M. Henri Emmanuelli et plusieurs autres collègues m'ont interpellé au sujet de la situation de la Grèce, mais aussi du Portugal et de l'Espagne. Sans doute la ministre de l'économie répondra-t-elle à des questions d'actualité cet après-midi. Je vous propose que nous organisions son audition au début de la semaine prochaine afin de faire le point sur les échanges en cours au niveau européen et sur les initiatives que peut prendre la France.
Cette crise, qui ne se réglera pas en quelques jours, constitue un test de la volonté européenne. Il est important que nous prenions notre part dans cette actualité.
C'est dans le cadre du groupe de travail Assemblée nationale - Sénat sur la crise financière internationale que nous en avons parlé, en allant d'ailleurs nettement plus loin que la Commission européenne, qui a évoqué la question dans un rapport. Il faut à l'évidence que nous approfondissions ce sujet. Les agences de notation, qui ont fait preuve d'un laxisme coupable à l'égard d'institutions bancaires et financières, s'érigent aujourd'hui en donneurs de leçons et, d'une certaine façon, favorisent la spéculation. Nous avons des choses à dire là-dessus, et vraisemblablement des initiatives à prendre.
C'est aussi mon avis. Devant des sujets aussi graves, on ne peut se contenter d'être spectateur.
L'examen du projet de loi de régulation bancaire et financière sera une occasion de jouer pleinement notre rôle. Après les annonces qui avaient été faites lors du premier G20, il faut maintenant impérativement « embrayer ». La Commission européenne pourrait elle aussi prendre des initiatives, mais dès lors qu'elle ne le fait pas, nous pouvons lui faire des suggestions !
Il serait bon que groupe de travail Assemblée nationale - Sénat, qui avait notamment lancé l'idée d'une agence de notation au niveau européen, soit réactivé. Il y a largement matière à une nouvelle réflexion, notamment sur la question des dettes souveraines.
La commission des affaires européennes s'est également exprimée avec force… Mais il me semble en effet nécessaire que nous approfondissions certains sujets.
Premièrement, les suites à donner au G20 dans le cadre de l'Union européenne. Plusieurs directives sont en cours d'élaboration : celle qui est consacrée aux fonds alternatifs – les hedge funds –, et qui ne fait l'objet d'aucun suivi ; la refonte de la directive Épargne ; la mise en place de mécanismes de régulation financière à l'échelle européenne.
Deuxièmement, la coordination entre le budget européen et les budgets nationaux. Qu'en est-il des propositions que M. Alain Lamassoure avait formulées, notamment celle de réunir tous les rapporteurs généraux des pays européens au moment des orientations budgétaires ?
Troisièmement, le gouvernement économique de l'Europe. Que faut-il ajouter au traité de Maastricht pour faire face à des situations comme celle que nous connaissons aujourd'hui ? Malgré l'Eurogroupe, malgré la Banque centrale européenne, nous nous sentons quelque peu désarmés.
Voilà des thèmes sur lesquels il serait bon que la commission des finances s'investisse. Je suggère même qu'elle constitue en son sein une mission de suivi permanent des enjeux européens.
Encore une fois, je suis tout à fait d'accord pour que nous jouions pleinement notre rôle sur ces sujets. Nous pourrions mettre à profit la suspension des travaux du Parlement pour organiser une réunion du groupe de travail Assemblée nationale - Sénat ; au vu de l'actualité, nous pouvons anticiper sur le rapport que nous devons remettre au Président de la République avant le prochain G20. Je vais par ailleurs examiner avec le rapporteur général et le bureau les initiatives qui pourraient être prises par notre commission.
Les préconisations du rapport Larosière en matière de prévention des risques systémiques ont été un peu perdues de vue, alors qu'elles sont d'une grande actualité.
La Commission examine, sur le rapport de M. Guy Lefrand, la proposition de loi visant à améliorer l'indemnisation des victimes de dommages corporels à la suite d'un accident de la circulation (n° 2055)
En application du dernier alinéa de l'article 39 de la Constitution, la proposition de loi visant à améliorer l'indemnisation des victimes de dommages corporels à la suite d'un accident de la circulation a fait l'objet d'un avis du Conseil d'État. La commission des affaires sociales, saisie pour avis, a examiné ce texte hier et a adopté à l'unanimité quatorze amendements. Je salue la présence parmi nous de la rapporteure pour avis, Mme Geneviève Levy.
