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Intervention de Pascal Terrasse

Réunion du 12 octobre 2010 à 15h00
Gestion de la dette sociale — Motion de rejet préalable

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPascal Terrasse :

Vous n'étiez certainement pas là en 2001, madame Vasseur, mais les comptes sociaux, eux, étaient équilibrés, en tout cas pour ce qui était des caisses de retraites et de l'assurance maladie !

Les mesurettes que vous envisagez ne suffiront pas à atténuer la dette sociale malgré ce que vous alléguez.

Pour justifier vos mesures, vous affirmez que les déficits actuels sont dus à la crise économique et qu'il est donc nécessaire de ne pas augmenter les prélèvements sociaux – relevons au passage que les prélèvements obligatoires, à croire la promesse du Président de la République, ne devaient pas augmenter alors qu'ils ont crû de près de trois points depuis quatre ans qu'il est chef de l'État.

Or ce déficit ne s'explique pas uniquement par la crise économique. Notre pays n'a certes par été épargné par celle-ci mais le déficit est pour deux tiers un déficit structurel qui existait avant la crise et qui se maintiendra après. Même en gommant les effets de la crise, le déficit structurel de la sécurité sociale reste compris chaque année entre 10 et 15 milliards d'euros. Les choix du Gouvernement sont donc davantage responsables de ce trou que la crise elle-même.

Depuis des années, les colmatages effectués sur le dos des assurés, les exonérations de cotisations sociales offertes par le Gouvernement en cadeau aux entreprises privent la sécurité sociale de ses ressources.

Encore une fois, vous jouez la facilité : la CADES, originellement caisse d'amortissement de la dette sociale, est devenue une caisse perpétuelle de refinancement des déficits courants devenue variable d'ajustement. D'une solution originale et limitée, adaptée à une dette sociale exceptionnelle, on est passé à une mécanique rampante dont on ne perçoit plus ni la cohérence, ni les limites.

Notre pays ne peut s'offrir le luxe d'avoir à côté d'un budget de l'État, lui-même structurellement déficitaire, un budget social qui, lui aussi, hypothèque durablement son avenir en gonflant la dette.

L'urgence est donc de trouver des ressources nouvelles. Faut-il rappeler que l'ensemble des avantages fiscaux représente aujourd'hui une masse annuelle de plus de 115 milliards d'euros qui ampute d'autant les budgets de l'État et de la sécurité sociale ? Ne serait-ce pas dans cette voie que le Gouvernement pourrait chercher des solutions ?

Creuser davantage dans la CADES et prolonger toujours plus l'échéancier de l'amortissement, c'est repousser de manière irresponsable ce poids mort sur les jeunes générations, sans proposer de solution à long terme au problème du remboursement de la dette sociale.

Le vent de colère qui gronde dans les rangs de votre majorité, monsieur le ministre, montre bien que ce texte propose un marché de dupes à nos concitoyens, contrairement à ce que prétend le Gouvernement.

Derrière l'objectif affiché de ne pas augmenter les prélèvements sociaux, le schéma de financement présenté aboutit soit à réduire les objectifs de l'État providence, soit à faire supporter le report de la dette sur d'autres. Je rappellerai, entre autres, les cadeaux effectués à travers la loi TEPA, le bouclier fiscal et la baisse de la TVA pour certaines catégories.

Votre gestion est, de ce point de vue, plutôt calamiteuse. La politique fiscale et sociale que vous menez est injuste, coûteuse et particulièrement inefficace.

En conclusion, si nous demandons le rejet préalable de ce projet de loi, c'est bien en raison de sa nature même. Revenir sur une loi organique, monsieur le président de la commission des lois, quelques années après son adoption par les mêmes députés que ceux qui siègent aujourd'hui dans cet hémicycle est un procédé pour le moins douteux. Comme est douteux l'examen, dans le cadre d'une réunion de commission au titre l'article 88, d'un amendement revenant totalement sur le texte du Sénat. Comme est douteux encore l'examen de ce texte en urgence, dont une partie est discutée aujourd'hui, sans aucune contrainte, alors que le reste pourra, à croire les dernières informations, être débattu vendredi. Tout cela n'est pas sérieux, ni sur le fond, ni sur la forme. Ce projet de loi n'est ni lisible ni compréhensible.

On nous demande, M. Warsmann l'a rappelé, de faire converger nos politiques budgétaires avec l'Allemagne. Depuis plusieurs mois, il est effectivement question de convergence fiscale et de rapprochement des nomenclatures comptables. Le Président de la République nous a demandé de mieux organiser les cadrages budgétaires, notamment s'agissant des lois de finances, de manière à ne pas laisser de place au hasard dans les choix du Gouvernement. J'estime qu'il est quelque peu risible que cette proposition nous soit faite à la fin du quinquennat, au moment où nous nous apprêtons à voter son dernier budget ou presque. Dans ces conditions, pourquoi revenir sur le seul dispositif encadré par une loi organique ?

Pour toutes ces raisons, nous vous invitons à vous pencher à nouveau sur la question de la dette sociale afin de trouver d'autres solutions adaptées à la situation actuelle, justes socialement et économiquement, et de nature à financer notre système de protection sociale.

Tous les orateurs précédents ont fait appel à la conscience et à la responsabilité des députés. Chacun, en conscience et en responsabilité, peut à cet instant approuver la motion que le groupe socialiste vient de présenter. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

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