La séance est ouverte à dix-sept heures
Mes chers collègues, le port du voile intégral nous interroge à différents titres : la dignité de la femme, l'égalité des sexes et l'ordre public. Cette démonstration de fondamentalisme est un révélateur pour l'ensemble de la société française, mais ce n'est que la partie visible de l'iceberg. Le port du voile intégral constitue une atteinte à nos libertés publiques et à la féminité. Il lance un défi à notre civilisation en remettant en cause les principes fondamentaux de la République et celui de laïcité. Le port du voile intégral est une dérive de la société française, sur fond de pauvreté économique, sociale, mais également morale, culturelle et spirituelle.
Il nous appartient d'essayer de comprendre ce phénomène et de lutter contre des méthodes qui constituent une atteinte aux libertés individuelles sur notre territoire.
Lorsque j'ai déposé sur le bureau de l'Assemblée nationale une demande de constitution d'une commission d'enquête, qui a conduit finalement à la création de cette mission d'information, je n'avais nullement en tête l'idée d'aboutir a priori à un projet de loi. La situation a certes évolué et il est clair qu'il faut y mettre fin. De quelle manière ? Personnellement, à ce stade, je ne sais pas.
Le chantier est immense. En premier lieu, il faut promouvoir le réveil républicain pour répondre au malaise qui guette la société française et la majorité des musulmans.
Il nous faut établir un état des lieux, qualitatif et quantitatif, et analyser les déchirements dont souffre notre société. Le drame qui s'est produit à Oullins, avec le meurtre d'une jeune femme, il y a quelques jours, mérite une attention particulière de notre part, au même titre que les émeutes qui frappent les banlieues. Comme je le soulignais en 2005 dans mon livre Les ghettos de la République, nous ne pouvons nous contenter d'invoquer les problèmes sociaux et économiques pour expliquer cette dérive.
Nous devons être attentifs à toute atteinte portée aux symboles de la République. Nous avons raison de dénoncer l'antisémitisme et le racisme anti-arabe, mais le discours contre la France, les blancs et la République existe aussi : nous devons en tenir compte.
À ceux qui disent que ce n'est pas le moment d'engager une réflexion sur cette question, je réponds qu'il est grand temps, au contraire, de sortir de l'indifférence et de l'aveuglement politique.
Nous allons procéder à de nombreuses auditions avant que les membres de la mission ne se réunissent le 23 septembre. Notre démarche, éminemment républicaine, ne doit pas être partisane. C'est pourquoi nous procéderons à un premier bilan d'étape au cours de cette réunion, nous prendrons peut-être, ensemble, la décision d'auditionner les responsables des partis politiques.
Concernant les auditions de cet après-midi, je précise que nous recevons des représentantes de plusieurs associations de défense des droits des femmes qui nous ont sollicités aux fins d'être entendues par la Mission.
Table ronde réunissant des associations de défense des droits des femmes :
— Mme Françoise Morvan, vice-présidente de la Coordination française pour le Lobby européen des femmes ;
— Mme Nicole Crépeau, présidente de la Fédération nationale Solidarité femmes ;
— Mme Sabine Salmon, présidente de l'association Femmes solidaires, et Mme Carine Delahaie, membre de l'association ;
— Mme Françoise Laurant, présidente du Mouvement français pour le Planning familial, et Mme Marie-Pierre Martinet, secrétaire générale ;
— Mme Annie Sugier, présidente de la Ligue du droit international des femmes ;
— Mme Olivia Cattan, présidente de l'association Paroles de femmes ;
— Mme Michèle Vianès, présidente de l'association Regards de femmes.
Je vous remercie, Mesdames, de votre participation à nos travaux. Nous poursuivons l'état des lieux que notre mission doit dresser avant d'émettre des préconisations, et en cela votre expérience du terrain nous sera très utile. Je vous invite à présenter votre association et à nous faire part du regard que vous portez sur la question qui nous intéresse.
La Coordination française pour le Lobby européen des femmes, qui représente 2 000 associations réparties dans l'ensemble des pays d'Europe et 19 associations européennes, regroupe en France 80 associations féminines et féministes. En 1993, la Coordination a créé la Commission de lutte contre les extrémismes religieux, qui compte des femmes agnostiques, athées, catholiques, juives, musulmanes et protestantes, qui toutes luttent pour la laïcité, unique garantie de l'égalité entre hommes et femmes.
Nous avons été auditionnées par la délégation aux droits des femmes et pour l'égalité des chances entre les hommes et les femmes du Sénat et par les deux commissions présidées par M. Bernard Stasi ; nous avons aussi organisé de nombreuses conférences, débats et ateliers, dans différentes mairies d'arrondissement de Paris, ainsi qu'à l'Unesco et à l'ONU.
S'opposer au port de la burqa – comme à tout signe vestimentaire à connotation religieuse –, ce n'est pas seulement faire barrage au fondamentalisme religieux, c'est garantir l'égalité des sexes dans une société démocratique et laïque. La laïcité et l'émancipation des femmes sont liées, car les fondamentalistes religieux ne respectent pas l'égalité des sexes. La question du port du voile, du tchador, de la burqa, est plus un problème social et politique qu'un problème religieux. C'est celui du statut des femmes musulmanes dans une société laïque qui ne parvient pas, malheureusement, à quitter ses oripeaux machistes.
L'hésitation et le laisser-faire traduisent la faiblesse de notre société à affirmer ses principes égalitaires dans les sphères privées et publiques. Il n'existe pas encore de société sans domination masculine. Si nous voulons la remettre en cause, il faut la traiter dans sa globalité et dans sa continuité.
Pour comprendre comment fonctionnent la démocratie et la lutte pour l'émancipation, il faut rassembler les morceaux de notre combat féministe et ne pas en perdre le fil conducteur. Aujourd'hui, il ne s'agit pas de rejeter une religion ou une communauté, mais de comprendre les mécanismes d'enfermement des femmes.
Le combat contre le port des signes vestimentaires à connotation religieuse et politique doit être associé aux combats féministes antérieurs, comme ceux que nous avons menés dans les années soixante-dix pour le droit à la contraception et à l'avortement, ou, dans les années quatre-vingt-dix, pour la parité entre les hommes et les femmes dans la vie politique. Ces combats n'ont qu'une seule finalité : l'émancipation des femmes et leur accès au pouvoir, dans le domaine privé comme dans la vie publique.
Le port de la burqa en France contredit notre volonté de parvenir à une réelle égalité des sexes. La crispation identitaire qu'il suggère est un défi inacceptable pour l'ensemble du corps social, attaché aux valeurs républicaines. Aussi la Coordination française pour le Lobby européen des femmes se propose-t-elle, en collaboration avec les membres de ses 80 associations, d'apporter sa contribution aux réflexions engagées par votre Mission sur l'opportunité de légiférer pour interdire le port d'un vêtement symbole de l'enfermement des femmes.
La Fédération nationale Solidarité Femmes regroupe 63 associations qui accueillent, écoutent et hébergent les femmes victimes de violences conjugales et gèrent le numéro national 3919. Depuis de nombreuses années, ces associations luttent contre les violences faites aux femmes et dénoncent les inégalités entre les femmes et les hommes. En qualité d'association féministe, la Fédération souhaite qu'aucune femme ne porte la burqa, car elle constitue une forme de domination et de contrôle du corps des femmes. Cette pratique est contraire aux valeurs que nous défendons, au respect des droits fondamentaux – l'égalité, la liberté et l'intégrité – et au droit, pour les femmes, d'avoir une vie sociale. Ce que nous voulons avant tout, c'est protéger les femmes contraintes de porter ce vêtement.
Dans plusieurs pays, le port de la burqa est synonyme de contrainte, voire d'oppression. Quel signe adresser à celles qui luttent pour ne pas être obligées de se voiler, et à celles qui militent pour l'égalité entre femmes et hommes à travers le monde ?
En France, le port de la burqa est un signe de différenciation qui rend la femme invisible aux autres et empêche tout contact. Si l'on peut difficilement porter un jugement sur la tenue vestimentaire des femmes, il est insupportable de croiser des femmes dont on ne peut voir le visage. Cette absence d'échange possible suscite la peur et la défiance et empêche d'établir une réelle relation, une fraternité et une solidarité.
La burqa met en danger les valeurs que défend la Fédération et nie le travail des associations pour promouvoir l'autonomie de la femme et sa place dans la société comme sujet et non comme objet. D'ailleurs, la volonté d'isoler le corps des femmes, les réduisant à leur fonction de reproduction, ne recouvre-t-elle pas la peur de leur sexualité ? Ce contrôle de la vie et du corps des femmes s'instaure dans un système intégriste, en contradiction avec l'égalité des sexes. Nous pensons, pour notre part, que le port de la burqa ne relève pas d'un choix individuel, mais qu'il est un signe de sujétion. Il serait, d'ailleurs, intéressant que nous disposions d'un état des lieux, afin de savoir si ce phénomène est marginal ou non. Les associations de la Fédération qui animent des actions de prévention constatent que dans certains quartiers, les jeunes filles remettent leur foulard à la sortie de l'école. Le fond du problème n'est donc pas réglé. Des actions de prévention doivent être menées au sein des établissements scolaires sur l'égalité entre garçons et filles et la prévention des violences sexistes.
Il faut prendre en compte la réalité que vivent ces femmes. Comment intervenir sans risquer de les enfermer plus encore ? La position des femmes a toujours été difficile, dans toutes les religions, et elle est toujours liée à la domination masculine. Il nous faut réfléchir aux causes de cette situation. Comment en sommes-nous arrivés là ? Quelle information et quelle prévention devons-nous mettre en place ?
L'association Femmes solidaires est un mouvement national féministe d'éducation populaire qui regroupe 189 associations locales sur tout le territoire. Son réseau de 10 000 adhérentes se compose de femmes d'âge et d'origine sociale, culturelle et politique, très divers. Depuis 2004, l'association bénéficie d'un statut consultatif auprès des Nations Unies.
