre concernant le gaz, l'électricité, les frais kilométriques.

Debut de section - PermalienFrançois Baroin, ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'état, porte-parole du Gouvernement

Quant à la réforme annoncée ce matin, j'y reviendrai, elle est juste, lisible, équilibrée.

Debut de section - PermalienFrançois Baroin, ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'état, porte-parole du Gouvernement

Elle ne coûte rien aux finances publiques et ce sont les mêmes qui financeront cette réforme,…

Debut de section - PermalienFrançois Baroin, ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'état, porte-parole du Gouvernement

…que personne de sérieux, au fond, ne peut contester. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Olivier Jardé, pour le groupe Nouveau Centre.

Debut de section - PermalienPhoto de Olivier Jardé

Ma question s'adresse à Mme la secrétaire d'État chargée de la santé. J'y associe mes collègues Leteurtre et Vialatte.

Madame la secrétaire d'État, nous savons tous que la vaccination est l'un des grands acquis du XXe siècle en matière de santé publique.

Debut de section - PermalienPhoto de Olivier Jardé

Depuis 1974, et surtout à partir de 1990, les campagnes de vaccination ont été particulièrement élargies, entraînant une baisse importante de la mortalité, voire la disparition de certaines maladies. C'est dire le bien-fondé de ce taux élevé de vaccination en France.

En 1990, nous étions au-dessus de 70 %. Aujourd'hui, nous régressons, puisque nous sommes tombés bien en dessous. Il faut bien dire que certaines campagnes sur internet ont provoqué une désaffection massive. Ainsi, l'année dernière, on a dénombré environ 4 500 décès dus à l'absence de vaccination. Certes, me direz-vous, il s'agissait parfois de personnes âgées qui n'avaient pas été vaccinées contre la grippe. Mais il y a également ces 5 000 nouveaux cas de rougeole – oui, la rougeole réapparaît en France –, dont 30 % ont entraîné des hospitalisations, notamment chez des sujets particulièrement jeunes, d'une vingtaine d'années.

La semaine européenne de la vaccination aura lieu prochainement. Elle doit promouvoir de nouveaux vaccins, comme celui du cancer de l'utérus, mais également rappeler à la population européenne qu'il faut se faire vacciner, faire vacciner ses enfants et ne pas oublier les rappels afin de limiter la chaîne de la maladie.

Madame la secrétaire d'État, pourriez-vous faire part à la représentation nationale de vos intentions afin de développer l'information et d'assurer une véritable relance de la vaccination dans notre pays ? (Applaudissements sur les bancs du groupe NC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à Mme la secrétaire d'État chargée de la santé.

Debut de section - PermalienNora Berra, secrétaire d'état chargée de la santé

Vous avez raison, monsieur le député, la vaccination reste une arme majeure dans la lutte contre les maladies infectieuses. Mais nous avons à faire face à une double perception. Pour commencer, les Français ont un rapport complexe à la vaccination : ils en recherchent la protection, mais ils en craignent les effets collatéraux, supposés ou réels. Par ailleurs, si les progrès de la médecine ont permis de faire baisser le nombre des pandémies baisser, cela a contribué, du coup, à éloigner les Français de la vaccination.

Tant et si bien que nous nous retrouvons aujourd'hui face des signaux plutôt préoccupants : ainsi en est-il, vous l'avez rappelé, de cette recrudescence des cas de rougeole, qui sont passés de quarante en 2007 à 5 000 en 2010.

Debut de section - PermalienNora Berra, secrétaire d'état chargée de la santé

Dans ce contexte, Xavier Bertrand et moi-même avons décidé de lancer des travaux visant à élaborer une véritable stratégie nationale afin d'améliorer la protection vaccinale de nos concitoyens. Deux objectifs doivent être poursuivis : restaurer la confiance dans les vaccins et, bien sûr, placer les professionnels de santé au coeur du dispositif de vaccination.

Debut de section - PermalienNora Berra, secrétaire d'état chargée de la santé

Ce sera une mobilisation de proximité ; y participeront, bien entendu, les agences régionales de santé, qui seront les opérateurs de cette stratégie nationale. Entre le 26 avril et le 2 mai, la Semaine européenne de la vaccination sera précisément l'occasion de lancer cette campagne nationale afin de sensibiliser tous les acteurs de la vaccination, y compris nos concitoyens, autour d'un projet commun. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Christian Eckert, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Eckert

Monsieur le ministre du budget, durant les campagnes électorales et dans nos circonscriptions, sur les marchés, nos concitoyens nous parlent de la baisse de leur pouvoir d'achat, de la hausse du prix du panier de la ménagère, de l'explosion du prix des énergies, du non-remboursement des soins médicaux, du blocage des salaires. Sur tout cela, ils n'ont pas de réponse.

Par contre, depuis six mois, le Président de la République promet au premier cercle et aux plus fortunés la fin de l'ISF auquel seuls 2 % des Français sont assujettis. Notre combat contre votre scandaleux bouclier fiscal, combat partagé par des millions de Français, oblige votre gouvernement à le supprimer ; mais parallèlement, vous bidouillez l'ISF ! Vous en baissez les taux en les divisant par deux, et même par trois pour les plus riches. Vous en exonérez certains. Vous maintenez niches et abattements. De votre propre aveu, à l'issue de votre bricolage, les plus fortunés paieront environ 1 milliard de moins qu'avant. Quelle injustice !

Le bouclier et le paquet fiscal auront fait perdre 24 milliards de recettes au budget de notre pays en trois ans…

C'est la crise, dites-vous. La crise n'est ignorée par personne, surtout pas par les millions de nos compatriotes qui en payent le prix, majoré des largesses accordées à certains, même pendant la crise.

Alors, qui paiera le milliard qui ne sera plus payé en ISF ? Votre réforme en trompe-l'oeil commencera-t-elle dès 2011, ou les cadeaux dureront-ils encore une année de plus ? À quand la progressivité de l'impôt juste et équitable que chacun doit payer selon ses capacités ? Pour 2012, c'est l'ambition de notre projet ; et si ce dernier vous dérange tant, c'est qu'il n'a rien à voir avec votre politique de Gribouille ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et sur quelques bancs du groupe GDR.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. le ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'État, porte-parole du Gouvernement.

Debut de section - PermalienFrançois Baroin, ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'état, porte-parole du Gouvernement

Monsieur le député, vous posez la question du pouvoir d'achat. Je le dis et le redis, c'est la priorité de l'action gouvernementale pour les semaines et les mois qui viennent.

Debut de section - PermalienFrançois Baroin, ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'état, porte-parole du Gouvernement

Ne vous en déplaise, vous devriez accompagner et encourager le Gouvernement dans le chemin qu'il trace, parce que c'est le plus juste.

Oui, les mesures prises par le Gouvernement concernant l'électricité sont des mesures de justice sociale, de compétitivité économique et de protection des plus fragiles, en n'augmentant pas le tarif de l'électricité de plus de 2,9 %, contrairement aux 5 % annoncés et demandés par certains.

Le gel de l'augmentation du gaz pour cette année aussi est un geste important en faveur du pouvoir d'achat.

De même, le relèvement de 4,6 % du barème des frais kilométriques, que le Premier ministre m'a demandé en tant que ministre du budget, c'est encore un geste en faveur de la France qui travaille, puisque les remboursements seront imputés sur les impôts de 2010, et donc payés en 2011 pour celles et ceux qui utilisent leur voiture entre leur domicile et leur lieu de travail, et sont donc confrontés à l'augmentation de leur facture d'essence.

Debut de section - PermalienFrançois Baroin, ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'état, porte-parole du Gouvernement

Je pourrais égrener toutes les mesures que nous avons prises et que nous allons prendre, notamment celles qui figureront dans le collectif budgétaire du mois de juin, visant à une meilleure répartition des dividendes. Vous ne ferez croire à personne que cette politique ne va pas dans la bonne direction.

De même, vous aurez du mal à trouver un angle d'attaque à propos du bouclier fiscal. L'acte I de cette réforme, c'est d'abord et avant tout la disparition du bouclier. Vous ne pouvez pas tenir dans la même phrase des propos contradictoires, c'est-à-dire contester sa suppression par le Gouvernement tout en soutenant que vous étiez les premiers à la demander !

Debut de section - PermalienFrançois Baroin, ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'état, porte-parole du Gouvernement

Vous m'interrogez ensuite sur le financement de cette mesure. Aucun de ceux qui ne sont pas actuellement assujettis à l'ISF ne financera la compensation de cette réforme. La réforme de l'ISF, corrélative à la suppression du bouclier, est inévitable, parce qu'il fallait mettre fin à cette anomalie française. Elle est juste : personne ne peut sérieusement contester l'évolution du prix de l'immobilier, personne ne peut sérieusement contester le caractère confiscatoire du système actuel, personne ne peut contester que cette réforme sera utile à notre économie. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Serge Poignant, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Serge Poignant

Monsieur le ministre de l'agriculture, vous savez que notre agriculture souffre, en termes de compétitivité, d'un désavantage concurrentiel certain, dû au coût de la main-d'oeuvre, surtout lorsqu'elle en est très utilisatrice, ce qui est spécialement le cas dans le secteur des fruits et légumes ou l'arboriculture.

Conscient de cette difficulté et de ses conséquences, le Gouvernement, sous votre impulsion, a pris des mesures pour réduire les charges sociales sur les emplois saisonniers, soulageant ainsi nos professionnels, et je vous en remercie vivement.

Vous avez de plus confié à notre collègue Bernard Reynès une mission sur cet important sujet du coût de la main-d'oeuvre dans l'agriculture française.

La profession attend de nécessaires mesures allant au-delà du travail saisonnier, et je sais que le Premier ministre partage votre préoccupation.

Nos collègues du Nouveau Centre ont déposé une proposition de loi cosignée par un certain nombre de députés de l'UMP. Vous avez expliqué en commission des affaires économiques pourquoi elle ne pouvait répondre juridiquement et économiquement à la question – question légitime, avez-vous toutefois précisé.

Nous en discuterons demain ici même, monsieur le ministre, mais pouvez-vous, dès aujourd'hui, assurer à la représentation nationale, comme l'a fait le Premier ministre au congrès de la FNSEA fin mars, que le Gouvernement donnera son accord à des mesures concrètes significatives, à définir conjointement avec les députés, afin de répondre à cette question préoccupante pour l'avenir de notre agriculture, en vue d'une application au plus tard au 1er janvier 2012 ? (Applaudissements sur les bancs de nombreux bancs des groupes NC et UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche, de la ruralité et de l'aménagement du territoire.

Debut de section - PermalienBruno le Maire, ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche, de la ruralité et de l'aménagement du territoire

Nous devons et nous allons gagner la bataille de la compétitivité agricole française. Je refuse que la France continue de perdre des parts de marché au profit de l'Allemagne, de l'Espagne, ou de l'Italie sur un certain nombre de secteurs agricoles. (Applaudissements sur les bancs du groupe NC et sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Folliot

Alors, approuvez la proposition de loi du Nouveau Centre !

Debut de section - PermalienBruno le Maire, ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche, de la ruralité et de l'aménagement du territoire

Je me réjouis de voir que la balance commerciale du secteur agroalimentaire est en train de se redresser cette année, et qu'elle permettra de regagner du terrain en matière de compétitivité.

Nous avons déjà fait une partie du chemin en exonérant de toute charge, à la demande du Président de la République et du Premier ministre, les salariés occasionnels agricoles. C'est le seul secteur de l'économie qui bénéficie d'une telle exonération. Cela a permis de ramener le prix de l'heure de travail occasionnel de 12,43 euros à 9,29 euros très précisément. C'est un progrès considérable pour la moitié de la masse salariale agricole dans notre pays.

Il reste à faire l'autre moitié du chemin. J'ai lu avec attention la proposition de loi déposée par le Nouveau Centre, notamment par Jean Dionis du Séjour, visant à alléger les charges sur le travail permanent dans l'agriculture.

Très franchement, je suis réservé sur cette proposition de loi, qui n'offre pas toutes les garanties au regard du droit européen. Je ne ferai jamais courir aux paysans français le risque d'avoir à rembourser demain les aides de l'État qui leur seraient accordées aujourd'hui. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et sur plusieurs bancs du groupe NC.)

Je prends en revanche l'engagement, à la suite de ce qu'a annoncé le Premier ministre au congrès de la FNSEA à Saint-Malo, que nous allons travailler ensemble sur une exonération de charges permanente pour les agriculteurs français, qui sera adoptée à l'automne et mise en oeuvre au 1er janvier 2012 afin que dès cette date, nous ayons encore amélioré la compétitivité de notre agriculture. (Applaudissements sur les bancs des groupes NC et UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à Mme Jacqueline Fraysse, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacqueline Fraysse

Monsieur le ministre de la santé, chaque année plus de trois millions de personnes donnent gratuitement leur sang pour sauver des vies. Plus d'un million de malades en bénéficient.

Le service public de la transfusion est confié à l'Établissement français du sang, qui a le monopole de la collecte de sang, de plasma et de plaquettes dans 153 sites fixes et 40 000 unités mobiles.

Une fois collectés, les échantillons et les poches de sang sont acheminés vers quatorze laboratoires répartis sur le territoire, chargés de la qualification biologique des dons, c'est-à-dire de l'analyse des échantillons avant leur utilisation pour des transfusions ou pour la fabrication de médicaments dérivés du sang.

Dans le cadre de la revue générale des politiques publiques, l'Établissement français du sang a entrepris de réduire à quatre le nombre de ces laboratoires, ce qui est parfaitement irresponsable.

Le transport des plaquettes vers quatre sites au lieu de quatorze prendra plus de temps, or leur durée de conservation est limitée à cinq jours.

Plus de deux cents postes de travail, soit la moitié des effectifs, seront supprimés pour traiter la même quantité de produits.

Si un incident technique conduit à fermer l'un des quatre laboratoires, un quart de la collecte de sang sera paralysée.

Ainsi, outre les centaines de véhicules jetés sur les routes pour acheminer vers ces quatre sites les collectes du jour, vous mettez en cause la sécurité : celle des produits et celle de nos concitoyens.

C'est très grave. Un rapport d'expertise remis en mars dernier au comité central d'entreprise juge irréalisable, illogique et peu fiable ce projet, qui répond à des motivations purement économiques et va entraîner de graves dysfonctionnements.

Je demande donc au ministre de la santé de suspendre cette restructuration et de charger un organisme extérieur d'en analyser les risques. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à Mme la secrétaire d'État chargée de la santé.

Debut de section - PermalienNora Berra, secrétaire d'état chargée de la santé

Madame la députée, vous le savez, l'Établissement français du sang est l'opérateur civil unique de la transfusion sanguine, qui collecte, prépare, qualifie et distribue des produits sanguins labiles dans plus de 1 900 établissements en France.

Debut de section - PermalienNora Berra, secrétaire d'état chargée de la santé

Aujourd'hui, l'Établissement français du sang s'est engagé dans un projet de restructuration en regroupant ses quatorze laboratoires actuels de qualification biologique du don, de tailles et d'activité différentes, en quatre plateaux interrégionaux.

Debut de section - PermalienNora Berra, secrétaire d'état chargée de la santé

C'est parce que les produits sanguins labiles sont indispensables, hautement sensibles, et souvent utilisés lorsque le pronostic vital est en jeu, que nous devons garantir à nos concitoyens la sécurité la plus grande.

Debut de section - PermalienNora Berra, secrétaire d'état chargée de la santé

Tel est l'objectif de cette réorganisation. La sécurité passe inévitablement par la standardisation, par l'harmonisation des méthodes utilisées et par l'unification des processus de qualification des plateaux.

Parallèlement, il n'y aura aucun licenciement. L'EFS s'y est engagé, et le Gouvernement y veillera tout particulièrement. Notre objectif, à Xavier Bertrand et à moi-même, est de garantir la sécurité des patients. L'efficience recherchée ne sera jamais obtenue au détriment des patients. C'est pourquoi, je le rappelle, la démarche de regroupement se fera étape pas étape.

La première étape aura lieu au cours du dernier trimestre 2011, et je m'engage à ce qu'un bilan en soit réalisé.

Debut de section - PermalienNora Berra, secrétaire d'état chargée de la santé

Nous démarrerons en 2012 la deuxième étape. C'est bien au vu de ce bilan que les étapes suivantes interviendront. Vous le voyez, madame la députée, le projet s'inscrit pleinement dans la recherche de la qualité et de la sécurité des soins apportés à nos concitoyens.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Olivier Carré, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Olivier Carré

Monsieur le ministre du budget et des comptes publics, vous vous étiez engagé lors du débat budgétaire de l'automne 2010 à nous proposer une réforme importante de la fiscalité du patrimoine.

Vous avez tenu parole et c'est aujourd'hui chose faite. (Rires sur les bancs du groupe SRC.) Le Président de la République lui-même, après avoir lancé une série d'études sur la comparaison entre la fiscalité française et celle de ses voisins européens, notamment l'Allemagne, avait suggéré de moins taxer le stock de patrimoine et, en contrepartie, de taxer davantage les flux.

Debut de section - PermalienPhoto de Olivier Carré

Un travail a été engagé depuis la fin janvier avec les parlementaires de la majorité. Je tiens à saluer, monsieur le ministre, votre écoute et votre esprit de synthèse qui a permis, hier, d'aboutir à un train de mesures équilibré et juste, dont je vous propose de nous tracer les contours.

Pouvez-vous notamment rassurer les Français sur le sort de la fiscalité applicable à l'assurance-vie, placement auquel ils sont particulièrement attachés ?

Enfin, nous sommes nombreux à rester préoccupés par le départ des capitaux vers d'autres pays. Quasiment tous les pays européens ont un mécanisme qui permet de prélever l'impôt dû sur les richesses créées sur leur sol avant leur départ. Qu'en est-il de la France ?

Enfin, les travaux que nous avons menés ensemble montrent que l'ISF a nui à la croissance des PME depuis près de trente ans, et donc à l'emploi. Qu'attendez-vous du débat parlementaire sur cette question ?

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. le ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'État, porte-parole du Gouvernement.

Debut de section - PermalienFrançois Baroin, ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'état, porte-parole du Gouvernement

Monsieur Carré, permettez-moi, à mon tour, de vous remercier ainsi que les membres du groupe qui, installés sous l'autorité du Premier ministre, travaillent depuis de nombreux mois sur l'équilibre d'ensemble d'une réforme qui vise un double objectif de justice et de compétitivité. Je ne peux que me louer de ces réunions de travail qui nous auront fait progresser et réfléchir en commun et montrent que le travail collectif entre la majorité et le Gouvernement trouve une traduction concrète : nous le verrons au mois de juin à l'occasion du collectif budgétaire.

Quel est l'esprit et quelle est l'articulation de cette réforme ? Elle est très simple, c'est peut-être son grand mérite.

D'abord la suppression du bouclier fiscal. C'était un souhait de la majorité (Exclamations sur les bancs du groupe SRC), c'était un souhait de la gauche. (Exclamations sur les mêmes bancs.) Accompagnez-la ! Rendez-vous en juin ! Votez-la !

Ensuite, il n'était pas concevable de supprimer le bouclier sans transformer en profondeur l'ISF, qui, au fil des ans, je l'ai dit tout à l'heure, était devenu une anomalie, mais surtout une mesure anti-compétitive.

Nous avons travaillé sur le bas et sur le haut de la colonne. Sur le bas, en sortant 300 000 personnes qui n'étaient assujetties à l'ISF que par l'évolution de l'immobilier. L'évolution de l'immobilier, c'est un fait, ce n'est pas contestable, ce n'est pas une question d'idéologie politique.

Le taux marginal était terriblement élevé : à l'époque où Mitterrand et la gauche, alors au pouvoir, avaient arrêté cette affaire, les emprunts d'État étaient à 17 %. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Aujourd'hui, ils sont à 3,6 %. Au début des années 80, on demandait 10 % de l'effort au contribuable ; au début des années 2000, on réclamait 50 % ! Là encore, même à gauche, on entend des voix et des gens raisonnables qui soutiennent cette démarche.

Nous allons épargner, à la demande du Président de la République et du Premier ministre tout ce qui touche l'assurance-vie. C'est une épargne à laquelle les Français sont attachés. Elle ne sera pas concernée par la réforme.

Enfin, nous allons mettre en place une exit tax pour dissuader l'exil fiscal. Quant au financement de la réforme, il sera prélevé sur les hautes successions. Là encore, mesdames et messieurs les représentants de la gauche, vous pouvez nous accompagner sur cette démarche.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Dominique Baert, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Baert

Monsieur le ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et de la vie associative, partout se déroulent en France des manifestations d'enseignants, de parents d'élèves, d'élus, contre votre politique de destruction massive d'emplois dans nos écoles, nos collèges, nos lycées.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Baert

Le plan social le plus important de France, c'est vous qui êtes en train de le conduire… Regardez la réalité, celle par exemple que vivent les professeurs, les élèves et les parents du lycée Sévigné de Tourcoing, qui ont pris un bus pour venir ce matin, devant l'Assemblée Nationale, crier leur colère et chercher l'espoir d'être défendus. Nous, nous les soutenons, mais vous, saurez-vous les écouter ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

À la rentrée prochaine, dans ce lycée, compte tenu de la suppression de huit postes, les classes seront de plus de trente-cinq élèves ! Que signifie, monsieur le ministre, dans ces conditions, votre discours sur l'accompagnement individuel des élèves ? N'est-ce pas un double langage ? Vous institutionnalisez le décrochage scolaire. Pire, ces suppressions de postes vont remettre en cause toute la filière sanitaire et sociale, pourtant porteuse d'emplois. Où iront les jeunes à qui l'on bouche délibérément tout avenir professionnel, alors que déjà 25 % d'entre eux sont au chômage ?

Dans ma commune de Wattrelos, le lycée Alain-Savary se bat pour sauver sa filière de maintenance industrielle. À Roubaix, les lycées Baudelaire, Jean-Rostand, Jean-Moulin, Turgot perdent eux aussi postes et filières. À la rentrée, les classes de ces établissements seront surchargées, des classes où vous allez noyer, monsieur le ministre, l'espérance de réussite de toute une jeunesse.

Plutôt que de proposer le mois prochain à l'Assemblée nationale une nouvelle loi de finances pour diminuer l'impôt sur la fortune des plus riches, le Gouvernement ferait mieux de faire voter une loi de finances rectificative immédiate pour annuler toutes les suppressions de postes de la prochaine rentrée scolaire. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

En manifestant, les enseignants de Sévigné scandaient : « Aujourd'hui on n'a plus le droit ni d'enseigner ni d'avoir foi ». Monsieur le ministre, allez-vous rendre leur foi à ces enseignants et à tous ceux de France, en leur donnant les moyens nécessaires pour assurer ce que nous avons de plus précieux : l'éducation de nos enfants et de notre jeunesse. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. le ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et de la vie associative.

Debut de section - PermalienLuc Chatel, ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et de la vie associative

Monsieur Baert, vous ne voulez manifestement pas regarder la réalité en face : vous ne voulez pas voir qu'à la prochaine rentrée scolaire, il y aura plus de professeurs et moins d'élèves que lorsque M. Jospin était ministre de l'éducation nationale. (Vives exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Vous ne voulez pas voir que cette majorité a voté le budget de l'éducation nationale le plus important jamais adopté par le Parlement. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Vous ne voulez pas voir que ce Gouvernement a mis en place les réformes en profondeur du lycée professionnel et du lycée général qui ont pour objectif d'améliorer l'insertion professionnelle des jeunes.

Debut de section - PermalienLuc Chatel, ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et de la vie associative

Le taux d'élèves passant en première pro a augmenté lors de la dernière rentrée : il est passé de 40 à 61 %. La réforme du lycée général vise à orienter davantage d'élèves vers l'enseignement supérieur. C'est l'objectif de l'accompagnement personnalisé, de la personnalisation de l'enseignement, de ces deux heures par semaine, que nous mettons en place dans votre académie, monsieur Baert, comme ailleurs.

Debut de section - PermalienLuc Chatel, ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et de la vie associative

Vous avez mal choisi votre exemple, monsieur le député. Que faisons-nous au lycée Sévigné de Tourcoing ? Nous adaptons l'offre éducative à la réalité. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Il y a moins de besoins au lycée général et technologique dans les sciences et technologies sanitaires et sociales. Donc il est vrai qu'à la rentrée scolaire, il n'y aura plus trois classes, mais seulement deux,…

Debut de section - PermalienLuc Chatel, ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et de la vie associative

…à un détail près : vous oubliez de mentionner que, sur le même site, il y a un lycée professionnel, avec une offre de BEP en carrières sanitaires et sociales, que nous allons transformer en bac pro, et que nous y créerons six postes à la prochaine rentrée ! (Exclamations et applaudissements sur les bancs du groupe UMP.) Alors, de grâce, assez de caricatures et de démagogie sur ces sujets ! (Protestations sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Sébastien Huyghe, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Sébastien Huyghe

Ma question s'adresse à M. le garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés.

Après la nécessaire réforme, hier, de la garde à vue, nous poursuivons la réforme de notre procédure pénale. Ce matin, vous avez présenté en conseil des ministres le projet de loi relatif à la participation des citoyens au fonctionnement de la justice pénale et au jugement des mineurs.

Ce texte reprend les annonces du Président de la République, qui souhaite la participation des jurés populaires en correctionnelle ainsi qu'une réponse pénale mieux adaptée et plus rapide à la délinquance des mineurs.

Avec l'ensemble de mes collègues du groupe UMP, je me réjouis de cette réforme. Même sur les bancs de l'opposition, un certain nombre de parlementaires appellent ce texte de leurs voeux.

En effet, cette réforme permettra à nos concitoyens de mieux comprendre certaines décisions de justice, mais également de rendre l'institution judiciaire plus proche des Français. Être associé aux décisions de justice sera en outre un acte de citoyenneté très fort ; ce sera également la démonstration la plus évidente que la justice est rendue au nom du peuple français.

Pouvez-vous, monsieur le garde des sceaux, nous préciser les contours de cette réforme, les conditions dans lesquelles des citoyens participeront aux jugements en correctionnelle, le nombre de jurés envisagé par instance, les délits pour lesquels leur participation sera requise ?

Certains se plaignent aujourd'hui de constater une correctionnalisation de certains crimes. Le projet de texte comporte-t-il des dispositions de nature à lutter contre ce phénomène ? Par ailleurs, pouvez-vous nous indiquer le coût estimé de la réforme et les moyens qui seront donnés à la justice pour la mettre en oeuvre ?

Enfin, le Président de la République avait annoncé que ces dispositions entreraient en application rapidement : quel est le calendrier envisagé ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. le garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés.

Debut de section - PermalienMichel Mercier, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés

Monsieur le député, cette réforme vise à répondre aux demandes des Français, qui exigent de plus en plus de la justice, et à les faire participer à l'oeuvre de justice. C'est d'abord une réforme civique.

Comme vous l'avez vous-même indiqué, la réforme du tribunal correctionnel concernera un certain type de délits – tout ce qui concerne les atteintes aux personnes – punis de plus de cinq ans d'emprisonnement.

Debut de section - PermalienMichel Mercier, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés

Deux jurés citoyens viendront siéger à côté des trois magistrats professionnels. En cela, nous observons strictement la jurisprudence du Conseil constitutionnel, qui en a décidé ainsi en 2005. Environ 40 000 affaires correctionnelles relèveront de cette nouvelle juridiction et quelque 8 000 jurés seront concernés chaque année.

