COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES
MISSION D'ÉVALUATION ET DE CONTRÔLE DES LOIS DE FINANCEMENT DE LA SÉCURITÉ SOCIALE
Jeudi 29 septembre 2009
La séance est ouverte à seize heures trente.
(Présidence de M. Jean Mallot et M. Pierre Morange, coprésidents de la mission)
La Mission d'évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale (MECSS) procède d'abord à l'audition de Mme Rolande Ruellan, présidente de la sixième chambre de la Cour des comptes, de M. Noël Diricq, conseiller maître, de Mme Marianne Lévy-Rosenwald, conseillère maître, et de Mme Carole Pelletier, rapporteure.
Nous entamons le cycle des auditions sur le fonctionnement de l'hôpital en accueillant Mme Rolande Ruellan, présidente de la sixième chambre de la Cour des comptes. Elle va nous exposer le détail des remarques formulées par la Cour dans son rapport annuel sur la sécurité sociale à propos de la réforme de l'hôpital et des insuffisances de nos structures hospitalières.
Nous avons parfaitement conscience que la promulgation toute récente de la loi du 21 juillet 2009 portant réforme de l'hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires va faire bouger les choses. Mais celles-ci changent tout le temps, et notre méthode aussi puisque nous avons décidé de nous intéresser à des cas particuliers avant de généraliser les conclusions que nous aurons pu tirer. Nous nous attacherons en particulier aux disparités entre établissements, sur lesquelles vous aviez déjà attiré notre attention.
Pourriez-vous tout d'abord, madame la présidente, nous présenter les principales conclusions de votre rapport sur l'organisation de l'hôpital ?
Dans le cadre du premier bilan du plan Hôpital 2007 dressé par la Cour, le volet consacré à l'organisation et à la gouvernance a mobilisé dix-huit chambres régionales des comptes autour d'un panel de trente-neuf établissements. Statistiquement, l'échantillon n'est pas représentatif, mais il est très diversifié.
Nous avons procédé en deux étapes. Avant une seconde phase plus qualitative et centrée sur des entretiens approfondis, la première, quantitative, comportait un questionnaire assez fermé, réclamant beaucoup de données chiffrées sur trois services qui pouvaient se prêter à des comparaisons en médecine, en chirurgie et en obstétrique, à savoir la pneumologie, la chirurgie orthopédique et la maternité. Tous les établissements ne disposant pas d'une comptabilité analytique en coût complet par spécialité, une vingtaine d'entre eux a pu nous transmettre le détail des coûts. En revanche, nous disposons de données descriptives pour les trente-neuf établissements.
Nous vous en fournirons la liste.
Nous sommes bien en peine de vous répondre. Tous n'en ont pas, sans compter ceux, et ils sont nombreux, qui croient en avoir une. Pour faire de la comptabilité analytique en coût complet un instrument opérationnel, il faut de vraies exigences méthodologiques et des choix d'organisation qui n'ont pas été faits partout. Le matériel existe, les référentiels existent, mais la tutelle elle-même est bien obligée d'admettre un état très sous-optimal sur le terrain. Il y a néanmoins des discussions, y compris au sein de l'univers hospitalier, sur des conventions d'instruments de répartition des coûts. Cela dit, rien n'est réglé pour l'instant.
Le ministère a mis des outils à la disposition des établissements, mais ceux-ci répugnent à s'en emparer. Ils n'ont pas toujours envie de connaître la réalité des coûts.
Il faut lui poser la question car nous n'avons obtenu que des réponses convenues.
À défaut d'être plus précis, nous sommes en mesure d'affirmer que beaucoup ne sont pas capables de dire ce que sont les coûts complets, ni de les comparer. Ce qui est vrai au niveau de l'établissement l'est a fortiori au niveau des responsables de pôle, dont on attend désormais qu'ils orientent leur activité de façon à optimiser la gestion.
Il arrive aussi que les éléments, quand ils existent, ne leur soient pas donnés. C'est un autre problème. Les pôles, de création récente, se sont mis en place tellement lentement que nous n'avons pas pu mesurer leur efficacité. Nous avons seulement constaté qu'ils n'ont pas les outils, notamment les données sur leurs propres coûts, qui leur permettraient de jouer vraiment leur rôle.
Beaucoup d'établissements sont en train d'y travailler, mais ils ne sont pas encore dans une phase de production régulière. Les chiffres arrivent avec du retard, un an souvent, et le dispositif n'est pas opérationnel. C'est la raison pour laquelle nous avons traité surtout l'année 2006. Les chiffres de 2007 n'étaient pas encore connus, du moins en comptabilité analytique.
Faute de moyens mis en oeuvre.
Dans vos comparaisons des maternités, les avez-vous distinguées en fonction de leur type – 1, 2 ou 3 –, qui dépend de la complexité croissante des actes qu'elles pratiquent ?
Oui, mais vous seriez surpris du résultat ! Le niveau le plus élevé n'est pas forcément le plus onéreux. L'obstétrique suppose une permanence des soins, c'est-à-dire des coûts fixes, qui, à moins de 300 ou 400 accouchements par an, ne peuvent pas être amortis, indépendamment de la complexité des cas traités. En outre, les établissements les mieux équipés attirent les femmes qui y préfèrent accoucher et les ratios économiques sont finalement plus favorables aux maternités de type 3.
Nous avions déjà appelé l'attention sur le fait que la population ne respecte pas le classement, si bien que les maternités de niveau 3 accueillent beaucoup d'accouchements sans problème.
C'est tout le problème des CHU qui sont aussi, et on ne voit pas pourquoi ce ne serait pas le cas, des hôpitaux de proximité. D'ailleurs, 80 % des activités des CHU sont des interventions de base qui pourraient être faites ailleurs et il arrive que certains centres hospitaliers soient au moins aussi pointus que des CHU.
Je ne comprends pas. Chez moi, à Doullens, les gens se battent pour garder leur maternité qui n'a que trois accouchements de moins que le seuil fixé. Ils n'ont aucune envie de faire quarante-cinq kilomètres pour se rendre à Amiens, mais ils y sont obligés.