À la suite de l'avis du Conseil d'État, notre rapporteur a souhaité recomposer le texte, en modifiant l'ordre des articles. C'est la raison pour laquelle nous allons examiner cette proposition de loi dans le texte qu'il nous propose.
Cette proposition de loi, rédigée avec Geneviève Levy, Marie-Anne Montchamp et Jean-François Chossy, résulte du constat que nous avons fait avec les associations de traumatisés crâniens des difficultés d'indemnisation rencontrées par les victimes. Le champ de l'évaluation du dommage corporel, dont je n'étais pas spécialiste, m'est apparu petit à petit comme un labyrinthe : une nomenclature des postes de préjudice sans assise législative, pas de barème médical unique, pas de base de données fiable, des expertises aux contours mal définis, une incomplète prévention des conflits d'intérêt entre médecins, victimes et assureurs… Les écarts considérables d'une indemnisation à l'autre semblent moins l'expression d'une juste et nécessaire individualisation de la réparation que le symptôme d'une évaluation erratique, et même parfois arbitraire. Il nous est apparu que la jurisprudence ne pouvait à elle seule remédier à ce problème.
C'est pourquoi nous vous proposons de légiférer, à la fois pour soulager la détresse des familles et pour éviter à nos concitoyens des sentiments d'incompréhension. Il n'y a pas de solution toute faite à la réparation du dommage corporel, les personnes n'étant pas interchangeables. L'évaluation individuelle restera donc toujours nécessaire ; néanmoins, pour être juste, elle doit reposer sur des instruments communs de référence. Ce texte a donc pour objet de dessiner un cadre commun de l'indemnisation : base de données, définition type de missions d'expertise, nomenclature des postes de préjudice, barème médical unique, table de capitalisation commune… Nous proposons de renforcer, un à un, tous les maillons de la chaîne de l'indemnisation.
Parce que l'indemnisation du dommage corporel dépasse le cadre de la loi, dite Badinter, du 5 juillet 1985, je vous proposerai de supprimer, dans le titre de cette proposition de loi, la référence aux accidents de la circulation. Nous avons en effet, à la suite des recommandations du Conseil d'État, regroupé dans un premier chapitre des dispositions destinées à bénéficier à l'ensemble des victimes de dommage corporel, et consacré un deuxième chapitre aux dispositions spécifiques aux accidents de la circulation.
L'examen de cette proposition de loi par le Conseil d'État a constitué une seconde application de la procédure nouvelle issue de la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008. En tant qu'auteur, j'ai participé aux travaux de préparation et à l'assemblée générale du 28 janvier 2010 qui a délibéré sur le texte. Je ne peux que me féliciter de ces échanges, dans lesquels chacun a manifesté son ouverture.
Les suggestions, les propositions et, parfois, les critiques du Conseil d'État ont cependant été si nombreuses que la nécessité s'est imposée de remettre l'ouvrage sur le métier. Au-delà des améliorations rédactionnelles, nous avons procédé à des modifications substantielles, la plus importante étant l'extension du champ d'application, pour une partie des dispositions, à l'ensemble des victimes d'un dommage corporel. Nous avons également beaucoup travaillé sur le partage entre loi et règlement : le Conseil a préconisé parfois de simplifier le texte en renvoyant certaines dispositions au règlement, et parfois, au contraire, de renforcer le versant législatif.
Après l'adoption, hier, des amendements de Geneviève Levy par la commission des Affaires sociales, et plutôt que de déposer moi-même une série d'amendements, je vous propose un nouveau texte, qu'une table de concordance vous permet de confronter à la proposition de loi initialement déposée. Pour chacun des articles examinés, je m'efforcerai d'expliciter ce qui a été ajouté, retranché ou modifié par rapport à ce premier texte.
Il ne s'agit pas, bien entendu, de revenir sur la loi Badinter de 1985, qui a fait la preuve de son efficacité, mais de la renforcer et de l'améliorer pour remédier aux dérives qui ont pu apparaître au fil des ans. L'objectif est avant tout de protéger le droit des victimes. Il convient également d'éviter une rejudiciarisation des conflits entre victimes et assureurs.