Femmes solidaires construit ses campagnes à partir de la parole des femmes. Nos associations locales sont implantées dans les quartiers, au plus près des femmes. C'est cette parole qui nous a poussés, en 2003, à organiser une trentaine de débats à travers la France sur le thème « Laïcité, mixité, égalité pour les droits des femmes », et c'est elle encore qui nous a incités à prendre position en faveur d'une loi contre le port du voile à l'école et à participer aux travaux de votre mission parlementaire.
Les mots burqa ou niqab évoquent pour nombre d'entre nous des pratiques en vigueur en dehors de nos frontières, ce qui dédramatise le port du voile dans notre pays. Certains considèrent que la burqa est afghane et peu répandue chez nous, donc sans danger. Mais même si le voile intégral est plus impressionnant que le foulard qui couvre la tête des femmes, ils renvoient tous deux aux mêmes symptômes et produisent les mêmes conséquences : dans les deux cas, le corps des femmes est l'enjeu d'une guerre contre leur liberté. Pour les fondamentalistes religieux, ce corps doit être emprisonné ; c'est le signe de la puissance d'une religion au service d'un projet politique liberticide.
Plus généralement, sur tous les continents, le corps des femmes est utilisé comme une arme de guerre – on vend des femmes, on les viole collectivement, on les avorte, on les brûle à l'acide, on les cache – parce qu'elles sont les piliers de la famille, donc de la société. C'est par elles que passent nombre de traditions. Les femmes ne doivent prendre le pouvoir ni dans l'espace public ni dans l'espace privé. Alors on les enferme, on les domine, on porte atteinte à leur dignité.
Pour nous, le voile intégral est un signe ostentatoire d'inégalité et discrimination des femmes avant d'être un signe ostentatoire religieux, mais nous défendons aussi fermement le principe de laïcité, car sans laïcité, pas de droits des femmes.
Nos réflexions portent sur cinq points. Le libre choix, tout d'abord – éternelle question à l'intérieur de laquelle les femmes sont prises au piège. La question du libre consentement permet de faire accepter à l'opinion publique les pratiques les plus inavouables. Pourtant, dès 1995, le Conseil d'État avait interdit le « lancer de personnes de petite taille » afin d'assurer la sécurité de la personne en cause, même si celle-ci se prêtait librement à cette exhibition contre rémunération. Ce fut une avancée pour l'ensemble de la société, bien qu'il s'agisse d'une pratique marginale.
Le port du voile intégral, même s'il est présenté comme librement consenti, porte atteinte à toutes les femmes : à celles qui le portent, qui se trouvent en situation de soumission, mais aussi à toutes les autres. Cette notion de libre consentement n'est pas acceptable.
Pendant de nombreuses années, notre société a considéré les femmes victimes de violences conjugales comme des victimes consentantes, sans analyser les liens pervers que le dominant tisse avec sa victime. Le port du voile intégral se situe dans le cadre de cette domination. C'est ce que nous constatons dans nos permanences juridiques et sociales. Dans les quartiers où nous sommes implantés, des femmes, des jeunes filles se font insulter à cause des vêtements qu'elles portent. L'une de nos adhérentes, athée, s'est fait insulter par une femme portant le voile intégral, qui lui a reproché sa tenue vestimentaire. Une autre femme, musulmane, a été insultée par des jeunes de son quartier parce qu'elle portait un tee-shirt à manches courtes !
Le port du voile exclut les femmes de l'espace public. Le voile intégral est un signe militant d'appartenance à un projet de société qui crée un espace privé au sein même de l'espace public et dans lequel les lois de la République n'ont pas d'effet. Avant de voir la femme, on voit sa religion. Le voile intégral encourage l'endogamie, les ghettos, le communautarisme. Dissimuler son visage, c'est nier sa propre identité, au profit d'une physionomie collective.
Le troisième point concerne la protection des enfants. Nous fêtons cette année le vingtième anniversaire de la Convention internationale des droits de l'enfant des Nations Unies. La protection des fillettes nous tient particulièrement à coeur. Il est impensable que, dans notre pays, signataire de cette convention, des fillettes portent des signes de soumission à leur père ou à leur frère. Nous avons rencontré des enfants de huit ans totalement voilées ! Ces fillettes sont considérées par ceux qui les voilent comme des objets de tentation pour des hommes adultes. C'est intolérable ! On ne peut considérer, s'agissant de mineures, que le port du voile est librement consenti. Certaines mamans nous ont dit subir des pressions de plus en plus fortes, parce que à l'école ou au centre de loisirs, leur enfant portant un nom d'origine arabe mangeait du porc. Elles sont obligées de se justifier et leurs enfants culpabilisent.
Nous avons également réfléchi à question de l'universalité des droits. Dans notre association, nous avons l'habitude de dire que lorsque les droits des unes progressent, ici ou là-bas, cela a un impact sur les droits des femmes sur toute la planète. La France laïque est l'un des pays les plus regardés par les femmes qui ont soif d'égalité. Si la France baisse sa garde, ce sont des dizaines de fronts qui s'inclineront, faute d'être soutenus.
Il est curieux de constater que des hommes et des femmes qui se sont offusqués du port de la burqa en Afghanistan sont prêts à accepter le port du voile intégral en France. Nous leur opposons l'universalité des droits : ce qui est bon pour nous est bon pour toutes les femmes ; ce qui est intolérable pour elles l'est également pour nous. Le « différentialisme » culturel n'est pas une chance pour la démocratie mais bien un recul de civilisation.
Nous vous demandons de protéger toutes les femmes de France, qu'elles aient la nationalité française ou non. Les lois de la République sont au-dessus des lois religieuses. Notre Constitution et la Déclaration universelle des droits de l'homme doivent être des remparts pour toutes les femmes, quelles que soient leur religion et leurs origines. Le principe de protection doit être appliqué à toutes les femmes.
De nombreuses jeunes filles sont venues nous voir, en 2004, pour nous demander de les aider. Ne voulant pas porter le voile, elles craignaient que leur père ne cède à la pression du groupe. La voix de ces jeunes filles doit porter plus loin que la voix de celles qui disent être libres. Au nom de la liberté des unes, on ne peut ignorer la souffrance des autres.
Enfin, l'association Femmes solidaires dispose d'un réseau d'élues ; ses militantes sont issues de divers partis politiques. Elles travaillent ensemble sur des thèmes comme la parité en politique et le port du voile intégral, qui pose de plus en plus de problèmes aux maires de nos communes. Que feront ces femmes lorsqu'elles seront amenées à célébrer un mariage dans de telles conditions ou lorsqu'une élue de leur conseil municipal se présentera voilée ?
Quelle que soit l'issue de votre mission, nous devrons favoriser l'émancipation des femmes. Nous vous demandons donc de prendre en compte, dans vos travaux, la question des droits des femmes. Pour notre part, nous poursuivrons notre combat contre les idées et les pratiques rétrogrades et nous espérons que votre mission y contribuera.
La Ligue du droit international des femmes a été créée en 1983 par Simone de Beauvoir pour faire face au danger du relativisme culturel. Nous nous sommes fixé des priorités : lutte contre l'excision et les violences commises à l'égard des jeunes filles dans les cités, protection des enfants, notamment dans le cas de couples franco-algériens. Au cours des quinze dernières années, nous avons travaillé sur un sujet qui intéresse généralement peu le mouvement féministe et les responsables politiques – je veux parler du sport, domaine directement concerné par le port du voile islamique.
Dès 1989, nous nous sommes prononcés pour l'interdiction du voile dans l'espace public. Même s'il n'est qu'un symbole, le voile porte atteinte aux valeurs de notre société. D'ailleurs, les sociétés humaines sont construites sur des symboles. Le drapeau, l'hymne national d'un État en sont la représentation et lui donnent un sens. Le voile, tous les Français le comprennent, signifie la ségrégation et instaure un statut d'infériorité. Toute personne qui croit dans les valeurs de la République se sent agressée par le port du voile. En ce sens, il constitue bien une atteinte à l'ordre public. Et c'est à vous, législateurs, qu'il appartient de déterminer jusqu'où doit aller la loi.
Mais il ne suffit pas de légiférer, il faut engager une action pédagogique. Mme Nicole Ameline se souvient sans doute qu'en 2004, elle avait commandé une étude, avec M. Jean-François Lamour, relative aux femmes et à la pratique du sport, dont une partie était consacrée aux jeunes filles des cités. Cette étude représentait un énorme travail, puisque soixante auditions et six enquêtes avaient été réalisées. Pour avoir participé, en janvier dernier, à un débat sur les jeunes filles dans les cités, je peux vous dire que la situation n'a pas évolué. Le phénomène économique n'est pas le seul responsable. Alors que le sport compte 30 % de licenciés au niveau national, ils ne sont plus que 10 % dans les cités, dont un quart de filles. Le monde du sport ne doit pas rester indifférent à la lente exclusion des filles des domaines sportifs. Je souhaite vivement que vous établissiez un état des lieux de cette question.
Je voudrais avant de conclure saluer Hassiba Boulmerka, cette femme qui, après avoir obtenu la première médaille d'or algérienne aux Jeux Olympiques, avait dédié sa victoire à toutes les femmes d'Algérie. Elle avait été vilipendée et menacée de mort par les islamistes. À Pékin, le Comité international olympique n'a pas été capable d'appliquer la charte olympique : la porte-drapeau du Bahreïn était voilée. Si vous laissez les choses en l'état, vous condamnez à mort les femmes qui, ici comme là-bas, préfèrent les lois du sport aux règles dictées par les extrémistes. Ne rien faire, c'est aussi faire un choix.
Le Mouvement français pour le planning familial coordonne 70 associations au sein des départements et onze fédérations régionales. Nous assurons des permanences sur le terrain et intervenons en milieu scolaire, dans les quartiers, les centres sociaux, les centres d'insertion, partout où se pose la question de l'exclusion et de l'enfermement des femmes.
