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Séance en hémicycle du 18 octobre 2011 à 21h30

La séance

Source

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Christophe Lagarde

La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à vingt et une heures trente.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Christophe Lagarde

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi de finances pour 2012 (nos 3775, 3805).

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Christophe Lagarde

J'ai reçu de M. Yves Cochet et des membres du groupe de la Gauche démocrate et républicaine une motion de renvoi en commission déposée en application de l'article 91, alinéa 6, du règlement.

La parole est à M. Roland Muzeau.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland Muzeau

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, pour la dernière loi de finances de cette législature, force est de constater que malgré un déficit de 102,8 milliards d'euros, la politique du Gouvernement ne change pas d'un iota. La France ne souffre pas d'un problème de dépenses, mais bien de recettes, et c'est le résultat calamiteux de votre politique.

Le déficit est un problème lorsqu'il n'est pas mis au service du développement humain, lorsqu'il ne finance pas les besoins sociaux tels l'éducation ou la santé, lorsqu'il ne permet pas d'investir dans la recherche, les infrastructures et les énergies renouvelables nécessaires à l'essor d'une croissance respectueuse de l'humain et de son environnement.

Or, le projet de loi de finances que vous nous soumettez aujourd'hui prône l'austérité, c'est-à-dire la réduction des dépenses publiques – et au bout du chemin, c'est la récession. Vous continuez de diminuer le pouvoir d'achat de la grande majorité de nos concitoyens en multipliant les taxes en tous genres. Vous alourdissez le prix des mutuelles. Vous poursuivez le non-remplacement d'un fonctionnaire sur deux. Vous amputez les crédits nécessaires au bon fonctionnement de nos services publics. Enfin, vous reconduisez le gel des dotations pour les collectivités territoriales, alors que vous leur en demandez toujours plus.

Ces mesures, ajoutées à celle du PLFR de septembre dernier, vous permettent d'économiser 11 milliards d'euros. Il est légitime que les Français s'interrogent sur le bien-fondé de votre politique. En effet, d'après le rapport du 30 juin 2010 du député UMP Gilles Carrez, si la fiscalité était restée telle qu'elle était en l'an 2000, l'État français bénéficierait aujourd'hui de 100 à 120 milliards d'euros de recettes fiscales supplémentaires par an. Notre rapporteur aurait-il oublié ses propres affirmations ?

L'heure du bilan a sonné pour votre majorité. D'après un rapport de la Cour des comptes de juin 2011, le déficit budgétaire est dû, pour les deux tiers, à la politique menée par votre majorité depuis bientôt dix ans. En une décennie, la dette de la France est passée de 900 milliards à 1 800 milliards d'euros. La situation économique de notre pays vous est donc directement imputable.

Comment expliquer cela ? Non pas que vous soyez totalement incompétents, mes chers collègues, mais il vous manque les outils intellectuels pour comprendre les ressorts de la crise et sortir de vos dogmes. Joseph Stiglitz, prix Nobel d'économie en 2001, a fait une analyse très pertinente de la situation actuelle : « La crise nous contraint à repenser ce que nous avons si longtemps adoré. Cela fait un quart de siècle que règnent certaines idées : les marchés libres et sans entraves sont efficaces ; s'ils font des erreurs, ils les corrigent vite ; le meilleur État est le plus discret ; la réglementation n'est qu'un obstacle à l'innovation ». Et Stiglitz de poursuivre : « Aujourd'hui, même le grand prêtre de l'idéologie néolibérale, Alan Greenspan, reconnaît que quelque chose clochait dans ce raisonnement ». Il conclut que « la crise actuelle a révélé les vices fondamentaux du système capitaliste () Il ne s'agit ni d'une question d'individus corrompus ou d'erreurs spécifiques, ni de quelques problèmes à résoudre ou d'ajustements à opérer () Face à des problèmes aussi omniprésents et permanents que ceux qui ont accablé le système financier, on ne peut tirer qu'une seule conclusion : ils sont systémiques ».

« Systémique », monsieur le ministre, signifie que ce système que vous défendez corps et âme produit, de lui-même, des crises, des déséquilibres et des inégalités. Le but du capitalisme est de faire toujours plus de profits et ce, le plus rapidement possible. Cette logique à court terme profite exclusivement à la petite minorité que vous représentez : ceux qui possèdent le capital. Elle laisse sur le carreau des milliards de personnes à travers le monde, qui ne peuvent vivre convenablement. Les inégalités se creusent entre les Français les plus modestes et les plus aisés. Les classes moyennes sombrent dans la précarité. Une récente étude de l'INSEE nous apprend qu'en 2010, 8,2 millions de Français vivaient en dessous du seuil de pauvreté – avec moins de 950 euros par mois –, soit 13,5 % de la population française.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland Muzeau

Je l'ai dit, vous n'êtes pas incompétents. Vous êtes donc parfaitement coupables de vos choix et de ceux des dirigeants européens qui ont mis en péril les économies de nos pays.

Prenons le temps, si vous le voulez bien, mes chers collègues, d'analyser la crise de la dette des États membres et l'éclatement de la bulle immobilière américaine fin 2007. Les banques du monde entier avaient parié des milliards de dollars sur des produits financiers complexes à haut risque, dits subprimes. Ces produits, qui, je vous le rappelle, avaient la bénédiction des agences de notation – 93 % d'entre eux étaient notés triple A –, ont été, du jour au lendemain, dégradés en produits dits toxiques. Les banques se sont donc retrouvées au bord de la faillite et les États sont intervenus pour les renflouer.

Première faute de Nicolas Sarkozy : contrairement à ce que nous demandions à l'époque, et à ce qu'ont fait les Anglo-Saxons en nationalisant en partie leurs banques, vous avez décidé de sauver les banques et les banquiers en leur prêtant 21 milliards d'euros, sans exiger de contreparties en termes d'objectifs et de gouvernance. Le message envoyé était clair : « continuez en toute impunité et dormez tranquille ! » À ce sujet, le président de l'UPA a déclaré dernièrement : « les banques nous ont lâchés en rase campagne () Les crédits sont devenus rares et avec des taux proches de l'usure ».

Au printemps 2010, la crise financière est devenue une crise de la dette des États. Déjà endettés, ils se sont surendettés pour sauver leurs banques, alors que ce sont elles, les responsables de la crise. Qu'ont fait les banques à ce moment-là ? Elles se sont attaquées, avec l'aide des agences de notation, aux États les plus fragiles, en spéculant sur leurs dettes souveraines.

La deuxième faute de Nicolas Sarkozy, plus grave, est de s'être plié aux injonctions des marchés financiers, notamment des agences de notation, au détriment de notre souveraineté. Ces agences, qui échappent à tout contrôle de la puissance publique, imposent pourtant aux États membres, avec l'aide de l'Union européenne et du FMI, des politiques d'austérité budgétaire drastiques qui enfoncent les peuples d'Europe dans la misère. La Grèce, l'Irlande, l'Espagne, l'Italie et la Belgique ont déjà été victimes de cet arbitraire des marchés. De loi de finances en loi de finances, la liste s'allonge. Et aujourd'hui, c'est sur la France que ces agences font planer la menace d'une dégradation de sa note.

Fidèle aux dogmes de la doctrine capitaliste, la seule réponse des dirigeants européens a été de tendre l'autre joue, en imposant des plans de rigueur insoutenables à leurs peuples et en étranglant un peu plus la Grèce. Ces prétendus « plans d'aide », comme vous les nommez, sont en réalité des prêts avec intérêts à des taux usuraires, qui n'ont pas pour finalité de venir en aide au peuple grec souffrant du chômage et des privations.

Alors que cette période de crise du capitalisme est une formidable occasion pour les États de reprendre le contrôle de la finance, vous avez multiplié les erreurs historiques en renforçant le pouvoir des marchés. Nous avons ainsi perdu quatre ans. Dexia en est un triste exemple. La banque étant au bord du gouffre, vous n'avez d'autre choix que de la démanteler en apportant environ 33 milliards d'euros de garanties.

Depuis cinq ans, votre politique de classes est un désastre pour notre pays. Louis XI, pour citer un autre monarque, disait qu'« en politique, il faut donner ce qu'on n'a pas, et promettre ce qu'on ne peut pas donner. » Nicolas Sarkozy a placé son quinquennat sous le signe de cette citation et s'est attelé à la mettre méthodiquement en oeuvre. Il donne ce que la France ne peut donner à quelques nantis, et a multiplié, à l'intention des autres, des promesses qui se sont révélées n'être que du vent. Jugez plutôt !

Donner ce qu'il n'avait pas, c'est ce que le Président de la République a fait dès son arrivée en faisant adopter, dans le cadre de la loi TEPA, un élargissement du bouclier fiscal, un aménagement de l'impôt de solidarité sur la fortune, ainsi qu'une forte réduction des droits de succession. Le coût total de l'ensemble de ces mesures s'élève à 15 milliards d'euros chaque année. Avec ces mesures destinées à quelques privilégiés, l'UMP a dilapidé l'argent public, alors que dans le même temps, François Fillon déclarait la France « en faillite ».

Les promesses de ce qu'il ne pouvait pas donner sont celles de son fameux – ou fumeux – slogan de campagne : « travailler plus pour gagner plus ». Alors que, sur les trente dernières années, les salariés ont perdu dix points dans le partage de la valeur ajoutée, concrètement, ce sont 200 milliards d'euros de richesses créées dans le pays qui, chaque année, sont détournés de la poche des salariés au profit du portefeuille des actionnaires. Il était impossible d'augmenter les salaires tout en gavant les boursicoteurs. Le Président le savait, mais il fallait faire un choix : l'UMP a pris le parti des actionnaires, et privilégié la France des rentiers sur la France du travail. La majorité présidentielle n'a rien fait pour augmenter le pouvoir d'achat des salariés.