Je serais intéressé de savoir dans quelle mesure vous avez pu modifier dans ce texte le contenu de la loi Badinter.
Avant que nous en venions à l'examen des articles, j'observe qu'une curiosité du Règlement conduit la commission des Finances à être saisie au fond alors que le texte paraît relever davantage de la commission des affaires sociales et de la commission des lois. Cette saisine a dû être déclenchée par le mot « assurance » … En sens inverse, d'autres textes ne nous sont pas soumis au fond alors qu'ils devraient l'être. Un toilettage s'impose.
Quoi qu'il en soit, ce texte pragmatique devrait améliorer substantiellement la situation des personnes concernées. C'est un très bon travail législatif, qui apporte de vraies réponses aux cas dramatiques auxquels nous sommes nombreux à être confrontés.
La Commission passe à l'examen des articles.
Le texte que je vous propose comporte donc trois chapitres. Le chapitre Ierregroupe, dans les articles 1er à 6, les dispositions communes aux victimes de dommages corporels. Le chapitre II – articles 7 à 13 –, relatif aux dispositions particulières aux victimes d'accident de la circulation, vise à améliorer la loi Badinter de 1985. Enfin, le chapitre III concerne l'outre-mer.
Article 1er : Définition type de missions d'expertise médicale
L'article 1er reprend les dispositions de l'article 2 initial prévoyant la définition type des missions d'expertise médicale.
En vertu de l'article 265 du code procédure civile, le juge qui ordonne une expertise doit énoncer les chefs de la mission de l'expert. Dans sa jurisprudence, la Cour de cassation a consacré le principe que les juges du fond fixent souverainement l'étendue de la mission confiée à l'expert. Il existe cependant des modèles de « mission d'expertise » couramment utilisés, notamment dans le domaine très technique de l'évaluation du dommage corporel.
Une commission de réflexion sur l'évaluation du dommage corporel en a ainsi élaboré un en 1987. En tant que modèle, il ne peut avoir de valeur juridique contraignante ; néanmoins, le ministère de la justice l'a diffusé et recommandé par circulaire auprès des tribunaux. L'Association pour l'étude de la réparation du dommage corporel – AREDOC – en a publié un autre en 1994. Selon le professeur Lambert-Faivre, qui a beaucoup travaillé sur ces sujets et a remis en 2003 un rapport dont nous avons repris certaines propositions, cette adaptation reste « en deçà des apports de la nouvelle nomenclature ».
Pour que les juges, mais aussi les assureurs régleurs et les avocats, disposent d'un outil commun de référence, l'élaboration de missions d'expertise paraît essentielle. Le Conseil d'État a recommandé que cette disposition bénéfique ne s'applique pas seulement aux accidents de la circulation, mais à tous types de dommage corporel. C'est pourquoi nous proposons d'insérer un article 265-1 après l'article 265 du code de procédure civile. Ces définitions types supposent au demeurant une nomenclature commune des postes de préjudice, ainsi qu'un barème médical de référence, comme la présente proposition de loi en prévoit.
Après huit mois de travail durant lesquels nous avons écouté l'ensemble des intervenants – associations de victimes, avocats, magistrats, médecins-conseils, assureurs, ministères concernés –, ce texte fait aujourd'hui l'objet d'un consensus.
La Chancellerie et les magistrats craignent qu'on impose des missions d'expertise d'un certain type, sans possibilité de modification. L'adjectif « adaptables » n'est peut-être pas indispensable mais il contribue à rassurer les juges quant à leur liberté d'action.
La Commission adopte l'article 1er sans modification.
Article 2 : Établissement d'un barème médical unique
Les barèmes médicaux constituent la base de l'indemnisation. Or ils sont aujourd'hui très nombreux et produisent, pour les mêmes dommages corporels, des résultats très différents.
Le Conseil d'État proposait au départ de travailler à un barème médical harmonisé, mais il semble difficile de traduire cette notion en termes juridiques. Nous vous proposons, à la différence du texte initial, la mise en place d'un barème médical unique ; mais il ne serait applicable que dans le droit commun, sans se substituer à des barèmes particuliers qui pourraient être plus avantageux – en matière d'accidents du travail ou de pensions d'invalidité, par exemple.
Sera-t-il exprimé en euros et actualisé chaque année ? Une clause d'indexation est-elle prévue ?
