Je suis à la fois présidente de l'association Regards de femmes, élue locale et essayiste. En effet, j'ai publié en 2004 un livre Un voile sur la République, qui, malheureusement, est toujours d'actualité.
Dans notre pays, tout policier, gendarme ou douanier peut exiger d'une personne portant un voile intégral de l'ôter afin de montrer son visage et être identifiable. Pourquoi les agents publics ne le font-ils pas ? La création d'une mission parlementaire est-elle indispensable ? Que peut vous suggérer une association de terrain féministe, qui agit pour l'égalité en termes de droits, de devoirs et de dignité ?
Notre association considère que tolérer le voile islamiste relève du machisme et du racisme et revient à accepter une attaque frontale contre nos principes républicains.
Les « machocrates » ont besoin de la servitude, volontaire ou forcée, des femmes. Leur stratégie manipulatoire est simple : faire croire aux femmes que leur dieu a les yeux fixés sur elles pour qu'elles acceptent d'obéir aux diktats des hommes, représentants de dieu sur terre.
Le voile, stigmate de discrimination, de séparation et de fantasmes sexuels, fait considérer les femmes comme propriété de leur mari et a pour objectif de les rendre intouchables par les autres hommes, même les médecins. L'affichage ostensible du marquage archaïque, possessionnel et obsessionnel du corps féminin est le cheval de Troie de l'islam politique, qui montre ainsi sa capacité à occuper les espaces et les esprits. Cette stratégie de prise de contrôle du corps des femmes par l'obéissance à un code vestimentaire céleste de bonne conduite est inacceptable !
Dans l'espace public, de plus en plus de fillettes portent le voile islamique, ce marqueur archaïque et claustrant de l'oppression des femmes. De plus en plus de femmes sont enveloppées dans une burqa qui les couvre entièrement afin que, même dehors, elles restent dedans et ne soient pas identifiables. Ce vêtement leur vole leur identité. Pourtant, elles deviennent interchangeables : il arrive, en effet, qu'une femme voilée titulaire de papiers soit engagée dans une entreprise de nettoyage et que d'autres femmes voilées, sans papiers, viennent travailler à sa place, avec le même contrat de travail. Et lorsque nous dénonçons un tel trafic, on nous accuse d'islamophobie !
Si la femme voilée est le modèle, comment s'étonner de leur multiplication ? Comment les enfants perçoivent-ils l'espace public si leur mère doit se cacher pour sortir ? Et les fillettes, qui représentent l'honneur de la famille, sont source de désordre et doivent cacher leurs cheveux dans l'espace public pour protéger les garçons – définitivement considérés comme étant incapables de maîtriser leurs pulsions – ! Ces représentations sont en totale contradiction avec le principe d'égalité entre les femmes et les hommes. Nous savons désormais que les difficultés rencontrées par les femmes se transmettent aux générations qui suivent : c'est ainsi que perdurent les violences, les mariages sous contrainte, les crimes d'honneur.
Le voile islamique est une attaque contre la République. Les demandes dérogatoires, les tenues provocatrices portées par les femmes – mais également par les hommes – proclament ostensiblement le refus de respecter les principes républicains de laïcité et d'égalité entre les femmes et les hommes. La loi doit nous permettre d'interdire ce qui est un trouble majeur à l'ordre public. On ne saurait tolérer n'importe quoi, au nom de telle ou telle tradition ou d'une distorsion dévergondée du droit. Le choix personnel n'est pas un droit que la République doit accorder. Nous avons bien fini par interdire le bizutage ou le lancer de nains, et la liberté d'expression n'empêche pas de sanctionner les personnes qui téléphonent au volant. La notion de tenue correcte est reconnue depuis l'arrêt sur le port des bermudas, comme l'interdiction de se promener en maillot de bain dans les stations balnéaires. Je rappellerai qu'un décret de juin 1790 énonce ainsi qu'« aucun citoyen ne peut porter ou faire porter la livrée ».
Notre choix est clair : nous soutenons les femmes qui veulent exercer leur libre arbitre par rapport aux diktats politico-religieux. L'argument des libertés fondamentales ne tient pas, car une liberté dévoyée engendre la loi du plus fort, du plus riche, du plus vociférant. Dans la devise nationale, la liberté est associée à l'égalité et à la fraternité parce que la fraternité républicaine empêche la liberté d'engendrer des privilèges et l'égalité d'engendrer l'oppression. La loi seule permet aux libertés des uns et des autres de cohabiter au lieu de s'opposer, de se renforcer en se limitant mutuellement, d'être libres ensemble.
Le voile islamique est une forme de racisme. Le tolérer sous prétexte que les femmes ou les fillettes qui le portent sont de confession ou de filiation musulmane est du racisme. Ne soyons ni dupes ni complices : le relativisme culturel est une forme de racisme, puisque cette argutie est utilisée pour interdire à des personnes d'avoir accès aux principes universels de dignité et de droit humain, sous prétexte que, dans leur pays de naissance ou d'origine familiale, ces principes ne sont pas respectés.
Les principes universels ne sont ni occidentaux, ni orientaux, ni septentrionaux, ni austraux. L'interculturel ne peut se passer de l'adhésion à des valeurs communes, ni échapper à l'examen de la raison. Concilier l'universalité et l'individu est le fondement de nos valeurs républicaines. Toutes les opinions ne se valent pas et toutes n'ont pas la même légitimité. L'esclavage a longtemps été considéré comme une situation normale, mais les besoins d'un groupe ne justifient jamais la servitude d'autres êtres humains. Permettez-moi de citer Victor Schoelcher : « Si l'on ne peut cultiver les Antilles qu'avec des esclaves, il faut renoncer aux Antilles » !
N'abandonnons pas lâchement nos compatriotes de filiation ou de confession musulmane à la merci de l'islam politique et d'autres obscurantistes et agissons pour que toutes les femmes aient accès aux droits humains universels. Protégeons l'ordre républicain.
Accepter l'exceptionnalité revient à légitimer les agitateurs religieux, notamment étrangers, dans leur volonté politique de défaire les lois du pays pour les remplacer par leur interprétation personnelle de textes religieux, mais cela revient surtout à les laisser opprimer tranquillement leurs coreligionnaires.
Les agents des trois fonctions publiques – d'État, territoriale, hospitalière – et les travailleurs sociaux sont trop souvent tétanisés face aux demandes dérogatoires pour des prétextes religieux, et l'école n'ose plus affirmer les principes républicains. Quant à l'université, elle est la porte ouverte au fascisme vert, poursuivant le travail commencé en Égypte, il y a une trentaine d'années.
L'association Regards de femmes a pris l'initiative de s'adresser aux parlementaires pour leur demander d'étendre la loi de 2004 sur les signes religieux à l'université et aux établissements publics d'enseignement supérieur, ainsi qu'à certaines catégories de la population en situation de faiblesse, notamment les fillettes.
Nous qui avons eu la chance de naître dans une France laïque, nous en sommes comptables vis-à-vis des jeunes générations à qui nous devons transmettre cet acquis majeur issu des Lumières, mais également vis-à-vis des femmes et des hommes qui se battent, partout dans le monde, pour atteindre leur idéal, car la laïcité figure en haute place dans la Constitution de la France et dans son histoire.