La prime Sarkozy, qui devait être versée dans les entreprises augmentant leurs dividendes, est une mystification de plus à ranger dans la longue liste des promesses que vous ne pouvez pas tenir. Cette prime n'est qu'une mascarade, comme l'a démontré la proposition honteuse, mais pourtant légale, de l'entreprise Securitas, qui a consenti à verser une prime de 3,50 euros à ses salariés, quand le Gouvernement promettait une prime de 1 000 euros. La colère feinte de Xavier Bertrand à ce sujet ne dupe personne. Mon amie Jacqueline Fraysse l'avait pourtant mis en garde ici même : « Plus les débats avancent, plus nos travaux approfondissent la réflexion, et plus ils nous renforcent dans notre conviction que cette prime est à la fois injuste et inefficace. Elle ne concerne qu'un tout petit nombre de salariés, nous l'avons déjà souligné, elle peut aisément être contournée par le patronat, elle n'est donc pas équitable. De plus, elle ne résout pas le problème du pouvoir d'achat des salariés, ni celui de la pression des actionnaires sur les entreprises ».

Il n'y a qu'une solution pour redonner du pouvoir d'achat aux salariés : une augmentation généralisée des salaires. C'est précisément ce que vous refusez depuis des années de mettre en oeuvre, par exemple en gelant le point d'indice de la fonction publique et en persistant à ne pas revaloriser le SMIC, alors que l'inflation sur un an ampute le pouvoir d'achat des Français de 2,2 %.

Balzac écrivait en 1837 : « Les lois sont des toiles d'araignée à travers lesquelles passent les grosses mouches et où restent les petites. » La toile d'araignée de votre politique d'austérité n'est pas tissée d'une autre manière. Qui paye les pots cassés de votre politique ? Ce sont les gens modestes que je rencontre sur les marchés de Gennevilliers, de Colombes et de Villeneuve-la-Garenne – que nous rencontrons tous, sans la moindre exception, dans nos circonscriptions. Ce sont eux qui sont écrasés par votre politique d'austérité, tandis que les privilégiés, les grosses mouches dont parlait Balzac, continuent à profiter pleinement de votre politique.

Votre contribution exceptionnelle de 3 % sur le revenu fiscal, qui ne changera rien à l'affaire, est au mieux un effet de manche pour faire digérer la pilule amère de votre politique d'austérité. Cette contribution participe pour une portion congrue au rétablissement d'une forme de justice fiscale en France. Elle rapportera au budget de l'État à peine plus de 200 millions d'euros, c'est-à-dire rien en comparaison des 1,8 milliard d'euros de réduction sur l'impôt de solidarité sur la fortune que vous avez fait voter en juin dernier.

Monsieur le ministre, assumez devant les Français le résultat de votre politique. Pour votre gouvernement, la justice fiscale, c'est 1,8 milliard d'euros d'impôts de moins pour les plus riches et 11 milliards d'euros de politique d'austérité de plus pour le reste de la population. C'est une injustice criante !

Une autre donnée rend votre contribution sur les hauts revenus particulièrement insuffisante : elle cessera de s'appliquer en 2013, alors que les classes moyennes et populaires continueront à subir l'augmentation du coût de leur mutuelle de santé ou celle des taxes nombreuses que vous avez adoptées. Deux poids, deux mesures : voilà bien la preuve que cette contribution tient de la poudre aux yeux.

De plus, nous apprenons par voie de presse que vous comptez doubler le montant de la taxe sur les sodas, afin de créer une exonération de cotisation de sécurité sociale pour les agriculteurs. Ce n'est pas ce que le monde paysan vous demande. Mon camarade André Chassaigne l'explique dans sa proposition de loi visant à encadrer les prix des produits alimentaires : « Pour les agriculteurs, des mesures d'encadrement apparaissent indispensables pour sortir de la “vente à perte” qui leur est imposée chaque année. C'est par ailleurs l'avenir même de certaines filières, comme les fruits et légumes, et l'activité agricole sur certains territoires, comme en zone de handicap ou de montagne, qui sont compromis à court terme par le maintien d'une totale liberté d'agissement par la distribution. » Ce n'est pas en accentuant le dumping fiscal et social que l'on sortira les agriculteurs de la crise. Faisons plutôt en sorte que la grande distribution n'accapare pas les richesses qu'ils ont créées.

Enfin, ce projet de loi de finances pour 2012 menace notre société car, non content de faire peser sur les collectivités locales le coût du désengagement de l'État, vous continuez votre politique de suppressions massives de postes dans la fonction publique. Ainsi, à travers vos lois de finances successives, 150 000 emplois ont été supprimés dans les écoles, les tribunaux, la recherche, la police et les hôpitaux, au détriment des missions de service public et des missions régaliennes de l'État.

Vous détruisez le lien social et sapez les fondements de notre société en supprimant des classes, en fermant des maternités, comme aux Lilas, tout cela pour économiser cette année 900 millions d'euros. Dans le même temps, 140 milliards d'euros de niches fiscales et sociales bénéficient chaque année aux puissances de l'argent et leur permettent de spéculer sur les marchés financiers et d'engranger des fortunes dans les paradis fiscaux.

Le jeu n'en vaut pas la chandelle. Cet aveuglement doctrinaire sévit aussi dans l'éducation nationale, où vous prévoyez la suppression de 14 000 postes, hypothéquant ainsi les chances de réussite de nombreux élèves, tout en faisant le lit des écoles privées religieuses et des entreprises proposant du soutien scolaire, au détriment de l'école gratuite, laïque et républicaine. La suppression de 3 600 postes au ministère de l'intérieur n'est pas moins inquiétante. Alors que les policiers accumulent des dizaines de jours de récupération non pris et que les commissaires de police peinent à trouver le nombre de policiers suffisant pour conserver des patrouilles la nuit et le week-end, vous diminuez leur présence sur le terrain en sabrant dans les effectifs, qui souffrent terriblement face à une délinquance de plus en plus agressive.

Globalement, tous les ministères sont touchés par vos suppressions de postes. Hormis les services de la justice, seuls ceux du Premier ministre bénéficieront de postes supplémentaires – quarante-neuf pour être précis. Le 22 avril 2012 approchant à grands pas, et les sondages étant ce qu'ils sont, sans doute faut-il davantage d'effectifs pour préparer la candidature à la présidentielle de Nicolas Sarkozy !

La France et L'Europe vont mal. Ce n'est pas dramatiser la situation que de l'admettre. Dans quelques mois, le peuple français se trouvera devant un choix radical : continuer comme avant et subir le système capitaliste, ou rompre avec celui-ci en soumettant la finance à la loi de l'intérêt général. Certes, il sera ardu de tordre le cou au système de l'argent roi. Mais la période qui s'ouvre est propice. La France a encore un poids suffisant pour diffuser ses idées auprès de ses partenaires européens et construire enfin « l'Europe sociale », chère à Jaurès ainsi qu'aux 55 % de Françaises et de Français qui, je vous le rappelle, ont rejeté en 2005, lors du référendum, le projet de constitution européenne que vous vouliez leur imposer. Cette opinion avait été exprimée avec force, au regard de la très forte mobilisation des électeurs. Vous avez décidé de la mépriser en imposant quand même cette constitution.

Si vous aviez écouté ce message, probablement n'en serions-nous pas là. Les méfaits de ce système inégalitaire sont désormais connus de tous. Les gens rejettent le caractère fatal et exclusif d'un système qui pousse les hommes à l'égoïsme en les enchaînant aux lois de la concurrence libre et toujours faussée. Depuis cinq ans, en plus de la crise économique mondiale, vous avez poussé l'indécence à son maximum en choyant une seule catégorie : les nantis, les privilégiés, les puissants de ce monde, au détriment de l'intérêt collectif. Face à votre politique de classe, les Français attendent une politique de justice sociale et fiscale. Le Front de gauche démontre quotidiennement, grâce à ses militants et à ses élus, que les leviers pour réaliser cette politique égalitaire existent et que l'urgence est d'avoir un peu de courage et de mettre en oeuvre une autre répartition des richesses entre le capital et le travail.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland Muzeau

Je l'ai dit au début de mon intervention : la France souffre non pas d'un problème de dépenses, mais de recettes.

Prenons le temps de revenir sur certains chiffres. Les niches fiscales, jugées par vos services – en l'occurrence, l'inspection des finances – inefficaces ou peu efficaces et qui profitent aux plus riches et aux grandes entreprises, coûtent à l'État 53 milliards d'euros tous les ans. Si vous aviez donné les moyens à l'administration fiscale de lutter contre la fraude fiscale, 30 à 40 milliards d'euros auraient pu être récupérés chaque année. Votre prétendue lutte contre les paradis fiscaux permet à des territoires comme le Belize – bien connu de tous ! – de soustraire 20 milliards de dollars chaque année, au bas mot, aux finances publiques des États. Pourtant, la taxe sur les transactions financières, que vous vous refusez à mettre en place, pourrait rapporter plus de 200 milliards d'euros rien qu'en Europe.

Les chiffres sont là, monsieur le ministre. Si nous les additionnons, le déficit disparaît. Vous cachez la vérité aux Français lorsque vous leur dites que l'austérité est la seule solution. Tout est question de volonté, de courage politique et de sens de l'intérêt général.

Aujourd'hui, les députés communistes, républicains, citoyens et du parti de gauche portent une politique de long terme contre un système à bout de souffle. Pour nous, contrairement à vous, la devise républicaine est un idéal que nous voulons faire vivre. C'est pourquoi, tout au long de l'examen des articles de votre projet de loi, nous avancerons des propositions concrètes de justice fiscale et sociale.

En voici quelques-unes, parmi tant d'autres : créer un pôle financier public via la nationalisation des banques ; séparer la fonction de banque d'affaires et de banque de dépôt et taxer les transactions financières ; interdire aux agences de notation d'évaluer les dettes souveraines ; fixer le SMIC à 1 700 euros et plafonner les salaires dans un rapport de un à vingt fois le SMIC ; mettre en place un nouveau barème plus progressif de l'impôt sur le revenu, en conformité avec l'article 13 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen ; imposer le capital de la même façon que les revenus du travail. Voilà quelques pistes de réformes à entreprendre immédiatement.

