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Séance en hémicycle du 12 octobre 2010 à 15h00

Résumé de la séance

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La séance

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Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Christian Eckert, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Eckert

Monsieur le Premier ministre, des millions de Français sont dans la rue aujourd'hui encore. Beaucoup sacrifient à nouveau une journée de salaire alors que les fins de mois sont difficiles. Pour financer les retraites, il faut de l'argent. Mais vous, vous vous accrochez au bouclier fiscal.

Nul besoin d'être polytechnicien pour comprendre : l'impôt de solidarité sur la fortune ponctionne les gros patrimoines à hauteur d'environ quatre milliards d'euros alors que le bouclier fiscal leur en rembourse près de 700 millions. Des parlementaires de droite proposent tout bêtement de supprimer les deux dispositifs.

À l'école primaire, on expliquera facilement que de cette manière, les gros patrimoines engrangeront la différence, soit plus de trois milliards d'euros.

Au ministère des finances, on inventera une usine à gaz qui, à partir de diverses plus-values fourrées le plus souvent dans des niches à peine rabotées pour faire beau, dégagera un milliard d'euros, bon an mal an.

À l'UMP, on parle d'une « opération blanche »…

Prendriez-vous les Français pour des imbéciles ?

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Eckert

L'opération de communication de certains parlementaires de droite n'est en fait destinée qu'à une chose : supprimer l'impôt de solidarité sur la fortune.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Eckert

Les socialistes ont proposé lors de chaque texte relatif aux finances publiques des amendements destinés à supprimer, suspendre ou réduire le scandaleux bouclier fiscal. Nous avons passé des heures à les défendre ; jamais un seul député de droite ne les a votés.

Les socialistes tiennent à un impôt sur le patrimoine, ils n'accepteront pas ce marché de dupes qui fait cadeau de 4 milliards aux grosses fortunes.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Eckert

Monsieur le Premier ministre, êtes-vous favorable aujourd'hui ou demain à la suppression de l'impôt de solidarité sur la fortune ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. le ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'État.

Debut de section - PermalienFrançois Baroin, ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'état

Monsieur le député, sortirez-vous un jour de votre lecture binaire ? (Exclamations sur les bancs du groupe SRC) Avec vous, c'est ou bleu, ou rose, c'est ou blanc, ou noir… La question fiscale est une affaire plus subtile. Elle est affaire de convictions, mais également d'idées en partage : il s'agit de libérer les énergies, d'éviter un impôt confiscatoire,…

Debut de section - PermalienFrançois Baroin, ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'état

…et d'en faire un élément de dynamique économique dans un monde globalisé où la compétitivité des entreprises est un élément indispensable pour investir et créer de l'emploi.

Debut de section - PermalienFrançois Baroin, ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'état

Cette question fiscale a donc pour finalité la création de l'emploi et le bien-être des uns et des autres.

Je pourrais vous dire, monsieur Eckert, que cette question n'est pas nouvelle. C'est vous et vos amis, avec M. Rocard, qui l'avait mise à l'ordre du jour puisque, au lendemain de l'élection présidentielle de 1988, après avoir inventé la CSG, vous avez été saisis d'un remords : estimant que c'était peut-être un peu trop, vous avez mis en place un mécanisme de plafonnement avec l'ISF, l'impôt sur le revenu et la CSG.

Ce débat s'est poursuivi avec la mise en place d'un bouclier – c'était tellement évident…

Debut de section - PermalienFrançois Baroin, ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'état

Comment libérer des énergies ? Comment faire en sorte d'apporter un supplément de compétitivité, de s'approcher le plus possible de nos amis et voisins allemands, pour permettre à nos entreprises de gagner des parts de marché ? Comment faire partager, à travers l'effort du contribuable, un certain sens du financement de nos services publics et de nos investissements d'avenir ? (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienFrançois Baroin, ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'état

Cette question est ouverte : elle est vertueuse, elle n'a rien de tabou. Elle ne peut se régler d'un revers de la main comme on écarte une mouche d'une table en été. Elle suppose une approche globale, générale. C'est au cours du premier semestre de l'année prochaine que nous l'aborderons, en toute responsabilité. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Jean-François Copé, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Copé

Monsieur le Premier ministre, dans le processus de la réforme des retraites, nous sommes à un moment de vérité. Cette réforme a un objectif : sauver le système des retraites pour nous et pour nos enfants. Nous sommes au rendez-vous parce qu'il le fallait, et, dès le premier jour, nous avons été clairs, cohérents et transparents. (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.) Depuis la première minute, nous avons dit ce que nous allions faire et nous faisons ce que nous disons (« Non ! » sur plusieurs bancs du groupe SRC), avec pour seul objectif l'intérêt de la France et des Français, à l'image de ce qui a été engagé dans tous les grands pays d'Europe, parce qu'il n'y a aucune autre solution.

Face à nous, l'attitude du parti socialiste inspire ambiguïté, malaise et mensonge. (Vives protestations sur les bancs du groupe SRC.) Mensonge, quand, officiellement, Martine Aubry annonce qu'elle reviendra à l'âge légal à soixante ans si la gauche arrive un jour au pouvoir, alors que, en privé, il n'est pas un seul responsable socialiste pour dire la même chose (« Ce n'est pas vrai ! » sur plusieurs bancs du groupe SRC), car, chacun le sait, ce serait simplement une folie. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Ambiguïté, lorsque les leaders socialistes parisiens vont manifester dans les rues tandis que les leaders socialistes à Washington, derrière Dominique Strauss-Kahn, approuvent massivement avec le FMI le courage du gouvernement français. (Mêmes mouvements.)

Malaise, enfin, lorsque certains syndicats sont assez fous pour appeler les lycéens à la rescousse (Protestations sur les bancs des groupes SRC et GDR) et qu'il n'y a pas un chef socialiste pour joindre sa voix à la nôtre et exiger que ceux-ci restent en cours et ne descendent pas dans la rue. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.) Oui, leur silence sur ce point crée un malaise que je veux ici dénoncer, monsieur le Premier ministre. (Mêmes mouvements.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. le Premier ministre. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienFrançois Fillon, Premier ministre

Monsieur le président Copé, le Président de la République et moi n'avons jamais pensé que cette réforme serait facile, pas plus que ne l'ont été celles de 1993, de 2003 ou de 2007, qui pourtant, aujourd'hui, sont acceptées par la plus grande partie de nos concitoyens (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR) et par une grande partie de ceux qui siègent sur les bancs de l'opposition.

Debut de section - PermalienFrançois Fillon, Premier ministre

Nous écoutons, nous respectons les inquiétudes qui s'expriment,… (Nouvelles exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Debut de section - PermalienPhoto de Maxime Gremetz

Vous n'écoutez rien du tout ! Vous êtes complètement sourds !

Debut de section - PermalienFrançois Fillon, Premier ministre

…mais, en même temps, je veux le dire très solennellement à cette heure devant l'Assemblée nationale, nous sommes décidés à mener cette réforme à son terme. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

Debut de section - PermalienFrançois Fillon, Premier ministre

Nous la mènerons à son terme, d'abord, parce que c'est une réforme raisonnable.

Debut de section - PermalienFrançois Fillon, Premier ministre

Porter l'âge légal de la retraite à soixante-deux ans quand il l'a été, dans la quasi-totalité des autres pays européens, à soixante-cinq, soixante-six, soixante-sept, voire soixante-huit ans, c'est un choix raisonnable que nous revendiquons avec la majorité. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Nous la mènerons à son terme parce que c'est aussi une réforme juste (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR), qui comporte des avancées sociales que ceux qui crient sur ces bancs n'ont jamais eu le courage de mettre en oeuvre (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe UMP), notamment sur la pénibilité, sur les carrières longues, et qui avaient été maintes fois promises et jamais mises en oeuvre. (« Faux ! » sur plusieurs bancs du groupe SRC.) Les deux gestes qui ont été faits au Sénat pour les mères de famille et pour les parents d'enfants handicapés ont été reconnus par plusieurs organisations syndicales (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR) comme des avancées sociales notables.

Nous la mènerons à son terme, enfin, parce que c'est une réforme indispensable au financement des retraites de nos concitoyens.

En démocratie, la voix de ceux qui manifestent, de ceux qui font grève doit être respectée, mais la voix du Parlement, qui représente le peuple français, doit aussi être respectée. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.) Vous avez voté cette réforme et le Sénat est en train de la voter.

En république, les voies de l'intérêt général ont leurs exigences : exigence de vérité devant les défis démographiques, exigence de l'effort parce que nous ne pourrons pas financer les régimes de retraite sans un effort supplémentaire partagé,…

Debut de section - PermalienFrançois Fillon, Premier ministre

…exigence de solidarité intergénérationnelle parce que ce n'est pas à nos enfants de payer le prix de notre imprévoyance ou de notre démagogie. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienFrançois Fillon, Premier ministre

Je n'ai pas de leçon à donner aux jeunes lycéens qui ont été appelés à la rescousse pour étoffer les manifestations. (Huées sur les bancs des groupes SRC et GDR.) Je dis simplement que le sort de leurs retraites ne sera pas garanti par ceux qui leur promettent de sauver l'avenir en sacrifiant le présent. (Mmes et MM. les députés des groupes UMP et NC se lèvent et applaudissent vivement et longuement.)

Réforme des retraites

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Jean-Claude Sandrier, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Sandrier

Ma question s'adresse à M. le Premier Ministre.

Aujourd'hui, des millions de nos concitoyens sont en grève, des millions manifestent,… (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Sandrier

…plus nombreux encore qu'en septembre, et70 % des Français sont contre votre projet de loi sur les retraites. (Nouvelles exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Sandrier

Parce que vous avez choisi de rester « droit dans vos bottes », vous êtes entièrement responsable de cette situation.

Nos concitoyens ont compris que votre projet non seulement était injuste mais qu'il demandait toujours aux mêmes de faire un effort pendant qu'une petite minorité continue de se goinfrer de milliards d'euros. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR et sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

Devant la prise de conscience de tout un pays, votre surdité et vos arrogantes certitudes confinent au mépris. Après avoir usé d'arguments qui ne trompent plus personne, il vous en reste un : l'alibi de la crise. Mais alors, si c'est la crise qui rend urgent de traiter la question des retraites, il faut faire payer ceux qui en sont responsables (Mêmes mouvements) : les marchés financiers, les spéculateurs, ceux qui étranglent l'emploi et les revenus du travail pour se payer des rendements financiers de huit, neuf, dix fois le taux de l'inflation.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Sandrier

Or, ceux-là, non seulement vous n'y touchez pas, mais vous vous couchez devant eux ! (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)

La solution pour le financement des retraites passe par une autre répartition des richesses. En dix ans, la richesse du pays s'est accrue de 33 % alors que les cotisations sociales n'ont progressé que de 19 % et que les revenus financiers ont explosé de 143 % ! Oui, il faut frapper la rente pour mieux rémunérer le travail et favoriser l'emploi.

Monsieur le premier ministre, il ne vous reste que deux solutions : retirer votre texte dont les Français ne veulent pas ou le soumettre à référendum. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR et sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. le ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique.

Debut de section - PermalienÉric Woerth, ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique

Monsieur le député, 100 % des Français aujourd'hui estiment qu'il faut faire quelque chose pour sauver le régime par répartition des retraites, qu'il faut agir pour le rendre pérenne. C'est ce que nous faisons.

Le Premier ministre l'a dit, c'est difficile, bien sûr, parce que cela demande des efforts à chacun selon ses capacités. Le premier effort, c'est de travailler plus longtemps. Dans tous les pays du monde, les travailleurs ont accepté de travailler plus longtemps, tout simplement parce que nous vivons plus longtemps. La réponse du gouvernement français, de l'Assemblée nationale et, demain, je l'espère, du Sénat, est raisonnable et responsable. Travailler deux ans de plus, porter l'âge légal de la retraite à taux plein de soixante à soixante-deux ans, c'est raisonnable au regard de ce qu'ont fait d'autres pays. (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Nous devons aussi apporter des recettes supplémentaires à nos régimes de retraite, et nous le faisons : 4 milliards d'euros de recettes supplémentaires proviennent ainsi de la taxation des patrimoines des contribuables les plus aisés, de leur impôt sur le revenu et de la taxation des revenus du capital,…

Debut de section - PermalienÉric Woerth, ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique

…mais aussi de la taxation des entreprises à travers la réduction des avantages liés aux allégements de charges.

Cette réforme est équilibrée mais elle est juste aussi, contrairement à ce que vous avez affirmé, monsieur le député.

Debut de section - PermalienÉric Woerth, ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique

Elle est juste parce que nous permettons à ceux qui ont commencé à travailler tôt de partir plus tôt, parce que nous permettons à celles des mères de trois enfants qui sont nées entre 1950 et 1955 et qui n'ont pas assez de trimestres de continuer à partir à soixante-cinq ans à taux plein. Notre réforme est juste, elle est efficace et elle est responsable ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Francis Hillmeyer, pour le groupe Nouveau Centre.

Debut de section - PermalienPhoto de Francis Hillmeyer

Monsieur le président, ma question s'adresse à M. le ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales ; j'y associe mes collègues Marc Vampa et Charles de Courson.

Deux cent quarante-neuf mille hommes dont plus de deux cent mille volontaires : voilà les effectifs de celles et ceux qui s'investissent corps et âme au service d'autrui, à leur sécurité, à les secourir au péril de leur propre vie.

Mais ces femmes et ces hommes qui composent la grande masse des volontaires sont inquiets, car un projet de directive européenne sur le temps de travail vise à requalifier leur statut de volontaire en travailleur salarié.

Ces volontaires assurent dans notre pays chaque année deux tiers des quatre millions d'interventions, en majorité vers l'aide à la personne.

Dans de nombreuses communes, le fonctionnement des services de secours repose précisément sur le volontariat. C'est dire à quel point ils sont indispensables.

Monsieur le ministre, alors que les campagnes peinent à maintenir leurs services de proximité, nous devons conserver nos soldats du feu qui interviennent au service de la population sur tous les fronts, à n'importe quelle heure du jour et de la nuit, pour une modeste indemnité de 7,30 euros de l'heure.

La France n'ayant pas de statut juridique particulier pour nos volontaires, la directive européenne s'appliquera de facto.

Vous avez annoncé votre intention d'y remédier en déposant un projet de loi. Pouvez-vous nous dire quels en seront le contenu et le calendrier d'examen ? (Applaudissements sur les bancs du groupe NC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. le ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales.

Debut de section - PermalienBrice Hortefeux, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales

Monsieur le député, vous évoquez un sujet qui préoccupe, à juste titre, les 196 000 sapeurs-pompiers volontaires ; j'ai moi-même pu le mesurer lors de leur congrès national à Angoulême, et encore tout récemment samedi lors du congrès départemental en Corrèze, en présence de Jean-Pierre Dupont et de François Hollande.

Permettez-moi d'abord d'avoir une pensée pour les treize pompiers qui ont été touchés cette nuit par une explosion à Sedan. À l'inquiétude a heureusement succédé le soulagement, puisqu'ils sortiront tous ce soir des centres hospitaliers régionaux.

Vous évoquez, à juste titre, le défi qui nous est adressé, puisqu'une directive européenne prévoit un temps de repos de onze heures avant la reprise de toute activité professionnelle.

Une telle mesure, si elle était adoptée en l'état, désorganiserait notre sécurité civile et entraînerait un coût insupportable pour les collectivités locales. Je vous le dis donc très clairement : la France a fait connaître son opposition à ce projet par la voix du secrétaire d'État Pierre Lellouche. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Simultanément, le Gouvernement soutient totalement la proposition que votre collègue Pierre Morel-A-L'Huissier a déposée avec d'autres, qui prévoit d'indiquer que le volontaire n'est pas un agent public, un travailleur au sens européen, mais un citoyen qui, librement, s'engage au service de la collectivité. Il s'agit donc de la reconnaissance du volontariat et nous nous battrons pour que ce texte puisse être discuté devant vous au premier trimestre 2011.

Soyez certain, monsieur le député, de la détermination du Gouvernement à protéger le statut du volontaire, indispensable à notre société. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Jean-Marc Ayrault, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Ayrault

Monsieur le Premier ministre, en ce moment même, plusieurs millions de nos concitoyens défilent dans les rues de France…

Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Des milliards !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Ayrault

…et ce pour la quatrième fois en un mois.

Les sondages font apparaître que 70 % de nos compatriotes sont opposés à cette réforme des retraites et que 61 % sont même prêts à endurer les conséquences d'une grève durable.

Les syndicats ont témoigné d'un véritable sens des responsabilités.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Ayrault

L'opposition a formulé des propositions alternatives. Les voies d'un compromis sur lequel puisse se retrouver l'ensemble de la nation auraient dû être recherchées, d'autant que Nicolas Sarkozy s'était engagé, pendant sa campagne, à ne pas revenir sur l'âge légal à soixante ans.

Mais le choix qui a été opéré est celui d'un passage en force. Ces dernières heures, au Sénat, on accélère le rythme pour démobiliser le mouvement social. Mais c'est l'inverse qui se produit aujourd'hui : le mouvement est en train de s'amplifier. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Vous avez fait le pari de la résignation, mais c'est aujourd'hui la colère qui monte. Vous faites reposer 95 % de votre réforme sur les seuls salariés, sur les classes populaires, les classes moyennes, les jeunes, les femmes, les seniors au chômage, les métiers pénibles…

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Ayrault

… et dans le même temps, vous soumettez au Parlement une loi de finances qui n'est rien d'autre qu'un budget d'austérité où s'accumulent les taxes, par exemple sur les locataires HLM, les abonnements Internet ou sur les mutuelles. Enfin, cerise sur le gâteau, lorsque certains d'entre vous suggèrent la suppression du bouclier fiscal, c'est surtout pour abroger l'impôt de solidarité sur la fortune. Ce n'est pas acceptable ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Monsieur le Premier ministre, tout est fait pour que la tension monte…

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Ayrault

…dans un moment où il serait nécessaire, au contraire, de rassembler notre pays. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)Je vous le dis solennellement : le courage, ce n'est pas l'obstination. Il est de votre responsabilité d'ouvrir une discussion sincère qui permette de tout mettre sur la table et de trouver une issue. C'est ce que le pays attend de vous. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienFrançois Fillon, Premier ministre

Monsieur le président Ayrault, que proposez-vous ? De tout arrêter ?

Debut de section - PermalienFrançois Fillon, Premier ministre

C'est conforme à ce que le parti socialiste a toujours fait sur la question des retraites (Protestations sur les bancs du groupe SRC), mais ce n'est pas conforme à notre vision de l'intérêt général et du sauvetage de nos régimes sociaux. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

Vous nous proposez de tout renégocier.

Debut de section - PermalienFrançois Fillon, Premier ministre

Mais il ne vous a pas échappé que, dans les cortèges, on entend beaucoup de revendications, et souvent très contradictoires : certains réclament que l'on revienne sur l'âge légal, d'autres ne veulent pas que l'on allonge la durée de cotisation. Certains exigent que la pénibilité soit étendue à tous les métiers, d'autres enfin commencent à demander le retour des régimes spéciaux, réformés en 2007.

Debut de section - PermalienFrançois Fillon, Premier ministre

Vous le voyez, monsieur Ayrault, tout cela ne fait pas un projet solide pour sauver nos retraites. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

Pour sécuriser notre régime de retraite par répartition, il n'y a qu'une seule solution …

Debut de section - PermalienFrançois Fillon, Premier ministre

…l'allongement de la durée de travail et l'allongement à soixante-deux ans de la date à laquelle on prend sa retraite.

C'est la solution qui a été choisie par tous les pays européens sans aucune exception, et c'est ce que préconise le directeur du FMI que vous refusez d'entendre. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

Debut de section - PermalienFrançois Fillon, Premier ministre

Vous refusez de l'entendre parce que vous avez choisi la démagogie.

Vous prétendez que nous n'avons pas l'appui de l'opinion. Mais pensez-vous vraiment que vous allez obtenir son estime en la trompant, comme vous le faites, sur la réalité, et en lui cachant la vérité ? (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

Monsieur Ayrault, un jour les Français vous demanderont des comptes…

Plusieurs députés du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. Non, c'est à vous qu'ils en demanderont !

Debut de section - PermalienFrançois Fillon, Premier ministre

…parce que chacun sait que les engagements que vous êtes en train de prendre sont destinés à être trahis, comme vous les avez toujours trahis depuis que cette question de la réforme des retraites est sur la table du Parlement. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC – Protestations sur les bancs du groupe SRC.)

Personne ne reviendra sur le passage à soixante-deux ans de l'âge légal de la retraite parce que ce serait une folie économique et une catastrophe sociale.

La vérité, c'est que secrètement, beaucoup d'entre vous le savent…

Debut de section - PermalienFrançois Fillon, Premier ministre

…et cela, mesdames, messieurs les députés socialistes, vous rend d'autant plus coupables devant l'histoire ! (Mmes et MM. les députés des groupes UMP et NC se lèvent et applaudissent.)

Plusieurs députés du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. Démission !

Réforme des retraites

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Élie Aboud, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Élie Aboud

Monsieur le ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique, alors que les sénateurs examinent en ce moment le projet de loi sur les retraites, une nouvelle journée de mobilisation est organisée et la société se pose toujours des questions.

Cette réforme est faite pour ne pas laisser à notre jeunesse le fardeau du coût des retraites. Or inciter les jeunes à manifester contre leur propre intérêt, voilà une intention paradoxale. (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Debut de section - PermalienPhoto de Élie Aboud

Ce texte, est à la fois nécessaire et juste. Il est nécessaire parce qu'il permet le retour à l'équilibre de nos régimes de retraite.

Debut de section - PermalienPhoto de Élie Aboud

Si !

Il est juste parce que les efforts sont partagés (« Non ! » sur les bancs des groupes SRC et GDR) et parce qu'il permet de ménager les personnes les plus fragiles et celles qui ont commencé à travailler jeunes.

Au cours de l'examen du texte, à l'Assemblée, de réelles avancées ont été accomplies sur la pénibilité, sur les carrières longues et sur les polypensionnés.

Le Sénat, à son tour, réalise de nouveaux progrès avec un amendement permettant à certains parents de trois enfants de toucher leur retraite à taux plein à soixante-cinq ans, un autre en faveur des chômeurs de longue durée et un troisième concernant les travailleurs handicapés.

Mes chers collègues de l'opposition, à vous qui demandez, la main sur le coeur, le retrait de cette réforme, je rappelle qu'il y a un temps pour tout. Or le temps présent ne doit pas être celui de la polémique se jouant des inquiétudes sociales.

Diriger, ce n'est pas faire de la démagogie. Diriger, c'est faire de la pédagogie.

Monsieur le ministre, pouvez-vous nous livrer le détail des nouvelles avancées présentées à nos collègues sénateurs ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. le ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique.

Debut de section - PermalienÉric Woerth, ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique

Monsieur le député, le texte que nous présentons est issu d'une large concertation,…

Debut de section - PermalienÉric Woerth, ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique

…d'un long travail entamé au mois d'avril avec les organisations syndicales, le Parlement, les partis politiques, les associations.

Debut de section - PermalienÉric Woerth, ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique

Nous avons abordé, comme l'a souligné le Premier ministre, la phase parlementaire. Nous nous trouvons ici au coeur de la démocratie française. Les députés de la majorité se sont employés à faire avancer le texte dans le sens d'une plus grande justice, qu'il s'agisse de la pénibilité, des polypensionnés – en particulier dans la fonction publique – ou de la réduction des inégalités de salaires entre les hommes et les femmes.

Le texte est examiné en ce moment par le Sénat qui a voté, vendredi dernier et hier, les articles repoussant à soixante-deux ans l'âge à partir duquel il est possible de prendre sa retraite et à soixante-sept ans l'âge de la retraite à taux plein, dans un double souci de justice et d'efficacité pour la longévité de notre système de retraite. Nous voulons assurer la pérennité de ce système pour les jeunes. Et nous devons expliquer à ceux d'entre eux qui défilent aujourd'hui qu'ils le font en réalité contre eux-mêmes.

Debut de section - PermalienÉric Woerth, ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique

Le Sénat a en particulier fait progresser la question relative aux mères de trois enfants qui, bien souvent, accumulent moins de trimestres que les hommes, notamment lorsqu'elles sont nées entre 1951 et 1955. En effet, d'autres dispositifs ont permis de réduire cette inégalité : les femmes nées dix ans plus tard ont plus de trimestres à leur actif que les hommes. Or ici comme au Sénat, nous avons répondu à ce problème en permettant à ces femmes de prendre leur retraite à taux plein à l'âge de soixante-cinq ans. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Jean-Pierre Abelin, pour le groupe Nouveau Centre.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Abelin

Madame la secrétaire d'État chargée de l'écologie, le développement de l'énergie solaire est un élément clef du Grenelle de l'environnement. Le coût très élevé du rachat de l'électricité comme les aides fiscales importantes aux particuliers ont affolé le marché, au point que la fin de l'année dernière a été marquée par une spéculation complètement aberrante et par la nécessaire régulation dudit marché par le Gouvernement.

Aujourd'hui, les annonces successives de mesures ponctuelles, la modification à la baisse du prix de rachat de l'électricité, la réduction des aides fiscales aux particuliers et les perspectives de quotas ont amené les industriels de cette filière naissante à s'interroger sur leur développement et sur leur intérêt à produire en France. Plusieurs projets de créations d'usines ont été suspendus – et j'en sais quelque chose à Châtellerault.

Chacun est conscient que les conditions exceptionnelles de lancement d'une filière ne sont pas tenables durablement. Chacun sait aussi qu'il est normal d'aider une filière qui se crée sans pour autant la mettre sous perfusion.

Mais, si nous voulons attirer des investisseurs et des emplois, il faut leur assurer un cadre lisible et pérenne, leur donner une visibilité à moyen terme et ne pas casser l'élan créé. Voilà ce que vous demandent les industriels et les salariés de la filière photovoltaïque.

Pouvez-vous nous indiquer, monsieur le ministre, ce que vous retenez du rapport Charpin et de ses propositions. Comptez-vous reprendre le projet de quotas de production qui inquiète particulièrement le secteur ? Quelles sont pour vous les conditions d'un développement durable de cette filière ? (Applaudissements sur les bancs du groupe NC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à Mme la secrétaire d'État chargée de l'écologie.

Debut de section - PermalienChantal Jouanno, secrétaire d'état chargée de l'écologie

Monsieur le député, vous avez raison de souligner que l'énergie photovoltaïque connaît un succès énorme, puisque la puissance raccordée était de 81 mégawatts en 2008, qu'elle est de 850 mégawatts en 2010 et que nous disposons encore de 4 000 mégawatts « en stock ». En d'autres termes, nous aurons dépassé en 2011 les objectifs fixés par le Grenelle de l'environnement pour 2020.

Dès lors, un double problème se pose : industriel et financier.

La plupart des panneaux ne sont pas fabriqués en France et nous ne disposons pas de la filière industrielle nécessaire pour faire face à cette situation. C'est pourquoi le ministre d'État a souhaité qu'un plan de développement et d'action soit élaboré avec les industriels. Il sera présenté au cours du premier trimestre 2011.

Quant au problème financier, vous avez rappelé les effets d'aubaine et notamment le fait que le crédit d'impôt contribue davantage à la hausse du tarif à l'installation qu'à la baisse du tarif pour le particulier. Nous sommes en train, par conséquent, de réviser son montant.

Nous rejoignons les conclusions du rapport Charpin, notamment sur la nécessité de donner une meilleure visibilité à l'ensemble des industriels. Il ne s'agit donc pas d'annoncer un quota de 500 mégawatts, qui n'aurait pas de sens dans la mesure où nous avons déjà dépassé nos objectifs, mais de nous doter d'un système d'adaptation permanente des tarifs et des soutiens à la filière, afin d'éviter ces effets d'aubaine et ces effets de « yo-yo » qui pénalisent l'ensemble de la filière. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à Mme Marisol Touraine, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.

Debut de section - PermalienPhoto de Marisol Touraine

Monsieur le Premier ministre, les millions de Français qui sont dans la rue aujourd'hui…

Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Les milliards !

Debut de section - PermalienPhoto de Marisol Touraine

…vous le disent : vous avez perdu la bataille de la confiance,…

Debut de section - PermalienPhoto de Marisol Touraine

…vous avez perdu la bataille de la justice, vous avez perdu la bataille de la conviction. Parce que le mensonge et le mépris sont de votre côté, monsieur Fillon. Et vous y ajoutez l'irresponsabilité.

Le mensonge, monsieur Fillon, il est de votre côté lorsque, en 2003, vous garantissiez que les régimes de retraite seraient financés jusqu'en 2020. Il aura fallu attendre deux ans pour que tout cela capote !

Le mensonge, il était du côté de M. Sarkozy lorsque, en 2007, il s'engageait à ne pas toucher au droit de partir en retraite à soixante ans.