Des économies sont nécessaires. Mais, si les CHU sont aussi des hôpitaux de proximité, ce dont je me réjouis, comment expliquer que 92 % d'entre eux soient en déficit ? Et que le CHU d'Amiens, l'hôpital Nord, situé dans la zone populaire, la plus peuplée, qui abrite la zone industrielle, soit déménagé en totalité loin au sud, laissant un quartier déshérité sans aucun service. On va certes construire un plateau technique remarquable mais très cher, et les hôpitaux n'ont plus le droit – je le sais car j'ai lu la note – d'exécuter des actes mineurs, comme de soigner un panaris. On envoie les gens dans le privé ! Nous sommes pourtant les derniers en matière de soins, avec le Pas-de-Calais.
C'est pourquoi la mission a décidé d'adopter une démarche de terrain, en partant d'exemples concrets comme celui qui vient d'être décrit, pour évaluer l'efficacité des mesures que nous avons votées, et qui ne sont pas toujours appliquées, sur la qualité des soins prodigués à nos concitoyens. Nous examinons un cas particulier, le centre hospitalier de Poissy-Saint-Germain-en-Laye, qui est l'hôpital le plus déficitaire de France avec 150 millions d'euros de déficit cumulé, pour comprendre les raisons – d'ordre sanitaire, financier ou législatif – pour lesquelles il en est arrivé là. Il devrait y avoir dans les hôpitaux, en vertu de l'article R. 6145-7 du code de la santé publique, une comptabilité analytique permettant de savoir si l'argent des Français est bien utilisé et si l'égal accès aux soins est une réalité dans nos territoires.
Le premier président de la Cour des comptes a confié à la Commission des affaires sociales avoir constaté que, sur la trentaine d'établissements étudiés, le coût des mêmes actes se situait dans un rapport allant de 1 à 10. Nous sommes ici pour comprendre les raisons d'un tel écart.
Je voudrais que la mission prenne connaissance du rapport de la chambre régionale des comptes de Picardie sur le CHU d'Amiens, que j'ai remis à la ministre et qui conclut que le projet le concernant est idiot.
La Cour met en doute la pertinence de la comptabilité analytique dans les établissements contrôlés. Ne craignez-vous pas que ses arguments ne servent à mettre en cause, d'une part, la tarification à l'activité que l'on cherche à mettre en place et qui repose largement sur ce concept ; d'autre part, les résultats de votre étude dont vous dites vous-même que l'échantillon n'est pas représentatif – et ce malgré l'amplitude manifestement significative des résultats ? Dans quels domaines vos conclusions sont-elles incontestables et peuvent-elles servir à étayer des propositions ou des travaux ultérieurs ?
Nous nous heurtons typiquement à un problème d'application des textes. Ce n'est pas la peine de multiplier les lois sur l'organisation de l'hôpital. Il faut absolument, sur le plan local, une autorité, peut-être l'agence régionale de santé, qui ait suffisamment de pouvoir pour obliger les établissements à mettre en place le fonctionnement le plus efficient possible, ce qui suppose d'avoir des éléments de comparaison. Autrefois, les établissements vivaient en bunker, en invoquant leurs différences. Maintenant, on dispose d'outils. La Mission nationale d'expertise et d'audit hospitaliers (MEAH) a beaucoup travaillé, et nous regrettons que les établissements ne s'appuient pas sur les bonnes pratiques qu'elle a définies pour permettre des évolutions. Certaines recettes sont simples, reposant sur le savoir-faire des équipes administratives et médicales sur le terrain. Nous n'avons pas pour autant la prétention de procéder à des audits d'organisation. Cela étant, vous avez raison, l'amplitude des écarts révèle des problèmes, d'autant que nous avons précisément choisi des disciplines relativement homogènes.
Le message essentiel de notre étude est qu'il y a des efforts à faire partout, y compris à l'intérieur d'un même établissement. Les hôpitaux fonctionnent toujours par service. Le chef de service fait la pluie et le beau temps et, s'il est « propriétaire » de ses infirmières, il n'ira pas les donner au service d'à côté même si ce dernier en manque. Les ratios de personnel – médical ou non médical – d'un service à l'autre révèlent des écarts considérables. Même si les personnels ne sont pas interchangeables, il y a un problème de gouvernance et de management : la coopération entre médecins et la direction doit être améliorée pour favoriser une approche médico-économique. Nous nous sommes efforcés d'être concrets et de donner des chiffres. Et nos résultats ont confirmé ce que tout le monde sait intuitivement. Cela étant, certains établissements n'ont pas apprécié d'être pointés du doigt, en particulier les CHU de Lille et de Lyon.
Les chiffres qui figurent dans le rapport ne sont pas contestés, soit que la comptabilité analytique soit fiable, soit que les données soient disponibles par ailleurs. Rien de ce qui figure n'a échappé à la contradiction des établissements. Mais certains acteurs du milieu hospitalier tirent prétexte de l'insuffisance actuelle des statistiques pour ne pas se préoccuper des coûts. Un tel comportement n'est pas responsable car, aussi imparfaits que soient les indicateurs, les écarts qu'ils révèlent sont suffisants pour entamer des actions. Il y a désormais moyen de repérer son positionnement relatif, même si nous n'avons pas la précision de l'horlogerie suisse. L'inertie ne saurait se justifier.
Une des conséquences de la T2A ne serait-elle pas, paradoxalement, le transfert d'activités dites moins rentables des hôpitaux de niveau inférieur aux hôpitaux de niveau plus élevé ? Cela pourrait expliquer partiellement que 80 % de l'activité des CHU soit celle d'un hôpital général. Il y a vingt ans, dans le Pas-de-Calais, les polytraumatisés étaient opérés dans les hôpitaux périphériques ; ils sont désormais systématiquement envoyés au CHU de Lille, bien qu'il y ait un chirurgien viscéral et un chirurgien orthopédique dans chaque hôpital périphérique. La T2A n'incite-t-elle pas les établissements à se défausser des activités très lourdes ou peu rentables ? Par ailleurs, les hôpitaux publics situés près de cliniques privées ont-ils une structure de coûts comparable à un hôpital isolé ?