À l'instar des jurés d'assises, ils seront tirés au sort et participeront, pendant une semaine environ, aux sessions du tribunal.

En outre, il y aura une réforme des assises pour éviter la correctionnalisation. Aujourd'hui, près de 80 % des crimes sont correctionnalisés. Avec cette réforme, tous les crimes relèveront de la juridiction d'assises départementale.

Cette réforme a évidemment un coût. Le Premier ministre a décidé d'accorder des moyens humains et matériels : 155 postes de magistrats et 100 postes de greffiers seront créés ; 30 millions d'euros sont dégagés pour les travaux immobiliers dans les juridictions.

La mise en oeuvre de la réforme se fera progressivement. Nous commencerons le 1er janvier 2012 avec deux cours d'appel, avant d'étendre la réforme aux autres cours. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Victorin Lurel, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.

Debut de section - PermalienPhoto de Victorin Lurel

Monsieur le Premier ministre, après le drame de Pornic et les déclarations du chef de l'État, les magistrats ont organisé une journée nationale de sensibilisation le 29 mars dernier.

Le constat est unanime : la justice est nue, elle est quasiment en faillite (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) et, partout, les violences explosent.

Les violences physiques ont bondi de 16 % depuis 2004 sur l'ensemble du territoire national. Dans la seule Guadeloupe, elles ont progressé de 48 % entre 2009 et 2010.

Pour combattre cette insécurité galopante, la justice manque cruellement de moyens, de magistrats, de greffiers, de conseillers d'insertion et de probation. Certains tribunaux ne peuvent même plus faire l'acquisition de codes !

C'est pourtant le moment que choisit votre Gouvernement pour engager des réformes qui s'annoncent déjà aussi coûteuses qu'inefficaces. Après une réforme de la carte judiciaire calamiteuse et une RGPP traumatisante, le projet mal abouti de la réforme de la garde à vue et l'introduction des jurés populaires en correctionnelle viendront peser sur des budgets déjà faméliques.

À titre d'illustration, le budget de fonctionnement de la cour d'appel d'Agen a subi une diète de 22 % entre 2009 et 2011. Pour la même période, celle de Bourges a subi une cure d'amaigrissement de 12 %, la palme revenant à celle de Basse-Terre, chez moi, avec 28,55 %.

Outre-mer, cette politique de largage judiciaire est encore plus durement ressentie. La semaine dernière, le sénateur UMP Christian Cointat déclarait en commission des lois, avec une pointe d'humour, que la justice outre-mer, « c'est les Shadoks chez le père Ubu : on pompe, on pompe, rend des jugements qui ne sont pas exécutés. » Pour ne pas aggraver l'engorgement des prisons, vous avez donc trouvé la solution : ne plus exécuter les peines !

Monsieur le Premier ministre, le groupe SRC vous demande solennellement de rompre avec cette politique faite de spectacle, d'émotion, de compassion et de déclarations martiales non assorties de moyens ?

Debut de section - PermalienPhoto de Victorin Lurel

Quand engagerez-vous une véritable programmation pour permettre à la justice d'exercer ses missions ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. le garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés.

Debut de section - PermalienMichel Mercier, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés

Monsieur le député, je ne me livre ni à la politique spectacle, ni aux effets d'annonce. J'espère simplement faire avancer un peu plus chaque jour le service public de la justice. (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Debut de section - PermalienMichel Mercier, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés

Je connais parfaitement les manques du service public. Je sais aussi parfaitement quels sont les efforts réalisés par ce gouvernement.

Debut de section - PermalienMichel Mercier, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés

Sous le gouvernement de François Fillon, le budget de la justice a été préservé chaque année. (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.) Il atteint enfin sept milliards d'euros. C'est probablement insuffisant,…

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Paul Lecoq

Cela fait combien d'années que vous êtes au pouvoir ?

Debut de section - PermalienMichel Mercier, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés

mais, compte tenu de l'état dans lequel il était, c'est un net progrèsqui mérite d'être souligné. (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.) Nous allons poursuivre dans ce sens.

S'agissant de l'outre-mer, le Gouvernement est particulièrement attentif à ce que les juridictions soient au complet. Je reviens de Mayotte où, la semaine dernière, nous avons installé des juridictions de droit commun : 86 personnels de justice seront en poste dans ce département pour rendre la justice. En Guadeloupe, 69 postes seront pourvus après la CAP du mois de juin.

Sur ce point, les progrès sont réels, il faut le souligner. Le Gouvernement veille à ce que les réformes soient suivies des créations de postes nécessaires. C'est la première fois qu'une réforme s'accompagne d'une création de postes de magistrats et de greffiers. Je vous remercie de bien vouloir en prendre acte et dire : bravo ! (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Guy Geoffroy, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Geoffroy

Madame la ministre des solidarités et de la cohésion sociale, vous avez présenté ce matin devant le conseil des ministres le plan 2011-2013 de lutte contre les violences faites aux femmes. Ce plan était attendu, tout particulièrement dans cette assemblée, puisqu'il vient compléter, mettre en oeuvre et prolonger la très importante et consensuelle loi du 9 juillet 2010 qui, nous le savons, a été extrêmement bien ressentie par toutes celles et tous ceux qui luttent de manière déterminée contre les violences faites aux femmes.

Au même moment, j'avais l'honneur de présenter, en tant que rapporteur, le travail que nous avons effectué depuis plus de six mois au sein de la mission d'information sur la prostitution,…

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Geoffroy

…et qui nous a permis d'établir aujourd'hui trente préconisations qui se situent dans la même perspective, en ce sens qu'elles entendent lutter contre la prostitution, manifestation scandaleuse et honteuse de la traite des êtres humains qui constitue un péril de plus en plus grave pour notre pays mais également pour toutes les nations de l'Union européenne.

Dans ce double contexte – mise en oeuvre de la loi de juillet 2010 et préconisations de la mission d'information sur la prostitution – pouvez-vous vous nous préciser, madame la ministre, comment ce plan d'action viendra prolonger des actions déjà menées par les pouvoirs publics, et quels financements soutiendront cette politique déterminée de lutte contre les violences faites aux femmes ? (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Glavany

M. Geoffroy n'a même pas cité le nom de Danielle Bousquet… Quelle élégance !

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à Mme la ministre des solidarités et de la cohésion sociale.

Debut de section - PermalienRoselyne Bachelot-Narquin, ministre des solidarités et de la cohésion sociale

Monsieur le député, le Parlement se souviendra pendant longtemps des travaux remarquables que Danielle Bousquet (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC) et vous-même avez menés dans le cadre de la mission d'information sur la prostitution. Vous en avez abordé tous les aspects, y compris sanitaires et sociaux ; vous avez rappelé que le système de lutte contre la prostitution dans notre pays était abolitionniste : il condamne la prostitution d'autrui, même avec son consentement, et le racolage.

Vous avez fait oeuvre utile en attirant l'attention sur le fait qu'il était curieux que le fait générateur du trouble à l'ordre public et de l'atteinte à la dignité humaine, c'est-à-dire la demande du client, n'était pas pris en compte dans le débat public. Avec Danielle Bousquet, vous avez indiqué une série de pistes qu'il nous faudra suivre.

Ces préconisations entrent en parfaite résonance avec le plan que j'ai présenté ce matin devant le Conseil des ministres et qui se décline en trois chapitres : protection, prévention, sensibilisation.

La protection d'abord, à travers les centres d'accueil de jour, les référents violence, les lieux dédiés aux visites familiales car c'est souvent à l'occasion du droit de visite que s'exercent des violences contre les femmes, qui vont jusqu'au meurtre.

La prévention ensuite, avec des formations dispensées à tous les personnels concernés : policiers, gendarmes, professionnels de santé, officiers d'état-civil, personnels consulaires et diplomatiques.

La sensibilisation enfin, parce que la lutte contre les violences faites aux femmes est du ressort de chacun d'entre nous. Trois campagnes d'information seront lancées, sur la lutte contre le viol, sur les violences sexistes et sexuelles au travail et, bien sûr, sur la prostitution. Rappelons un simple chiffre : quand quelqu'un fait appel aux services d'une prostituée, neuf fois sur dix, il est complice d'une traite d'êtres humains. Il ne faut jamais l'oublier. (Applaudissements sur tous les bancs.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à Mme Catherine Quéré, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Quéré

Monsieur le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche, de la ruralité et de l'aménagement du territoire, je vous pose cette question au nom de mes collègues Pascale Got, Philippe Plisson, Kléber Mesquida, William Dumas, Martine Faure, Marie-Line Reynaud ainsi que de tous les députés socialistes des régions viticoles.

Vous le savez déjà, nous sommes dans la plus grande inquiétude depuis qu'avec le soutien du gouvernement français, par la signature de M. Barnier, la Commission européenne, sous l'impulsion de Mme Fischer Boel, a pris la décision de libéraliser les droits de plantation afin de supprimer tout instrument de régulation.

L'inquiétude, pour ne pas dire l'angoisse, étreint le monde viticole de notre pays. La viticulture fait partie du patrimoine culturel, paysager et surtout économique de notre pays, transmis de génération en génération.

La viticulture française, par ses performances sur le marché mondial, représente un élément essentiel dans la balance commerciale et dans l'économie de notre pays, sans parler des activités touristiques qu'elle génère. Des milliers d'emplois directs ou indirects en découlent. Les ventes de cognac par exemple représentent à elles seules l'équivalent de la vente de trente-cinq Airbus par an. On pourrait évoquer encore l'apport économique des vins du Bordelais, de Bourgogne, de Champagne et de bien d'autres régions viticoles de France.

La libéralisation des droits de plantation aurait des conséquences dramatiques sur le revenu des viticulteurs, elle entraînerait la dévalorisation de leur patrimoine et aurait un impact sur la qualité des produits. Les droits de plantation n'ont jamais empêché le développement de la viticulture européenne, bien au contraire. Ils participent en effet à son succès en permettant d'ajuster l'offre à la demande. Or l'augmentation des surfaces engendrera des surproductions et déstabilisera les marchés.

Monsieur le ministre, où en êtes-vous sur ce dossier ? Nous vous exhortons à faire en sorte que les instances européennes prennent position en faveur du maintien du régime des droits de plantation. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche, de la ruralité et de l'aménagement du territoire.

Debut de section - PermalienBruno le Maire, ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche, de la ruralité et de l'aménagement du territoire

Madame la députée, la Commission européenne et Mme Fischer Boel avaient engagé depuis des années l'agriculture européenne dans la voie d'une libéralisation totale des marchés, à laquelle je suis fermement opposée. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienBruno le Maire, ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche, de la ruralité et de l'aménagement du territoire

Depuis deux ans, j'ai remis l'agriculture française et européenne sur les rails de la régulation des marchés, qu'il s'agisse du lait, des bovins ou des céréales. Cela doit également être le cas de la viticulture.

Debut de section - PermalienBruno le Maire, ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche, de la ruralité et de l'aménagement du territoire

Je le redis avec beaucoup de force, à la suite du Président de la République il y a quinze jours : nous sommes opposés à la libéralisation des droits de plantation en Europe. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP.)

Si nous nous engagions dans cette voie, que se passerait-il ? Nous assisterions à une augmentation de 30 % en moyenne des surfaces viticoles cultivées, à une baisse immédiate de la qualité de la production, à une surproduction, comme cela a déjà été le cas dans les années passées, à un effondrement des prix et à la ruine de milliers de viticulteurs en France comme dans le reste de l'Europe.

Cette décision de libéraliser les droits de plantation n'est pas la bonne et nous ferons revenir la Commission sur son choix.

Le Président de la République et Mme Angela Merkel se sont déjà exprimés contre cette libéralisation. Il y a quelques jours, nous avons également convaincu la Hongrie, l'Italie et l'Autriche de nous rejoindre sur cette position. Je continuerai à faire le tour des pays européens comme je l'ai fait pour la régulation du marché du lait, de façon que tous adoptent la même position en matière de régulation des marchés viticoles.

Ce n'est pas simplement une question d'excédent de notre balance commerciale ni d'enjeux financiers ; c'est la qualité et la spécificité de nos vins qui sont en jeu, c'est l'identité viticole européenne que nous voulons défendre. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. René-Paul Victoria, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.

Debut de section - PermalienPhoto de René-Paul Victoria

Monsieur le président, mes chers collègues, ma question s'adresse à Mme la ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement ; elle concerne le décret n° 2010-1510 du 9 décembre 2010, qui prévoit des dispositions transitoires pour l'application de la suspension de l'obligation d'achat de l'électricité produite par certaines installations utilisant l'énergie radiative du soleil.

L'imprécision de sa rédaction handicape lourdement les professionnels : le décret n'apporte pas toutes les indications nécessaires à une application précise des dispositifs prévus.

Pourriez-vous donc me préciser la nature de l'acte ou du document qui détermine, avec certitude, la mise en service de l'installation qui permettra de conserver le bénéfice de l'obligation d'achat et des anciennes tarifications, et ce pour la totalité de l'installation et de sa production ?

Ensuite, comment doit être comprise l'expression de « délais nécessaires à la réalisation des travaux de raccordement » qui figure au deuxième alinéa de l'article 4 ? Désigne-t-elle les travaux de raccordement de l'installation une fois celle-ci achevée ou les travaux réalisés sur le réseau indépendamment de l'achèvement de l'installation ?

Enfin, les délais d'approvisionnement dans les départements d'outre-mer ont-ils été pris en considération lors de la fixation des délais ? (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à Mme la ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement.

Debut de section - PermalienNathalie Kosciusko-Morizet, ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement

Monsieur le député, nous nous sommes fixé, lors du Grenelle de l'environnement, des objectifs ambitieux en matière d'électricité photovoltaïque.

Malheureusement, le cadre que nous avions défini a provoqué une bulle spéculative, et nous n'atteignions pas tous nos objectifs en matière industrielle et environnementale. Nous souffrions notamment d'un important déficit commercial, de l'ordre de 1,5 milliard d'euros.

C'est pour pallier ces faiblesses que le Gouvernement a décidé, par le décret du 9 décembre 2010, de suspendre le dispositif existant et de lui en substituer un autre. Un nouveau cadre a donc été créé, plus équilibré et plus favorable, nous l'espérons, à l'emploi en France et au déploiement du réseau dans de bonnes conditions environnementales. En volume, au demeurant, les objectifs du Grenelle pour 2012 sont déjà atteints, et nous atteindrons probablement dès 2016 les objectifs fixés pour 2020.

Pour répondre précisément à vos interrogations et à celles des professionnels, la date de mise en service de l'installation est celle à laquelle le gestionnaire du réseau y raccorde physiquement l'installation afin qu'elle commence à y injecter l'électricité produite.

Si le raccordement nécessite des travaux préalables de renforcement du réseau, le délai de mise en service de dix-huit mois est prolongé, à deux conditions. Premièrement, l'installation doit être achevée, et non plus mise en service, au bout de dix-huit mois ; ce délai se matérialise par l'obtention d'une attestation de conformité électrique de l'installation, émanant d'un organisme spécialisé. Deuxièmement, la mise en service doit intervenir dans un délai de deux mois à compter de la fin des travaux. Les travaux de raccordement mentionnés dans le décret sont donc les travaux réalisés sur le réseau électrique.

D'autre part, je comprends l'intérêt que vous, élu d'outre-mer, portez au développement des énergies renouvelables outre-mer ; comme vous le savez, nous y travaillons. Je tiens en revanche à vous préciser qu'il n'y a aucune raison objective d'appliquer outre-mer d'autres délais qu'en métropole. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Patrick Bloche, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Bloche

Monsieur le ministre de la culture et de la communication, vous avez annoncé brutalement, vendredi dernier, votre décision de débarquer Olivier Py de la direction de l'Odéon-Théâtre de l'Europe, au motif surprenant de faire taire les rumeurs. Il est vrai que, pour les mêmes raisons, vous aviez créé un précédent en annonçant vous-même votre entrée au Gouvernement.

Olivier Py est un directeur de théâtre unanimement apprécié par le public, par les artistes et par la critique. Sa non-reconduction au terme de son premier mandat est si incompréhensible qu'elle a logiquement été jugée arbitraire.

Comment ne pas déplorer un exercice du pouvoir si « Ancien Régime », où l'on place ici et là favoris et courtisans, où l'on congédie par caprice, sans aucune raison ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC. – Protestations sur les bancs du groupe UMP.) La République souffre tant de ce fait du prince, qui a force de loi depuis que le chef de l'État s'est lui-même arrogé un pouvoir de vie et de mort sur les trois présidents de l'audiovisuel public ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

On constate un peu plus chaque jour les conséquences de ces dérives, par exemple quand le pouvoir exécutif, pour protéger ses amis et justifier ses choix, en vient à laisser perdurer de manière scandaleuse la crise de gouvernance qui frappe l'audiovisuel extérieur de la France depuis plus de dix mois.

Monsieur le ministre, pouvez-vous nous donner les raisons du départ d'Olivier Py, auxquelles le principal intéressé n'a même pas eu droit ? Et comment justifiez-vous la soudaine urgence d'une décision si arbitraire alors que tant de dossiers culturels sont en souffrance ? (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. le ministre de la culture et de la communication.

Debut de section - PermalienFrédéric Mitterrand, ministre de la culture et de la communication

Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, monsieur le député,… (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienFrédéric Mitterrand, ministre de la culture et de la communication

…la question des nominations à la direction des théâtres publics…

Debut de section - PermalienFrédéric Mitterrand, ministre de la culture et de la communication

…fait très souvent l'objet de controverses.

Debut de section - PermalienFrédéric Mitterrand, ministre de la culture et de la communication

Celle de l'actuel directeur du théâtre de l'Odéon, il y a quatre ans, n'a d'ailleurs pas fait exception…

Debut de section - PermalienFrédéric Mitterrand, ministre de la culture et de la communication

…et la liste des cas similaires est longue.

Le théâtre de l'Odéon, édifié sous Louis XVI (Vives exclamations sur les bancs du groupe SRC), et où Beaumarchais donna pour la première fois Le Mariage de Figaro,… (Même mouvement.)

Debut de section - PermalienFrédéric Mitterrand, ministre de la culture et de la communication

… est l'une des plus belles salles de Paris. (Même mouvement.)

Debut de section - PermalienFrédéric Mitterrand, ministre de la culture et de la communication

Elle compte huit cents places, auxquelles s'ajoutent une petite salle attenante et un autre site aux Ateliers Berthier, sur le boulevard du même nom.

Mais ce théâtre situé à Paris n'est pas un théâtre parisien : c'est le Théâtre de l'Europe, destiné à mettre en valeur le répertoire, les troupes, les metteurs en scène d'Europe !

Debut de section - PermalienFrédéric Mitterrand, ministre de la culture et de la communication

Cette définition a été amplement légitimée par Giorgio Strehler, Lluis Pasqual ou Georges Lavaudant.

Dans le contexte de difficultés en tous genres qui affectent les politiques culturelles en Europe, il est essentiel que l'Odéon-Théâtre de l'Europe retrouve pleinement sa place (Exclamations sur les bancs du groupe SRC), qui lui vaut une subvention de 12 millions d'euros et un concours européen tout récent, que le Gouvernement a contribué à lui obtenir.

La nomination que je propose au Président de la République,… (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienFrédéric Mitterrand, ministre de la culture et de la communication

…celle d'une personnalité unanimement respectée,…

Debut de section - PermalienFrédéric Mitterrand, ministre de la culture et de la communication

…me semble plus conforme aux attentes que suscite l'Odéon. J'ai longuement exposé mon point de vue à l'actuel directeur, en lui confirmant que les engagements qu'il a pris envers les artistes en résidence seront évidemment honorés…

Debut de section - PermalienFrédéric Mitterrand, ministre de la culture et de la communication

…et en lui précisant que j'étais ouvert à toute réflexion concernant une autre affectation d'importance plus adaptée à son talent. Il n'y a eu ni brutalité, ni surprise,…

Debut de section - PermalienFrédéric Mitterrand, ministre de la culture et de la communication

…car cette rencontre n'était évidemment pas la première, mes réticences grandissantes étant bien connues. N'est abasourdi que celui qui ne veut pas entendre ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

La politique que je mène est soigneusement mûrie (Exclamations sur les bancs du groupe SRC) et, lorsqu'il s'agit de l'Odéon-Théâtre de l'Europe, le mieux n'est pas l'ennemi du bien ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP. – Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Remplacement du directeur du théâtre de l'Odéon

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures cinq, est reprise à seize heures vingt, sous la présidence de M. Marc Le Fur.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

L'ordre du jour appelle la discussion du texte de la commission mixte paritaire sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi de simplification et d'amélioration de la qualité du droit (3312).

La parole est à M. Étienne Blanc, rapporteur de la commission mixte paritaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Étienne Blanc

Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, monsieur le président de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, mes chers collègues, c'est un long travail qui aboutit aujourd'hui, un long travail sur un texte complexe, dense, et qui aborde – comme la matière l'exige – une foule de thématiques et de sujets extrêmement divers.

C'est aussi un texte utile : dans le maquis des lois et des règlements qui gouvernent notre pays, la nécessité de clarifier et de simplifier nos règles de vie commune s'impose.

L'Assemblée nationale a longuement débattu de ce texte ; le Sénat en a fait de même. En seconde lecture, nous avons pris la mesure de suppressions, mais aussi d'ajouts, souhaités par la Haute Assemblée.

Au terme d'une discussion particulièrement constructive avec nos collègues sénateurs, notamment avec notre collègue rapporteur M. Saugey, nous avions identifié cinq points de friction.

Le premier était l'inscription du PACS en marge des actes de décès. La position majoritairement adoptée par la commission des lois de l'Assemblée nationale consistait à estimer que cette formalité n'apportait rien au titulaire d'un PACS, cette inscription n'ouvrant aucune vocation successorale au partenaire pacsé. Mais, dans le cadre de la commission mixte paritaire, après un échange assez nourri sur le sujet, il est apparu que cette réticence de la majorité de l'Assemblée pouvait être levée : il n'y aura de toute façon pas d'ouverture vers une vocation successorale quelconque pour le partenaire pacsé. Nous avons donc trouvé un accord et, désormais, le PACS figurera sur l'acte de décès. Nous sommes toutefois convaincus que cela ne changera pas fondamentalement les choses, notamment pour le règlement des opérations funéraires du partenaire pacsé.

La deuxième divergence importante portait sur les factures d'eau en cas de fuite sur le réseau particulier d'un abonné. Ces affaires, nous le savons tous, se règlent aujourd'hui au cas par cas, souvent devant le tribunal administratif. Tout cela est bien inutile, et les citoyens ne sont pas égaux devant les situations très disparates des différentes collectivités qui exploitent un réseau en régie, voire des délégataires de service public.

Le Sénat a finalement admis le dispositif qui figurait dans le texte initial. J'en rappelle brièvement le principe : en cas de fuite identifiée, il appartiendra à l'abonné de faire réparer son réseau privatif, puis de transmettre la facture de l'entreprise de plomberie à l'exploitant, privé ou public ; dès lors que la fuite aura été constatée, l'abonné acquittera le double de la facture moyenne des trois années précédentes. C'est une position claire et nette, qui transfère, c'est vrai, la responsabilité de la surveillance des réseaux, y compris de leurs parties privées, aux exploitants ; il leur reviendra d'alerter l'abonné en cas de facturation anormale. Mais nous avons pensé que c'était une position juste, et qui garantissait l'égalité sur tout le territoire national. Nous avons donc également trouvé un accord avec le Sénat sur ce sujet.

La troisième divergence portait sur les consultations en ligne. C'est un point auquel M. le président de la commission des lois tenait particulièrement : il y a là, avons-nous pensé, une véritable simplification, notamment pour un certain nombre d'enquêtes destinées à obtenir des autorisations administratives. Il nous a semblé que l'ouverture d'un site qui permettait à tous les citoyens et à toutes les associations, voire aux commissions obligatoirement consultées, de s'exprimer en ligne, était une solution très intéressante.

Là aussi, après discussion avec le Sénat, nous avons trouvé un accord : ce type de consultations devient possible. C'est là une véritable simplification, pour les usagers, pour les associations, mais aussi pour les collectivités chargées de mener à bien ces consultations.

Le quatrième sujet, c'est l'épineux problème des fichiers de police. Le Sénat a adopté un texte sur ce sujet, sous la signature de Mme Anne-Marie Escoffier et M. Yves Détraigne, et a souhaité que ce texte soit examiné par l'Assemblée nationale dans les meilleurs délais. Nous avons pu arriver à un accord sur l'article 29 : ainsi, le pluralisme progresse dans la constitution de la CNIL. En revanche, nous avons supprimé toute la partie du texte qui concernait les fichiers de police.

Debut de section - PermalienPhoto de Étienne Blanc

Monsieur Vidalies, vous apprécierez l'ouverture et le sens du consensus qui fut le nôtre dans le cadre de la commission mixte paritaire. On dit même parfois que c'est un signe d'intelligence. (Sourires.)

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Vidalies

Il peut y avoir de l'intelligence à droite ! (Sourires.)

Debut de section - PermalienPhoto de Étienne Blanc

Vous n'êtes pas obligé de dire que nous avons été parfaitement intelligents sur ce texte. En tout cas, l'accord que nous avons trouvé avec le Sénat est parfaitement équilibré.

Enfin, le dernier point concernait la suppression de l'obligation, prévue par de nombreuses lois, de publication de rapports. Cette obligation reste souvent lettre morte. Le Sénat était inquiet, car il estimait qu'un certain nombre de rapports sont importants – ce qui est vrai. Nous avons trouvé avec nos collègues sénateurs un accord sur les textes essentiels – touchant notamment à la sécurité et à des problèmes sociaux majeurs – pour lesquels l'obligation de rapport demeure. En revanche, nous laissons tomber toute une foule d'obligations qui, désormais, ne sont plus utiles.

Voilà le résumé de ce qui s'est dit au cours de la réunion de la commission mixte paritaire. Celle-ci n'a pas dénaturé le fond du texte. Je maintiens – et nous, à l'UMP, maintenons – que c'est évidemment un texte fondamental. Nous sommes engagés dans un processus vertueux de clarification et de simplification de nos lois. Il n'y a pas de petite avancée en ce domaine ; toute avancée est essentielle, car elle contribue à renforcer et à rendre plus lisible le pacte social qui unit nos concitoyens. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

La parole est à M. Michel Mercier, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés.

Debut de section - PermalienMichel Mercier, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés

Monsieur le président, monsieur le rapporteur de la commission mixte paritaire, monsieur le président de la commission des lois, mesdames et messieurs les députés, nous nous retrouvons aujourd'hui pour la lecture des conclusions de la commission mixte paritaire sur la proposition de loi de simplification et d'amélioration de la qualité du droit.

Monsieur le rapporteur, vous avez rappelé les traits essentiels du texte. Pour ma part, je voudrais avant tout saluer le travail de la commission des lois de l'Assemblée nationale, et de son président qui a usé de toute sa volonté, de toute son énergie, de toute sa persévérance, pour que ce texte aboutisse. Dès qu'il l'a vu aboutir, il en a d'ailleurs déjà lancé un autre ! (Sourires.)

Debut de section - PermalienMichel Mercier, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés

Mais si ! Il espère même votre soutien, messieurs. Vous ne pourrez pas toujours vous situer en dehors du progrès.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Vidalies

Justement, je vais vous parler de progrès dans quelques instants !