Alors, monsieur le Premier ministre, vous pouvez bien invoquer le prétendu soutien de Dominique Strauss-Kahn, qui n'a rien dit et ne s'est pas exprimé. En réalité, vous manquez tellement de soutiens, la rue vous refuse tellement sa confiance, que vous avez besoin d'inventer des soutiens qui n'existent pas.

Monsieur le Premier ministre, l'irresponsabilité, elle est de votre côté et de celui de l'UMP. Vous êtes irresponsables lorsque vous prétendez faire une réforme pour les jeunes en sabordant le fonds de réserve des retraites. Vous êtes irresponsables lorsque vous obligez les Français à travailler deux ans de plus alors qu'il n'y a pas d'emploi. Vous êtes irresponsables quand vous refusez de mettre à contribution les revenus du capital, alors que vous n'êtes même pas capable de proposer une réforme réellement financée !

Debut de section - PermalienPhoto de Marisol Touraine

Enfin, monsieur le Premier ministre, vous êtes irresponsable lorsque, à force de mépris et de dédain à l'égard des Français, vous les poussez dans la rue et vous les poussez toujours plus à manifester leur colère.

Ma question est simple : quand allez-vous entendre les Français ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et sur quelques bancs du groupe GDR.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. le ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique.

Debut de section - PermalienÉric Woerth, ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique

Madame la députée, nous allons gagner la bataille des retraites. Nous allons la gagner parce qu'il y va de l'intérêt général et que c'est l'intérêt des Français que nous la gagnions ensemble.

Et vous verrez, madame Touraine : dans deux ou trois ans, vous la trouverez très bien, cette réforme. « Pourquoi revenir là-dessus ? », vous demanderez-vous. Le Premier ministre l'a très bien dit, jamais vous n'y reviendrez. Simplement, le courage, avec vous, c'est toujours par procuration. Ceux qui doivent en faire preuve, ce sont les autres, jamais vous. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.) Vous n'avez jamais, jamais, jamais entamé la moindre réforme des retraites. Et pourtant, vous avez été au Gouvernement. La seule chose que vous ayez su faire, c'est créer le fonds de réserve des retraites et le Conseil d'orientation des retraites.

En revanche, madame Touraine, le parti socialiste a perdu la bataille de la responsabilité. Vous n'avez pas su dire à notre pays quelle était la situation et ce que, face à cette situation, nous pouvions faire en toute responsabilité, plutôt que de vous égarer dans une pseudo-réforme fiscale. Toujours plus d'impôts ! C'est toujours votre même réponse. Vous prévoyez 45 milliards d'impôts divers et variés, sur les entreprises, sur les ménages, dans les cotisations sociales, sur le travail. Est-ce une réponse au problème des retraites tel qu'il se pose réellement ? Non, la seule réponse possible, c'est celle qui porte sur l'âge de départ en retraite. Il n'y a pas de pays qui n'ait emprunté cette voie. Tout le monde travaille sur l'âge, tout simplement parce que l'on vit plus longtemps.

Et au-delà du FMI, au-delà de M. Strauss-Kahn, je voudrais aussi en appeler à Michel Rocard. Que dit-il dans Le Parisien de dimanche ? Il dit : « Évidemment, il faut augmenter l'âge de la retraite. Évidemment, on doit faire en sorte que les Français travaillent un peu plus longtemps, parce qu'ils vivent un peu plus longtemps. »

Nous avons fait en sorte que notre réforme soit profondément juste ; mais vous, en réalité, jamais vous ne vous êtes souciés de justice. Car lorsque vous avez fait la retraite à soixante ans et à soixante-cinq ans, jamais vous ne vous êtes occupés de la question des femmes. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Daniel Fidelin, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Fidelin

Ma question s'adresse à M. le secrétaire d'État chargé des transports.

Le 4 juillet 2008, la loi portant réforme portuaire a été promulguée. Elle vise à rétablir la compétitivité des ports français dans un marché européen très concurrentiel. Dois-je rappeler que la part de marché des ports français en Europe était passée de 17,8 % à 13,9 % entre 1989 et 2006 ?

À ce jour, les plans stratégiques de nos sept grands ports maritimes ont été adoptés. Les premiers actes de cession des outillages ont été signés. Les entreprises portuaires et les armateurs ont fortement investi. Des crédits importants ont été accordés aux ports.

Cependant, depuis plusieurs mois, les utilisateurs clients des grands ports ont de fortes inquiétudes. En effet, ce sont en moyenne entre deux et six heures par jour qui ne sont pas travaillées en raison des grèves.

Depuis une quinzaine de jours, un mouvement social de plus grande ampleur se fait jour, avec pour conséquences la perte d'escales, le détournement de navires et de trafics au profit des ports d'Europe du Nord, des coûts d'immobilisation des navires et des conteneurs insupportables dans la période actuelle. Vu de Chine, le port du Havre ne travaille pas.

La semaine dernière, au Havre, un responsable d'une organisation syndicale indiquait dans la presse : « Sans finalisation du statut conventionnel, nous mettrons toutes nos forces en action pour que la réforme portuaire ne s'applique pas. »

Monsieur le secrétaire d'État, si cette organisation syndicale met à exécution ses menaces, le pire est-il à venir ? Face aux très vives inquiétudes des utilisateurs, des salariés de ce secteur qui emploie près de 300 000 personnes dans notre pays, ainsi que des élus de ces zones d'emplois, pouvez-vous, monsieur le secrétaire d'État, nous faire un point de la situation et nous assurer que la réforme nécessaire et attendue ira bien à son terme ? Il y a urgence. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. le secrétaire d'État chargé des transports.

Debut de section - PermalienDominique Bussereau, secrétaire d'état chargé des transports

Monsieur le député, la réforme portuaire était nécessaire. Chacun le sait sur tous les bancs de cette assemblée : les grands ports maritimes français étaient en train de perdre des parts de marché par rapport à leurs concurrents belges, néerlandais, allemands, espagnols, marocains. Il fallait absolument nous remettre dans la compétitivité européenne, pour sauvegarder nos emplois et pour développer nos exportations.

J'étais hier à Dunkerque avec trois de vos collègues, Jean-Pierre Decool, Françoise Hostalier, Michel Delebarre, et nous faisions le point de cette réforme.

La réforme de la gouvernance a été faite. Les ports sont recentrés sur leurs missions régaliennes et développent leur projet économique.

Nous avons fait la réforme des investissements en leur donnant les moyens d'effectuer davantage de dragages dans leurs chenaux, d'améliorer les accès ferroviaires et fluviaux.

Nous avons transféré au privé, dont c'est la vocation, la gestion des appareillages, des grues, de tous les ensembles présents sur le port.

Il reste la dernière strate de la réforme, qui doit s'achever maintenant : le transfert des personnels. Partout, comme chez vous – vous êtes membre du conseil de surveillance du port du Havre, monsieur Fidelin –, tout cela est signé. Il reste maintenant une dernière négociation, qui porte en partie sur la pénibilité et en partie sur les conditions de travail. Cette négociation commence demain entre l'ensemble des acteurs portuaires et les syndicats. J'écoutais hier, à Dunkerque, le discours extrêmement positif des organisations syndicales. Je suis persuadé que nous aboutirons rapidement et que nous parachèverons cette réforme dans les jours qui viennent.

Évidemment, le contexte social ne facilite pas les choses. Dans certains cas, on jette de l'huile sur le feu. Mais je suis persuadé que tous les travailleurs portuaires, tous les acteurs des places portuaires – y compris Marseille, lourdement touchée – sont responsables, que la réforme se fera dans l'intérêt des ports français, dans l'intérêt de notre économie et dans l'intérêt de l'emploi. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Philippe Plisson, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Plisson

Ma question s'adresse à M. le Premier ministre. Privé de parole, comme 140 de mes collègues, le 15 septembre dernier (Exclamations sur les bancs du groupe UMP), je vais enfin pouvoir exprimer aujourd'hui la légitime expression due à un élu du peuple sur le sujet vital de la réforme des retraites.

En ce moment, plusieurs millions de citoyens sont dans la rue (Exclamations sur les bancs du groupe UMP), soutenus selon les sondages par 71 % des Français, pour crier leur refus de ce projet qui s'inscrira parmi les plus formidables régressions sociales de notre histoire.

Alors que les gains de productivité ont augmenté de 30 % en vingt-cinq ans, dix points de la richesse totale produite en France sont passés des poches des producteurs à celles des rentiers : ce sont ainsi 195 milliards par an qui sont versés à ceux qui s'enrichissent en dormant, selon le mot de François Mitterrand.

Plus caricaturale encore est cette disposition légale qui a permis à la Société générale de recevoir de l'État, en déduction d'impôt, 1,7 milliard d'euros sur les 4,9 milliards qu'elle avait perdus dans les acrobaties financières de Jérôme Kerviel.

Cette offrande, comme celle du bouclier fiscal qui redistribue chaque année 600 millions d'euros aux plus riches, constitue un marqueur idéologique de votre politique.

Monsieur le Premier ministre, le discours du courage que vous nous délivrez avec des trémolos dans la voix ne trompe personne. Vous avez bien fait le choix délibéré de vous attaquer aux plus faibles, pour préserver les prébendes de ceux que vous soutenez, que vous protégez, que vous représentez : le camp des nantis et le clan du Fouquet's. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Monsieur le Premier ministre, vous ne pouvez gagner contre le peuple français ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. le ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique.

Debut de section - PermalienÉric Woerth, ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique

Monsieur le député, les gains de productivité en France ont augmenté, c'est vrai – je parle sous le contrôle de Mme la ministre de l'économie –, de façon spectaculaire. Mais cela a également été le cas dans d'autres pays et nous devons en tenir compte.

En ce qui concerne le travail et le capital, vous nous reprochez d'avoir trop rémunéré le second et insuffisamment le premier. La vérité est qu'en France, depuis 1950, la répartition entre capital et travail n'a pas évolué. (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.) C'est un des seuls pays où elle est restée stable. Vous devriez donc reconnaître que nous avons su maintenir dans notre pays un équilibre : deux tiers pour le travail et un tiers pour le capital.

Votre discours n'est vraiment pas celui du courage, c'est le moins que l'on puisse dire, mais celui de l'évitement. Vous voulez absolument éviter de parler des retraites. C'est l'exercice auquel se livre le parti socialiste depuis plusieurs mois maintenant : parlons des retraites, mais évitons de proposer une solution.

Parmi nos solutions à nous, figurent le recul de l'âge de la retraite, mais aussi la possibilité d'augmenter les recettes qui financeront les pensions. Quelles sont-elles ? La dernière tranche de l'impôt sur le revenu sera relevée d'un point, les stock-options et les retraites chapeaux seront taxées – alors que vous n'aviez jamais osé le faire, c'est la troisième fois que nous revenons sur ces dispositifs. Les revenus du patrimoine seront également mis à contribution : le prélèvement libératoire sur les dividendes sera augmenté, ainsi que l'imposition des plus-values immobilières, et les prélèvements sociaux iront financer les avancées décidées au Sénat, il y a quelques jours, pour les mères de famille de trois enfants et pour les parents d'enfants handicapés.

Oui, monsieur le député, notre réforme est équilibrée ! (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes UMP et NC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Yanick Paternotte, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Yanick Paternotte

Monsieur le secrétaire d'État chargé de l'emploi, mercredi dernier a été publié un rapport du Conseil des prélèvements obligatoires, organe rattaché à la Cour des comptes, préconisant la remise en cause de l'exonération d'impôt et de cotisations sociales dont bénéficient les heures supplémentaires.

Depuis octobre 2007 et la loi TEPA, les salariés effectuant des heures supplémentaires perçoivent un salaire majoré, exonéré de cotisations sociales et non imposable, les entreprises bénéficiant d'une déduction de charges sociales.

En 2009, plus de 8 800 000 ménages ont bénéficié de ce supplément de salaire, fruit de leur travail, exonéré à la fois de charges et d'impôt. Au deuxième trimestre 2010, le nombre moyen d'heures supplémentaires proposées par les entreprises a augmenté de plus de 14 % par rapport à 2009.

Le parti socialiste, enfermé dans le carcan des 35 heures, signe d'une régression sociale sans précédent (Exclamations sur les bancs du groupe SRC), et dans l'utopie du partage du travail, veut supprimer cette mesure. Cette vue malthusienne du marché de l'emploi méconnaît la réalité de l'entreprise. Les heures supplémentaires permettent, en effet, de répondre à un surcroît momentané de commandes et donc de renforcer la compétitivité de nos entreprises industrielles. Elles permettent de dire oui à un client et de créer de la richesse tout de suite. Plus tard, si l'activité se confirme, bien entendu les entreprises embaucheront. (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Monsieur le secrétaire d'État, pouvez-vous nous rappeler les avantages économiques et sociaux de cette mesure ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. le secrétaire d'État chargé de l'emploi.

Debut de section - PermalienLaurent Wauquiez, secrétaire d'état chargé de l'emploi

Monsieur le député, vous m'interrogez sur le dispositif d'exonération des heures supplémentaires, défendu devant vous par Christine Lagarde en 2007 et que vous avez voté.

Les heures supplémentaires sont, incontestablement un succès. (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.) Au deuxième trimestre 2010, le volume des heures supplémentaires est en hausse de 14,1 % par rapport au deuxième trimestre 2009, et nous ne pouvons que nous en réjouir. C'est, avec l'évolution de la production industrielle et celle du moral des entrepreneurs, un nouveau signe de reprise de notre économie.

Depuis le début de l'année, en même temps que les heures supplémentaires repartaient à la hausse, notre économie a créé 60 000 emplois, ce qui montre, si besoin en était, que les heures supplémentaires ne sont pas l'ennemi de l'emploi, bien au contraire.

Une deuxième dimension existe, vous l'avez souligné : le pouvoir d'achat. Les heures supplémentaires sont destinées à soutenir le pouvoir d'achat des classes moyennes et populaires et de ceux qui travaillent. Un salarié qui perçoit le SMIC et qui fait quatre à cinq heures supplémentaires par semaine gagnera, à la fin du mois, 100 euros de plus. Selon les cas, l'augmentation nette de son pouvoir d'achat peut aller jusqu'à 15 %.

Comme vous l'avez dit, le parti socialiste préconise de supprimer l'exonération des heures supplémentaires. Il faudra qu'il assume de choix et expliquer au salarié payé au SMIC qu'il veut lui enlever 100 euros en fin de mois. Il doit assumer le fait que cela revient à priver l'ensemble des classes moyennes et populaires de 2,1 milliards d'euros de pouvoir d'achat. Il doit assumer le fait que les 35 heures ont fragilisé l'emploi et le pouvoir d'achat dans notre pays et que les heures supplémentaires, a contrario, défendent l'emploi et le pouvoir d'achat. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Alain Vidalies, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Vidalies

Ma question s'adresse à M. le Premier ministre.

S'il y a un engagement trahi, c'est bien celui du Président de la République (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) qui déclarait ne pas avoir reçu mandat du peuple français pour remettre en cause la retraite à soixante ans. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.- Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Manifestement, le Gouvernement spéculait sur un affaiblissement du mouvement de protestation contre votre réforme des retraites.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Vidalies

Aujourd'hui, vous avez la réponse : jamais les manifestants n'ont été aussi nombreux avec aux premiers rangs de nombreux jeunes.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Herbillon

Des jeunes manipulés par la gauche et l'extrême gauche !

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Vidalies

Ces jeunes comprennent qu'en siphonnant immédiatement le Fonds de réserve des retraites, vous laissez dans l'impasse le financement du choc démographique d'après 2020 et que ce sont eux qui devront, le moment venu, en subir les conséquences.

Siphonner le Fonds de réserve des retraites, c'est tout sauf de la responsabilité et du courage !

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Vidalies

Ces jeunes comprennent que votre projet d'allonger de quatre ans le remboursement de la dette sociale renvoie aux générations de travailleurs entre 2020 et 2024 le paiement de la facture. Renvoyer aux générations futures le paiement de la dette, c'est tout sauf de la responsabilité et du courage.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Vidalies

Ces jeunes comprennent qu'en allongeant de deux ans la durée du travail, vous leur fermez encore plus les portes du marché du travail alors que déjà, leur quotidien, c'est d'abord le chômage et la précarité. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Ces jeunes comprennent que pour beaucoup de leurs parents, votre réforme signifie deux ans de plus au chômage ou au RSA (« Hélas ! » sur les bancs du groupe SRC) et la négation des conséquences de l'usure au travail pour ceux qui ont des emplois pénibles. La crise que traverse notre pays est d'abord le résultat de votre méthode de passage en force devant le Parlement sans aucune négociation préalable entre les partenaires sociaux.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Vidalies

Vos réponses sont inquiétantes. Vous spéculez manifestement sur la radicalisation du mouvement. Vous faites un pari contre la France. Quand aurez-vous le vrai courage, celui de retirer cette réforme et d'engager enfin une négociation ? (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. le ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique.

Debut de section - PermalienÉric Woerth, ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique

Monsieur le député, le premier passage en force concernant les retraites, ce fut celui du parti socialiste. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.- Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Qu'avez-vous fait en 1982 ? Vous avez fait voter votre réforme des retraites par ordonnance ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP. – Protestations sur les bancs du groupe SRC.) Si ce n'est pas un passage en force, dites-moi ce que c'est ! (Mêmes mouvements.) Vous aviez alors dessaisi le Parlement. Aujourd'hui, vous réclamez un référendum ! Vous refusez que le Parlement soit légitime sur le sujet. Nous pensons, au contraire, que s'agissant d'un sujet aussi important, la représentation nationale, qui forge notre démocratie, doit avoir son mot à dire. C'est elle qui légiférera sur les retraites après une concertation extraordinairement approfondie. On a rarement mené autant de concertations sur les retraites. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienÉric Woerth, ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique

Depuis le mois d'avril, nous avons, avec les partenaires sociaux, les partis politiques et les associations, mené une concertation approfondie (Exclamations sur les bancs du groupe SRC), ce qui nous a conduits à vous soumettre un texte.Le Gouvernement n'est pas là pour organiser des colloques, mais pour décider. C'est ce que nous avons fait.

Maintenant, vous nous resservez la bonne vieille histoire du partage du travail. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) En allongeant l'âge de départ à la retraite, nous provoquerions du chômage supplémentaire chez les jeunes. C'est tout le contraire, monsieur Vidalies. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC. – Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.) Nous donnons plus de goût au travail à notre société (Exclamations et claquements de pupitre sur les bancs des groupes SRC et GDR) parce que les seniors, monsieur Vidalies, ont toute leur place dans l'entreprise, Laurent Wauquiez vient de rappeler. (Claquements de pupitre sur les bancs du groupe SRC.) Le taux d'emploi des seniors en France, c'est vrai, est encore trop bas. Mais parce qu'il y aura des emplois pour les seniors, il y aura aussi des emplois pour les jeunes. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Croyez-vous réellement que parce qu'un senior part en retraite, il n'y a plus d'emploi pour les jeunes ? C'est une plaisanterie !

C'est une manière absolument injuste de voir les choses. Il n'y a pas de passage en force et notre projet de loi est favorable à l'emploi. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Jérôme Chartier, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Jérôme Chartier

Monsieur le président, mes chers collègues, ma question s'adresse à Mme la ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi.

Madame la ministre, à côté des réformes très importantes et très médiatiques conduites par le Gouvernement et la majorité (Rires et exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR), il en est d'autres, non moins importantes, comme le projet de loi relatif à la régulation bancaire et financière que l'Assemblée nationale a définitivement adopté hier.

Cette réforme était nécessaire et attendue. Nécessaire car cette loi est directement issue de la crise financière de septembre 2008,…

Debut de section - PermalienPhoto de Jérôme Chartier

…. dont les Français vivent encore les conséquences au quotidien. C'est une loi attendue, qui s'inscrit dans le droit fil du discours prononcé par Nicolas Sarkozy, Président de la République, à Toulon. Ce discours important et argumenté a constitué une prise de conscience – la première au niveau mondial – de la nécessité d'une régulation bancaire et financière. Nicolas Sarkozy est à l'origine d'un regroupement de pays, qui est devenu le G20, ce G20 qui a pris des décisions importantes à Pittsburgh. De nombreux pays ont ensuite réagi et la France, notamment, a préparé un projet de loi de régulation bancaire et financière largement discuté par l'Assemblée nationale et le Sénat.

Ce projet de loi, madame la ministre, comporte de nombreuses avancées ; les agences de notation seront mieux contrôlées ; l'autorité des marchés financiers disposera de pouvoirs accrus ; enfin, une Autorité de contrôle prudentiel contrôlera le secteur des assurances et des banques.

À ce propos, la question des frais bancaires préoccupe beaucoup de Français et de nombreux parlementaires, notamment des élus des territoires d'outre-mer.

Quelles sont, madame la ministre, les avancées concrètes de la loi sur la régulation bancaire et financière ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à Mme la ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi.

Debut de section - PermalienChristine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi

Monsieur le député, avec la loi de régulation bancaire et financière, voulue par le Président de la République, et dont vous fûtes l'excellent rapporteur (Exclamations sur les bancs du groupe SRC), la France tourne le dos à la finance dérégulée. (Rires sur les bancs des groupes SRC et GDR.) Les agences de notation sont régulées, le marché des produits dérivés est encadré et les ventes à découvert peuvent, dans un certain nombre de circonstances, être interdites.

Au-delà de la régulation, nous souhaitions la sécurité des consommateurs. J'ai donc voulu plus de transparence. Pour nos concitoyens, cela signifie qu'à partir du 1er janvier 2011, chaque banque – elles s'y sont engagées – devra publier la liste de ses dix services les plus courant ainsi que leurs tarifs. À partir du 30 juin 2011, tous nos concitoyens – chacun d'entre vous – recevront avec leur relevé mensuel bancaire la liste précise des frais bancaires facturés par les banques. J'ai également voulu peser sur les frais bancaires dans le but de les faire baisser. À partir du 30 juin 2011, les banques seront obligées, comme elles s'y sont engagées, à proposer un forfait sécurité avec un plafonnement des incidents de paiement et des frais bancaires divisés par deux.

Voilà la série des engagements pris par les banques. Certes, me direz-vous, il ne s'agit que d'engagements (« Eh oui ! » sur les bancs des groupes SRC et GDR), et rien ne dit qu'elles les respecteront. Eh bien, nous verrons ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) En métropole comme dans les territoires ultramarins, l'Autorité de contrôle prudentiel que vous avez évoquée vérifiera, engagement par engagement, si les banques tiennent leur parole. Au-delà de la mise en demeure qu'elles pourront éventuellement adresser, les autorités sont dorénavant équipées pour sanctionner les comportements qui ne respecteraient pas ces engagements. Avec la régulation, la transparence, la sécurité, vous avez contribué à faire avancer les choses. Je n'ai qu'un regret, c'est que le parti socialiste n'ait pas voté ce texte ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP. – Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Guy Delcourt, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Delcourt

Monsieur le président, mesdames et messieurs, ma question s'adresse à M. Éric Woerth, ministre de la solidarité… et du travail, bien entendu. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Delcourt

Monsieur le ministre, des millions de Français manifestent l'inquiétude et la colère que leur inspire l'avenir de leurs retraites. Parmi eux, un quart de la population française se sent oublié, pire, pénalisé par la réforme.

Je veux parler de nos quinze millions de concitoyens atteints de maladies chroniques, dont ceux qui sont touchés par le douloureux problème de l'amiante. Leur affection les fragilise sur le marché du travail, a des conséquences négatives sur leur niveau de ressources et rejaillit évidemment sur leurs droits à la retraite.

Monsieur le ministre, vous allez bien sûr me répondre, comme pour les seniors et les jeunes exclus du marché du travail, que le Gouvernement fait de leur retour à l'emploi une priorité.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Delcourt

Pourtant, outre l'efficacité très relative des dispositifs que vous instaurez, vous savez que nombre de personnes atteintes de maladies chroniques ne pourront pas travailler suffisamment pour cotiser en vue d'une retraite à taux plein. Et ce n'est pas votre définition de la pénibilité qui les rassure. Au demeurant, où se situent-ils dans votre dispositif ? Pour résoudre le problème de leurs carrières fractionnées, vous prônez l'augmentation de la durée de cotisation et le recul de l'âge légal de départ à la retraite.

Les propositions avancées par les collectifs d'associations, vous les ignorez. Les propositions des parlementaires socialistes, vous les décrédibilisez avec mépris et arrogance. Le mécontentement des Français dans la rue, vous le minimisez ; pire : vous les regardez défiler le sourire en coin !

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Delcourt

Que vous faudra t-il de plus pour comprendre enfin que notre régime de retraite doit reposer sur la solidarité de la part des plus favorisés, des bénéficiaires du bouclier fiscal, et certainement pas sur l'imposition d'un effort supplémentaire aux Français les plus précaires ?

Monsieur le ministre, quand remettrez-vous sur la table des négociations la réflexion sur la pénibilité et sur la retraite des accidentés de la vie ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et sur de nombreux bancs du groupe GDR.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. le ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique.

Debut de section - PermalienÉric Woerth, ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique

Monsieur le député, c'est un gouvernement de droite qui, en février 1996, a interdit l'amiante en France, en fixant des niveaux d'exigence parmi les plus élevés au monde. Heureusement, car il s'agit aujourd'hui de la maladie professionnelle la plus répandue : 90 % des cancers d'origine professionnelle sont dus à l'exposition à l'amiante.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Roy

Le FIVA, c'est le PS ! L'ACAATA, c'est le PS ! (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienÉric Woerth, ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique

Notre pays a fait son devoir dans cette affaire, qui représente une tragédie nationale. Nous avons le FIVA, nous avons le FCAATA ; les personnes concernées peuvent partir en retraite anticipée…

Debut de section - PermalienÉric Woerth, ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique

…et c'est bien naturel, étant donné l'extrême gravité des affections dont elles sont victimes.

Debut de section - PermalienÉric Woerth, ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique

La réforme que nous menons ne change rien pour les victimes de l'amiante. Ainsi, les personnes atteintes par ces maladies graves et très difficiles à supporter pourront évidemment continuer de partir à la retraite très tôt, ou, bien sûr, au moment où ils sont malades.

Quant aux personnes qui ont été exposées à l'amiante dans des établissements dont la liste est fixée par décret – mais vous le savez –, elles pourront naturellement continuer elles aussi de prendre leur retraite plus tôt.

Nous l'avons dit aux associations concernées, qui sont, je crois satisfaites ; nous avons su rassurer les victimes de l'amiante. (Exclamations sur les bancs du groupe GDR.) Monsieur le député, le Gouvernement n'a nulle intention de changer quoi que ce soit à ces dispositifs.

Je profite de l'occasion pour vous indiquer que nous présenterons au Parlement une autre mesure favorable aux victimes de l'amiante dans le cadre du prochain PLFSS : nous porterons de quatre à dix ans la durée de la prescription des actions devant le Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à Mme Martine Aurillac, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Martine Aurillac

Ma question s'adresse à M. Pierre Lellouche, secrétaire d'État chargé des affaires européennes.

Monsieur le secrétaire d'État, le président Nicolas Sarkozy a décidé de réunir à Paris, avant la fin du mois d'octobre, M. Mahmoud Abbas, président de l'Autorité palestinienne, et le Premier ministre israélien Netanyahou, ainsi que le président égyptien Hosni Moubarak, qui copréside avec lui l'Union pour la Méditerranée, afin de préparer le sommet de celle-ci, prévu fin novembre.

Le président français a en outre voulu instaurer un mécanisme d'accompagnement des négociations entre Israéliens et Palestiniens. Et il a proposé hier à l'ancien Premier ministre britannique Tony Blair, représentant spécial du Quartet pour la paix au Proche-Orient, d'être associé aux travaux de ce mécanisme d'accompagnement.

Des pourparlers directs entre le gouvernement israélien et l'Autorité palestinienne ont repris le 2 septembre dernier, après plusieurs mois de contacts indirects sous la médiation des États-Unis. Mais l'expiration du moratoire sur les nouvelles constructions dans les colonies juives de Cisjordanie, survenue le 26 septembre à minuit, a de nouveau placé les pourparlers dans l'impasse.

Monsieur le secrétaire d'État, le temps joue contre la paix et au profit des extrémistes. Nous regrettons que les appels unanimes à la prolongation du moratoire israélien n'aient pas été entendus. Par quelles initiatives nouvelles la France compte-t-elle contribuer à la survie du processus ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. le secrétaire d'État chargé des affaires européennes.

Debut de section - PermalienPierre Lellouche, secrétaire d'état chargé des affaires européennes

Vous avez raison, madame la députée : au Moyen-Orient, le temps joue contre la paix, et nous ne pouvons plus attendre.

Le Président de la République a reçu hier M. Blair et a délivré quatre messages.

Premièrement, le processus de négociation entamé le 2 septembre à Washington doit se poursuivre. Nous devons nous mobiliser pour qu'il ne s'interrompe pas ; c'est ce que le Président de la République a dit à M. Mahmoud Abbas le 27 septembre dernier.