La clause d'indexation concerne les barèmes de capitalisation. Le barème unique prévu ici est purement médical. Il permettra de déterminer un taux d'atteinte, non l'indemnisation qui s'ensuit.
Quelle sera la composition de la commission ad hoc chargée de l'élaboration du barème ? Le Conseil de l'ordre des médecins est-il concerné ?
Cette commission devra être pluridisciplinaire et réunir médecins et juristes. Nous ne sommes pas entrés dans le détail mais il est probable que le Conseil de l'ordre y participera, de même que les associations de médecins spécialisés dans le conseil aux victimes.
La Commission adopte l'article 2 sans modification.
Article 3 : Déclaration d'activité au conseil départemental de l'ordre des médecins
Cet article important concerne l'expertise médicale.
Étant moi-même médecin, j'ai été très surpris d'apprendre que n'importe quel médecin pouvait se déclarer spécialiste en réparation de dommages corporels sans avoir jamais suivi aucune formation ni obtenu aucun diplôme. C'est une des rares zones d'ombre qui subsistent dans l'exercice médical.
Nous proposons donc d'instituer pour les médecins l'obligation de déclarer auprès du Conseil départemental de l'ordre les noms des compagnies d'assurance auxquelles ils prêtent habituellement leur concours. Au demeurant, le dispositif de la déclaration de conflit d'intérêts est connu des médecins, notamment à l'égard de l'industrie pharmaceutique.
Une obligation symétrique de déclaration pèserait sur les médecins de recours auxquels les avocats font habituellement appel.
La Commission adopte l'article 3 sans modification.
Article 4 : Définition de la qualité de médecin ayant des compétences en réparation du dommage corporel
Cet article demande au pouvoir réglementaire de définir, après avis du Conseil national de l'ordre des médecins, les « règles relatives à la qualité de médecin ayant des compétences en réparation du dommage corporel ». Cette formule nous paraît suffisamment neutre. Le Conseil national de l'ordre des médecins a confirmé que ces compétences pourraient, sur cette base, être reconnues tant par l'acquisition d'un diplôme interuniversitaire que par la validation des acquis de l'expérience.
Dans cet esprit, l'article institue, au profit des médecins qui exercent déjà en ce domaine, une présomption de compétences jusqu'à la date d'entrée en vigueur du décret prévu.
Dans l'immédiat, donc, tout médecin est présumé compétent, et le cas échéant, le décret fixera des conditions supplémentaires.
Aujourd'hui, tout médecin peut se prévaloir de cette compétence, d'où l'idée de procéder à un toilettage. Mais il est exclu d'empêcher d'exercer des médecins qui travaillent efficacement dans ce domaine depuis longtemps, d'autant qu'il existe un vrai problème de démographie médicale. L'idée est de parvenir progressivement à la création d'un diplôme interuniversitaire qui deviendrait ensuite obligatoire.
La Commission adopte l'article 4 sans modification.
Article 5 : Calcul des préjudices futurs sur la base d'un barème de capitalisation fixé par décret et conversion en capital des rentes indemnitaires suivant ce même barème
Le barème utilisé pour convertir certaines rentes en capital n'a pas été modifié depuis 1986. La progression de l'espérance de vie et les variations du taux de l'argent rendent nécessaire une actualisation régulière. Nous proposons que la table de conversion soit actualisée tous les trois ans.
Je m'étonne de voir figurer dans cet article le mot « conventionnellement ». Le fait d'imposer un barème dans des conventions est-il compatible avec le principe à valeur constitutionnelle de l'intangibilité des contrats ? Veut-on dire qu'un accord conventionnel plus avantageux ne pourrait s'appliquer ?
Par ailleurs, qu'entend-on par « taux d'intérêt officiel » ?
Enfin, s'agissant d'évaluations statistiques de l'espérance de vie, ne faudrait-il pas se référer à l'Institut national des études démographiques – INED – plutôt qu'à l'Institut national des statistiques et des études économiques – INSEE – ?
En ce qui concerne le premier point, nous avons retenu la suggestion du Conseil d'État, lequel estime que l'obligation d'actualisation s'impose aussi aux conventions. Du reste, cette rédaction ne fait que reprendre celle de la loi Badinter. La première actualisation aura lieu dès que les décrets seront pris.