Je terminerai sur ces quelques mots de Jacques Généreux,…

Debut de section - PermalienPhoto de Roland Muzeau

…professeur d'économie : « Donnez-nous une semaine, un mois peut-être, et, en voyant ce que, nous, on peut faire, tous les Européens sauront aussitôt que le seul et unique obstacle à une autre politique... c'est leur gouvernement. »

Je vous demande donc, mes chers collègues, de redonner la primauté à l'humain plutôt qu'à la finance en votant notre motion de procédure. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Christophe Lagarde

À défaut d'une semaine, monsieur Muzeau, vous aviez trente minutes et n'en avez utilisé que dix-neuf. Je vous en remercie. (Sourires.)

La commission et le Gouvernement ne souhaitant pas répondre, nous en venons aux explications de vote.

La parole est à M. Jean-Claude Sandrier, pour le groupe GDR, sans doute pour renforcer les propos de son collègue.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Sandrier

Pas seulement. Comme je vois la difficulté qu'il y a à répondre à la brillante intervention de mon collègue, je vais m'y mettre moi-même ! (Sourires.)

Ce renvoi du texte en commission peut se justifier par deux raisons. La première suffirait d'ailleurs en elle-même : c'est le décalage important, qui apparaît vraisemblable – voire aujourd'hui admis – entre la prévision de croissance sur laquelle repose ce budget, c'est-à-dire 1,75 %, même si vous l'avez revue à la baisse, et ce que tout le monde s'accorde à prévoir, c'est-à-dire une croissance de 0,8 % à 1,2 % pour l'année prochaine. La vitesse à laquelle sont allées les choses montre d'ailleurs à la fois la gravité de la situation et l'accélération de la crise que nous traversons. Ne pas revenir maintenant sur ce budget constitue une grave erreur. On sait bien que, dans un mois et demi, vous nous soumettrez un projet de loi de finances rectificative pour nous proposer encore 10, 20 et peut-être 25 milliards d'économies sur la dépense publique.

La seconde raison est liée à ce que je viens de dire : il faut prendre en compte le fait que le problème du déficit est dû, non pas à la dépense publique, contrairement à ce que vous dites, mais bien à une crise des recettes. Des exemples ont été donnés – vous les entendrez plusieurs fois au cours des prochains jours –, mais je voudrais rappeler quelques chiffres fournis par vos services. Les niches fiscales, plus ce qu'on appelle les modalités particulières de calcul de l'impôt, représentent très exactement 146 milliards d'euros. Ce que nous vous proposons, toujours en nous fondant sur les éléments donnés par vos services, c'est de prendre 50 milliards sur ces niches.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Sandrier

Les exonérations de cotisations sociales, qui, selon la Cour des Comptes, ne servent pas l'emploi, représentent 25 milliards. En ce qui concerne l'évasion fiscale, on n'arrive même pas à la mesurer, puisque les chiffres varient de 30 à 50 milliards. Mais admettons que l'on puisse récupérer malgré tout 25 milliards. Voilà déjà 100 milliards d'euros que l'on peut récupérer pour résorber le déficit.

Pour conclure – car le président me presse – il faut arrêter le détournement d'argent qui existe dans notre pays.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Sandrier

Je rappelais cet après-midi que les cinq cents plus grosses fortunes de France, qui possédaient il y a dix ans 6 % du produit intérieur brut, en possèdent actuellement 12 %, malgré la crise – on pourrait même dire : grâce à la crise. Il faut arrêter ce scandale et prendre enfin l'argent où il est pour le rendre notamment au service public et le consacrer à la relance de l'activité économique.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Diefenbacher

L'intervention de notre collègue M. Muzeau avait incontestablement le mérite de la concision, mais elle avait un petit inconvénient : sincèrement, elle ne comportait aucun argument.

Nous avons entendu une litanie de critiques de toute nature contre la politique du Gouvernement. Nous avons noté, une fois encore, cette extraordinaire cécité à l'égard du monde dans lequel nous vivons. Ce décalage entre le discours et la réalité ne peut que conduire le groupe UMP à voter contre cette motion. C'est évidemment ce que je recommande à tous mes collègues.

Et puisque le seul élément précis de l'intervention de notre collègue Muzeau est qu'il a des propositions d'amendement à déposer, avançons ! Venons-en à la discussion générale, examinons les articles, et sans perdre de temps, repoussons cette motion de renvoi en commission. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Christophe Lagarde

Dans les explications de vote, la parole est à M. Christian Eckert, pour le groupe SRC.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Eckert

Monsieur le ministre, mes chers collègues, notre collègueDiefenbacher parle de cécité. Mais dans quel monde vit-il ? (Protestations sur les bancs du groupe UMP.) Dans vos circonscriptions, mes chers collègues, n'entendez-vous pas comme nous la souffrance sociale…

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Eckert

…l'étonnement, pour ne pas dire l'indignation, devant les inégalités sociales, devant les inégalités fiscales ? Je suis ébahi de vous entendre nous reprocher de rester fermés au monde. Allez donc dans vos circonscriptions ! Assumez votre politique, assumez la souffrance que votre politique fiscale a engendrée, et vous voterez sans hésitation, comme le groupe SRC va le faire, la motion de renvoi de notre collègue Roland Muzeau.

Il a évoqué les inégalités. Il a parlé ensuite des banques, car les agences de notation ne sont les seules à avoir les yeux fixés sur elles, nos concitoyens aussi. Ils s'étonnent, car finalement, après avoir prôné les prêts hypothécaires au moment de sa campagne, le Président Sarkozy, qui imaginait bien les mettre en oeuvre en France,…

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Eckert

…Fort heureusement en effet, car nous aurions alors connu des faillites à la Lehman Brothers.

Il a dénoncé aussi tous les méfaits de votre politique, sur lesquels nous reviendrons dans le débat si, par hasard, vous ne votiez pas cette motion de renvoi en commission.

Il a également évoqué le dévoiement, par votre faute, du mot « réforme ». Désormais, pour nos concitoyens, il est devenu synonyme de souffrance, de régression. C'est pour cela que le groupe SRC votera sans hésitation la motion de renvoi en commission qu'a brillamment défendue notre collègue Roland Muzeau.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Christophe Lagarde

Pour le groupe Nouveau Centre, la parole est à M. Nicolas Perruchot.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicolas Perruchot

Quelques mots pour essayer d'éclairer nos collègues…

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Eckert

Nous n'avons pas besoin d'être éclairés : nous voyons clair !

Debut de section - PermalienPhoto de Nicolas Perruchot

Bien entendu, le groupe Nouveau Centre ne votera pas cette motion de renvoi en commission, pour plusieurs raisons que je vais exposer rapidement.

Monsieur Muzeau, vous avez d'abord expliqué que la France avait un problème de recettes. Tous les observateurs économiques, y compris ceux de gauche, nous disent qu'aujourd'hui, il faut agir sur la dépense. S'il peut être intéressant d'imaginer que l'on peut agir uniquement sur la recette pour sauver le système, je vois mal comment vous le pourriez dès lors que vous continueriez à augmenter les dépenses, comme ce serait le cas. C'est une première difficulté.

Poursuivant votre propos, vous avez indiqué que les mesures qui avaient été prises par l'actuel gouvernement étaient faites pour sauver les banques et les banquiers. Vous avez simplement omis de dire qu'il fallait aussi sauver l'épargne des Français. Je pense qu'il serait utile et intéressant d'expliquer à toutes celles et tous ceux qui épargnent, et ils sont des millions dans notre pays,…

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Eckert

Si vous voulez faire peur aux gens, continuez comme ça !

Debut de section - PermalienPhoto de Nicolas Perruchot

…que vous auriez préféré, vous, ne pas sauver leur épargne ! (Protestations sur les bancs des groupes GDR et SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Christophe Lagarde

Chers collègues, laissez M. Perruchot donner son explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Eckert

C'est un élément évidemment essentiel qui a permis les décisions que nous avons prises aujourd'hui. Là encore, vous êtes à côté du sujet.

Vous dites enfin que la faute de Nicolas Sarkozy est d'avoir cédé aux agences de notation et vous expliquez, en vous appuyant sur le cas grec, combien nous sommes soumis au diktat de ces agences et des grandes institutions financières internationales. Mais la structure de la Grèce n'est pas totalement identique à celle des autres pays de la zone euro et quand un peuple, comme c'est le cas actuellement, refuse de payer l'impôt, qui est l'ADN économique commun de la zone euro, on peut avoir quelques doutes, voire quelques incompréhensions face au plan de sauvetage proposé. Dès lors que personne n'accepte d'abonder les recettes d'un pays en très grande difficulté, comment voulez-vous que nous puissions, les uns et les autres, le sauver ?

Enfin, vous dites que l'on n'a rien fait pour le pouvoir d'achat des salariés, mais toutes les solutions que vous préconisez ne feront qu'accroître celui des personnels de la fonction publique : pas un mot n'a été dit sur la façon d'augmenter les salaires dans le privé.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicolas Perruchot

Moi, monsieur Muzeau, j'ai travaillé dans une PME, j'ai été chef d'entreprise. Vous pouvez toujours décréter le SMIC à 1 500 euros…

Debut de section - PermalienPhoto de Nicolas Perruchot

Mais quand une entreprise ne peut pas le payer, elle ne le paie pas.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicolas Perruchot

Mais non, quand on ne peut pas, monsieur, on ne le paie pas ! Allez expliquer aux patrons de TPE et de PME – il y en a de gauche comme de droite – comment faire. Depuis des années, on entend cela et je n'ose imaginer que l'on puisse décréter le SMIC à 1 500 euros, surtout pour les très petites entreprises. Vous ne pourrez pas le faire, c'est une utopie complète.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland Muzeau

En 68, c'était pareil, et le salaire minimum a bien augmenté de 30 % !

Debut de section - PermalienPhoto de Nicolas Perruchot

Enfin, vous parlez de suppressions massives des postes dans la fonction publique. C'est une ritournelle habituelle.

Vous avez parlé de l'éducation nationale. C'est un cas intéressant, car ce ministère compte 126 000 personnels administratifs pour 850 000 enseignants. La vraie question, c'est de savoir s'il n'aurait pas fallu consacrer un plus grand nombre des postes créés à mettre des enseignants devant les élèves.