Deuxièmement, la colonisation doit absolument cesser. Tous les efforts en ce sens doivent être maintenus.

Troisièmement, le moment est venu de changer de méthode. Ayons la franchise de le dire : jusqu'ici, le processus de paix a produit plus de processus que de paix. Sans doute est-ce pour cette raison que le Président de la République a voulu associer tous les acteurs, dont le Quartet, à ce qui n'est pas une nouvelle négociation, mais un mécanisme d'accompagnement de la négociation.

Dans cet esprit, la France entend mettre l'Union pour la Méditerranée à disposition. Le sommet du 21 novembre sera donc particulièrement important. Voilà pourquoi la France souhaite inviter à Paris les principaux acteurs régionaux d'ici à la fin du mois.

Enfin, l'Europe ne peut plus se permettre d'être à ce point absente du Moyen-Orient. Nous sommes payeurs, nous sommes spectateurs, mais nous ne sommes pas acteurs, alors même que la situation régionale engage notre sécurité, car c'est sur le terreau de ce conflit non résolu que se développe le terrorisme.

Tel est, mesdames et messieurs, le message que Bernard Kouchner a exprimé au Moyen-Orient ces deux derniers jours. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP. – Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Processus de paix au Proche-Orient

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures cinq, est reprise à seize heures vingt.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

L'ordre du jour appelle les explications de vote au nom des groupes et le vote, par scrutin public, sur l'ensemble du projet de loi relatif à l'immigration, à l'intégration et à la nationalité (nos 2400, 2814, 2782).

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Cochet

Je demande la parole pour un rappel au règlement.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

Je prends note de votre demande, monsieur Cochet. Ce rappel au règlement aura lieu, comme toujours, après le vote sur le projet de loi, pour ne pas déséquilibrer les explications de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Cochet

Mon rappel au règlement porte, non sur le vote, mais sur l'organisation de la séance !

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Diard

Monsieur le président, monsieur le ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire, mes chers collègues, le projet de loi relatif à l'immigration, à l'intégration et à la nationalité est un texte important.

L'immigration est un sujet complexe avec un principe clé : toujours rechercher l'intégration des étrangers en situation légale et lutter contre l'immigration illégale. Le présent projet de loi s'inscrit dans cette continuité et adapte la législation existante aux évolutions européennes et sociétales. Il fait suite au pacte européen sur l'immigration et l'asile conclu le 16 octobre 2008 à l'unanimité des vingt-sept États membres, toutes tendances politiques confondues, et il est la première pierre d'une politique européenne de l'intégration, avec la transposition de trois directives qui créent un premier cadre harmonisé pour les politiques d'immigration des vingt-sept États membres.

À plusieurs reprises durant nos débats, chers collègues de l'opposition, vous vous êtes plaints de ne pas disposer d'un temps de parole suffisant pour dénoncer les prétendus méfaits de ce texte.

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Diard

Toutefois, lorsque, jeudi dernier, à dix-neuf heures, à l'occasion d'une suspension de séance, le président de l'Assemblée nationale a réuni la conférence des présidents afin de vous accorder davantage de temps de parole, vous ne vous y êtes même pas rendus.

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Diard

Je tiens également à vous rappeler que, sur les trente heures de débat prévues par le règlement de l'Assemblée nationale, plus de dix-sept ont été accordées à l'opposition.

La réforme du règlement de l'Assemblée nationale a mis en place le temps programmé afin de mettre un terme aux discours fleuves et à l'obstruction qui, à droite comme à gauche, a souvent ralenti le travail de l'Assemblée nationale sous les précédentes législatures. En contrepartie, la moitié des questions au Gouvernement et la moitié des questions orales sans débat sont attribuées à l'opposition, et une journée de séance par mois lui est réservée pour l'initiative parlementaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Diard

Vous avez également affirmé ne pas avoir fait d'obstruction durant ces trente heures de débat. Je dois reconnaître que – pardonnez l'utilisation du jargon footballistique – vous n'avez pas fait de tacle par-derrière – à l'exception de Noël Mamère, qui est coutumier du fait. Mais vous avez parfois joué la montre et avez été particulièrement procéduriers : aussi l'examen du texte a-t-il été long, et les interventions n'ont pas toujours été constructives. Je regrette sincèrement que le débat n'ait pas été plus apaisé.

Lors de mon intervention sur la motion de renvoi en commission, j'ai souhaité que vous fassiez des propositions alternatives. Or la seule que vous ayez présentée, et qui figure dans l'argumentaire de votre groupe, prônait la régularisation massive des étrangers en situation irrégulière. En dehors de cela, vous n'avez fait aucune proposition concrète.

Au terme de nos débats, le texte apparaît cohérent, équilibré, à la fois ferme et généreux. Il réaffirme le principe fort et essentiel de notre politique d'immigration, à savoir l'intégration des étrangers en situation régulière, ainsi que celui de la lutte contre l'immigration illégale. Enfin et surtout, il s'inscrit dans la logique de la politique européenne : en permettant la transposition des trois directives portant sur le sujet, il participe à la construction progressive d'une politique européenne de l'immigration et de l'asile.

La première directive concerne la mise en place de la carte bleue européenne pour les travailleurs hautement qualifiés. La seconde directive, dite « retour », ouvre la possibilité d'assortir une mesure d'éloignement d'une interdiction de retour sur l'ensemble du territoire européen. Enfin, la directive « sanctions » met en place un ensemble de sanctions administratives, financières et pénales contre les personnes physiques ou morales qui recourent à l'emploi des étrangers sans titre de séjour.

Le pacte européen sur l'immigration et l'asile adopté en octobre 2008 réaffirme une priorité : renforcer les frontières extérieures de l'Union européenne pour participer à la construction de l'espace européen de sécurité. Le présent projet de loi a pour objectif d'ancrer cette priorité dans la réalité.

Je rappelle que près de 90 % de ce texte sont consacrés à la transposition de ces trois directives.

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Diard

Il faut bien avoir conscience que les directives intégrées au texte ont été adoptées dans tous les grands pays européens ainsi qu'au Parlement européen. En tant que pays membre de l'Union européenne, la France se devait de les adopter à son tour pour ne pas prendre de retard en matière de transposition.

Comme vous l'aurez compris, mes chers collègues, au vu des enjeux que je viens d'évoquer, je vous invite à voter en faveur de ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

Pour le groupe SRC, la parole est à Mme Sandrine Mazetier.

Debut de section - PermalienPhoto de Sandrine Mazetier

L'explication de vote d'Éric Diard a donné la marque de ce texte, que nous n'avons cessé de dénoncer : avec ses 84 articles, il constitue un recul généralisé de l'état de droit, une restriction insupportable au droit d'asile et une transposition très imparfaite des directives européennes.

Ces dérives ayant été dénoncées, et au moment où nous devons nous prononcer par notre vote, je vous invite, mes chers collègues, à vous demander à quoi sert cet énième texte sur l'immigration. À changer de politique ? Pas du tout ! D'ailleurs, Éric Diard vient de dire qu'il confirmait des orientations.

Debut de section - PermalienPhoto de Sandrine Mazetier

À évaluer ou, éventuellement, à infléchir cette politique ? Pas plus ! Alors que la commission des lois avait adopté un amendement du groupe socialiste qui proposait une autre méthode consistant en des débats transparents, des règles stables, évaluées tous les trois ans et élaborées en concertation avec l'ensemble des acteurs concernés – représentation nationale, collectivités locales, partenaires sociaux –, cette approche a été refusée par le Gouvernement.

Cela fait d'ailleurs belle lurette que la « coproduction législative » entre l'exécutif et le législatif n'est plus qu'un mythe. Elle a encore volé en éclats, hier soir : lors du débat sur la lutte contre les paradis fiscaux, les parlementaires ont adopté un amendement que le Gouvernement s'est empressé d'éliminer.

Le ministre nous explique benoîtement qu'il s'agit pour l'essentiel d'une transposition des directives européennes. Mais, comme nous en avons fait la démonstration, rien dans la directive « retour » n'imposait à la France de créer des zones d'attente exceptionnelles, dites temporaires par le ministre. Rien n'obligeait non plus d'allonger la durée de rétention maximale. Vous trahissez non seulement l'esprit, mais également la lettre de ces directives.

Qui plus est, comme nous l'avons également démontré, plusieurs dispositions violent la législation européenne. Ainsi, la directive « sanctions » est prévue pour lutter, à l'échelle européenne, contre les employeurs qui ont recours à des travailleurs sans titre de séjour ou de travail. Dans les discours, le Gouvernement nous annonce toujours la fermeté, mais, dans les textes et dans les faits, il n'a nulle intention de combattre un phénomène qui touche chroniquement et spécifiquement des pans entiers de l'économie française, fragilisant les salariés, quels que soient leur statut et leur nationalité, mais aussi les employeurs de ces secteurs. Or cela fait un an, jour pour jour, que, par milliers, des hommes et des femmes ont entamé une grève. Par ce mouvement, ils témoignent de la réalité de ce que vous appelez des clandestins. Ce sont en fait des salariés présents en France depuis longtemps, qui travaillent dans des secteurs non délocalisables pour lesquels les donneurs d'ordres ont tout à perdre au rétablissement de l'égalité des droits et des salaires. Ces grévistes occupent aujourd'hui la Cité nationale de l'histoire de l'immigration. Nous les saluons.

Au terme d'un long conflit social, le 18 juin dernier – quelle date, mes chers collègues ! –, le Gouvernement avait pris des engagements à leur égard. Naturellement, aucun de ces engagements n'a été tenu. (Protestations sur les bancs du groupe UMP.) En acceptant un opportun amendement de Thierry Mariani, vous avez rendu d'une totale innocuité les sanctions prévues à l'échelle européenne contre les employeurs de travailleurs sans titre et vous avez accordé votre protection aux donneurs d'ordres responsables de ce fléau.

La vérité de ce texte, mes chers collègues, est tout entière dans les amendements qui ont été déposés par le Gouvernement et adoptés par la majorité. La vérité de ce texte, c'est la diversion, la diversion aux problèmes que la France rencontre réellement, la diversion par les amendements portant sur les mariages gris et l'escroquerie sentimentale. Est-ce bien à l'ordre du jour des milliers de personnes qui défilent aujourd'hui dans la rue ? (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) La question de savoir comment et quand s'acquiert la nationalité est-elle bien à l'ordre du jour de la jeunesse de ce pays ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC. – Vives protestations sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Sandrine Mazetier

C'est parce que vous n'arrivez manifestement pas à relever ces défis que nous avons eu droit à ces débats oiseux sur l'identité nationale et que vous avez déposé ces amendements qui avaient la déchéance de la nationalité pour objet. Vous cherchez à échapper à tout cela, mais le peuple ne se trompe pas : les Français voient bien que vous échouez dans tous les domaines et ils vous rappellent à l'ordre. Ils sont des millions dans la rue (Exclamations sur les bancs du groupe UMP), et ils sont encore plus nombreux à vous condamner. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

Je fais d'ores et déjà annoncer le scrutin dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.

La parole est à M. Patrick Braouezec, pour le groupe GDR.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Braouezec

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je suis tout d'abord obligé de dénoncer les conditions dans lesquelles se sont déroulés les débats sur un texte aussi important, qui décide de la vie de tant de personnes vivant dans ce pays et qui a aussi des conséquences majeures sur l'ensemble de notre société. Le temps de parole n'était pas assez important pour un texte long de près de 107 articles, et l'opposition a été obligée de se taire à partir de l'article 49.

Un député du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Très bien !

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Braouezec

Est-ce ainsi que peut s'exercer la démocratie, quand la moitié des articles est expédiée par une poignée de députés, sans l'opposition, en à peine deux heures ? « Très bien ! », ai-je entendu ; voilà qui répondait par avance à ma question.

Sur le fond, au prétexte d'une mise en conformité avec trois directives européennes, ce texte soumet les étrangers et les migrants à des régimes d'exception permanents. Il renonce, ce qui est tout aussi grave, au principe d'égalité des êtres humains, inscrit dans la Constitution et dans tous les textes internationaux qui se sont efforcés d'interdire le racisme d'État : durée de rétention allongée ; droit d'asile remis en question ; instauration d'une interdiction de retour sur le territoire français ; réduction du temps d'intervention du juge, qui remet en cause le droit de se défendre ; nouveaux obstacles érigés pour que le juge ne puisse plus mettre fin à la rétention en zone d'attente ; bracelet électronique pour les parents d'enfants mineurs ; mesures d'éloignement pour les étrangers autorisés à un séjour de moins de trois mois au prétexte qu'ils « représentent une charge déraisonnable pour le système d'assistance sociale » ; modification des conditions de délivrance d'un titre de séjour à un étranger malade, ce qui remet en cause son droit aux soins ; adoption de sanctions pénales frappant les mariages estimés « gris » ; adoption de mesures illusoires à l'encontre des jeunes majeurs. N'oublions pas non plus le délit de solidarité.

Ce projet contient en lui les pourtours de la société que le Gouvernement veut nous imposer, d'où le débat sur la question de la civilisation ou sur la définition de l'intégration, qui renvoie au débat sur l'identité nationale, que vous avez voulu imposer mais qui a avorté. Méfions-nous de ces débats, car, ainsi que le précise le philosophe Adorno, « c'est l'insatiable principe d'identité qui éternise l'antagonisme en opprimant ce qui est contradictoire. Ce qui ne tolère rien qui ne soit pareil à lui-même contrecarre une réconciliation pour laquelle il se prend faussement. La violence du rendre-semblable reproduit la contradiction qu'elle élimine. »

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Braouezec

Nous ne sommes pas dupes, et nos concitoyens non plus. Faute de pouvoir régler les problèmes auxquels notre pays est confronté, ceux pour lesquels, même si cela vous dérange, des millions manifestent aujourd'hui – emploi, logement, sécurité, éducation, santé –, vous préparez une société repliée sur elle-même, fondée sur la peur de ce qui est autre, une société aseptisée refusant de s'inscrire dans le monde qui vient, une société de classes où il n'y a plus de place pour les précaires et les plus pauvres, une société fermée à la rencontre et à l'échange des cultures. C'est un projet en rupture avec l'esprit de la Constitution et en rupture avec le pacte républicain, puisque ce gouvernement s'autorise à trier et à discriminer.

Il est urgent de refuser l'exclusion, la marginalisation et la guerre faite aux gens et de continuer à éveiller les consciences pour ne pas nous perdre en inhumanité. Il est urgent d'arrêter de légiférer pour fabriquer de nouveaux sans-papiers, car, ne l'oublions pas, beaucoup d'entre eux sont sans papiers à cause de nos lois successives.

Une autre politique de l'immigration est possible, en commençant par régulariser les travailleurs sans papiers qui occupent la Cité de l'immigration, puisque, jusqu'à présent, les engagements pris n'ont toujours pas été tenus, ensuite en signant et ratifiant la convention internationale sur les droits des migrants et de leur famille et, par-dessus tout, en la respectant.

Pour toutes ces raisons, c'est avec force et détermination que nous nous opposons à ce projet dangereux et mortifère. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Yvan Lachaud, pour le groupe Nouveau Centre.

Debut de section - PermalienPhoto de Yvan Lachaud

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, immigration, intégration et nationalité : ces mots suffisent souvent, d'un côté de cet hémicycle et de l'autre, à déchaîner l'orage des anathèmes et des caricatures. On vient de le constater à l'instant.

Au terme de deux semaines de débats âpres et passionnés, parfois trop, d'ailleurs, il est un besoin que nul ne peut nier : celui de doter notre pays d'une politique d'immigration à la fois juste et efficace. Cette politique doit être juste, car, fidèle à ses traditions comme à son histoire, la France est et restera une terre d'accueil pour les réfugiés. Elle doit être efficace, car le vieillissement de notre population nous impose d'intégrer à notre société de nouveaux travailleurs, tout en luttant avec fermeté contre le travail clandestin, et plus fermement encore contre les filières d'immigration clandestine. Fallait-il pour autant discuter de ce qui s'apparente bien à un énième projet de loi sur cette question ?

Le premier élément de réponse tient à ce qui constitue à nos yeux le principal apport de ce texte : depuis 2007, c'est une véritable révolution qui a eu lieu dans notre politique migratoire avec la montée en puissance de l'Union européenne. Dès lors que les frontières intérieures ont été abolies au sein de l'Union, une gestion purement nationale des flux migratoires est nécessairement condamnée à l'échec. Dans la foulée du pacte européen pour l'immigration et l'asile, adopté sous la présidence française et à l'unanimité des États membres, les trois directives que nous transposons aujourd'hui dans notre droit interne constituent l'embryon d'une politique commune. Nous mesurons le chemin qui reste à parcourir, mais nous constatons surtout les étapes essentielles franchies sur la voie de la consolidation de l'espace Schengen.

Je reviens un instant sur deux dispositions qui ont entraîné de longs débats au sein de notre groupe. Je pense, en premier lieu, aux titres de séjour délivrés pour cause de maladie grave. Ce texte marque indéniablement, pour un certain nombre d'entre nous, un recul des droits des étrangers sans titre, mais en outre il dégrade l'image de notre pays.

Je pense en second lieu à la question si débattue, bien qu'en réalité purement symbolique, de l'extension à certains crimes du champ de la procédure de déchéance de nationalité. À nos yeux, cette disposition doit être le symbole de l'attachement indéfectible de la République à ses forces de l'ordre, notre engagement à les soutenir et à les protéger à l'heure où certains n'hésitent plus, désormais, à leur envoyer des menaces de mort. Ce qui nous interroge toutefois, et ce qui choque certains d'entre nous, c'est cette inégalité de fait qu'elle crée entre les fils naturels et les enfants adoptifs de la République.

Ces deux dispositions, mes chers collègues, nous empêchent d'être unanimes à soutenir ce projet de loi. C'est néanmoins une majorité des députés du groupe Nouveau Centre qui lui apportera son soutien. (Applaudissements sur les bancs du groupe NC et sur quelques bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

Nous allons maintenant procéder au scrutin public sur l'ensemble du projet de loi.

(Il est procédé au scrutin.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants 556

Nombre de suffrages exprimés 533

Majorité absolue 267

Pour l'adoption 294

Contre 239

(Le projet de loi est adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Yves Cochet, pour un rappel au règlement.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Cochet

Monsieur le président, deux séances de l'Assemblée nationale sont en train de se dérouler en même temps, et cela me scandalise. En effet, nous venons d'entendre les explications de vote sur la loi « immigration, intégration et nationalité », nous venons de voter et nous allons entamer la discussion d'un projet de loi organique relatif à la dette sociale, mais, depuis neuf heures et demie ce matin, l'examen du projet de loi de finances a commencé dans ce que vous appelez parfois le « petit hémicycle », c'est-à-dire la salle Lamartine. Des députés y assistent, le Gouvernement y est représenté, des débats et des votes y ont lieu. Je ne comprends pas qu'il puisse y avoir deux séances de l'Assemblée nationale dans deux endroits différents. Je m'oppose complètement à cette possibilité. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC.)

Des réunions de commission, des auditions, se tiennent parfois en même temps que la séance publique ; c'est là une sorte de tolérance. En revanche, il est impossible que l'Assemblée nationale tienne en même temps deux séances dans deux endroits différents. Nous nous opposons tout à fait au recours à une telle procédure pour examiner le budget. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR, SRC et NC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

Monsieur le président Cochet, ce ne sont pas deux séances qui ont lieu en même temps : vous évoquez en fait une réunion de commission élargie. (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

D'autre part, il a été acquis par consensus, en plein accord avec les présidents successifs de la commission des finances, que nous procéderions de cette façon. Tel est le cas depuis plusieurs années, et cela a été discuté en conférence des présidents.

Je suis cependant tout à fait prêt, s'agissant d'un certain nombre de cas dans lesquels une réunion de commission élargie se tient en même temps, par exemple, qu'un scrutin solennel, à revenir sur le sujet en conférence des présidents.

Rappel au règlement

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures quarante, est reprise à seize heures cinquante.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

Chers collègues, le mardi 14 septembre, l'Assemblée nationale a décidé de suspendre ses travaux du jeudi 23 décembre au dimanche 9 janvier 2011.

En application de l'article 28, alinéa 2, de la Constitution, la conférence des présidents propose à l'Assemblée de suspendre également ses travaux du lundi 21 février au dimanche 27 février et du lundi 18 avril au dimanche 1er mai 2011.

Il n'y a pas d'opposition ?

Il en est ainsi décidé.

Par ailleurs, conformément à l'article 48, alinéa 3, du règlement, la conférence a arrêté le calendrier prévisionnel de l'ensemble de la session ordinaire 2010-2011.

Ce calendrier sera affiché et mis en ligne.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi organique, adopté par le Sénat, après engagement de la procédure accélérée, relatif à la gestion de la dette sociale (nos 2781, 2825, 2821, 2819).

Je vous rappelle que la Conférence des présidents a décidé d'appliquer à cette discussion la procédure du temps législatif programmé, sur la base d'un temps attribué aux groupes de dix heures.

Chaque groupe dispose des temps de parole suivants : deux heures pour le groupe UMP ; trois heures pour le groupe SRC, trois heures pour le groupe GDR et deux heures pour le groupe NC ; les députés non inscrits disposent d'un temps de trente minutes.

En conséquence, chacune des interventions des députés, en dehors de celles des rapporteurs et du président de la commission saisie au fond, sera décomptée sur le temps du groupe de l'orateur.

Les temps qui figurent sur le « jaune » ne sont en tout état de cause qu'indicatifs.

La parole est à M. François Baroin, ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'État.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland Muzeau

L'homme qui valait 130 milliards de déficit !

Debut de section - PermalienFrançois Baroin, ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'état

Monsieur le président, monsieur le président de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, rapporteur au fond, monsieur le président de la commission des affaires sociales, monsieur le président de la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire, madame la rapporteure pour avis de la commission des finances, monsieur le rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales, mesdames et messieurs les députés, le projet de loi organique que je vous présente aujourd'hui, adopté en conseil des ministres le 13 juillet et par le Sénat le 13 septembre dernier, constitue l'un des éléments clés du schéma global de financement de la dette sociale. Il s'agit d'une question dont l'importance est indéniable, dans un contexte où – je ne l'apprendrai à personne dans cette honorable assemblée – la réduction de la dette et des déficits publics est au centre de nos préoccupations et où le système de sécurité sociale est au coeur de la cohésion nationale.

La dette sociale accumulée au sein de l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale – l'ACOSS – devrait représenter, en 2011, environ 80 milliards d'euros, qu'il convient désormais de résorber.

Nous devons donc concilier intelligemment deux impératifs : remédier dès aujourd'hui aux difficultés financières de notre système de sécurité sociale, afin de ne pas transmettre à nos enfants un fardeau qui ne serait pas le leur, tout en prenant garde, face à une situation économique encore hésitante, à ne pas nuire à la reprise. L'exercice n'est pas simple, mais il est indispensable.

Dans ce contexte, le Gouvernement, convaincu de la nécessaire prépondérance de la représentation nationale dans ce débat, a pris, il y a quelques mois, l'engagement d'installer une commission composée de parlementaires. J'ai réuni cette commission à plusieurs reprises au printemps dernier. Je tiens d'ailleurs à saluer les députés membres de cette commission, présents aujourd'hui au sein de votre assemblée : Yves Bur, Marie-Anne Montchamp, Pierre Morange, Jean-Luc Préel, Marisol Touraine, Gérard Bapt et Roland Muzeau. Je remercie également Isabelle Vasseur pour son engagement à nos côtés afin de nous aider à éclairer la représentation nationale sur les enjeux de ce débat.

J'ai, à cette occasion, particulièrement apprécié la qualité de nos échanges. Nous ne partageons pas tous les mêmes options, mais nous avons travaillé avec sérieux autour des possibilités, des hypothèses, des pistes envisageables pour reprendre cette dette très importante. Le schéma de reprise de la dette sociale que le Gouvernement propose tient compte de toutes ces observations. Il sera, pour une large part, mis en oeuvre dans le cadre du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2011, dont nous discuterons dans les jours qui viennent.

Il me semble important que vous en ayez d'ores et déjà connaissance, de manière à pouvoir discuter de ce projet de loi organique qui fait partie intégrante du schéma de reprise. Si l'objectif du Gouvernement est d'abord de donner les moyens à la CADES de reprendre les dettes accumulées par la crise que nous venons de traverser, il s'agit également, sur un plan plus technique, de répondre à un certain nombre de remarques formulées par la Cour des comptes.

Notre objectif est de permettre à la CADES de reprendre les 80 milliards d'euros environ de dette à venir d'ici à la fin de l'année 2011 ainsi que les déficits futurs de la branche vieillesse. Pour cela, nous proposons trois piliers distincts : la hausse des recettes de la CADES, l'allongement de sa durée de vie et l'utilisation du Fonds de réserve des retraites.

Allonger la durée de vie de la CADES dans une limite de quatre ans, soit jusqu'à 2025, est indispensable pour reprendre les 34 milliards d'euros de dette nés de la crise. Cette crise a laissé des traces. Si elle est derrière nous sur le plan économique, les cicatrices qu'elle a laissées se retrouvent dans l'ensemble de nos déficits, y compris dans nos déficits sociaux.

J'ai bien entendu tous les arguments portant sur cet allongement. Monsieur le président Warsmann, l'amendement que vous avez fait voter en 2005 et qui interdit les reprises de dette financées par l'allongement est une bonne mesure. Comme vous, je considère que, dans son principe, elle est protectrice des générations futures. Je comprends votre engagement au cours de ces dernières semaines pour plaider la cause d'une idée que personne de sérieux ne conteste, quel que soit le banc sur lequel il siège ni même au sein du Gouvernement. Pour autant, cette crise et là et l'allongement de la durée de vie de la CADES est aussi une manière d'assumer la crise avec les déficits qu'elle a provoqués. Nous comprenons votre message et la conviction qui vous anime, mais nous proposons une solution qui n'est pas éloignée de ce principe, tout en étant adaptée à la réalité de l'impact de la crise sur nos comptes.

Nous ne pouvons pas ignorer les turbulences financières et économiques traversées depuis 2008, qui ont laissé des traces très importantes. En 2009, le déficit de la sécurité sociale a été multiplié par deux et la masse salariale s'est contractée pour la première fois depuis 1945. Jamais dans son histoire la sécurité sociale n'aura autant subi de plein fouet les aléas nés de la situation économique.

Oui, mesdames et messieurs les députés, nous devons rectifier notre trajectoire. Nous devons nous adapter.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Vidalies

C'est vrai aussi pour les retraites ! Il ne faut pas tenir deux discours !

Debut de section - PermalienFrançois Baroin, ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'état

À cette conjoncture économique historique, il est de notre responsabilité de proposer des réponses nouvelles à la hauteur des échéances auxquelles nous sommes confrontés.

Quel est donc l'enjeu ? Tout simplement la préservation de notre système de protection sociale. En tant que ministre des comptes publics, je ne peux me résoudre à attendre les prochaines échéances électorales pour proposer des solutions durables à ce déficit.

Comme vous, je ne souhaite pas que nos dépenses de santé d'aujourd'hui soient financées demain par nos petits-enfants.

Debut de section - PermalienFrançois Baroin, ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'état

Nous ne pouvons pas non plus prendre le risque de fragiliser la reprise économique dans laquelle nous sommes entrés.

Ne pas allonger la durée de vie de la CADES, c'est décider de ponctionner l'économie de près de 8 milliards d'euros supplémentaires par an. Certains d'entre vous considèrent que nous pourrions avoir recours à une augmentation de la CSG ou de la CRDS. Mais pensez-vous sincèrement que ponctionner 8 milliards d'euros par an serait sans conséquence sur la consommation des ménages ?

Debut de section - PermalienFrançois Baroin, ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'état

La consommation, nous le savons tous, est le premier moteur de la croissance, surtout pour le modèle économique français, une croissance porteuse de recettes pour la sécurité sociale.

Une autre solution pourrait consister à laisser à nos successeurs le soin de régler la facture…

Debut de section - PermalienFrançois Baroin, ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'état

…et nous satisfaire d'une reprise de la seule dette de 2009 et 2010. Ce n'est pas la position choisie par le Gouvernement puisque, sur le dossier des retraites, notre objectif est de traiter la question dans sa globalité. Le Gouvernement vous propose une approche globale, une réponse globale et une situation assainie grâce à des mesures que je vous présenterai dans le détail. Nous prenons en compte les déficits passés, présents et à venir. Nous ne mettons pas un cautère sur une jambe de bois, nous ne nous contentons pas d'apporter une réponse partielle : nous apportons une réponse globale.

Debut de section - PermalienFrançois Baroin, ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'état

Nous ne traitons pas la question à moitié.

Plusieurs députés du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. Ah non !

Debut de section - PermalienFrançois Baroin, ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'état

Nous la traitons totalement.

Debut de section - PermalienFrançois Baroin, ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'état

Avec le plan que le Gouvernement vous propose aujourd'hui, nous prenons nos responsabilités non seulement pour la reprise des dettes du régime général de 2009, 2010 et 2011, mais nous nous engageons aussi à financer les déficits futurs pour la partie vieillesse jusqu'à son retour à l'équilibre.