Debut de section - PermalienMichel Mercier, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés

Vous serez, j'en suis sûr, convaincus par M. Warsmann – et par nous éventuellement.

Je veux en tout cas saluer la volonté de la commission des lois de l'Assemblée nationale d'aller vers une simplification du droit. Nous n'avons tous que trop tendance à empiler les textes, sans voir toujours leurs liens avec les textes existants et leurs conséquences concrètes. Travailler à la simplification du droit est tout à fait essentiel si l'on veut que nos concitoyens comprennent le droit qui s'adresse à eux. Je répète donc mes félicitations et mes remerciements à M. Warsmann, ainsi qu'à tous les membres de la commission des lois.

Leurs propositions ont permis d'abroger un grand nombre de mesures désuètes, de clarifier notre législation et de simplifier des démarches administratives. Tous, nous pouvons souscrire à ces règles, à ces principes et à ces motifs.

Le texte sur lequel vous allez vous prononcer aujourd'hui a plusieurs sources : tout d'abord, le rapport que vous avez rendu au Premier ministre, monsieur le président de la commission, au mois de janvier 2009, intitulé « Simplifions nos lois pour guérir un mal français ». Ensuite, vous avez travaillé avec une équipe de juristes, de scientifiques et d'experts pour identifier les normes désuètes, inappliquées ou contraires à des normes supérieures.

Un certain nombre de mesures proviennent également des sollicitations de nos concitoyens, notamment par l'intermédiaire du site internet « Simplifions la loi ». D'autres encore sont inspirées d'études du Conseil d'État ou de la Cour de cassation.

Je tiens d'ailleurs à souligner que cette proposition de loi est la première à avoir fait l'objet d'un examen par le Conseil d'État en application du dernier alinéa de l'article de l'article 39 de la Constitution. C'est aussi extrêmement important : contrairement à ce qui arrive parfois, la proposition de loi n'était pas du tout un moyen de ne pas demander l'avis du Conseil d'État. Celui-ci a bien été consulté.

L'oeuvre de simplification se poursuit : vous rendrez très prochainement, monsieur le président de la commission des lois, un rapport au Premier ministre sur la simplification du droit en faveur des entreprises. Pour l'heure, je salue le travail de l'Assemblée nationale et du Sénat, qui sont parvenus à un accord sur cette proposition de loi. La commission mixte paritaire a finalement retenu un grand nombre de positions défendues dans votre hémicycle, et qui avaient été rejetées par le Sénat.

Ainsi, vous avez choisi d'améliorer la situation des usagers du service de distribution d'eau, qui subissent une hausse anormale de leur consommation, par des mécanismes d'alerte et de plafonnement. C'est un progrès évident qui améliorera directement la vie quotidienne de nos concitoyens. Il suffit d'ouvrir un quotidien de province pour y lire, chaque jour, un article dénonçant des factures d'eau d'un montant trop élevé inexpliqué. La loi répond ainsi à des vrais problèmes auxquels sont confrontés nos concitoyens.

Vous donnez aussi la possibilité aux autorités administratives d'associer davantage les citoyens aux décisions qu'elles prennent. Pour ce faire, elles pourront organiser, à la place des consultations d'organismes, une consultation ouverte qui permettra de recueillir, principalement sur un site internet, les observations des personnes concernées par un projet public. Je veux souligner que l'innovation principale du présent dispositif tient au fait que cette consultation ouverte se substituera aux consultations obligatoires. Les organismes dont l'avis doit être recueilli en application d'une disposition législative ou réglementaire pourront faire part de leurs observations dans le cadre de cette consultation ouverte.

Avec ce dispositif novateur, vous répondez aussi à une critique de l'OCDE qui, à plusieurs occasions, a pointé du doigt le retard de la France en la matière.

Debut de section - PermalienMichel Mercier, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés

Vous avez également réduit le délai de délivrance des cartes de stationnement aux personnes handicapées : ainsi, au bout de deux mois suivant la demande d'une personne handicapée, le silence de l'administration vaudra attribution implicite.

Vous avez souhaité que, sauf exceptions, soit automatiquement abrogée toute disposition législative créant une obligation pour le Gouvernement de déposer un rapport au Parlement si celui-ci n'est pas rendu à l'expiration d'un délai de cinq ans.

Debut de section - PermalienMichel Mercier, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés

En effet. Un rapport qui a été demandé, que personne n'a réclamé pendant cinq ans et que personne ne lirait s'il était déposé la sixième année, c'est un gain de temps pour tout le monde et du respect pour les fonctionnaires qui l'auraient établi.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Paul Lecoq

On devrait faire de même pour les décrets d'application !

Debut de section - PermalienMichel Mercier, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés

Le Sénat a exprimé, à l'occasion des deux lectures, ses réticences sur cette mesure, arguant que cette abrogation systématique serait de nature à nuire à la fonction de contrôle du Parlement. Il a donc proposé une démarche alternative visant à dresser une liste précise des rapports jugés obsolètes. Ils se comptent par centaines ! Leur maintien dans le droit en vigueur donne optiquement l'impression que le Gouvernement les méconnaît, alors qu'ils sont, en réalité, privés d'objet. C'est pour cette raison que le Gouvernement a défendu votre position tout au long du processus législatif. Finalement, les membres de la commission mixte paritaire se sont accordés, tout en maintenant l'identification au cas par cas d'un certain nombre de rapports à supprimer, pour reprendre la disposition de portée générale adoptée à l'Assemblée nationale.

Enfin, vous avez supprimé la possibilité pour les collectivités territoriales de recourir à un groupement d'intérêt public pour exercer en commun des activités qui peuvent être confiées à l'un des organismes de coopération prévus par la cinquième partie du code général des collectivités territoriales. Cette mesure va dans le sens de la réforme des collectivités adoptée l'année dernière. En effet, dès lors qu'il existe un outil juridique pour permettre aux collectivités territoriales d'accomplir leurs missions communes, il ne semble pas pertinent de « mettre en concurrence » plusieurs dispositifs.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Paul Lecoq

Ça ne va pas dans le sens de la libre administration !

Debut de section - PermalienMichel Mercier, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés

Je suis sûr que vous êtes parfaitement d'accord, monsieur Lecoq. Ce serait bien la première fois que je vous verrais défendre les groupements d'intérêt économique pour les collectivités locales.

Les débats au sein des deux assemblées ont été très riches. Ils ont porté sur des thèmes variés, car, par essence, l'oeuvre de simplification et d'amélioration du droit touche l'ensemble des secteurs du droit. C'est ce qui fait l'intérêt de ce texte et de ceux qui, depuis le début de la législature, ont été votés. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

J'ai reçu de M. Jean-Marc Ayrault et des membres du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche une motion de rejet préalable déposée en application de l'article 91, alinéa 5, du règlement.

La parole est à M. Jean-Michel Clément.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Michel Clément

Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, monsieur le rapporteur, chers collègues, nous voici arrivés au terme du marathon législatif dans lequel nous a engagés l'examen de cette proposition de loi de « simplification et d'amélioration de la qualité du droit ». Nous l'avons dit, nous partageons les objectifs de ce texte, parce qu'améliorer la qualité de la loi est bien plus qu'une solution technique.

C'est précisément parce que la qualité de la loi est le gage de sa légitimité que je défends, au nom du groupe socialiste, radical et citoyen, une ultime motion de rejet préalable. Il s'agit de démontrer que le texte qui nous revient à l'issue de la commission mixte n'est pas débarrassé de toutes les scories juridiques qui l'ont encombré depuis la première lecture, même si des améliorations ont été apportées.

Rappelons d'où nous venons : 150 articles dans la proposition de loi initiale ; 177 à l'issue de la première lecture ; plus de 200 à son retour du Sénat ; pas moins de 38 en commission mixte paritaire. Il n'est pas si simple de simplifier et d'améliorer la qualité du droit, qui reste une oeuvre en construction perpétuelle. Il est toutefois des principes, qui en toutes circonstances, doivent être respectés : les principes constitutionnels. Malgré le long et minutieux travail législatif, il reste encore des dispositions dans la loi qui enfreignent ces principes, justifiant cette motion de rejet préalable.

Trois d'entre elles méritent une attention particulière.

La première disposition, à l'article 54, est la nouvelle rédaction de l'article L. 8222-6 du code du travail imposant que « tout contrat écrit conclu par une personne morale de droit public doit comporter une clause stipulant que des pénalités peuvent être infligées au cocontractant s'il ne s'acquitte » pas de ses obligations en matière de travail dissimulé. « Le montant des pénalités est, au plus, égal à 10 % du montant du contrat et ne peut excéder celui des amendes encourues en application des articles L. 8224-1, L. 8224-2 et L. 8224-5 » du même code.

Il s'agit là de l'introduction d'un dispositif de pénalités contractuelles, la personne publique pouvant désormais choisir entre la rupture du contrat et l'application de pénalités dans la limite de 10 % du contrat.

Comme l'indique l'avis du Conseil d'État sur le texte, cité dans le rapport de la commission des lois de l'Assemblée nationale, « l'article 54 modifie en profondeur les relations entre les donneurs d'ordre et leurs cocontractants dans la lutte contre le travail illégal ». Cette seule considération suffirait à justifier qu'en soit vérifiée la constitutionnalité.

Mais surtout, toujours selon le rapport de l'Assemblée et les promoteurs du nouveau dispositif, celui-ci tendrait « à renforcer l'efficacité du dispositif de responsabilisation du donneur d'ordre en matière de lutte contre le travail dissimulé ». C'est précisément ce que nous redoutons. Ce mélange des genres entre responsabilité délictuelle et contractuelle ne prévient pas suffisamment contre le risque d'une contractualisation de la responsabilité pénale des cocontractants. Il n'est pas exclu que cette disposition permette à ceux-ci de s'affranchir mutuellement de leurs obligations légales en matière de travail dissimulé, en échange du seul versement de la pénalité.

Ce dispositif encourt la censure sur le fondement du principe constitutionnel de la responsabilité, qui implique que « nul ne saurait, par une disposition générale de la loi, être exonéré de toute responsabilité personnelle quelle que soit la nature ou la gravité de l'acte qui lui est imputé ».

Deuxième disposition à mériter une attention particulière, la nouvelle rédaction, à l'article 146 bis de la loi, de l'article L. 133-6 du code de justice administrative : « Les auditeurs de 2e classe sont nommés parmi des anciens élèves de l'École nationale d'administration, conformément aux dispositions du décret relatif aux conditions d'accès et au régime de formation de cette école. »

Cette nouvelle disposition, issue d'un amendement du Gouvernement adopté par notre assemblée en première lecture, modifie les conditions de recrutement des auditeurs du conseil d'État, afin de prendre en compte la suppression annoncée du classement à la sortie de l'ENA. En l'adoptant, nous sommes restés en deçà de notre compétence, méconnaissant les règles constitutionnelles liées à l'indépendance des magistrats et à l'égalité d'accès aux emplois publics.

Je rappelle que le principe de séparation des pouvoirs impose l'indépendance tant des juridictions judiciaires que des juridictions administratives.

Selon la jurisprudence du Conseil constitutionnel, « il résulte des dispositions de l'article 64 de la Constitution en ce qui concerne l'autorité judiciaire, et des principes fondamentaux reconnus par les lois de la République en ce qui concerne, depuis la loi du 28 juillet 1872, la juridiction administrative, que l'indépendance des juridictions est garantie ainsi que le caractère spécifique de leurs fonctions sur lesquelles ne peuvent empiéter ni le législateur ni le Gouvernement ».

Par ailleurs, et conformément à l'article 34 de la Constitution, il appartient au législateur de fixer les règles concernant « le statut des magistrats » et « les garanties fondamentales accordées aux fonctionnaires civils et militaires ».

Pour nous, la définition des principes devant présider au recrutement des futurs conseillers d'État devrait être déterminée par le législateur et non laissée au seul pouvoir réglementaire, responsable uniquement de leur mise en oeuvre. Cela serait conforme à l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme de 1789, qui proclame le principe de l'égal accès aux emplois publics et dont la mise en oeuvre « ne saurait conduire, dans la généralité des cas, à remettre au seul Gouvernement l'appréciation des aptitudes et des qualités des candidats à la titularisation dans un corps de fonctionnaires ».

En supprimant la référence au « classement » pour le recrutement des auditeurs de 2e classe, qui compte au nombre des garanties de mise en oeuvre du principe d'égal accès aux emplois publics, et en renvoyant au seul décret les conditions d'accès au Conseil d'État, le législateur a manifestement omis « d'exercer pleinement la compétence que lui confie la Constitution et, en particulier, son article 34 ».

S'agissant de l'indépendance des magistrats et de l'égalité d'accès aux emplois publics, nous ne pouvons simplifier de la sorte. Les dispositions de l'article VI de la Déclaration de 1789 relatives au principe revêtent un caractère tout particulier lorsqu'il s'agit de l'exercice des fonctions de magistrat, judiciaire ou administratif. En effet, selon la jurisprudence du Conseil constitutionnel, il « découle de ces dispositions, s'agissant des magistrats, en premier lieu qu'il ne soit tenu compte que des capacités, des vertus et des talents » et « en deuxième lieu, que les capacités, vertus et talents ainsi pris en compte, soient en relation avec les fonctions de magistrats et garantissent l'égalité des citoyens devant la justice ». C'est là le rappel d'un principe fondamental : garantir l'objectivité qui doit présider aux règles de nomination des magistrats.

Quand bien même le concours d'entrée ne serait pas supprimé, la suppression du classement à la sortie vient mettre en cause l'objectivité du recrutement des futurs hauts fonctionnaires, et plus spécifiquement ici des futurs conseillers d'État. Quelles que soient les garanties offertes par le futur décret mentionné dans le rapport de la commission des lois du Sénat, elles ne sauraient prévenir contre le risque d'une cooptation fondée sur des critères subjectifs et non plus objectifs.

Le législateur ne peut supprimer, à l'article L. 133-6 du code de justice administrative, la référence au classement sans priver de « garanties légales des exigences constitutionnelles » relatives à l'indépendance des magistrats et à l'égal accès aux emplois publics.

Enfin, j'attire votre attention sur un troisième article, le 146 ter, qui insère dans le code de justice administrative un nouvel article L. 732-1 applicable aux tribunaux administratifs et aux cours administratives d'appel. Cet article énonce : « Dans des matières énumérées par décret en Conseil d'État, le président de la formation de jugement peut dispenser le rapporteur public, sur sa proposition, d'exposer à l'audience ses conclusions sur une requête, eu égard à la nature des questions à juger. » Nous formulons sur ces dispositions deux réserves, au nom des principes constitutionnels.

La conformité de cette disposition avec le principe d'intelligibilité de la loi susceptible de nuire aux droits de la défense et celui de l'égalité devant la justice est sujette à caution. Cette disposition ne respecte pas non plus le principe de légalité tel qu'inscrit à l'article VIII de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, par son manque de clarté et de précision quant à sa portée exacte.

L'« objectif de valeur constitutionnelle d'intelligibilité et d'accessibilité de la loi » impose au législateur « d'adopter des dispositions suffisamment précises et des formules non équivoques ». L'équivoque résulte ici de ce que l'article prévoit que le rapporteur public puisse être dispensé « d'exposer à l'audience ses conclusions sur une requête ».

Des dispositions déjà existantes autorisant que soit dérogé à l'article L. 7 du code de justice administrative, aucune n'est rédigée en ces termes. À titre d'exemple, les articles L. 522-1 du code de justice administrative, L. 213-9 et L. 512-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ou encore l'article L. 441-2-3-1 du code de la construction et de l'habitation, indiquent tous que l'audience « se déroule sans conclusions du rapporteur public ». Il ressort ainsi clairement que les procédures concernées ne donnent pas lieu à conclusions du rapporteur public.

À l'inverse, ici, il n'est pas dit que la procédure ne donne pas lieu à des conclusions, mais seulement que ces conclusions ne sont pas exposées à l'audience, ce qui ne revient pas tout à fait au même. Ainsi, un certain nombre de questions demeurent en suspens : le rapporteur public devra-t-il, dans tous les cas, rédiger des conclusions ? La dispense ne portera-t-elle que sur la lecture des conclusions ? Le rapporteur public sera-t-il dispensé de regarder le dossier ? Émettra-t-il, dans tous les cas, un avis destiné à la seule formation de jugement ? Dans ce cas, devra-t-il en donner le sens avant l'audience aux parties ?

Les conclusions du rapporteur public ont bien un effet sur le respect du contradictoire et du principe d'égalité des moyens dont doivent bénéficier les justiciables dès lors, comme l'indique le président de l'Union syndicale des magistrats administratifs, qu'il est unanimement admis que le rapporteur public est « un acteur central du contradictoire ».

Si l'article 146 ter était interprété comme autorisant le rapporteur public à ne faire connaître ses conclusions qu'à la formation de jugement et non au justiciable concerné, il encourrait alors la censure du Conseil constitutionnel, car, comme l'a relevé la Cour européenne des droits de l'homme, « la notion de procès équitable implique aussi en principe le droit pour les parties à un procès de prendre connaissance de toute pièce ou observation soumise au juge, fût-ce par un magistrat indépendant, en vue d'influencer sa décision, et de la discuter ».

Un dernier argument est relatif à l'égalité des citoyens devant la justice. La violation du principe d'égalité devant la justice est constatée lorsqu'il est fait « obstacle à ce que des citoyens se trouvant dans des conditions semblables et poursuivis pour les mêmes infractions soient jugés par des juridictions composées selon des règles différentes ».

L'article 146 ter se contente d'une référence aux « matières énumérées par décret en Conseil d'État », sans plus de précisions, sans référence à de quelconques critères objectifs.

La disposition critiquée ici, si elle prévoit effectivement l'établissement d'une liste d'exceptions – dont on a néanmoins vu qu'elle ne contenait pas de critères objectifs – réintroduit une part de pouvoir discrétionnaire puisque, selon l'idée que le rapporteur public et le président de la formation de jugement se feront de « la nature des questions à juger », il y aura ou il n'y aura pas intervention dudit rapporteur à l'audience.

La différence de traitement, qui résultera de l'exercice de ce pouvoir discrétionnaire, entre des justiciables qui se trouvent pourtant dans des situations semblables est dès lors constitutive d'une rupture d'égalité devant la justice.

Nous le voyons – et j'en termine sur ces dispositifs un peu techniques, mais essentiels pour la défense des libertés –, il reste bien des sujets de débat que le juge constitutionnel sera amené à trancher, si cette motion de rejet préalable est repoussée. Mais je vous invite, bien sûr, à la voter, compte tenu des sujets majeurs qui fondent sa présentation.

Debut de section - PermalienPhoto de Étienne Blanc

Pour défendre leur motion, nos collègues de l'opposition s'appuient sur trois arguments.

Le premier concerne le travail dissimulé. Je rappelle l'esprit du texte qui nous est soumis. Aujourd'hui, lorsqu'une collectivité publique a affaire, en tant que donneur d'ordre, avec une entreprise employant des salariés non déclarés, la seule réponse pour la collectivité est la résiliation du marché public.

Debut de section - PermalienPhoto de Étienne Blanc

Certaines collectivités se trouvent donc dans une situation insupportable, alors qu'elles n'y sont pour rien. Ayant souvent délégué un maître d'ouvrage, elles n'ont pas pu s'assurer qu'il n'y avait pas de travail dissimulé dans l'entreprise. Or que faisons-nous dans ce texte ? Nous laissons la possibilité à la collectivité publique, au maître d'ouvrage, de choisir entre la résolution du marché et la mise en oeuvre de pénalités. Je ne vois pas en quoi ces dispositions ne seraient pas conformes à la Constitution.

Le deuxième argument développé dans la motion concerne le problème des auditeurs. Nous avons modifié le système de classement à la sortie de l'ENA, mais nous n'avons pas modifié le recrutement des auditeurs. C'est une mesure parfaitement cohérente, ou alors l'ensemble du dispositif n'est pas conforme à la Constitution. Or, à ma connaissance, la modification du classement à la sortie de l'ENA n'a pas été censurée par le Conseil constitutionnel. Aussi, je ne vois pas en quoi cette mesure spécifique ne serait pas conforme à la Constitution.

Enfin, s'agissant du troisième argument, j'ai reçu, en tant que rapporteur du texte, les représentants des magistrats administratifs et j'ai entendu leurs réserves. J'ai expliqué que, dans certaines affaires, qui sont réitératives, on peut voir un commissaire faire à plusieurs reprises les mêmes observations sur des affaires d'une simplicité extrême. Je pense notamment au retrait de points pour les automobilistes. Franchement, on utilise à cet égard un dispositif administratif très lourd.

Debut de section - PermalienPhoto de Étienne Blanc

Je ne parle pas de mobilisation de moyens très lourds, mais, quand le droit est clair, faut-il qu'il y ait un rapport ? Nous avons pensé que cela n'était pas nécessaire. À mon avis, il n'y a pas de rupture entre le citoyen et le service public, parce qu'il y a des affaires qui ne méritent pas cet examen approfondi.

Ces trois arguments ne justifient en rien l'adoption de cette motion. C'est pourquoi, chers collègues, je vous propose de la repousser.

Debut de section - PermalienPhoto de André Wojciechowski

Très bien !

(La motion de rejet préalable, mise aux voix, n'est pas adoptée.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

Dans la discussion générale, la parole est à M. Michel Hunault.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Hunault

Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, chers collègues, au moment d'évoquer les conclusions de la commission mixte paritaire sur la proposition de loi « de simplification du droit », je voudrais en premier lieu rappeler, au nom de mes collègues du Nouveau Centre, que nous avions apporté notre soutien aux deux précédents textes de simplification et notre pleine adhésion à la démarche dans laquelle s'est engagée, depuis l'ouverture de la présente législature, la commission des lois de notre assemblée, sous l'impulsion de son président. Les deux textes que nous avons d'ores et déjà définitivement adoptés ont ainsi permis d'améliorer sensiblement la qualité de pans entiers de notre législation, qu'il s'agisse de l'adoption de terminologies plus adaptées, du retrait de dispositions implicitement abrogées, inconstitutionnelles ou inconventionnelles, ou du soutien à l'entreprise connexe de codification de notre droit.

Nul ne l'ignore ici, la qualité et la lisibilité de la norme juridique ont un effet direct sur la vie quotidienne de nos concitoyens, comme sur la compétitivité de notre pays, et donc sur son attractivité. Plus largement, lorsque la loi de la République devient l'affaire des seuls spécialistes, c'est bien la crédibilité de la norme juridique elle-même qui est en cause, mais au-delà, c'est aussi le sentiment de proximité du citoyen envers l'État et la confiance que celui-ci place dans les pouvoirs publics qui s'en trouvent affectés.

Monsieur le garde des sceaux, monsieur le rapporteur, les députés du Nouveau Centre adhèrent à cette volonté de restaurer, au moyen de la simplification, la valeur comme la force morale de la norme juridique. C'est là du reste une exigence à même de nous rassembler tous, dans la ligne de cette décision du Conseil constitutionnel qui, saisi en 1999 d'un texte aux objectifs similaires, avait reconnu à l'accessibilité et à l'intelligibilité du droit la qualité d'objectif à valeur constitutionnelle, en les rattachant tout à la fois aux articles 4, 5, 6 et 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen.

Pour autant, la véritable question qui nous est posée par cette proposition de loi est bien celle de la méthode. Il ne faudrait pas que, sous prétexte de vouloir simplifier, nous ayons par moments complexifié ou alourdi certains dispositifs.

Vous avez eu raison, monsieur le garde des sceaux, de rappeler que ces textes avaient plusieurs sources : le rapport du président Warsmann au Premier ministre, le site internet pour la simplification du droit et l'exposé du Conseil d'État. À l'origine, le texte comptait 180 articles ; cinquante-six ont été introduits en première lecture par l'Assemblée nationale, soixante-douze par le Sénat.

J'ai écouté avec attention nos collègues du groupe SRC défendre la motion de rejet préalable en s'appuyant sur trois arguments « prétextes ». Le rapporteur a déjà répondu. S'il me le permet, je compléterai sa réponse sur le travail dissimulé. Depuis la deuxième lecture et avant l'examen de cette CMP, nous avons voté le projet de loi relatif à l'immigration, à l'intégration et à la nationalité, qui a instauré des sanctions très lourdes à l'encontre des employeurs recrutant des salariés en situation illégale. Vous avez répondu sur ce point, monsieur le rapporteur : lorsqu'une collectivité locale emploie ou fait appel à des sociétés qui, elles-mêmes, emploient des travailleurs en situation illégale, il faut savoir qu'arrêter le chantier peut remettre en cause l'économie du projet.

Nous devons en revenir, dans un souci de lisibilité, à l'objectif de simplification de la proposition de loi. Monsieur le garde des sceaux, vous avez rappelé l'exemple des fuites d'eau et des factures qui s'ensuivent : c'est un progrès pour nos concitoyens. S'ils se demandent souvent à quoi sert la loi, ils pourront constater, dans ce cas, qu'elle viendra concrètement simplifier les procédures.

Monsieur le rapporteur, j'ai noté votre souci d'écouter ce qu'avaient suggéré nos collègues de l'opposition en seconde lecture, notamment sur la mention du PACS qui pourra figurer sur l'acte de décès. C'est une avancée qui ne coûte pas cher et répond à des situations qui, humainement, posaient question.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Hunault

Enfin, vous avez répondu sur les fichiers de police.

Au nom de mes collègues, j'en reviendrai à l'économie générale de ce texte : il faut simplifier pour rapprocher nos concitoyens de la norme juridique. Assurer une meilleure compréhension, cela veut dire aussi avoir confiance dans l'élaboration et l'efficacité de la norme juridique.

Monsieur le garde des sceaux, il ne vous a pas échappé – vous en êtes le premier responsable – que nous avons beaucoup légiféré au cours de cette législature pour améliorer et protéger le droit, notamment celui des plus vulnérables. Mais ce projet vise avant tout à répondre à un souci de simplification en vue d'une meilleure compréhension et d'une plus grande efficacité.

Toutefois, je n'ai pas été le dernier, à la commission des lois, à veiller à ce que ce texte ne soit pas, pour certaines administrations, un prétexte à faire passer des dispositions remettant en cause certaines exigences. Le rapporteur et le président de la commission des lois y ont également veillé, et je suis heureux de leur rendre hommage pour la qualité de leur écoute et leur vigilance.

Avec mes collèges du Nouveau Centre, qui m'ont fait l'honneur de me demander d'intervenir au nom de notre groupe, nous adopterons cette proposition de loi. Comme vous, monsieur le garde des sceaux, je suis persuadé que ce sera un progrès. (Applaudissements sur les bancs des groupes NC et UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Schosteck

Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, cette proposition de loi de simplification, nous avons déjà eu l'occasion de le dire, est la troisième du genre depuis le début de la législature et constitue une avancée significative. Elle apporte, une nouvelle fois, la preuve que le Parlement souhaite s'inscrire dans une démarche permanente d'accessibilité, de clarification et de meilleure lisibilité des règles de droit.

Aussi, nous devons être, sur tous les bancs de cette assemblée, sensibles au but qu'elle poursuit : simplifier plusieurs procédures d'application immédiate relatives, non seulement aux citoyens, mais également aux entreprises et aux collectivités locales. À cet égard, monsieur Lecoq, vous n'avez pas à vous inquiéter puisque la modification à laquelle il a été fait allusion tout à l'heure était réclamée par l'Association des maires de France.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Paul Lecoq

Mais si cette modification avait été réclamée par l'Association des élus communistes, le gage eût été meilleur !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Schosteck

On a pu nous objecter, lors des deux lectures, et dans les deux chambres, que les textes de simplification et de clarification du droit sont des fourre-tout traitant de sujets disparates et confondent le domaine réglementaire et le domaine législatif.