Notre mouvement est clairement féministe. Nous nous battons pour le droit des femmes à disposer de leur corps, contre les violences de genre, pour la construction de l'égalité et la déconstruction des rapports sociaux induits par le patriarcat.
Il apparaît clairement que la loi ne suffit pas. Dans le domaine de la contraception, par exemple, il existe des lois. Pourquoi les femmes n'en profitent-elles pas ? Les sociologues ont découvert que des pans entiers de population sont dans une situation telle qu'ils considèrent que leur sexualité et l'ensemble de leurs choix sont illégitimes – je pense en particulier aux mineurs. Si nous voulons que les femmes utilisent les lois de notre pays, nous avons le devoir de leur présenter comme légitime leur désir d'égalité. Quant aux vêtements, pour les jeunes des quartiers, ils ont une valeur symbolique extrême.
Pour lutter contre une telle chape de plomb, il faut mener des politiques globales, auxquelles tout le monde participe. Il faut aussi que l'ensemble de la société partage la même volonté. Dans certains quartiers, seul le collège peut jouer un rôle d'information auprès des jeunes, dont un grand nombre ne sait pas encore que l'égalité entre les sexes est un principe constitutionnel. Hélas, dans certains quartiers, le collège, forteresse assiégée, n'est plus suffisamment armé pour parler aux jeunes de l'égalité des droits. Il faut sans doute renforcer la politique de la ville. Pourquoi ne pas commencer par prendre en compte, parmi les critères permettant à un quartier de bénéficier de crédits, la situation des femmes ou la diffusion de la contraception ?
Si, pour freiner l'évolution du port du voile, nous nous contentons de faire une loi, nous serons passés à côté du problème. Actuellement, nous menons des campagnes pour faire cesser les violences commises à l'encontre des femmes, pendant qu'un rappeur diffuse un message culturel plus violent et plus efficace que celui que nous essayons de faire passer avec les quelques fonds publics dont nous disposons. C'est intolérable ! La cohérence commence par là. Ne rien faire face à la généralisation du port du voile intégral est un message négatif et contredit les politiques éducatives que nous menons.
Nous sommes solidaires des femmes qui se battent partout dans le monde pour ne pas être enfermées et avoir des droits. Dans de nombreux pays, des femmes admirables mènent des combats difficiles, au risque de leur vie. En Afghanistan, des femmes ont été lapidées. Une enfant violée par son cousin a été lapidée à mort, tandis que son cousin, lui, n'a subi que cent coups de bâton ! Étant solidaires de ces femmes, nous ne pouvons tolérer le port du voile dans notre pays. Et ne nous laissons pas influencer par l'argument selon lequel certaines femmes choisissent de le porter, car toute personne choisit généralement le stéréotype en vigueur dans la société dont elle fait partie.
Les femmes ne se rendent pas dans nos permanences pour y recevoir des cours de morale, mais elles nous parlent du poids que fait peser sur elles leur groupe social et de la difficulté qu'elles ont à obtenir un minimum de liberté. Nous les écoutons, sans perdre nos convictions. Toutes les actions éducatives que nous menons auprès des jeunes en matière de sexualité, d'égalité entre filles et garçons, de lutte contre les stéréotypes et les violences, de citoyenneté se heurtent à la généralisation du port du voile. Savez-vous que lorsque je vais dans certains marchés dans les banlieues de Lyon ou de Grenoble, je ne vois plus que des femmes voilées ? Dans ces conditions, que dire aux jeunes des collèges sur l'égalité entre les hommes et les femmes ? L'augmentation du nombre de femmes voilées exerce une pression insoutenable sur les femmes des quartiers qui désirent s'intégrer. Comment aider celles qui ont envie de vivre autrement ?
Nous attendons de vous, Mesdames et Messieurs les parlementaires, que vous adressiez un message à notre pays en faveur de l'égalité entre filles et garçons, et nous souhaitons que soit créé un ministère dédié aux droits des femmes, capable de mener des actions pour lutter contre les discriminations. Car il est clair que les pouvoirs publics manquent d'outils pour combattre les signes de soumission de la femme.
Nous ne sommes pas contre le fait de légiférer, mais si vous votiez une loi interdisant le voile intégral sans mener, dans le même temps, une politique globale visible, dans tous les domaines de la vie publique, cela ne ferait que stigmatiser plus encore les femmes voilées.
En tant que journaliste, j'ai écrit deux livres, dont le premier s'intitule Deux femmes en colère ; quant au second, La femme, la République et le Bon Dieu, qui traitait des signes ostentatoires et du choc entre religion et laïcité, il m'a donné l'occasion d'être auditionnée à l'Assemblée nationale – audition qui s'est bien passée mais n'a pas été suivie d'effet, ce que nous avons un peu regretté.
L'association Paroles de femmes, née il y a trois ans, est composée d'hommes et de femmes qui tentent de promouvoir l'égalité des sexes dans la société mais également dans les groupes religieux. Très tôt, nous nous sommes attaqués au statut des femmes dans les religions, en particulier à la répudiation, qui a toujours force de loi en France, tant dans la religion juive que musulmane. Je souhaite, en tant que juive, que l'intégrisme religieux soit évoqué de façon plus large, car il concerne toutes les religions.
L'association a organisé de nombreux colloques et compte un certain nombre de permanences en France. Nous avons créé un module chargé de réfléchir à l'égalité entre garçons et filles et, dans les quartiers difficiles, nous travaillons sur les notions de citoyenneté et de laïcité. Nous disposons de certains outils, dont le film récent intitulé La journée de la jupe, qui évoque les problèmes auxquels sont confrontés les professeurs dans les écoles. Nous intervenons de façon hebdomadaire dans les établissements des quartiers difficiles, mais également dans les centres de détention pour adolescents ayant commis des agressions sexuelles.
Si nous sommes favorables à une loi destinée à interdire le port de la burqa, elle ne doit pas être exclusivement répressive mais s'accompagner d'une réflexion sur le véritable problème que rencontre notre pays avec l'émergence des intégrismes religieux.
La burqa, pour nous, est un signe ostentatoire de plus pour affirmer une appartenance, une culture religieuse qui s'oppose aux valeurs républicaines et laïques de notre pays. Mais ce n'est pas le fond du problème, car les adolescentes musulmanes que nous rencontrons dans les collèges souhaitent porter le voile, comme leur mère. Les garçons nous parlent de virginité obligatoire pour les filles. Sur une classe de vingt, seuls deux élèves se sentent français, les autres choisissant le pays d'origine de leurs parents ; seule une fille sur dix ose porter une jupe, car les filles qui se découvrent sont des filles faciles. Nous devons savoir comment et pourquoi ces adolescents qui ont accès à la modernité, à l'éducation laïque, choisissent de respecter ces traditions ancestrales, où le droit de la femme ne vaut pas grand-chose.
Interdire la burqa dans la rue est une bonne chose, mais à condition que cette interdiction s'accompagne d'une réflexion sur l'ensemble des signes et comportements religieux qui menacent notre République, par exemple la fin de la mixité autorisée dans les piscines de certaines villes de France, le maintien de la répudiation dans les religions musulmane et juive, l'absence de mixité dans les lieux de culte…
Cette loi devra s'accompagner de mesures préventives, tels l'obligation d'enseigner l'éducation civique à l'échelle nationale ou l'accompagnement des femmes qui portent la burqa. Si, demain, une femme souhaite ne pas porter la burqa pour obéir à la loi mais que son mari refuse, qui la protégera ? Si un homme impose à sa femme de ne plus sortir, que pourra faire une association comme la nôtre ? Si cette loi est adoptée, la République, en veillant à ne pas stigmatiser telle ou telle population, devra se donner les moyens d'endiguer la montée de l'intégrisme. L'endoctrinement des jeunes générations ne se fait pas dans la rue – et ce n'est pas parce que nous ne verrons plus de femmes en burqa que le problème sera réglé – mais au sein de la famille et, surtout, dans les mosquées. Il s'agit donc bien d'un problème religieux, même si la burqa n'est pas un signe religieux. Nous avons constaté à notre permanence du Pré-Saint-Gervais que les femmes se sont couvert la tête dès qu'un nouvel imam est arrivé. Ce n'est certainement pas un hasard.
Le combat qu'il nous faut mener va au-delà d'une loi sur le port de la burqa. Il est temps de mener une campagne de prévention active, car, vous l'aurez compris, l'éducation et la prévention restent nos meilleures armes. Pourquoi, dans ces conditions, ne pas instaurer un service civique mixte, obligatoire, pour les jeunes de 18 à 65 ans, au cours duquel seraient enseignés la laïcité, le droit des femmes et la citoyenneté ?
Je suis à la fois présidente de l'association Regards de femmes, élue locale et essayiste. En effet, j'ai publié en 2004 un livre Un voile sur la République, qui, malheureusement, est toujours d'actualité.
Dans notre pays, tout policier, gendarme ou douanier peut exiger d'une personne portant un voile intégral de l'ôter afin de montrer son visage et être identifiable. Pourquoi les agents publics ne le font-ils pas ? La création d'une mission parlementaire est-elle indispensable ? Que peut vous suggérer une association de terrain féministe, qui agit pour l'égalité en termes de droits, de devoirs et de dignité ?
Notre association considère que tolérer le voile islamiste relève du machisme et du racisme et revient à accepter une attaque frontale contre nos principes républicains.
Les « machocrates » ont besoin de la servitude, volontaire ou forcée, des femmes. Leur stratégie manipulatoire est simple : faire croire aux femmes que leur dieu a les yeux fixés sur elles pour qu'elles acceptent d'obéir aux diktats des hommes, représentants de dieu sur terre.