Les établissements privés se spécialisent dans certaines interventions, en particulier la chirurgie programmée, moins exigeantes en organisation et en personnel, tandis que l'hôpital public a une responsabilité de service public et doit offrir une gamme de services plus vaste. Il est très difficile de raisonner globalement mais, au sein d'un même bassin, la concurrence est de mise dans un premier temps. Il est arrivé à des ARH de favoriser des cliniques privées quand elles étaient meilleures que l'hôpital public car il n'y a pas de raison de faire coexister et se concurrencer des structures distantes de quelques kilomètres : c'est la complémentarité qui doit prévaloir ! Certaines cliniques privées ne se limitent pas à la cataracte et à la pose de pacemakers, et elles peuvent tuer l'hôpital public quand il n'est pas performant. Dans le Sud, là où la densité médicale est forte, à Nice ou même à Marseille, il se fait tailler des croupières. Toutefois, globalement, l'hôpital public a réussi à augmenter son activité durant les dernières années.
La tarification des groupes homogènes de séjours (GHS), se fonde sur les coûts moyens de l'échelle nationale des coûts. Un établissement fait donc chuter le coût unitaire en augmentant le nombre d'actes pratiqués, ce qui conduit à la spécialisation. Les établissements ont donc intérêt à réduire leur offre de GHS puisqu'on ne peut pas les rémunérer autrement qu'au coût moyen.
Notre enquête sur l'insertion de la T2A a mis aussi en évidence l'extrême difficulté qu'il y a à établir un lien entre les coûts et les tarifs. Pour réduire les écarts, il faudrait sans doute mieux faire correspondre le mode de calcul de certains tarifs aux coûts des hôpitaux. Ainsi, un même acte pratiqué dans un CHU coûte souvent plus cher que dans un centre hospitalier, parce qu'il a une gamme d'activités plus vaste.
Par ailleurs, il faudrait encore mieux distinguer les missions qui sont toujours financées par dotation, pour centrer la tarification à l'activité sur des soins qui soient comparables d'un établissement à l'autre. L'Institut de recherche et documentation en économie de la santé a publié une étude fondée sur des comparaisons internationales qui montre que la T2A doit être un processus continu d'adaptation. Cela étant, comme il faut inciter les hôpitaux à réaliser des économies, il vaudrait mieux éviter d'encourager ceux qui ont des coûts corrects à remonter au niveau d'un coût moyen qui serait tiré vers le haut par d'autres. La tâche est compliquée. Nous avons essayé cette année de démythifier la T2A, mais il reste beaucoup à faire pour connaître ses effets pervers, mais aussi bénéfiques.
Nous n'avons pas encore basculé entièrement dans la T2A, nous restons partiellement dans le forfaitaire, et nous n'avons pas d'éléments de comparaison. Dans ces conditions, comment mesurer l'efficience d'un établissement hospitalier ?
Dans l'absolu, on ne sait pas comment faire. On ne peut procéder que par comparaison, en tenant compte de l'environnement propre et de la patientèle, pour déterminer si un établissement a des progrès à faire. Il reste aussi la qualité des soins que nous n'avons pas examinée. Nous avons considéré qu'une meilleure organisation et un meilleur fonctionnement vont forcément dans le sens de la qualité des soins, mais cela reste à démontrer.
Un indice est très révélateur des difficultés rencontrées : l'évolution de la part forfaitaire. Rien ne prouve qu'elle va baisser. On tâtonne et on ajuste – le ministère ne sait pas tout –, en fonction des circonstances. On lâche périodiquement, sous des motifs divers, des enveloppes complémentaires, et il n'est pas exclu que le système doive vivre durablement avec une partie des financements fondés sur une approximation des coûts et une autre sous forme de provisions.
Il y a plusieurs types de part forfaitaire. Si les missions d'études, de recherche, de recours et d'innovation, et, au sein des MIGAC, les « missions d'intérêt général » sont de mieux en mieux cadrées, la partie « aide à la contractualisation » reste une « boîte noire ». Les fonds qui devaient financer l'investissement financent en réalité des rallonges pour garder péniblement les hôpitaux la tête hors de l'eau. C'est cette partie qui pollue la logique de la T2A. Le remède a sans doute été trop violent compte tenu de la capacité d'adaptation des établissements. Objectivement, ils n'ont réussi ni à se restructurer avec leurs voisins, ni à se réorganiser en interne pour absorber le choc, si bien qu'ils obtiennent des rallonges – surtout les CHU qui sont tous en déficit. Une des causes tient certainement à l'appréciation de la répartition de leurs activités. Mais les aides à la contractualisation qui viennent des ARH – lesquelles ont constitué une cagnotte pour les mauvais jours –, ainsi que de la direction de l'hospitalisation et de l'organisation des soins (DHOS) n'encouragent pas les établissements à faire des progrès car personne ne semble se préoccuper que les contreparties demandées aux établissements ne soient pas au rendez-vous.
De nombreuses dispositions ne sont pas appliquées. En vous fondant sur votre rapport, quelle hiérarchie établissez-vous entre elles et quelles sont celles qu'il faudrait impérativement mettre en oeuvre ?
Il faudrait commencer par améliorer la connaissance du système par les ARH-ARS. C'est un problème de volonté car les outils existent. Le préfet, quand il était chargé de noter un directeur d'hôpital, se fondait avant tout sur le maintien de la paix sociale. Cela explique sans doute la difficulté à réformer l'hôpital. Il faut commencer par mettre en place une comptabilité analytique fine. Je vous renvoie à notre rapport : « intégrer un calendrier de déploiement d'une comptabilité analytique pertinente, des tableaux de bord associés, […] faire une analyse des secteurs d'activité présentant des surcoûts pour corriger les dysfonctionnements et réduire les écarts de productivité, donner aux responsables de pôle les outils de connaissance sur leur activité et les compétences appropriées ». On est là dans la gouvernance au quotidien, qui est de la responsabilité des directeurs ou du directoire. Mais cela passe par une parfaite entente entre médecins et administratifs, et c'est tout le problème.
Je siège au conseil d'administration du CHU d'Amiens. Le directeur a appliqué la T2A et il a réduit tous les coûts, mais au prix de 200 licenciements. On fait aussi des économies de bout de chandelle sur les produits d'entretien. Les économies, le directeur en a fait. Le résultat ? Le CHU est encore plus endetté et les gens plus mal soignés. Ce n'est pas moi qui le dis : c'est la Chambre régionale des comptes dans son rapport !
La convergence entre les tarifs du public et du privé, principe maintes fois rappelé dans le PLFSS, doit, selon la ministre, être repoussée jusqu'en 2018. Qu'en pensez-vous ?