Mais, avec un arsenal juridique constitué de 8 000 lois et de 400 000 textes réglementaires, qui pourrait nous reprocher de contribuer à une nécessaire clarification ? D'autant que nous n'avons jamais prétendu tout régler avec une seule proposition de loi de simplification.

De plus, conformément aux nouvelles dispositions constitutionnelles – et comme l'a rappelé le garde des sceaux –, nous avons soumis la proposition de loi au Conseil d'État, dont l'avis a été publié. Le travail minutieux et attentif du rapporteur, Étienne Blanc, et du président de la commission des lois, Jean-Luc Warsmann, auquel je tiens à nouveau à rendre hommage, s'est déroulé dans la plus grande transparence.

En définitive, nous nous apprêtons à voter plus de 200 mesures qui vont simplifier la vie de nos concitoyens et garantir, pour les entreprises, une plus grande souplesse. Pour illustrer cette explication, je citerai deux mesures symboliques sur lesquelles nous avons obtenu l'accord de nos collègues sénateurs en commission mixte paritaire.

À l'article 1er – j'y reviens, car c'est un point important – nous avons prévu l'obligation, pour le service de distribution de l'eau, d'informer l'usager en cas de consommation anormale. Une fois informé, l'usager disposera de un mois pour faire réparer une fuite sur ses canalisations. Dans ce cas, et sur présentation de la facture du plombier, il ne sera redevable, au maximum, que du double de sa consommation habituelle.

À l'article 9, une disposition permettra aux personnes handicapées d'obtenir plus facilement leur carte de stationnement. En effet, le silence de l'administration, qui pouvait durer jusqu'à neuf mois, nous a-t-on dit, vaudra acceptation au bout de deux mois.

Pour toutes ces raisons, et s'il est besoin de le préciser, le groupe UMP votera ce texte, avec la conviction profonde que ce travail de longue haleine qu'est la simplification mérite d'être salué et donc poursuivi avec la même opiniâtreté. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Vidalies

Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, nous savons malheureusement, par expérience, que la démarche dite de « simplification du droit » n'est pas sans risque. Comment ne pas avoir le même sentiment d'insécurité juridique, lorsque nous examinons un texte qui comprend plus de 200 articles et modifie plus de cinquante codes ?

Les arguments développés dans notre motion de rejet préalable portaient sur l'inconstitutionnalité, notamment au regard des principes de l'égalité et de l'intelligibilité de la loi. Sur le fond, le texte issu de la CMP comporte des améliorations que nous avions souhaitées, souvent en vain devant l'Assemblée, mais que, grâce à la sagesse du Sénat, nous avons pu faire prospérer. Il s'agit particulièrement de la possibilité de mentionner le partenaire du PACS dans l'acte de décès. J'ai proposé un amendement proposant une telle disposition lors de l'examen de six textes de loi successifs, sans aucun succès. Mais la persévérance aidant et en dépit de l'hostilité du rapporteur, le Sénat a été convaincu. Cette question, qui touche à la vie quotidienne, n'est pas secondaire. Nous ne débattons pas ici de problèmes de succession, mais de circonstances dramatiques que sont le décès et l'organisation des funérailles. Cela a d'ailleurs évoqué, me semble-t-il, dans un rapport du Médiateur. Cette décision va dans le bon sens.

Nous nous félicitons également que ce texte ne comporte plus, in fine, la disposition portant sur les fichiers de police. Le combat mené par l'opposition sur cet aspect du texte est aujourd'hui couronné de succès.

Je veux enfin noter, parce que c'est une initiative de notre collègue sénateur socialiste Jean-Pierre Sueur et qu'elle a fait l'objet d'un consensus, l'introduction d'articles sur la modernisation des procédures d'autopsie judiciaire. C'est une bonne chose.

Au-delà de ces dispositions satisfaisantes que nous avons proposées et soutenues dès l'origine, ce texte comporte encore des mesures que nous avons combattues, car elles sont, à nos yeux, juridiquement contestables et inacceptables sur le fond.

Il en est ainsi de l'article qui précise que, « lorsque l'autorité administrative, avant de prendre une décision, procède à la consultation d'un organisme, seules les irrégularités susceptibles d'avoir exercé une influence sur le sens de la décision prise au vu de l'avis rendu peuvent, le cas échéant, être invoquées à l'encontre de la décision » Dès sa publication, ce texte a fait l'objet de contestations par la doctrine, notamment. Tout le monde sait que cette initiative limitant le droit des tiers a pour objet de faire obstacle à une jurisprudence du Conseil d'État et que son interprétation sera source de contentieux. Alimenter ainsi les tribunaux, c'est, me semble-t-il, une décision politique qui ne peut pas s'inscrire dans une démarche de simplification.

Comme nous l'avons précisé dans la motion de rejet, l'article, qui dispense de la production du rapport public dans certaines circonstances, pose une question d'ordre juridique. Des exemples ont été donnés, d'ailleurs loyalement, dans le rapport rédigé avant l'examen de ce texte en deuxième lecture. De quoi s'agit-il ? Pourraient être concernés, par exemple, le contentieux des retraits automatiques de points sur le permis de conduire, le contentieux des naturalisations ou le contentieux des refus de séjour, éventuellement assortis d'une obligation de quitter le territoire français. Vous pouvez penser que, dans ces circonstances, les intéressés ne peuvent bénéficier que d'une procédure allégée, mais ne nous parlez surtout pas de simplification ! Il n'est pas anodin de simplifier la procédure du contentieux des refus de séjour assortis ou non d'une obligation de quitter le territoire français en dispensant de produire le rapport public. L'enjeu est essentiel pour la vie du demandeur. Certes, pour beaucoup, le retrait automatique de points sur le permis de conduire peut être un drame, mais on ne peut comparer ce contentieux avec celui des naturalisations ou celui des refus de séjour. De ce point de vue, vous avez vous-mêmes donné des exemples dont peuvent être tirés des arguments d'inconstitutionnalité, puisque ces questions fondamentales touchent aux libertés publiques et à la liberté individuelle.

Je n'ai pas non plus été convaincu par votre réponse, monsieur le rapporteur, concernant l'initiative que le président de la commission des lois, instruit par son expérience personnelle ou par celle de divers élus, a prise au sujet du travail dissimulé et de la rupture du contrat. On peut en faire deux lectures, l'une privilégiant l'intérêt du donneur d'ordre, de l'élu local, qui a besoin que le marché se poursuive, et l'autre l'intérêt général. À quel niveau devons-nous situer notre exigence dans la lutte contre le travail clandestin ? Cela suppose-t-il des arrangements de nature contractuelle ? Je ne le pense pas. Même si le Conseil constitutionnel ne reconnaît pas notre argumentation, convenez que cette difficulté est aussi de nature politique.

Nous nous interrogeons également, au plan juridique comme au plan politique, sur l'initiative tendant à modifier les circonstances de la sortie de l'ENA pour les auditeurs de justice. Le premier texte remettant en cause l'affectation des élèves à la sortie de l'ENA était une atteinte à nos principes républicains. Je suis très hostile à la remise en cause d'une règle républicaine qui, jusqu'à présent, a fait consensus. On pouvait la trouver imparfaite, mais elle était la moins mauvaise et la plus juste. Les élèves choisissaient alors leur poste en fonction de leur classement. Vous avez remis cette disposition en cause. Un jour ou l'autre, si ce texte n'est pas modifié, vous rencontrerez des difficultés à l'appliquer. Dans la situation juridique actuelle, une suspicion pèsera sur le choix des administrations, ce qui est bien naturel dès lors que les critères ne sont pas clairs. Mais je ne répéterai pas ce qu'a dit Jean-Michel Clément dans sa défense de la motion de rejet préalable.

Si on l'examine d'un point de vue juridique, on voit bien que cette démarche de simplification n'est pas exempte de considérations très politiques. Pour mesurer votre degré d'ouverture, nous vous avons soumis une proposition qui, dans l'état d'esprit de la simplification du droit, tombe sous le sens : il s'agit de l'abrogation de l'article 26 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse qui réprime le délit d'offense au chef de l'État. Il est en effet singulier de constater, dans notre droit, la persistance d'une disposition punissant ce délit d'une amende de 45 000 euros. Cette mesure, tombée en désuétude, ne fut pas utilisée sous les présidences de Valéry Giscard d'Estaing, de François Mitterrand et de Jacques Chirac, qui avaient même pris des engagements à cet égard. Je regrette que, à l'époque, M. Warsmann n'ait pas été président de la commission des lois, car il n'aurait pas manqué d'abroger cette disposition dans une proposition de loi visant à simplifier le droit. Le plus surprenant, c'est qu'on a ressuscité ce texte après qu'une personne, qui considérait que la parole du Président de la République pouvait constituer une référence collective, avait repris certains propos tenus par Nicolas Sarkozy lui-même au salon de l'agriculture, dans des circonstances que chacun connaît et que je ne veux pas répéter à cette tribune. Pour ce motif, cette personne a été poursuivie devant le tribunal correctionnel, dont la décision a été confirmée par la cour d'appel : dans une décision rédigée en des termes assez humoristiques, le premier juge du tribunal de Laval avait cependant renvoyé au législateur le soin de constater que ce texte devait sortir de notre droit positif.

La situation est d'autant plus incongrue que, à l'origine, deux textes identiques réprimaient, l'un, l'offense au Président de la République française et, l'autre, l'offense à un chef d'État étranger. Or il se trouve que, à propos du second texte, la Cour européenne des droits de l'homme a condamné la France pour violation de l'article 10 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales protégeant la liberté d'expression. Mais, le recours ne portant que sur l'offense aux chefs d'État étrangers, c'est cette seule disposition que vous avez accepté d'exclure de notre droit. Si l'on veut éviter une nouvelle condamnation de la France, la simplification du droit semble le cadre idéal pour agir. En dépit de demandes réitérées, nous n'avons remporté aucun succès. In fine, votre souci de simplification s'arrête à des considérations parfois très politiques.

Nous sommes par conséquent très opposés à cette méthode et à certaines dispositions, ce qui justifie que nous nous prononcions contre la proposition de loi. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Paul Lecoq

Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, nous arrivons à la fin de l'examen de la troisième des lois qui, depuis 2002, ambitionnent de simplifier notre droit, d'en améliorer la qualité, de clarifier la norme afin de la rendre à la fois plus lisible et plus applicable.

Nous ne contestons pas la légitimité d'une telle démarche, ni son utilité. Dans son rapport public annuel consacré à la sécurité juridique, le Conseil d'État a exprimé dès 1991 ses préoccupations quant à la complexification du droit, la complexité étant caractérisée par la prolifération désordonnée des textes, l'instabilité croissante des règles et la dégradation manifeste de la norme, qui s'inscrit dans un mouvement plus vaste de dégradation de la condition juridique de la loi, par une redéfinition des sources de légitimité normative, par l'émergence de notions telles que la gouvernance, ou par l'étau des règlements européens et nationaux.

Force est de constater que, depuis 2007, la prolifération de nouveaux textes, à la faveur des initiatives élyséennes subordonnant l'écriture de la loi à de prétendus impératifs de communication politique, renforce encore la complexité et l'incohérence du droit et leurs corollaires que sont l'illisibilité et l'inefficacité.

Si nous sommes tous convaincus que la représentation nationale devait se saisir de cette question, en débattre, chercher les voies et moyens de clarifier la norme, il reste que, loin de simplifier le droit, la proposition de loi soumise à notre examen le complexifie. Alors qu'elle aurait dû s'en tenir à l'objectif louable de résoudre les difficultés de rédaction, d'interprétation ou d'application de dispositions législatives existantes, elle va largement au-delà d'une simplification à droit constant. Un petit nombre seulement de ses quelque 160 articles visent à clarifier des normes contradictoires ou imprécises. Les autres visent non pas à simplifier le droit, mais à le modifier, sur des matières aussi diverses et complexes que le droit pénal, le droit rural, la fiscalité, la transposition de la directive « Services », les collectivités territoriales, les groupements d'intérêt public ou le droit de l'urbanisme.

Nous aurions pu espérer que la majorité tirerait les leçons du passé, du précédent texte de simplification et de l'épisode désastreux de l'affaire de l'Église de scientologie. Il n'en a rien été. Le travail a été conduit en amont, avec le Conseil d'État. Onze rapporteurs ont été chargés de l'examen des différents articles, les cinq sections administratives ont été saisies du texte. Des représentants du Gouvernement et de l'administration centrale ont apporté leur contribution au travail des rapporteurs. Quel contraste entre, d'un côté, le temps et les moyens énormes consacrés à cet ouvrage gigantesque, et, de l'autre, ceux, dérisoires, consacrés au débat parlementaire et au travail des commissions sur un texte dont le décryptage nécessite à l'évidence un effort titanesque.

C'est d'autant plus regrettable que les abrogations et modifications en cascade proposées dans ce texte ne se sont accompagnées en général d'aucune justification claire. Elles se traduiront par des modifications dont les conséquences ne sont nullement évaluées ou même simplement présentées.

Certains articles modifient ainsi le droit pénal, abrogeant massivement des dispositions du code pénal sans en préciser clairement ni les raisons ni les effets. Aucune étude d'impact n'a été portée à notre connaissance. D'autres auraient mérité de faire l'objet d'un projet ou d'une proposition de loi spécifique, comme les articles d'ordre fiscal ou ceux modifiant le code de l'urbanisme. Quant aux autorisations de légiférer par voie d'ordonnance pour transposer des directives, considérez-vous qu'elles constituent une simplification du droit ? Je vous le demande.

Nous estimons pour notre part qu'il s'agit davantage d'une simplification du travail législatif lui-même, préoccupante dans son principe dès lors que ce recours aux ordonnances ne se justifie par aucun motif d'urgence. Or seule l'urgence devrait justifier le recours à une telle procédure qui, dans une démocratie parlementaire, doit demeurer l'exception et non la règle. C'est encore plus vrai s'agissant d'un texte visant à améliorer la qualité du droit et de la loi.

Au fond, sous le prétexte de simplifier le droit, le Parlement se voit, une fois de plus, partiellement dessaisi de son pouvoir législatif. Je crois que cela fait trois fois en quinze jours que je vous le fais remarquer, monsieur le garde des sceaux. Cette façon de faire est indigne et méprisante pour la représentation nationale.

Debut de section - PermalienMichel Mercier, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés

C'est un peu excessif !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Paul Lecoq

Cette méthode est aussi dangereuse, car ce vaste fourre-tout censé simplifier le droit contribue au renforcement de l'insécurité juridique.

Ces lois fourre-tout peuvent aussi, comme la Cour des comptes l'avait relevé en 2006 lors de l'entrée en vigueur d'une précédente loi de simplification, être source d'effets d'aubaine législatifs qui ne sont guère à mettre au crédit de ceux qui les promeuvent.

Cette proposition abonde de mesures en apparence anodines qui, en réalité, au détour d'un alinéa, modifient le droit dans un sens défavorable à certaines catégories de salariés. Il en va ainsi de la suppression du droit à la formation des aidants familiaux, les bénévoles associatifs et les accompagnateurs non professionnels intervenant auprès des personnes handicapées, droit qui leur avait été reconnu par la loi n° 2005-102 du 11 février 2005. Il en va de même avec la remise en cause, contre les décisions de justice, du droit de rappel des salariés de la Fédération des établissements hospitaliers et d'aide à la personne privés non lucratifs.

Ce texte autorise par ailleurs l'exécutif à créer des fichiers de police par la voie d'arrêtés, s'affranchissant des conclusions de la mission d'information, qui prévoyait de confier cette compétence au seul pouvoir législatif. Il est également proposé de dispenser le rapporteur public, acteur éminent du procès administratif, d'exposer à l'audience ses conclusions sur certaines requêtes, au nom d'un principe d'efficacité, qui sera en réalité synonyme de suppression de la garantie de la collégialité effective des décisions de justice administrative.

Nous pourrions encore évoquer la question des conflits d'intérêts, puisque ce texte a pris la liberté de transcrire celui d'une proposition de loi sur la prise illégale d'intérêts, qui substitue à la notion d'intérêt quelconque celle d'intérêt personnel, distinct de l'intérêt général. Cette modification n'est pas conforme aux recommandations de la commission Sauvé.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Paul Lecoq

Je vous l'accorde, sous réserve de vérification.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Paul Lecoq

Si nous enregistrons comme un maigre progrès de la version finale de ce texte la possibilité pour le signataire d'un PACS de faire figurer ses nom et prénoms sur l'acte de décès de son partenaire, disposition que nous avions nous-mêmes défendue par voie d'amendement devant une majorité largement hostile, nous ne saurions toutefois cautionner votre proposition. Nous aurions peut-être pu soutenir un certain nombre de ses dispositions, mais il nous faut malheureusement reconnaître que députés et sénateurs n'ont pas eu la possibilité d'expertiser la totalité du texte, d'exercer sereinement leurs prérogatives, et que des dispositions problématiques demeurent.

Un principe de précaution élémentaire nous oblige donc à nous tenir à l'abri des ratés. Surtout, nous ne souhaitons pas cautionner une démarche et une méthode qui passent délibérément outre au devoir de transparence, transparence à laquelle les parlementaires ont droit.

Pour toutes ces raisons, de méthode et de fond, les députés du groupe de la gauche démocrate et républicaine voteront contre cette proposition de loi.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

Je mets aux voix l'ensemble de la proposition de loi, compte tenu du texte de la commission mixte paritaire.

(L'ensemble de la proposition de loi est adopté.)

Vote sur l'ensemble

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-sept heures vingt-cinq, est reprise à dix-sept heures trente-cinq.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion de la proposition de loi, adoptée par le Sénat, modifiant certaines dispositions de la loi du 21 juillet 2009 portant réforme de l'hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires (nos 3238, 3293).

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

J'appelle, dans le texte de la commission, les articles de la proposition de loi.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

Plusieurs orateurs sont inscrits sur l'article 1er.

La parole est à Mme Jacqueline Fraysse.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacqueline Fraysse

Monsieur le président, monsieur le ministre du travail, de l'emploi et de la santé, mes chers collègues, l'article 1er traite des sociétés interprofessionnelles de soins ambulatoires regroupant des médecins, des auxiliaires médicaux et des pharmaciens.

Vous présentez les SISA comme une réponse au problème des déserts médicaux alors que beaucoup de jeunes médecins ne souhaitent plus exercer en libéral. Je vous rappelle l'expérience faite par un maire de votre majorité : Confronté au départ en retraite de trois médecins libéraux et alors qu'aucun généraliste n'acceptait ses offres d'installation, il a décidé, avec son conseil municipal, de salarier trois médecins au barème hospitalier. Ce maire déclarait à la presse : « Il se confirme que le statut de salarié correspond bien à un changement profond des jeunes médecins, même si cela a choqué certains de mes amis libéraux. »

Il est urgent d'abandonner nos vieux réflexes, de constater que la société a changé, et la médecine aussi. Sur les 5 000 médecins diplômés en 2007, 3 276 ont choisi le salariat, 206 font des remplacements et 470 seulement se sont installés. C'est au point que le Syndicat des médecins libéraux craint pour l'avenir de l'allocation supplémentaire vieillesse, qui correspond à 39 % des pensions de retraite de cette catégorie et a demandé l'aide de l'IRCANTEC, qui bénéficie d'une arrivée massive de jeunes médecins ayant choisi l'exercice salarié au détriment du libéral. C'est cela la réalité et c'est sur cette base qu'il faut réfléchir.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacqueline Fraysse

Dans ces conditions, vos mesures incitatives sont sans effet.

D'ailleurs, dans ce texte, vous supprimez la seule mesure coercitive du contrat santé solidarité, c'est-à-dire une amende en cas de non-signature ou de non-respect du contrat. Mais cette sanction n'ayant jamais été appliquée, on peut considérer que c'était une mesure d'affichage de plus.

Je souhaiterais également, s'agissant de la lutte contre les déserts médicaux, que le ministre nous éclaire sur le montant des dépenses publiques d'incitation et d'aide à l'installation des médecins ainsi que sur les résultats obtenus, afin que nous puissions tirer des leçons intelligentes des expériences déjà faites.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Malherbe

Je tiens à souligner l'important travail réalisé par le rapporteure et par la commission sur l'article 1er, qui a permis de préciser que les professionnels de santé pouvant participer à ces sociétés sont les médecins, les auxiliaires médicaux et les pharmaciens, c'est-à-dire tous les acteurs de santé de premier recours. La loi « HPST » avait permis aux pharmaciens d'exercer de nouvelles activités, notamment les soins de premier recours. Désormais l'ensemble des professionnels est concerné par les sociétés civiles de soins ambulatoires.

J'en remercie également M. le ministre, car cela supposait de travailler avec les autres ministères, notamment avec Bercy puisque certains aspects financiers et fiscaux n'étaient pas faciles à résoudre. Il l'a fait, et la création des SISA va permettre de progresser.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Paul

Je souhaite intervenir au nom du groupe SRC et mes remarques valent également pour l'article 2.

Nous avons, au cours de la discussion générale et en défendant nos motions, suffisamment exprimé notre inquiétude sur la manière dont cette loi allait encore limiter un peu plus les quelques outils – très insuffisants au demeurant – fournis par la loi « HPST » pour lutter contre les déserts médicaux, et nous ne pouvons que prendre acte avec satisfaction des dispositions contenues dans ces deux articles, d'une part sur la société interprofessionnelle de soins ambulatoires, d'autre part sur le statut des maisons de santé. Nous sommes profondément persuadés de la nécessité de soutenir ces initiatives essentiellement locales. La réussite d'une maison de santé, c'est la rencontre d'un groupe de professionnels et de responsables d'une collectivité locale qui décident d'investir ensemble dans ce qui est un projet de santé, et parfois aussi un projet immobilier. Il faut créer les conditions pour que réussissent de tels projets interprofessionnels.

Ces avancées sont donc nécessaires, mais elles sont insuffisantes. On a constaté depuis longtemps que la création de maisons de santé ou d'autres formes de coopération interprofessionnelle était souhaitée par la quasi-totalité de la nouvelle génération de praticiens. Mais il faut aller plus loin, s'agissant des maisons de santé, pour mieux réguler leur implantation sur le territoire.

Nous soutenons donc sans ambiguïté les avancées lorsqu'il en existe, mais nous sommes également tous comptables, le Gouvernement, la majorité comme nous-mêmes, d'un examen lucide de la situation dans son ensemble. Les articles 1er et 2 constituent des avancées utiles, même si l'ensemble du texte nous paraît profondément critiquable.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

La parole est à M. Xavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé.

Debut de section - PermalienXavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé

Mme Fraysse a souhaité un bilan financier de l'avenant 20 de la convention médicale. Je vais me le procurer et le lui communiquer par écrit, ou en séance si elle le désire…

Debut de section - PermalienPhoto de Jacqueline Fraysse

Si c'est possible, monsieur le ministre. Ce sera utile pour tous.

Debut de section - PermalienXavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé

Ce sera alors en début de la séance du soir, si vous le voulez bien.

Monsieur Malherbe, le 12 juin dernier, nous avons écrit, avec François Baroin, à Alain Bergeau, président de l'Union nationale des professionnels de santé, pour rassurer les professionnels sur le fait que les SISA sont non seulement un outil juridique mais qu'elles sont également d'une grande simplicité fiscale. Si nous avons créé cette forme de société, c'est que, pour des raisons fiscales, il n'était pas possible de permettre aux professionnels de santé de recourir directement au statut de la société civile de moyens. Je tiens ce courrier à votre disposition et à celle des parlementaires intéressés.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

Je suis saisi de deux amendements, nos 66 et 205 , pouvant être soumis à une discussion commune.

La parole est à Mme Dominique Orliac, pour soutenir l'amendement n° 66 .

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Orliac

Cet amendement vise à insérer à l'alinéa 6, après le mot : « physiques », les mots : « et des personnes morales ». L'objectif est d'éviter la complexité administrative, comptable et fiscale. L'absence de mention des personnes morales poserait un problème, en particulier pour des milliers de médecins : environ 5 000 exercent en société d'exercice libéral, en particulier en SEL à associé unique, et 1 500 en SCP. Les SCM, elles, peuvent déjà comprendre aussi bien des personnes physiques que des personnes morales.

Le deuxième alinéa du texte prévu pour l'article L. 4041-1 du code de la santé publique ne résout pas cette difficulté, car il oblige le médecin à exercer sous une double activité, à titre individuel dans la SISA et à titre d'associé en dehors. Il est important de prévenir un risque de complication à cet égard.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

La parole est à M. Dominique Tian, pour soutenir l'amendement n° 205 .

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Tian

Mme Orliac a parfaitement présenté les choses et je fais mienne son argumentation. Mon amendement est quasiment identique au sien.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

La parole est à Mme Valérie Boyer, rapporteure de la commission des affaires sociales, pour donner l'avis de la commission sur ces amendements.

Debut de section - PermalienPhoto de Valérie Boyer

Je comprends tout à fait la préoccupation de mes collègues, car elle rejoint une demande des professionnels de santé membres d'une société d'exercice et qui souhaitent pouvoir s'associer à une SISA. Mais je vais leur lire l'amendement que nous avons adopté en commission et qui constitue depuis l'alinéa 7 : « Les professionnels médicaux, auxiliaires médicaux et pharmaciens associés d'une société civile professionnelle ou d'une société d'exercice libéral peuvent également être associés d'une société interprofessionnelle de soins ambulatoires ». Ces amendements sont donc satisfaits.

J'ajoute que, si l'on permettait à des personnes morales de se joindre à une SISA, on rendrait possibles des montages juridiques extrêmement complexes, qui en viendraient à fragiliser durablement le statut juridique et fiscal des SISA. Nous sommes parvenus en commission à des solutions qui permettent vraiment d'avancer. Encore une fois, je comprends cette préoccupation, mais ajouter les personnes morales au dispositif fragiliserait le système en le rendant trop compliqué.

Debut de section - PermalienXavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé

Avis défavorable. La rédaction de la commission apporte la souplesse demandée. L'adoption de ces amendements risquerait de complexifier le dispositif. En outre, il y a un autre risque : celui de créer des sociétés imbriquées.

Je suis persuadé qu'il est beaucoup plus lisible de ne permettre qu'aux personnes physiques de faire partie des SISA : cela correspond vraiment aux besoins.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Tian

Je comprends le raisonnement de Mme la rapporteure et de M. le ministre, mais je pense que mon amendement répond vraiment à un besoin exprimé clairement par les professionnels.

Debut de section - PermalienXavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé

Lequel ?

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Orliac

L'argumentation de Mme la rapporteure et de M. le ministre ne répond pas à notre préoccupation. Je maintiens donc mon amendement.

Debut de section - PermalienXavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé

Si les membres d'une société peuvent adhérer à une SISA, pourquoi la société elle-même devrait-elle, elle aussi, y adhérer ?