Le voile, stigmate de discrimination, de séparation et de fantasmes sexuels, fait considérer les femmes comme propriété de leur mari et a pour objectif de les rendre intouchables par les autres hommes, même les médecins. L'affichage ostensible du marquage archaïque, possessionnel et obsessionnel du corps féminin est le cheval de Troie de l'islam politique, qui montre ainsi sa capacité à occuper les espaces et les esprits. Cette stratégie de prise de contrôle du corps des femmes par l'obéissance à un code vestimentaire céleste de bonne conduite est inacceptable !
Dans l'espace public, de plus en plus de fillettes portent le voile islamique, ce marqueur archaïque et claustrant de l'oppression des femmes. De plus en plus de femmes sont enveloppées dans une burqa qui les couvre entièrement afin que, même dehors, elles restent dedans et ne soient pas identifiables. Ce vêtement leur vole leur identité. Pourtant, elles deviennent interchangeables : il arrive, en effet, qu'une femme voilée titulaire de papiers soit engagée dans une entreprise de nettoyage et que d'autres femmes voilées, sans papiers, viennent travailler à sa place, avec le même contrat de travail. Et lorsque nous dénonçons un tel trafic, on nous accuse d'islamophobie !
Si la femme voilée est le modèle, comment s'étonner de leur multiplication ? Comment les enfants perçoivent-ils l'espace public si leur mère doit se cacher pour sortir ? Et les fillettes, qui représentent l'honneur de la famille, sont source de désordre et doivent cacher leurs cheveux dans l'espace public pour protéger les garçons – définitivement considérés comme étant incapables de maîtriser leurs pulsions – ! Ces représentations sont en totale contradiction avec le principe d'égalité entre les femmes et les hommes. Nous savons désormais que les difficultés rencontrées par les femmes se transmettent aux générations qui suivent : c'est ainsi que perdurent les violences, les mariages sous contrainte, les crimes d'honneur.
Le voile islamique est une attaque contre la République. Les demandes dérogatoires, les tenues provocatrices portées par les femmes – mais également par les hommes – proclament ostensiblement le refus de respecter les principes républicains de laïcité et d'égalité entre les femmes et les hommes. La loi doit nous permettre d'interdire ce qui est un trouble majeur à l'ordre public. On ne saurait tolérer n'importe quoi, au nom de telle ou telle tradition ou d'une distorsion dévergondée du droit. Le choix personnel n'est pas un droit que la République doit accorder. Nous avons bien fini par interdire le bizutage ou le lancer de nains, et la liberté d'expression n'empêche pas de sanctionner les personnes qui téléphonent au volant. La notion de tenue correcte est reconnue depuis l'arrêt sur le port des bermudas, comme l'interdiction de se promener en maillot de bain dans les stations balnéaires. Je rappellerai qu'un décret de juin 1790 énonce ainsi qu'« aucun citoyen ne peut porter ou faire porter la livrée ».
Notre choix est clair : nous soutenons les femmes qui veulent exercer leur libre arbitre par rapport aux diktats politico-religieux. L'argument des libertés fondamentales ne tient pas, car une liberté dévoyée engendre la loi du plus fort, du plus riche, du plus vociférant. Dans la devise nationale, la liberté est associée à l'égalité et à la fraternité parce que la fraternité républicaine empêche la liberté d'engendrer des privilèges et l'égalité d'engendrer l'oppression. La loi seule permet aux libertés des uns et des autres de cohabiter au lieu de s'opposer, de se renforcer en se limitant mutuellement, d'être libres ensemble.
Le voile islamique est une forme de racisme. Le tolérer sous prétexte que les femmes ou les fillettes qui le portent sont de confession ou de filiation musulmane est du racisme. Ne soyons ni dupes ni complices : le relativisme culturel est une forme de racisme, puisque cette argutie est utilisée pour interdire à des personnes d'avoir accès aux principes universels de dignité et de droit humain, sous prétexte que, dans leur pays de naissance ou d'origine familiale, ces principes ne sont pas respectés.
Les principes universels ne sont ni occidentaux, ni orientaux, ni septentrionaux, ni austraux. L'interculturel ne peut se passer de l'adhésion à des valeurs communes, ni échapper à l'examen de la raison. Concilier l'universalité et l'individu est le fondement de nos valeurs républicaines. Toutes les opinions ne se valent pas et toutes n'ont pas la même légitimité. L'esclavage a longtemps été considéré comme une situation normale, mais les besoins d'un groupe ne justifient jamais la servitude d'autres êtres humains. Permettez-moi de citer Victor Schoelcher : « Si l'on ne peut cultiver les Antilles qu'avec des esclaves, il faut renoncer aux Antilles » !
N'abandonnons pas lâchement nos compatriotes de filiation ou de confession musulmane à la merci de l'islam politique et d'autres obscurantistes et agissons pour que toutes les femmes aient accès aux droits humains universels. Protégeons l'ordre républicain.
Accepter l'exceptionnalité revient à légitimer les agitateurs religieux, notamment étrangers, dans leur volonté politique de défaire les lois du pays pour les remplacer par leur interprétation personnelle de textes religieux, mais cela revient surtout à les laisser opprimer tranquillement leurs coreligionnaires.
Les agents des trois fonctions publiques – d'État, territoriale, hospitalière – et les travailleurs sociaux sont trop souvent tétanisés face aux demandes dérogatoires pour des prétextes religieux, et l'école n'ose plus affirmer les principes républicains. Quant à l'université, elle est la porte ouverte au fascisme vert, poursuivant le travail commencé en Égypte, il y a une trentaine d'années.
L'association Regards de femmes a pris l'initiative de s'adresser aux parlementaires pour leur demander d'étendre la loi de 2004 sur les signes religieux à l'université et aux établissements publics d'enseignement supérieur, ainsi qu'à certaines catégories de la population en situation de faiblesse, notamment les fillettes.
Nous qui avons eu la chance de naître dans une France laïque, nous en sommes comptables vis-à-vis des jeunes générations à qui nous devons transmettre cet acquis majeur issu des Lumières, mais également vis-à-vis des femmes et des hommes qui se battent, partout dans le monde, pour atteindre leur idéal, car la laïcité figure en haute place dans la Constitution de la France et dans son histoire.
Je vous remercie. Compte tenu des délais contraints de cette audition, j'invite les intervenantes qui le souhaitent à nous faire parvenir également des contributions écrites.
Mesdames, les fédérations que vous représentez comportent-elles des associations de femmes musulmanes ?
Avez-vous reçu dans vos permanences des femmes portant le voile intégral et qui venaient vers vous pour tenter de trouver les voies d'une émancipation, d'un logement, de façon, le cas échéant, à ne plus le porter ?
Enfin, certains soutiennent que le port du voile intégral ne concerne que quelques milliers, voire quelques centaines de femmes. Pouvez-vous nous confirmer, en vous appuyant sur votre expérience, que ce phénomène est en expansion et si oui depuis quand ? Le port du voile intégral pourrait-il être lié à une nationalité, une origine particulières, des conversions de fraîche date ou encore des questions de génération ?
Je voudrais remercier chacune des associations présentes pour leurs exposés. Mesdames, de façon assez consensuelle, vous avez centré vos propos sur la citoyenneté et les droits des femmes, en concluant par avance à la nécessité, au-delà de la loi, de mesures de prévention et d'accompagnement et, en quelque sorte, d'une réaffirmation du principe d'égalité.
Nous en sommes tous convaincus, c'est avec l'islam, et certainement pas contre lui, que la démarche que nous avons entreprise doit être conduite. Pour l'accompagner, un dialogue constructif avec les femmes musulmanes et les représentants du culte musulman me paraît fondamental.
Mesdames, je vous ai écoutées avec délectation. Il est, en effet, temps de réagir globalement et avec force.
Je suis frappé par le fait que la montée de l'intégrisme dans un pays comme l'Algérie soit venue des femmes. Je me souviendrai toujours de la réaction de ces cadres du FLN, parti qui n'est fondamentalement ni intégriste ni religieux, en voyant leurs femmes manifester dans la rue en faveur du fondamentalisme et de l'intégrisme. Comment, en tant que femmes, comprenez-vous ce phénomène ? En Turquie, dans un débat entre deux femmes, l'une fondamentaliste et l'autre laïque, les arguments de la laïque n'ont pas toujours le dessus.
Pensez-vous que les arguments que vous avancez puissent être étayés ? Comment faire en sorte que, sur notre territoire, les femmes puissent intérioriser les principes dont vous avez vous-mêmes rappelé l'universalité ?
Merci à vous et aux militantes que vous représentez pour la netteté de votre expression et la clarté de vos recommandations.
La plupart d'entre vous, sinon vous toutes, avez appelé à une action qui aille au-delà de l'élaboration d'une loi. Pensez-vous que notre action et notre réflexion devraient concerner tous les signes religieux et non seulement le voile intégral ? Ne craignez vous pas qu'une action qui ne concernerait que ce voile ne serve d'alibi à une inaction en matière d'égalité des droits, et en faveur de sexualités épanouies, quelle que soit d'ailleurs leur orientation ?
L'une d'entre vous – mais je crois que vous êtes toutes d'accord – a pointé la contradiction entre la volonté affichée de lutter pour les droits des femmes et la disparition d'un ministère qui leur serait dédié ; je souhaiterais recueillir le sentiment de chacune à ce propos.
J'ai éprouvé une grande satisfaction humaine et intellectuelle à l'écoute de l'unité et de la force de vos propos.
Vous nous avez toutes dit que le port du voile intégral n'est compatible ni avec l'égalité des sexes ni avec les valeurs de notre République ni avec notre laïcité. Mais est-il compatible avec la nationalité française ?
Je voudrais moi aussi féliciter les intervenantes pour la qualité de leurs interventions. Chacune nous ouvre des pistes de réflexion.
Mesdames, êtes-vous en mesure d'identifier le moment où le phénomène a commencé à devenir prégnant et de mesurer son ampleur ? Mon impression est celle d'un tsunami qui va déferler sur nous.