Il y a trois ans, nous avions déjà émis des doutes sur sa faisabilité dans des délais restreints. Cette année, nous avons dit prudemment que la clarification des MIGAC permettait de mieux faire la part entre les dotations qui s'adressent surtout au secteur public et la tarification à l'activité, donc de mieux rémunérer les deux secteurs en fonction de leurs activités respectives. Les tarifs des GHS pourraient théoriquement être les mêmes si les urgences, la prise en charge de la population précaire ou les activités d'enseignement étaient isolées. Dans le même temps, nous sommes passés de 950 à 2 500 GHS, en principe pour mieux cerner les activités. Mais il semblerait – il est trop tôt pour en faire la démonstration –, que cette nouvelle classification ne soit pas du tout favorable aux CHU car, finalement, 80 % de leurs actes ne sont pas si difficiles. Néanmoins, la sophistication de la grille, sans aller trop loin non plus, permettra également de mieux tenir compte de la réalité des actes dispensés à l'intérieur d'un même secteur et entre les deux secteurs.
En revanche, la question de la rémunération des médecins se posera toujours. On peut imaginer que les tarifs convergent sans se rejoindre, mais on bute sur un problème d'affichage dans la mesure où, à l'hôpital, les prix sont « tout compris », mais pas dans les cliniques. Il nous semble raisonnable d'avoir repoussé l'échéance de façon à continuer d'améliorer la connaissance des coûts dans chacun des deux secteurs. Maintenant, les cliniques privées sont dans l'échelle nationale de coûts commune, mais subsiste la difficulté de la rémunération des médecins. La démarche de la convergence aura au moins le mérite de pousser à la connaissance des coûts de part et d'autre, de sorte que des actes identiques donnent lieu à une rémunération identique. Cela dit, il y aura toujours des différences d'activité entre les deux secteurs, qui légitimeront un financement par dotation du secteur public.
Nous avons dit aussi qu'il fallait faire une pause. Les établissements hospitaliers n'en peuvent plus d'être soumis chaque année à une évolution des modalités de tarification, qui leur sont transmises en avril ou en mai. La DHOS n'a pas trop apprécié, mais nous recommandons une pause de trois ans, ne serait-ce que pour laisser le temps de voir clair sur les effets du système actuel.
Avez-vous des éléments concernant la gestion du personnel, qu'il s'agisse des effectifs, de la gestion des carrières ou des conditions de travail, notamment ?
Nous avons travaillé l'année dernière sur les personnels médico-hospitaliers, mais nous ne sommes pas allés au-delà. La qualité des équipes est essentielle dans le fonctionnement d'un établissement et vous pourriez interroger la DHOS sur la nomination des directeurs. Nous avons été surpris de voir nommer à la tête d'un CHU le directeur d'un établissement qui avait connu de graves difficultés. Et les résultats ne se sont pas fait attendre. Il faudrait se pencher aussi sur la formation des directeurs qui sont, nous dit-on, d'une très grande hétérogénéité.
Au-delà des considérations individuelles, le directeur d'hôpital est au centre de pressions multiples et très fortes : de l'élu local qui est à la tête du conseil d'administration, des représentants syndicaux du personnel, des médecins qui sont très actifs, de la tutelle, enfin. Nous avons le sentiment que c'est souvent celui qui presse le plus fort qui emporte la décision. Le talent personnel intervient aussi, mais le métier est difficile, parce que les pressions, d'origines différentes, sont toujours intenses dans un contexte de réformes très importantes ces dernières années. Enfin, la T2A correspond à une réallocation d'enveloppe. Elle a donc fait des gagnants et des perdants. C'est cet ensemble de paramètres qui fait qu'un directeur réussit plus ou moins.
La loi du 21 juillet 2009 portant réforme de l'hôpital et relatif aux patients, à la santé et aux territoires va-t-elle modifier les choses ?
La personnalité du nouveau président du conseil de surveillance sera décisive. Il aura peut-être toujours pour premier souci l'emploi dans sa commune, mais ce ne sera pas toujours le maire.
La loi renforcera les pouvoirs du directeur, mais les pressions, elles, persisteront.
Le directeur aura plus de pouvoirs, mais il aura ipso facto plus de pressions puisqu'il ne pourra même plus équilibrer les pouvoirs entre eux en les utilisant : il sera seul. Que dire des autres personnels ?
Vous n'attendiez pas de la Cour qu'elle conclue qu'il faudrait augmenter le personnel à l'hôpital ! La répartition est mauvaise : les gens ne sont pas là où ils devraient être, au bon moment. Par ailleurs, l'absentéisme est en augmentation, ce qui désorganise le fonctionnement de l'hôpital et entraîne des coûts supplémentaires. Quand on se déplace dans les hôpitaux, on est toujours frappé de constater qu'il y a des services qui vivent tranquillement tandis que d'autres sont complètement débordés. Comment faire pour changer petit à petit cette situation ? C'est une question de management interne. Pour les médecins, c'est très compliqué. Les stratégies de recrutement des responsables médicaux expliquent pas mal de choses, mais on ne comprend pas très bien pourquoi les personnels non médicaux ne sont pas mieux répartis.
On est aussi frappé par le faible niveau d'activité d'un certain nombre de praticiens. En chirurgie, quand on fait la moyenne, on s'aperçoit qu'il n'y a pas une intervention par semaine et par praticien.
Notre moyenne tournait à autant d'interventions par chirurgien dans une année que de jours ouvrables, ce qui n'est tout de même pas beaucoup. Il est probable que ce chiffre dissimule des cas où le nombre tombe à zéro, même si les chirurgiens en question comptent toujours dans les effectifs rémunérés. Cela plombe la moyenne.
Bien qu'elle soit devenue extrêmement administrée, la gestion de personnel manque d'efficacité. Ce qu'on appelait autrefois les « surveillantes », et qui étaient les bras droits des chefs de service, font dorénavant partie du personnel administratif. La chape de plomb administrative sur les personnels paramédicaux est de plus en plus prégnante. Dans un souci d'efficacité, on a enlevé aux cadres infirmiers qui géraient les services leur fonction de soignant, mais sans amélioration notable du service, pour dire le moins. La perte de relation aux soins n'est pas opportune.
On espère que les pôles favoriseront une plus grande mutualisation, même si les infirmières ne sont pas interchangeables à l'infini. Mutualiser un peu plus permettrait de limiter le recours à l'intérim et d'améliorer le fonctionnement global de l'établissement. Mais, à l'hôpital, il est extrêmement difficile d'obtenir l'acceptation des personnels.