Debut de section - PermalienFrançois Baroin, ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'état

Si le Gouvernement vous propose d'allonger la durée de vie de la CADES pour reprendre cette dette exceptionnelle, cette dette de crise, c'est d'abord parce qu'il nous a semblé inéquitable de faire porter aux Français par des hausses brutales de prélèvement le remboursement de la dette née d'une conjoncture extérieure. La modification est conçue comme une dérogation au principe de non-allongement de la durée de vie de la CADES inscrite en 2005 au niveau organique. L'allongement est très modéré – quatre ans de plus – pour le remboursement de la dette de crise. Cela touche les générations qui ont bénéficié collectivement des prestations pendant les années concernées par cette dette. À celles et ceux qui pensaient qu'il y avait une idée cachée d'augmentation des impôts, je dirai, au passage, que le débat qui nous a animés au cours de ces trois dernières semaines montre bien que le choix du Gouvernement est de ne pas augmenter les prélèvements obligatoires.

Debut de section - PermalienFrançois Baroin, ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'état

Les solutions que nous vous proposons écartent justement, par un choix politique assumé et affirmé, la piste des prélèvements obligatoires. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) On en pense ce que l'on veut, on vote pour ou contre, mais la réalité, c'est que le Gouvernement ne proposera pas d'augmentation des prélèvements obligatoires, que ce soit dans ce dossier ou dans tous les autres.

Debut de section - PermalienPhoto de Pascal Terrasse

Alors, supprimez toutes les niches fiscales ! Quelle sémantique !

Debut de section - PermalienFrançois Baroin, ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'état

Pour la première fois depuis sa création, le projet de loi de financement de la sécurité sociale affecte de nouvelles ressources à la CADES.

Nous avions initialement prévu d'affecter à la CADES trois recettes nouvelles provenant de la réduction de niches sociales. Vous le savez, la réduction des niches fiscales et sociales constitue un axe majeur de notre stratégie en matière de finances publiques. Trois mesures, inscrites dans le projet de loi de finances pour 2011, devaient donc venir financer cette reprise de dette.

Il s'agit d'abord de la suppression de l'exonération de taxe sur les conventions d'assurance dont bénéficient les contrats d'assurance maladie dits « solidaires et responsables ». La taxe s'appliquera désormais sur ces contrats au taux de 3,5 %, au lieu du taux normal de 7 %, ce qui représentera 1,1 milliard d'euros supplémentaire par an.

La deuxième mesure consiste à taxer forfaitairement les sommes placées dans la réserve de capitalisation des sociétés d'assurance. Elle rapportera 850 millions d'euros en 2011 et 2012, soit 1,7 milliard d'euros au total.

Enfin, l'anticipation des prélèvements sociaux aux compartiments « euros » des contrats d'assurance-vie multisupports se réalisera désormais au fur et à mesure des encaissements plutôt qu'au moment du dénouement du contrat.

Debut de section - PermalienFrançois Baroin, ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'état

Ce n'est pas celle-là qui ne marche qu'une fois. Je parle ici d'un prélèvement au fil de l'eau. Nous en reparlerons lors du débat.

Ces trois mesures représenteront plus de 3,2 milliards d'euros sur 2011 et 2012, pour décroître progressivement dans le temps.

Compte tenu de la dynamique décroissante du rendement des recettes, le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2011, que j'aurai l'honneur de présenter demain matin en conseil des ministres, prévoit un mécanisme permettant de garantir les ressources de la CADES sur le long terme. Cette « clause de garantie de ressources » garantit le montant des ressources chaque année au niveau nécessaire pour permettre à la CADES de rembourser la dette.

Le Gouvernement a toutefois bien entendu les enjeux du débat de ces derniers jours sur la partie « recettes », notamment. Nombre d'entre vous souhaiteraient échanger ces trois recettes contre la CSG pour la CADES. Nous aurons cette discussion au moment du projet de loi de financement de la sécurité sociale. Je voudrais dire à la représentation nationale que le Gouvernement l'a entendue et que, lors de nos débats, nous serons ouverts à cette possibilité. Cela ne signifie pas augmentation, mais affectation à due concurrence de la somme proposée pour reprendre une partie de la dette, notamment de la dette de crise.

Nous souhaitons mobiliser les actifs financiers et la recette du FRR en vue de la reprise exclusive de la dette « vieillesse » de 2011 et des années ultérieures. Par dette « vieillesse », j'entends celle de la Caisse nationale d'assurance vieillesse et celle du Fonds de solidarité vieillesse, estimée pour 2011 à 10,7 milliards d'euros.

Nous avons également souhaité remédier aux déficits passés, mais nous avons aussi voulu préparer l'avenir en traitant et en évitant les déficits futurs. La réforme structurelle des retraites vise à atteindre l'équilibre en 2018. Les mesures d'âges que vous avez votées dans le cadre de cette réforme apportent une réponse démographique à un problème démographique. Afin de traiter la question de l'équilibre des régimes de retraites dans sa globalité, le Gouvernement propose la mobilisation du FRR. Il est ainsi déterminé à apporter, dès maintenant, une solution aux déficits de la branche vieillesse, pour un montant de 62 milliards d'euros, qui seront accumulés entre 2011, année de démarrage de la réforme, et 2018, date à laquelle la réforme des retraites produira son plein effet.

Aujourd'hui, chacun le sait, les déficits de nos régimes sont très importants. Ils atteignent des niveaux initialement prévus en 2020. Ces chiffres justifient à eux seuls la mobilisation présente du FRR. Toute bataille idéologique sur ce sujet est inutile. La mobilisation du FRR était inscrite dans l'esprit et c'est dans l'esprit que son application par le Gouvernement aujourd'hui s'inscrit à nouveau. Alors que nous devions connaître ces déficits dans dix ans, nous les avons dès 2010. Nous sommes donc au rendez-vous.

Deux leviers seront utilisés. Le premier est le transfert à la CADES de la part actuellement affectée au FRR du prélèvement de 2 % sur les revenus du patrimoine. Ce sera, l'année prochaine, un rendement de 1,5 milliard d'euros l'année prochaine. Le second est la liquidation des actifs du FRR sous forme de flux financiers en direction de la CADES, ce qui permet de garantir une étanchéité entre les deux organismes. La loi de financement de la sécurité sociale pour 2011 prévoira le versement par le FRR de 2,1 milliards d'euros chaque année à la CADES de 2011 à 2024. Le Fonds continuera donc à gérer ses actifs jusqu'en 2024, tout en assurant des versements annuels à la CADES. En aucun cas, il ne s'agit de supprimer, aujourd'hui, le FRR.

Au total, il est donc prévu de transférer à la CADES près de 130 milliards d'euros de dettes, soit la somme de 68 milliards correspondant aux déficits 2009 et 2010 de l'ensemble des branches du régime général et du Fonds de solidarité vieillesse et au déficit prévisionnel 2011 des branches maladie et famille, auxquels on ajoute, à hauteur de 62 milliards, les déficits prévisionnels « vieillesse » de la période 2011-2018. Vous connaissez donc l'approche globale proposée par le Gouvernement.

Mesdames et messieurs les députés, ce projet de loi organique ne porte que sur la durée de vie de la CADES, mais il était normal que le Gouvernement vous présente l'ensemble du dispositif dont une partie sera débattue lors de l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale.

Comme je l'ai évoqué dans mon introduction, ce projet de loi organique répond également à des remarques formulées par la Cour des comptes, laquelle a, en effet, émis des réserves sur le traitement comptable appliqué à la CADES, la dette sociale portée par la CADES ne figurant ni dans les comptes de l'État ni dans ceux des organismes de la sécurité sociale. Pour clarifier la situation et mettre fin à toute ambiguïté, le Gouvernement vous propose de préciser le champ facultatif des lois de financement de la sécurité sociale, de soumettre chaque année à votre approbation, en plus des « tableaux d'équilibre », un « tableau patrimonial », permettant ainsi d'améliorer l'information du Parlement sur la situation de l'ensemble des actifs et passifs des organismes entrant dans le champ de la loi de financement de la sécurité sociale, et enfin de modifier la gouvernance de la CADES, en changeant, notamment, la composition de son conseil d'administration, afin de renforcer la place des partenaires sociaux en son sein.

Nous espérons, grâce à ces trois modifications, obtenir la levée de la réserve relative à la CADES, dès la certification des comptes 2010. Celle-ci est d'importance, car elle répondra à une vision globale et sincère de la réalité, s'agissant de l'évolution de nos déficits. La tendance est déjà bonne, car la Cour est passée de douze à neuf observations.

Figurent également dans le projet de loi organique des dispositions relatives à l'objectif national de dépenses d'assurance maladie proposées notamment par le rapporteur Vasselle lors des débats au Sénat et acceptés par le Gouvernement. Ces dispositions visent à améliorer votre information et la transparence sur la construction et l'exécution de l'ONDAM. Ils sont directement issus des travaux du groupe de travail conduit par Raoul Briet auquel certains d'entre vous ont participé. Ces conclusions figurent désormais dans la loi organique.

Enfin, nous discuterons d'un amendement du Gouvernement précisant, sur les recommandations du Conseil d'État, le champ d'application de la loi de financement de la sécurité sociale, afin de pouvoir placer dans cette loi des mesures tenant aux missions et à l'organisation des caisses de sécurité sociale et aux modalités de recouvrement des cotisations et contributions affectées aux régimes de sécurité sociale.

Pour terminer, je voudrais vous rappeler à nouveau combien ce texte est important.

Debut de section - PermalienPhoto de Pascal Terrasse

Il doit l'être, si l'on en juge au nombre de députés UMP présents en séance ! (Sourires.)

Debut de section - PermalienFrançois Baroin, ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'état

Il correspond à un des étages de la fusée, chaque étage étant un moteur et une énergie supplémentaire pour atteindre notre objectif global de réduction des déficits : 6 % l'année prochaine, 4,6 % en 2012 et 3 % en 2013, c'est-à-dire le retour au niveau du déficit que nous enregistrions avant la crise. Nous avons fixé dans la loi de programmation des finances publiques un objectif pour 2014 à 2 %. C'est donc un élément essentiel de la stratégie.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland Muzeau

Il s'agissait d'aller chercher la croissance avec les dents !

Debut de section - PermalienFrançois Baroin, ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'état

Le Gouvernement a choisi d'être cohérent dans toutes ses propositions. Ainsi, il n'y aura pas d'augmentation des impôts, mais des choix responsables.

Debut de section - PermalienPhoto de Henri Emmanuelli

Qu'alliez-vous faire dans cette galère ? Vous auriez mieux fait de rester député !

Debut de section - PermalienFrançois Baroin, ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'état

Face à une réalité cruelle – une crise hors norme, jamais vue, qui a puissamment agi sur les déficits –, cette solution équilibrée et responsable apportera une réponse globale. Nos débats de ces dernières semaines ont été de qualité, les uns et les autres se sont engagés, et le Gouvernement a été à leur écoute. Je formulerai, pour ma part, des propositions après avoir entendu vos interventions. Grâce à tout cela, nous pourrons, je le crois et je le sais, emprunter le chemin qui nous permettra, un jour, de revenir à l'équilibre budgétaire, ce qui doit être l'objectif intangible de tout gouvernement. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Jean-Luc Warsmann, président de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, rapporteur.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Luc Warsmann

…même si les domaines de compétence de la commission des lois et de votre ministère se recoupent peu.

Mes chers collègues, nous débutons l'examen du projet de loi organique relatif à la gestion de la dette sociale. Pourquoi sommes-nous ici ? En France, les règles en matière de dette publique sont assez peu nombreuses. Aucune règle ne s'applique à la dette de l'État. Dans notre pays, l'État emprunte autant qu'il le veut, tant qu'il trouve des épargnants qui acceptent de lui prêter de l'argent.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Luc Warsmann

Il existe, en revanche, un régime en matière de dette des collectivités locales. Ainsi, l'article 1612-4 du code général des collectivités territoriales pose un principe très simple : une collectivité locale a le droit d'emprunter…

Plusieurs députés du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. Eh oui !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Luc Warsmann

…à la seule condition que l'emprunt ne serve qu'à l'investissement. Il lui est totalement interdit de recourir à cette solution pour fonctionner.

Qu'en est-il en matière de sécurité sociale ? De 1945 à 1993, en dépit des périodes extrêmement graves qu'a traversées la France – crises de 1974 et de 1979 –, la sécurité sociale n'a jamais emprunté. Ses fondateurs n'ont pas voulu l'y autoriser, pour une raison très simple : dans la mesure où elle ne connaît quasiment que des dépenses de fonctionnement, emprunter pour combler un déficit reviendrait à faire peser une partie du coût des boîtes de médicaments, des prestations sociales et des soins médicaux d'une année sur tous les Français qui devraient travailler pour cela pendant cinq ou dix ans.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Luc Warsmann

C'est d'autant plus inacceptable que, dans cinq, dix ou quinze ans, le coût de la protection sociale sera bien supérieur à ce qu'il est aujourd'hui, à cause du vieillissement de la population, des nouvelles techniques médicales, des nouveaux types d'opérations ou des traitements de plus en plus onéreux.

En 1996, nous avons admis une exception au principe selon lequel la sécurité sociale ne s'endette jamais en créant la CADES. Le législateur peut autoriser la CADES à lancer des emprunts – qui sont souscrits aux deux tiers par des étrangers. Le produit de l'emprunt est affecté à la sécurité sociale pour combler son déficit ; en contrepartie, pour rembourser son emprunt, la caisse reçoit, comme recettes, 0,5 % prélevé sur les revenus des Français – la CRDS – et, depuis deux ans, 0,2 % de CSG. Ce système est évidemment très coûteux. Chaque fois que l'on demande à la sécurité sociale d'emprunter 10 milliards d'euros, les contribuables en remboursent 14, soit 40 % de plus.

Il ne s'est pas passé dix ans avant que le Parlement, après avoir constaté le caractère extrêmement dangereux du mécanisme, ne se ressaisisse du dossier. C'est en 2005 que, à l'unanimité dans cet hémicycle, nous avons mis en place une règle très simple, minimale. Tout gouvernement peut demander à la CADES d'emprunter les sommes qu'il souhaite – aucun plafond n'ayant été fixé – à une seule condition : qu'il prévoie les ressources pour rembourser les annuités de l'emprunt dans les délais prévus.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Luc Warsmann

…le Conseil constitutionnel en a été saisi. Alors présidé par Pierre Mazeaud et composé, entre autres, de Simone Veil, Pierre Joxe et de l'ancien secrétaire général de l'Assemblée nationale, M. Jean-Louis Pezant, il a donné une valeur organique à cette disposition, en considérant que ce n'était pas une loi ordinaire, mais une loi d'application directe de la Constitution. Les commentaires précisent que cette disposition est l'une des plus importantes, si ce n'est la plus importante, des lois de financement de la sécurité sociale. Et le Conseil constitutionnel ajoute que c'est la volonté du législateur organique de ne plus transférer les dépenses de protection sociale sur les générations futures.

Si nous sommes ici aujourd'hui, c'est parce qu'il y a incontestablement – vous avez raison, monsieur le ministre – une crise terrible. Au nom de cette crise, le Gouvernement nous propose diverses mesures. Il demande d'abord que le Fonds de réserve des retraites – un peu plus de 30 milliards d'euros qui avaient été mis de côté pour lisser les déficits du régime de retraite et que la loi interdisait de consommer avant 2020 – soit utilisé dès maintenant.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Luc Warsmann

À titre personnel, je comprends tout à fait cette démarche. Certes, elle n'est pas extrêmement vertueuse, mais la réalité est là et il faut l'assumer.

Le Gouvernement nous demande ensuite d'autoriser la CADES à lancer des emprunts à un niveau historiquement élevé. Depuis sa création, en quinze ans, la CADES a été autorisée à lancer 134 milliards d'euros d'emprunt. Là, en une loi, on nous demande d'en lancer 130 milliards. Pour que les choses soient claires, cela représenterait plus de 50 milliards d'euros d'intérêt, dont les deux tiers iront dans les poches d'épargnants étrangers.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Luc Warsmann

Lancer ce programme de 130 milliards coûterait au contribuable plus de 180 milliards d'euros.

Là encore, je fais confiance au Gouvernement et je suis prêt à voter autant d'autorisations d'emprunt qu'il faut pour mener à bien la réforme de la sécurité sociale. Le problème, c'est que, emporté par son élan, le Gouvernement nous demande d'écarter la règle imposant de prévoir des ressources pour tout nouvel emprunt. Pour être très clair, il nous demande de l'autoriser à lancer 130 milliards d'euros d'emprunt sans mettre en face les recettes pour les rembourser. Lancer des emprunts lorsque l'on sait que l'on n'a pas l'argent nécessaire pour les rembourser, cela s'appelle faire de la cavalerie. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

La cavalerie prend deux formes. En respectant la loi, le Gouvernement peut lancer les emprunts qu'il souhaite à la CADES. Il y a un tarif. Pour un emprunt de 10 milliards d'euros, il doit apporter un milliard d'euros de ressources pérennes, qui permettent à la CADES de rembourser l'emprunt. Aujourd'hui, comme il ne peut pas mettre de l'argent pour rembourser l'emprunt, il prévoit d'abord une prolongation, c'est-à-dire que l'on va emprunter pour faire payer une partie du prix des boîtes de médicaments consommés actuellement par nos concitoyens, une partie des soins médicaux et des prestations sociales par les Français qui travailleront en 2022, 2023, 2024 et 2025…

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Luc Warsmann

…c'est-à-dire faire des emprunts à long terme à quinze ans pour payer des déficits de fonctionnement. Je vous le dis comme je le pense au plus profond de moi-même, c'est insensé, ce n'est pas responsable ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Luc Warsmann

C'est une première forme de cavalerie. Le Gouvernement la chiffre à 34 milliards d'euros. Je pense que le coût en est supérieur.

Évidemment, il faut des recettes pour permettre de rembourser les annuités de l'emprunt. Le Gouvernement dit qu'il met 3,35 milliards d'euros de recettes sur la table. Cela comprend d'abord une taxation des réserves des sociétés d'assurances, qui rapporte 850 millions d'euros la première année, en 2011, 850 la deuxième année, puis zéro. Il y a aussi la taxation des produits multisupports, les contrats d'assurance-vie. Mais ce n'est pas une nouvelle taxe : c'est une avance de trésorerie. On va demander à nos concitoyens de payer tous les ans les contributions sociales qu'ils payaient à l'expiration de leur contrat d'assurance-vie. Ce n'est pas la peine d'avoir fait de grandes études mathématiques pour comprendre que, la première année, on va toucher beaucoup, moins la deuxième, et de moins en moins ensuite, puisque les contrats qui vont se dénouer auront déjà subi des prélèvements tous les ans. Selon les propres prévisions du Gouvernement, cela entraîne une baisse de 25 %.

Quand on lance un emprunt avec une annuité constante et que l'on prévoit, pour le rembourser, 3,35 milliards d'euros la première année, on voit bien qu'il va manquer, sur dix ou quinze ans, quelque 27 milliards d'euros – c'est la seconde cavalerie.

Vous dites, monsieur le ministre, que vous avez compris les protestations de l'Assemblée. Il est vrai que l'Assemblée s'est un peu fait entendre : mais c'est que nous sommes là dans le dur du dur ! Je dois d'ailleurs avouer, en tant que rapporteur et président de la commission des lois, que jamais, sous la Ve République, le Parlement n'a été saisi d'une demande d'autorisation de faire de la cavalerie à ce niveau.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Luc Warsmann

La dernière fois, dans l'histoire de notre pays, qu'un Parlement a voté des autorisations de faire de la cavalerie, c'était sous la IVe République, avec les comptes d'affectation spéciale du Trésor. C'était exactement la même chose : il s'agissait de financer des dépenses de fonctionnement par des emprunts que l'on camouflait à l'époque dans un compte d'affectation spéciale du Trésor.

En l'occurrence, comme les deux cavaleries se voient un peu trop, vous n'en laissez qu'une à la CADES et vous mettez la seconde à la sécurité sociale : avec des recettes en monnaie de singe pour la sécurité sociale et un transfert des cotisations de CSG, des recettes pérennes, le trou de 27 milliards est transféré de la CADES au régime de sécurité sociale. S'il est logé, comme il en est question, dans la branche famille, cela signifie que, en autorisant un tel dispositif, nous décidons d'ores et déjà que 27 milliards d'euros de prestations familiales ne pourront pas être versés dans les années à venir, c'est-à-dire que nous mettons un gigantesque coup de bulldozer dans toute la politique familiale de la France. Je ne crois pas que nous ayons été élus pour cela.

Mes chers collègues, je trouve cela inacceptable, d'autant plus que j'ai écouté avec beaucoup d'attention le Président de la République nous expliquer qu'il y avait un enjeu très fort dans ce qu'on appelle la convergence avec l'Allemagne. Les deux principaux pays européens ne peuvent pas diverger. Vous l'avez dit encore la semaine dernière, monsieur le ministre, alors que vous participiez au débat sur le bouclier fiscal : il faut une convergence avec l'Allemagne.

En Allemagne, l'article 115 de la Constitution pose le principe que l'État fédéral ne peut pas emprunter pour autre chose que de l'investissement. En mai 2007, l'équivalent allemand du Conseil constitutionnel a indiqué que cette disposition n'était pas assez stricte et l'Allemagne vient de modifier sa constitution pour que le déficit moyen des finances publiques soit de 0,35 %.

Oui, je vous applaudis des deux mains lorsque vous expliquez qu'il faut converger avec l'Allemagne : c'est la logique, l'intérêt de notre pays, et c'est nécessaire pour la compétitivité de notre économie. Mais, en France, nous n'avons pas de dispositions constitutionnelles pour limiter le déficit de l'État et le déficit de la sécurité sociale, nous n'avons qu'une petite disposition cadre imposant de prévoir des recettes pour rembourser l'emprunt lorsque la sécurité sociale emprunte pour des dépenses de fonctionnement. Au moment où le Président de la République, le Gouvernement et le ministre du budget disent qu'il faut converger avec l'Allemagne, on prend la direction inverse et on écarte la seule règle qui existe dans notre pays. Je le dis comme je le pense, c'est affaiblir la crédibilité de la parole financière de la France.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Luc Warsmann

Mes chers collègues, je dois également vous dire ma très grande inquiétude devant la situation dans laquelle nous nous trouvons. Il n'a échappé à personne que, dans notre système économique actuel, des pays pourraient être frappés par une catastrophe financière. Dans les dernières décennies, nous voyions cela d'assez loin, c'était dans les autres hémisphères. Pauvres Argentins, qui ont connu tant de problèmes ! Depuis quelques mois, nous avons découvert que les États membres de l'Union européenne n'étaient pas exempts de telles catastrophes financières. Une catastrophe financière, c'est très simple. Cela demande quelques jours ou quelques heures. C'est quand on commence à perdre confiance dans la dette d'un pays parce que l'on considère qu'il s'autorise des choses qu'il ne devrait pas s'autoriser. Alors les taux d'intérêt des emprunts montent. L'agence France Trésor va lancer 180 milliards d'euros d'emprunts, on n'a jamais eu besoin d'en lancer autant. Si, par malheur, le taux d'intérêt qui s'impose à la France ne monte que de 1 %, cela représente près de 3 milliards d'euros par an de charges supplémentaires.

On va nous proposer de voter une loi de finances prévoyant le gel des dotations des collectivités locales, le non-remplacement d'un fonctionnaire sur deux partant en retraite et le gel des rémunérations des fonctionnaires. Si, demain, nous prenons des risques, si le coût de l'endettement de la France augmente, que viendra-t-on nous dire ? Les économies que vous avez dégagées en gelant les dotations des collectivités locales ne suffisent plus ? Que faudra-t-il voter, alors ? Une baisse des dotations des collectivités ? Et si le gel des revenus des fonctionnaires ne suffit plus ? Je ne veux pas rentrer dans des jeux de ce type, ce n'est pas acceptable. C'est la raison pour laquelle nous ne devons pas nous autoriser les légèretés que l'on nous demande de valider.

Je demande donc au Gouvernement, très simplement, très fermement, de s'arrêter dans son élan, de redevenir sage. Je lui demande de lancer les emprunts dont il a besoin pour équilibrer nos régimes de protection sociale, mais dans le respect des dispositions constitutionnelles et organiques en vigueur. Non, mes chers collègues, nous ne pouvons pas autoriser le lancement d'un emprunt de 130 milliards d'euros pour financier des déficits de fonctionnement de la sécurité sociale en nous exonérant de l'obligation de prévoir les revenus nécessaires pour le rembourser. Ce n'est pas plus compliqué que cela.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Luc Warsmann

Je sais que, pour beaucoup d'entre nous, cela semble bien lointain, tant de dizaines, de centaines de milliards. Mais, si le Gouvernement était venu nous demander, en raison de la crise, de supprimer pour huit ans la disposition prévoyant que les collectivités locales ne peuvent emprunter que pour l'investissement et de les autoriser à emprunter pour équilibrer leurs budgets de fonctionnement, nous l'aurions traité d'insensé, nous lui aurions répondu qu'il nous était impossible de les autoriser à faire de la cavalerie. Là, c'est la même chose, il y a un principe, il faut le respecter.

J'ai donc le devoir, même si ce n'est pas toujours simple, d'appeler chacune et chacun d'entre vous à la réflexion, de vous demander de voter librement, de savoir écarter les amicales pressions. Mes chers collègues, nous ne pouvons pas autoriser de telles cavaleries. Il en va de l'avenir de notre protection sociale, de la crédibilité de la parole financière de la France et de la crédibilité du Parlement. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, GDR et NC, et sur quelques bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Balligand

Il ne faut jamais tirer sur un sanglier des Ardennes : ça l'excite et il vous fonce dessus !

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Yves Bur, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Bur

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, avec un humour décapant, Jean-Marc Vittori comparait, dans Les Échos du 21 septembre dernier, le Gouvernement au capitaine Haddock. Si celui-ci était accro aux caisses de whisky, la France et l'État seraient accros à une autre caisse, non pour la vider, mais pour la remplir le plus régulièrement possible, et de préférence sans avoir à payer la note, du moins en apparence : je veux bien sûr parler de la CADES.

Alors que, en 2005, à l'initiative de Jean-Luc Warsmann, nous avions décidé avec gravité la fermeture législative de la caisse d'amortissement de la dette sociale en 2021, vous demandez aujourd'hui aux mêmes acteurs, monsieur le ministre, de maintenir cette caisse en vie afin qu'elle redevienne la machine à lessiver les déficits sociaux qu'elle était devenue entre 1996 et 2005.

En agissant de la sorte, nous avions mis en place un verrou qui devait avoir une vertu pédagogique : mettre en évidence le coût du transfert des déficits de la sécurité sociale afin de privilégier le retour à l'équilibre des branches par les réformes nécessaires.

Il faut bien reconnaître que les résultats ne sont pas à la hauteur de nos espérances. Il est difficile de demander aux Français d'accepter les réformes qu'exigerait pourtant la situation de nos comptes sociaux, que la crise financière n'a pas épargnés, bien au contraire. Pourtant, ce sont bien les pays européens qui ont su réformer et moderniser leur système social qui sont les mieux armés pour sortir de la crise tout en rétablissant le plus rapidement possible leur situation budgétaire.

Ce qui est en jeu, c'est de savoir si ce pays est capable de penser à ses jeunes et de leur préparer un avenir qui ne se résume pas à une montagne de dettes pour financer notre millefeuille social unique en Europe et payé à crédit.

Nous avons tellement habitué les Français aux facilités de l'endettement, qui agit comme une drogue douce, qu'ils ont du mal à comprendre pourquoi cela ne serait plus possible et pourquoi une modernisation de notre système de solidarité est incontournable.

En proposant une fois encore de repousser l'horizon d'amortissement de la dette sociale et en dépit des réels efforts qu'il nous propose dans le projet de loi de finances pour 2011, le Gouvernement entretient l'illusion de l'innocuité de la dette. En refusant d'assumer une rigueur, qui est pourtant non pas une insulte mais une nécessité pour redresser durablement notre pays et lui permettre de mieux profiter de la croissance mondiale, nous nous privons de nombreux leviers pour accélérer cette prise de conscience, pour lui donner sens au service des générations futures.

Comme le président et rapporteur de la commission des lois, je considère que les lois organiques doivent fixer des règles durables ; elles n'ont pas vocation à devenir des lois de circonstance. Il serait de plus paradoxal de demander au Parlement d'introduire, à travers des dispositions sinon constitutionnelles, du moins organiques, une obligation d'équilibre des finances publiques, c'est-à-dire de soumettre le pilotage de nos finances publiques aux contraintes d'une règle d'or parée de toutes les vertus de la rigueur, tout en lui proposant de prendre plus de liberté avec une des seules petites règles d'or dont nous nous sommes dotés, il y a à peine cinq ans. En 2005 déjà, le rapport de la commission sur la dette publique soulignait que le choix de la facilité était, depuis vingt-cinq ans, la principale cause du niveau très préoccupant de notre dette publique.