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Tian

L'ensemble des professionnels que j'ai auditionnés – et je suppose qu'il en est de même pour Mme Orliac – veulent résoudre le problème en ajoutant les personnes morales dans le champ de la disposition : ils savent d'expérience que des milliers de médecins se trouvent dans une situation administrative, comptable et fiscale particulière. Il me semble que la rédaction que je propose est intelligente et je ne vois vraiment pas pourquoi l'amendement de repli de Mme la rapporteure serait nécessaire. Le mien correspond à une autre logique.

Debut de section - PermalienPhoto de Valérie Boyer

Cher collègue Dominique Tian, il ne s'agit pas d'un amendement de repli, mais du texte de la commission. Je le répète : il dispose que les professionnels médicaux, auxiliaires médicaux et pharmaciens associés d'une SCP ou d'une SEL peuvent également être associés d'une société interprofessionnelle de soins ambulatoires. Votre demande est satisfaite. Si l'on commence à admettre des personnes morales dans une SISA, cela rendra les choses extrêmement compliquées.

(Les amendements nos 66 et 205 , successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 5 et 74 rectifié .

La parole est à M. Guy Malherbe, pour soutenir l'amendement n° 5 .

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Malherbe

Cet amendement vise à préciser que le pharmacien susceptible d'appartenir à une SISA devra être titulaire d'une licence de pharmacie. Ce serait préférable, car il ne me paraît pas opportun qu'un pharmacien adjoint, qui exerce à titre de salarié dans une officine, puisse être associé à titre personnel dans la SISA, alors que les nouvelles missions prévues par la loi « HPST » ont été confiées aux pharmaciens d'officine.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

La parole est à Mme Dominique Orliac, pour soutenir l'amendement n° 74 rectifié .

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Orliac

Comme M. Malherbe, je pense qu'il faut réserver aux seuls pharmaciens titulaires d'une officine de pharmacie, c'est-à-dire exerçant la profession à titre libéral, la possibilité d'être associé au sein d'une SISA.

Debut de section - PermalienPhoto de Valérie Boyer

La commission a longuement discuté de la difficulté que vous évoquez avec les pharmaciens qu'elle a auditionnés. Notre texte précise ainsi que le pharmacien adjoint peut participer à une SISA par délégation du pharmacien d'officine dont il est salarié. Au lieu de reprendre cette précision, ces amendements excluent purement et simplement les pharmaciens adjoints du dispositif. Je ne vois pas au nom de quel principe on les exclurait : cela créerait une inégalité de droits. Ils ont les mêmes diplômes, les mêmes compétences, le même exercice et sont donc tout à fait légitimes pour exercer dans une SISA. Il me semble en outre qu'une telle exclusion serait inconstitutionnelle.

Nous souhaitons tous faciliter l'exercice des professionnels de santé, développer les SISA, faire fonctionner le système. Commencer par exclure certains professionnels de santé serait un mauvais début et un mauvais message à leur intention. Ce serait même contraire à nos intentions.

Debut de section - PermalienXavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé

Je partage l'argumentation de Mme la rapporteure. Admettons – c'est un cas d'école – qu'un pharmacien exerce seulement dans la prévention, sans avoir d'officine : va-t-on lui interdire d'être associé à une SISA ? Certes, dans 95 à 98 % des cas, les pharmaciens désireux d'être associés auront une officine, mais interdire par principe me pose des problèmes. C'est la raison pour laquelle je suis défavorable aux amendements.

(Les amendements identiques nos 5 et 74 rectifié sont adoptés.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

Je suis saisi d'un amendement n° 67 .

La parole est à Mme Dominique Orliac.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Orliac

Il s'agit de supprimer l'alinéa 14, car cette disposition est totalement inacceptable. En effet, dès lors que la société exerce, elle devrait être inscrite aux différents ordres professionnels de ses membres. Les sociétés d'exercice constituées de professionnels libéraux n'ont pas à être soumises à la tutelle de l'État. En outre, la disposition prévue pourrait être jugée inconstitutionnelle en raison de la rupture d'égalité avec les autres sociétés d'exercice, toutes obligatoirement inscrites. Enfin, toute société d'exercice qui commet une infraction à la déontologie doit en répondre devant un des ordres professionnels.

Debut de section - PermalienPhoto de Valérie Boyer

Ma réponse suivra la même logique que pour les deux premiers amendements que nous avons examinés. Les professionnels qui s'associent en SISA restent soumis aux formalités préalables exigées des personnes candidates à l'exercice individuel des professions de santé. Ils doivent donc s'inscrire au tableau de l'ordre de la profession dont ils relèvent. Par conséquent, un professionnel qui commet une infraction à la déontologie devra en répondre devant son ordre. Je ne peux pas être favorable à cet amendement : sa rédaction – qui ne comporte pas la mention de l'inscription obligatoire des personnes concernées à un ordre – ne permettrait pas un exercice correct de la profession au sein d'une SISA.

Debut de section - PermalienXavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé

La SISA, c'est pour faire simple, et là, on complique. Cet amendement en est l'exemple type. Demander à la SISA de procéder elle-même à l'inscription auprès de tous les ordres serait un facteur de complication. On se rappelle ce qui s'est passé pour la biologie et des difficultés qui sont survenues. Une telle proposition est vraiment de nature à compliquer les choses en rendant moins visible le dispositif, et à entraver son succès. L'avis est donc défavorable.

(L'amendement n° 67 n'est pas adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 68 et 135 .

La parole est à M. Dominique Tian, pour soutenir l'amendement n° 135 .

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Tian

Les professionnels de santé exerceront nécessairement en dehors de la société – ce qui est tout à fait normal – car celle-ci sera avant tout une société de mise en commun de moyens. La rédaction actuellement retenue pour l'alinéa 19 créerait donc des difficultés excessives pour les professionnels de santé concernés.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

La parole est à Mme Dominique Orliac, pour soutenir l'amendement n° 68 .

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Orliac

Les alinéas 19 et 20 constituent le texte proposé pour l'article L. 4041-6. Les deux alinéas étant contradictoires, il doit y avoir une erreur rédactionnelle.

Les professionnels de santé exerceront nécessairement en dehors de la société, qui est avant tout une société de mise en commun de moyens ; et la rédaction actuelle de l'article L. 4041-6 crée à cet égard des difficultés.

Debut de section - PermalienPhoto de Valérie Boyer

Ces amendements sont satisfaits. Je lis l'alinéa 19 de l'article 1er : « Les associés peuvent exercer hors de la société interprofessionnelle de soins ambulatoires toute activité professionnelle dont l'exercice en commun n'a pas été expressément prévu par les statuts. » Ces amendements n'apportent donc pas d'éléments supplémentaires et la commission y est défavorable.

Debut de section - PermalienXavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé

D'une part, les amendements sont satisfaits, comme l'a montré Mme la rapporteure, et, d'autre part, empêcher les associés de pratiquer les mêmes activités en dehors – par exemple l'éducation thérapeutique – est forcément restrictif. Je suis donc défavorable aux amendements pour une raison de forme et pour une raison de fond.

(Les amendements identiques nos 68 et 135 ne sont pas adoptés.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

Je suis saisi d'un amendement rédactionnel, n° 64, présenté par Mme la rapporteure.

(L'amendement n° 64 , accepté par la commission et le Gouvernement, est adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 69 et 136 , que vont défendre successivement Mme Orliac et M. Tian. Décidément, ils forment sinon le couple de l'année, tout au moins celui de la soirée ! (Rires.)

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Orliac

Ces amendements visent à supprimer les alinéas 31 et 32. S'il y a répartition d'un forfait déterminé par les autorités publiques et correspondant à l'activité de plusieurs professionnels, cette situation n'a rien à voir avec celle visée par l'interdiction pour un médecin de partager avec d'autres les honoraires qu'il a perçus en raison de sa seule activité – tout ce qui relève du compérage. A contrario, ces alinéas impliqueraient que les professionnels de santé qui partageraient, hors SISA, un forfait d'éducation thérapeutique non individualisé se rendraient coupables du délit de partage d'honoraires.

Ajoutons que, dans une société, on ne partage pas directement des honoraires mais des bénéfices issus d'une recette sociale.

La même observation vaut pour le compérage et la loi créant les sociétés d'exercice libéral n'a pas estimé utile une mention similaire alors même qu'elle permet de regrouper des praticiens de disciplines totalement différentes – par exemple un généraliste, un cardiologue et un chirurgien.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

La parole est à M. Dominique Tian, pour défendre l'amendement n° 136 .

Debut de section - PermalienPhoto de Valérie Boyer

La commission a émis un avis défavorable aux amendements de nos collègues Mme Orliac et M. Tian visant à supprimer les dispositions relatives au partage des honoraires.

Les professionnels de santé en SISA vont toucher de nouveaux modes de rémunérations qui seront partagés entre eux. Nous avons voulu nous assurer que cette opération ne pourrait être qualifiée de partage d'honoraires.

Comme les dispositions relatives au compérage que nous avons adoptées en commission, ces mesures visent à écarter tout risque juridique pour les professionnels de santé qui veulent s'associer en SISA et exercer ensemble une partie de leur activité. C'est pourquoi nous sommes opposés à leur suppression.

Debut de section - PermalienXavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé

Défavorable. Nous n'avons pas à fixer à la place de professionnels la répartition de la rémunération au sein de la SISA.

(Les amendements identiques nos 69 et 136 ne sont pas adoptés.)

(L'article 1er, amendé, est adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

La parole est à Mme Jacqueline Fraysse, inscrite sur l'article 2.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacqueline Fraysse

L'article 2 précise le rôle des maisons de santé. À y regarder de plus près, on peut regretter que le Gouvernement, très volontariste quand il s'agit de promouvoir ces lieux très respectables, ne s'intéresse pas aux centres de santé. Or ceux-ci ont les mêmes missions que les maisons de santé, mais beaucoup d'entre eux sont aujourd'hui menacés faute de moyens budgétaires.

Pour construire une politique territoriale de santé cohérente et efficace, vous devriez vous appuyer sur les centres de santé qui ont fait la preuve de leur capacité à offrir une médecine de qualité, de proximité, une médecine de premier recours efficace.

Beaucoup d'études montrent que les catégories les plus modestes et les plus exposées souffrent d'une grande inégalité d'accès aux soins par rapport aux catégories plus aisées. Or les mêmes études font apparaître que là où existent des centres de santé – qu'ils soient mutualistes, associatifs ou municipaux –, cette inégalité est significativement corrigée.

Qui plus est, les centres de santé sont le plus souvent des lieux d'innovation continue aussi bien dans le domaine de la santé publique, de la prévention que dans la pratique thérapeutique. Le travail en équipe y est développé avec des praticiens qui échangent beaucoup à la fois sur leurs patients et sur le projet de santé du centre. Leur pratique médicale tient compte de l'environnement du patient et de ses vulnérabilités tant sociales que pathologiques, par le fait que des assistantes sociales, des infirmières, des psychologues, des diététiciens, etc., apportent également leur concours.

Ces structures assurent aussi, disons-le, un réel confort aux praticiens qui, débarrassés des soucis de comptabilité ou de secrétariat, peuvent consacrer un maximum de leur temps à des tâches médicales, ce qui, vous en conviendrez, est le plus « efficient » – pour reprendre un mot devenu célèbre tant vous le répétez. La gestion administrative, l'accueil, l'entretien des locaux, le gardiennage ou même la sécurité sont assurés par d'autres salariés.

Si nous n'avons rien, au contraire, contre les maisons de santé, nous souhaiterions que vous intéressiez au maintien et au développement des centres de santé à un moment où beaucoup d'entre eux sont fermés ou menacés de fermeture. C'est le cas de douze centres de santé mutualistes des Bouches-du-Rhône ou de certains centres municipaux à Paris et dans d'autres villes, du fait notamment de la baisse des ressources des collectivités. Votre politique manque un peu de cohérence à cet égard et je tenais à le relever.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Malherbe

Comme je l'ai fait à propos de l'article 1er, je voulais souligner le travail très important réalisé par la rapporteure et la commission, qui a permis de préciser quels seraient les partenaires des maisons de santé : médecins, auxiliaires médicaux et pharmaciens notamment. Toutes les professions de santé sont concernées par la dispensation des soins de premier recours. Nous allons avoir ainsi des établissements tout à fait efficients sur nos territoires.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Perrut

Mes chers collègues, je voulais insister sur la nécessité de développer les maisons et les pôles de santé. Le ministre y est particulièrement attaché et il s'est engagé dans cette voie qui répond vraiment au manque d'attractivité de certains territoires ruraux ou périurbains.

L'objectif est de faciliter l'exercice collectif qui correspond aux attentes des jeunes générations, mais surtout de favoriser un exercice coordonné des soins qui va dans le sens d'une continuité et d'une grande qualité des soins sur des territoires qui ne pourraient pas forcément en bénéficier.

Le texte a le mérite de clarifier le statut de ces maisons de santé qui ont désormais une définition juridique très claire. Il permet aussi l'élaboration d'un projet de santé transmis à l'agence régionale de santé, délimitant bien le cadre – la rapporteure a joué un rôle important sur ce point.

Toutefois, l'équipement du territoire en maisons de santé devrait peut-être progresser plus rapidement qu'à l'heure actuelle. À ce propos, monsieur le ministre, nous sommes souvent sollicités à propos de financements par trop complexes et insuffisamment pérennes ; on ne peut en effet ignorer les surcoûts engendrés par les formes d'exercice regroupés sur nos territoires. Ces structures peuvent faire appel au Fonds d'intervention pour la qualité et la coordination des soins, aux collectivités locales et à des aides diverses. Cependant, comme l'indiquait le rapport parlementaire sur la loi « HPST », ce dispositif est jugé complexe.

Par ailleurs, j'aimerais savoir où en est la phase d'expérimentation des relais de télémédecine qui viennent en complément de ces structures médicales sur le terrain. La télémédecine est un atout supplémentaire.

Enfin, je voudrais répondre à ceux qui, récemment, à l'occasion de discussions sur un prétendu bouclier rural, regrettaient le manque d'action de l'État en milieu rural en faveur de la santé. Ils se trompent : l'État investit beaucoup dans les zones rurales afin de garantir la qualité et la performance des soins ; il a ainsi débloqué 75 millions d'euros pour la création de 250 maisons de santé pluridisciplinaires d'ici à 2013 – ce n'est pas rien. Il finance aussi des bourses aux étudiants qui s'engagent à exercer en zone rurale. Je tenais à le rappeler, car je ne doute pas de la volonté du ministre de s'intéresser au domaine de la santé sur l'ensemble du territoire.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Paul

Sur tous les bancs, nous avons dit tout le bien que nous pensions des maisons de santé. Sans faire de la surenchère dans l'approbation, je rappellerai que depuis une dizaine d'années, il y a d'abord eu des expériences pionnières…

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Paul

Je vais vous le dire : grâce à des professionnels et des élus locaux qui ont su trouver, à l'échelle de leur territoire, une façon de coopérer pour mener à bien ces projets.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Paul

L'une des premières maisons médicales a été créée à Saint-Amand-en-Puisaye dans la Nièvre et on est venu la voir de la France entière.

Maintenant que nous avons tous dit tout le bien que nous pensions des maisons de santé, je voudrais faire deux remarques qui appelleront peut-être un commentaire du ministre.

Premièrement, ce texte venant comme une sorte de loi-balai un peu par hasard, il ne nous permet pas de connaître la vision d'ensemble du Gouvernement en matière d'organisation des soins ambulatoires. Notre collègue Jacqueline Fraysse a eu raison d'insister sur les centres de santé : maisons de santé et centres de santé sont évidemment complémentaires. On pourrait y rajouter, pour avoir une vision complète du dispositif, les maisons de garde qui apportent aussi un mode d'organisation et intéressant à beaucoup de professionnels, leur permettant de bien répartir l'effort en matière de permanence des soins. Il serait intéressant de savoir quelle est l'ambition du ministre sur ce point.

Nous sommes aussi tout particulièrement intéressés par les assurances qu'il peut donner en matière de financement.

Notre collègue Bernard Perrut parlait de 250 maisons de santé, mais c'est finalement peu, tout simplement parce que cette façon de travailler en commun est en train de faire école dans tout le pays : je suis prêt à parier qu'il y a plus de 250 projets à l'échelle du territoire.

L'État accompagnera-t-il tous ces projets ? S'il ne le fait pas, quels seront ses critères de choix ? Il faudra que les collectivités, malgré l'asphyxie financière dans laquelle on les entretient, accompagnent elles aussi ces maisons de santé. Au demeurant, lorsqu'on fait le détail, on s'aperçoit que la somme des contributions des collectivités locales – communes, communautés de communes, départements et régions – est généralement supérieure à l'effort de l'État, sachant que l'investissement pour un projet de maison de santé varie entre 500 000 euros et 1 million d'euros.

Monsieur le ministre, êtes-vous prêt à suivre en matière d'investissement dans l'ensemble de ces projets, dès lors bien sûr que les conditions sont réunies sur le plan qualitatif ?

Avant de se laisser aller à l'autosatisfaction, mieux vaut rester prudent. Une circulaire émise l'été dernier, à la fin du mois de juillet me semble-t-il, visait à plafonner les interventions de l'État sur les maisons de santé. Les marges de manoeuvre s'en trouvent a priori réduites.

Debut de section - PermalienXavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé

Ah bon ?

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Paul

Cette circulaire a dû être signée fin juillet 2010 par votre prédécesseur, monsieur le ministre, et elle visait à plafonner l'intervention de l'État sur ces projets de maison de santé. L'État est un peu moins libéral, si je puis dire, en termes budgétaires sur ces projets.

Deuxièmement, nous souhaitons tous entendre le ministre sur la question du financement du fonctionnement de ces maisons de santé. Il était prévu, dans les expériences de ces dernières années, que l'assurance maladie finance les secrétariats partagés des professionnels réunis au sein de ces équipes. Ceux qui s'installent dans une maison de santé – médecin, infirmier, kinésithérapeute ou professionnel d'une autre discipline – ont besoin de savoir sur quelles aides au fonctionnement ils peuvent compter dans la durée.

Pour résumer, monsieur le ministre, sur l'investissement, êtes-vous décidé à suivre ? Et en matière de fonctionnement, pendant combien de temps ?

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

La parole est à M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des affaires sociales.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Méhaignerie

Nous mesurons que nous discutons d'un point vital pour l'avenir de la santé sur les territoires. D'ailleurs, la solution choisie sera beaucoup plus efficace que les mesures contraignantes.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Méhaignerie

Ayant l'expérience de deux maisons de garde et de deux maisons pluridisciplinaires sur un territoire…

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Méhaignerie

…je sais que cela résout beaucoup de problèmes.

Cela étant, je voulais aborder trois points. Premièrement, il faut mettre les médecins dans le coup, parce que certaines maisons ont été créées avant que les professions médicales et paramédicales y aient été associées.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Méhaignerie

Deuxièmement, il faut éviter la surenchère sur les financements : nous sommes tout de même face à des professions libérales qui peuvent dégager des moyens financiers.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Méhaignerie

Sur un territoire isolé, la subvention peut atteindre 30 ou 40 villes. Cependant, accorder des subventions dans des villes de 20 000 ou 30 000 habitants, je ne crois pas que ce soit le rôle ni des collectivités locales ni de l'État. (« C'est vrai ! » sur les bancs des groupes UMP et NC.)

Ma troisième observation porte sur le financement des 250 maisons de santé. Il est nécessaire d'avoir plus d'informations et de précisions car les agences régionales de santé estiment que nous sommes quelquefois dans le vague. Cela étant, je maintiens que cela résout beaucoup de problèmes et que c'est préférable à des mesures contraignantes.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Méhaignerie

Ce n'est pas de l'angélisme mais la prise en compte du fait qu'une profession libérale n'a pas besoin non plus d'être financée à 80 % avec des dépenses ou des participations à des déficits de fonctionnement.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Bur

Non à l'assistanat des professions libérales !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marie Le Guen

C'est une erreur considérable de penser que le problème de la désertification médicale ne touche que les zones rurales.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marie Le Guen

Dans ces conditions, pourquoi prendre la densité de population comme critère pour justifier une intervention des collectivités territoriales ? Nous sommes peut-être à fronts renversés, mais parlons des choses importantes !

La question des maisons de santé ne se pose pas que dans les zones rurales. Elle se pose d'ores et déjà dans de nombreux quartiers de banlieue et, notamment parmi les plus défavorisés. Elle se pose même dans la ville de Paris.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marie Le Guen

Et nous allons intervenir en tant que collectivités territoriales pour des maisons de santé…

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marie Le Guen

…parce que le business model n'est pas établi, les modes de rémunération reposant essentiellement aujourd'hui sur le paiement à l'acte.

Il faudra évidemment être attentifs aux financements, afin d'éviter tout effet d'aubaine mais, tant que vous n'aurez pas complètement changé de modèle – ce qui suppose une refondation non seulement du financement de l'activité médicale, mais également des éléments d'infrastructure –, nous ne résoudrons pas le problème de la désertification médicale.

N'en restons pas à la vision des maisons de santé d'il y a dix ans. La question ne se pose pas simplement dans les bourgs ruraux. Elle concerne un bon tiers, voire une bonne moitié du territoire…

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marie Le Guen

… et elle se posera jusqu'à ce que les professionnels de santé, qu'ils exercent en libéral ou non, préfèrent aller dans des maisons de santé plutôt que dans des cabinets de pratique individualisée.

Debut de section - PermalienXavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé

Si l'on prend en compte les différents modes de financement pour l'année 2011, c'est un budget de 13 millions d'euros qui est prévu pour financer des maisons de santé pluridisciplinaires.

Je précise à l'intention de Mme Fraysse que les centres de santé publics sont éligibles au nouveau mode de rémunération. S'il n'y a pas une transposition claire des sociétés interprofessionnelles de soins ambulatoires – SISA – c'est parce qu'ils n'ont ni la même structure juridique ni la même vocation, mais le nouveau mode de rémunération leur est applicable. Il n'y a donc aucun problème.

Si les crédits existent, nous n'avons pas une très grande connaissance, par contre, de toutes les structures existantes, ni de tous les acteurs de financement. Je suis également un élu local. Or, même en étant ministre de la santé, j'ai beaucoup de mal à m'y retrouver et à discerner ce qui relève du ministère de l'aménagement du territoire, du mien ou d'un autre.

Debut de section - PermalienXavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé

Eh oui ! Une fois de plus, je suis d'accord avec vous, monsieur Le Guen, comme, d'ailleurs, sur ce que vous venez de dire à propos de la densité médicale.

Les financements par les nouveaux modes de rémunération – NMR – s'élèvent à quelque 7 millions d'euros, le fameux Fonds d'intervention pour la qualité et la coordination des soins – FIQCS –, à 6 millions d'euros et le Fonds national d'aménagement et de développement du territoire – FNADT – à 50 000 euros en moyenne et 100 000 euros en zone urbaine sensible.

Debut de section - PermalienXavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé

Deux points doivent être gardés à l'esprit.

Premièrement, une maison de santé ne fonctionne qu'à une condition : qu'elle ne soit pas le projet des seuls élus locaux. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

Debut de section - PermalienXavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé

Comme pour les restructurations et les projets immobiliers, il faut que ce soit un projet commun. Si on pense le faire pour les professionnels de santé, on se trompe. Il faut le faire avec eux.

Debut de section - PermalienXavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé

J'ai de nombreux exemples de collectivités qui ont décidé de créer une maison de santé en remettant à plus tard la recherche de médecins susceptibles de s'y installer : cela ne fonctionne jamais. Alors qu'elles ont consacré un gros investissement dans leur projet, il leur faudra beaucoup de chance pour que leur maison de santé finisse par en accueillir.

Deuxièmement, nous devons veiller à la visibilité des crédits. C'est pourquoi je compte proposer, dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2012, de sortir du principe d'annualité.

Comme l'a souligné tout à l'heure Bernard Perrut, l'horizon du FIQCS est d'un an. On n'est jamais sûr que sa dotation sera renouvelée et on doit passer du temps à refaire les dossiers, ce qui accroît la paperasserie et la bureaucratie déjà dénoncées. Je compte donc proposer de dépasser cette échéance.

Par ailleurs, la rare fongibilité qui existe aujourd'hui s'exerce au niveau des agences régionales de santé – ARS – et concerne en partie ce fonds. Je veux que l'on aille plus loin sur ce sujet.

Debut de section - PermalienXavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé

Nous sommes là dans un cadre parfait de décloisonnement. Cela permettra d'avancer dans la voie que j'ai indiquée.

Pour résumer, les crédits existent et des projets de maisons de santé existent, qui seront financés par les trois modes de financement que j'ai énumérés. Sans donner de leçons à personne, je précise qu'il y a des règles à respecter : la maison de santé doit être un projet médical porté par tout le monde, et on doit avoir une visibilité supérieure à l'échéance annuelle imposée par le principe d'annualité budgétaire.

Debut de section - PermalienXavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé

L'enveloppe maximum du FNADT est de 50 000 ou 100 000 euros.

Quant à cette idée d'un plafonnement de 30 %, émise en juillet, avant mon retour au ministère, elle n'a d'autre but que d'éviter que la charge ne soit supportée en totalité par l'État.

Debut de section - PermalienXavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé

Nous sommes dans le cadre d'un exercice libéral de la médecine. Un médecin exerçant dans un cabinet a son loyer et ses charges à payer. À partir du moment où plusieurs médecins se regroupent, le loyer et les charges sont moindres. Je pense avoir le soutien d'Yves Bur sur ce point.

Debut de section - PermalienXavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé

Que l'État prenne en charge une partie de ces frais et non la totalité a donc du sens – j'emploie le mot « État » au sens large : cela vaut également pour les collectivités locales.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

Je suis saisi d'un amendement n° 61 .

La parole est à Mme Valérie Boyer.

Debut de section - PermalienPhoto de Valérie Boyer

Cet amendement vise à revenir sur une disposition adoptée en commission des affaires sociales, qui prévoit que les professionnels de santé qui exercent en maison de santé doivent appliquer automatiquement le tarif opposable et le tiers payant.

Si je comprends l'intention des auteurs de cette disposition, la mise en oeuvre immédiate de celle-ci serait catastrophique pour le développement des maisons de santé.

Debut de section - PermalienPhoto de Valérie Boyer

Comme nous venons de le voir, différentes structures permettent aux professionnels de s'exprimer et de répondre aux besoins de santé, au travers de projets. Les maisons de santé sont en pleine phase de développement. Imposer, sans aucune concertation avec les professionnels de santé un tarif opposable et le tiers payant, c'est condamner ces projets à l'échec.

Debut de section - PermalienPhoto de Valérie Boyer

Je vais m'expliquer.

En adoptant cette disposition, nous nous priverions d'une des réponses les plus efficaces au problème des « déserts médicaux » et à la crise de vocation pour la médecine libérale – problème et crise qui concernent aussi bien, comme cela a été souligné, les zones rurales que les zones urbaines sensibles.

De plus, nous priverions les maisons de santé de certains spécialistes qui exercent en secteur 2, tels que les ophtalmologistes, les ORL, les psychiatres, ce qui serait, à mon avis, un mauvais calcul.

Ajoutons que, de leur côté, les centres de santé offrent une gamme étendue de soins ambulatoires – médecine générale ou spécialité, soins dentaires, soins infirmiers –…

Debut de section - PermalienPhoto de Valérie Boyer

et appliquent le tarif conventionnel du secteur 1, des tarifs maîtrisés et le tiers payant, ainsi que, le ministre vient de le rappeler, les nouveaux modes de rémunération.