Vous avez conclu que le système était à bout de souffle. Je ne sais pas de quel système vous parliez. Vous aurez compris, en tout cas, que notre vision est différente de la vôtre.

(La motion de renvoi en commission, mise aux voix, n'est pas adoptée.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Christophe Lagarde

Dans la discussion générale, la parole est à M. Nicolas Perruchot.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicolas Perruchot

Monsieur le président, monsieur le ministre, chers collègues, je n'entrerai pas, en ces quelques minutes, dans la description détaillée d'une situation difficile et complexe.

La crise actuelle de la zone euro et les difficultés du budget et de l'économie de la France ont deux origines : la première, c'est la crise de 2008 dite crise de subprimes, qui a plongé nos économies dans une très grande difficulté ; la seconde, ces trente ans de laxisme budgétaire, dont nous sommes malheureusement les héritiers. Il est bon de rappeler que, si la situation est aussi alarmante que certains veulent le dire, nous le devons aux décisions prises depuis le milieu des années 70, gouvernements de droite et de gauche confondus…

Debut de section - PermalienPhoto de Nicolas Perruchot

…car le niveau d'endettement n'est pas seulement le résultat des cinq dernières années, mon cher collègue.

Quant à la crise de 2008, elle était systémique. L'inquiétude de l'Union européenne face à l'état des finances publiques de la zone euro – et en particulier, en décembre 2009, face aux difficultés de la Grèce – a amené à la baisse de la note de nos amis grecs. En janvier 2010, nous avions droit au plan d'austérité espagnol. Quelques jours plus tard, le premier plan d'économie pour la Grèce était mis en place, le pays ayant été placé sous surveillance de la Commission. En mars 2010, le déficit portugais s'établissait à 9,3 % du PIB, ce qui entraînait un plan d'austérité. Enfin, en quelques mois se succédèrent : l'aide de l'Union européenne et du FMI à la Grèce contre le plan d'austérité ; le plan d'austérité de l'Italie dont la dette avait atteint, à la mi-2010, 120 % du PIB ; la révision à la hausse du déficit irlandais ; la demande d'aide internationale du Portugal ; et en juin 2011, le nouveau plan d'austérité pour la Grèce.

Donc, la crise se propage, la zone euro a aujourd'hui bien des difficultés à l'endiguer et elle résulte, bien entendu, de la situation que j'ai décrite auparavant. À l'évidence, la crise de l'endettement public en Europe ne se limite pas au seul cas grec et surtout elle est sans commune mesure avec tout ce que nous avions, les uns et les autres, prévu.

Avant tout,cette crise est une crise de confiance, celle des marchés en la capacité des États à rembourser leur dette. Elle ne s'arrête pas aux frontières de quelques pays européens car, après la Grèce, l'Irlande, l'Italie, l'Espagne et le Portugal, elle pourrait malheureusement s'étendre à notre pays, que l'agence Moody's vient de mettre sous surveillance. Une éventuelle dégradation de notre note souveraine aggraverait le coût de notre endettement.

Ajoutons à cela le besoin très important de recapitalisation des banques européennes chiffré par Christine Lagarde à près de 200 milliards d'euros, et l'on voit à quel point la situation est tendue. Cela nécessite, de notre part à tous, de faire des choix courageux.

Pour ce budget comme pour les budgets précédents, nous n'avons, nous centristes, eu de cesse de demander une baisse plus forte de la dépense publique. Charles de Courson et Philippe Vigier y reviendront. Nous n'avons eu de cesse d'aller plus loin dans ce que nous appelions déjà, pour notre part, « l'austérité », mot que l'on peut désormais employer à cette tribune. Notre marge de manoeuvre semble assez limitée. Mais la solution que nous préconisons est la seule susceptible de redresser nos finances publiques : une réduction importante du déficit public dès aujourd'hui.

La situation économique de la France l'exige. La situation dans la zone euro la rend absolument nécessaire. Nous proposerons donc des mesures en ce sens et nous espérons que vous pourrez, monsieur le ministre, les retenir. Elles visent à la fois à préserver notre économie et à recouvrer très rapidement une nécessaire capacité d'emprunt. (Applaudissements sur les bancs des groupes NC et UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Bouvard

Mes chers collègues, la crise de la dette souveraine qui atteint de nombreux pays européens nous rappelle l'importance de maîtriser notre budget et de réduire notre déficit. Il ne s'agit pas, comme cela a été dit tout à l'heure, de satisfaire aux desiderata, aux exigences de telle ou telle agence de notation, mais de prendre en compte le fait qu'une dette peut atteindre un point de non-retour – comme l'illustrent le cas grec ou les difficultés dans lesquelles s'enfonce notre voisin italien – à partir duquel cette dette excessive fait boule de neige : s'ensuit immanquablement une hausse des taux d'intérêt, donc de la charge de la dette, qui réduit nos marges de manoeuvre.

Si cette situation devait se produire en France, ce sont nos concitoyens, ne l'oublions pas, qui, les premiers, en paieraient le prix à travers les sacrifices douloureux qu'ils devraient consentir. Avec la perte de toute marge de manoeuvre budgétaire, c'est aussi, comme le rappelait Philippe Séguin, une part de notre souveraineté nationale qui s'évanouirait.

Je souscris donc pleinement aux orientations du présent projet de loi, qui doit permettre de ramener notre déficit de 95,5 milliards d'euros en 2011 à 81,7 milliards d'euros en 2012, et de respecter ainsi l'objectif d'un déficit de 4,5 % du PIB. Compte tenu des incertitudes qui pèsent sur l'année à venir, je souscris également au voeu exprimé par notre rapporteur général d'améliorer ce solde au cours de notre discussion.

Le projet de loi de finances pour 2012 est placé sous le signe du rétablissement des finances publiques et d'un effort qui porte sur tous les secteurs : effort supplémentaire demandé aux plus aisés de nos concitoyens ; effort de maîtrise de la dépense fiscale ; effort de maîtrise des dépenses de l'État ; effort de maîtrise des dépenses des opérateurs.

Côté recettes, le PLF prévoit une hausse des prélèvements obligatoires de l'ordre de 0,6 %, qui, dans le contexte actuel, participe de la crédibilité du redressement de nos comptes publics. Sans cet effort, l'objectif de déficit public ne pourrait être atteint. Le montant prévisionnel des recettes fiscales nettes atteint ainsi 283,4 milliards, contre 265,5 milliards, et dépasse enfin le niveau de 2008.

Outre la croissance spontanée des recettes fiscales, le PLF pour 2012 conjugué au collectif budgétaire de septembre prévoit 9,3 milliards de ressources supplémentaires, pour lesquelles l'effort est partagé entre les ménages et les entreprises.

Du côté des particuliers, un effort significatif a été demandé aux Français lors du collectif budgétaire de septembre, avec l'alourdissement de la fiscalité sur les plus-values immobilières. Dans ce texte, nous retrouvons cette logique avec la mise en place d'une taxation exceptionnelle sur les hauts revenus. Sur ce point, j'adhère pleinement à la proposition de la commission des finances de ramener son seuil de 500 000 à 250 000 euros par part et d'en adapter le taux. Cette proposition permettra de porter le rendement de la taxe de 200 à 410 millions, tout en restant un bon point d'équilibre et en maintenant l'attractivité fiscale de notre pays.

Le retour à l'équilibre ne saurait reposer cependant sur la seule quête de nouvelles recettes. Il exige pour une part au moins égale la « sécurisation des recettes existantes », pour reprendre une expression qu'affectionne notre rapporteur général.

Le présent projet de loi fixe un objectif de dépenses fiscales pour 2012 à 65,9 milliards, en baisse de 1,6 milliard d'euros. L'orientation est bonne, et l'inscription dans la loi d'un objectif de dépense fiscale restera un acquis de cette législature et de cette majorité.

Je m'interroge cependant sur sa fiabilité, les objectifs précédents ayant été systématiquement dépassés, monsieur le ministre, en raison notamment d'une évaluation par trop conservatrice de l'évolution « naturelle » de ces dépenses et d'une mauvaise évaluation tout court de certaines d'entre elles. D'année en année, le coût de la prime pour l'emploi est ainsi systématiquement sous-évalué de 200 millions, celui du crédit d'impôt pour le développement durable a longtemps erré et reste, avec une estimation à 1,9 milliard pour 2011, sujet à caution, et je ne parle pas du bilan du bonus-malus automobile évoqué ici même hier.

Pour atteindre cet objectif, le PLF comprend donc des mesures destinées à contenir la dépense fiscale. Ces mesures sont légitimes, mais on peut se demander, au regard de la difficulté à respecter cet objectif, si elles ne devraient pas être amplifiées. Comme d'autres, j'apporterai ma contribution à cet ouvrage à travers quelques amendements. On peut cependant regretter que, cette année encore, le recours à un coup de rabot général ait été retenu, au détriment d'une approche plus ciblée, à laquelle le rapport rendu par l'Inspection générale des finances, pour perfectible qu'il soit, devait ouvrir la voie. Nous avions pourtant été nombreux à insister sur la nécessaire discrimination dans ce domaine. En effet, nombre de dépenses fiscales répondent à un objectif parfaitement légitime, et il ne faudrait pas que leur atténuation aboutisse à vider le dispositif de son intérêt.

Il convient aussi, dans le même ordre d'idées, d'être attentif à ne pas créer de distorsions d'attractivité entre différents dispositifs, à la faveur d'un changement de périmètre ou de taux ou d'un coup de rabot. En 2009, une telle distorsion avait ainsi amené à l'arrêt total des investissements dans les résidences, de tourisme ou pour seniors, nécessitant l'adoption d'un dispositif parallèle pour ces résidences. De la même façon, la réforme du dispositif Malraux a certes permis de diviser son coût, passé de 50 millions en 2008 dans l'ancien système à 5 millions en 2011 dans le nouveau, mais cela s'est fait au détriment de nombre d'opérations de restauration dans les centres anciens.