La situation ne s'est pas arrangée depuis, bien au contraire. En effet, malgré l'allongement qui nous est proposé, la dette sociale est coûteuse : à la fin de 2011, après la reprise des déficits cumulés de 76,2 milliards d'euros, la charge de la dette sera de plus de 5,7 milliards d'euros, qui seront versés sous forme d'intérêts à nos créanciers – qui, pour l'essentiel, sont étrangers. C'est l'équivalent de la moitié du déficit de l'assurance-maladie.

En réalité, plutôt que de parler du recyclage des déficits et du financement de la dette, nous devrions traiter du financement de la sécurité sociale, dont les déficits structurels, et quelquefois conjoncturels, ne sont que la conséquence de réformes partielles et de recettes insuffisantes. Si nous ne sommes pas capables d'assurer l'équilibre financier de la sécurité sociale avec une croissance moyenne du PIB de l'ordre de 1,5 %, nous continuerons à générer des déficits, qui sont injustifiables s'agissant de dépenses courantes ; M. le président de la commission des lois l'a rappelé avec éloquence.

La réforme des retraites, que nous défendons parce qu'elle est nécessaire, constitue à cet égard un premier pas dans la bonne direction. Il s'agit à présent de penser au financement durable de nos dépenses de santé, sans oublier la branche famille dont le retour à une situation financière saine n'est envisagé qu'à l'horizon 2025.

À défaut, la CADES aura encore un bel avenir et, comme le verrou organique aura sauté une première fois à votre initiative, je prends le pari que, d'ici à 2025, d'autres justifieront le recours à cette facilité par le précédent que vous nous proposez d'entériner aujourd'hui.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Bur

C'est parce que la commission des affaires sociales a considéré que, malgré la crise, il n'était pas moralement possible de continuer à recourir aux facilités du passé, qu'elle a proposé, dans son avis, de rejeter l'article 1er de votre projet de loi organique, en souhaitant que soient envisagées d'autres formes de financement des déficits transférés à la CADES.

Comme l'a rappelé Jean-Luc Warsmann, nous vivons aujourd'hui, avec ce débat, un moment grave. Je considère qu'il est de notre responsabilité morale de cesser de nous décharger de nos responsabilités financières, quotidiennes, sur nos jeunes. Ils auront à vivre dans un monde beaucoup plus dur encore que celui que nous connaissons, ils devront relever des défis certainement beaucoup plus importants que ceux auxquels nous faisons face ; essayons de les épargner ! Je ne crois que ce serait le cas si nous cédions à la facilité. Comme Jean-Luc Warsmann, j'en appelle donc à la conscience de chacun, pour le respect de notre jeunesse et des générations futures. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Debut de section - PermalienPhoto de Roland Muzeau

Il en profite, c'est son dernier mandat ! (Sourires.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à Mme Marie-Anne Montchamp, rapporteure pour avis de la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Anne Montchamp

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je vais tenter de vous exposer en conscience la position de la commission des finances.

Nous examinons aujourd'hui le projet de loi organique relatif à la gestion de la dette sociale, dans sa rédaction issue de la commission des lois. Le schéma de financement proposé par le projet de loi initial reposait sur la reprise par la Caisse d'amortissement de la dette sociale de 130 milliards d'euros au total, couvrant l'ensemble des déficits cumulés du régime général et du Fonds de solidarité vieillesse jusqu'en 2012, ainsi que les déficits prévisionnels de la branche vieillesse jusqu'en 2018. Ce schéma devrait être principalement matérialisé dans le cadre des projets de loi de finances et de financement de la sécurité sociale pour 2011.

Prenons acte, mes chers collègues, de l'importance de la reprise ainsi proposée, qui conditionne la réforme des retraites aujourd'hui discutée au Sénat. Il y a urgence à agir, parce que ce sont plus de 87 milliards d'euros de déficits cumulés que le régime général et le FSV vont enregistrer entre 2009 et 2011. Il s'agit – et je crois qu'il faut que nous en prenions collectivement conscience – d'un véritable risque dans le risque. Le risque financier, propre à notre système de sécurité sociale, se matérialise aujourd'hui de la manière suivante : comment résoudre l'équation complexe qui consiste à garantir le financement des déficits passés, à garantir celui des déficits structurels à venir et à amortir la dette sociale, alors que les montants en jeu atteignent des proportions considérables et que, plus que jamais, la qualité de la signature publique doit être sauvegardée vis-à-vis des financeurs ?

Le traitement des déficits cumulés de la sécurité sociale est urgent. Il n'est plus possible de le reporter, tout simplement parce qu'il n'est plus possible de faire reposer sur l'ACOSS, dont ce n'est pas le métier, le poids du portage de la dette. Sa vocation, comme vous le savez, est de gérer de la trésorerie sur un rythme infra-annuel, et non de gérer des déficits cumulés, comme le rappelle de manière instante la Cour des comptes et comme nous le répétons devant vous chaque année. C'est bien de ce risque-là, entre autres, que nous parlons aujourd'hui.

L'exercice 2010 a été éprouvant pour l'ACOSS, puisqu'il lui a fallu évoluer sous un plafond de trésorerie porté à 65 milliards d'euros, avec des pics journaliers considérables, ce qui a modifié ses métiers, l'amenant à se spécialiser dans des activités d'ingénierie financière pour assurer, hors du marché domestique, le financement des déficits cumulés.

Mes chers collègues, nous devons avoir bien conscience que nous sommes aujourd'hui placés au pied du mur, un mur de dettes qui doit être franchi. Il est urgent d'agir, faute d'avoir, dès l'an passé et les exercices précédents, comme je l'avais proposé, pris des mesures pour traiter le déficit en train de s'accumuler.

Les modifications apportées par la commission des lois sont significatives. Elles conduisent à maintenir l'échéance de la CADES à 2021, au lieu de la reporter de quatre ans, comme le prévoyait le projet initial, pour financer à hauteur de 34 milliards d'euros la part des déficits correspondant à la dette de crise du régime général et du FSV sur 2009 et 2010.

La commission des finances a, pour sa part, jugé ce report de quatre années acceptable, mais ce fut, je dois le dire, la mort dans l'âme,…

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Anne Montchamp

… à regret, confrontés que nous sommes à la réalité de la dette, qu'il faut parvenir à amortir.

Je l'ai dit devant la commission des finances, et je le répète ici, nous regrettons qu'il faille allonger de quatre ans l'horizon d'amortissement de la CADES, pour le reporter à 2025. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Roland Muzeau

Si vous ne savez pas vous y prendre, rendez les clefs !

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Anne Montchamp

Si nous n'acceptons pas ce report de date, le niveau d'amortissement supporté par la CADES sera tellement inatteignable que le traitement de la dette sociale en deviendra, du coup, impossible.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Anne Montchamp

La dérogation créée par ce projet de loi organique est, notons-le, de courte durée – quatre ans –, elle est exceptionnelle et limitée ; exceptionnelle car réservée à la seule loi de financement de la sécurité sociale pour 2011, et limitée car on ne peut considérer qu'un report de quatre années soit le bout du monde et engage les générations futures.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Anne Montchamp

En revanche – et, sur ce point, la position de la commission des finances a été extrêmement ferme –, il nous a paru inacceptable qu'une véritable pérennité des recettes de la CADES ne soit pas assurée. En effet, le projet de loi organique a prévu l'affectation à la caisse de recettes nouvelles, à hauteur de 3,2 milliards d'euros, pour permettre la reprise des 34 milliards d'euros de déficits « hors crise » du régime général et du FSV entre 2009 et 2010, ainsi que du déficit prévisionnel de 2011 de la seule branche maladie.

La commission des finances a jugé qu'il était impensable d'opérer un tel report et d'organiser ce transfert de dette massif sans garantir pleinement et entièrement les recettes qui, conformément à la lettre et à l'esprit de la loi organique de 2005, seront affectées à la caisse pour assurer l'amortissement de cette dette nouvelle. La pérennité des recettes de la caisse est non seulement un impératif de bonne gestion, pour garantir que son échéance ne sera pas une nouvelle fois reportée faute de recettes suffisantes à l'avenir, mais surtout un enjeu crucial pour la position de la caisse, pour la soutenabilité de sa tâche d'amortissement, car, comme vous le savez, la caisse se finance sur les marchés. Si la CADES bénéficie aujourd'hui d'une qualité de signature publique que tout le monde lui reconnaît, ne l'exposons pas, par une ressource douteuse, à des risques qui fragiliseraient ses positions.

Avec la reprise envisagée de 68 milliards d'euros dès 2011, elle sera amenée à procéder à des émissions à court terme à hauteur de 10 milliards d'euros par mois dès le mois de janvier 2011. C'est un exercice difficile, périlleux et exposé.

(M. Jean-Pierre Balligand remplace M. Bernard Accoyer au fauteuil de la présidence.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Anne Montchamp

La commission des finances a donc tenu à ce que la solidité et la pérennité de la ressource garantissent la capacité de la caisse.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Anne Montchamp

C'est pour toutes ces raisons que nous avons proposé de modifier le texte organique sur ce point, afin de garantir le principe qui a prévalu depuis la création de la CADES, à savoir celui de l'affectation d'une recette dédiée, celle de la CRDS et, depuis 2009, d'une fraction de la CSG, dont l'assiette est quasiment identique à celle de la CRDS.

Je présenterai à cet égard dès demain, avec le rapporteur général, des amendements au projet de loi de finances, destinés à affecter les recettes prévues dans ce cadre, et qui reviennent sur des dépenses fiscales et sociales dans le secteur de l'assurance, non plus à la CADES, mais à la Caisse nationale d'allocations familiales. J'ai bien entendu les objections : si les ressources ne sont pas suffisantes ici, le seront-elles là ? Ce qui est certain, c'est que, pour les deux années à venir, ces ressources seront au rendez-vous.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Anne Montchamp

pour avis. Il nous est apparu que la solidité de la position de la CADES devait être réaffirmée et soutenue.

Je rappelle enfin que le schéma de financement proposé intègre les déficits prévisionnels de la branche vieillesse jusqu'à l'horizon fixé par la réforme des retraites, c'est-à-dire jusqu'en 2018. Ce financement sera assuré par la mobilisation des actifs du FRR et par le produit du prélèvement social de 2 % sur les produits de placement, qui lui est affecté à hauteur de 65 %. Ce sont ainsi 3,6 milliards d'euros qui seraient mobilisables chaque année par la CADES.

Cette dimension du schéma de financement est essentielle : elle conditionne la mise en oeuvre de la réforme des retraites et surtout la capacité à servir les pensions aux taux que nos compatriotes sont en droit d'attendre, et permet donc d'assurer que les déficits futurs de la CNAV et du FSV seront intégralement financés.

La commission des finances a souhaité renforcer de ce point de vue l'information du Parlement,…

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Vidalies

Quand on est bien informé sur la cavalerie, on devient complice !

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Anne Montchamp

…en prévoyant – c'est un amendement qui émane de vos rangs, mon cher collègue – que l'annexe VIII du PLFSS présente chaque année le bilan de cette opération financière de mobilisation du FRR pour financer les déficits futurs de la branche vieillesse.

Ce projet de loi organique propose une option de traitement de la dette sociale ; il en fixe le cadre, il se donne à voir comme un véritable test de résistance des organismes de sécurité sociale face au risque financier. Dans ce paysage institutionnel, la CADES est en quelque sorte le vaisseau amiral.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Anne Montchamp

Il convient, dans le cadre du transfert massif de dette qui va être opéré, et qui est inéluctable, qu'on le veuille ou non, d'assurer la solidité de sa barre, d'autant plus que la route devra être, malheureusement, un peu allongée.

Mes chers collègues, notre système est, vous le savez – on peut le regretter mais on ne peut l'ignorer –, financé par les marchés à hauteur de 60 % des déficits publics. C'est pour cette raison que l'on ne peut s'exposer à un affaiblissement de la parole publique s'agissant du portage de la dette sociale. La pérennisation des recettes de la CADES est le point saillant d'un dispositif auquel la commission des finances tient particulièrement, et elle veut obtenir des garanties sur ce point. Elle a donc souhaité renforcer la clause de garantie introduite par le Sénat en donnant valeur organique à la règle figurant à l'article 7 de l'ordonnance de 1996 qui a créé la CADES, et qui prévoit que la loi de financement s'assure chaque année que la caisse est en mesure de faire, face à son échéance d'amortissement, les ajustements nécessaires. Cette règle nous semble d'autant plus importante que, si le schéma de financement proposé par le Gouvernement traite les déficits cumulés du régime général et les déficits à venir de la branche vieillesse – il faut reconnaître son volontarisme sur ce point –, il n'intègre pas les déficits structurels à venir de la branche maladie : le risque financier de la sécurité sociale ne serait donc pas totalement levé et une solution devrait en tout état de cause être trouvée pour assurer ce financement. Cette question sera au coeur de notre débat sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2011.

Le poids des déficits, la raréfaction de la ressource – liée à la crise bien sûr, mais aussi à l'évolution de nos équilibres économiques et sociaux – imposent que nous soyons suffisamment souples pour permettre à la CADES de traiter cette dette sociale terriblement pénalisante tout en créant toutes les conditions nécessaires pour que ce traitement soit efficace et pérenne. On peut le regretter, mais c'est une réalité à laquelle nous ne pouvons nous dérober. C'est pourquoi, sous réserve de l'adoption des amendements de notre commission, nous vous proposons, mes chers collègues, d'adopter le texte qui sera ainsi réécrit. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP. – Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Balligand

Mes chers collègues, je vous rappelle que, même dans le cadre du temps programmé, les temps de parole des rapporteurs doivent être respectés. Madame la rapporteure pour avis, vous avez dépassé de plus de sept minutes le temps qui vous était imparti. Mais, étant donné l'importance du débat et considérant que M. le rapporteur avait lui-même déjà dépassé son propre temps de parole, je ferai preuve de mansuétude, comme le précédent président de séance.

Debut de section - PermalienPhoto de Henri Emmanuelli

Pourquoi faites-vous ce numéro de comptable, monsieur le président ? Pour une fois que le débat est intéressant !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Balligand

La parole est à M. Jérôme Cahuzac, président de la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Jérôme Cahuzac

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, il est tout de même des moments, assez rares dans notre histoire parlementaire – je ne suis pas sûr que nous en vivions un par an, voire un par mandature –, où la responsabilité de chaque parlementaire est convoquée, où l'honneur du Parlement est demandé. (« Ah oui ! » sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jérôme Cahuzac

Le présidentJean-Luc Warsmann, dans une intervention dont le souffle n'a échappé à personne, a convoqué à juste titre l'une et demandé l'autre, cet honneur dont nous sommes tous comptables. Nous avons écouté avec attention les propos de Jean-Luc Warsmann comme ceux d'Yves Bur, parce que nous avons le sentiment que ce débat, qui touche à la réforme des retraites et à la préservation de notre système d'assurance maladie et d'assurance familiale, comme à beaucoup de sujets sur lesquels nous avons des points de vue divergents, ne compromet toutefois ni les valeurs ni les opinions des uns et des autres. En effet, il transcende les oppositions traditionnelles auxquelles nous sommes largement habitués, car nous avons tous conscience que, au-delà des gestions différentes qui ont été conduites par les uns comme par les autres au cours de l'histoire, au-delà des critiques que chaque camp a adressées à l'autre selon qu'il occupait ou non la charge de la puissance publique, il nous reste un point commun, majeur et irréductible : le souci d'assurer une certaine tenue à la parole de la France et son rôle dans le concert des nations, c'est-à-dire de veiller à ce que nos décisions ne compromettent pas l'avenir des générations qui nous suivront.

Debut de section - PermalienPhoto de Jérôme Cahuzac

Ce projet de loi est un révélateur, et d'abord, bien sûr, un révélateur des déficits. Je suis mille fois d'accord pour accepter le concept de déficit de crise. Certes, on pourrait discuter des 34 milliards qui lui sont affectés, mais il est vain d'entrer dans ce débat. Il n'en reste pas moins qu'il y a 34 milliards de déficit structurel et 62 milliards de déficit prévisionnel, soit la reprise d'une dette considérable qui ne garantit pas que les choses s'amélioreront. L'impasse financière et budgétaire est faite sur les déficits de l'assurance maladie après 2011, puisque seule cette année-là est prévue dans la reprise de dette et que les années suivantes seront déficitaires. La réforme de l'assurance maladie, il y a quelques années, devait aboutir à l'équilibre des comptes en 2007 ; le rendez-vous fut manqué, et, depuis, l'a été chaque année. Rien ne permet d'affirmer que ces déficits disparaîtront comme par magie à partir de 2012. Oui, l'impasse financière est là.

En ce qui concerne la réforme des retraites, le débat n'est pas de savoir si soixante-deux ans et soixante-sept ans sont des seuils légitimes, mais soyons au moins lucides et convenons que l'équilibre des régimes de retraite repose sur des hypothèses pour le moins discutables. Ainsi, les cotisations de l'UNEDIC seraient transférées à la CNAV, l'excédent des régimes de retraite complémentaire au régime de base. Mais qui l'a décidé ? Quant au chômage, il serait réduit à 4,5 % d'ici à quelques années.

Debut de section - PermalienPhoto de Jérôme Cahuzac

Mais sommes-nous vraiment certains que tel sera le cas ? (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Sous ces hypothèses, le régime de retraite sera équilibré, mais supposons qu'au moins l'une d'entre elles ne se vérifie pas : l'équilibre ne sera pas là. Dès lors, nous sommes au moins certains qu'il n'y aura d'équilibre ni pour le régime vieillesse ni pour le régime maladie, et que le déséquilibre de la branche famille s'aggravera car, la démonstration en a été largement apportée, les recettes qui lui sont affectées, au prix de l'abandon de 0,28 point de CSG, ne sont pas pérennes et ne lui permettront pas d'être en équilibre. Au prix du déséquilibre de trois des régimes de notre sécurité sociale, nous endettons notre pays, nous le mettons dans une situation financière telle que, si un accident survient, nous ne saurons que faire. Le président Warsmann l'a très bien dit : qui prendra et qui assumera la décision de réduire les dotations aux collectivités ? Et que se passera-t-il ? Quant à réduire les salaires dans les différentes fonctions publiques, cette politique a déjà été faite il y a longtemps, avec le succès que l'on sait, et est restée célèbre sous le nom de « déflation Laval ». C'est à cela, mes chers collègues, que nous nous préparons ?Évidemment pas.

Certes, il faut assumer les déficits auxquels différentes politiques ont pu conduire, mais la question n'est pas de savoir s'ils furent d'abord constitués par les uns ou par les autres, mais de reconnaître qu'ils existent et que la solution proposée pour les faire disparaître comme par enchantement n'est pas digne et ne permet pas raisonnablement d'invoquer la responsabilité de chaque député ou d'engager l'honneur du Parlement.

Que dire de plus que Jean-Luc Warsmann et Yves Bur quand ils renvoient chaque parlementaire à sa conscience personnelle ? J'entends bien certains collègues, qui expliquent avoir décidé d'accepter, « la mort dans l'âme », le système proposé par le Gouvernement. Mais que vaut la mort d'une âme pour des générations futures à qui on laisserait un pays en faillite, non pas virtuelle mais avérée ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jérôme Cahuzac

Quel est le prix de la mort d'une âme dans ces conditions ? Je m'interroge vraiment sur la qualité de cette expression dont je ne vois pas ce qu'elle vient faire ici. Il ne s'agit pas de savoir si l'on accepte ou pas, la mort dans l'âme, mais de savoir si on accepte ou pas, en fonction de sa responsabilité de parlementaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Jérôme Cahuzac

La responsabilité d'un parlementaire n'est pas de chercher comment terminer un trimestre ou une année, mais de savoir sur quel chemin on engage son pays. Bien sûr, sous tous les gouvernements de la Ve République, l'Assemblée nationale et, souvent, le Sénat ont pris la désastreuse habitude de céder aux pressions du pouvoir exécutif. La chose est parfois compréhensible et je ne suis pas choqué que des députés élus sous une étiquette partisane soient finalement loyaux à ceux qui ont permis leur élection. Mais il y a des débats où l'on peut s'affranchir, au moins temporairement, de cette loyauté-là si l'on estime que le destin du pays dont on est comptable l'emporte, et de beaucoup, sur le destin d'une formation politique à qui l'on doit son élection. Soit il s'agit d'une affaire partisane, et la chose est entendue, mais je ne crois pas que le pays s'en portera mieux ; soit l'affaire n'est pas partisane mais bien nationale – oserais-je dire patriotique –, et le Parlement refusera avec honneur ce que le pouvoir exécutif veut lui faire endosser, pour une raison très simple que mes collègues Jean-Luc Warsmann et Yves Bur ont très bien expliquée : ce qui nous est proposé est tout simplement inacceptable. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Balligand

J'ai reçu de M. Jean-Marc Ayrault et des membres du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche une motion de rejet préalable déposée en application de l'article 91, alinéa 5, du règlement.

La parole est à M. Pascal Terrasse.

Debut de section - PermalienPhoto de Pascal Terrasse

Monsieur le Président, monsieur le ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'État, mes chers collègues, voilà près de quinze ans que je siège à l'Assemblée et, comme le président de la commission des finances, je viens de vivre un moment historique. Le rapporteur du projet de loi vient en effet de demander à ses collègues de le rejeter ou en tout cas d'en revoir les fondamentaux, de même que le président de la commission des finances et, en commission, le président de la commission des affaires sociales.

Monsieur le ministre, ce projet de loi est le résultat de dix ans de politique sociale désordonnée, faite d'incertitudes et totalement instable. Il est à mettre en perspective avec trois autres projets que nous allons examiner : la réforme des retraites, bien entendu, mais aussi le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2011 – qui devrait être présenté demain en conseil des ministres – et le projet de loi de finances, qui est en cours d'examen. Dès lors nous ne pouvons que constater notre difficulté à analyser de manière globale le projet de réforme que nous avons sous les yeux puisque les conséquences budgétaires nous en sont encore inconnues ! L'examen en commission, puis au titre de l'article 88 cet après-midi, ne nous a pas éclairés sur le choix du Gouvernement et sur celui de la majorité. On le sait, un malaise a été ressenti tout au long de l'après-midi dans les rangs de la majorité. Il n'est pas besoin de rappeler l'opposition du groupe socialiste.

Venons-en à présent à la forme : une procédure accélérée. Il y a donc urgence, mes chers collègues, à examiner ce texte. Nous sommes au moins d'accord sur ce point : nous pensons en effet qu'il y a urgence à régler le problème de la dégradation des comptes sociaux qui, sous le poids de vos piétinements, ne cessent de s'aggraver.

L'Agence centrale des organismes de sécurité sociale n'est plus en mesure d'accumuler de nouveaux déficits. Ce n'est d'ailleurs pas son rôle. Cet organisme, créé pour permettre la couverture d'un besoin de trésorerie courante, n'a pas pour mission de couvrir un déficit permanent des comptes sociaux. Cela a été rappelé. Pourtant, en 2009 et 2010, vous avez obligé l'ACOSS à se financer à court terme sur les marchés financiers, avec les risques que cela comporte et que nous connaissons tous. Même la Cour des comptes s'est inquiétée de cette gestion des découverts par le Gouvernement. Faut-il rappeler que l'ACOSS est devenu le premier émetteur de billets de trésorerie d'Europe, que la charge sur les marchés extérieurs coûte indirectement à l'assuré social ? Les intérêts payés depuis 1996 sont, à eux seuls, supérieurs à l'équivalent d'une année d'IRPP.

L'exposé des motifs du projet de loi organique indique que le Gouvernement souhaite apporter une solution durable.

C'était précisément le sens de la loi organique déjà votée par votre majorité. La CADES devait être fermée à clé : à nouvelle béance, nouvelles recettes. Il n'est plus question de promesses ; ici, il s'agit tout simplement de renoncement.

Si nous partageons l'objectif affiché par le président Warsmann, nous ne sommes évidemment pas d'accord sur les moyens à utiliser.

Debut de section - PermalienPhoto de Pascal Terrasse

Peut-être aurons-nous l'occasion d'en débattre.

Il s'agit de ne pas faire supporter aux générations futures la dette sociale. La question est bien de savoir comment répartir équitablement entre nos concitoyens l'effort de financement de cette dette, arsenic de notre modèle social.

En outre, votre souhait d'apporter une solution pérenne au problème de la dette sociale ne parvient pas à occulter la passivité et le laxisme des gouvernements qui se sont succédé au fil des dernières années, prenant de mauvaises orientations sur la base de prévisions erronées.

Dois-je vous rappeler qu'en 1996, année de création de la Caisse d'amortissement de la dette sociale par le gouvernement d'Alain Juppé, les déficits sociaux cumulés s'élevaient à près de 21 milliards d'euros ?

Dès 1997, 13 milliards d'euros ont été transférés à la CADES, une somme correspondant aux déficits sociaux hérités d'une période où votre majorité gouvernait.

Le gouvernement de Lionel Jospin avait alors accompagné cette mesure d'une réforme de la CSG visant à élargir l'assiette de cette contribution.

En 2004, sous le gouvernement Raffarin, Philippe Douste-Blazy avait déjà décidé de transférer 50 milliards d'euros de plus, dans le cadre de son plan de redressement de la sécurité sociale

Sans vouloir vous accabler, monsieur le ministre, la lecture de l'exposé des motifs de cette loi Douste-Blazy serait cruelle à vos oreilles. L'affaire était définitivement réglée, nous jurait-on.

Cette loi Douste-Blazy est d'ailleurs à peu près conforme à la loi Hôpital, patients, santé et territoire…

Debut de section - PermalienPhoto de Pascal Terrasse

…ou assez proche de la loi Fillon sur les retraites. Chaque fois, dans cet hémicycle, vous nous avez expliqué que l'affaire était réglée, entendue et qu'il n'y avait qu'une seule vérité.

Debut de section - PermalienPhoto de Pascal Terrasse

Vous envisagez d'allonger la durée d'amortissement de la CADES. Une analyse très simple des chiffres s'impose.

Avez-vous noté que, depuis 1996, la CADES a repris 134,6 milliards d'euros de dettes, qu'elle en a déjà amorti environ 45 milliards et que, par conséquent, il ne lui reste pas moins de 86,8 milliards d'euros à amortir ?

Au passage, je vous rappelle que la CRDS aurait dû être éteinte en 2012 selon les ordonnances Juppé.

Vous prétendez que la construction d'une économie sociale pérenne et saine passe par un allongement de la durée de la vie de la CADES et par un cumul supplémentaire de dettes. C'est tout le contraire : la période 1985-2005, soit vingt-cinq ans, correspond précisément à l'équivalent d'une génération appelée à payer vos expédients.

La CADES se transforme en un amas de dettes, et la loi reste muette sur ses conséquences après 2012, sur les contraintes qui pèseront alors sur le législateur.

Monsieur le ministre du budget, vous avez ouvert le débat sur la CRDS après 2012. Il faudra que vous l'approfondissiez et que vous nous en disiez un peu plus tout à l'heure.

Augmentation de la CRDS ou désengagement massif en matière de protection sociale ? Telle est la question à laquelle il vous faudra répondre. Que prévoyez-vous, monsieur le ministre ?

D'ores et déjà, votre projet combine une augmentation des impôts – contrairement à ce que vous avez dit –, un alourdissement de la dette sociale et surtout le « siphonage » du Fonds de réserve des retraites.

Ce faisant, vous créez un impôt sur les naissances : allonger la durée de la vie de la CADES revient à éloigner l'horizon d'extinction de la dette sociale et, par là même, à décrédibiliser notre système de protection sociale L'enfant à naître paiera nos dépenses sociales, c'est la définition d'un impôt sur les naissances.

Ce report est inacceptable puisqu'il ferait supporter la charge de cette dette par les générations futures. Cette méthode – repoussée à juste titre par des élus de vos rangs comme nous venons de l'entendre – constitue une injustice formidable.

Vous êtes un jeune ministre, promis à un bel avenir.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland Muzeau

Il a déjà bien des heures de route ! À quel âge est-il devenu ministre ?

Debut de section - PermalienFrançois Baroin, ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'état

À vingt-neuf ans : je suis déjà un vieux ministre !

Debut de section - PermalienPhoto de Pascal Terrasse

Quel regard porterez-vous sur cette décision lorsque vous aurez vous-même l'âge du départ légal à la retraite, c'est-à-dire soixante-sept ans, en 2025, date d'extinction de la dette sociale ?

Cela m'amène à vous parler du Fonds de réserve des retraites. Le pillage consiste à mobiliser les ressources du FRR non pas pour préparer le tournant démographique de 2020 – ce qui avait été initialement prévu –, mais pour assurer le financement immédiat des déficits de l'assurance vieillesse à compter de 2011.