Ces centres de santé sont actuellement plus de 2 000 en France, répartis sur tout le territoire, y compris dans les départements d'outre-mer ; 5 millions de patients y sont pris en charge.

Nous venons d'adopter l'article 1er permettant la constitution de SISA, ce qui représente vraiment une avancée.

Debut de section - PermalienPhoto de Valérie Boyer

Nous sommes tous d'accord sur l'intérêt que présentent les maisons de santé. Nous essayons de tester de nouvelles dispositions. Nous n'avons pas négocié avec les professionnels de santé l'application obligatoire du tarif opposable et du tiers payant. Nous rencontrons des difficultés à trouver des spécialistes. Les centres de santé apportent des réponses. J'estime donc qu'il faut utiliser cet outil de la loi « HPST » et l'améliorer, et ne pas freiner son développement.

Si les professionnels de santé qui ont formé un projet médical dans une maison de santé souhaitent d'eux-mêmes exercer en secteur 1, cela fait partie de leur projet et c'est leur choix. Mais leur imposer de travailler ainsi constituerait, me semble-t-il, un frein et une contrainte supplémentaire. C'est la raison pour laquelle je vous demande d'adopter cet amendement.

Debut de section - PermalienXavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé

Avis favorable.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Génisson

Nous sommes tous favorables aux maisons de santé. Comme l'a souligné M. le ministre, c'est d'abord un projet médical avant d'être un projet d'élus ; et si ce projet est porté par celles et ceux qui sont déjà implantés sur le territoire concerné, il sera encore d'une plus grande qualité.

Mais dès lors que sont prévus des financements publics, il est normal qu'il y ait un minimum de contrat entre ces professionnels de santé et les financeurs publics. Si les professionnels de santé venaient s'installer dans des maisons de santé sans demander de financements publics, ils pourraient faire ce qu'ils veulent – même si, rappelons-le, ces structures sont prévues dans des déserts médicaux où vivent des populations souvent en difficulté…

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Génisson

…et, surtout, qui n'ont pas d'autre choix. Dans de telles conditions, il serait insensé de laisser s'installer un système libéral…

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Génisson

…et sans vergogne, sans prévoir un minimum d'obligations contractuelles à ces professionnels de santé alors qu'ils sont soutenus par de l'argent public sur des territoires où il n'y a pas d'autre choix.

Vous mettez en avant les centres de santé. Mais Mme Fraysse a souligné leur état de dénuement et leur manque d'accompagnement. Sans oublier qu'il n'y a pas plus de centres de santé qu'il n'y a de maisons de santé : nous souffrons d'un manque structurel de centres de santé.

L'argumentation de Mme la rapporteure et la réponse de M. le ministre ne sont donc absolument pas satisfaisantes. Si nous ne voulons pas avancer, persistons à supprimer cette disposition.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Mallot

Nous n'allons quand même pas subventionner les dépassements d'honoraires ! C'est tout de même fabuleux !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Mallot

Les maisons de santé ont pour objectif de couvrir les besoins médicaux dans des zones où ces derniers ne sont pas assurés. On y met beaucoup d'énergie. Les collectivités locales, l'État et la sécurité sociale y consacrent beaucoup de financement. Et on autoriserait les praticiens qui y exercent à pratiquer les tarifs qu'ils veulent ! C'est assez ahurissant. J'ai beaucoup de mal à imaginer qu'on puisse développer un argumentaire contraire au nôtre.

Mais il y a mieux – ou pire : après le débat que nous avons eu en commission, on retrouve, dans l'exposé sommaire de l'amendement de Mme Boyer, l'argument suivant : « Si l'intention de cette disposition est louable, » – ce qui signifie qu'elle reconnaît le bien fondé de la disposition – « sa mise en oeuvre immédiate serait catastrophique ». Autrement dit, madame la rapporteure, vous n'êtes pas contre la mise en oeuvre de cette disposition, mais contre sa mise en oeuvre immédiate.

Imaginons un instant que l'on vous suive et que l'on permette l'application de tarifs libres. À quel moment fera-t-on marche arrière ? Comment expliquera-t-on, au bout d'un an, deux ans et trois ans, aux praticiens que, finalement, on revient au tarif opposable ?

La marche arrière est impossible. C'est donc un piège. On ne peut pas voter un tel amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacqueline Fraysse

J'interviens en ma qualité d'auteur de l'amendement que j'ai déposé en commission et qui a été débattu de manière très sérieuse avec mes collègues, y compris de droite : ils ont considéré qu'il était légitime, dès lors que des fonds publics sont engagés, d'exiger un minimum de contreparties – je ne reviens pas sur ce qui vient d'être dit par mes deux collègues à l'instant. C'est une évidence : dans des régions où il manque des médecins, où résident souvent des populations modestes qui, de surcroît, n'ont pas le choix, puisqu'elles n'ont pas la possibilité d'aller ailleurs, on ne peut tout de même pas subventionner des pratiques qui ne répondent pas à l'objet même de ce que nous voulons faire ! Si nous investissons des fonds publics, c'est précisément pour répondre à un besoin. Et on autoriserait une pratique qui, par définition, va précisément à l'encontre de ce besoin ? Franchement, cela ne peut pas fonctionner. Cela ne peut pas être acceptable.

Enfin, j'apprécie beaucoup le coup de chapeau porté aux centres de santé et je suis ravie d'entendre que, brusquement, ils deviennent des lieux intéressants au motif qu'ils pratiquent le tiers payant… Ce que j'aimerais surtout, c'est qu'ils soient davantage épaulés et développés ; en tout état de cause, les maisons de santé ont leur place et elles doivent elles aussi participer à cet effort en appliquant le tiers payant et les tarifs conventionnés.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Vigier

Je suis pour ma part tout à fait d'accord avec l'argumentaire développé par Mme la rapporteure.

Madame Génisson, monsieur Mallot, dans les CHU, n'y a-t-il pas des médecins exerçant en secteur 2 à honoraires libres ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jacqueline Fraysse

Les CHU ne sont tout de même pas des déserts médicaux !

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Vigier

Il est déjà hyper-difficile de faire venir des spécialistes dans les maisons de santé. Si, de surcroît, aux trois praticiens du coin qui sont en secteur 2 qu'ils devront dès demain respecter les tarifications, ils ne viendront plus. Qui a ouvert en 1981 le secteur privé à l'hôpital ? C'est Jack Ralite, alors ministre de la santé… Il ne faudrait pas l'oublier, madame Fraysse !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marie Le Guen

Mais financer des cliniques privées avec des fonds publics, c'est autre chose !

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Vigier

Mes chers collègues, ne fermez pas cette possibilité de faire venir des spécialistes dans les maisons de santé pluridisciplinaires. Au lieu de lutter contre la désertification médicale, vous risquez de l'aggraver.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

J'informe l'Assemblée que, sur le vote de l'amendement n° 61 , je suis saisi par le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche d'une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.

La parole est à M. Simon Renucci.

Debut de section - PermalienPhoto de Simon Renucci

Il y a là un non-sens. Premièrement, nous parlons des honoraires avant d'avoir discuté de la nouvelle politique conventionnelle à mettre en place ; de ce point de vue, je comprends la position de Mme la rapporteure. Reste que si les maisons de santé existent, c'est pour assurer une meilleure équité entre les patients, une réelle égalité dans l'accès aux soins.

Pour avoir longtemps exercé en secteur 1 dans des conditions difficiles, c'est en connaissance de cause que je peux m'exprimer sur le sujet. Je veux défendre l'honneur et la dignité des médecins, mais aussi dénoncer ceux qui bénéficient des études et qui ne rendent rien. À force de dire oui à M. Chassang – que je connais bien pour avoir fait partie du même syndicat que lui –, on dit non aux patients.

Debut de section - PermalienPhoto de Simon Renucci

On peut comprendre qu'il y ait des dépassements d'honoraires, mais il ne faut pas pour autant ouvrir la porte sans contrepartie. Or c'est précisément ce que nous faisons, et ce n'est pas digne de nous. Il est donc indispensable d'être vigilant. Si des dépassements d'honoraires peuvent exister, ils doivent être encadrés car les patients qui viendront consulter dans les maisons de santé sont précisément ceux qui n'ont pas forcément accès à une médecine de riches – elle existe, elle a existé – ou de facilité. Je comprends Mme la rapporteure lorsqu'elle dit que les médecins ne doivent pas se sentir humiliés de ne pas pouvoir pratiquer des dépassements d'honoraires, même si je me suis battu pour rester en secteur 1. Mais on ne saurait pour autant ouvrir la porte à toutes les dérives. Il faut encadrer les dépassements ; à ce moment-là, on peut discuter. Mais il ne vaut pas ouvrir grande la porte aux dépassement, de crainte que les pauvres médecins ne viennent pas. Les médecins ont des devoirs, et ils sont plus nombreux à suivre ce leur dicte leur devoir qu'à chercher à tirer avantage de tout.

Debut de section - PermalienPhoto de Valérie Boyer

Il n'y a pas de maisons de santé sans professionnels de santé. Si nous créons des maisons de santé, c'est pour répondre à des problèmes de désertification et de difficultés d'exercice.

Aujourd'hui, malgré toutes les subventions publiques, malgré les nombreuses aides qui commencent à être mises en place, on a le plus grand mal, dans certaines zones urbaines sensibles, à Marseille par exemple, à trouver des professionnels de santé et certains spécialistes.

Debut de section - PermalienPhoto de Valérie Boyer

D'après la Fédération française des maisons et pôles de santé, un tiers des actes sont réalisés en secteur 1. Mieux vaut trouver un médecin en secteur 2 que pas de médecin du tout, surtout quand on cherche des spécialistes (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Par ailleurs, ne mettons pas des bâtons dans les roues à des professionnels de santé qui montent un projet en fonction des besoins de la population, projet qui sera approuvé par l'ARS. Ils ont déjà de nombreuses règles à respecter et prennent des risques. S'ils souhaitent s'installer en secteur 1 parce qu'ils estiment que c'est mieux, que c'est conforme à leur éthique, laissons-les faire ! Mais ne leur imposons pas immédiatement, alors que nous sommes au tout début de la mise en oeuvre d'un système, des règles qui pourraient faire échouer le projet et qui seraient perçues comme de la bureaucratie et de la paperasserie inutiles.

Mes chers collègues, si cette idée que je développe se retrouve sur tous les bancs de cette assemblée, c'est parce que c'est le bon sens et la raison.

Debut de section - PermalienXavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé

Certaines positions ne sont pas surprenantes. Non, ce n'est pas le financement public des maisons de santé pluridisciplinaires qui pose problème. En fait, on voit très clairement que certains laissent entendre qu'ils sont contre le secteur 2.

Debut de section - PermalienXavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé

Vous ne voulez pas que le secteur 2 bénéficie de financements publics.

Debut de section - PermalienXavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé

Mais les patients ne se font-ils pas rembourser une partie des honoraires du secteur 2 ?

Debut de section - PermalienXavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé

Croyez-vous qu'un professionnel du secteur 2 va s'installer dans une maison de santé pluridisciplinaire uniquement parce qu'une partie du loyer sera prise en charge ? Allons, soyons sérieux !

Debut de section - PermalienXavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé

Je ne pense pas que le problème va souvent se poser en zone rurale ou en zone urbaine sensible.

Maintenant, vous voudriez empêcher un dermatologue, par exemple, de s'installer dans une maison de santé pluridisciplinaire parce qu'il est en secteur 2. Et ce sera tant pis pour lui dites-vous, et tant pis pour les patients. Moi, je ne veux pas de cela. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Vous voulez renforcer l'accès aux soins, très bien. Alors ne fermez pas la porte des maisons de santé pluridisciplinaires au nom de je ne sais quelle raison que je ne veux pas qualifier. Faisons tout simplement preuve de pragmatisme !

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

Mes chers collègues du groupe SRC, nous ne sommes pas dans le cadre du temps programmé, mais dans celui de la procédure traditionnelle : sur un amendement, un orateur seulement peut répondre au Gouvernement et un autre à la commission. Or cinq orateurs se sont déjà exprimés. Je ne laisserai plus parler qu'un dernier orateur. M. Jean-Marie Le Guen ayant créé le rapport de force à l'intérieur de son groupe, c'est à lui que je donne la parole. (Sourires.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marie Le Guen

Monsieur le président, j'allais vous remercier pour votre gentillesse ! Vous avez raison de laisser se dérouler le débat, car il s'agit d'une question cruciale.

Le secteur 2 a été créé pour répondre à la demande d'un certain nombre de professionnels libéraux confrontés à des demandes particulières de leurs patients.

Quant aux maisons de santé, si nous les créons avec de l'argent public, au-delà de l'argent de la sécurité sociale et de la convention médicale, c'est pour répondre soit à des problèmes de désertification médicale, soit à des problèmes d'accessibilité en secteur 1. Avec cet amendement, ces populations qui n'ont déjà pas le choix de la structure d'accès aux soins seront face à des professionnels dont il sera légitime qu'ils soient en secteur 2. Voilà un point central pour l'avenir de notre système de santé et de la sécurité sociale. Formellement, les remboursements ne valent déjà plus qu'à hauteur de 50 % pour les dépenses de soins courants. Vous êtes en train d'introduire un biais fondamental en abolissant la notion de secteur opposable au motif qu'il faut qu'il y ait des médecins. Dites plutôt clairement que votre projet caché consiste à généraliser la libéralisation des honoraires !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marie Le Guen

Voilà la réalité. Ce que vous proposez, ce n'est pas le début du secteur 2, mais la fin du secteur opposable à la sécurité sociale.

Debut de section - PermalienXavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé

Je dois confesser que les débats avec M. Le Guen me manquaient ! (Sourires.)

Je vous fais une proposition : je vais reprendre les négociations, avec l'UNOCAM, sur le secteur optionnel pour faire en sorte que davantage de professionnels puissent pratiquer des tarifs pris en charge par le régime de base et le régime complémentaire.

Hier, certains de vos collègues m'ont demandé quand j'allais relancer le secteur optionnel. Je ne le ferai pas à n'importe quelle condition. On verra alors si vous me suivrez. La part du régime obligatoire dans notre pays est constante.

Debut de section - PermalienXavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé

Ce n'est pas moi qui le dis mais le Haut conseil pour l'avenir de l'assurance maladie.

Si vous voulez faire en sorte que les soins soient accessibles à tous, il faut poser la question de la répartition des médecins et de la démographie médicale – c'est ce que nous faisons – mais aussi celle de la revalorisation du secteur 1. À cet égard, je suis fier que la consultation ait pu passer à 23 euros. Cela a permis de valoriser le secteur 1, les patients étant remboursés normalement. Or à chaque fois, permettez-moi de rappeler que vous avez été aux abonnés absents !

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

Nous allons maintenant procéder au scrutin public sur l'amendement n° 61 .

(Il est procédé au scrutin.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants 65

Nombre de suffrages exprimés 63

Majorité absolue 32

Pour l'adoption 47

Contre 16

(L'amendement n° 61 est adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

Je suis saisi d'un amendement n° 137 .

La parole est à M. Dominique Tian.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Tian

L'alinéa 10 de l'article 2 prévoit que : « La personne, dûment informée, peut refuser à tout moment que soient communiquées des informations la concernant à un ou plusieurs professionnels de santé ». Pour ma part, je propose de le rédiger ainsi : « Toutefois, lorsque la personne est prise en charge par deux ou plusieurs professionnels de santé, elle est dûment avertie que les informations la concernant pourront être, sauf opposition de sa part, partagées entre ceux des professionnels de santé qui participent à sa prise en charge, à la continuité et à la coordination des soins, dans la limite de ce qui est nécessaire à l'exercice de la mission de chacun ». J'ai la faiblesse de croire que la rédaction que je propose est un peu meilleure.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Mallot

Il va falloir demander une suspension de séance !

Debut de section - PermalienPhoto de Valérie Boyer

Ce n'est pas un secret, nous sommes souvent ensemble ! (« Ah ! » sur divers bancs.)

Je me permets de rappeler que nous avons adopté un amendement en commission qui satisfait pleinement les demandes de M. Tian et qui décrit bien ce que doit être le partage des données au sein des maisons de santé. C'est un enjeu majeur de leur développement.

Voilà pourquoi je lui demande de retirer son amendement. À défaut, j'émets un avis défavorable.

Debut de section - PermalienXavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé

J'ajoute, monsieur Tian, que j'ai demandé qu'une concertation qui va dans votre sens soit engagée avec l'ensemble des acteurs de la santé, mais qui en précise les modalités.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Tian

Oui, monsieur le président.

(L'amendement n° 137 est retiré.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

L'amendement n° 60 est rédactionnel.

(L'amendement n° 60 , accepté par la commission et le Gouvernement, est adopté.)

(L'article 2, amendé, est adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

Plusieurs orateurs sont inscrits sur l'article 3.

La parole est à Mme Jacqueline Fraysse.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacqueline Fraysse

Le volet coercitif du contrat santé solidarité a été, comme le souhaitait M. Bertrand, supprimé. Il s'agissait d'une promesse qu'il avait faite aux médecins pour abroger une mesure dite vexatoire pour la profession. Toutefois, le but de cette opération de reconquête était d'aller plus loin et de supprimer, par exemple, l'obligation de déclarer ses congés à l'Ordre – mesure humiliante, paraît-il. Ainsi, nombre de nos concitoyens sont humiliés depuis de nombreuses années et vont l'être encore longtemps…

Le Gouvernement préfère s'appuyer sur des mesures plus incitatives pour pallier les divers problèmes d'installation des médecins sur le territoire et de permanence des soins. Cependant, une étude conjointe du collectif inter-associatif sur la santé, le CISS, de la Fédération nationale des accidentés du travail et handicapés, la FNATH, et de l'Union nationale des associations familiales, l'UNAF, démontre que sur cent caisses primaires, seules vingt-huit ont mis en oeuvre ces dispositions incitatives. Dans dix-sept de ces vingt-huit caisses, l'application de ce dispositif n'a pas empêché la baisse de la densité médicale, alors que l'incitation financière l'accompagnant était de l'ordre de 25 000 à 28 000 euros par an et par médecin.

Même s'il y avait quelque raison de douter de l'efficacité du contrat santé solidarité, qui ne concernaient finalement que les médecins installés à proximité des zones sous dotées, ces doutes sont désormais des réalités confirmées : alors que la région parisienne héberge la plus grande concentration de spécialistes, 71 % des communes franciliennes ne recensaient aucun médecin spécialiste en 2010.

En Seine-Saint-Denis, on trouve à peine 7,13 médecins pour 10 000 habitants contre 12,32 chez les voisins parisiens. Il en va de même dans le Val-d'Oise avec huit généralistes pour 10 000 habitants. L'inégalité d'accès aux soins se creuse et ce sont les habitants de quartiers déjà durement touchés par la précarité qui en font les frais.

Il ne s'agit plus de mesures d'affichage ou de dispositions incitatives. Refuser de se pencher sérieusement sur ce problème qui relève de l'intérêt général est une faute, tout autant d'ailleurs que de refuser d'encadrer voire de limiter les dépassements d'honoraires. Vous venez d'empêcher l'application du tiers payant et du tarif conventionnel dans les maisons de santé, vous pourriez au moins les encadrer. Or, même cet encadrement, vous le refusez, ce qui n'est pas prendre sérieusement en considération les problèmes de nos concitoyens.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Vigier

Je voudrais rappeler à Mme la rapporteure que les dispositions de la loi portant réforme de l'hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires, prévoyaient que les médecins exerçant dans les zones surdenses allaient devoir passer quelques demi-journées dans les zones sous-denses. Grâce au présent article, on peut enfin supprimer ce dispositif mal reçu par l'ensemble de la population médicale.

Si je prends l'exemple de ma région, les zones surdenses sont constituées de Tours et de son agglomération. Si vous alliez au fin fond de l'Indre assurer un remplacement d'une demie journée, vous deviez compter un trajet aller de deux heures en voiture, vous travailliez trois heures et vous deviez compter encore deux heures pour le retour. On voit bien qu'une telle mesure était inapplicable ; aussi, le dispositif prévu à l'article 3 me paraît aller dans le bon sens.

Puisque nous évoquons la question de la désertification médicale, je rappellerai d'où nous venons.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Paul

Et nous, nous allons parler de là où nous allons !

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Vigier

On compte environ 200 000 médecins en France et à peu près autant de généralistes que de spécialistes. On a tout fait pour que la désertification médicale s'aggrave au fil du temps. Rappelez-vous la fin des années 1990 : on nous avait expliqué qu'il fallait mettre en place le mécanisme d'incitation à la cessation d'activité, le MICA,…

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Vigier

…qui permettait aux médecins de partir plus rapidement à la retraite, si bien qu'on a compté moins de prescripteurs. Dans ma petite ville de Châteaudun, trois médecins ont bénéficié du MICA, soit trois généralistes en moins.

On a ensuite décidé que les médecins, au bout de sept années d'études, n'étaient pas formés et l'on est passé à neuf ans si l'on compte les trois ans d'internat de médecine générale. Les nombreux médecins présents dans cet hémicycle et qui ont réalisé sept ans d'études ont-ils donc été mal formés ? On allonge de deux ans la formation pour ensuite se rendre compte que c'était un peu long.

Ensuite, on a mis à bas un système qui fonctionnait très bien, certains ici le savent parfaitement : celui de l'internat régional grâce auquel on pouvait passer trois concours dans trois régions différentes. On a mis en place un internat national classant et les étudiants vont évidemment dans les régions qu'ils préfèrent.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Mallot

Il n'y a pas que les médecins qui font des études dans ce pays !

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Vigier

Dès lors, la situation diffère d'une région à l'autre, monsieur Mallot. Dans certains endroits, comme à Clermont-Ferrand, que vous connaissez bien, on n'accepte pas le redoublement, ce qui n'est pas le cas à Tours. Ce système conduit certains médecins ayant réussi le concours de l'internat à ne même pas prendre de poste d'interne général libre. Au CHU de Tours, 80 postes d'IMG n'ont pas été pourvus l'année dernière.

Le fait qu'il y a trente ans, un médecin sur deux rejoignait le secteur privé contre un sur dix aujourd'hui montre bien que le cumul de toutes ces mesures a conduit à l'aggravation de la fracture médicale. C'est notre responsabilité collective de la résoudre.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Vigier

Certaines incitations fiscales ont été lancées, des bourses proposées.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Vigier

Les maisons médicales auxquelles vous tenez beaucoup, monsieur le ministre, constituent un élément de réponse important – je suis du reste à l'origine du lancement de l'une d'elles sur mon territoire – mais néanmoins insuffisant si nous n'allons pas plus loin pour réduire encore cette fracture.

Il me semble nécessaire de revenir à l'internat des régions grâce auquel, j'y insiste, il était possible de passer trois concours dans trois régions différentes. Cette disposition ne serait-elle pas simple, plus efficace ? On sait très bien quelles sont les zones sous-dotées dans lesquelles il faudrait ouvrir les vannes du numerus clausus. Jusqu'en 2002, on a garrotté le numerus clausus. Il est vrai que, depuis, il a été doublé ; mais, pour former un médecin, il faut huit ou onze ans. Aussi, une telle mesure permettrait d'inverser le cours des choses pour les trois à six années pendant lesquelles, si l'on ne fait rien, la fracture va s'aggraver.

Nombre d'entre nous ont été externes des hôpitaux et, lorsqu'ils effectuaient leur externat dans les hôpitaux périphériques, dans les centres hospitaliers généraux, ils ont eu la possibilité de s'y installer. Pourquoi ne pas aller plus loin en proposant aux internes de médecine générale non pas six mois de stage mais un an, ou alors d'aller passer une année sur trois dans une maison de santé pluridisciplinaire ? Voilà une incitation suffisamment forte pour les fixer sur un territoire, au point, éventuellement, d'y passer leur vie. En outre, comme c'est le cas pour les infirmières, on pourrait demander à un médecin formé pendant huit, dix ou onze ans, de s'installer pendant trois ans dans la région dans laquelle il a été formé.

Je terminerai par la question de la densité.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Vigier

On a beaucoup évoqué la densité de médecins pour 10 000 ou 100 000 habitants. Avec l'ARS, avec les conseils de l'ordre, on pourrait très bien définir une densité médicale au-dessus de laquelle on restreindrait la liberté d'installation.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Vigier

Ce critère serait efficace en ce qu'il permettrait, dans les zones sous-dotées – très nombreuses –, de fixer des jeunes femmes et des jeunes hommes qui garantiraient, par leurs compétences et leur disponibilité, la santé à laquelle nos compatriotes ont vraiment droit.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Paul

Seule la majorité a le droit de s'exprimer sur le sujet ?

Debut de section - PermalienPhoto de Rémi Delatte

Nous sommes tous bien d'accord pour considérer le contrat santé solidarité comme un dispositif intéressant. Néanmoins, pour le rendre plus efficient, en tout cas mieux adapté, deux modifications importantes peuvent lui être apportées.

Il s'agit, dans un premier temps, de faire en sorte que ces contrats soient conformes à un contrat type défini par l'UNCAM et par au moins une organisation représentative des médecins. Ainsi répondrait-on à l'objectif de trouver le plus large accord possible.

Ensuite, notre collègue du Nouveau centre l'a évoqué, nous considérons qu'il faut retirer l'aspect coercitif du dispositif : il vaut mieux donner des outils qui permettent aux médecins de travailler ensemble, de répondre aux demandes de nos concitoyens. Je pense en particulier à une disposition votée en commission qui prévoit que les étudiants de troisième cycle puissent assurer des remplacements en établissement ou en activité libérale.

Il vaut toujours mieux inciter au travail que de prévoir des sanctions. Nous devons saisir l'occasion de rappeler que nous sommes dans un système libéral qui s'appuie sur une histoire, une culture, et saisir l'occasion de donner un signe fort à la profession.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Paul

Chacun mesure que nous arrivons au moment clef de la discussion puisque nous abordons la question des déserts médicaux. Le but exclusif de l'article 3 est de mettre fin à une disposition certes timide mais qui allait dans le sens que nous souhaitons, à savoir la correction de la très mauvaise répartition de l'installation des médecins sur le territoire.

Monsieur le ministre, madame la rapporteure, monsieur le président de la commission des affaires sociales, nous éprouvons un profond malaise : à aucun moment nous ne vous avons entendus poser clairement le diagnostic indispensable pour traiter le sujet. Il s'agit des inégalités profondes dans l'accès aux soins, inégalités qui sont aujourd'hui l'une des caractéristiques de notre système de santé, qu'il s'agisse d'inégalités sociales ou financières.

Notre débat sur les dépassements d'honoraires était à cet égard des plus instructifs : vous refusez la possibilité non pas d'y mettre fin, il serait illusoire de notre part de le souhaiter, mais de temporiser en la matière. Même en contrepartie d'avantages financiers substantiels de la part des collectivités publiques, vous vous opposez à ce qu'on puisse, dans certains quartiers, dans certains cantons ruraux, mettre en place des projets médicaux qui bannissent ce type de pratiques.

Ces inégalités sociales face à la santé sont ravageuses et, depuis le début de la discussion, je n'ai pas entendu le ministre les évoquer ou faire des propositions concrètes, comme si ce diagnostic n'était réservé qu'à une partie d'entre nous – et non pas seulement à la gauche, d'ailleurs, mais à ceux qui vivent au milieu de leurs administrés et connaissent donc ces problèmes.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Paul

Ce débat provoque par conséquent, j'y insiste, un profond malaise car il est, si je puis m'exprimer ainsi, « hors sol ».