Enfin, quels que soient les progrès qui pourront être faits en matière de recettes, il n'y aura pas de réduction significative du déficit et de la dette sans réduction des dépenses de l'État et un meilleur contrôle des opérateurs.

Ce PLF est le second à appliquer la règle du « zéro valeur hors charge de la dette et pensions » introduite par la loi de programmation des finances publiques. L'application de cette nouvelle norme devrait théoriquement aboutir, en 2012, à un recul en volume de 0,02 %. En l'occurrence, les mesures volontaristes prises par le Gouvernement permettront d'aller jusqu'à 0,2 %. Des efforts importants d'économies ont été réalisés par l'État pour tenir ce double objectif, et l'on ne peut que s'en féliciter.

Il en va ainsi de l'évolution de la masse salariale. Les effectifs de la fonction publique d'État n'ont cessé d'augmenter jusqu'en 2006 pour frôler, malgré les transferts de la décentralisation, les 2 400 000 équivalents temps plein travaillé. Les efforts de réduction menés depuis 2007 à travers le non-remplacement d'un départ en retraite sur deux aboutiront enfin, en 2012, et pour la première fois depuis 1945, à une réduction de la masse salariale de l'État de 167 millions. Ces dernières années, la réduction du nombre de personnels de l'État n'avait en effet pas suffi, à elle seule, à réduire la masse salariale, les économies brutes engrangées étant consommées par les mesures catégorielles, l'évolution du glissement vieillesse technicité et les redistributions. En 2012, les suppressions nettes de poste s'élèveront à 30 512 ETPT, permettant une économie brute de 970 millions et une économie nette de 167 millions. Les efforts entrepris depuis 2007 commencent donc à payer, grâce à la suppression de près de 150 000 ETPT autorisant une économie brute sur le quinquennat de 4 milliards d'euros.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Bouvard

Cela étant, si l'on consolide masse salariale et compte des pensions, et les deux éléments sont bien liés, la perspective s'inverse. La progression des pensions est en effet extrêmement dynamique, avec une augmentation de près de 25 % du nombre des pensionnés en dix ans et un montant de pensions versées passé de 35,4 milliards en 2005 à 48 milliards en 2011, soit une augmentation de 35,6 % en six ans due aux évolutions démographiques. En 2012, ce montant devrait encore augmenter de 1,9 milliard, soit une nouvelle augmentation de près de 4 %.

Face à cette situation et à l'impossibilité de peser sur l'évolution des pensions, il n'y a donc pas d'autres solutions que de poursuivre dans la voie de la réduction des effectifs de la fonction publique d'État. Mais cette réduction exige désormais une application différenciée, avec notamment un effort distinct entre les échelons centraux et les échelons déconcentrés. Ceci nous rappelle également qu'embaucher un fonctionnaire est un acte grave. Je le dis en pensant à ce qui figure dans certains programmes : Quand vous embauchez un fonctionnaire d'État, vous créez une charge pour l'État jusqu'au décès de la veuve, c'est-à-dire globalement pour soixante-cinq à soixante-dix ans puisqu'il y a la réversion à verser.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Bouvard

Je voudrais finir en évoquant le cas des opérateurs, sur lequel la mission d'information sur la mise en oeuvre de la LOLF et moi-même avons eu l'occasion de nous exprimer à maintes reprises.

Leur contrôle est en net progrès depuis plusieurs années maintenant, avec notamment l'identification sur le « jaune opérateurs » des dettes de ces derniers, adoptée sur mon initiative en 2010, la mise sous plafond d'emplois et l'obligation de recensement de leur patrimoine. L'an dernier, la loi de programmation de finances publiques a de plus interdit aux organismes divers d'administration centrale, hors CADES, d'emprunter au-delà de douze mois. Cette décision, dans la droite ligne des recommandations du rapport Camdessus, devrait à terme contribuer très positivement à la maîtrise de l'endettement de l'État.

L'effort de réduction des effectifs engagés par l'État doit théoriquement se décliner également chez les opérateurs depuis 2011. En pratique, l'article 37 prévoit une baisse restreinte de 1 106 ETPT, deux fois inférieure à celle prévue en 2011, pour un plafond de 373 456 emplois. Cette évolution doit être accentuée, mais en distinguant, parmi les opérateurs, ceux qui ont une véritable activité industrielle et commerciale et qui, dès lors qu'ils ont des ressources propres et gagnent des parts de marché, doivent relever d'une logique autre que l'encadrement des ETPT. À défaut, le plafond d'emplois devient une limite au développement de ces opérateurs industriels, ce, in fine, au détriment de l'État.

Il y a tout lieu, par ailleurs, d'être satisfait de ce que le PLF s'intéresse enfin aux recettes affectées aux opérateurs, passées de 7,3 à 8,7 milliards entre 2007 et 2011. J'approuve pleinement les mesures de prélèvement sur les opérateurs qui disposent d'un excès de trésorerie lié à ces affectations. Il importe particulièrement, comme je l'avais déjà demandé l'an dernier, que le Parlement puisse faire le point sur l'évolution de ces affectations, sur les usages qui en sont faits et sur les mesures de rebudgétisation qui pourraient être prises. Il en va de la légitimité de l'action parlementaire en matière budgétaire.

En conclusion, ce projet de loi, qui contribue de manière très volontaire à l'affermissement des recettes de l'État et à la maîtrise de ses dépenses, aura tout le soutien du groupe UMP. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Eckert

Première remarque générale, faut-il agir plus sur les dépenses que sur les recettes ? Sans être jésuite, je pense qu'il faut probablement, parce que la situation est difficile, agir sur les deux volets.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Eckert

Vous le savez d'ailleurs, monsieur le ministre, puisque c'est ce que vous faites. Vous n'osez pas le dire mais, dans le plan de M. Fillon, les 12 milliards présentés comme des économies ne sont pas des économies mais bien, pour 11 milliards, le résultat des prélèvements supplémentaires. En effet, les réductions de certaines dépenses fiscales ou les mesures de taxation ne sont finalement que des hausses d'impôt. L'honnêteté intellectuelle aurait commandé, plutôt que de vous présenter comme les plus grands « économiseurs » depuis 1945…

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Eckert

…que vous assumiez le fait que vous jouez finalement et sur la dépense et sur la recette. Il est vrai que, chez vous, les mots « hausse généralisée de l'impôt » ont été bannis depuis longtemps.

Deuxième remarque, finalement, monsieur le ministre, vous êtes un ministre de rupture par rapport à votre prédécesseur. Mme Lagarde n'avait qu'une expression à la bouche, la « sortie de crise »,déclinée à toutes les sauces. On avait l'impression que toutes les difficultés étaient derrière nous. Mais, depuis quelques semaines, vous n'avez de cesse d'insister sur la crise qui pèse sur l'Europe et sur notre pays. Je suis heureux que vous ayez cette lucidité. Il suffit de regarder, dans les circonscriptions, les entreprises, que ce soit les petites, les moyennes ou même les grosses, pour constater qu'elles ne voient pas la sortie de crise qui avait été vantée depuis quelques mois.

Autre rupture, monsieur le ministre, votre prédécesseur à cette tribune ne cessait de dire que le système bancaire français était radicalement différent de celui de nos voisins et qu'il n'y avait absolument aucun danger. Mais, sitôt franchi l'Atlantique, Mme Lagarde a découvert le besoin de recapitaliser les banques. C'est vrai que ce sera probablement nécessaire, et je ferai des propositions – un de mes prédécesseurs à cette tribune a évoqué une somme de 200 milliards d'euros.

En disant que c'est la crise et qu'il faut recapitaliser, vous êtes donc un ministre de rupture par rapport à Mme Lagarde qui, elle, voyait la crise derrière nous et ne voyait pas le besoin de recapitaliser les banques.

Je voudrais insister un instant sur trois points particuliers, sur lesquels nous reviendrons dans le débat.

Premièrement, je voudrais évoquer la taxe sur les hauts revenus. Un débat a eu lieu pour savoir ce qu'était un haut revenu. Certains s'y sont livrés il y a déjà quelques années, cela leur avait d'ailleurs été fortement reproché. Vous hésitez sur le seuil : vous aviez annoncé 500 000 euros, cela descendrait à 250 000 euros, et même peut-être à 150 000 euros si l'on suivait certains députés, y compris de la majorité. Quel courage ! Quelle témérité !

À 250 000 euros par part, votre taxe ne s'appliquera qu'à partir de 500 000 euros pour un couple. Il faut que les Français sachent qu'un couple qui percevrait 510 000 euros de revenus, c'est-à-dire plus de quarante fois le SMIC, devrait acquitter la somme extraordinaire de 300 euros puisque votre taxe de 3 % ne s'applique que sur la fraction qui dépasse le seuil retenu. Quelle révolution !

Il faut le dire parce que cette mesure va sans doute faire l'objet de discussions entre vous – entre les révolutionnaires, les réformistes, les conservateurs, cela va être la course à celui qui sera le plus gauchiste sur les bancs de la majorité – et pendant qu'on occupera les gazettes, on ne parlera pas des choses qui fâchent. Ainsi donc, un couple dont les revenus atteignent 510 000 euros paiera royalement 300 euros au trésor public : mes chers collègues, vous conviendrez avec moi qu'en matière de correction des inégalités fiscales, on a vu mieux.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Eckert

Vous évoquez un rapport de 400 millions d'euros, montant énorme bien entendu pour les salariés, mais qui ne représente que le tiers des sommes que vous demanderez aux mutuelles de santé puisque leur contribution à ce budget s'élèvera à 1,2 milliard. N'oublions pas, à cet égard, que l'année dernière vous aviez déjà demandé à ces mutuelles un effort de même importance. En deux ans, vous aurez demandé six fois plus à ceux qui ne peuvent plus payer leurs mutuelles de santé qu'aux hauts revenus, qui commencent à quarante fois le SMIC pour un couple de salariés.

Tout cela est sans rapport avec les correctifs qu'il faudrait apporter aux inégalités fiscales qui existent dans ce pays.