D'ailleurs, vous n'avez toujours pas expliqué comment la France passera la bosse démographique de 2020. Puisque vous vous référez souvent aux systèmes de retraites des autres pays européens, je vous rappelle que l'Allemagne – comme beaucoup d'autres – dispose d'un fonds pour passer ce cap. Nous serons donc le seul pays en Europe à ne plus avoir de fonds de réserve pour cette période.

En ce jour de forte mobilisation, monsieur le ministre, la France tout entière a les yeux rivés sur ses élus nationaux. Comme si cela ne suffisait pas, vous remettez en cause le droit à la retraite, symbole du progrès social. Cette réforme injuste est surtout une réforme bâclée du point de vue financier.

Le projet de loi de financement de la sécurité sociale prévoit d'ores et déjà un déficit de 7 milliards d'euros. Vous allez nous le confirmer, monsieur le ministre. En y ajoutant le fonds social vieillesse, on tourne à plus de 12 milliards d'euros. Comment osez-vous soutenir que la réforme des retraites est en marche alors que la CNAV et le FSV vont afficher un déficit cumulé de plus de 12 milliards d'euros l'année prochaine ?

La rigueur que vous revendiquez serait-elle finalement une notion dont la définition varie en fonction des humeurs du Gouvernement ?

Vous prônez une austérité salvatrice de notre modèle social et présentez la réduction des déficits publics comme le seul moyen de sauver notre État de la faillite. Dans le même temps, vous vous apprêtez à déverser 80 milliards d'euros de dettes supplémentaires dans la CADES et à en prolonger l'échéance jusqu'en 2025.

Debut de section - PermalienPhoto de Pascal Terrasse

La dette de la CADES passera ainsi de 87 milliards d'euros fin 2010 à plus de 160 milliards d'euros début 2011 !

Grâce à ce nouveau coup de pouce, la dette contenue dans la CADES aura été multipliée par huit en l'espace de quinze ans ! Ces chiffres sont colossaux, monsieur le ministre.

Sans doute a-t-on tendance à perdre le sens des réalités lorsque l'on sait que le déficit annuel de l'État dépasse 150 milliards d'euros, mais tout de même ! Une dette sociale de 160 milliards d'euros, cela représente 13 % de la dette de l'État.

Ajoutons que cette dette se compose uniquement de déficits de fonctionnement, comme l'a rappelé le président Warsmann.

Qui plus est, cette dette ayant un caractère assurantiel, nous serions bien inspirés de constituer des provisions en vue de financer les risques sociaux.

À cet égard, je ne comprends toujours pas la forme de taxation des contrats mutualistes, dits contrats responsables. Vous voulez imposer au monde mutualiste des transferts de charge jusqu'alors socialisés. Compte tenu de leurs règles prudentielles, ces organismes de prévoyance n'auront d'autre choix que de faire peser cette charge sur les assurés sociaux.

Au fond, la CADES ressemble de plus en plus à un crédit revolving, ce qui précisément vous n'avez de cesse de dénoncer dans vos interventions, monsieur le ministre. Est-il besoin de rappeler que la CADES a déjà payé 30 milliards d'euros d'intérêt aux banques depuis sa création ? Vos déficits font parfois le bonheur et les bonnes affaires de certains.

En 2005, ici même, à l'occasion de l'examen de la loi organique visant à réformer les lois de financement de la sécurité sociale, il avait été décidé que tout nouveau transfert de dette à la CADES soit accompagné d'une augmentation des recettes de la caisse permettant de ne pas accroître la durée d'amortissement de la dette sociale.. Autrement dit, monsieur le ministre, il était en principe interdit de prolonger la durée de vie de la CADES, et ce dans le but de mettre un terme à l'accumulation des dettes contenues dans cette caisse au gré des ponctions gouvernementales.

Or vous faites précisément le contraire : cinq ans plus tard, placés au pied du mur, vous dérogez à vos propres principes.

En outre, il est déconcertant de constater que vous-même qui, hier encore, prétendiez apporter des limites à l'élargissement incessant des missions de la CADES, prévoyez aujourd'hui d'augmenter de 150 % le montant de la dette qu'elle doit amortir, en ajoutant 80 milliards d'euros aux 80 milliards actuels, ce qui porte l'addition à 160 milliards d'euros.

Cette somme est constituée de plusieurs composantes.

Première composante : les 34 milliards d'euros de dette de crise, dite conjoncturelle, portant sur les déficits cumulés des caisses nationales – CNAF, CNAV, FSV –, constatés fin 2010 et supportés par l'ACOSS au titre de la trésorerie courante du régime général.

Seconde composante : la dette structurelle de la CNAMTS pour 2009, 2010 et l'exercice à venir dont nous n'avons pas encore voté le budget, pour un total de 34 milliards d'euros.

Enfin, la dernière composante est anticipée : il s'agit des 62 milliards d'euros de déficits à venir de la branche vieillesse et du fonds de solidarité vieillesse pour la période 2011-2018.

Vous anticipez des déficits à venir. Cette prévision est clairement un constat d'échec de la réforme de François Fillon de 2003 que nous avions dénoncée. Plus grave encore : elle souligne aussi l'échec de la loi Woerth sur les retraites.

Nombre de mes collègues l'on rappelé, rien ne nous permet de démontrer que ce texte de loi assure un équilibre financier, bien au contraire puisque vous anticipez des déficits à venir.

Vous prévoyez aussi – sans le dire évidemment – d'augmenter les impôts afin de faire face à l'obligation légale d'amortissement des dettes transférées à la CADES.

Soyons honnêtes un instant : la réduction de certaines niches fiscales n'est rien d'autre qu'une hausse déguisée des impôts. Supprimer une dépense fiscale revient à augmenter les impôts.

Venons-en maintenant aux ressources que vous souhaitez affecter à la CADES, appelée à apurer les 160 milliards euros de dettes à venir.

Monsieur le ministre, vous nous avez proposé des recettes nouvelles. Il s'agit d'abord de 3,2 milliards d'euros par an, pour reprendre 34 milliards d'euros de dette correspondant au déficit structurel des exercices 2009 et 2010 du régime général, du fonds de solidarité vieillesse et du déficit prévisionnel de l'assurance maladie pour 2011.

Autre recette : la réinstauration de la taxe de 3,5 % des contrats d'assurance maladie dite « solidaire et responsable ». De toute manière, elle sera supportée par les assurés sociaux.

Troisième recette : la taxation forfaitaire des sommes placées dans la réserve de capitalisation de sociétés d'assurance qui rapportera 1,4 milliard d'euros. Mais c'est un one shot ; autrement dit, cela ne marche qu'une fois.

Quatrième recette : les encaissements dans les compartiments euros des contrats d'assurance-vie multisupports qui vont aussi permettre de récupérer 1,4 milliard d'euros.

Enfin, le chèque cadeau, l'emballage complet : le pillage du Fonds de réserve des retraites, soit 34 milliards d'euros. Comment ne pas s'étonner que des jeunes soient dans la rue aujourd'hui ?

Debut de section - PermalienPhoto de Pascal Terrasse

Mon collègue Alain Vidalies l'a excellemment rappelé dans une question au Gouvernement, cet après-midi : si les jeunes sont dans la rue, c'est aussi parce qu'ils conviennent que vous pillez le Fonds de réserve des retraites, c'est-à-dire la caisse de retraite des jeunes générations. Ils ont raison de manifester leur inquiétude et leur mécontentement.

Vous voulez faire croire aux Français que les solutions que vous préconisez sont techniquement les seules possibles. Mais nous ne sommes pas dupes, et nos concitoyens non plus : les ressources affectées à la CADES dans le cadre du transfert des 86 milliards d'euros ne seront pas pérennes. Nous le savons d'ores et déjà. Le Gouvernement a laissé dériver les comptes sociaux sans prendre les mesures structurelles nécessaires.

Debut de section - PermalienPhoto de Pascal Terrasse

Vous n'étiez certainement pas là en 2001, madame Vasseur, mais les comptes sociaux, eux, étaient équilibrés, en tout cas pour ce qui était des caisses de retraites et de l'assurance maladie !

Les mesurettes que vous envisagez ne suffiront pas à atténuer la dette sociale malgré ce que vous alléguez.

Pour justifier vos mesures, vous affirmez que les déficits actuels sont dus à la crise économique et qu'il est donc nécessaire de ne pas augmenter les prélèvements sociaux – relevons au passage que les prélèvements obligatoires, à croire la promesse du Président de la République, ne devaient pas augmenter alors qu'ils ont crû de près de trois points depuis quatre ans qu'il est chef de l'État.

Or ce déficit ne s'explique pas uniquement par la crise économique. Notre pays n'a certes par été épargné par celle-ci mais le déficit est pour deux tiers un déficit structurel qui existait avant la crise et qui se maintiendra après. Même en gommant les effets de la crise, le déficit structurel de la sécurité sociale reste compris chaque année entre 10 et 15 milliards d'euros. Les choix du Gouvernement sont donc davantage responsables de ce trou que la crise elle-même.

Depuis des années, les colmatages effectués sur le dos des assurés, les exonérations de cotisations sociales offertes par le Gouvernement en cadeau aux entreprises privent la sécurité sociale de ses ressources.

Encore une fois, vous jouez la facilité : la CADES, originellement caisse d'amortissement de la dette sociale, est devenue une caisse perpétuelle de refinancement des déficits courants devenue variable d'ajustement. D'une solution originale et limitée, adaptée à une dette sociale exceptionnelle, on est passé à une mécanique rampante dont on ne perçoit plus ni la cohérence, ni les limites.

Notre pays ne peut s'offrir le luxe d'avoir à côté d'un budget de l'État, lui-même structurellement déficitaire, un budget social qui, lui aussi, hypothèque durablement son avenir en gonflant la dette.

L'urgence est donc de trouver des ressources nouvelles. Faut-il rappeler que l'ensemble des avantages fiscaux représente aujourd'hui une masse annuelle de plus de 115 milliards d'euros qui ampute d'autant les budgets de l'État et de la sécurité sociale ? Ne serait-ce pas dans cette voie que le Gouvernement pourrait chercher des solutions ?

Creuser davantage dans la CADES et prolonger toujours plus l'échéancier de l'amortissement, c'est repousser de manière irresponsable ce poids mort sur les jeunes générations, sans proposer de solution à long terme au problème du remboursement de la dette sociale.

Le vent de colère qui gronde dans les rangs de votre majorité, monsieur le ministre, montre bien que ce texte propose un marché de dupes à nos concitoyens, contrairement à ce que prétend le Gouvernement.

Derrière l'objectif affiché de ne pas augmenter les prélèvements sociaux, le schéma de financement présenté aboutit soit à réduire les objectifs de l'État providence, soit à faire supporter le report de la dette sur d'autres. Je rappellerai, entre autres, les cadeaux effectués à travers la loi TEPA, le bouclier fiscal et la baisse de la TVA pour certaines catégories.

Votre gestion est, de ce point de vue, plutôt calamiteuse. La politique fiscale et sociale que vous menez est injuste, coûteuse et particulièrement inefficace.

En conclusion, si nous demandons le rejet préalable de ce projet de loi, c'est bien en raison de sa nature même. Revenir sur une loi organique, monsieur le président de la commission des lois, quelques années après son adoption par les mêmes députés que ceux qui siègent aujourd'hui dans cet hémicycle est un procédé pour le moins douteux. Comme est douteux l'examen, dans le cadre d'une réunion de commission au titre l'article 88, d'un amendement revenant totalement sur le texte du Sénat. Comme est douteux encore l'examen de ce texte en urgence, dont une partie est discutée aujourd'hui, sans aucune contrainte, alors que le reste pourra, à croire les dernières informations, être débattu vendredi. Tout cela n'est pas sérieux, ni sur le fond, ni sur la forme. Ce projet de loi n'est ni lisible ni compréhensible.

On nous demande, M. Warsmann l'a rappelé, de faire converger nos politiques budgétaires avec l'Allemagne. Depuis plusieurs mois, il est effectivement question de convergence fiscale et de rapprochement des nomenclatures comptables. Le Président de la République nous a demandé de mieux organiser les cadrages budgétaires, notamment s'agissant des lois de finances, de manière à ne pas laisser de place au hasard dans les choix du Gouvernement. J'estime qu'il est quelque peu risible que cette proposition nous soit faite à la fin du quinquennat, au moment où nous nous apprêtons à voter son dernier budget ou presque. Dans ces conditions, pourquoi revenir sur le seul dispositif encadré par une loi organique ?

Pour toutes ces raisons, nous vous invitons à vous pencher à nouveau sur la question de la dette sociale afin de trouver d'autres solutions adaptées à la situation actuelle, justes socialement et économiquement, et de nature à financer notre système de protection sociale.

Tous les orateurs précédents ont fait appel à la conscience et à la responsabilité des députés. Chacun, en conscience et en responsabilité, peut à cet instant approuver la motion que le groupe socialiste vient de présenter. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Debut de section - PermalienFrançois Baroin, ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'état

Par respect pour le groupe socialiste et pour Pascal Terrasse, je répondrai, en mettant en avant deux ou trois idées simples.

Premièrement, monsieur Terrasse, vous avez clairement démontré que ce Gouvernement ne voulait pas augmenter les impôts et les prélèvements obligatoires. Ce dont jke vous donne acte.

Deuxièmement, vous avez fait la démonstration éclatante que rien n'est masqué. Cela m'avait valu polémique il y a un mois ; j'ai même eu l'honneur de faire la une d'un journal du soir. Certains, très aimablement, et bien sûr sans arrière-pensées, se sont dits : voici un ministre lucide.

Debut de section - PermalienFrançois Baroin, ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'état

D'autres se sont interrogés sur le caractère complexe des propositions.

Si ce projet de loi organique est complexe, …

Debut de section - PermalienFrançois Baroin, ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'état

…c'est précisément que le Gouvernement – dont l'action, nous l'espérons, se poursuivra après 2012 – ne veut pas alourdir les prélèvements obligatoires.

Le choix qui sera proposé sous l'impulsion de Mme Montchamp, qui je l'espère sera soutenu par une majorité de membres du groupe UMP et du NC, n'affectera pas notre objectif de poursuivre une politique de réductions des niches sociales et fiscales. Nous affecterons le produit de ces réductions au financement de l'ensemble du dispositif de reprise de la dette sociale.

Nous sommes cohérents pour ce qui est de la non-augmentation des prélèvements obligatoires ; nous sommes lisibles pour ce qui est de la poursuite d'une politique compréhensible par tous, à savoir la réduction des niches fiscales ; nous sommes enfin responsables, puisque nous avons un schéma global de reprise de ces 130 milliards.

Ce sont, monsieur Terrasse, quelques éléments de réflexion que je souhaitais partager avec vous. Naturellement, le Gouvernement, vous l'aurez compris, ne peut vous suivre sur cette motion de rejet préalable qui vise tout simplement à éliminer ce projet auquel nous tenons. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Balligand

Nous en venons aux explications de vote sur la motion de rejet préalable.

La parole est à M. Jean-Luc Préel, pour le groupe Nouveau Centre.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Luc Préel

Monsieur Terrasse, je ne voudrais pas vous décevoir, mais le Nouveau Centre ne votera pas cette motion de rejet préalable.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Luc Préel

Si nous tenons à ce projet de loi, c'est pour une raison essentielle : il nous paraît primordial que les déficits, qui sont très importants – la reprise porterait sur 130 milliards –, soient transférés à la CADES.

Le Nouveau Centre approuve, comme j'ai eu l'occasion de le dire lors du débat sur la réforme des retraites, l'utilisation du Fonds de réserve des retraites pour assurer le financement du déficit de la branche vieillesse d'ici à 2018, date à laquelle il est censé parvenir à l'équilibre. J'ai toutefois de grands doutes sur cette échéance car, de mon point de vue, il manquera entre quinze et vingt milliards pour équilibrer les régimes de retraite.

Par ailleurs, le Nouveau Centre souhaite que soit rapidement engagée une réforme systémique, en vue d'un régime à points ou à comptes notionnels, pour aboutir à l'équité pour l'ensemble de nos concitoyens. C'est un autre point essentiel à nos yeux.

En revanche, le Nouveau Centre désapprouve totalement la prolongation de la durée de vie de la CADES. M. Warsmann, aujourd'hui président de la commission des lois, M. Yves Bur et moi-même avions souhaité en 2005 que sa durée de vie ne puisse pas être allongée afin de ne pas demander à nos enfants de payer nos propres dépenses selon le principe très simple qui veut que chaque génération doit payer ses propres dépenses. Je ne comprends pas pourquoi aujourd'hui, il faudrait rouvrir le débat sur cette question.

Fort heureusement, les deux commissions ont supprimé cette prolongation. Si par malheur, le Gouvernement, faisant pression sur certains parlementaires (Exclamations sur les bancs du groupe SRC), parvenait à la rétablir, nous voterions contre l'ensemble du projet de loi. Les choses sont très claires pour nous.

Elles le sont d'autant plus que deux des financements proposés ne sont pas pérennes, ce qui pose de réels problèmes.

Le Nouveau Centre soutient le principe d'un financement simple de la CADES par la CRDS. Pour ce qui est de la CSG, j'avais initialement désapprouvé l'affectation de 0,2 point au financement de la CADES car cela revenait à mettre en déficit le Fonds de solidarité vieillesse – et on peut en constater aujourd'hui les conséquences –, ce qui ne me paraissait ni raisonnable, ni responsable.

Je ne comprends pas, et je ne suis pas le seul, votre raisonnement sur le pouvoir d'achat, monsieur le ministre. Pour maintenir le pouvoir d'achat, il faudrait geler toute augmentation des prélèvements. Or la franchise médicale et le forfait journalier hospitalier ont augmenté, les déremboursements de médicaments se sont multipliés et, cet été, EDF a été autorisé à augmenter ses tarifs. De surcroît, dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale, le Gouvernement va proposer de taxer les contrats dits solidaires, ce qui conduira les complémentaires à augmenter leurs cotisations. Tout cela pèse inévitablement sur le pouvoir d'achat des Français moyens.

S'agissant toujours du pouvoir d'achat, je suis très favorable au rabotage des niches sociales et fiscales, comme mon ami et collègue Charles-Amédée de Courson. Mais il faut bien voir que ce rabotage revient à faire payer aux Français une fiscalité supplémentaire. Comment peut-on prétendre, ce faisant, qu'on ne va pas augmenter les prélèvements pesant sur nos concitoyens ?

La logique voudrait que l'on augmente la CRDS de 0, 5 % ou 0, 75 %. Certes, cela aurait des conséquences en termes de pouvoir d'achat qui n'auraient rien de satisfaisant pour nos concitoyens mais ceux-ci comprendraient cette mesure si l'on faisait preuve de pédagogie en leur expliquant que l'on ne peut faire payer à nos enfants nos propres dépenses.

Enfin, je ferai une dernière remarque qui me paraît importante. Il est envisageable que pour la branche retraite, nous parvenions à l'équilibre en 2018, même si j'ai des doutes à ce sujet. Dans cette perspective, il me paraîtrait souhaitable que les projets de loi de financement de la sécurité sociale soient à l'avenir votés en équilibre. Après avoir fait des économies sur l'assurance maladie pour accroître son efficience, il serait bon que chaque année, les recettes correspondent aux dépenses : sinon, nous continuerons à creuser les déficits que nous devrons transférer à nouveau à la CADES et je me demande, monsieur le ministre, comment nous les financerons.

Le Nouveau Centre ne votera pas cette motion de rejet préalable car il estime que le déficit doit être repris par la CADES. Il espère que la disposition visant à prolonger la vie de cette caisse, supprimée par deux des commissions de notre assemblée, ne sera pas rétablie.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Domergue

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, cet exercice n'est pas facile, mais il y a au moins un constat sur lequel nous pouvons tous nous accorder : on ne peut pas continuer comme cela.

Quand on écoute les différents orateurs, on a conscience que ce transfert sur les générations futures pose problème, toutes sensibilités politiques confondues.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Domergue

Si la CADES a été créée en 1996, c'est que les déficits sociaux existaient déjà. Ce problème récurrent depuis de nombreuses années a affecté tous les gouvernements, quels qu'ils soient.

Qui accepterait de transférer une charge aux générations futures ? Personne.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Domergue

Quel Gouvernement n'y a cependant jamais procédé ? Aucun.

Nous parvenons tous au même constat, mais nous proposons des solutions différentes. Du côté de nos collègues socialistes, je n'ai pas entrevu la moindre perspective, sinon celle d'une nécessaire réforme de l'assurance maladie dans la mesure où l'on ne peut continuer ainsi. Certes, et j'approuve M. Terrasse quand il estime que certaines réformes de l'assurance maladie n'ont peut-être pas porté les fruits escomptés – je vous en donne acte, mon cher collègue.

Mais nous sommes aujourd'hui face à nos responsabilités et il n'est pas question de nous dérober : nous devons prendre des décisions. Il y a un élément nouveau : nous demandons une dérogation à une règle prévue par une loi organique modifiée en 2006. Cette dérogation est-elle légitime ? Peut-elle être comprise ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Domergue

Elle est une réponse à la crise que nul n'avait entrevue.

Nous devons trouver des solutions pour équilibrer ou espérer équilibrer les comptes. La principale critique consiste à dire que nous allons transférer sur les générations futures, contrairement aux dispositions adoptées lors de la modification de la loi organique, et de ne pas compenser les pertes par des ressources pérennes.

Cette critique n'est pas tout à fait fondée et je ne suis pas d'accord avec vous pour considérer que la solution proposée équivaut à une augmentation d'impôts. Un crédit d'impôt n'est pas un acquis irréversible : il peut un jour cesser.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Domergue

Je vous saurai gré, monsieur Préel, d'en tenir compte.

Comment ne pas utiliser le fonds de réserve des retraites dans une situation difficile ? Sinon à quoi servira ce fonds demain ?

Si l'on pouvait faire autrement que de reporter l'évaluation médiane de la date d'apurement de la CADES de quatre ans, de 2021 à 2025, je m'accorderais avec vous sur le fait qu'il faudrait trouver une autre solution. La plus aisée consisterait à demander aux Français de cotiser un peu plus par le biais d'une augmentation de la CRDS de 0,5 ou 0,6 point – à ceci près que cette stratégie mettrait à mal le pouvoir d'achat des Français et amputerait toute possibilité d'une reprise de la croissance nécessaire pour sortir de la crise. Or le Gouvernement n'entend pas prendre ce risque.

Pour tous ces motifs, nous pouvons rejeter cette motion parce qu'il n'y a aucune raison de reporter à demain cette discussion. Nous avons ouvert le débat, il doit continuer. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marisol Touraine

Ce débat est aussi intéressant qu'utile. Intéressant parce qu'il montre bien que se dégage un assez large consensus sur tous les bancs – pour ne pas parler d'un consensus presque parfait –, pour considérer qu'il n'est pas de bonne politique de reporter notre dette sociale sur les générations futures. Utile, parce qu'il permet de constater qu'une discussion plus nourrie nous permettrait d'aboutir à une solution, sans doute imparfaite, mais grâce à laquelle nous pourrions franchir un cap difficile.

Il ne s'agit pas de savoir quelles politiques sociales nous entendons mener, de savoir si, une fois la dette sociale apurée, nous nous retrouverions pour mettre en place telle politique des retraites ou telle politique de l'assurance maladie. J'entends les inquiétudes exprimées par M. Préel à propos de certains choix de déremboursement. Ce débat, nous le mènerons au moment de l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale.

L'essentiel pour nous, c'est cette dette abyssale qui s'est constituée au cours des dernières années. Je partage le sentiment de Jérôme Cahuzac : est-il vraiment nécessaire de savoir si elle est un peu, moyennement, beaucoup ou totalement imputable à la crise ou à telle politique structurelle ? Il s'agit de savoir si nous entendons que cette dette soit reportée sur les générations futures et, ce faisant, de savoir si elles bénéficieront des politiques sociales au même titre que les générations précédentes.

La question n'est pas de savoir si nous voulons renoncer à des politiques sociales mais de savoir si, aujourd'hui, nous devons annoncer aux plus jeunes qu'à cause de notre imprévoyance, ils n'auront pas droit à une assurance maladie aussi large que celle dont nous bénéficions aujourd'hui, ils n'auront pas droit à une retraite d'un montant équivalent à celui versé aujourd'hui, ils n'auront pas droit à une politique familiale structurée.

Avant de nous interroger sur les politiques à mener, entendons-nous pour considérer que nous ne voulons pas obérer la capacité des jeunes générations à vivre dans un pays protégé par des politiques sociales de bonne qualité et de bon niveau.

Dès lors que nous nous accordons sur l'idée qu'il n'est pas sain, ni financièrement ni socialement, de reporter la dette sur les prochaines générations, nous devons nous interroger sur l'attitude à adopter vis-à-vis du texte qui nous est proposé.

Debut de section - PermalienPhoto de Marisol Touraine

Je ne partage pas votre analyse, monsieur le ministre. Vous avez souligné la complexité du texte. Or il n'est pas complexe !

Debut de section - PermalienPhoto de Marisol Touraine

Il est d'une très grande simplicité, que je n'ose qualifier ici de biblique. (Sourires.) Reste qu'il revient purement et simplement à différer la charge de la dette qui s'est accumulée au cours de ces dernières années.

Que proposez-vous pour financer cette dette ? Le Gouvernement souhaitait, dans un premier temps, constituer des ressources non pérennes et nous devons désormais examiner, sortie d'on ne sait quel chapeau mystérieux, une proposition de repli qui consiste à détourner une partie des ressources dont bénéficie la sécurité sociale et en particulier la caisse nationale des allocations familiales, vers la CADES, laissant donc la politique familiale démunie face à ses contraintes et démunie face au déficit à prévoir.

J'ai été très surprise, madame Montchamp, d'entendre cette proposition dans votre bouche, vous qui aviez jusqu'ici, avec une constance admirable et remarquée, défendu l'idée d'une grande rigueur et d'une grande sincérité vis-à-vis des générations futures.

Debut de section - PermalienPhoto de Marisol Touraine

Voulons-nous adopter la proposition initiale du Gouvernement qui revient à ne pas garantir le financement de la dette sociale ou bien accepter la manipulation peu honorable qui nous est proposée et qui lèse la politique familiale ?

Nous devrions par conséquent prendre un peu de temps. Il vous a fallu une semaine pour trouver une solution qui n'est pas défendable vis-à-vis de ceux qui promeuvent les politiques familiales, mais surtout vis-à-vis de la sécurité sociale que vous allez priver d'une ressource. Vous pouvez bien prendre une semaine ou dix jours de plus pour réfléchir à un dispositif pérenne qui réponde à la fois aux attentes des générations futures et à la nécessité de proposer un financement solide.

Debut de section - PermalienPhoto de Marisol Touraine

Pour nous épargner des débats au fond dépourvus de sens, compte tenu du consensus, j'y insiste, qui s'est exprimé sur la nécessité de trouver un financement solide de la dette sociale, une solution de bon sens consisterait donc tout simplement à voter la motion de rejet préalable ; ainsi pourrions-nous reprendre le débat dans des conditions plus favorables. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Debut de section - PermalienPhoto de Roland Muzeau

Après avoir écouté le terrible réquisitoire de notre collègue Warsmann, la « pédagogie interpellative » d'Yves Bur, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales, qui se réfugie derrière une logique de « ni-ni » – ni allongement, ni augmentation des cotisations – et qui, au fond, ne tient pas un langage différent de celui de son collègue Warsmann ; après avoir pris note du découragement en commission de Dominique Dord, nouveau trésorier de l'UMP, qui appelle de ses voeux « un plan B » ; enfin, après avoir entendu Pierre Méhaignerie, président de la commission des affaires sociales, souhaiter « une troisième voie », – nous voilà éclairés, ou presque !

En 2005, le Gouvernement a inscrit dans le marbre l'interdiction constitutionnelle de procéder à la cavalerie telle que la propose pourtant le présent texte. Certes, comme M. Baroin l'a presque indiqué, un projet de loi organique peut en chasser un autre…

Mais franchement, c'est non seulement, en l'espèce, vraiment déraisonnable, mais surtout très dangereux pour le pays. Relisez donc les débats de 2005 : nous soutenions que vous ne résisteriez pas à repousser à nouveau les bornes que vous prétendiez avoir définitivement gravées dans le marbre. Nous avions bel et bien prévu votre renoncement, non pas parce que nous aurions été en mesure de prédire l'avenir, mais seulement parce que nous dénoncions les politiques économiques et sociales que vous meniez et qui conduisaient inéluctablement à creuser les déficits de tous les comptes sociaux.

La France paie cash vos choix désastreux. Rappelons que tous les comptes sociaux, en 2002, étaient au vert ; ils sont tous sont aujourd'hui au rouge !

L'astuce de l'amendement Montchamp, sous-amendé par le Gouvernement, aurait convaincu l'UMP ce matin, nous dit-on. Il n'en paraît pas moins salutaire qu'il ait été rejeté par la commission des lois unanime cet après-midi.