Même en descendant au niveau du service, il est difficile d'appréhender l'écart entre les effectifs moyens et la situation au quotidien. Les plannings sont établis au moins un mois à l'avance, à partir d'une activité moyenne, sans rapport avec celle réalisée. Et si la première est supérieure à la seconde, les effectifs surdimensionnés manqueront au moment des pointes saisonnières. À cela s'ajoute un absentéisme croissant. On s'aperçoit en arrivant qu'il manque une ou deux infirmières dans le service, et il faut s'en accommoder. Les écarts entre les effectifs prévus et les effectifs présents sont extrêmement variables, et très difficiles à vivre sur le terrain. Les personnels ont l'impression que le nombre des présents n'est jamais le bon. C'est aussi une source de désorganisation et de stress. On demande à la dernière minute à ceux qui sont là de rester. Beaucoup de cadres de santé passent la matinée à gérer le planning. Là où l'on tente de réduire leur nombre, ils s'occupent de plusieurs services et passent leur temps à courir pour trouver un remplaçant, en intérim, à l'intérieur de l'hôpital, à l'intérieur du pôle, à l'intérieur du service. Il y a une perte d'énergie considérable dans la gestion de la variabilité.
L'absentéisme est un vrai sujet. Les cadres ont de plus en plus de mal à trouver des remplaçants au dernier moment parce que les personnels désignés ne répondent plus : les portables sont éteints.
Par souci de gestion, certains établissements ont supprimé les pools destinés à parer aux absences imprévues. Résultat : ils sont pris au dépourvu.
S'agissant des autres dépenses telles que les transports sanitaires, le nettoyage ou les passations de marché, avez-vous pu établir un standard et faire des comparaisons ?
En ce qui concerne le coût de l'entretien, le groupe d'Angers pour l'amélioration de la comptabilité analytique hospitalière a calculé une unité d'oeuvre à partir d'échantillons représentatifs et les résultats sont publics. Quand un établissement est déficitaire, son premier réflexe est de faire des économies sur ces postes parce que c'est moins douloureux et même si, en tout état de cause, c'est insuffisant. Les groupements d'achat régionaux se sont aussi développés, en Île-de-France notamment, pour essayer d'acheter moins cher. Les comparaisons commencent à être possibles.
Il y a un poste dont la progression est particulièrement redoutable : les médicaments coûteux. Jusqu'à présent, les hôpitaux s'y sont d'autant moins intéressés que la liste « en sus » des médicaments financés hors GHS ne les incitait pas à le faire. Le mécanisme de régulation en est à ses débuts, et il doit faire ses preuves. L'enjeu n'est rien de moins qu'un point d'ONDAM.
Le rapport de la MECSS sur le médicament soulignait que l'augmentation de la dépense pharmaceutique était largement liée à la prise en charge complète des molécules onéreuses délivrées à l'hôpital. La mise en oeuvre du dispositif de 2004 n'en est que plus urgente.
Avez-vous eu l'occasion d'examiner des fusions entre établissements ? Et, si oui, à quoi ont-elles abouti ?
Nous n'avons travaillé que sur l'organisation. En 2002, nous avions conclu que les économies viendraient en priorité d'une réorganisation interne, plutôt que des fusions. L'une n'empêche pas les autres, mais celles-ci ont leurs limites.
Dans les fusions, on trouve de tout. Je vous citerai deux cas, aux antipodes l'un de l'autre. La fusion des établissements de Belfort et de Montbéliard a abouti à une stricte duplication de tout, sauf du poste de directeur ! Mais le poste de président alterne tous les ans entre les deux villes. En revanche, le Centre hospitalier intercommunal Loire-Vendée-Océan semble avoir réparti astucieusement les activités – médecine, chirurgie et obstétrique (MCO) d'un côté, et soins de longue durée de l'autre –, et enclenché un cercle vertueux d'économies.
Le sud de l'Île-de-France a quelques années d'avance sur Poissy-Saint-Germain. Il existe aussi un autre cas de figure qui peut être intéressant : le projet médical de territoire entre Meaux, Lagny et Coulommiers visant à répartir les services entre les trois établissements qui conserveront leur autonomie. Indépendamment de notre enquête, vous pouvez vous référer aux rapports des chambres régionales des comptes.
Il faut faire preuve de patience et de persévérance car certaines opérations mettent du temps avant de produire leurs fruits. Elles doivent impérativement être bordées juridiquement car, pour les ARH, elles sont source de contentieux, les établissements que l'on oblige à se marier ou à abandonner une activité exploitant la moindre faille juridique. Et, si le tribunal administratif prononce une annulation, il faut tout reprendre de zéro. Une telle perspective peut expliquer une certaine frilosité.
Il existe quelques mariages heureux, par exemple celui qui unit la clinique Bois-Bernard et l'hôpital de Lens. Alors, il vaudrait mieux éviter de détruire ce qui marche bien, surtout entre secteur public et secteur privé !
Nous voulons seulement comprendre avant de faire des préconisations. Et nous avons du chemin à faire.
Nous vous remercions, mesdames, monsieur, d'avoir répondu longuement à nos questions.
La Mission d'évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale (MECSS) procède ensuite à l'audition de M. Jean-Yves Bertucci, président de la chambre régionale des comptes d'Île-de-France, et de Mme Sylvie Boutereau-Tichet, conseillère référendaire à la Cour des comptes.
Je vous souhaite la bienvenue, madame, monsieur, à la MECSS de l'Assemblée nationale.
Nous nous intéressons aujourd'hui au fonctionnement interne de l'hôpital en nous efforçant en particulier d'évaluer l'efficience de notre arsenal législatif et règlementaire à partir des expériences qui nous reviennent du terrain mais, également, du rapport de la Cour des comptes – dont nous avons eu récemment l'occasion d'entendre le Premier président en Commission des affaires sociales – qui consacre un chapitre important à cette question. Nous sollicitons votre expertise afin que vous déterminiez des axes de réflexions et d'éventuelles mesures pragmatiques permettant de remédier aux dysfonctionnements qui se font jour, en particulier à partir des conclusions du contrôle que vous avez effectué à l'hôpital de Poissy-Saint-Germain-en-Laye.