J'en viens à mon deuxième point : les banques. Après avoir estimé que les stress tests avaient donné de merveilleux résultats il y a quelques mois, aujourd'hui tout le monde s'accorde, semble-t-il, sur la nécessité de recapitaliser les banques. Comme par hasard, les banques renouent avec les bénéfices pour des raisons diverses et variées, en grande partie parce qu'elles ont reconstitué des provisions et parce que les banques de dépôt se montrent un peu plus rigoureuses dans la perception des frais auprès à leurs clients. Dans ces conditions, disons-le clairement, que ces bénéfices leur servent à se recapitaliser !

Or que constate-t-on ? Qu'un tiers de ces bénéfices, parfois plus, est redistribué sous forme de dividendes aux actionnaires. Il faut donc dissuader les banques – faute de pouvoir le leur interdire – de faire une telle utilisation de leurs bénéfices. Vous disposez d'une arme formidable pour cela : la taxation. Vous avez in fine refusé de majorer l'impôt sur les sociétés pour les banques et les organismes financiers au motif qu'alourdir leur imposition serait les pénaliser alors qu'ils ont besoin de se recapitaliser. Nous vous proposerons un amendement visant à taxer les sommes redistribuées sous forme de dividendes afin de pousser les banques à utiliser leurs bénéfices, parfois très importants, en vue de se recapitaliser.

Bien sûr, il faudra accompagner ce mouvement d'efforts en matière de régulation et de surveillance. Nous avons eu un débat hier sur le rôle de l'Autorité de contrôle prudentiel. Je maintiens, malgré vos arguments que j'ai eu l'occasion de démonter, que l'ACP doit être plus présente : au lieu de se contenter de mener des contrôles sur pièces, elle doit multiplier les contrôles sur place.

Enfin – et j'en termine, monsieur le président –, j'arrive à mon troisième point, la fameuse RGPP. Dans le cadre d'une mission parlementaire, j'ai reçu aujourd'hui des recteurs qui ont expliqué que s'ils entamaient une réunion en indiquant qu'elle était organisée dans le cadre de la mise en oeuvre de la RGPP, la confiance était rompue et rien n'en sortait. Vous avez commis des erreurs de méthode sur lesquelles nous aurons l'occasion de revenir, monsieur le ministre.

J'ai bien écouté notre collègue Michel Bouvard qui pointait les économies réalisées au titre de la RGPP. Pour cette année, elles se seraient élevées à 900 millions d'euros bruts. En réalité, une fois les retours catégoriels et autres correctifs pris en compte, ces économies ne sont, en net, que de 167 millions d'euros. Mes chers collègues, 167 millions d'euros pour 30 000 emplois supprimés dans la fonction publique, cela représente combien de classes, combien d'écoles qui ferment ? combien de services publics de proximité qui disparaissent en laissant nos territoires désertés ?

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Bouvard

La RGPP a représenté plus de 4 milliards d'économies sur la mandature !

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Eckert

Monsieur Bouvard, vous parlez de 4 milliards d'économies brutes mais vous n'avez cité aucun chiffre pour les économies nettes.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Christophe Lagarde

Je vous prie de ne pas répondre, monsieur Eckert, il vous faut conclure.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Eckert

Une simple règle de trois nous montrerait que les chiffres réels sont nettement inférieurs, à coup sûr bien inférieurs au 1,8 milliard de cadeaux sur l'ISF que vous avez faits il y a quelques mois seulement.

Debut de section - PermalienPhoto de François de Rugy

Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des finances, chers collègues, nous examinons à partir de ce soir le dernier projet de loi de finances initial de ce quinquennat. J'insiste sur le mot « initial » car nous ne savons pas encore à combien de projets de loi de finances rectificative nous aurons droit d'ici à la fin de la session parlementaire. On peut légitimement s'interroger au vu du très grand nombre de celles-ci pour la seule année 2011, la dernière ayant été discutée ici même hier soir. La veille de l'examen du budget pour 2012, on en était donc encore à débattre d'une loi de finances rectificatives pour 2011 ! Certes, on peut considérer que cette discussion était liée à un événement extérieur puisqu'elle portait sur Dexia, mais avec les lois rectificatives précédentes, le Gouvernement a passé son temps à défaire ce qu'il avait fait auparavant.

Le « meilleur » exemple reste bien sûr le bouclier fiscal, mesure phare du début du mandat de Nicolas Sarkozy, annoncée dès juillet 2007. Le Gouvernement se sera finalement rendu compte de son erreur, erreur dans laquelle il a persisté plusieurs années. Le coût moyen de cette mesure aura été de 600 millions à 700 millions d'euros par an et en 2014, date à laquelle le bouclier fiscal sera supprimé, son coût global atteindra plus de 4,5 milliards, somme qui correspond aux économies censées avoir été réalisées en année pleine au bout de cinq ans grâce au non-remplacement d'un fonctionnaire sur deux.

Voilà bien ce qui caractérise le bilan de ce quinquennat.

Un Président, se croyant en quelque sorte tout permis en matière fiscale, a joué aux apprentis sorciers en demandant au Parlement d'avaliser successivement la suppression de la taxe professionnelle, après avoir fait une annonce tonitruante qui n'était absolument pas préparée, et la baisse de la TVA dans la restauration, qui a conduit, en pleine période de déficit, à rayer de notre budget près de 3 milliards d'euros de recettes fiscales.

La réalité, c'est que ces erreurs ont eu des effets parfois dramatiques sur l'équilibre de nos finances publiques. Il faut rappeler quelques chiffres en cette heure de bilan du quinquennat. Lors de l'élection de Nicolas Sarkozy, la dette publique représentait 64,2 % du PIB et le déficit 2,7 % ; aujourd'hui, nous atteignons un record avec une dette publique à 83,3 % du PIB et un déficit à plus 7 %. En valeur absolue, rappelons que le déficit est actuellement évalué par vos services, monsieur le ministre, à plus de 95 milliards d'euros, ce qui laisse à penser que l'on frôlera les 100 milliards d'euros à la fin de l'année 2011.

Je sais que vous serez tenté, monsieur le ministre, de nous dire que c'est la crise qui explique cette situation. Mais – et nous devons le rappeler chaque fois que l'occasion nous en est donnée – les rapports de la Cour des comptes, institution on ne peut plus sérieuse, objective et neutre, sont très clairs : près des deux tiers du déficit sont structurels, ce qui correspond à près de cinq points de PIB, conséquence directe des politiques fiscales aussi injustes qu'inefficaces que vous avez mises en place depuis plus de quatre ans. Si nous n'avions pas eu à subir le poids extrêmement lourd de ces mesures successives, notre déficit serait passé d'ores et déjà sous la barre des 3 % de PIB.

Le schéma qui guide le Gouvernement en matière de finances est malheureusement assez simple : il annonce en grande pompe la mise en place d'une nouvelle mesure parée de toutes les qualités, censée résoudre tous les maux ; ensuite, il se rend compte, au mieux, que la mesure ne fonctionne pas ou, au pire, qu'elle aggrave la situation des finances de la France ; alors, soit il annule purement et simplement la mesure, comme ce fut le cas tardivement pour le bouclier fiscal, soit il la compense en allant en quelque sorte faire les poches des Français, ce qui est plus grave. C'est un véritable concours Lépine auquel le Gouvernement s'est livré, monsieur le ministre, pour inventer de nouvelles taxes.

On peut saluer l'imagination dont il a su faire preuve lorsqu'il s'est agi de s'attaquer avec tant de constance au porte-monnaie des classes moyennes : cela a été la taxe sur les factures de téléphone et d'internet, puis la taxe sur les contrats de complémentaire santé, deux fois alourdie, ensuite, cette incroyable invention de la hausse de la TVA sur les parcs à thème, plus récemment la taxe sur les sodas, auparavant, il y avait eu le relèvement de la redevance télévisuelle pour les personnes âgées à laquelle nous avons réussi à faire échec en révélant le projet aux Français. J'en passe et des pires.

En ce qui concerne les promesses restées sans effet, je voudrais insister sur la baisse de la TVA dans la restauration qui a créé une nouvelle niche fiscale totalement injustifiée et toujours aussi inefficace. En tout cas, ses effets bénéfiques pour l'économie n'ont toujours pas été démontrés. J'en veux pour preuve les propos que le Président de la République lui-même adressait au tenancier d'un café …

Debut de section - PermalienFrançois Baroin, ministre

Tenancier », non !

Debut de section - PermalienPhoto de François de Rugy

…au propriétaire d'un café, si vous préférez : « vous ne devez pas vous rappeler qui vous a accordé cette mesure mais qui vous l'enlèvera ». Il n'a pas cherché à en vanter les bénéfices pour l'économie en général et le secteur en particulier, il a simplement souligné l'importance de s'en souvenir au moment des élections. Rappelons que M. Bertrand, lorsqu'il était secrétaire général de l'UMP, n'a rien trouvé de mieux que d'envoyer des cartes d'adhésion de son parti à tous les cafetiers de France pour leur signifier qu'ils devaient se montrer reconnaissants et adhérer à l'UMP.

Debut de section - PermalienFrançois Baroin, ministre

Cela a pu vous arriver !

Debut de section - PermalienPhoto de François de Rugy

Non, je n'ai jamais envoyé de cartes pour pousser à adhérer à mon parti après qu'une mesure a été prise en faveur de telle ou telle catégorie ! Je trouve triste que l'on en soit arrivé à jouer avec les finances publiques en consacrant des sommes aussi considérables à satisfaire les intérêts de clientèles électorales.

L'an dernier, vous avez également voulu nous servir comme une grande mesure la prime de 1 000 euros. Puis l'on a pu constater que dans certaines grandes entreprises, cette prime se réduisait à 3,50 euros, cela a été rappelé récemment.

Nous pourrions encore évoquer l'exonération de cotisations sur les heures supplémentaires pour un coût de 4,5 milliards d'euros !