Le nombre de plus en plus élevé de femmes voilées ne serait-il pas également dû au fait qu'il est de plus en plus permis à ces femmes de sortir, alors qu'autrefois elles restaient cloîtrées à la maison ?
Enfin, disposez-vous de contacts avec des réseaux de pays musulmans, tels que la Turquie, l'Ouzbékistan, le Turkménistan, où les femmes résistent à ce phénomène. Ainsi, les messages contre l'excision ont été beaucoup portés par des femmes qui se battaient contre elle dans leur pays, où cette pratique avait fini par être interdite. Dans le même temps des personnes de la deuxième ou troisième génération en France, dans leur quête d'identité, en porte-à-faux, remettaient en vigueur des coutumes qui n'avaient plus cours dans leur propre pays.
Nous sommes tous ici pour en témoigner, la République française s'honore des différences. Or, il est vrai que nous demandons en quelque sorte une indifférenciation entre toutes les femmes. Pour ne heurter aucun public, nous allons devoir être très clairs et dire que nous nous continuons à nous honorer de toutes les différences, l'indifférenciation que nous réclamons haut et fort, notamment de la part des femmes, n'ayant pour seul objectif que l'égalité entre les hommes et les femmes. Comment pouvons-nous accroître encore la clarté de ce message ?
La Coordination française pour le Lobby européen des femmes fait partie d'un réseau européen, composé de 2 000 associations dans les 27 États membres de l'Union et dans trois pays candidats à l'adhésion, dont la Turquie. Nous pourrons donc facilement interroger nos adhérentes.
Par ailleurs, nous avons voulu rendre visibles les femmes migrantes en créant un réseau qui leur soit spécifique. Chaque pays comporte donc un réseau de femmes migrantes adhérent au Lobby européen des femmes, l'ensemble de ces réseaux étant eux-mêmes fédérés en un réseau européen de femmes migrantes. Nous pouvons également demander à ces réseaux de travailler sur cette question.
Bien sûr. Par ailleurs, je suis travailleuse sociale depuis 1974. J'ai travaillé à Marseille. L'association membre du Lobby européen des femmes à laquelle j'appartiens est le Forum femmes-Méditerranée. Nous nous y sommes toujours attachées à travailler avec toutes les femmes et dans les quartiers. Depuis la fin des années 1990, nous menons chaque année une action sur le respect, en lien avec l'éducation nationale.
Monsieur le rapporteur a évoqué le nombre de femmes qui portent le voile intégral. Il ne faut pas se laisser emprisonner dans cette problématique. En France, le travail que nous avons mené sur l'excision a permis de la faire reculer. Si nous avions pris en compte les effectifs concernés, nous n'aurions sans doute pas travaillé sur l'excision.
Notre association compte-t-elle des femmes musulmanes ? Qui dit que la porte-parole ici de Femmes solidaires, blonde aux yeux bleus, n'est pas musulmane ? Nous devons être très attentifs à notre façon d'appréhender ces questions de religion. Certaines présidentes d'associations membre de notre réseau sont musulmanes ; simplement, cela ne se voit pas toujours. Je ne crois pas non plus qu'elles aient plus de légitimité que nous à parler ; la question de la burqa est une question plus de femmes que de femmes musulmanes.
Même si cela reste très marginal, nous avons reçu dans nos permanences quelques femmes portant le voile intégral, qui venaient nous demander de l'aide pour divorcer et enlever le voile. Nous essayons de les accompagner. Cependant, une fois l'information donnée sur les procédures de divorce et la conduite à adopter, l'échange revient sur des questions telles que la répudiation, et la femme repart chez elle. Nous sommes un peu désarmées.
Lorsque ces femmes viennent dans nos permanences, nous adoptons une démarche de fond. Nous leur exposons les valeurs que nous défendons, comme la laïcité. Nous avons demandé à une femme pourquoi elle portait ce voile. Elle nous a répondu que, revenant de La Mecque, elle devait le faire. Nous lui avons exposé que nous connaissions d'autres femmes qui étaient allées à La Mecque et qui ne le portaient pas forcément dans l'espace public. Un dialogue s'est donc instauré. Lorsque ces femmes viennent nous voir, nous ne les abandonnons pas. Nous ne considérons pas leur démarche comme anodine.
Nous menons aussi des campagnes à l'étranger, par exemple en Éthiopie, auprès des femmes afars qui, musulmanes, vivent de façon ancestrale seins nus. Depuis un an, dans ces régions, des tee-shirts rayés jaune et bleu sont arrivés d'Arabie Saoudite par conteneurs ; aujourd'hui, la plupart des femmes et des jeunes filles afars les portent, parce qu'on leur dit qu'elles ne doivent plus aller la poitrine découverte.
Sur l'excision, nous travaillons avec les imams, et nous construisons avec les femmes un dialogue qui avance petit à petit.
Les femmes que nous recevons subissent des violences, pas seulement physiques mais de toutes sortes, de la part de leur mari. Lorsque des femmes voilées viennent nous voir, c'est qu'elles n'en peuvent plus. Leur situation est caractérisée par la « double violence » : en plus des violences physiques ou psychologiques, elles se trouvent dans des situations administratives inextricables, qui font d'elles des êtres totalement soumis. Elles sont souvent venues dans le cadre du regroupement familial, après avoir été mariées au pays sans avoir pu choisir leur mari. Mais celui-ci ne fait aucune démarche pour que sa femme puisse bénéficier d'un titre de séjour. De ce fait, ces femmes se retrouvent sans papiers, donc sans aucune capacité d'action, notamment pour quitter leur mari. Tout notre travail consiste à les aider à obtenir un titre de séjour et à sortir de cette emprise et de cette soumission. Nous encourageons beaucoup de femmes dans ces situations, notamment lorsqu'elles sont en foyer d'hébergement, qui, difficulté supplémentaire, n'ont parfois pas le droit de les accueillir de manière durable.
Je voudrais réagir à l'idée selon laquelle peut-être même les femmes ne sont pas toujours les premières à se révolter contre le voile, voire qu'elles y seraient favorables.
On a parlé de l'Algérie et du FLN. Dès la déclaration de Tripoli, référence était faite à l'islam : « l'islam est notre loi ». En Tunisie, dans les années 1920, les premières à s'être manifestées comme féministes se sont dévoilées. Comment ont réagi les islamistes ? Quelques années plus tard, pour faire passer le message qu'il ne faut pas que les femmes se dévoilent, un cheik a demandé à sa fille de le relayer. Mon père, dira celle-ci, m'a encouragée à sortir, à manifester, à aller aux réunions des leaders politiques, à participer à la lutte pour la libération nationale et à celle de l'émancipation de la femme, entendue bien sûr selon la version islamiste. On retrouve partout cette stratégie des islamistes, consistant à mettre en avant les femmes. Si en Tunisie, l'action du président Bourguiba l'a contrée, en Algérie et au Maroc des mouvements d'émancipation ont été récupérés par les islamistes. C'est à un phénomène comparable auquel nous assistons aujourd'hui.
Je crois qu'il a été répondu de façon très claire à la question du rapporteur sur la présence de femmes musulmanes parmi nous. L'association Regards de femmes comporte des vice-présidentes, des responsables musulmanes ; je pense en particulier à l'une d'entre elles qui a quitté le Maroc après un mariage forcé et parce qu'on l'obligeait à porter le voile.
Ces dernières semaines, chaque fois que des journalistes nationaux m'ont demandé si une femme voilée ne voulant plus porter le voile, membre de mon association, accepterait de parler à la télévision, ils m'ont promis que ses traits seraient « floutés ». Ces propositions montrent l'extrême gravité de la situation ; nous ne sommes plus là dans notre République laïque, mais dans un monde de pur communautarisme. Faut-il exiger que les esclaves parlent seuls pour eux-mêmes ou permettre à d'autres de parler en leur nom ? Je l'ai dit à mes amies de « Ni putes ni soumises », c'est parce que nous ne rentrons pas le soir dormir dans les quartiers que nous pouvons parler. Nous devons parler au nom de ces femmes. C'est notre devoir.
Les exciseuses sont des femmes. La transmission de la tradition par les mères est un fait dramatique ; je dois bien le reconnaître, en tant que femme et féministe.
Dans notre monde d'images, la femme voilée est une image très prégnante. C'est pour cela qu'il faut enlever le voile ; et pas seulement la burqa ! Il ne s'agit pas d'une affaire de métrage de tissu mais de la signification de ce vêtement.
J'ai été enseignante dans les quartiers de Lyon. Les frères et les soeurs se succédaient dans nos classes. J'ai constaté que le développement du port du voile a coïncidé avec l'arrivée des paraboles dans nos quartiers et avec ce que les hommes et les femmes algériens ont appelé les « téléfatwas ». Je pense que le président André Gerin pourrait s'exprimer comme moi. Les enfants ont été alors immergés dans ce discours.
Je ne vois pas quelles difficultés pose la promotion de l'indifférenciation. Tout n'est pas acceptable. La plupart des musulmans de France, et je m'en réjouis, ne demandent que l'indifférence ainsi que le droit d'être laïques et de s'habiller comme ils le souhaitent. Or, dans la rue, ces femmes qui portent le voile sont provocantes et prosélytes, comme si elles seules, et pas les autres, étaient les bonnes musulmanes. Il appartient à la représentation nationale de choisir qui protéger.
Nous comptons dans nos rangs des femmes arabes ou originaires du Maghreb. Dès lors qu'elles sont laïques et qu'elles ne pratiquent pas leur religion, nous n'arrivons pas à les qualifier de musulmanes. Elles n'aiment pas n'avoir à traiter que les problèmes de femmes issues de l'immigration. Depuis quelques temps, se fortifie en elles l'idée qu'elles ont eu tort de chercher à trop bien s'intégrer. Elles constatent, par exemple, que, alors qu'elles ont voulu s'intégrer dans des organisations laïques françaises, elles ne peuvent trouver à Paris de cours d'arabe pour leurs enfants qu'à la mosquée ou à la maison de la jeunesse et de la culture, où il est dispensé par un imam.