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Paul

Pour ce qui est de l'amendement présenté par M. Rolland – notre collègue qui avait introduit les contrats santé solidarité lors de la discussion sur la loi « HPST » –, expérimentez-le et évaluez ses effets dans deux ans. Nous verrons alors si le dispositif proposé est inapplicable.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Paul

Encore une fois, la loi « HPST » n'est pas encore appliquée que déjà vous êtes en train de défaire des dispositifs qui allaient pourtant dans le bon sens. Mesurez le signal que vous envoyez aux médecins qui restent très partagés comme vous l'êtes du reste vous-mêmes.

Notre collègue Vigier, au terme d'une démonstration à notre égard quelque peu agressive…

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Paul

…dans son début, montrait fort justement qu'il fallait plafonner l'installation de médecins dans les zones trop bien dotées.

Hier soir, au cours de la discussion générale, même si nous approchions de minuit, plusieurs d'entre vous – Pierre Morel-A-L'Huissier, Marc Bernier, Jean-Marie Rolland et d'autres –, le compte rendu intégral en fait foi, ont très clairement réclamé, non des mesures de contrainte, des mesures brutales, mais des mesures de régulation censées permettre, pour les dix années à venir, d'obtenir des résultats.

De nombreuses propositions, y compris celles émises à l'instant par notre collègue Vigier, se révèlent nécessaires. Prenons la réforme des études médicales et notamment la question du numerus clausus, l'organisation presque systématique de stages dans les territoires sous-dotés : nous savons bien que l'effet de ces bonnes idées, que nous avons toujours défendues et que nous encourageons avec les collectivités locales qui souvent financent les stages en milieu rural, ne se produira pas avant dix ou quinze ans.

Le problème est donc de savoir comment agir pour les dix prochaines années. Pendant ce laps de temps, dans vos circonscriptions, plus de la moitié des médecins partiront à la retraite. Dans la Nièvre, mon département, sur les trente praticiens inscrits au conseil de l'ordre en 2010, vingt-cinq ont été formés hors de France. Nous pillons les ressources médicales de la Roumanie, du Moyen-Orient et de l'Afrique pour fournir en médecins non seulement les territoires ruraux mais aussi, comme le soulignait Jean-Marie Le Guen, les territoires urbains. Or aucune mesure sérieuse n'est prise pour faire face à cette catastrophe sanitaire qui affecte la France.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Paul

Voilà pourquoi l'article 3 représente une faute politique majeure et vous en rendrez compte devant les Français.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marie Le Guen

Chacun comprend bien que l'article 3 est un élément majeur de la politique de santé qui aura été conduite durant ce quinquennat. Le problème de la désertification médicale, nous ne l'avions pas abordé franchement au moment de la loi de 2004. Mais, tout au long des sept ou huit années qui viennent de s'écouler, nous savions que cette question gagnait en importance. Chacun a pu constater que le problème allait croissant.

À partir de 2007, le Gouvernement nous a dit : « Nous avons bien compris. Nous allons organiser des états généraux, et nous rédigerons une loi maîtresse qui organisera le système de santé. » C'était la loi « HPST », fondée sur une certaine vision, dite de contrainte, de la répartition du corps médical sur le territoire. Aujourd'hui, vous décidez d'abroger les dispositions de cette loi avant même de les avoir testées. Autrement dit, vous avez vu le problème depuis cinq ou six ans, période durant laquelle vous avez développé une politique, et vous rompez aujourd'hui avec cette politique sans la remplacer par une politique alternative.

De ce point de vue, l'intervention de notre collègue Vigier était intéressante. Qu'a-t-il dit ? Il a dit : « Il faudrait une autre politique de santé, qui agisse par exemple sur la formation des médecins. » De fait, nous en sommes tous là : nous savons tous que, face à la désertification médicale, il faut refonder complètement notre système de santé.

Aujourd'hui, nous nous apprêtons à ne rien faire, alors que se négociera au mois de juillet une convention médicale qui va régler certains problèmes en enlevant au Parlement la possibilité de décider. Il ne s'agit pas pour moi de faire du corporatisme parlementaire. Il me semble simplement que nous avons le droit d'organiser l'accès aux soins sur le territoire. Or, cette convention médicale va prendre l'initiative de résoudre, ou plutôt de ne pas résoudre le problème de la désertification médicale, tandis que nous nous privons nous-mêmes de l'essentiel de nos outils de décision.

Il y a donc un constat commun, celui de la désertification médicale, et une politique que vous abandonnez en rase campagne à quelques mois d'une élection présidentielle, pour des raisons que chacun connaît, avec une absence totale de politique alternative. Vous préférez vous en remettre à une convention médicale dont nous avons toutes les raisons de penser qu'elle ne résoudra en rien les problèmes d'accès aux soins sur le territoire.

Quoi qu'on pense des dispositions de la loi « HPST » – une loi dont j'avais eu l'occasion de dire qu'elle allait dans le sens de l'étatisation, que je condamnais cela et que je ne la voterais pas –, on constate que vous les défaites aujourd'hui. Vous ne les remplacez par rien, et vous laissez les Français face à leurs problèmes d'accès aux soins, sans rien proposer.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Issindou

Pardon si nous nous répétons, mais je crois que nous sommes au coeur du débat. Il était très intéressant d'entendre hier soir, à minuit, les avis des uns et des autres sur le diagnostic. Tout le monde est convaincu qu'un vrai problème de santé publique se pose. Avec le contrat santé solidarité, vous aviez une possibilité de parer au plus pressé. Cette mesure valait ce qu'elle valait, mais elle avait au moins le mérite de régler en partie le problème, même si celui-ci est dû à des causes beaucoup plus profondes. Or, cette mesure, vous la retirez sans l'avoir appliquée, tout simplement parce que les corporatismes médicaux de toute nature vous ont demandé de la retirer et que vous les avez, une fois de plus, écoutés.

Arrêtons de parler de l'incitation. Nous sommes entre nous. Nous savons que cela ne marche pas. Nous l'avons essayée, nous l'avons pratiquée. On a rappelé hier soir que cinquante postes avaient été créés pour 17 millions d'euros. Ce sont des sommes considérables, et cela ne marche pas. Pourquoi l'incitation donnerait-elle demain les résultats qu'elle n'a pas donnés au bout de plusieurs années ?

J'ai beaucoup de respect pour les médecins généralistes, qui font un travail considérable. Ils travaillent en moyenne soixante heures par semaine, et ne gagnent pas des sommes folles. Le travail qu'ils font est tout à fait louable. Mais ne perdons jamais de vue qu'ils travaillent avec de l'argent quasi public et que l'on peut, pour cette raison, avoir vis-à-vis d'eux quelques exigences, quels que soient, encore une fois, leurs qualités et leurs mérites. Leurs études sont payées par le contribuable français, après quoi ils sont rémunérés par de l'argent qui provient, à travers la sécurité sociale, de cotisations salariales et patronales.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Issindou

Mais bien sûr qu'ils apprécieront ! On le leur dit, et on le leur redira avec le même enthousiasme. Ils peuvent le comprendre. Il y a beaucoup de fonctionnaires dans ce pays, il n'y a pas que des médecins. Il faut qu'ils entendent ce discours, et ils sont capables de l'entendre. Les problèmes que cela pose, ils en sont conscients, plus que certains d'entre vous !

Vous supprimez une petite mesure qui avait un peu de sens, et vous ne proposez absolument rien pour la remplacer. Les déserts médicaux, on y va tout droit. Les patients ont aujourd'hui des difficultés que vous ne semblez pas voir, y compris dans les zones qui sont aujourd'hui à peu près préservées et où il y a des médecins qui n'en peuvent plus de travailler soixante heures par semaine. Dans ma commune, il y a dix ans, ils étaient dix. Aujourd'hui, ils sont sept, et ils n'en peuvent plus. C'est tout le système de médecine générale qui est en train de souffrir, partout, et vous n'avez pas l'air d'en prendre conscience. Tant pis pour vous.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marie Rolland

J'avais défendu l'amendement qui a introduit dans la loi « HPST » ce contrat santé solidarité qui ne mérite, me semble-t-il, ni cet excès d'honneur ni cette indignité. Je me permets de vous rappeler qu'il avait été rédigé en accord avec les internes, c'est-à-dire avec ceux qui vont s'installer, dans les prochaines années, comme médecins généralistes ou spécialistes. L'idée de solidarité sous-tendait ce contrat : pourquoi imposer aux nouvelles générations les difficultés créées par une situation démographique dont elles ne sont pas responsables puisqu'elle est le fait des générations précédentes ?

Dans l'esprit du rapporteur de la loi « HPST » que j'ai été, cet amendement était un outil supplémentaire dans la boîte à outils dont doivent disposer les ARS. J'ai rappelé, tout au long de la discussion de cette loi, que ce qui fait l'intérêt de la régionalisation, c'est que les mêmes modes de fonctionnement sont différents en région parisienne, en Bourgogne ou dans le Limousin. L'idée de départ était que chaque territoire devait être capable de créer cette dynamique pour attirer des médecins. Une fois établi le schéma régional de l'offre de soins, il devait être proposé, dans un délai prévu par la loi, aux médecins qui souhaitent s'installer en zone surdense de coopérer à l'activité médicale dans d'autres secteurs.

Je me permets de rappeler l'exemple que je prenais, pour faire plaisir à mon collègue Christian Paul. Si un jeune ophtalmologiste veut s'installer au pied de la cathédrale de Dijon, on peut lui dire : « D'accord, installez-vous. Mais vous irez deux fois par semaine faire des opérations de la cataracte à Clamecy ou à Avallon. » Cela ne me semblait pas quelque chose de complètement idiot.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marie Rolland

Et cela permettait d'exercer une solidarité, notamment dans un certain nombre de spécialités.

En outre, il n'est pas possible d'imposer à un jeune médecin spécialiste en médecine générale d'aller s'installer dans un canton reculé, au risque d'avoir des revenus inférieurs à ceux qu'il aurait s'il s'installait au pied de la cathédrale. Mais il est possible, dans le cadre des contrats individuels que peuvent proposer les ARS, d'imposer une pénalité au médecin qui ne respecterait pas cette solidarité entre confrères.

Le contrat santé solidarité me semble donc quelque chose de relativement simple. Il a été détourné de son esprit, et est devenu, aux yeux d'un syndicat de médecins spécialistes, une mesure « scélérate ». Il est important d'être un peu plus pédagogue et de rappeler aux uns et aux autres notre responsabilité vis-à-vis des jeunes médecins qui viennent de terminer leurs études ou qui vont les terminer dans quelques mois, et à qui l'on impose une situation dont ils ne sont pas responsables.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Issindou

Très bien ! Voilà quelqu'un de responsable !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Mallot

Il y en a au moins un à l'UMP ! (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Génisson

Je remercie l'ancien rapporteur de la loi « HPST » de son intervention,…

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Génisson

…qui est tout à fait fondamentale et qui apporte un début de solution à un problème dont nous nous accordons tous à dire qu'il est gravissime.

Il y a urgence. Quand nous entendons M. Vigier présenter les solutions qu'il a exposées, nous sommes d'accord aussi…

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Génisson

Nous sommes d'accord, monsieur Vigier, mais le problème, c'est que vous avez essentiellement parlé de la réforme des études médicales et que vos propositions produiront des effets dans dix ans.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Génisson

Or, le problème de la désertification médicale est immédiat. Il y a un levier qui nous permettrait d'être efficaces un peu plus tôt que dans dix ans : c'est celui la régionalisation de l'internat. Il faut y revenir. Nous sommes d'accord. Mais, quels que soient ceux qui en décideront, il leur faudra du courage politique pour l'appliquer. Car il y a actuellement une opposition farouche, frontale, de la part de celles et ceux qui sont concernés.

Et puis, comme l'a dit Mme Fraysse, il y a des millions de Français qui doivent poser leurs congés quand ils partent en vacances. Il y a même, parmi eux, des milliers de médecins car, si les médecins libéraux n'ont pas actuellement l'obligation de poser leurs congés, ceux qui exercent à titre salarial dans les hôpitaux y sont obligés – c'est d'ailleurs une obligation tout à fait nécessaire, et qui ne coûte pas grand-chose. Non seulement ils y sont obligés, mais ils sont contraints de prendre leurs congés à certains moments, car le manque de médecins, y compris dans le secteur hospitalier, est tel qu'ils ne peuvent pas forcément prendre leurs congés quand ils le souhaitent. Mais c'est ainsi.

Monsieur Vigier, vous avez dit qu'un médecin sur dix s'orientait à présent vers le secteur libéral. Je voudrais rendre hommage à la très grande majorité de nos jeunes médecins qui n'ont pas comme premier objectif l'exercice mercantile de leur profession. (Protestations sur plusieurs bancs du groupe UMP.) Les enquêtes montrent que ces jeunes médecins sont tout à fait intéressés par des dispositifs tels que celui qui avait été proposé par M. Rolland, tout comme ils sont passionnés par la mise en place des maisons de santé. Nous pouvons constater, les uns et les autres, dans nos territoires, que quand ils travaillent sur les maisons de santé, l'inscription en secteur 2 n'est pas leur priorité. Ce qu'ils veulent, c'est participer à un projet médical, à un projet de santé sur un territoire, c'est travailler avec plusieurs professionnels. Soyons un peu plus généreux et faisons un peu plus confiance aux nouvelles générations. N'écoutons pas quelques syndicalistes parfois repliés sur leurs avantages. Ils ne sont pas à l'image de la majorité du corps médical, et notamment pas des jeunes générations. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Garrigue

On a beaucoup souligné la gravité du problème de la désertification médicale. Il touche à la fois les zones rurales, les villes moyennes et les banlieues des grandes agglomérations. Il touche les généralistes, mais aussi, ce qu'on oublie parfois, les spécialistes.

Les mesures incitatives montrent malheureusement leurs limites. Et je suis convaincu que même l'élargissement du numerus clausus ne changera pas fondamentalement une situation qui est due aux comportements, aux choix des jeunes médecins. Ceux-ci ne sont pas portés à s'installer dans certains secteurs, dans certaines régions. Par conséquent, je pense qu'on ne peut pas échapper à une certaine forme de régulation.

Il y avait eu une tentative dans l'avant-projet de loi « HPST ». Nous y reviendrons peut-être tout à l'heure. Elle a suscité des réactions négatives. J'observe que ces contrats santé solidarité étaient une solution de repli. Le rapporteur de la loi l'a très justement rappelé. On ne peut pas faire l'économie de la régulation.

Il y a un élément que personne n'a souligné. L'un des aspects les plus importants de ces contrats santé solidarité, à propos desquels on parle de coercition, c'était la contractualisation. Je pense en effet que la régulation est acceptable si elle s'appuie sur une contractualisation entre les acteurs concernés. Cela peut être, en particulier, les syndicats de médecins et les caisses régionales d'assurance maladie, ou encore les ARS. La contractualisation peut permettre de responsabiliser l'ensemble des acteurs. Mais il est évident qu'elle ne peut être efficace que s'il y a une part de contrainte.

Cette part de contrainte peut prendre la forme, comme dans le cadre des contrats santé solidarité, de sanctions pécuniaires. Elle peut aussi prendre la forme d'un non conventionnement, comme le prévoyait initialement l'avant-projet de loi « HPST ». Mais, quoi qu'il en soit, s'il n'y a pas une dimension de contrainte, la contractualisation et la régulation ne serviront à rien.

Je considère que c'est envoyer un signal déplorable que de remettre en cause ce volet dans le cadre de l'article 3, surtout sans proposer la moindre solution de remplacement, et j'ai donc déposé un amendement de suppression de cet article.

Debut de section - PermalienPhoto de Bérengère Poletti

Nous parlons beaucoup de la démographie médicale et du fait que les médecins cherchent à fuir certaines parties du territoire.

Certains territoires sont en effet plus difficiles que d'autres, et c'est dans ceux-là que le problème apparaît, mais, plus généralement, il y a une crise profonde de la profession de médecin, de médecin généraliste en particulier.

Le premier signe en est que les médecins s'installent de plus en plus tard, souvent passé quarante ans, alors qu'ils s'installaient, il y a encore quelques années, sitôt leurs études terminées. De plus, parmi ceux formés pour exercer la médecine libérale, toute une partie – plus de la moitié – s'échappe et cherche à exercer des professions plus protégées.

Mon département est très concerné par ce problème, d'autant plus aigu qu'il se pose un problème d'attractivité du territoire. Les généralistes de mon département demandent d'ailleurs que des mesures soient prises pour faire revenir certaines professions et activités.

Pourtant, ils sont opposés à l'obligation de déclarer leurs congés. Initialement, je pensais, comme vous tous, que c'est la moindre des choses, lorsque l'on part en congé, de le signaler. Mais les médecins de ma circonscription sont montés au créneau contre cette mesure car ils considèrent que, par ce biais, on leur empêchera de partir en vacances, que les caisses d'assurance maladie, lorsqu'elles constateront qu'il ne reste plus qu'un seul médecin sur place et qu'il s'apprête à partir en vacances, le réquisitionneront. Ces médecins, qui, dans ma circonscription, souffrent, considèrent qu'il pourrait y avoir des arrière-pensées, et je ne suis pas loin de partager leur avis. Ils ne veulent pas payer la note pour les problèmes de démographie médicale. Ils attendent d'autres solutions.

À cela s'ajoute l'espèce de harcèlement dont ils se sentent victimes de la part des caisses. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Mallot

Du harcèlement ? Et les chômeurs, que doivent-ils dirent alors !

Debut de section - PermalienPhoto de Bérengère Poletti

C'est ce qu'ils disent. Ils pensent être harcelés administrativement par les caisses d'assurance maladie.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Mallot

C'est ahurissant ! Savez-vous dans quel monde vous vivez ?

Debut de section - PermalienPhoto de Bérengère Poletti

Ils n'ont pas envie de cette mesure-là, et pourtant ils souhaitent que l'on se saisisse du problème.

Vous dites qu'il faut faire confiance aux jeunes, j'en conviens bien volontiers, mais ce sont eux les premiers à venir défiler contre les mesures de régulation de la profession. Ils n'en veulent pas. Pourtant, ils devront considérer un jour qu'ils sont concernés par ces adaptations nécessaires – mais ils s'opposent à l'obligation de déclarer leurs congés.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Bapt

Je suis stupéfait de l'intervention de Mme Poletti, qui vient de faire une critique sévère de l'article 4, et pas simplement du contrat santé solidarité. Ce sont des dispositions qu'elle-même a votées !

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Bapt

Vous en faites la critique la plus sévère aujourd'hui, alors même que M. Rolland, qui était le rapporteur du projet de loi, défend la disposition qu'il vous avait fait voter, en disant qu'elle avait bien été négociée, y compris avec les étudiants et les internes.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Bapt

Nous sommes en pleine contradiction : vous venez de nous décrire l'absence totale de volonté, de la part des médecins, de considérer l'intérêt public au moment de prendre leurs vacances. Dans ma commune, les boulangers s'accordent pour garder toujours un jour d'ouverture. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bérengère Poletti

Vous ne pouvez pas comparer médecine et boulangerie !

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Bapt

Les boulangeries sont pourtant une activité commerciale. Comment imaginer, par ailleurs, que ce qui est imposé, parce que nécessaire, aux médecins qui travaillent dans le secteur hospitalier, et qui prennent leurs vacances de manière coordonnée, c'est-à-dire pas tous en même temps, ne s'applique pas à la permanence des soins dans les territoires ?

Sur le fond de ce raisonnement, vous exprimez l'inverse de ce que vous avez voté à la demande de Mme Bachelot, ou à l'initiative du rapporteur, et vous affirmez froidement que les médecins, défilant dans les rues, ne se verront imposer aucune mesure. Mais beaucoup de personnes défilent dans les rues sans qu'on les écoute pour autant ! Ceux que vous écoutez aujourd'hui, ce sont simplement les plus militants et les plus corporatistes, et c'est ce qui a bloqué l'évolution de la santé dans nos territoires.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

La parole est à M. Daniel Garrigue, pour soutenir l'amendement, n° 50 , tendant à supprimer l'article 3.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Garrigue

On ne peut résoudre le problème de la désertification médicale sans régulation. On ne peut faire de régulation sans contractualisation. On ne peut faire de contractualisation sans un minimum de contrainte. C'est pourquoi les contrats santé solidarité étaient le minimum nécessaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Valérie Boyer

Nous sommes tous sensibles au problème de l'accès aux soins, à celui des déserts médicaux. Il n'y a pas d'un côté de l'hémicycle les gentils qui se préoccupent des déserts médicaux, et de l'autre les méchants pragmatiques. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Quand on défend à la fois les médecins et les patients, on n'a pas de leçon de morale à recevoir à chaque fois que l'on propose un article !

Certains propos tenus dans cet hémicycle sont excessifs. Nous sommes en train d'examiner un texte visant à rendre plus efficace et plus pragmatique la grande loi que nous avons votée il y a deux ans, portant réforme de l'hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires. (Rires sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Valérie Boyer

Deux ans après sa promulgation, par pragmatisme et parce que nous voulons répondre aux besoins de la population, nous sommes en train de proposer des mesures pour la simplifier, pour faire en sorte que nos concitoyens accèdent aux soins plus facilement et que les médecins puissent s'installer plus aisément.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marie Le Guen

Vous courez pitoyablement après quelques morceaux de votre électorat !

Debut de section - PermalienPhoto de Valérie Boyer

Aujourd'hui, la médecine générale est en crise et, surtout, elle est de moins en moins attractive pour les jeunes. Il est totalement illusoire, voire dangereux, de s'appuyer sur des méthodes coercitives. Il faut être réaliste et pragmatique : pensez-vous une seule seconde qu'un jeune qui a fait des études difficiles et qui, son diplôme obtenu, a à choisir entre dix propositions, va s'installer là où on risque de lui infliger une amende ? Ce n'est pas cohérent.

À un moment donné, il faut, Bérengère Poletti l'a excellemment exposé tout à l'heure, s'en remettre à la responsabilité des professionnels (Exclamations sur les bancs du groupe SRC) et trouver un accord au niveau national sur les contrats santé solidarité.

Il est évident que l'on ne peut pas faire cette réforme de la santé contre les professionnels, ni répondre ainsi aux besoins de la population. Unanimement, les professionnels sont contre cette mesure.

Debut de section - PermalienPhoto de Valérie Boyer

On peut soit imaginer de beaux systèmes, soit essayer, à un moment donné, de trouver des solutions. C'est ce que nous avons tous essayé de faire ici en toute bonne foi.

Quand, unanimement, les professionnels de santé nous disent qu'ils ne veulent pas de cette réforme, je ne vois pas pourquoi nous irions contre leur volonté, car notre objectif est qu'ils s'installent, qu'ils travaillent et qu'ils répondent aux besoins de santé de la population. La commission a donc rejeté cet amendement, et je voterai contre. Je vous demande de faire preuve de réalisme et de pragmatisme.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Mallot

Ne supprimez donc pas le bouclier fiscal, puisque ses bénéficiaires y sont opposés !

Debut de section - PermalienXavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé

Il y a, à l'origine de la proposition de loi de M. Fourcade, deux points majeurs : celui-ci et les déclarations d'absence.

Debut de section - PermalienXavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé

Vous l'aviez bien compris, mais moi, je l'assume à 1 000 % !

Si nous sommes réunis, c'est parce que ces deux dispositifs, qui faisaient partie de la loi « HPST », n'ont pas été compris par les professionnels de santé libéraux. Et, de ce fait, le sentiment s'est répandu que la loi « HPST » était tournée vers l'hôpital et contre les professionnels de santé libéraux qui exercent en médecine ambulatoire.

Si ces deux dispositifs ne sont pas révisés dans la proposition de loi Fourcade, alors toutes les concertations, tous les travaux que nous avons menés n'auront servi à rien, et toutes les incompréhensions vont perdurer.

Debut de section - PermalienXavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé

Je le dis aux parlementaires de la majorité : ceux qui disent vouloir sauver la médecine et éviter les déserts médicaux sont ceux qui créeront davantage de déserts médicaux demain.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Mallot

Pourquoi demain ? Vous êtes donc si sûrs de perdre les élections ?

Debut de section - PermalienXavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé

On affirme aujourd'hui qu'un peu de régulation et un peu de coercition ne feront de mal à personne et seront bénéfiques pour les patients, mais on ne fait pas le bonheur des gens malgré eux ! On ne construit pas un système de santé sans les professionnels de santé !

Vous dites qu'il y a des syndicats de médecins corporatistes. Ce sont des propos intolérables à mes yeux. Même dans une enceinte protégée telle que l'assemblée, les propos que vous tenez sont blessants à l'égard des professionnels de santé. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP. – Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienXavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé

Vous avez le droit d'avoir vos convictions, mais vous ne pouvez pas tenir des propos aussi blessants à l'égard des professionnels de santé, vous ne pouvez pas faire le tri entre les professionnels de santé qui vous plaisent et ceux qui vous déplaisent.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marie Le Guen

Votre respect des syndicats vous honore, monsieur le ministre !

Debut de section - PermalienXavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé

Parlons également des internes. Vous dites que certains médecins, qui sont en exercice, ne pensent qu'à eux, et que les internes sont différents. Mais, quand vous interrogez les syndicats d'internes, ils ne disent pas qu'ils sont contre les incitations, mais qu'ils ne les connaissent pas. ISNAR-IMG a réalisé une enquête : 85 % des internes ne connaissent pas suffisamment toutes les mesures.

Debut de section - PermalienXavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé

Oui, nous faisons notre boulot, c'est d'ailleurs pour cela qu'il y aura avant l'été des guichets uniques dans chaque ARS, en lien avec les conseils de l'ordre et en associant tout le monde pour garantir la visibilité de tous les dispositifs incitatifs. L'incitation, j'y crois, mais il faut lui laisser toutes ses chances, ce qui n'a jamais été le cas.

Quand vous interrogez les internes, ils vous disent que toutes les mesures qui ont été mises en place fonctionnent, notamment la reconnaissance de la médecine générale comme spécialité. Aujourd'hui, avec toutes les revalorisations qui ont été menées à bien, le nombre d'internes de médecine générale est désormais supérieur au nombre d'internes des autres spécialités. Voilà la vérité.

Il est vrai que cela ne se fait pas en claquant simplement des doigts. En dix ans, nous sommes passés de 3 500 à 7 400 étudiants, mais cela prend du temps. Je vais d'ailleurs dédouaner les uns et les autres : gauche et droite confondues ont fait les pires erreurs. Au nom d'un malthusianisme qui cachait son nom, nous nous sommes dit qu'avec moins de médecins, il y aurait moins d'actes, et donc moins de dépenses. Et maintenant, nous devons gérer la pénurie. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

Il a fallu, depuis dix ans, augmenter à nouveau le numerus clausus. En 2005, il a fallu que je me batte contre le ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche pour l'augmenter encore. Et, je vous le répète, tous les experts me disent que cela ne servira à rien, mais je pense qu'il faut continuer à l'augmenter pour une simple raison : il y aura davantage d'exercice à temps partiel dans les années qui viennent, et ce n'est pas un sujet purement féminin. Il faut l'anticiper. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

Mais nous ne pouvons pas dire à ceux qui entrent aujourd'hui dans la profession que l'on va changer les règles pour eux, car ils vont se dire que, si l'on touche aujourd'hui à ces règles-là, on touchera à d'autres demain, et ils vont perdre confiance dans le système, chercher une autre voie, une autre vocation.