Plus globalement, il faut dire que vous avez accordé une attention particulière aux classes les plus privilégiés, aux plus hauts revenus, aux plus gros patrimoines. Vous avez voulu faire croire que vous reveniez sur cette politique en supprimant le bouclier fiscal mais vous avez fait un cadeau fiscal deux à trois fois plus important aux plus aisés en supprimant une grande partie de l'ISF. Pendant que vous orchestriez un faux débat autour de la taxe sur les parcs à thèmes, vous faisiez passer une mesure beaucoup plus lourde consistant en la hausse de la taxe sur les conventions d'assurance applicable aux mutuelles – j'y reviendrai par voie d'amendement pour la dénoncer encore une fois.

Bien sûr, vous essayez – séance de questions au Gouvernement après séance de questions au Gouvernement – de rejeter la responsabilité de cette situation sur d'autres, sur la crise, voire sur vos prédécesseurs – mais il faut remonter loin, maintenant, pour trouver un Gouvernement de gauche, puisque cela fait presque dix ans.

Debut de section - PermalienFrançois Baroin, ministre

Vous aviez tapé tellement fort ! (Sourires.)

Debut de section - PermalienPhoto de François de Rugy

Mais vous avez beau essayer, les Français sont écoeurés de cette politique. Ils vous ont sanctionnés, d'ailleurs : vous avez perdu cinq élections intermédiaires ! Élections municipales, européennes, régionales, cantonales, sénatoriales : ces cinq défaites électorales ne vous ont pas suffi, et vous avez continué.

Je l'avais dit en 2007 : votre politique est en réalité particulièrement perverse. Vous commencez par creuser le déficit par des cadeaux fiscaux, puis vous criez au loup : il faut, dites-vous, réduire les dépenses de protection sociale, les services publics ; enfin, le bouquet final, c'est que ceux qui ont reçu les cadeaux fiscaux pourront s'enrichir encore un peu plus grâce à ces déficits, grâce à la hausse des taux d'intérêt. Nous y sommes aujourd'hui, monsieur le ministre : les agences de notation, devant lesquelles vous vous prosterniez, viennent de vous dire que la note de la France pouvait être dégradée, c'est-à-dire que les taux d'intérêt pourraient augmenter. Ce ne sera pas perdu pour tout le monde. Ce sera perdu pour le budget de l'État et pour les Français qui devront payer ; mais certains s'enrichiront encore un peu plus, ceux qui ont de gros patrimoines et dont une partie de l'immense épargne est placée en obligations d'État.

Vous auriez pu, en cinq ans, engager une réforme fiscale. Vous en aviez le temps, et vous aviez d'ailleurs fait de grandes déclarations sur ce sujet : le Président de la République serait, disait-il lui-même, un grand réformateur. Mais vous ne l'avez pas fait ; au contraire, vous avez aggravé les inégalités du système fiscal actuel.

Nous donnons, nous, rendez-vous aux Français aux élections, présidentielle puis législatives, du printemps 2012, pour leur proposer une vraie réforme fiscale, qui fusionnera l'impôt sur le revenu, la CSG et la CRDS, et qui rétablira de la progressivité et de la justice dans notre système fiscal.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Cazeneuve

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, puisque nous abordons le dernier exercice budgétaire de la législature, vous me permettrez d'évoquer un sujet qui, dans cet hémicycle, a toujours été très consensuel : le budget de la défense nationale.

Lors de la dernière convention de l'UMP, deux esprits extraordinairement nuancés et subtils, MM. Copé et Mariton…

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Cazeneuve

…stigmatisaient la position du parti socialiste en indiquant qu'il y avait une bonne majorité, qui sanctuarisait le budget de la défense, et une mauvaise opposition, qui s'apprêtait à le sacrifier. Je voudrais donc profiter de la discussion qui nous rassemble ce soir pour essayer d'examiner la façon dont votre gouvernement a traité le budget de la défense au cours des cinq années qui viennent de s'écouler – en mesurant ce budget non pas à l'aune de ce que nous aurions souhaité faire nous-mêmes, mais à l'aune de ce que vous vous proposiez de faire à l'origine.

Je veux d'abord rappeler que le budget de la défense nationale a vu la suppression, grâce à la réforme du ministère de la défense et sur la durée de la loi de programmation militaire, de 54 000 emplois. Cela fait du ministère de la défense le meilleur élève de la révision générale des politiques publiques.

Le Président de la République, à l'occasion d'un discours prononcé porte de Versailles au mois de juillet 2008, avait énoncé les objectifs de cette réforme. Par fidélité à sa pensée – c'est d'ailleurs le meilleur moyen de juger de son action –, je voudrais rappeler quelles étaient les grandes orientations de ce discours. (Sourires.) Il nous disait que les armées n'avaient aucune raison d'échapper à l'ambition de rupture qu'il avait portée comme un slogan tout au long de la campagne présidentielle ; nous allions voir, sous sa présidence, avec lui chef des armées, à quel point la rigueur s'emparerait de la gestion des affaires de l'État en matière de défense, et à quel point les militaires s'en porteraient mieux. Il préconisait, d'ailleurs, que les économies faites par le ministère de la défense soient intégralement réinvesties au profit de ce même ministère, de manière à atteindre un objectif qui, si j'ai bonne souvenance, était à peu près : avec moi, chef des armées, vous aurez une armée plus svelte, davantage projetable et mieux équipée.

Les 54 000 emplois supprimés devaient engendrer des économies très importantes, qui permettraient d'atteindre ces objectifs.

Monsieur le ministre des finances, je voudrais savoir quel niveau ont réellement atteint ces économies.

Lorsque la réforme a été engagée, le ministre de la défense de l'époque, M. Morin, nous avait annoncé que ces 54 000 suppressions d'emploi permettraient une diminution de la masse salariale d'environ 4 milliards d'euros, ce qui – une fois comptées les mesures d'accompagnement social et les coûts de restructuration, notamment les coûts d'infrastructure – devait dégager sur la période de la loi de programmation militaire un solde net d'économies de 2,7 milliards. Cette somme devait être intégralement réinvestie dans les équipements dont nos armées ont besoin.

Au mois de juillet 2010, le successeur de M. Morin indiquait que, sur la période allant de 2008 à 2015, le niveau d'économies serait de 4,9 milliards. Il avait donc augmenté de plus de 2 milliards. Quelques mois plus tard, au mois de janvier 2011, le ministre de la défense citait le chiffre de 6,7 milliards d'euros ; cette somme devait, encore une fois, être investie pour équiper nos armées.

Je voudrais, monsieur le ministre, savoir lequel de ces chiffres est le bon. Je voudrais d'autant plus le savoir que j'ai beaucoup de mal à comprendre comment le niveau d'économies peut augmenter quand celui des recettes diminue et que celui des dépenses augmente.

Vous avez en effet décidé, l'an dernier, de taxer le budget du ministère de la défense de 3,7 milliards d'euros : vous vous en souvenez, monsieur le ministre, c'était la contribution du ministère de la défense au plan de rigueur et de réduction des déficits souhaité par le Gouvernement.

Ce ministère, meilleur élève de la révision générale des politiques publiques, qui avait consenti un effort tout à fait considérable et s'était entendu promettre toutes sortes de choses par le Président de la République, recevait donc en guise de remerciement cette décision du Gouvernement d'une taxation à hauteur de 3,7 milliards, c'est-à-dire un milliard de plus que le niveau d'économies qui pourrait résulter de la réforme. De ce fait, l'investissement dans l'équipement de nos forces des économies permises par la réforme au terme d'un effort considérable n'était plus possible.

Les ministres nous disaient alors que, certes, le Gouvernement prélevait ces 3,7 milliards d'euros, mais que ce n'était pas tragique parce que le ministère disposait de recettes exceptionnelles.

Ces recettes exceptionnelles, qui étaient évaluées à 3,4 milliards d'euros, devaient – vous vous en souvenez, monsieur le ministre – résulter de trois éléments : la vente de l'usufruit des satellites de télécommunications militaires ; la vente des emprises immobilières du ministère de la défense ; la vente des fréquences hertziennes au terme de la décision prise par l'ARCEP, l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes.

Je voudrais rappeler, monsieur le ministre, ce qu'ont été ces recettes exceptionnelles en réalité. En 2009, vous aviez prévu de réaliser 1,6 milliard d'euros de recettes exceptionnelles ; vous en avez réalisé 600 millions. En 2010, sur une prévision de 1,2 milliard, vous en avez réalisé 100 millions. Il y a donc un décalage d'à peu près 2 milliards entre le niveau des recettes exceptionnelles prévues et celui que vous avez réalisé. Et, chaque année, vous inscrivez des recettes qui ont pour épithète « exceptionnelles », et le sont même tellement que, inscrites toutes les années, elles ne sont jamais réalisées : d'exceptionnelles, elles deviennent tout à fait improbables. (Sourires.)

Enfin, le Président de la République avait promis que, à compter de 2012, il augmenterait de 1 % par an le budget d'équipement de nos forces, afin qu'il passe de 15 à 18 milliards d'euros. Mais on nous explique que ce 1 % ne sera pas donné, compte tenu de la crise à laquelle nous sommes confrontés – ce que, par ailleurs, on pourrait très bien comprendre.

Nous voyons donc un ministère de la défense qui affiche des économies supplémentaires, alors que la démonstration vient d'être faite que les recettes, elles, diminuent.

Mais, pour aller au bout de la démonstration, il faut ajouter que les dépenses, elles, augmentent. Les dépenses d'infrastructure – la Cour des comptes l'a très bien montré dans son référé de 2011 – ont augmenté de près de 124 %. Les dépenses du ministère ont augmenté du fait de la projection de nos forces sur de multiples théâtres d'opérations : on l'a vu, nous avions inscrit dans la loi de finances initiale 633 millions d'euros, et la dépense s'élèvera finalement à environ 1,2 milliard ; il faudra mobiliser la réserve interministérielle. Le financement de notre participation à l'OTAN représente un surcoût de 80 millions d'euros par an. Je pourrais aussi évoquer notre base à Abou Dabi, souhaitée mais pas inscrite au budget. Tout cela représente des dépenses supplémentaires, non prévues : les dépenses augmentent ainsi bien au-delà de ce qui avait été inscrit dans la loi de programmation militaire.