Aujourd'hui les femmes musulmanes membres d'associations que nous connaissons revendiquent au nom même de leur féminisme d'être voilées. Les femmes musulmanes organisées sont des prosélytes du port du voile. Lorsqu'elles défilent dans des manifestations comme celle de la Journée de la femme, le 8 mars, elles sont encadrées par des services d'ordre composés d'hommes religieux barbus. En revanche, nous ne sommes pas en contact avec des associations de femmes laïques de confession musulmane.
Nous voyons nous aussi, comme Mme Sabine Salmon, venir à nous des femmes porteuses du voile intégral. Elles viennent souvent, je le souligne, accompagnées d'une amie non voilée. Elles n'osent pas effectuer seules des démarches personnelles ainsi habillées : c'est bien un symbole que ce costume ! Nous découvrons alors qu'elles ne savent pas vraiment si ce voile est ou non un symbole religieux ; lorsque leur amie leur dit que le Coran ne l'impose pas, elles la croient. Créer des endroits où ces jeunes femmes pourraient être informées, de façon à ce qu'elles ne s'emprisonnent pas elles-mêmes en croyant se conformer à des valeurs qu'elles recherchent, serait une piste à explorer.
Nous menons un dialogue dans les quartiers où la densité des personnes issues de l'immigration est forte. Nous y conduisons nos actions non pas avec des associations de femmes musulmanes mais avec des jeunes femmes revenues dans le quartier pour y travailler, et qui, si elles peuvent être habillées d'un foulard, ne sont pas voilées. Non seulement nous parlons de tous les signes religieux, mais aussi de toutes les contraintes que la communauté fait peser sur les femmes : vêtements, signes religieux, mais aussi obligation d'être rentrée à six heures le soir par exemple. Pourquoi les femmes prêtent-elles la main à la montée de l'intégrisme ? Pour être très franche, être traitée de « pute » dès qu'elle est vêtue à l'occidentale incitera une femme soit à rentrer dans le rang, soit à partir.
Nos réseaux comptent dans d'autres pays des militantes se revendiquant la plupart du temps laïques, même si elles peuvent avoir des pratiques religieuses. Nous pourrons vous mettre en relation avec un certain nombre d'entre elles.
Nous ne nous étions pas posé la question du lien entre développement du port du voile et nationalité ; cependant, très souvent cela tient à l'arrivée d'un nouvel imam, qui vient le plus souvent d'Égypte.
Il y a dix ans, dans le quartier de Grenoble dans lequel j'habite, aucune femme ne portait le voile. Aujourd'hui, je suis entourée de porteuses de voiles et je subis des pressions m'enjoignant de quitter ce quartier qui serait devenu arabe et où je n'aurais pas ma place. Très souvent, les porteuses du voile intégral arrivent de l'extérieur et vivent avec des musulmans très pratiquants.
Nous sommes à l'origine d'une charte des droits des femmes qui mentionne le droit des femmes à disposer librement de leur corps ; cette charte a été signée par plus de 8 000 personnes en France, mais également en Iran, en Égypte, au Maroc, en Tunisie. Dans ces pays musulmans, on a vu des femmes monter au créneau plus vigoureusement que les femmes musulmanes françaises.
Les vice-présidents de nos associations sont musulmans ; l'un d'eux est président des associations musulmanes laïques.
Nous avons conduit dans la presse une campagne sur les femmes précaires. Nous avons de ce fait reçu des visites de femmes voulant quitter leur mari, parce qu'il les obligeait à porter le voile par exemple. Mais dans ces cas interviennent des problématiques d'autorité parentale, de répudiation, d'hébergement dans un foyer. En tant qu'association, ne pouvons pas répondre aux demandes si la République ne nous donne pas les moyens de le faire.
Enfin, – l'école nous le permet – il faut sans doute aujourd'hui susciter au sein des jeunes générations le désir d'émancipation ; nous ne pourrons pas imposer aux femmes musulmanes de ne pas porter le voile, de ne pas croire, de penser que la burqa n'est pas un signe religieux. En revanche, nous pouvons leur donner le choix entre la laïcité et la modernité d'une part, leur culture ancestrale de l'autre.
Mme Mazetier nous a demandé si une action à l'encontre du voile ne risquait pas de servir d'alibi à une absence d'action en faveur de l'égalité entre les femmes et les hommes. Pour moi, le piège est déjà là. Le discours actuel a effacé les questions d'égalité entre les femmes et les hommes. Il est beaucoup plus difficile d'aborder les fondements d'une société qui s'est basée sur la relation du pouvoir et du patriarcat que de dire qu'il faut que chacun puisse accéder aux responsabilités tant professionnelles qu'électives.
La question aujourd'hui posée est peut-être pour nous le moyen de remettre sur le devant de la scène le droit des femmes à disposer de leur corps, à choisir librement, quelle que soit leur origine, et à trouver leur place dans notre société.
Mesdames, j'ai été moi aussi très heureuse de vous entendre. Le port du voile intégral, c'est l'effacement du droit à la différence. Une femme qui porte un voile intégral n'existe plus ; son individualité disparaît au profit d'une masse de tissu. Je pense que c'est le but recherché par ceux qui souhaitent affubler les femmes de cette manière. La semaine dernière, une intervenante nous a expliqué que nous étions devant un mouvement salafiste rigide, voire sectaire, qu'il touchait des jeunes jusqu'ici éduqués – des jeunes filles qui faisaient la fête avec les autres prennent brusquement le voile – et que ces personnes échappaient à toute forme d'autorité. Le maire, les parents et même l'imam n'y peuvent mais : ainsi, dans ma circonscription, l'imam de Charleville-Mézières, qui porte la parole d'un islam tempéré, ne peut rien y faire.
Dans ces conditions, quelles actions les associations peuvent-elles conduire, et à quel moment ? Comment, mis à part le cas où elles viennent leur demander de l'aide, peuvent-elles rattraper des femmes qui sont entrées dans ce mouvement, en général avec leur conjoint ?
Que pensez-vous des municipalités qui réservent des créneaux horaires aux femmes pour la pratique du sport, notamment dans les piscines ? Pour moi, cette démarche n'aide pas les femmes mais favorise, au contraire, la ségrégation entre les hommes et les femmes.
Des tribunaux de la charia existent au Royaume-Uni. J'ose espérer que la présente mission d'information a été mise sur pied à temps pour nous éviter d'arriver à ces excès. Je suis maire d'une commune de 12 000 habitants aux portes de la Brie. Depuis maintenant six mois, je retrouve régulièrement sur le marché deux personnes portant la burqa. C'est le signe d'une accélération du port de ce vêtement au coeur de notre pays. Il est temps pour nous d'en prendre conscience et d'adopter les bonnes mesures.
Mesdames, comment expliquez-vous que des enseignants, des agents hospitaliers viennent vous présenter les problèmes auxquels ils sont confrontés au lieu de s'adresser à leurs hiérarchies respectives, qui devraient disposer de bonnes solutions, tirées de la loi existante ?
Il semblerait que, parmi les femmes portant le voile intégral, figurent de plus en plus de femmes récemment converties ou ayant effectué des études supérieures. Si tel est le cas, quelles en sont les raisons ?
La présente mission d'information procède d'une très bonne idée et arrive à point nommé. Même dans la petite commune de 3 000 habitants où j'habite en Guadeloupe, chaque samedi une jeune femme fait son marché, avec son enfant, revêtue d'un voile intégral. Cela choque.
Madame Morvan, le phénomène présente-t-il dans les autres pays européens la même acuité qu'en France ?
Que peuvent faire les associations ? Rien. Ce qu'il faut, c'est une législation.
Paul Bert disait : « Nous sommes dans le domaine de la conscience, au seuil duquel s'arrête la loi de la majorité ».
Je suis tout à fait hostile, bien sûr, aux piscines islamiques.
La question des converties est gravissime. Lorsque j'interviens dans des réunions publiques, c'est le converti qui va s'exprimer et s'opposer à mes arguments et pas le barbu qui l'accompagne ; il en est de même pour les femmes voilées. Cette mise en avant des convertis est en réalité une stratégie de prise de pouvoir ; il n'est plus possible de se contenter de débattre pour convaincre.
J'adhère aux propos d'Annie Sugier. Les associations travaillent malgré tout avec les femmes voilées à accomplir la même tâche que lorsqu'elles accompagnent les femmes victimes de violences ou des personnes entrées dans une secte, c'est-à-dire à créer un lien.
Les femmes isolées, les salafistes, celles qui ont accompli des études supérieures et les converties ne poussent pas la porte de nos permanences. En revanche, il est possible d'arriver à entrer en contact avec elles à l'occasion d'actions collectives dans des quartiers sur des thèmes beaucoup plus vastes. Il faut multiplier ces occasions.
Pourquoi les enseignants des collèges, en difficulté dans leur classe sur ces questions, viennent-ils nous consulter ? Parce que nous sommes un peu extérieurs au système dont ils font partie et que nous pouvons leur donner des idées. Les collèges sont isolés dans les quartiers. Nous manquons de politiques territoriales de quartiers.
Nous essayons nous aussi de créer du lien pour aider les femmes dans ces situations. Une loi serait-elle la solution ? Ne risquerait-elle pas au contraire de figer les choses ? Pour moi, la vraie solution est la mise en place d'une véritable politique d'éducation, de travail sur les relations entre garçons et filles, de promotion de l'égalité entre les femmes et les hommes, le développement de l'enseignement de l'histoire des religions, l'action en faveur du développement d'un esprit critique à l'égard de celles qui sont déjà engagées dans le port du voile. Il s'agit bien de conduire une politique globale en amont.