S'appliquera-t-elle seulement aux préjudices futurs, ou pourra-t-elle s'étendre à des préjudices passés ?
Une réévaluation est toujours possible avant la consolidation – et même après, bien que ce soit plus compliqué.
Je m'interroge moi aussi sur l'expression « un taux d'intérêt officiel ». On sait ce qu'est le taux d'intérêt légal, mais beaucoup d'autres taux sont publiés officiellement.
Elle est imprécise. On pourrait éventuellement écrire « un taux d'intérêt fixé par voie réglementaire », mais cela imposerait de fixer régulièrement ce taux.
Je reprends également la troisième interrogation de notre collègue Charles de Courson : l'INSEE publie-t-il bien des évaluations de l'espérance de vie ?
Oui, mais pas chaque année. C'est la raison pour laquelle nous avons retenu le principe d'une actualisation tous les trois ans, et non annuellement, comme nous l'avions envisagé au départ.
La Commission adopte l'article 5 sans modification.
Article 6 : Définition des postes de préjudice sur la base d'une nomenclature non limitative
Il existe aujourd'hui une nomenclature dite « Dintilhac » des postes de préjudice. Les tribunaux l'utilisent selon leur bon vouloir car elle n'a pas de fondement légal. Cet article vise à fixer par décret en Conseil d'État une nomenclature non limitative. Elle serait d'application horizontale, l'indemnisation « tous chefs de préjudice confondus » étant ainsi définitivement abandonnée. Étant « non limitative », elle laisserait au juge sa liberté d'appréciation. Elle pourrait être périodiquement adaptée en fonction de l'évolution des connaissances médicales.
Une nomenclature – qui est destinée à encadrer les décisions des tribunaux – a-t-elle encore un intérêt si elle est « non limitative » ?
Nous répondons par cet article à une demande exprimée à la fois par les victimes, les avocats et les magistrats. L'objectif est de fixer une nomenclature de base issue de la nomenclature Dintilhac, qui s'imposera à tous, mais sans empêcher d'ajouter ultérieurement de nouveaux chefs de préjudice.
La Commission adopte l'article 6 sans modification.
Article 7 : Versement de droit d'une provision après constatations médicales permettant d'envisager des besoins spécifiques de la victime
Cet article, très important, vise à imposer à l'assureur de verser une provision à la victime d'un accident de la circulation dans le mois de sa demande si des besoins spécifiques le justifient – aménagement du logement, adaptation du véhicule, recours à une tierce personne. Il s'agit d'aider la victime à faire face aux obligations financières découlant de l'accident. Actuellement, il peut s'écouler huit mois avant tout versement.
Je me réjouis de cette proposition mais j'aimerais avoir deux précisions. Que se passera-t-il si l'assureur ne respecte pas cette obligation de versement dans le mois ? Et comment va-t-on calculer le montant de la provision ? S'agira-t-il d'un montant forfaitaire ou d'un pourcentage des dépenses ?
Nous n'avons pas prévu de sanction spécifique mais cette disposition, dès lors qu'elle sera introduite dans le code des assurances, s'imposera à l'assureur. S'agissant du montant de la provision, les avocats et les associations de victimes ont rejeté nos diverses propositions visant à fixer un montant minimum, leur préférence allant à une fixation par transaction.
Ces éléments nouveaux vont conduire à une augmentation des primes – qui s'apparentent à des prélèvements obligatoires puisque l'on est obligé de s'assurer. Comment la mesurer ?
C'est l'une des questions que je souhaitais poser. Sur le principe, j'adhère à ce texte ; mais je me souviens aussi de l'impact de la loi de 1985. N'oublions pas que si quelqu'un est mieux indemnisé, quelqu'un d'autre, nécessairement, va payer. D'une façon générale, je crois souhaitable que les textes d'initiative parlementaire soient assortis d'une étude d'impact, comme doivent l'être les projets de loi du Gouvernement.
En l'occurrence, il ne me paraît pas possible de mesurer l'impact de ce texte sur les primes d'assurance. Il dépendra notamment des textes réglementaires d'application. Pour ma part, je crains beaucoup plus la dérive des coûts de la réparation automobile que les effets d'une plus juste indemnisation des victimes d'accident de la circulation.
Quant à moi, monsieur Bertrand, c'est de la politique de sécurité routière menée par le Gouvernement que j'attends, avec confiance, un impact sur les primes d'assurance !