Faisons le bilan : les dépenses augmentent ; les recettes diminuent ; et, par la voix du ministre de la défense, le Gouvernement nous explique que le niveau des économies augmentera de façon très importante. Pouvez-vous, monsieur le ministre, m'expliquer cette curieuse équation ? J'avoue qu'elle dépasse mon entendement – je ne suis pas le seul dans ce cas, car certains de mes collègues de la majorité ont également un peu de mal à comprendre.

Enfin, je voudrais terminer par un sujet de préoccupation important, et qui rejoint les questions régulièrement posées par le Gouvernement, y compris d'ailleurs lorsque, à l'occasion des questions au Gouvernement, il invective tel ou tel candidat, tel ou tel responsable du parti socialiste – puisque les membres de l'opposition seraient tous, collectivement, irresponsables, tandis que vous seriez, vous, systématiquement vertueux.

Je veux parler du Balardgone, c'est-à-dire de cette idée de rassembler les états-majors à Balard. Ce n'est pas une mauvaise idée ; il n'est d'ailleurs pas exclu que ce rassemblement finisse, grâce à la mutualisation qu'il autorisera, grâce aux économies qu'il engendrera, par se révéler une bonne chose pour les affaires de l'État. Mais je voudrais simplement remarquer que l'on ne peut pas, d'une part, vouloir une règle d'or destinée à mettre de la vertu partout dans les comptes de l'État, et d'autre part mettre en place un dispositif qui conduira M. Bouygues à investir 700 millions d'euros, et l'État, au terme de vingt-sept ans de partenariat public-privé, à payer à M. Bouygues 4,2 milliards d'euros, dont 800 millions d'euros de frais financiers !

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Cazeneuve

Je cherche en vain où est l'économie pour l'État dans ce curieux montage qui comme beaucoup de PPP conduit l'État à financer une partie des profits des partenaires privés. Je voudrais que vous nous indiquiez comment vous analysez ce projet, attribué à un consortium d'entreprises sans vérification de sa conformité au plan local d'urbanisme.

Comment analysez-vous cette affaire, qui n'est sans doute pas une mauvaise affaire, mais qui mériterait d'être plus rigoureusement maîtrisée, afin que le ministère de la défense puisse vraiment faire des économies ?

On explique, à l'occasion de la convention de votre parti, que nous sacrifierions le budget de la défense quand l'actuelle majorité le garantirait. Mais la démonstration est faite que celle-ci a déjà sacrifié ce budget. Quel que soit, demain, le Gouvernement, qu'il soit l'actuel gouvernement reconduit ou un autre, la réalité budgétaire s'imposera au ministre de la défense, qui devra rendre des arbitrages douloureux. Dans le contexte contraint des finances publiques, la tentation existera toujours de faire du budget de la défense une variable d'ajustement du budget de l'État : il faudra à tout prix résister pour qu'il n'en soit pas ainsi ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Reynès

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je vais vous parler d'agriculture. Mais je ne veux pas ici tenir sur la crise de l'agriculture des propos purement incantatoires ; je voudrais plutôt me concentrer sur le problème de la main-d'oeuvre dans ce secteur crucial de notre activité économique, et plus particulièrement évoquer les conséquences désastreuses de son coût élevé pour ce secteur.

Ce diagnostic, est partagé par mes collègues du Nouveau Centre, notamment Jean Dionis du Séjour et Charles de Courson.

Les écarts de salaire sont de un à vingt au sein de l'Union européenne ; à titre d'exemple, il est de 6 euros en Allemagne, du double en France. Le constat est ravageur : l'Allemagne gagne 10 % de surface agricole utile alors que nous perdons un département chaque décennie. Ce sont les secteurs qui emploient le plus de main-d'oeuvre qui souffrent le plus ; je pense par exemple à la filière fruits et légumes.

Depuis 2004, l'emploi permanent de l'ensemble du secteur de la production agricole baisse de 2,4 % par an. Cette baisse de l'emploi agricole et la faiblesse de l'embauche de salariés permanents sont liées au poids excessif du coût de la main-d'oeuvre.

Aussi une mesure consistant à transférer une partie du financement de la protection sociale des salariés permanents vers la fiscalité permettrait-elle d'alléger le coût du travail et favoriserait l'emploi, tout en conservant un haut niveau de prestations sociales.

C'est l'une des conclusions du rapport que j'ai remis à M. le ministre de l'agriculture, à l'issue de la mission que m'avait confié le Premier ministre. C'est aussi l'esprit de l'amendement qu'a déposé Charles de Courson et qu'a validé la commission des finances : il vise à financer une exonération de charges par une taxe sur les boissons à sucres ajoutés, recette qui sera votée dans la première partie du projet de loi de finances. Pour ma part, je présenterai, dans le cadre de l'examen de la seconde partie de la loi de finances, un amendement clairement fléché en faveur des agriculteurs, qui prévoit une baisse des charges de 1 euro entre 1 SMIC et 1,1 SMIC et un abattement dégressif entre 1,1 et 1,4 SMIC.

Une fois n'est pas coutume, nous avons été plusieurs parlementaires à nous rendre en délégation à Bruxelles auprès de la Direction générale de l'emploi et de la Direction générale de l'agriculture afin de nous assurer que cet amendement ne serait pas assimilé à une aide d'État et donc entaché d'un risque d'euro-incompatibilité. Je remercie Charles de Courson, Jean Dionis du Séjour et Jacques Remiller qui m'ont accompagné dans cette démarche. Je tiens d'ailleurs à souligner l'esprit de collégialité qui a marqué nos travaux, en liaison avec les services du Premier ministre, du ministère du budget, du ministère de l'agriculture et avec le président de notre groupe, Christian Jacob.

Enfin, j'ajoute que cette mesure fait suite à un engagement du Président de la République, mais aussi du Premier ministre dans le discours qu'il a prononcé, à Saint-Malo, au congrès de la FNSEA, et du ministre de l'agriculture dans cet hémicycle.

Après l'exonération des charges pour les travailleurs saisonniers, cette mesure est très attendue par le monde agricole qui ne veut pas être payé avec des mots, comme l'a maintes fois déclaré le ministre de l'agriculture, M. Bruno Le Maire.

Monsieur le ministre, avant l'examen de la seconde partie de la loi de finances, il est nécessaire que le Gouvernement s'engage à ce que les sommes votées dans la partie recettes soient réellement affectées à la diminution des charges du travail permanent en agriculture.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Balligand

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je souhaiterais dire quelques mots sur la situation des collectivités locales. Après avoir parlé, hier soir, du financement des collectivités locales et notamment de la situation de Dexia, je souhaite aujourd'hui appeler votre attention, d'une part, sur l'inadaptation du présent budget à la situation des collectivités – et faire le point, notamment, sur les dotations et tout particulièrement sur la dotation globale de fonctionnement – et, d'autre part, sur la question de la péréquation, sujet qui me tient à coeur et qui intéresse aussi le rapporteur général.

Il faut appeler un chat un chat : 41,469 milliards de dotation globale de fonctionnement sont gelés…

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Balligand

…ce qui revient à laisser l'inflation éroder le pouvoir d'achat et réduire l'investissement public. Cette érosion ne fera que s'aggraver en 2012, alors que se profile un choc inflationniste importé par l'envolée du prix des matières premières. Ainsi, l'inflation prévue par l'OFCE en 2012 est de 1,2 %. On peut en prévoir le résultat : pour les collectivités, une crise des liquidités et une perte de pouvoir d'achat de 496,8 millions d'euros.

Le projet de loi de finances pour 2012 augmente la dotation globale de fonctionnement de 64 millions d'euros en raison des nouvelles missions qui incombent aux collectivités. Or cette augmentation de 0,2 % par rapport à 2011 ne couvre même pas l'évolution de l'indice des prix. Les collectivités territoriales auront un budget inférieur en termes réels à l'année 2011 avec des missions supplémentaires. Le Gouvernement ne vise donc qu'à prétendre indemniser les collectivités pour leurs nouvelles missions, sans leur donner les moyens d'assumer les anciennes sur les bases réelles de 2011, d'autant que, à l'article 7, la non-indexation du montant de certaines dotations de fonctionnement et d'investissement impose déjà un lourd tribut aux collectivités territoriales.

De plus, à l'article 9, l'évolution des compensations d'exonération de fiscalité directe locale privera les collectivités de 223 millions d'euros. L'État confie donc de nouvelles missions aux collectivités territoriales en leur allouant un budget de 70 millions, pendant qu'il leur prend 223 millions d'euros et laisse l'inflation amoindrir leur budget pour l'accomplissement de leurs missions traditionnelles. L'amendement que le groupe socialiste déposera vise donc à maintenir le budget des collectivités territoriales en termes réels, à missions identiques et, bien entendu, à incorporer leurs nouvelles missions.

Au total, le gel des dotations coûtera 719,8 millions d'euros aux collectivités en 2012. On peut raconter tout ce qu'on veut, voilà la facture !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Balligand

J'évoquerai à présent une question déjà abordée par la loi de finances de 2010, qui avait mis en place un dispositif de péréquation – certes imparfait – pour les régions et les départements, tout en reportant d'une année la décision concernant les communes et les intercommunalités. Mon collègue Laffineur et moi-même avons travaillé sur ce dossier avec la commission des finances. Nos collègues sénateurs ont fait de même, ainsi que les associations d'élus. Nous en sommes maintenant au stade du verdict. Le débat a tourné autour de six strates : première strate entre un et 10 000 habitants, deuxième strate entre 10 000 et 20 000 habitants, troisième strate entre 20 000 et 50 000 habitants, quatrième strate entre 50 000 et 100 000 habitants, cinquième strate entre 100 000 et 200 000 habitants, enfin sixième strate au-delà de 200 000 habitants. Cette analyse n'a fait l'objet d'aucun litige et mon propos ne pourra donc pas être taxé de sectarisme. Les maires et responsables d'agglomérations de plus de 200 000 habitants sont favorables à un scénario sans strates. Le problème, c'est que la loi de finances prévoit une pénalisation de toutes les petites et moyennes villes de France.