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Intervention de Françoise Laurant

Réunion du 15 juillet 2009 à 17h00
Mission d’information sur la pratique du port du voile intégral sur le territoire national

Françoise Laurant, présidente du Mouvement français pour le planning familial :

Le Mouvement français pour le planning familial coordonne 70 associations au sein des départements et onze fédérations régionales. Nous assurons des permanences sur le terrain et intervenons en milieu scolaire, dans les quartiers, les centres sociaux, les centres d'insertion, partout où se pose la question de l'exclusion et de l'enfermement des femmes.

Notre mouvement est clairement féministe. Nous nous battons pour le droit des femmes à disposer de leur corps, contre les violences de genre, pour la construction de l'égalité et la déconstruction des rapports sociaux induits par le patriarcat.

Il apparaît clairement que la loi ne suffit pas. Dans le domaine de la contraception, par exemple, il existe des lois. Pourquoi les femmes n'en profitent-elles pas ? Les sociologues ont découvert que des pans entiers de population sont dans une situation telle qu'ils considèrent que leur sexualité et l'ensemble de leurs choix sont illégitimes – je pense en particulier aux mineurs. Si nous voulons que les femmes utilisent les lois de notre pays, nous avons le devoir de leur présenter comme légitime leur désir d'égalité. Quant aux vêtements, pour les jeunes des quartiers, ils ont une valeur symbolique extrême.

Pour lutter contre une telle chape de plomb, il faut mener des politiques globales, auxquelles tout le monde participe. Il faut aussi que l'ensemble de la société partage la même volonté. Dans certains quartiers, seul le collège peut jouer un rôle d'information auprès des jeunes, dont un grand nombre ne sait pas encore que l'égalité entre les sexes est un principe constitutionnel. Hélas, dans certains quartiers, le collège, forteresse assiégée, n'est plus suffisamment armé pour parler aux jeunes de l'égalité des droits. Il faut sans doute renforcer la politique de la ville. Pourquoi ne pas commencer par prendre en compte, parmi les critères permettant à un quartier de bénéficier de crédits, la situation des femmes ou la diffusion de la contraception ?

Si, pour freiner l'évolution du port du voile, nous nous contentons de faire une loi, nous serons passés à côté du problème. Actuellement, nous menons des campagnes pour faire cesser les violences commises à l'encontre des femmes, pendant qu'un rappeur diffuse un message culturel plus violent et plus efficace que celui que nous essayons de faire passer avec les quelques fonds publics dont nous disposons. C'est intolérable ! La cohérence commence par là. Ne rien faire face à la généralisation du port du voile intégral est un message négatif et contredit les politiques éducatives que nous menons.

Nous sommes solidaires des femmes qui se battent partout dans le monde pour ne pas être enfermées et avoir des droits. Dans de nombreux pays, des femmes admirables mènent des combats difficiles, au risque de leur vie. En Afghanistan, des femmes ont été lapidées. Une enfant violée par son cousin a été lapidée à mort, tandis que son cousin, lui, n'a subi que cent coups de bâton ! Étant solidaires de ces femmes, nous ne pouvons tolérer le port du voile dans notre pays. Et ne nous laissons pas influencer par l'argument selon lequel certaines femmes choisissent de le porter, car toute personne choisit généralement le stéréotype en vigueur dans la société dont elle fait partie.

Les femmes ne se rendent pas dans nos permanences pour y recevoir des cours de morale, mais elles nous parlent du poids que fait peser sur elles leur groupe social et de la difficulté qu'elles ont à obtenir un minimum de liberté. Nous les écoutons, sans perdre nos convictions. Toutes les actions éducatives que nous menons auprès des jeunes en matière de sexualité, d'égalité entre filles et garçons, de lutte contre les stéréotypes et les violences, de citoyenneté se heurtent à la généralisation du port du voile. Savez-vous que lorsque je vais dans certains marchés dans les banlieues de Lyon ou de Grenoble, je ne vois plus que des femmes voilées ? Dans ces conditions, que dire aux jeunes des collèges sur l'égalité entre les hommes et les femmes ? L'augmentation du nombre de femmes voilées exerce une pression insoutenable sur les femmes des quartiers qui désirent s'intégrer. Comment aider celles qui ont envie de vivre autrement ?

Nous attendons de vous, Mesdames et Messieurs les parlementaires, que vous adressiez un message à notre pays en faveur de l'égalité entre filles et garçons, et nous souhaitons que soit créé un ministère dédié aux droits des femmes, capable de mener des actions pour lutter contre les discriminations. Car il est clair que les pouvoirs publics manquent d'outils pour combattre les signes de soumission de la femme.

Nous ne sommes pas contre le fait de légiférer, mais si vous votiez une loi interdisant le voile intégral sans mener, dans le même temps, une politique globale visible, dans tous les domaines de la vie publique, cela ne ferait que stigmatiser plus encore les femmes voilées.

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