Nous traitons toutes d'éducation, d'information et de relations entre filles et garçons. La loi de 2001, qui prévoit trois séances d'éducation et d'information à la sexualité, n'est pas totalement appliquée. Nos interventions en matière de sexualité, portent sur la relation à l'autre. Cette approche permet de travailler sur les relations entre filles et garçons et de montrer les rapports de domination véhiculés par ce type de signes religieux.
Tout récemment, à Grenade, lors d'un colloque international, des collègues membres d'associations féministes européennes m'ont souhaité de réussir dans le combat que nous menons en France.
Depuis un ou deux mois, il arrive que des femmes appellent dans nos permanences, par vagues – pendant une semaine dans un cas – pour se déclarer voilées et demander à adhérer. Nous sommes très prudents : si nous refusons, nous sommes attaqués pour discrimination. Nous demandons donc à nos membres qui répondent de rappeler les valeurs que nous défendons et de préciser que nous ne recevons pas les adhésions par téléphone, que nous souhaitons rencontrer nos futures adhérentes et discuter avec elles. Nous voulons, en effet, éviter tout « entrisme ».
En 2003, lorsque nous avons porté le débat sur le voile, nous avons été traités, localement, de racistes et d'islamophobes, nous avons reçu des lettres de menaces. C'est le signe que le port du voile est une question bien plus profonde qu'une marque symbolique d'appartenance.
En vingt ans – c'est une simple affaire d'observation – le nombre de jeunes filles voilées dans les établissements scolaires s'est considérablement accru ; il y a donc bien recrudescence du port du voile. La réponse est politique : c'est à vous de prendre la décision qui permettra de lui donner le nécessaire coup d'arrêt.
La Coordination française du Lobby européen des femmes intervient chaque année dans tous les États d'Europe pour expliquer la laïcité ; les autres pays ont besoin de cet outil pour faire reconnaître les droits des femmes et les faire échapper au communautarisme.
Aux Jeux olympiques d'Atlanta, en 1996, une seule femme, membre de la délégation iranienne, était voilée ; aujourd'hui 14 délégations comprennent des femmes voilées. L'augmentation est visible.
Au nom de la Mission, je vous remercie, Mesdames, pour la clarté et la lucidité de vos exposés. Nous avons besoin d'informations, de contributions de votre part. N'hésitez pas à nous présenter les préconisations auxquelles, selon vous, nous devrions travailler ; ainsi, vous nous aiderez dans notre cheminement. Nous sommes face à un défi de civilisation.
Audition de M. Michel Champredon, maire d'Evreux, et de M. Philippe Esnol, maire de Conflans-Sainte-Honorine, représentants de l'Association des maires de France
Je remercie M. Michel Champredon, maire d'Evreux, et M. Philippe Esnol, maire de Conflans-Sainte-Honorine, de leur présence. Je remercie également l'Association des maires de France et son président, M. Jacques Pélissard, de nous permettre ainsi d'entendre aujourd'hui un maire de la région parisienne et un maire de province. Les maires sont « en première ligne » sur le sujet qui nous occupe, en raison des problèmes auxquels ils sont confrontés au quotidien, tant dans les services qui sont en contact avec la population, notamment ceux de l'état-civil, que dans le domaine des activités associatives et sportives. Je me réjouis donc, Messieurs, que vous puissiez nous faire part de votre expérience.
Merci de nous permettre de nous exprimer devant vous sur ce sujet politico-religieux qui fait débat dans la société française. Evreux, préfecture du département de l'Eure, qui compte 54 000 habitants au sein d'une agglomération qui en regroupe 85 000, comprend deux quartiers populaires en renouvellement urbain. Une forte proportion de leurs habitants est originaire d'Afrique noire, d'Afrique du Nord ainsi que de Turquie. Beaucoup ont aujourd'hui la nationalité française. Globalement la commune vit bien. Le mouvement associatif laïc et d'éducation populaire ayant du mal à renouveler ses élites et s'affaiblissant au fil des années, on voit apparaître un mouvement associatif plus communautaire, avec lequel il faut aussi travailler parce qu'il représente une partie de la population, et qui se pose en partenaire de la vie locale. Ce partenariat est fondé sur des principes républicains, en particulier la laïcité et la neutralité, qui sont inscrits dans les conventions que nous passons.
À Evreux, quelques femmes portent le voile intégral, sans qu'on puisse dire exactement combien. Je pense qu'il y en a moins d'une dizaine mais peut-être est-ce un peu plus. On ne peut donc pas dire qu'à ce jour, la burqa soit un problème dans la vie locale. Elle attire le regard et peut inspirer des sentiments désapprobateurs, mais elle ne constitue pas un sujet de débat, ni dans les réunions publiques de quartier ni à l'occasion de nos rencontres avec les associations et les administrés. Je me réjouis en tout cas que cette mission parlementaire permette de réfléchir au sujet hors de toute pression médiatique ou sociétale.
Dans les services publics de la mairie et du Grand Evreux, le seul cas problématique que nous avons connu est, au moment du vote de la nouvelle loi sur la laïcité en 2004, celui d'une femme qui a voulu travailler dans la restauration scolaire avec son voile. Après négociation, elle a accepté de le retirer. Nous n'avons rencontré aucune autre difficulté.
Je vous remercie également d'avoir organisé cette audition. Ma ville compte 35 000 habitants, les populations et les logements s'y répartissent de manière satisfaisante. La vie associative y est très développée, avec plus de 200 associations qui s'impliquent très fortement dans la vie locale, en général en liaison étroite avec les élus et les services municipaux. Tout cela fonctionne bien depuis de longues années.
Mais on assiste depuis quelque temps à une régression dans le comportement des femmes en matière de tenues vestimentaires. On a vu apparaître, il y a une dizaine d'années, des voiles, plus ou moins importants, non seulement dans les rues de la ville mais aussi dans les services publics. La loi de 2004 sur la laïcité a heureusement mis un frein à cette évolution, en particulier en interdisant aux jeunes filles de porter le voile dans leur établissement scolaire. Néanmoins, le dérapage vestimentaire s'aggrave à nouveau. Depuis deux ou trois ans, j'ai relevé la présence sur le territoire de la commune d'au moins deux ou trois femmes en voile intégral avec les mains gantées, marchant trois mètres derrière celui que je suppose être leur mari. D'autres portent un voile qui ne laisse voir que les yeux et le nez, sur une tenue sombre, ou au contraire toute blanche, descendant jusqu'aux pieds. Cela provoque des réactions de malaise dans la population, qui ressent cela comme l'affichage provocateur de la volonté de ne pas s'intégrer.
Ce comportement peut évidemment poser problème dans les services publics, non seulement pour l'état-civil et les mariages, mais aussi à l'école : comment une institutrice peut-elle savoir si la femme qui se présente devant elle en burqa est bien la mère de l'enfant qu'elle vient chercher ? Et lorsque dans la hiérarchie de l'éducation nationale, on suggère de demander à la mère de broder son nom sur son vêtement pour s'assurer de son identité, on est, par rapport à nos principes républicains, dans le dérapage le plus incontrôlé !
Cette coutume vestimentaire qui provient de certains pays n'a, pour moi, rien à voir avec la religion musulmane. Elle ne respecte ni le principe de liberté, ni le principe d'égalité, et encore moins le principe de laïcité. Je considère donc qu'elle doit être interdite sur le territoire de la République française.
M. Esnol, vos services municipaux rencontrent-ils eux aussi des problèmes ? M. Champredon, si vous considérez que de tels problèmes n'existent pas pour l'instant à Evreux, pensez-vous que le développement du port du voile intégral pourrait vous en poser ? Quel est votre sentiment personnel sur cette pratique au regard des principes républicains ?
Y a-t-il eu, dans vos deux villes, des cas de confrontation entre une femme portant le voile intégral, ou son mari, et les agents municipaux ? Comment la hiérarchie a-t-elle alors réagi ?
Au cas où vous auriez reçu la délégation du préfet pour remettre leurs papiers aux personnes nouvellement naturalisées, avez-vous eu à les remettre à des femmes qui se sont présentées en burqa ?
Je suis députée de Mulhouse, ville de 125 000 habitants qui a connu ces dernières années une montée très importante du hijab en général et du voile intégral en particulier. S'il va sans dire que l'islam doit disposer de lieux de culte dignes, on observe que, de plus en plus, on adjoint aux mosquées, dans un même ensemble, des lieux culturels. Ainsi dans ma ville, le dernier projet de mosquée est assorti d'une galerie marchande ainsi que d'une piscine, dont on peut imaginer que les horaires d'ouverture seront différenciés pour les hommes et pour les femmes. Comment réagiriez-vous devant un projet de ce type, certes privé, mais porteur de valeurs très communautaristes ?
Pour ma part je suis députée de Paris, et plus particulièrement du quartier de Belleville, où sont arrivés depuis un siècle et demi des immigrants de toutes nationalités. La présence du voile depuis quatre ou cinq ans en a vraiment changé la physionomie. Il y a des endroits où les gens y prêtent peu attention ; en revanche, je me suis trouvée récemment dans le métro avec une femme très jeune qui pouvait à peine se déplacer à cause de sa burqa : tout le wagon s'est mis en colère ; le mouvement d'humeur a été général. C'était la première fois que je voyais cela.
J'en viens à ma question : comment font les services municipaux lorsque des femmes très voilées viennent s'inscrire, même avec photo et pièce d'identité, sur les listes électorales ?
Evreux et Conflans-Sainte-Honorine sont peut-être un peu moins concernées que d'autres villes de l'Eure et des Yvelines, mais parlez-vous de ce sujet au sein des associations de maires de votre département et au niveau des agglomérations ?
À votre avis, ces problèmes peuvent-ils être liés à l'arrivée d'un nouvel imam, ou encore à celle de populations originaires d'autres pays que les anciennes colonies françaises, n'ayant avec nous aucun passé commun ?