Les députés du groupe GDR voteront donc la motion de rejet préalable présentée par notre collègue Terrasse. Son adoption nous permettrait d'emprunter d'autres voies, conformes à l'intérêt de nos concitoyens et aux espoirs infondés de notre collègue Préel de renaître. Nous pourrions arrêter dès maintenant une décision de bon sens et repartir du bon pied en prenant d'autres mesures de nature à préserver les intérêts de nos concitoyens. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC.)

(La motion de rejet préalable, mise aux voix, n'est pas adoptée.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Balligand

J'ai reçu de M. Yves Cochet et des membres du groupe de la Gauche démocrate et républicaine une motion de renvoi en commission déposée en application de l'article 91, alinéa 6, du règlement.

La parole est à M. Roland Muzeau.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland Muzeau

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de loi organique relatif à la gestion de la dette sociale soulève une question à 130 milliards d'euros… Il est à l'origine, au sein de la majorité UMP-Nouveau Centre, pourtant traditionnellement godillot, d'une fronde contre le Gouvernement, l'obligeant à rechercher jusqu'à ces dernières heures un compromis bancal, ne satisfaisant ni les frondeurs, ni les groupes parlementaires d'opposition et encore moins les six présidents de caisse de sécurité sociale. Ce texte, doit être impérativement renvoyé en commission, pour des raisons de méthode et de fond que je me propose de développer.

Chacun mesure ici l'importance et la portée de ce texte, pièce maîtresse de la stratégie globale du Gouvernement en matière de financement de la dette sociale. Il vient en complément du projet de loi de financement de la sécurité sociale, du projet de loi de finances pour 2011, sans oublier le projet de loi réformant les retraites, lui aussi nécessaire pour assurer l'équilibre du dispositif gouvernemental.

Or, lorsqu'au début du mois de septembre, le Sénat a eu à examiner en session extraordinaire le projet de loi organique, tous les arbitrages n'étaient pas rendus, loin s'en faut. Le plan de financement envisagé par le Gouvernement n'était pas bouclé. Il ne l'est pas davantage aujourd'hui, d'ailleurs.

Si nos collègues savaient que l'augmentation de la CRDS était a priori écartée par Nicolas Sarkozy, refusant d'assumer l'augmentation des prélèvements obligatoires qu'il met pourtant doucement en musique en même temps que la baisse des droits, c'est par la presse qu'ils ont pris connaissance de la hausse de la fiscalité sur les assureurs et les mutuelles. « Difficile d'avoir une juste vision de l'équilibre du dispositif sans connaître toutes les dispositions qui figureront dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale et dans le projet de loi de finances et en ignorant la teneur exacte de la future loi sur les retraites », vous reprochait à juste titre Alain Vasselle, rapporteur général de la commission des affaires sociales du Sénat. Quelques semaines plus tard, nous ne disposons pas plus de l'ensemble des éléments permettant d'analyser globalement et de façon très précise la réforme proposée par le Gouvernement. La construction dont nous disposions s'est effondrée depuis le vote par la commission des lois et celle des affaires sociales de l'amendement supprimant l'article 1er de la présente loi organique.

Pour financer la dette sociale, le projet de loi de finances pour 2011 présenté en conseil des ministres le 29 septembre dernier prévoyait : l'assujettissement aux prélèvements sociaux de la part en euro des contrats d'assurance-vie multisupport « au fil de l'eau » et non plus au dénouement du contrat ; la taxation des fonds placés sur la réserve de capitalisation des entreprises d'assurance ; l'assujettissement à une taxe des contrats d'assurance-maladie solidaires et responsables.

Nous reviendrons ultérieurement sur ce « panier de recettes percé discutable et très discuté ». Voyons d'ores et déjà que ces trois nouvelles taxes, non encore votées, censées être affectées à la CADES pourraient en fait venir alimenter la sécurité sociale.

Nous n'avons toujours pas le texte définitif du projet de loi de financement de la sécurité sociale, nous savons seulement que l'avant-projet était construit sur la prolongation de la durée de vie de la CADES, la reprise de la dette financée par le produit des ressources susmentionnées et le versement chaque année par le FRR de 2,1 milliards d'euros à la CADES associé à l'affectation à cette caisse de la part du prélèvement de 2 % sur le capital reçue jusque-là par le FRR.

L'impact financier des ajustements à la marge consentis par le Président de la République pour tenter de faire taire la mobilisation grandissante contre la réforme des retraites est une autre inconnue de taille qui obère aujourd'hui notre jugement sur l'équilibre budgétaire et la sincérité du présent texte.

Nous ne pouvons pas a priori faire confiance au Gouvernement, à la majorité des deux assemblées sur ces sujets. « Le bricolage ne relève pas de la compétence législative » s'est fort justement écriée la sénatrice UMP Isabelle Debré en écho aux propos résignés du rapporteur de l'Union centriste pour la commission des finances invitant les élus du palais du Luxembourg à apprécier plus tard « pleinement, lors de la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale et du projet de loi de finances, la pertinence du compromis proposé par le Gouvernement, à évaluer le degré de bricolage ou de provisoire qu'il est possible d'accepter compte tenu de la situation actuelle des finances publiques ». Terrible citation !

Il eût été de bien meilleure méthode d'examiner d'abord le projet de loi de finances et le projet de loi de financement de la sécurité sociale, et de voter préalablement ces textes. C'est à cette exigence de travail au fond et de méthode, partagée même sur les bancs de droite – je renvoie aux propos tenus en commission par notre collègue Dominique Tian –, que se propose justement de répondre notre motion de renvoi en commission.

Le transfert de près de 130 milliards d'euros de déficits à la CADES qu'organise le présent texte est presque équivalent à la dette transférée à la caisse depuis sa création. Pour la première fois, un gouvernement propose une mécanique de reprise de dette ne portant pas uniquement sur les exercices passés, en cours et pour l'année à venir mais s'étendant aussi aux déficits futurs – celui de l'année 2011 seulement pour l'assurance-maladie, jusqu'en 2018 pour la branche vieillesse. De ces éléments, certes techniques mais éminemment politiques, la représentation nationale doit pouvoir débattre sereinement, sans être contrainte ou pressée par la procédure accélérée, cadre dans lequel urgence rime avec précipitation.

Qui osera dire qu'il se satisfait des conditions dans lesquelles les différentes commissions saisies pour avis et au fond ont travaillé sur ce projet de loi organique ? Sûrement pas le président de la commission des lois, « d'avis d'attendre » mais contraint par le calendrier fixé par l'exécutif et par le « règlement de l'Assemblée imposant aux commissions qui souhaitent se saisir pour avis de se prononcer avant la commission saisie au fond ».

Mes chers collègues, le Président Nicolas Sarkozy doit vraiment descendre du perchoir pour que les élus du peuple que nous sommes retrouvent leurs prérogatives de législateur et notre institution son fonctionnement démocratique !

Nul ne sort grandi de la cacophonie régnant depuis dix jours entre le Gouvernement et sa majorité et, au sein même de la majorité, entre commissions permanentes, sur le sujet de la dette sociale. Pas même l'opposition qui a soutenu, pour des motivations parfois bien différentes de celles avancées par la majorité, la suppression de l'article 1er allongeant de quatre années la durée d'amortissement de la dette sociale par la CADES et siphonnant le Fonds de réserve des retraites pour l'abonder : la majorité, ayant in fine accouché au forceps d'un deal avec le Gouvernement, est parvenue, une fois encore, à évacuer le débat sur le financement de la protection sociale, sur l'augmentation nécessaire et possible des recettes et sur la question de justice sociale de savoir qui doit supporter les nouveaux prélèvements indispensables à la sauvegarde de notre modèle social.

Nous savions que certains impératifs politiques et votre volonté de ne pas ajouter aux difficultés du Gouvernement et de son chef, qui a perdu la bataille de l'opinion sur la réforme des retraites, l'emporteraient lâchement sur le courage de certains de refuser la nouvelle fuite en avant organisée par celui-ci en choisissant de reporter sur les générations futures le financement des dépenses d'assurance-maladie et de vieillesse d'aujourd'hui.

La majorité sénatoriale s'était bien accommodée des propos du ministre admettant qu'il est peu glorieux d'allonger la durée de vie de la CADES, mais en avançant comme unique argument l'absence d'autre choix. Après avoir émis de vraies et nombreuses réserves sur le plan de financement du nouveau report de dettes envisagé par le Gouvernement, et plus particulièrement sur les trois recettes provenant du secteur des assurances censées rapporter 3,2 milliards d'euros en 2011 pour permettre à la CADES de reprendre les 34 milliards d'euros de déficits structurels – recettes n'offrant pas les garanties de stabilité et de dynamisme nécessaire et risquant notamment d'entraîner une baisse du pouvoir d'achat des ménages modestes, les mutuelles répercutant ces taxations sur le montant des cotisations –, les sénateurs de droite ont fini par voter le texte.

Dans un courrier explicite, le ministre reconnaissait qu'en raison de la « dynamique décroissante » d'une partie des nouveaux prélèvements, il faudrait, dès l'an prochain, de nouvelles recettes « suppression de nouvelles niches fiscales et sociales » ou, « à défaut », une « hausse progressive de la CRDS ». La majorité sénatoriale, consciente que le compte n'y était pas, a pris la peine d'introduire dans le texte une clause de garantie synonyme d'augmentation automatique d'une des recettes propres de la CADES, CRDS ou CSG dans un prochain PLFSS à défaut de recettes suffisantes pour garantir la prise en charge de la dette nouvelle d'ici à 2025.

Au sein de notre assemblée, la majorité, plus rebelle en apparence, est allée jusqu'à infliger un réel camouflet au Gouvernement en refusant le principe même de l'allongement de la durée d'amortissement de la dette sociale. La majorité, temporairement, n'a pas accepté de déroger au principe organique posé en 2005 par le législateur selon lequel tout nouveau transfert de dette à la CADES est accompagné d'une augmentation des recettes de cette caisse permettant de ne pas accroître la durée d'amortissement de la dette sociale.

« Les lois organiques doivent fixer des règles durables, pas être des lois de circonstance » mettait en garde Yves Bur. « En 2005, on a posé un verrou. Le Gouvernement veut déjà le faire sauter ! Bien entendu il nous promet que ce sera la “der des ders”, mais, dans trois ou quatre ans, on trouvera d'autres raisons pour repousser l'échéance… Alors que le Président de la République veut instaurer des règles pour encadrer les déficits publics, on efface la seule qui existe, quel paradoxe ! », poursuivait fort à propos notre collègue – qu'il est agréable d'entendre ces citations… Incroyable mais vrai, le Gouvernement désespère le rapporteur UMP ! (Sourires sur les bancs de la commission.)

« Ce débat essentiel est pour nous l'occasion d'envoyer le signal que l'heure n'est plus aux solutions de facilité. Nous le devons aux générations futures et à l'ensemble de nos concitoyens, à qui nous devons prouver que la classe politique refuse la fuite en avant », plaidait en commission des affaires sociales notre rapporteur pour avis à l'appui de son amendement de suppression de l'article 1er. Que dire de plus ?

« Le respect de sa parole par l'État est un principe essentiel et le transgresser serait ouvrir la boîte de Pandore », appuyait une autre députée UMP, Mme Valérie Rosso-Debord, en attente elle aussi d'un plan B envisagé par le président Pierre Méhaignerie, qui ne serait ni la prolongation de la durée de vie de la CADES ni l'augmentation de la CSG ou de la CRDS,

Ces arguments de principe ont également été avancés par le rapporteur de la commission des lois saisie au fond pour justifier la suppression de l'article 1er au coeur du mécano ou, plus exactement, de la tuyauterie gouvernementale.

La rapporteure villepiniste pour la commission des finances a été la seule à accepter le report de 2021 à 2025 de l'échéance de la CADES, entorse à une règle dite intangible, faisant courir, en l'état des recettes affectées, un risque réel pour le portage de la dette sociale, mais rendu inévitable par la situation dite de crise que nous connaissons.

En revanche, comme ses deux autres collègues, elle s'est livrée à une charge en règle parfaitement justifiée contre le schéma de reprise de dette proposé, largement insuffisant et « inacceptable en l'état », prenant en compte les seuls déficits cumulés de la branche maladie au titre des années 2009 et 2011, sachant que le PLFSS pour 2011 ne suffira pas à résorber les déficits futurs ni de l'assurance maladie ni de la branche famille. Tous ont dénoncé les « financements hasardeux » que représentent les trois nouvelles taxes non pérennes sur les assurances, comme la « double rêverie » concernant le Fonds de réserve des retraites, voire les incertitudes persistantes sur les modalités retenues pour la mobilisation du FRR au profit de la CADES. Sans aller, comme nous l'aurions souhaité, jusqu'à dénoncer le pillage de ce dernier par le Gouvernement pour financer à moitié sa réforme des retraites, ils ont plaidé plutôt pour un scénario de transfert global et immédiat des actifs de FRR, solution tout aussi insatisfaisante que celle retenue par le Gouvernement.

Pour mettre fin à ces divisions internes à la majorité tout en respectant scrupuleusement les postulats sarkoziens d'allongement de durée de vie de la CADES sans hausse apparente d'impôts ni augmentation de la CDRS, ce qui rend encore plus intenable le maintien en l'état du bouclier fiscal, Mme Montchamp est aujourd'hui porteuse d'un amendement déshabillant Pierre pour habiller Jacques.

Afin d'offrir une porte de sortie à François Fillon menaçant, à demi-mot mais tout de même, d'engager la responsabilité de son gouvernement sur ce texte vide de substance sans l'article 1er, cet amendement propose un troc, un changement d'affectation des recettes des trois nouvelles taxes sur les assurances de la CADES vers la branche famille afin de permettre, en retour, à la CADES de bénéficier d'une part à hauteur de 3,5 milliards de la CSG finançant actuellement les régimes de sécurité sociale. Bref, voilà un amendement de camouflage le moins transparent possible de la nouvelle usine à gaz, la pire peut-être que vous ayez réussi à mettre en place. Un amendement revenant à « dépouiller la sécurité sociale d'une recette dynamique pour la remplacer par une recette incertaine », dixit encore Yves Bur. Cette solution d'affichage ne règle pas le problème du caractère aléatoire de ces recettes toujours aussi peu dynamiques, au mieux elle le déplace. Une telle mesure soulève l'opposition résolue des six présidents de caisses – retraites, maladie, famille, recouvrement, MSA et RSI –, fragilise les recettes de la sécurité sociale, et prive, dès 2013, le régime général de près d'un milliard d'euros de ressources.

Cette solution, tout autant de bric et de broc que celle du Gouvernement, jamais envisagée devant la commission des affaires sociales, et qui n'est en rien le plan B, la troisième voie attendue, a-t-elle les faveurs du Gouvernement et de la majorité ? Règle-t-elle au fond et à long terme la question de la dette sociale ? Quelle est sa portée exacte ? Hier encore, en préparant cette intervention, nous ne le savions pas précisément, ce qui est totalement inadmissible.

Autant de questions auxquelles le Gouvernement et sa majorité doivent répondre au fond, sans précipitation ni exclusive, en reprenant le travail en commission.

Écoutez ce qu'en pensent les conseils d'administration des caisses : « un tel projet remettrait gravement en cause l'équilibre du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2011 » – projet de loi lequel les conseils d'administration ont en outre déjà rendu un avis défavorable. Voilà un élément supplémentaire qui milite en faveur de l'adoption de notre motion de renvoi en commission.

Sur un sujet comme la dette sociale, si central et si structurant pour les générations à venir, vous devriez accepter de prendre le temps d'expliquer vos choix, d'ouvrir le débat sans interdits que nous demandons, la négociation que réclament les organisations syndicales sur le financement de la protection sociale dans son ensemble.

Cessez de vous satisfaire de palliatifs, de mesurettes d'économie sur les droits, et de refuser d'accroître les ressources de la protection sociale. Cessez de cibler la seule « dette de crise », admettez vos responsabilités dans le matière de creusement des déficits structurels, dans l'échec des réformes censées ramener les comptes sociaux à l'équilibre, de Balladur à Fillon et de Fillon à Douste-Blazy, mais qui font le bonheur des marchés financiers. Sortez du dogme de la baisse des prélèvements obligatoires et attelez-vous à rétablir la justice fiscale.

Redonnons à la commission des affaires sociales le temps de trouver la solution. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Balligand

Au titre des explications de vote, la parole est à M. Jean-Pierre Door, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Door

Monsieur Muzeau, j'ai écouté attentivement votre intervention. Vous trouverez la réponse à vos questions dans les délibérations de la commission des affaires sociales d'il y a une dizaine de jours. Vous avez vous-même rappelé qu'un débat tout à fait démocratique s'était tenu au sein de cette commission, au cours duquel nous avons entendu arguments et contre-arguments.

Chacun s'accorde à reconnaître que la mesure qui consiste à reporter de quatre années la date d'apurement de la dette transférée à la CADES est difficile à valider. Mais que faire ?

Monsieur Muzeau, vous le savez, nous subissons un choc conjoncturel. Jusqu'en 2004, l'objectif national d'évolution des dépenses de santé était en moyenne de 6 % par an. Depuis la réforme de MM. Douste-Blazy et Bertrand, il est de 3 % environ, soit un différentiel de près de trois points, soit une nette amélioration, puisque, chaque année, on gagne près de 5 milliards.

Le déficit de la branche maladie est aujourd'hui au même niveau qu'en 2004, ce qui montre, comme l'a confirmé le Haut Conseil pour l'avenir de l'assurance maladie, que la situation est grave non par son niveau, mais en raison du contexte, celui de la chute des recettes.

Il faut du temps pour corriger les déficits de l'assurance maladie. Comme vous l'avez dit, il est nécessaire de s'engager dans une grande réforme du financement de la protection sociale. Mais, aujourd'hui, le Gouvernement a raison de faire le choix de reporter la date d'apurement de la dette ; il présentera, ainsi que la commission des finances, des amendements. Dans l'hypothèse d'un retour à meilleure fortune, nous en ferons profiter intégralement la CADES. Le débat doit donc avoir lieu dès aujourd'hui, obligatoirement avant l'examen du PLFSS qui débutera dans deux semaines. C'est pourquoi nous ne pouvons accepter de renvoyer ce texte en commission.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Balligand

La parole est à M. Olivier Dussopt, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.

Debut de section - PermalienPhoto de Olivier Dussopt

Vous ne serez pas surpris, mes chers collègues, que le groupe SRC soutienne la motion de renvoi en commission défendue par M. Muzeau, et ce pour trois raisons.

La première a trait aux enjeux du texte. Ils ont été rappelés par Pascal Terrasse et par M. Muzeau, et concernent les générations futures dont nous risquons d'obérer la capacité à disposer d'une protection identique à celle dont disposent aujourd'hui les générations en activité, ou de même niveau.

Certaines générations devront payer et ont déjà payé : celles qui sont nées après les années 1970 et 1980. Ces générations ont connu le pire : le chômage de masse, la précarité, le report de l'âge légal de la retraite. Et l'on voudrait, de surcroît, leur imposer d'assumer la dette que les générations précédentes ont contractée et ne veulent pas assumer, refusant de faire face à leurs responsabilités !

La deuxième raison a trait à la méthode. Comme l'a dit Jean-Luc Warsmann, président et rapporteur de la commission des lois, qui nous a habitués à la rigueur et au respect scrupuleux d'un certain nombre de principes, il ne faut pas revenir sur les principes fixés en 2005 par la loi organique, et une bonne gestion imposerait au contraire de les sauvegarder et de les respecter.

La méthode, c'est aussi la réunion, tenue tout à l'heure au titre de l'article 88, et au cours de laquelle a été rejeté, à l'unanimité, un amendement, déposé par Mme Montchamp, qui ne nous paraissait pas acceptable – de la même façon que nous avions repoussé la semaine dernière, à une très large majorité, l'article 1er du projet.

La troisième raison est le malaise, perceptible dans cet hémicycle et plus encore dans les rangs de la majorité, et que traduisent certaines positions courageuses prises en commission des lois. Des membres de la majorité ont en effet appelé à ne voter ni l'article 1er, qui a été repoussé en commission, ni l'amendement de Mme Montchamp, et à refuser toute évolution du texte vers des solutions qui ne paraissent pas raisonnables et qui engagent les générations futures.

Enfin, Pascal Terrasse a indiqué tout à l'heure qu'avec ce texte le Gouvernement et la majorité pourraient créer un impôt sur les naissances, d'un montant loin d'être anodin qui plus est, puisque, pour le seul exercice 2010-2011, la dette de la CADES passerait de 87 à 160 milliards. Convenez que c'est un impôt lourd pour les générations futures, qui naîtront en portant déjà ce fardeau.

Ceux qui ont conscience des enjeux, du malaise, des questions de méthode, seraient bien inspirés de renvoyer ce texte en commission. Cela permettrait de trouver une solution juste et raisonnable visant à assurer le financement de la protection sociale sans engager les générations futures. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Balligand

La parole est à M. François de Rugy, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.

Debut de section - PermalienPhoto de François de Rugy

Bien entendu, les députés écologistes soutiendront la motion de renvoi en commission défendue par M. Muzeau. Cela n'a jamais été aussi nécessaire ni aussi adapté, compte tenu de la situation que nous vivons depuis que nous avons commencé l'examen de ce texte, il y a quelques heures à peine.

Le fait que le président de la commission des lois et le rapporteur de la commission des affaires sociales appellent quasiment à voter contre le texte, alors qu'ils appartiennent à la majorité, c'est sinon du jamais vu, du moins quelque chose qui doit nous interpeller tous et qui, à ce stade de la procédure, ne peut laisser notre assemblée sans réaction. Nous ne pouvons pas faire comme si de rien n'était.

Je n'aborderai pas le fond du débat, car je le ferai tout à l'heure dans le cadre de la discussion générale. Je dirai seulement qu'il s'agit d'un tour de passe-passe et d'une forme d'insincérité budgétaire. Pour notre part, nous proposons des solutions durables et diversifiées au problème du financement de la protection sociale.

Nos analyses rejoignent partiellement, ce qui est rare, celles d'un certain nombre de députés de la majorité, notamment Jean-Luc Warsmann et Yves Bur. Cela montre, s'il en était besoin, que ce texte pose de graves problèmes. Ce n'est pas un texte purement technique et banal, dont on puisse discuter rapidement, au détour d'une fin d'après-midi. L'enjeu n'est pas mince : c'est celui de l'explosion de la dette publique et de la dette sociale.

Renvoyer ce texte en commission serait plus que jamais fondé, non pour faire de l'obstruction, mais pour trouver d'autres solutions et – pourquoi pas ? – un compromis sur des « recettes » durables pour financer la protection sociale dans notre pays. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC.)

(La motion de renvoi en commission n'est pas adoptée.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Balligand

Dans la discussion générale, la parole est à M. Jean-Luc Préel.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Luc Préel

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, soyons clairs d'emblée : le projet de loi prévoit la reprise de la dette sociale par la CADES, et le Nouveau Centre en approuve le principe.

Le projet du Gouvernement propose, pour financer cette dette, des prélèvements nouveaux et, surtout, une prolongation de la durée de vie de la CADES, ce que nous n'acceptons pas.

La CADES, caisse d'amortissement de la dette sociale, a été créée en 1996 par Alain Juppé pour reprendre la dette sociale, dont le déficit était alors de 140 milliards de francs, soit 21 milliards d'euros. Le financement était assuré par une nouvelle contribution à assiette large, la CRDS, au taux de 0,50 %. Cette caisse devait avoir une durée de vie limitée. En effet, le remboursement devait être achevé en janvier 2009. Nous ne devrions donc plus en discuter, car la CADES devrait avoir terminé sa brève existence.

Mais les socialistes semblent avoir oublié qu'en 1998 Martine Aubry a confié à la CADES 13,3 milliards et que, courageusement, elle a préféré, plutôt que d'augmenter les recettes, prolonger sa durée de vie de cinq ans c'est-à-dire de trois ans par année de déficit. (« Eh oui ! » sur plusieurs bancs du groupe UMP.) Ce procédé a l'avantage d'être indolore pour nos concitoyens, mais revient à faire payer à nos enfants nos propres dépenses, ce qui est moralement inacceptable.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Luc Préel

J'y arrive !

En août 2004, dans le cadre de la loi relative à l'assurance maladie, Philippe Douste-Blazy, aussi courageux que Martine Aubry…

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Luc Préel

…nous a proposé de transférer à la CADES 50 milliards supplémentaires…

Debut de section - PermalienPhoto de Henri Emmanuelli

50 milliards, c'est autre chose que 13 milliards !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Luc Préel

…sans augmenter les recettes, ce qui revenait à une nouvelle prolongation, celle-là de sept ans, soit près de trois ans par année de déficit. À ce régime, ce sont nos petits-enfants qui paieront nos dépenses sociales !

De nombreux parlementaires ont dénoncé cette dérive. C'est pourquoi, au nom de l'UDF, j'avais été heureux de me rallier, avec Yves Bur notamment, à la proposition de Jean-Luc Warsmann. En mai 2005, nous avons voté un amendement très important à la loi organique relative aux lois de financement de la sécurité sociale, prévoyant que tout nouveau transfert de dette à la CADES doit s'accompagner d'une recette correspondante, afin de ne pas prolonger sa durée de vie et de respecter le principe auquel nous sommes théoriquement tous attachés : ne pas faire payer par nos enfants nos propres dépenses.

En conséquence, la loi de financement de la sécurité sociale pour 2009 a transféré à la CADES un nouveau déficit de 34 milliards, et une recette correspondante a été prévue : 0,2 point de CSG. Malheureusement, et je l'ai dénoncé à l'époque au nom du Nouveau Centre, il s'agissait non d'une recette nouvelle, mais d'un transfert au détriment du FSV, ce qui a eu pour effet, bien entendu, de mettre celui-ci en déficit. C'était l'application du principe bien connu du sapeur Camember : creuser un trou pour en boucher un autre.

Depuis sa création, la CADES a donc repris 135 milliards de dettes, dont 48 seront amortis à la fin de l'année 2010. L'apurement est maintenant prévu pour 2021, avec quelques incertitudes liées à l'inflation et aux taux d'intérêt.

La situation actuelle est donc claire : il reste à amortir 87 milliards, financés par 0,5 point de CRDS et 0,2 point de CSG, avec échéance en 2021. La loi organique autorise de nouveaux transferts, mais à la condition qu'ils s'accompagnent d'une recette correspondante.

Malheureusement, les déficits de notre protection sociale demeurent et ont même tendance, du fait de la crise, à augmenter. Les déficits du régime général et du FSV s'élèvent, pour 2009 et 2010, à 51 milliards, aujourd'hui non financés. L'ACOSS les prend à sa charge, par des emprunts auprès de la Caisse des dépôts, par des avances à court terme de la même institution – qui ont cependant atteint la limite du raisonnable – et par l'émission de billets de trésorerie.

La reprise par la CADES de cette dette de 2009 et 2010 est donc la solution la plus raisonnable et la plus logique. En outre, puisque nous allons dans quelques jours discuter de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2011, il est logique de faire également reprendre par la CADES le déficit prévisionnel pour 2011, soit au total 68 milliards.

Au nom du Nouveau Centre, j'approuve le principe de la reprise par la CADES des déficits 2009, 2010, 2011.

À deux conditions cependant : d'une part, que ce transfert s'accompagne d'une recette correspondante respectant le principe fixé par la loi organique en 2005, et si possible d'une recette simple afin de ne pas complexifier ce qui aujourd'hui est clair : et d'autre part, que chaque année, nous nous engagions à voter des lois de financement en équilibre, c'est-à-dire avec des recettes correspondant aux dépenses. C'est nécessaire si nous ne voulons pas, demain, avoir de nouveaux déficits, que nous devrions sans doute confier à la CADES.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Luc Préel

Je vais donc répéter, la pédagogie étant l'art de la répétition. Je répète : si nous ne voulons pas avoir, demain, de nouveaux déficits,…

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Luc Préel

…il est indispensable que nous votions, demain, des lois de financement de la sécurité sociale en équilibre, et donc que nous allions vers l'efficience, comme on dit pour la santé. Si les dépenses et les recettes ne sont pas ajustées, il sera indispensable de prévoir chaque année des recettes supplémentaires, afin d'aboutir à l'équilibre et de ne pas créer de nouveaux déficits. Avez-vous compris ? Bien. Vous êtes aussi intelligents que ce que je croyais. Je suis rassuré. (Sourires.)

Si l'on en croit le projet de loi portant réforme des retraites, la CNAV sera à l'équilibre en 2018 seulement, et le déficit sera financé, d'ici là, par le Fonds de réserve des retraites. Pour la maladie, nous devons rechercher l'efficience. Il y a du travail en perspective, car nous en sommes hélas très loin, mais il serait judicieux de prévoir une recette correspondant aux dépenses plutôt que de prévoir chaque année un déficit et de le transférer ensuite à la CADES en prolongeant la durée de vie de celle-ci.