Je le dis avec tout le respect dû à Jean-Marie Rolland pour ses fonctions de rapporteur de la loi « HPST », la santé est un secteur d'activité qui ne ressemble à aucun autre. C'est ce que nous avons de plus cher et de plus intime. Imaginez un autre secteur dans lequel on demanderait aux personnes déjà installées d'aller s'installer ailleurs contre leur gré. Ce n'est pas possible.

Debut de section - PermalienXavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé

On ne les mute pas d'office. Imaginez, dans le cas des députés, qu'on leur demande d'aller dans une autre circonscription !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Mallot

Votre parallèle est d'une bêtise absolue ! Comme si être député était un métier !

Debut de section - PermalienXavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé

C'est pourquoi le contrat de santé solidarité, dès lors qu'il a acquis une image de coercition et de sanction, n'est pas compatible avec le système.

Je comprends bien l'idée deJean-Marie Rolland, mais, sur le terrain, les professionnels ne l'ont pas accepté et ne l'ont pas compris. Je peux comprendre la philosophie qui était la sienne, mais la vérité est que cela produit l'effet inverse.

Si ce point-là n'est pas adopté, nous ne renouerons pas – gauche ou droite – avec la confiance, et ce quels que soient les acteurs. Dans les départements, dans les régions, on peut parfois avoir, au nom du pragmatisme, des comportements un peu différents, mais je sais que la liberté compte, en particulier la liberté d'installation. Je pense qu'il faut donner envie plutôt que d'obliger, car le fait d'obliger est contraire aux principes de notre médecine. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marie Rolland

Je ne reviens pas sur le contrat santé solidarité. J'ai déjà rappelé les soucis que nous pouvions avoir vis-à-vis des nouvelles générations.

Monsieur le ministre, lorsque l'on est juge, magistrat,…

Debut de section - PermalienXavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé

Pas juge du siège !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marie Rolland

…instituteur ou officier, il arrive que l'on aille dans des endroits où l'on n'est pas désireux d'aller. Les rapports entre l'exercice de la médecine dite libérale et la responsabilité vis-à-vis de la santé publique sont importants. (« Très bien ! » sur plusieurs bancs du groupe SRC.) Je ne reviens pas sur ce sujet.

Je voudrais évoquer en quelques mots la deuxième mesure jugée vexatoire : la déclaration de congés. Cette notion avait pour but d'éviter que, dans certaines régions de France, à certaines époques, il ne se trouve aucun médecin généraliste ou spécialiste. Nous avons tous vécu ces situations dans nos circonscriptions : dans l'Yonne, par exemple, sur les dix ORL du département, il n'y en avait aucun entre le 23 décembre et le 7 janvier. C'est difficilement admissible.

Il est important – même si cela a été mal compris – de faire cette déclaration à l'ARS, mais il est plus important encore de demander à la profession d'assumer sa responsabilité – cela figure d'ailleurs dans le code de déontologie. Le médecin qui souhaite arrêter son activité pendant quelques jours doit, soit veiller à se faire remplacer, soit adresser ses patients à un autre médecin de même spécialité. La grande majorité des médecins – 80 ou 90 % – le font. Lorsque ce n'est pas le cas, pourquoi ne pas confier au conseil de l'ordre ou à l'ARS la tâche d'organiser cette permanence des soins, en médecine générale comme en spécialité ?

Nous sommes aujourd'hui pris entre le laisser-faire complet, l'envie de faire plaisir à un certain nombre de syndicats médicaux qui n'ont pas toujours – je le dis avec tristesse – assumé leurs responsabilités dans ce domaine, et le devoir d'assumer nous-mêmes nos responsabilités vis-à-vis de nos concitoyens, c'est-à-dire de malades en puissance qui risquent de se trouver devant des portes closes à certaines périodes de l'année et en certains endroits. Je crois qu'il y va de notre responsabilité. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienXavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé

Monsieur Rolland, ce n'est pas parce que l'absence sera signalée que le problème sera réglé. Il faudrait au passage savoir si nous l'abordons du point de vue de la démographie médicale ou de celui de la permanence des soins.

Debut de section - PermalienXavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé

Ce n'est pas tout à fait la même chose. Ils sont liés, j'en suis d'accord, mais l'échelle de temps n'est pas la même. Si l'on veut durablement améliorer la permanence des soins, il faut faire mieux en matière de démographie médicale.

Debut de section - PermalienXavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé

Il est actuellement des territoires où, si un médecin annonce son absence pour une certaine période, le conseil de l'ordre ne parviendra jamais à trouver de remplaçants.

L'interlocuteur privilégié du médecin n'est pas l'administration, ni le conseil de l'ordre, c'est le patient. Lorsqu'il s'absente, ses rendez-vous sont reportés jusqu'à son retour. S'il y a une situation d'urgence particulière, d'autres acteurs interviennent. Je me suis renseigné, du reste, auprès de membres du conseil de l'ordre. Ils m'ont dit que, si toutes les déclarations obligatoires d'absence étaient faites, ils ne pourraient pas les traiter.

Debut de section - PermalienXavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé

Il me semble donc inutile de rigidifier encore les choses. Ce n'est pas l'enjeu de l'amendement que nous examinons, mais ces réflexions nous serviront pour la discussion des amendements ultérieurs.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Paul

Les beaux discours du ministre auraient pu nous convaincre en 2002, en 2003 ou en 2004, mais, dès 2005, ce n'aurait plus été possible, tant l'ampleur du problème était devenue considérable.

Monsieur le ministre, le nombre des médecins n'est pas une question subsidiaire. Nous avons tous dit qu'il était d'une grande importance que le numerus clausus ait été progressivement desserré. La France occupe une place très honorable par rapport à la moyenne européenne en ce qui concerne le nombre des médecins. Ce qui fait problème, c'est leur répartition. Or, rien n'indique aujourd'hui que l'augmentation du nombre de médecins liés au desserrement du numerus clausus produise une répartition substantiellement meilleure.

Nous avons entendu, depuis cinq ans, toutes les catégories de professionnels de santé : les syndicats bien sûr, mais aussi les associations de spécialistes, de généralistes, les jeunes internes. Tous nous ont dit que les incitations n'avaient pas de réel effet sur l'implantation des jeunes médecins.

Un guichet unique, c'est très bien si cela permet de simplifier les procédures. Nous avons tous une courbe d'expériences sur ces questions. Les incitations et le numerus clausus font partie des mesures nécessaires, mais non suffisantes. Vous ne parviendrez pas à nous faire croire que vous avez aujourd'hui une autre volonté que celle de promouvoir le laisser-faire.

Ce que vous nous proposez n'est ni plus ni moins qu'une capitulation en rase campagne. Vous ne tirez aucune leçon des échecs passés. On peut étudier sur trente ans la responsabilité des uns et des autres, mais la question qui se pose aujourd'hui est de savoir si nous baissons les bras ou si nous mettons en place la panoplie des mesures nécessaires.

Je suis extrêmement surpris, par ailleurs, de vous entendre parler si souvent des médecins et jamais des patients. (Exclamations sur de nombreux bancs du groupe UMP.) Nous avons un immense respect pour les professionnels de santé. Mais il s'agit d'un problème d'intérêt général et nous ne croyons pas, encore une fois, que l'exercice libéral soit mis en cause par le fait que nous essayions de trouver une voie d'intérêt général.

J'ai découvert, au hasard d'une revue de presse, que les représentants de la CSMF ont été reçus à la fin de la semaine dernière par le Président de la République, alors que cela ne figurait pas à l'agenda présidentiel. Si j'en crois le président de cette confédération, la proposition de loi Fourcade a été évoquée. Cela signifie clairement que vous avez pour mission de traduire en termes législatifs les résultats de la conversation du Président de la République avec un syndicat de médecins qui campe depuis des années sur des positions extrêmement conservatrices. Nous avons auditionné très souvent M. Chassang. Il pense que le traitement du désert médical ne relève pas de la responsabilité de la CSMF. Je suis d'accord avec lui. Elle relève de la responsabilité du Parlement, du Gouvernement, de la puissance publique. Hélas, vous êtes aux abonnés absents. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Olivier Jardé

Mes chers collègues, j'en ai assez des discours idéologiques !

Debut de section - PermalienPhoto de Olivier Jardé

La diminution de moitié du nombre de médecins formés n'est pas le fait de nos gouvernements, ni de nos courants de pensée. Elle a été patiemment organisée dans les années 1980-1990. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marie Le Guen

J'étais étudiant en médecine et j'ai manifesté contre !

Debut de section - PermalienPhoto de Olivier Jardé

Cela a été fait de façon idéologique, pour diminuer les dépenses de santé en diminuant le nombre de prescripteurs. Nous essayons, de façon pragmatique, de corriger vos erreurs, et je ne comprends pas votre acharnement actuel.

Nous avons doublé le nombre de médecins formés chaque année, en passant de 3 500 à 7 000 en huit ans. Cela a posé, du reste, divers problèmes aux facultés, et je remercie le Gouvernement de les avoir résolus, par exemple en accroissant les surfaces destinées aux salles de cours.

Il y a un malaise, un problème de répartition, de permanence de soins. Mais, de grâce, cessez de nous considérer comme fautifs, alors que nous essayons simplement de restaurer ce que vous avez démonté depuis quinze ans. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP. – Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

(L'amendement n° 50 n'est pas adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

La parole est à Mme Jacqueline Fraysse, pour soutenir l'amendement n° 75 .

Debut de section - PermalienPhoto de Jacqueline Fraysse

C'est un amendement très simple qui permettra peut-être de dépassionner nos débats.

La législation actuelle prévoit que le directeur d'une ARS définit des zones en fonction de l'offre de soins. Il a la possibilité, pour pallier les zones sous-dotées, de proposer aux médecins libéraux installés à proximité de signer un contrat santé solidarité. Nous souhaitons que cette proposition soit systématique et non pas soumise à l'arbitraire du directeur.

Alors que l'amende pour refus de signature ou pour non-respect des clauses du contrat par le médecin a été supprimée, il nous paraît essentiel – le débat qui vient d'avoir lieu le confirme – d'encourager les praticiens à signer de tels contrats. Même si aucune coercition ne s'exerce sur eux, il importe de les inviter à prendre la mesure de leurs responsabilités. Il incombe aux ARS de souligner les obligations quant à la permanence et à la continuité des soins.

L'amendement vise à obliger les directeurs d'ARS à proposer à tous les médecins qui s'installent à proximité d'un secteur sous-doté la signature d'un contrat santé solidarité. Cette disposition permettrait d'obtenir des données fiables sur les refus et les entorses au contrat, données qui manquent cruellement pour apprécier la réalité de la situation.

Debut de section - PermalienPhoto de Valérie Boyer

Défavorable. Les contrats santé solidarité sont des outils parmi d'autres. Nous n'allons pas demander aux directeurs d'ARS de proposer obligatoirement cet outil. Cela relève de sa décision. Ne compliquons pas les choses.

Il existe dans chaque région un SROS, dans lequel les besoins de santé sont retracés. Il est réalisé avec l'ensemble des professionnels de santé, dans le cadre d'un long processus de maturation. Nous avons maintenant un SROS ambulatoire compatible. N'obligeons pas le directeur d'ARS à proposer la signature d'un contrat santé solidarité : il le fera, s'il le juge nécessaire, en concertation avec les médecins de son territoire.

Debut de section - PermalienXavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé

Madame Fraysse, nous sommes d'accord, je le suppose, sur le fait que nous sommes bien contents d'avoir des praticiens en zone sous-dotée.

Debut de section - PermalienXavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé

Vous proposez de faire peser sur eux une contrainte, assortie d'une amende. Pourquoi leur voulez-vous tant de mal ?

Avis défavorable.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Génisson

Je voudrais répondre à Mme la rapporteure et à M. le ministre.

Il n'est pas question d'obliger les jeunes médecins à souscrire à ce type de contrat, mais de demander aux directeurs d'ARS de le leur proposer systématiquement. Il s'agit d'une question d'égalité de droits et de devoirs sur l'ensemble du territoire. Cela me semble une proposition incontournable.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacqueline Fraysse

Monsieur le ministre, je n'ai pas voulu vous faire remarquer que vous n'écoutiez pas…

Debut de section - PermalienXavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé

Je vous ai écouté !

Debut de section - PermalienPhoto de Jacqueline Fraysse

Madame la rapporteure, vous pouvez exprimer votre désapprobation, il n'en reste pas moins que le ministre n'écoutait pas. Il a donc répondu à côté.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Mallot

C'est vrai !

(L'amendement n° 75 n'est pas adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

La parole est à M. Olivier Jardé, pour soutenir l'amendement n° 120 .

Debut de section - PermalienPhoto de Olivier Jardé

Cet amendement vise à remplacer, dans le troisième alinéa, les mots : « au moins une organisation représentative des médecins » par les mots : « un ou plusieurs syndicats médicaux reconnus représentatifs au niveau national ». En fait, je souhaite même le rectifier en ajoutant le mot : « libéraux ».

Debut de section - PermalienXavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé

Favorable, sous réserve d'un ajout.

Debut de section - PermalienXavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé

En effet.

Debut de section - PermalienXavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé

L'alinéa serait ainsi rédigé : « une ou plusieurs organisations syndicales les plus représentatives des médecins libéraux pour l'ensemble du territoire ».

Debut de section - PermalienXavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé

Il s'agit seulement d'ajouter l'adjectif « libéraux ». N'utilisez-vous jamais ce terme, monsieur Mallot ? À moins que vous souhaitiez exclure les médecins libéraux ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Mallot

Vous proposez carrément une nouvelle phrase ! Une telle modification mériterait que l'on rédige un nouvel amendement !

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

Si tout le monde en est d'accord, l'amendement n° 120 devient l'amendement n° 120 rectifié, dont je vais donner lecture.

Après le mot : « et », rédiger ainsi la fin de l'alinéa 3 : « par une ou plusieurs organisations syndicales les plus représentatives des médecins libéraux pour l'ensemble du territoire. »

(L'amendement n° 120 , ainsi rectifié, est adopté.)

(L'article 3, amendé, est adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

La parole est à M. Philippe Vigier, pour soutenir l'amendement n° 106 après l'article 3.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Vigier

Depuis plusieurs années, nous essayons d'améliorer la répartition des médecins sur le territoire. Monsieur le ministre, vous avez fait remarquer, à juste titre, que ce n'était pas la multiplication des mesures coercitives qui inciterait davantage les professionnels libéraux à s'installer dans certaines zones.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Vigier

Il n'y a plus qu'un médecin sur dix qui s'engage dans un exercice libéral. S'il y a de nouvelles mesures coercitives, elles seront contre-productives.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Vigier

L'internat régional, modèle connu depuis longtemps, fonctionnait très bien. Ses modalités étaient parfaitement claires. Les étudiants pouvaient passer trois concours dans trois régions de leur choix. Une fois reçus, ils étaient formés pendant quatre ou cinq ans. On sait par ailleurs que 80 % des jeunes médecins s'établissent dans la région dans laquelle ils ont été formés.

Dans son rapport, Élisabeth Hubert propose un internat interrégional, solution qui s'approche de l'internat régional. Nous avons donné une véritable dimension régionale à la politique de santé en créant les ARS, qui sont le cadre parfait pour connaître exactement la situation sanitaire et le besoin de professionnels de santé. Il est donc possible d'adapter à chaque région l'offre de formation. Là où existe une densité plus importante qu'ailleurs, il est possible de la réduire par le biais du numerus clausus. Lorsque la situation est inverse, il est possible de l'augmenter.

Actuellement, certains jeunes qui passent le concours de l'internat décident d'aller dans telle ou telle région sans tenir forcément compte de la spécialité médicale qu'ils avaient choisie.

Je parlais de disparité tout à l'heure : je note, que dans certaines régions, le redoublement est permis alors qu'il est interdit dans d'autres.

Il importe que nous ayons cette réflexion qui permettra d'adapter l'offre de formation indispensable aux besoins sanitaires d'une région. Nous pourrions imaginer, monsieur Jardé, que des échanges intrarégionaux soient possibles au cours de la quatrième année d'internat.

Je souhaiterais que M. Le Guen, qui tout à l'heure a été pour le moins vindicatif vis-à-vis du Gouvernement, s'adresse avec la même véhémence à ses collègues et amis présidents de région qui, depuis 2004, ont en charge la formation des personnels paramédicaux, en les incitant à se montrer à la hauteur des enjeux.

L'internat régional est à mes yeux une solution non coercitive, car le choix se fait avant de passer le concours.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Paul

Parce qu'il est pragmatique et de bon sens et que vous ne le voterez pas !

Debut de section - PermalienPhoto de Valérie Boyer

Pas du tout, monsieur Paul.

L'examen est organisé au niveau national et la répartition des élèves sur le territoire se fait en fonction des résultats. Il tient déjà compte des besoins de santé de la population.

Est-il nécessaire de former à toutes les spécialités dans toutes les régions ? (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Je n'en suis pas certaine.

Dès le début des études, il est demandé à l'étudiant de rester sur place. S'il doit changer ensuite, cela pose des problèmes. En outre, il faut tenir compte de la liberté d'installation.

La proposition de M. Vigier doit être approfondie pour que les étudiants puissent adhérer au contrat de santé solidarité et qu'ils ne soient pas contraints.

Certains étudiants ont craint d'être affectés dans certains endroits de façon aléatoire. Je souhaiterais que le ministre éclaire le débat et dissipe leurs inquiétudes. Nous disposons d'un outil qui permet de régler un certain nombre de problèmes. Pour l'instant, cet outil est mal connu. Il faut donc y réfléchir. Cela étant, je comprends votre proposition, cher collègue Vigier.

Debut de section - PermalienXavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé

Lorsque l'on lit l'amendement de Philippe Vigier, on ne peut que se dire : et s'il avait raison ? Et si la bonne solution était la régionalisation complète ?

Pour notre part, nous nous inscrivons dans une logique nationale, que nous cherchons à régionaliser autant que possible. Mais, pour certaines spécialités comme la génétique, votre proposition, monsieur Vigier, n'est pas opérante car, dans certaines régions, il n'y aura jamais aucun poste.

Debut de section - PermalienXavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé

À partir d'une logique nationale, il est possible, ensuite, de régionaliser. Mais cela ne fonctionne pas si l'on part d'une logique purement régionale.

En fait, votre amendement, monsieur Vigier, fige davantage les choses. Or, être dans une zone où la densité médicale n'est pas problématique peut donner envie d'aller, par la suite, dans des zones sous-dotées.

Il faut donner des garanties aux étudiants qui signent des contrats santé solidarité, madame la rapporteure. Ils doivent avoir l'assurance qu'ils seront bien affectés là où ils veulent aller. La raison pour laquelle si peu de contrats ont été signés, c'est que les agences régionales de santé n'ont pas encore mis en oeuvre une priorité d'action et que nombre de jeunes n'ont pas la garantie de pouvoir s'installer dans le lieu de leur choix.

Des progrès restent à faire en la matière. En ce moment même, j'ai des échanges sur la question de la démographie médicale avec les syndicats de médecins, avec l'Ordre des médecins, avec l'assurance maladie et avec les internes. Le ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche est également associé à nos travaux. Je ferai des propositions pour régionaliser davantage à partir de la logique nationale. Changer complètement le système, monsieur Vigier, n'est pas la bonne solution. Loin d'améliorer la situation actuelle, cela contribuerait, au contraire, à la figer.

Nous avons déjà eu l'occasion de discuter de votre proposition, monsieur Vigier, à propos d'un amendement et même d'une proposition de loi. Après un examen attentif, il ne semble pas que cela soit la bonne solution.

Avis défavorable, donc.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Génisson

Nous sommes très favorables à l'amendement de M. Vigier. Je rappelle au passage que cette disposition, qui a existé pendant des années,...

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Génisson

…a permis une répartition convenable des médecins généralistes et des spécialistes sur l'ensemble du territoire. Elle est donc loin d'être absurde.

Dans la mesure où notre collègue assortit sa proposition de la possibilité pour un étudiant de passer trois concours d'internat dans trois régions différentes, cela répond aux objections du ministre, notamment concernant la génétique.

Je signale au passage que, pour favoriser l'accès aux études médicales – n'oublions pas que très peu d'enfants d'ouvriers s'engagent dans cette voie –, il existe des dispositifs d'aide proposés par les conseils régionaux, voire généraux.

L'internat régional offre la garantie, à plus ou moins long terme, d'un certain nombre d'installations de praticiens dans la région.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacqueline Fraysse

À mon tour, j'interviens pour soutenir l'amendement de bon sens de notre collègue Philippe Vigier. S'il ne règle pas tout, il répond à une préoccupation. Il ne s'agit d'ailleurs pas d'une innovation, mais d'un dispositif qui a existé et auquel il suffit de revenir. J'avais cru comprendre que les ARS étaient un outil de rationalisation, s'appuyant sur l'étude des besoins région par région afin d'y répondre au mieux.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacqueline Fraysse

Nous pourrions adapter, région par région, les postes mis au concours en fonction des besoins. Le fait d'avoir passé de longues années dans une région peut amener les étudiants à vouloir y rester. Ils ont effectué des stages dans différents hôpitaux, ils ont côtoyé des professeurs, connaissent les différents services, ils disposent d'un réseau qui leur permet de travailler dans de meilleures conditions, ils peuvent adresser leurs patients à des services hospitaliers qu'ils connaissent, téléphoner à leurs anciens professeurs pour demander un conseil, etc. Bref, la proposition de M. Vigier va dans le bon sens.

Debut de section - PermalienPhoto de Olivier Jardé

Notre but à tous, c'est d'avoir de bons médecins. Pour atteindre cet objectif, il faut que les formations soient multiples, c'est-à-dire qu'elles se déroulent dans plusieurs services diversifiés. Or, l'internat régional n'offrira bien souvent aux étudiants qu'un service de chirurgie et un service de médecine. Un tel schéma de formation n'est donc pas souhaitable. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe SRC et du groupe NC.)

Je vous rappelle que nos voisins européens obligent leurs étudiants en médecine à se former pendant un an à l'étranger, ce que nous ne faisons malheureusement pas.

Debut de section - PermalienPhoto de Olivier Jardé

Quant au nombre d'étudiants, il faut bien voir qu'il n'est pas calculé en fonction de la population, mais en fonction de la démographie médicale. Ainsi, à Amiens, nous avons pu fortement augmenter le numerus clausus – un quasi-triplement du nombre d'étudiants en première année – parce que nous nous situons dans une zone de désertification avec 232 médecins pour 100 000 habitants. Il en va de même pour le nombre des internes, qui n'est pas figé mais adaptable.

Il importe donc de conserver un internat national avec possibilité de régionalisation et adaptation du nombre des internes. C'est la raison pour laquelle je suis absolument opposé à cet amendement. Eh oui, monsieur le président, il existe des dissensions au sein du Nouveau Centre !

Debut de section - PermalienPhoto de Valérie Boyer

J'aimerais rebondir sur les propos de M. Jardé. Je pense en effet que, si cet amendement était adopté, la plupart de nos étudiants iraient s'installer soit dans la région Provence-Alpes-Côte d'Azur, soit à Paris,…

Debut de section - PermalienPhoto de Valérie Boyer

…pour passer leur concours, s'y prenant au besoin à deux ou trois fois s'ils ne le réussissaient pas du premier coup. Cela contribuera donc à aggraver la situation d'autres régions comme Poitou-Charentes, l'Auvergne ou Champagne-Ardenne. Les carences des zones déficitaires seraient donc accentuées dès le début des études des futurs médecins.

Aujourd'hui, comme vient de le souligner M. Jardé, on augmente le nombre d'internes dans ces zones. Comme nous savons que les internes s'installent prioritairement là où ils ont fait des études, nous espérons que cela entraînera une augmentation des installations dans les zones déficitaires.

Ce dispositif respecte la liberté d'installation. Il reste incitatif, il ne heurte pas les étudiants, ne les prend pas de court et ne les déstabilise pas. Notre but est de travailler avec les professionnels de santé, dès le début de leurs études, afin de leur permettre de s'installer dans des zones difficiles.

C'est pourquoi je confirme mon avis défavorable à l'amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

La parole est à M. Philippe Vigier, pour une intervention très brève – je ne voudrais pas me faire l'arbitre de débats internes au groupe du Nouveau Centre… (Sourires.)

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Vigier

Je vous remercie, monsieur le président, de la clémence dont vous avez fait preuve à l'égard de mon collègue Olivier Jardé en le laissant s'exprimer.

J'aimerais dire à Mme la rapporteure que les chiffres lui donnent tort.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Vigier

Ils montrent en effet que la désertification médicale et les inégalités de répartition se sont aggravées dans les régions les plus sous-dotées.

En outre, pour un nombre donné de 7 500 internes, comment faire en sorte qu'il n'y en ait pas de plus en plus en PACA et de moins en moins en Auvergne ? C'est très simple : au lieu d'y ouvrir respectivement 400 et 250 postes, il faut faire le contraire : les effets régulateurs seront immédiats.

Enfin, monsieur Jardé, il ne faut pas imaginer que l'internat régional enferme l'étudiant : ma propre fille est interne dans la région Auvergne et a effectué au mois de mars dernier un cursus de spécialité de trois semaines à Paris. Il est faux d'affirmer que cette structure est sclérosée et close, ce n'est pas la réalité ! (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes NC et UMP.)

Debut de section - PermalienXavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé

Monsieur le président, j'aimerais répondre à M. Vigier et à Mme Fraysse que, contrairement à ce qu'ils prétendent, la situation ne s'est pas détériorée, et les chiffres que je peux leur opposer ne sont pas mes chiffres mais ceux de l'assurance maladie.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Vigier

Les miens proviennent de l'ARS de la région Centre !

Debut de section - PermalienXavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé

Je vous donne les chiffres au niveau national, monsieur Vigier. L'avenant n° 20, mis en place en juillet 2007, permet, comme vous le savez, de majorer les honoraires de 20 % dans certaines zones – il y aurait cependant beaucoup à dire sur le zonage, qui sera revu avant la fin de l'année. Les chiffres montrent que quatre régions – Île-de-France, Poitou-Charentes, Languedoc-Roussillon et Champagne-Ardenne – ont vu leur situation régresser entre 2007 et 2010, alors même qu'elles ne sont pas les plus sous-dotées, et que onze autres ont vu s'améliorer la situation de leurs zones défavorisées, telle que mesurée par la réalité des engagements financiers et le nombre des médecins. Cela dit, cette amélioration n'est pas assez forte à mon goût, pour des raisons qui tiennent au zonage.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Paul

Dans les villes, les évolutions ne veulent rien dire !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marie Le Guen

Vous savez bien que les inégalités sont intrarégionales !

Debut de section - PermalienXavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé

Je parle bien des zones, et je n'évoque rien d'autre que l'avenant n° 20.

Tout cela montre, je le dis à l'adresse de Philippe Vigier, qu'il y a bien eu, dans ces zones-là, une amélioration.

(L'amendement n° 106 n'est pas adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures trente :

Suite de la discussion de la proposition de loi modifiant la loi n° 2009-879 portant réforme de l'hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires.

La séance est levée.

(La séance est levée à vingt heures cinq.)

Le Directeur du service du compte rendu de la séance de l'Assemblée nationale,

Claude Azéma