M. Jean Mallot, coprésident et rapporteur, mais également M. Dominique Tian, chargé du rapport de la mission relative au croisement des fichiers permettant de lutter contre les fraudes sociales collectives ou individuelles, seront bien entendu particulièrement attentifs à vos propos.
Pourriez-vous rappeler les principales conclusions de vos travaux concernant le centre hospitalier de Poissy-Saint-Germain ?
Je vous remercie de votre accueil.
Nous avons effectué un contrôle dit « organique » du centre hospitalier de Poissy-Saint-Germain-en-Laye en ce sens qu'il tend à l'établissement d'un diagnostic global sur la gestion financière et organisationnelle de l'établissement. La chambre régionale des comptes d'Île-de-France, sans avoir besoin d'être saisie par une autorité extérieure – comme le fait parfois l'ARH –, procède périodiquement à ce type de contrôle des hôpitaux de l'AP-HP ainsi que des autres centres, les contrôles concernant les premiers étant thématiques, ceux des seconds procédant par « roulements » qui, en quatre années environ, permettent d'opérer les vérifications qui s'imposent sur l'ensemble d'une zone. Dès lors que le président de la chambre a programmé un contrôle, il désigne un rapporteur – en l'occurrence, Mme Boutereau-Tichet – et ce contrôle suit une procédure assez longue car contradictoire : dans le cas d'espèce, elle a duré plus d'un an, la période d'instruction au sens strict s'étant étendue quant à elle sur quelques mois seulement. Je précise que ces contrôles ne sont pas nécessairement liés à ceux de la Cour des comptes ou d'autres chambres régionales même si, depuis plusieurs années, la plupart des démarches sont concertées dans le cadre d'un groupe « hospitalier » comprenant des magistrats de la sixième chambre de la Cour des comptes ainsi que des magistrats des chambres régionales spécialisés dans les questions hospitalières. C'est cette structure qui décide des sujets d'enquêtes menées sur le plan national, lesquels peuvent être éventuellement traités au sein du rapport annuel sur la loi de financement de la sécurité sociale, par exemple ; elle réalise les synthèses qui aboutissent à des conclusions et à des recommandations générales.
J'ajoute, enfin, que le contrôle des établissements hospitaliers mobilise l'une des huit sections de la chambre que j'ai l'honneur de présider, celle-ci comprenant cent cinquante personnes, dont une cinquantaine de magistrats – de quatre à six d'entre eux étant affectés à cette section, ce qui n'est pas considérable compte tenu des masses financières en jeu.
Le centre hospitalier intercommunal de Poissy-Saint-Germain-en-Laye (CHIPS) est né en 1997 de la fusion de deux établissements que séparaient sept kilomètres à peine. Si leurs activités médicales étaient comparables, il n'en allait pas de même de leurs cultures puisque les médecins exerçant à Saint-Germain-en-Laye travaillaient principalement à temps partiel, ceux de Poissy exerçant pour la plupart sous convention universitaire et bénéficiant donc d'un statut de professeurs des universités-praticiens hospitaliers (PUPH).
Ce contrôle, effectué à la fin de 2007 et au début de 2008, a montré qu'en dépit de réels efforts organisationnels, de nombreux doublons n'en subsistent pas moins en raison notamment du statut un peu particulier du CHIPS qui l'apparente aux CHU – dont nous connaissons par ailleurs les difficultés financières.
Avec un budget de 260 millions – dont 240 pour la médecine, la chirurgie et l'obstétrique –, plus de 300 médecins et 3 000 équivalents temps plein (ETP) non médicaux, le CHIPS est le deuxième établissement hospitalier d'Île-de-France. En 2006 et 2007, les déficits se sont élevés à 26 ou 27 millions en raison de l'apurement de reports de charges – à l'instar de nombreux établissements hospitaliers, le CHIPS s'est en effet exonéré de la taxe sur les salaires à partir de 2002. Bien qu'il ait également bénéficié de crédits exceptionnels, son déficit n'en demeure pas moins en moyenne de 30 millions, preuve que les difficultés rencontrées sont structurelles. Ses activités, quant à elles, ont certes crû, mais nous manquons d'instruments permettant de procéder à un certain nombre de comparaisons qui seraient pourtant utiles.
Avez-vous utilisé les outils de la Mission nationale d'expertise et d'audit hospitaliers (MEAH) ?
J'ai consulté les travaux de la mission, certes, mais ils concernent des thèmes bien particuliers comme, par exemple, les blocs opératoires.
Utilisez-vous la grille de lecture qu'elle propose s'agissant des ratios de personnels en fonction des activités, cette grille pouvant d'ailleurs constituer un outil pédagogique utile pour le rétablissement de l'équilibre financier ?
Nous avons en quelque sorte constitué une « bases de données » publiques notamment à partir de celles fournies par la Statistique annuelle des établissements de santé (SAE) et la MEAH, mais également à partir des comptes des hôpitaux d'Île-de-France dont nous disposons.
Il n'en reste pas moins que, compte tenu du nombre de doublons et de l'importance des personnels médicaux et non médicaux, les coûts du CHIPS sont plus élevés que ceux des établissements comparables.
On y dénombre environ 1,5 fois plus de personnels que dans d'autres établissements non universitaires comparables en province.
Même si le nombre de publications scientifiques n'est pas comparable, le CHIPS dispose en effet d'une centaine d'internes qui doivent être formés. Mais une question se pose : ces derniers lui coûtent-ils ou lui rapportent-ils de l'argent ?
Pourquoi ces doublons subsistent-ils alors que la fusion visait précisément à rationaliser la gestion et que tous les établissements sont loin d'être dans le même cas ?
Outre que, par exemple, la fusion des centres de Corbeil et d'Évry s'est également mal passée, la gestion de nouveaux bâtiments et des différences culturelles entre établissements ne va pas du tout de soi. Je précise, de surcroît, que des progrès certains ont été accomplis puisque les services de pédiatrie ou de cardiologie, par exemple, ont été regroupés. Enfin, il faut tenir compte des réticences des médecins ou des politiques, la fusion ayant parfois été vécue comme un simple transfert, à Poissy, des activités considérées comme les plus « nobles ».
Les caractéristiques de la fusion n'avaient donc été ni annoncées ni acceptées par l'ensemble des personnels ?
Qu'elles n'aient pas été acceptées, c'est certain, mais j'ignore quelle est la procédure qui a été suivie en 1997.
Il s'agit en l'occurrence d'une fusion administrative donnant lieu à la création d'un établissement unique.