Peut-être aurons-nous la chance de voir les assureurs développer la prévention pour essayer de compenser la détérioration de leur modèle économique…
La demande de M. Bertrand d'une étude d'impact pourrait bien cacher une frilosité au sujet de l'indemnisation. Or celle-ci s'impose pour des raisons de justice, c'est une question de principe.
S'agissant non pas du contenu de ce texte, mais de nos méthodes de travail en général, il me semble que nous devrions, en effet, étendre aux propositions de loi la démarche de l'étude d'impact.
J'invite M. de Rugy à ne pas verser dans la caricature. Il ne sert à rien d'opposer les bons sentiments et la bonne gestion, et j'ai dit que j'approuvais ce texte.
Je remercie M. Emmanuelli de la confiance qu'il témoigne au Gouvernement : c'est une très bonne nouvelle ! À M. Goulard, je réponds que certes, il est difficile de mesurer ce qui peut résulter de ce texte, l'évaluation d'un préjudice corporel relevant du juge et étant incontestablement moins aisée que celle d'une réparation automobile, mais qu'il n'en est pas moins nécessaire d'entreprendre la démarche. Le fait de vouloir faire acte de justice n'empêche pas d'avoir une idée de l'impact financier de ce que nous décidons.
Je rappelle qu'aujourd'hui, 95 % des indemnisations de victimes de dommages corporels, notamment à la suite d'un accident de la circulation, se font par voie amiable. L'un des objectifs de cette proposition de loi est de réaliser des économies, d'une part en évitant la judiciarisation, et d'autre part, en termes de fonctionnement, en accélérant la procédure entre les victimes et les assureurs.
Pour répondre à M. Bertrand, je précise par ailleurs que certaines fédérations d'assureurs nous ont proposé de créer une cotisation obligatoire pour le conducteur responsable, de 30 à 40 euros par an au minimum. Nous avons refusé d'intégrer cela dans la proposition de loi.
Cela donne une idée de ce que feront les assureurs, même s'il ne s'agit pas d'une cotisation obligatoire…
La Commission adopte l'article 7 sans modification.
Article 8 : Obligation pour l'assureur d'informer la victime sur ses droits
En cohérence avec les autres articles, celui-ci vise à améliorer l'information de la victime, afin de lui permettre un choix libre et éclairé. Nous proposons qu'à l'occasion de sa première correspondance avec elle, l'assureur soit tenu de lui adresser divers documents, notamment une notice d'information sur ses droits, établie selon un modèle type défini par décret, et une liste des médecins ayant des compétences en réparation du dommage corporel.
La Commission adopte l'article 8 sans modification.
Article 9 : Pluralité des médecins amenés à réaliser l'examen médical de la victime
Issu de l'article 6 de la proposition de loi initiale, cet article n'en a conservé qu'un paragraphe, les autres ayant été considérés par le Conseil d'État comme relevant du domaine réglementaire. Il concerne l'examen contradictoire – qui n'est pas une contre-expertise, la victime étant examinée une seule fois.
La Commission adopte l'article 9 sans modification.
Article 10 : Allongement à trente jours du délai de rétractation en matière de transaction avec l'assureur
Il s'agit ici de porter de quinze à trente jours le délai dans lequel la victime d'un accident de la circulation peut dénoncer la transaction conclue avec l'assureur. C'est une demande des associations de victimes et des avocats. Le délai de quinze jours figurant dans la loi du 5 juillet 1985 résultait déjà d'un allongement à l'initiative de l'Assemblée nationale, le Gouvernement ayant initialement proposé un délai de sept jours.
La Commission adopte l'article 10 sans modification.
Article 11 : Création d'une base de données en matière de dommage corporel
La loi du 5 juillet 1985 avait déjà prévu la publication des données relatives à l'indemnisation mais l'actuel fichier de l'AGIRA, l'Association pour la gestion des informations sur le risque automobile, qui relève de la seule responsabilité des assureurs, est très lacunaire. Nous proposons donc que soit créée sous le contrôle de l'État une base de données exhaustive, recensant à la fois les transactions amiables et les décisions de cour d'appel. Elle permettrait aux associations de victimes et aux avocats de savoir ce que chaque victime peut attendre.