Enfin, êtes-vous interpellés par vos agents communaux sur le fait qu'ils ont des difficultés avec des femmes qui refusent d'enlever leur voile ? Je souligne, en effet, que si nous avons légiféré sur les signes religieux à l'école, c'est parce que les enseignants et les chefs d'établissement ont fait appel à nous.
À Charleville-Mézières aussi, une mosquée va être construite et le projet comporte une partie cultuelle et une partie culturelle. Les pratiquants musulmans veulent obtenir un financement public sur la deuxième. Or dès lors qu'il y a financement public, les lieux relèvent de l'espace public et non plus privé. Les maires sont-ils en attente de règles conditionnant un tel financement public, comme par exemple l'égal accès de tous les citoyens à ces espaces ?
Les agents municipaux nous interpellent-ils ? À Evreux, non. Parlons-nous de ce sujet entre maires ? Pas davantage, sauf peut-être pour discuter du dernier reportage vu à la télévision… Ce qui nous occupe, c'est de réussir le renouvellement urbain dans les quartiers populaires. Celui de La Madeleine est en renouvellement urbain depuis vingt-cinq ans, du développement social des quartiers (DSQ) des années 1981-1983 aux opérations de renouvellement urbain (ORU) en passant par les contrats de ville. Or si du point de vue de la superstructure, ces quartiers sont à peu près remis à neuf, en revanche la pauvreté y a galopé, le communautarisme s'est sensiblement développé, l'exclusion sociale s'est accrue, les incivilités sont devenues encore plus insupportables, et tous les habitants qui en ont eu la possibilité sont partis ailleurs. Ne restent que ceux qui en sont prisonniers. Je ne crie pas haro sur la politique de la ville, à laquelle j'ai participé comme élu depuis 1983, mais force est de constater que vingt-cinq ans après, les quartiers en renouvellement urbain ne sont pas tirés d'affaire, tant s'en faut. C'est le cas à La Madeleine, où l'on vient de dépenser 200 millions d'euros sur cinq ans pour 15 000 habitants, et où le conseil général s'est même interrogé récemment sur l'opportunité de fermer le collège. En effet, tous les parents qui en ont la possibilité évitent d'y scolariser leurs enfants ; l'inspection académique refusant d'accorder des dérogations pour les inscrire dans d'autres établissements publics, ils partent dans le secteur privé. Bref, la question religieuse doit s'envisager à l'intérieur de celle, plus globale, de la politique de la ville.
En ce qui concerne la manière dont le maire que je suis depuis quatorze mois fait vivre les idéaux de la République, j'ai commencé par demander l'inscription de la devise de la République sur les bâtiments officiels. Celle qui figure désormais sur le bâtiment de l'agglomération du Grand Evreux a été inaugurée il y a un mois. Fin août, à l'occasion de la célébration de la libération d'Evreux, nous inaugurerons celle du fronton de l'hôtel de ville. La devise de la République sera également inscrite sur tous les bâtiments communaux, en commençant par les écoles.
Deuxième exemple : à l'occasion de la fête nationale, nous venons d'organiser une réception pour les nouveaux Français installés à Evreux, avec notamment la projection du film très pédagogique du ministère de l'intérieur – que je vais d'ailleurs suggérer aux écoles d'utiliser.
Si j'avais eu le temps de réagir, je serais allé la voir. Autrement, j'aurais fait comme si de rien n'était en attendant de pouvoir discuter avec elle. Mais la question n'est pas simple, puisqu'elle soulève celle de la liberté de culte.
Je peux aussi vous citer ce que j'ai fait en matière de commerces. À La Madeleine, comme souvent dans ce type de quartier, la mixité commerciale a tendance à reculer : lorsqu'un commerce classique ferme, c'est un commerce de type communautaire qui ouvre. Or la réussite du renouvellement urbain passe par la mixité commerciale : lorsque les habitants, notamment âgés, ne trouvent plus leurs produits habituels, ils partent. Dans le centre commercial de La Madeleine, une boulangerie avait fermé ; deux repreneurs s'étaient manifestés, un vendeur de kebabs et un boulanger-traiteur, et j'ai bien sûr soutenu le second devant le liquidateur, bien que son offre soit financièrement moins intéressante, afin de favoriser le maintien d'une population d'origine européenne.
Voilà quelques gestes qui témoignent de mon engagement. J'étais partisan de la dernière loi sur la laïcité et il me semble qu'on n'échappera pas à une législation sur la question de la burqa : en laissant aux acteurs sociaux et aux élus le soin de régler le problème au niveau local, on rendrait tout le monde vulnérable et on courrait le risque d'une trop grande diversité de réponses. Il me paraît du devoir du législateur de prendre un engagement fort, conforme aux principes d'égalité, de liberté et de fraternité qui fondent notre culture républicaine depuis 1789, auxquels s'ajoute le principe de laïcité. Ces principes font en effet l'identité, la beauté et le charme de notre pays.
Les services municipaux rencontrent peu de problèmes car la plupart du temps ce sont les maris, et non pas les femmes, qui font les démarches administratives. Il y en a eu un à l'occasion d'un mariage, mais l'officier d'état-civil a réussi à obtenir que le voile soit levé – faute de quoi le mariage n'aurait pas eu lieu. J'ai, par ailleurs, évoqué les difficultés auxquelles peuvent être confrontées les maîtresses d'école.
Quant à la remise des papiers aux personnes naturalisées, pour le moment elle est toujours effectuée, chez nous, par le sous-préfet.
Très attaché à la liberté de pensée et de croyance, je considère que toutes les religions ont droit à des lieux de culte. En revanche, je suis hostile à tout financement public, et j'ai été amené à en refuser. Mais ce n'est pas de la liberté de culte que relèvent les comportements vestimentaires ; il s'agit de dérapages communautaristes, imposés par les hommes. À trop confondre la liberté de culte et certaines pratiques culturelles, on pourrait en venir à admettre d'autres pratiques comme la polygamie ou l'excision… En la matière, il est indispensable que nous posions des limites ; si certaines personnes ne souhaitent pas les respecter, il leur est toujours possible d'aller vivre ailleurs.
Entre collègues maires, oui, nous parlons de ces questions, d'autant que certains se sont positionnés sur le sujet et que dans certaines communes peu éloignées de la mienne, comme Les Mureaux et Chanteloup-les-Vignes, la problématique peut être plus compliquée qu'à Conflans. Aux Mureaux, le conseil municipal vient d'adopter une charte de la laïcité afin de clarifier la situation. J'ai également l'occasion de dialoguer avec, M. Jacques Myard, qui a pris position de façon courageuse.
S'agissant des causes du phénomène, à Conflans il n'y a pas d'imam ; on ne peut pas non plus tout expliquer par l'origine des populations puisque désormais, on voit même des Françaises converties porter le voile intégral. C'est dire l'aggravation de la situation et la nécessité d'y mettre un coup d'arrêt.
Certains, hostiles à l'adoption d'une loi nous disent que l'interdiction de la burqa risquerait d'avoir pour effet de contraindre les femmes à rester enfermées chez elles, l'appartement se substituant à la burqa. Qu'en pensez-vous ?
Pour ma part, j'aimerais un complément de réponse à la question de deux de nos collègues sur la présence d'un équipement culturel à côté d'un lieu cultuel.
Pendant la campagne électorale, j'ai toujours dit que je ne m'opposerais pas à ce qu'il y ait à Evreux un lieu de culte pour les mulsulmans, mais j'ai bien répété qu'il ne bénéficierait d'aucun financement public, ni de la ville, ni de l'agglomération, ni du département, pas plus que de l'État et de la région. Au lendemain des élections, j'ai préféré prendre le sujet à bras-le-corps et organiser une réunion avec des associations représentant la diversité de la communauté musulmane, plutôt que d'attendre que les choses se fassent hors de tout contrôle de la collectivité. J'y ai exprimé ma volonté de jouer un rôle d'accompagnement, sans intervenir sur le plan financier, et il m'a paru très important de demander que ce lieu de prière soit destiné à l'ensemble des sensibilités de la communauté musulmane. Nous en sommes à la troisième réunion et le dossier progresse.
Souvent, c'est vrai, les musulmans adossent au lieu cultuel un lieu culturel, de façon à pouvoir drainer des financements. Bien entendu, il convient d'être vigilant car nos concitoyens pourraient avoir le sentiment d'être trompés si, par une astuce de présentation, on apportait des deniers publics au fonctionnement d'un culte.
Je ne suis moi-même nullement opposé à la création de lieux de culte, tout en étant contre tout financement public. En ce qui concerne les équipements culturels, je ne vois pas au nom de quoi on refuserait des écoles coraniques aux musulmans alors qu'il existe des écoles catholiques, protestantes ou juives. S'agissant des piscines, on ne peut guère intervenir si elles sont privées ; en revanche, je suis résolument opposé à l'idée de réserver des créneaux horaires aux femmes dans les piscines publiques.
Sur les lieux de culte, le fait de dire qu'on préfère accompagner plutôt que subir en dit long sur les inquiétudes que l'on éprouve…
Enfin, que se passerait-il si l'on interdisait la burqa ? En réalité, cela ne changerait pas grand-chose pour les femmes. Certes elles seraient peut-être enfermées chez elles, mais aujourd'hui la burqa les enferme lorsqu'elles sont dehors ; elles ne sont libres ni dans un cas, ni dans l'autre. Mme Elisabeth Badinter a raison de dire que les femmes qui prétendent porter librement la burqa font insulte à toutes celles qui vivent dans des pays où ce voile est obligatoire.
Messieurs, merci beaucoup pour les éléments que vous nous avez apportés. Nous aurons l'occasion d'entendre d'autres maires par la suite.
Mes chers collègues, je vous informe également que la Conférence des présidents a accepté que notre mission change d'appellation et s'intitule : « Mission d'information sur la pratique du port du voile intégral sur le territoire national ».
La séance est levée à dix-neuf heures quarante-cinq.