L'Hôpital Nord, à Amiens, a pourtant bel et bien été « liquidé », la chambre régionale des comptes de Picardie ayant d'ailleurs fait état dans son rapport de l'imbécillité – pour ne pas dire plus – de cette décision. Vous connaissez ce texte ?
J'ai certes présidé cette chambre, mais c'était il y a plus de dix ans. Sans doute faites-vous allusion à un travail beaucoup plus récent.
Vous connaissez tout de même le projet dont il est question, ce qui vous permettra sans aucun doute de vous livrer à d'utiles comparaisons entre la fusion administrative et ce que l'on pourrait appeler la « fusion par démolition ».
La fusion qui nous préoccupe devrait en tout cas se matérialiser par la construction d'un troisième hôpital.
Il sera en effet à Chambourcy et aura une vocation universitaire.
Le déficit structurel annuel s'élève donc à une trentaine de millions.
Le déficit cumulé du CHIPS pendant les six dernières années, monsieur Gremetz, s'élève à 150 millions. Par ailleurs, quels que soient les chiffres, je rappelle tout de même que c'est de la santé des Français qu'il est question.
Ce déficit s'explique-t-il uniquement par le nombre important de personnels auquel vous avez fait allusion ?
Il convient également d'examiner le mode d'organisation des séjours hospitaliers : si la mise en place de la T2A incite les hôpitaux à « faire de l'activité » et à éviter de trop longs séjours – comme en atteste d'ailleurs l'étude réalisée en 2006 par le directeur du département de l'information médicale (DIM) du CHIPS –, il n'en demeure pas moins que l'on peut s'interroger sur les trop longs séjours : sont-ils dus à des pathologies lourdes ou à une mauvaise organisation ? Cibler les séjours qui dépassent d'une journée la moyenne de ceux qui ont permis d'élaborer les tarifs permet ainsi de mettre en évidence les dysfonctionnements, lesquels concernent essentiellement la chirurgie. En dépit des progrès indubitablement réalisés, il devrait donc être encore possible d'améliorer le système.
Peut-on distinguer les secteurs dans lesquels les sureffectifs des personnels non médicaux sont financièrement les plus pénalisants ?
Par ailleurs, comment expliquez-vous le taux de fuite des patients du bassin de vie de Poissy-Saint-Germain-en-Laye vers d'autres établissements hospitaliers ?
Enfin, il semble que la collecte des recettes soit insuffisante : en effet, en l'absence de présentation de facture, un certain nombre de patients ne paient pas les consultations ou les hospitalisations. Les sommes en jeu sont loin d'être négligeables !
Faute d'un référentiel précis, je ne peux répondre à votre première question, à moins de considérer que les situations diffèrent sans doute en fonction de la structure des établissements.
S'agissant du taux de fuite, la concurrence s'exerce fortement dans ce territoire tant l'offre de soins est importante dans les secteurs public – avec l'AP-HP – ou privé.
Il est bien plus élevé dans d'autres secteurs.
Les contrôles le permettent, en effet.
J'ajoute que cet hôpital a plutôt bonne presse.
Il est hors de question, cela va de soi, de faire le procès du CHIPS, dont nous connaissons la compétence et le dévouement des personnels : il s'agit, dans un esprit pédagogique, de comprendre sa situation financière compte tenu de ses objectifs, de la qualité de ses résultats et du plan de retour à l'équilibre financier (PREF) qui a été mis en oeuvre.
Les deux établissements, je le répète, étaient géographiquement très proches et se faisaient concurrence – d'où la nécessité de réaliser des économies.
Je précise à M. Gremetz que c'est le député auquel j'ai succédé qui a pris la décision de la fusion, ce qui me rend d'autant plus libre pour en parler.
Enfin, si le non-recouvrement des recettes ne concerne pas le seul CHIPS, il n'en demeure pas moins vrai que des consultations ou des actes externes peuvent « passer à la trappe », à la différence des séjours hospitaliers.
Jusqu'à une période récente, la facturation ou la non-facturation de ce type d'acte ne modifiait pas sensiblement les comptes des hôpitaux, ces derniers étant financés par des dotations globales.
Ce dernier relève bien entendu du séjour à hôpital, même si des problèmes de recouvrement peuvent également se poser.
Disposez-vous de statistiques ?
Je précise que, dans le secteur privé, une clinique serait contrainte de défalquer de son budget les éventuels impayés.
La chambre régionale des comptes d'Île-de-France aurait tout intérêt à évaluer leur ampleur.
En ce qui concerne plus précisément le CHIPS, je note que des problèmes de saisies informatiques et de disque dur se sont posés lors de la collecte.
Ils s'expliquent par un changement de logiciel, comme ce fut d'ailleurs le cas à l'hôpital de Lagny, mais la situation est aujourd'hui rétablie.
J'insiste : il convient de distinguer entre les séjours hospitaliers, facturés – fût-ce mal, les services financiers des hôpitaux éprouvant parfois des difficultés pour connaître l'étendue des droits ouverts pour leurs patients – et les actes ou consultations externes.
La question des étrangers en situation irrégulière se pose également.
En particulier en Seine-Saint-Denis et, plus précisément, non loin de Roissy…
Tout comme se pose la question des patients étrangers repartis dans leur pays sans payer !
La situation s'est présentée au CHIPS mais, dorénavant, un devis leur est préalablement proposé et ces patients acquittent une somme forfaitaire.
C'est très difficile puisqu'ils concernent les consultations et les actes externes. Entre 2006 et 2007, les pertes relatives aux premières se sont élevées à 1,5 million d'euros, même s'il est délicat, en raison notamment des difficultés qui se sont fait jour entre le directeur financier et le directeur de l'information médicale, d'en déterminer les causes précises : baisse d'activité ou non-enregistrement de l'ensemble des actes ? À cela s'ajoute qu'il faut se rendre dans les différents services où l'enregistrement de l'activité a lieu et qu'une secrétaire médicale peut fort bien enregistrer une consultation externe mais non l'acte qui, éventuellement, l'accompagne.
En Picardie, les méthodes sont radicales et exemplaires pour ne pas perdre un centime. À cet égard, je me permets de vous renvoyer au rapport de la chambre régionale.