Or, le projet de loi qui nous est présenté propose de prolonger de quatre ans la durée de vie de la CADES, permettant d'amortir 34 milliards supplémentaires. Quatre ans pour trois ans de déficit, c'est « moins pire » que ce qu'avaient fait Martine Aubry et Philippe Douste-Blazy, mais c'est inacceptable !

Les commissions des affaires sociales et des lois, plus raisonnables que la commission des finances pour une fois,…

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Luc Préel

…ont d'ailleurs rejeté l'article 1er qui prévoit cet allongement de quatre ans.

Pourquoi « pour une fois » ? Parce que la commission des finances, d'habitude, est très raisonnable et nous pousse plutôt à la discipline, mais que, cette fois, elle s'est laissée aller à une dérive tout à fait étonnante.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Luc Préel

La position du Nouveau Centre est claire. Nous refusons toute prolongation. Si le Gouvernement réintroduit cet article, nous voterons contre la loi. Mais je ne peux imaginer que le Gouvernement veuille contraindre le Parlement et passer outre la décision de ces deux commissions,…

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Luc Préel

…notamment celle saisie au fond.

Jean-Luc Warsmann, tout à l'heure, a fait une intervention que je juge remarquable, argumentée, et il l'a faite avec passion et conviction. Nous devrions donc tous le suivre. Je précise, car je ne veux pas faire de jaloux (Sourires), que notre collègue Yves Bur, fidèle à ses engagements antérieurs, a fait lui aussi une excellente intervention, que j'approuve totalement. Bravo, mes chers collègues !

Nous n'acceptons pas de faire payer à nos enfants nos propres dépenses. De plus, nous souhaitons conserver un financement simple, compréhensible, à l'image de la CRDS.

La logique voudrait que l'on porte cette contribution, à assiette large, à 0,75 %. Certes, cela n'aurait rien d'agréable, mais il n'y aurait rien de scandaleux à prélever 0,75 % pour financer notre protection sociale. Cette mesure rapporterait 9 milliards d'euros et, avec un peu de pédagogie, elle pourrait être comprise par nos concitoyens, que j'estime – et je ne pense pas avoir tort – intelligents et accessibles à la pédagogie. Nous voyons d'ailleurs, pour l'instant, s'agissant de la réforme des retraites, combien ils comprennent la nécessité de réformer le régime vieillesse.

Je vous entends bien, monsieur le ministre, j'entends bien certains membres de l'UMP, dont Dominique Dord qui est pourtant très intelligent,… (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Luc Préel

… - je regrette d'ailleurs qu'il ne soit pas là car, en commission, il s'est montré extrêmement précis –, nous dire qu'une telle augmentation pèserait sur le pouvoir d'achat. Certes, mais les services de Bercy ont calculé que l'incidence serait de 0,05 % du PIB, c'est-à-dire, somme toute, assez négligeable. Une telle remarque concernant le pouvoir d'achat serait recevable si tous les prélèvements, directs et indirects, étaient gelés. Or, ce n'est pas le cas. Nos concitoyens sont soumis tous les jours à des augmentations d'impôts locaux – dont le Gouvernement n'est certes pas responsable –, mais nous avons aussi subi l'augmentation des tarifs EDF, sans doute justifiée, ainsi que des augmentations diverses : forfait journalier, franchises médicales, déremboursement de médicaments, etc.

Debut de section - PermalienPhoto de Régis Juanico

Pour le coup, le Gouvernement en est responsable !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Luc Préel

Le Gouvernement propose par ailleurs de raboter les niches sociales et fiscales à hauteur de 10 milliards. Le coup de rabot est, selon le Nouveau Centre, justifié, et Charles-Amédée de Courson, qui le propose depuis longtemps, est bien entendu tout à fait d'accord sur le principe. Mais il faut dire la vérité : il s'agira d'une augmentation des prélèvements de 10 milliards. Soyons donc clairs, si nous voulons retrouver la confiance de nos concitoyens. Leur dire qu'un coup de rabot de 10 milliards ne leur coûtera rien n'est pas crédible.

Dans ce projet de loi, trois mesures de financement sont prévues, dont l'une concerne la taxe sur les contrats dits solidaires des complémentaires santé. Cette taxe avait pour but de conforter le parcours de soins. Or, 95 % des Français ont une complémentaire. Les mutuelles et assurances envisagent, semble-t-il, d'augmenter de 8 % leurs tarifs. Cette augmentation ne pèsera-t-elle pas sur le pouvoir d'achat des Français ? Où est la logique de tout cela ?

De deux choses l'une, monsieur le ministre : ou vous gelez toute augmentation pendant quelques mois pour ne pas peser sur le pouvoir d'achat des Français et pour conforter la reprise, et dans ce cas je vous suivrai bien volontiers, ou bien vous acceptez de financer par la recette la plus adaptée, c'est-à-dire la CRDS, les déficits transférés à la CADES.

Enfin, les deux autres ressources proposées ne sont guère pérennes. C'est notamment le cas de la taxe sur la réserve de capitalisation des compagnies d'assurance. Si elle doit rapporter 850 millions en 2011 et 2012, elle ne rapportera plus rien en 2013. Dès lors, il faudra bien sûr trouver une nouvelle recette.

Reste une mesure que le Nouveau Centre accepte, c'est le financement par le Fonds de réserve des retraites des déficits prévisionnels de la CNAV et du FSV d'ici 2018. J'ai déjà eu l'occasion de le dire à plusieurs reprises lors du débat sur la réforme des retraites. Je comprends très bien que, puisque nous avons un fonds de 33 milliards et que le régime de retraite est déficitaire, il serait curieux de garder ce « trésor » et d'emprunter par ailleurs. Par conséquent, 62 milliards seront financés par un versement annuel de 2,1 milliards provenant du FRR. Cependant, j'ai émis une réserve majeure au nom du Nouveau Centre, à savoir que l'équilibre soit réellement obtenu en 2018 et que nous nous engagions avec volontarisme dans une réforme systémique, à points ou à comptes notionnels, pour assurer l'équité et, à terme, l'équilibre financier de nos retraites.

Mais nous avons quelques doutes sur l'équilibre de nos retraites en 2018. En effet, les données économiques sur lesquelles le Gouvernement s'est fondé nous paraissent optimistes, et la réforme prévoyant 19 milliards d'économies et 4 milliards de recettes nouvelles nous semble éloignée des travaux du COR, qui estime le besoin de financement à 48 milliards.

Pour conclure, le Nouveau Centre approuve le principe d'un transfert à la CADES des déficits 2009, 2010, 2011 ; approuve le principe de l'utilisation du FRR pour financer les déficits prévisionnels de la CNAV et du FSV d'ici 2018, avec la réserve d'un équilibre effectif en 2018 et l'engagement vers une réforme systémique, qui nous paraît indispensable ; demande que, dorénavant, les dépenses d'assurance maladie soient équilibrées chaque année par des recettes correspondantes afin de ne pas avoir à reprendre, dans les années futures, de nouveaux déficits …

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Luc Préel

C'est indispensable, monsieur Bur. Vous m'étonnez. Je pensais que vous seriez encore plus « rude », si j'ose dire, que moi.

Le Nouveau Centre, enfin, rejette par avance l'éventuelle réintroduction, par amendement du Gouvernement, d'une prolongation de la durée de vie de la CADES, auquel cas nous nous verrions contraints de voter contre le projet de loi ; nous souhaitons un financement simple de la CADES fondé essentiellement sur la CRDS.

Merci, monsieur le ministre, pour votre écoute et votre compréhension. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Vasseur

Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des lois, madame et monsieur les rapporteurs pour avis, mes chers collègues, c'est avec beaucoup d'intérêt que je vous ai écoutés, les uns et les autres, alors que nous examinons ce projet de loi organique, par définition supérieure aux lois ordinaires.

Car ce qui nous réunit ce jour, et qui est d'apparence purement technique, est beaucoup plus que cela, et d'une importance que je qualifierai de majeure.

Ainsi, pour traiter de la dette sociale et assurer l'équilibre des retraites, ce ne sont pas moins de quatre textes législatifs qui appellent notre attention : le présent projet ; celui portant réforme des retraites, que notre assemblée a voté ; mais aussi le projet de loi de finances pour 2011 et le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2011.

Chacun s'accordera, moi la première, à reconnaître la grande qualité des travaux présentés par nos rapporteurs et la sagacité qu'ils mettent à rechercher, aux côtés du Gouvernement, les solutions les plus acceptables pour tous.

Comme vous l'avez tous signifié, y compris vous, monsieur le ministre, et c'est tout à votre honneur, un point fait consensus : il faut éviter au maximum de transmettre aux générations futures un héritage bien trop lourd à porter.

Ainsi, nous devrions tous partager, sur ces bancs, l'idée de ne pas demander à nos enfants de payer demain nos dettes.

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Vasseur

Attendez donc. Je suis du pays de Jean de La Fontaine, et il est une maxime qui est bien connue : patience et longueur de temps font plus que force ni que rage.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marie Le Guen

J'ai cru que vous alliez plutôt citer M. de La Palice !

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Vasseur

Au préalable, il convient de situer ce projet de loi organique dans son contexte. Tout d'abord, une crise financière et économique sans précédent, qui a constitué une dramatique perte de recettes pour la sécurité sociale.

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Vasseur

La crise, non, ce n'est pas franchement grâce à nous !

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Vasseur

Ensuite, des comptes sociaux dans le rouge : 80 milliards d'euros de déficit entre 2009 et 2011, dont 34 milliards de déficit de crise …

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Vasseur

…62 milliards de déficit de la branche vieillesse pour 2012-2018.

Soit, en tout, 130 milliards de dette à amortir à moyen et long terme.

Enfin, une réforme des retraites engagée par le Gouvernement avec détermination et sens des responsabilités.

Face à ce constat, notre majorité assume ses obligations et cherche une solution durable au problème de la dette sociale. Car la situation n'est plus tenable financièrement pour l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale, l'ACOSS, que nous avons autorisée en 2010 à recourir à un plafond de trésorerie de 65 milliards d'euros au maximum.

Et nous savons que les déficits ont vocation à être amortis par la Caisse d'amortissement de la dette sociale, dont c'est la mission.

Désormais rompu à la coproduction législative chère à notre président de groupe, Jean François Copé (Exclamations et rires sur les bancs du groupe SRC), vous avez souhaité, monsieur le ministre, associer le Parlement à votre réflexion. Et vous avez proposé, dès juin dernier, à la commission de la dette sociale, composée à parité de sept sénateurs et de sept députés, un schéma de reprise de dette, qui consiste en trois points.

D'abord, la réduction de niches fiscales ou sociales pour couvrir le déficit structurel de 34 milliards : c'est la marque indéniable de la détermination de notre majorité.

Ensuite, le décaissement anticipé du Fonds de réserves des retraites à hauteur de 62 milliards permettra de combler les déficits de la branche vieillesse entre 2011 et 2018.

Enfin – c'est ce qui nous occupe aujourd'hui – l'allongement exceptionnel de quatre ans de la durée de vie de la CADES, de 2021 à 2025, permettra d'amortir le déficit « de crise », soit 34 milliards.

Je ne saurais dire que ce dernier point, qui justifie le projet de loi organique, a suscité un enthousiasme démesuré sur les bancs de la majorité, lors des travaux en commission. Car chacun pensait, à l'instar du rapporteur Jean Luc Warsmann, que revenir sur une disposition de l'ordonnance de 1996, de nature organique depuis 2005, interdisant de transférer des dettes sans transfert de ressources équivalentes, n'était pas raisonnable.

Mais, fort heureusement, le présent projet de loi ne remet pas en cause ce principe.

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Vasseur

Écoutez bien, monsieur Muzeau, si d'aventure la chose vous a échappé.

L'article 1er prévoit seulement une dérogation, limitée à la seule loi de financement de la sécurité sociale pour 2011, et qui ne devra pas entraîner un allongement de la CADES au-delà de 2025, soit quatre ans de plus que prévu.

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Vasseur

Quatre ans, ce n'est pas ce que j'appelle « une génération ».

Une réflexion intense s'est engagée au sein de notre majorité. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Le Gouvernement n'est resté fermé à aucune solution. Il les a étudiées avec toute l'attention qu'elles exigeaient, en instaurant un dialogue. Après ces échanges approfondis, nous nous retrouvons autour de quelques grands principes : pas d'augmentation des prélèvements obligatoires – ce qui, sans être un dogme, est une mesure de bon sens en pleine reprise de croissance –, pas de report sur les générations futures, et ,enfin, pas d'immobilisme

En conclusion, je veux rappeler l'importance majeure de ce texte. Il constitue une solution durable et équilibrée au problème de la dette sociale, par la prolongation, exceptionnelle et limitée dans le temps, de la CADES, sans report de la dette sur les générations futures, par la poursuite de la réduction des niches, par le décaissement du FRR en faveur de la branche vieillesse, avec les garanties supplémentaires apportées par le Sénat : la clause de garantie et de retour à meilleure fortune. Je sais, monsieur le ministre, que, lors de l'examen des articles, vous apporterez d'autres précisions.

Ce projet de loi organique forme un tout cohérent avec la réforme des retraites, que nous venons de voter et qu'il faut désormais financer. Il est indispensable que nous le votions avant le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2011, qui sera proposé à la représentation nationale dans quinze jours.

Mes chers collègues, ne soyons pas frileux devant les efforts du Gouvernement pour garantir la pérennité des ressources permettant de couvrir les déficits et d'atteindre l'équilibre en 2018. Le groupe UMP, en toute conscience et avec honneur,… (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Vasseur

…adoptera le projet de loi organique, ainsi que l'amendement rétablissant l'allongement limité et exceptionnel de la CADES. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

Discussion générale

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Balligand

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-neuf heures trente-cinq, est reprise à dix-neuf heures quarante.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Balligand

La séance est reprise.

La parole est à M. Gérard Bapt, pour dix minutes. Il s'agit d'une simple indication, puisque nous bénéficions d'un temps programmé.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Bapt

Vous venez de déclarer, monsieur le ministre, que nous devons agir avec intelligence pour traiter la question de la dette sociale en donnant à la CADES les moyens de la résorber. Mais il existe, à l'évidence, plusieurs formes d'intelligence pour traiter de la dette sociale, si j'ai bien écouté MM. Warsmann et Bur.

On parle de dettes, parce qu'il y a des déficits. Les chiffres ont été rappelés : 80 milliards cumulés fin 2011. L'ACOSS porte ces déficits, alors que ce n'est pas sa mission, ce qui a été dénoncé à plusieurs reprises par la Cour des comptes. La loi de financement de la sécurité sociale pour 2010 a autorisé l'ACOSS à recourir à des financements de court terme, jusqu'à un plafond inédit, d'une ampleur dangereuse, de 65 milliards d'euros.

Dans leur sagesse, les commissions compétentes, tant au Sénat qu'à l'Assemblée nationale, avaient, depuis deux ans, fait des propositions pour organiser la reprise du déficit, sans allongement de la durée de vie de la CADES, en lui apportant des ressources nouvelles par une augmentation notamment de la CRDS. Ces votes en commission s'étaient sans doutes heurtés au veto élyséen et le Gouvernement avait fait reculer le Parlement en se cantonnant à une position d'attente, vite apparue intenable, du fait de l'ampleur des déficits portés par l'ACOSS.

Face à cette situation, une commission dite de la dette sociale, comprenant sept députés et sept sénateurs, a été créée. Elle s'est réunie trois fois. Au cours de la dernière réunion, le Gouvernement a présenté sa solution, véritable usine à gaz avec quatre rampes de lancement. Pas moins de quatre lois seront concernées : le présent projet de loi organique, le PLFSS 2011, le PLF 2011 et la réforme des retraites.

La sortie de l'attentisme se fait au prix d'un renoncement grave : l'allongement de quatre ans de la durée de vie de la CADES, qui expirera en 2025 au lieu de 2021 comme le prévoyait une l'article 20 de la loi organique du 2 août 2005 votée solennellement par le Parlement. La loi organique avait alors été présentée comme une exigence morale : ne pas renvoyer sur les générations futures les déficits d'aujourd'hui. Tel sera pourtant le cas. En 2025, les cotisants seront doublement pénalisés : par les cotisations qu'ils verseront pour la prolongation de la durée de vie de la CADES, d'une part, mais aussi par l'extinction du Fonds de réserve des retraites qui devait, au départ, être utilisé pour absorber le choc démographique de 2020-2025.

Il s'agit aujourd'hui de cantonner dans la CADES pas moins de 130 milliards d'euros, que vous divisez en trois catégories. La première de ces catégories est la « dette de crise », dette conjoncturelle due à l'impact de la crise du capitalisme financier sur l'emploi et les salaires, et à ses répercussions sur les déficits cumulés des caisses d'assurance maladie et vieillesse, ainsi que de la branche famille et du Fonds de solidarité vieillesse constatés fin 2010 et supportés par l'ACOSS.

Cela signifierait-il que la crise s'achèverait en 2010 et que les déficits futurs ne seraient plus que structurels ? Pourtant, vous prévoyez toujours des déficits élevés dans vos prévisions triennales. M. Monnier, secrétaire général de la commission des comptes de la sécurité sociale, a récemment présenté son rapport annuel à Bercy. Il y observe qu'un déficit conjoncturel qui se prolonge devient un déficit structurel. Or, cette « dette de crise » serait renvoyée à la période d'allongement de la durée de vie de la CADES.

Deuxième catégorie ; la dette structurelle pour les années 2009-2011, soit 34 milliards d'euros, transférés à la CADES. Les déficits de la caisse d'assurance vieillesse et du Fonds de solidarité vieillesse seraient traités par la loi sur les retraites pour un montant prévisionnel de 62 milliards d'euros : les actifs du Fonds de réserve des retraites seraient consacrés à sa reprise.

Nous contestons cette présentation en raison de l'injustice qu'elle induit. Les jeunes auront à supporter les cotisations de CRDS pendant quatre ans supplémentaires au moins, tandis que les actifs du Fonds de réserve des retraites qui leur étaient destinés auront pour l'essentiel disparu.

La durée de vie fera partie de nos débats sur l'article 1er. Certains membres de la majorité, conformément à leurs choix, refusent qu'une loi organique soit remaniée au gré des circonstances – ou des entêtements élyséens.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Bapt

Les nouvelles recettes destinées à la prise en charge du remboursement des 34 milliards que vous qualifiez de dette structurelle font également problème. Les trois commissions auxquelles le texte a été soumis ont souligné leur caractère non pérenne : la taxation forfaitaire des sommes placées dans la réserve de capitalisation des sociétés d'assurance, qui ne sont pas fiscalisées, ne produira que 1,4 milliard en 2011. C'est une opération « à un coup » puisque, dès 2012, se posera de nouveau un problème des recettes. De même, l'assujettissement aux prélèvements sociaux des compartiments euros des contrats d'assurance-vie multisuppports, au fur et à mesure des encaissements plutôt qu'au moment du dénouement du contrat à l'instar des règles en vigueur pour les contrats en euros, produira 1,6 milliard en 2011, mais ce montant décroîtra ensuite dans le temps. Il s'agit donc de recettes non pérennes.

Une troisième source de recettes est peut-être plus durable, mais n'en est pas moins critiquable. Il s'agit de l'assujettissement à la taxe sur les conventions d'assurance, à un taux dit réduit de 3,5 %, des contrats d'assurance-santé complémentaire, aujourd'hui exonérés. Le rendement, qui serait de 1,1 milliard, se répercutera forcément sur les cotisations d'assurance complémentaire.

Cette taxation, même à taux réduit, entre donc en contradiction, monsieur le ministre, avec les objectifs affichés de maîtrise médicalisée des dépenses d'assurance maladie, avec les règles de bon usage, les procédures visant à la qualité et à l'efficience de l'offre de soins. C'est donc céder à la facilité que de transférer aux assurés sociaux une charge supplémentaire destinée à la prise en charge de déficits qui sont en grande partie dus à la mauvaise organisation de l'offre de soins.

Vous avez construit une usine à gaz qui nous conduit aujourd'hui à légiférer dans une certaine confusion. L'article 1er, clé de voûte de votre texte, a été supprimé par deux commissions. La troisième, la commission des finances, a remis en cause le financement. Le groupe socialiste proposera des amendements allant dans le sens de la pérennité des ressources affectées à la CADES, et d'autres qui renforcent l'information du Parlement et la transparence des opérations financières concernant le Fonds de réserve des retraites. Au bout du compte, sur quel texte serons-nous appelés à nous prononcer mardi prochain ? Il semble que certaines propositions visent à assurer la pérennité des ressources en affectant, certes, une part de la CSG à la CADES, mais aussi en affectant à la branche famille des recettes non pérennes, ce qui conduirait le sapeur Camember à reprendre sa pioche !

S'agissant d'une question aussi fondamentale sur le plan des principes budgétaires et des prérogatives du Parlement, et concernant de futurs citoyens qui, pour la plupart, sont encore à l'école élémentaire, le groupe socialiste se prononcera en son âme et conscience en fonction du texte que vous nous soumettrez.

Debut de section - PermalienPhoto de François de Rugy

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, à première vue, nous pourrions penser qu'il s'agit d'un texte banal – quatre articles –, essentiellement technique, voire abscons. Qui, dans notre pays, connaît la Caisse d'amortissement de la dette sociale, en dehors des experts et de quelques parlementaires ? Pour être honnête, il s'agit d'une affaire de spécialistes. L'enjeu est pourtant considérable. Je me réjouis, pour ma part, que le débat ait lieu. Nous, écologistes, nous faisons un choix politique clair : celui de la réduction de la dette publique, de l'État ou générée par les déficits des comptes sociaux.

Dans ces conditions, nous ne pouvons nous contenter d'expédients, de fausses solutions, et encore moins repousser le problème à plus tard au prix de quelques tours de passe-passe, eu égard aux montants incriminés – il suffit de se reporter au rapport de notre collègue Yves Bur. En 2009, la dette sociale cumulée s'élevait à plus de 134 milliards d'euros ; s'y ajouteront, pour les dix prochaines années, plus de 130 milliards d'euros – sans compter les problèmes de financement liés à la réforme des retraites qui, de l'aveu même du Gouvernement, ne seront pas réglés avant 2018, si tant est qu'ils le soient à cette date.

Au-delà de la gestion de la dette sociale que nous examinons ce soir, l'enjeu est celui de l'explosion de la dette en général. Je salue le fait que le ministre en charge de cette question soit également le ministre du budget, car nous pensons qu'une approche globale s'impose en ces matières. J'observe d'ailleurs que le déficit des comptes sociaux est plus faible que celui de l'État, dans un rapport d'un à dix.

En 1996, l'engagement a été pris de ne pas prolonger la durée de vie de la CADES au-delà de 2009. J'en veux pour preuve vos propos, monsieur Bur, à la page 5 de votre rapport : « Tout nouveau transfert de dette à la Caisse d'amortissement de la dette sociale est accompagné d'une augmentation des recettes de la caisse permettant de ne pas accroître la durée d'amortissement de la dette sociale. » Tel fut le pacte de départ, ce qui vous oblige aujourd'hui à modifier la loi organique.

Une fois n'est pas coutume, je suis assez d'accord avec notre collègue Yves Bur. Il est dommage que nos collègues du Nouveau Centre soient absents, car ce sont eux qui parlent de « règle d'or » en matière budgétaire. J'ignore l'origine de cette expression qui, du reste, me paraît fort peu appropriée. En tout état de cause, ils citent souvent l'Allemagne en exemple parce qu'elle aurait inscrit dans sa constitution un article stipulant qu'il est interdit de présenter un budget en déficit,…

Debut de section - PermalienPhoto de François de Rugy

…ce qui ne l'a pas empêchée de connaître des déficits publics.

Vouloir introduire cette règle en France, en lui conférant de surcroît une valeur constitutionnelle, et prétendre que nos budgets seraient – comme par magie – en équilibre et nos déficits réduits et, dans le même temps, présenter une telle modification de la loi organique, est pour le moins incohérent, j'en suis d'accord avec le rapporteur.

Le Gouvernement fait le choix de l'allongement de l'amortissement de la dette sociale, ce qui est pour le moins tentant compte tenu la baisse des taux, le rapporteur le reconnaît lui-même. Mais, nous le savons, c'est un risque pour les générations futures. Permettez-moi de citer à nouveau le rapport de notre collègue, page 11 : « La prolongation de la durée d'amortissement de la dette, difficilement justifiable aux yeux de nous créanciers, soulève également la question du report sur les générations futures. » En tant qu'écologiste, je ne peux qu'être particulièrement sensible à cet argument. Nous avons en effet toujours combattu l'idée de faire payer les générations futures.

Le principe initial était bon, car c'était un principe de responsabilité. Si la dette et les déficits augmentent, il faut disposer de recettes en face : cela devrait tomber sous le sens, quelle que soit notre orientation politique. Le principe général de la sécurité sociale est bien celui-ci : les dépenses et les recettes doivent s'équilibrer. Cela vaut également pour les retraites, même si ce n'est plus le cas : les cotisations de l'année doivent payer les pensions versées de l'année.

À mes yeux, la création de la CADES était néanmoins justifiée. Financer les déficits de fonctionnement par la dette n'est pas tenable durablement, M. Warsmann a raison. Que cela permette de lisser sur une durée plus longue le niveau de cotisations par rapport au niveau de dépenses, se justifie au regard des aléas économiques. C'est du reste le raisonnement qui avait présidé à la création du Fonds de réserve des retraites. À cet égard, permettez-moi de dire à quel point il est dangereux de siphonner comme vous le faites le Fonds de réserve des retraites, qui n'avait été créé que pour passer un cap démographique.

Pour autant, la CADES n'a plus de sens si l'on reporte toujours à plus tard le remboursement et les mesures structurelles d'équilibre des régimes de sécurité sociale.

En ce qui nous concerne – je conclurai sur ce point –, nous avons fait un autre choix.

Ce choix est double. Il consiste d'abord à proportionner les dépenses de protection sociale aux besoins constatés, d'une part, et aux moyens que la nation est prête à leur consacrer, de l'autre. Il s'agit donc d'un compromis entre les besoins et les moyens.

De ce point de vue, je suis en profond désaccord avec ce qu'écrit Yves Bur dans son rapport : selon lui, il n'y aurait déséquilibre que parce que, en France, on n'est jamais prêt à faire des efforts.

Debut de section - PermalienPhoto de François de Rugy

En réalité, si l'on constate un déséquilibre, c'est parce que les gouvernants que vous êtes depuis huit ans manquent de cohérence : d'une part, ils acceptent des dépenses, mais, de l'autre, ils ne veulent pas faire voter les recettes correspondantes.

Notre choix consiste ensuite à mettre un terme à l'irresponsabilité fiscale, si prononcée depuis 2007.

L'idée de proportionner les dépenses de protection sociale aux besoins et aux moyens renvoie à celle que nous avons défendue à propos des retraites : il doit y avoir un pacte social, et celui-ci doit être négocié. C'est exactement le contraire de ce que vous faites en matière de retraites, et de ce que dit le rapporteur. Or il serait temps de reconnaître que vous faites le contraire de ce que souhaitent les Français.

Car les Français, que cela vous plaise ou non, sont attachés à un certain niveau de protection sociale – comme d'autres Européens, du reste. M. Bur écrit dans son rapport qu'il suffirait de s'aligner sur les autres pays européens ; mais d'autres pays d'Europe, tels le Danemark ou la Suède, bénéficient d'un niveau élevé de protection sociale et du financement afférent.

Debut de section - PermalienPhoto de François de Rugy

À nos yeux, s'il faut sans cesse améliorer le système sans craindre de le réformer, il importe d'en refonder le financement en intégrant tous les revenus, au lieu de faire porter les cotisations sur les seuls revenus du travail. Il s'agit d'un tournant, déjà amorcé par la création de la CSG, puis de la CRDS.

Surtout, il faut, je le répète, en finir avec la démagogie fiscale qui caractérise votre action. On se souvient de la promesse qu'avait faite Jacques Chirac de réduire d'un tiers en cinq ans l'impôt sur le revenu – et vous vous étonnez d'avoir des problèmes de recettes !

Puis vous avez instauré le bouclier fiscal, l'exonération des droits de succession et l'exonération des heures supplémentaires. Cela ne concerne pas la protection sociale, me direz-vous ; mais, dans ce dernier cas, il s'agit bien d'exonération de cotisations.

Surtout, si l'on ne dispose pas de ces recettes pour l'État, on en dispose d'autant moins pour la protection sociale, si bien que l'on cumule les déficits et que l'on se prive des recettes dont l'action publique aurait besoin.

Malheureusement, vous n'êtes pas en passe de renoncer à cette irresponsabilité fiscale et budgétaire, bien au contraire : la disposition dont nous débattons n'est qu'un nouvel artifice.

Voilà pourquoi, pour notre part, nous voterons contre ce projet de loi.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Balligand

Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures trente :

Suite du projet de loi organique relatif à la gestion de la dette sociale.

La séance est levée.

(La séance est levée à vingt heures.)

Le Directeur du service du compte rendu de la séance de l'Assemblée nationale,

Claude Azéma