La proposition de loi initiale prévoyait l'élaboration, à partir de la base de données, d'un référentiel national indicatif. Nous ne retenons pas cette idée car nous avons été sensibles à l'argument du risque de sclérose et d'insuffisante individualisation des réparations.
Au quatrième alinéa de cet article, il est question de « l'autorité administrative ». Pourrait-on préciser ?
La Commission adopte l'article 11 sans modification.
Article 12 : Extension de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985 aux chemins de fer et aux tramways
Aujourd'hui, le piéton qui tombe en courant devant un véhicule à moteur n'est pas indemnisé de la même manière selon qu'il s'agit d'un tramway ou d'une voiture. Dans un récent rapport d'information, nos collègues sénateurs ont recommandé d'assimiler les accidents de chemin de fer et de tramway aux autres accidents de la circulation. C'est ce que nous proposons de faire dans cet article.
Couvre-t-il le cas des accidents qui sont provoqués sur les voies de circulation réservées aux trains et aux tramways par la présence d'autres véhicules ?
« On est responsable du dommage que l'on cause par son propre fait », dit l'article 1384 du code civil. Cela s'applique à ceux qui ne respectent pas les règles de la circulation.
Il y a quelques semaines, une personne, en se suicidant, en a entraîné une autre sous le métro. Dans un tel cas, qui est responsable et qui paie ?
Il me semble que nous sommes un peu au-delà du champ de la proposition de loi… Votre question relève du droit civil.
La Commission adopte l'article 12 sans modification.
Article 13 : Abrogation des articles 12 à 27 de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985
La Commission adopte l'article 13 sans modification.
Article 14 : Dispositions relatives à l'outre-mer
La proposition de loi initiale ne comportait pas de dispositions relatives à l'outre-mer. Le Conseil d'État a attiré notre attention sur la nécessité de prévoir expressément l'application de la loi à Mayotte et dans les îles Wallis et Futuna.
La Commission adopte l'article 14 sans modification.
Le groupe socialiste votera la proposition de loi issue du groupe UMP. Cela prouve une fois de plus notre ouverture d'esprit, qui contraste avec le traitement qu'on nous inflige à propos de certaines demandes de commissions d'enquête !
Nous aussi, de la même façon, nous voterons cette proposition de loi. Monsieur Bertrand, si j'ai réagi à vos propos, c'est parce que vous avez opposé justice et bonne gestion. Or je pense que la responsabilisation individuelle va justement permettre de combiner l'une et l'autre, et même de faire faire des économies aux compagnies d'assurances.
Le groupe UMP, qui votera bien entendu ce texte, félicite notre collègue Guy Lefrand pour son excellent travail, sans oublier Mme Geneviève Levy, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales.
Ce qu'a dit M. Xavier Bertrand me paraît très important : ce qui nous manque, c'est l'évaluation des conséquences financières de cette proposition de loi. Cela n'enlève rien à l'intérêt de ce texte en termes d'indemnisation des victimes, mais nous ne devons pas oublier que nos compatriotes attendent une réduction des prélèvements et dépenses obligatoires.
Je voterai des deux mains ce texte. Il reste que la commission des finances me paraît avoir vocation à réaliser des évaluations, même sommaires. L'exécutif est contraint de faire des études d'impact ; il serait bienvenu que nous adoptions la même démarche.
M. de Rugy m'a mal entendu… Et la manière dont, lorsque j'étais ministre de la santé et de la solidarité, j'ai négocié avec les assureurs et les banquiers la convention AERAS prouve, s'il en était besoin, que je n'ai jamais rien cédé face à l'impératif de justice.
Je vous remercie de m'avoir accueillie parmi vous pour ce débat enrichissant, qui vient très heureusement compléter la réflexion que M. Guy Lefrand et moi-même avons menée au cours des neuf derniers mois. Je me réjouis que le texte proposé intègre les amendements que j'avais eu l'honneur de présenter hier en commission des affaires sociales et qui avaient été adoptés à l'unanimité.
Sans doute faut-il essayer d'évaluer l'impact des textes proposés, mais n'oublions pas que l'article 40 de la Constitution apporte déjà une limite sérieuse à notre pouvoir de proposition… Par ailleurs, ne confondons pas les primes d'assurances avec les prélèvements obligatoires.
La Commission adopte la proposition de loi à l'unanimité.
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