Ne faut-il pas distinguer la non-facturation des soins externes, le mauvais renseignement de la T2A dû aux difficultés rencontrées par les techniciens d'information médicale (TIM) et les médecins des DIM en matière de codage et, en l'occurrence, les problèmes relationnels entre le directeur financier et la direction médicale ?
En effet. Les professionnels de santé, faute peut-être d'un investissement suffisant, maîtrisent parfois mal le codage, l'administration et les médecins se renvoyant quant à eux la responsabilité de la définition des actes.
Il est tout à fait significatif que Mme Boutereau-Tichet ait évoqué le cas d'une secrétaire comprenant mal le codage du médecin.
En l'espèce, il ne s'agit pas tant d'un dysfonctionnement entre la direction financière et le DIM que d'un problème de culture, d'information et de formation du personnel médical et médico-social.
Compte tenu des différents cas de figure que nous venons d'évoquer, il est difficile de procéder autrement qu'à tâtons.
Il est en effet délicat de formuler une appréciation même si, je le répète, les recettes des consultations externes, entre 2006 et 2007, ont baissé de 1,5 million d'euros, chiffre qui, s'il est important au regard du déficit, n'en est pas pour autant déterminant.
De ce point de vue, j'admire les cliniques privées. À Abbeville, mon frère a eu la surprise de constater une multiplication soudaine par cinq du coût d'un examen qu'il subissait régulièrement ; il s'est même vu facturer une journée entière d'hospitalisation. Après enquête, il est apparu que 98 % des patients étaient dans la même situation. Et voilà comment on vole la sécurité sociale ! J'invite donc les responsables des hôpitaux publics à prendre des cours auprès des cliniques privées afin qu'ils apprennent à réaliser des économies.
On peut difficilement leur faire ce type de recommandation !
Comment expliquer qu'aucune mesure n'ait été prise, malgré vos préconisations passées, pour remédier à cette situation ?
Un contrat de retour à l'équilibre financier (CREF) a été signé en 2004 entre l'ARH et le directeur du CHIPS, qui prévoyait à l'horizon de 2008 un déficit de 30 millions – ce qui est tout de même paradoxal pour un instrument censé favoriser l'équilibre financier ! J'ajoute qu'en fin d'instruction un nouveau CREF devait être signé sur les mêmes bases déficitaires.
Il n'y a aucune chance de revenir à l'équilibre financier tant que l'organisation structurelle ne change pas.
Le plan de retour à l'équilibre financier voté par le conseil d'administration fait état d'un délai de six ans, la réduction des déficits étant compensée par une participation financière de la future ARS.
La direction départementales des affaires sanitaires et sociales a-t-elle rédigé un rapport sur le CHIPS ?
Il doit être postérieur à notre propre contrôle.
Un audit a eu lieu alors qu'il était question de maintenir les deux structures.
Je n'en ai pas eu connaissance.
Vous l'avez compris : nous n'exerçons pas de tutelle permanente sur les hôpitaux et, si nous recueillons certaines informations entre deux contrôles, ce n'est pas systématique. Lorsqu'il en est toutefois ainsi, nous nous en servons pour le contrôle suivant, mais il est difficile de faire mieux avec quatre ou cinq magistrats seulement.
La tutelle est quant à elle exercée par l'ARH, laquelle a été bien entendu informée de la situation de l'hôpital comme en attestent les comptes rendus des comités de suivi suite à la mise en place du CREF.
En l'occurrence, les causes de dysfonctionnement sont multiples, mais il me semble souhaitable d'insister sur le caractère incomplet de la fusion puisque des doublons, générateurs de surcoûts, subsistent, ainsi que sur les négligences en matière de facturation. Peut-on pour autant aller jusqu'à imaginer de graves irrégularités de gestion, s'agissant, par exemple, des marchés publics ou de la gestion du personnel ?
En ce qui concerne le second point, je note qu'à l'instar de 90 % des hôpitaux, les heures supplémentaires sont payées sur une base déclarative, ce qui interdit d'apprécier leur raison d'être effective. Pour le cas qui nous préoccupe, elles sont contestables concernant les manipulateurs radio puisque nous n'en manquons plus en Île-de-France, alors qu'ils avaient naguère consenti à un paiement forfaitaire de leurs heures supplémentaires.
Les candidats ne se bousculaient pas dans le secteur public faute de salaires suffisamment attractifs. J'ajoute que la situation est probablement identique dans d'autres services, les sages-femmes, par exemple, bénéficiant du même régime d'heures supplémentaires.
En revanche, nous n'avons pas étudié la question des marchés publics.
Les contrôles concernent un certain nombre de thèmes sans qu'il soit possible de les traiter tous. Si, néanmoins, j'avais eu vent d'irrégularités à ce sujet, j'aurais été y voir de plus près.
Nous sommes bien entendu attentifs aux procédures de marchés publics dans le cadre des opérations de construction ou de reconstruction très importantes.
En payant des heures supplémentaires, les hôpitaux gagnent de l'argent puisqu'ils n'ont pas besoin d'embaucher.
Je précise que les cadres infirmiers ont le choix entre un régime forfaitaire et le décompte horaire de leurs heures supplémentaires.
Sachant que le CHIPS compte beaucoup plus de personnels que d'autres hôpitaux comparables, les intérimaires et les sous-traitants doivent y être moins nombreux.
Les prémisses de notre contrôle étant fondées sur la cherté de ses coûts compte tenu notamment du nombre de personnels soignants, notre inspection a porté plus précisément sur l'organisation du système de soins sans que nous ayons particulièrement examiné, entre autres, la situation des personnels administratifs ou d'entretien.
Les contrôles sont effectués sur des thèmes précis, tels que les systèmes informatiques, sans qu'il soit en effet possible de procéder à un examen complet : ou nous sommes tributaires d'une enquête nationale, ou le rapporteur détermine son champ d'action.
À l'instar de l'hôpital d'Amiens, le CHIPS utilise-t-il les services d'agences chargées d'aller recruter des médecins étrangers ?
Ce n'est pas le cas en Île-de-France, mais je sais que c'est un véritable problème en Picardie.
Je le répète : je souhaite que le rapport de la chambre régionale des comptes de Picardie vous soit transmis.
Madame, monsieur, je vous remercie.
Il apparaît une fois de plus de nos auditions qu'il faut avant tout mettre en oeuvre notre important dispositif législatif et réglementaire, ce qui exige du temps et de la ténacité.
La séance est levée à dix-neuf heures trente.