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Séance en hémicycle du 5 mai 2011 à 9h30

Résumé de la séance

Les mots clés de cette séance

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La séance

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Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Balligand

La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à neuf heures trente.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Balligand

L'ordre du jour appelle la discussion, après engagement de la procédure accélérée, du projet de loi fixant le nombre des conseillers territoriaux de chaque département et de chaque région (nos 3235, 3332).

La parole est à M. Philippe Richert, ministre chargé des collectivités territoriales.

Debut de section - PermalienPhilippe Richert, ministre chargé des collectivités territoriales

Comme vous le savez, la loi de réforme des collectivités territoriales du 16 décembre 2010 a institué le conseiller territorial.

L'Assemblée nationale en a longuement débattu au cours de l'automne dernier.

Ces nouveaux élus sont appelés à remplacer à compter de 2014 les 5 657 élus concernés par le périmètre de la réforme, soit 3 900 conseillers généraux et 1 757 conseillers régionaux.

La loi portant réforme des collectivités territoriales, notamment son volet relatif à la dynamique intercommunale, est d'ores et déjà en phase d'application, comme l'a souhaité le Parlement.

Toutefois, le volet relatif à la création du conseiller territorial doit quant à lui faire l'objet d'un ajustement.

En effet, le Conseil constitutionnel, qui a validé l'essentiel de cette réforme, pour ne pas dire la quasi-totalité, a toutefois considéré dans sa décision du 9 décembre 2010 que le tableau de répartition du nombre de conseillers territoriaux ne prenait pas suffisamment en compte les équilibres démographiques dans six départements (Aude, Cantal, Haute-Garonne, Mayenne, Meuse, Savoie) sur les quatre-vingt-seize concernés, situés dans six régions.

La Haute Juridiction a considéré que l'appréciation des écarts à la moyenne régionale devait se faire sans prendre en compte les départements dans lesquels est appliqué le seuil minimum de quinze conseillers territoriaux, seuil fixé par le Gouvernement pour assurer une représentation minimum des territoires et validé par le Conseil constitutionnel –.

Au regard de ce mode de calcul des écarts, il a estimé que les effectifs attribués à six départements méconnaissaient le principe d'égalité devant le suffrage.

Il a donc censuré l'article 6 de la loi adoptée définitivement par le Parlement le 17 novembre 2010 qui fixait, à partir de mars 2014, les effectifs des conseils généraux et des conseils régionaux.

Le projet de loi qui est soumis à votre examen aujourd'hui a pour objet unique de tirer les conséquences des exigences formulées par le Conseil constitutionnel.

Le nouveau tableau des effectifs annexé au projet de loi est donc inchangé dans seize des dix-sept régions n'ayant pas fait l'objet de remarque de la part de la Haute juridiction et se borne à modifier de façon minimale les effectifs au sein des régions relevées par le Conseil constitutionnel afin de respecter le « tunnel » des plus ou moins 20 % par rapport à la moyenne régionale.

J'aborderai tout d'abord la question de la reprise des effectifs validée par le Conseil constitutionnel et complétée par un ajustement spécifique à la Guadeloupe.

Dans sa décision du 9 décembre, le Conseil constitutionnel a validé non seulement le principe de la création du conseiller territorial mais aussi la répartition des effectifs dans seize régions.

Si la répartition précédemment retenue doit être analysée à la lumière des derniers chiffres de population des départements authentifiés par le décret du 30 décembre 2010, ces chiffres ne modifient pas les écarts entre les rapports du nombre des conseillers territoriaux des départements des régions en cause et la population moyenne régionale.

C'est la raison pour laquelle, pour ces seize régions, vous retrouvez dans le tableau annexé au projet de loi des effectifs de conseillers territoriaux qui sont exactement les mêmes que ceux que vous avez examinés et adoptés à l'automne.

Le Gouvernement vous propose par ailleurs un ajustement spécifique à la Guadeloupe, souhaité par les élus de Guadeloupe et permis par la décision du Conseil constitutionnel.

Dans cette région monodépartementale, le nombre des futurs conseillers territoriaux passe de 43 à 45, pour mieux tenir compte des réalités démographiques d'un archipel constitué de plusieurs îles et assurer une représentation satisfaisante de ses trente-deux communes.

Cette légère correction permettra d'atténuer la très forte réduction du nombre des élus régionaux et départementaux qu'entraînait, par rapport à la baisse constatée au niveau national – moins 37,2 % –, le nombre de quarante-trois retenu en novembre 2010 par le Parlement puisque cela représentait une baisse d'au moins 48,8 %.

Pour ce qui est des départements dont les effectifs ont été invalidés, le projet de loi se borne à des corrections au plus juste pour répondre aux exigences du Conseil constitutionnel.

Le Gouvernement a en effet souhaité que les ajustements à opérer soient les moins pénalisants pour les territoires et les élus concernés. Tout le Conseil constitutionnel mais rien que le Conseil constitutionnel.

C'est ainsi qu'une correction limitée à un seul siège est suffisante dans les régions Auvergne, Languedoc-Roussillon, Pays-de-la-Loire et Midi-Pyrénées : 20 sièges au lieu de 21 pour le Cantal, 26 sièges au lieu de 27 pour l'Aude, 18 sièges au lieu de 19 pour la Mayenne, 90 sièges au lieu de 89 pour la Haute-Garonne.

Dans les régions Lorraine et Rhône-Alpes, l'ajustement touche plusieurs départements, mais toujours dans des proportions que le Gouvernement a souhaité minimiser.

En Lorraine, pour que les écarts de représentation restent dans le « tunnel » des plus ou moins 20 %, il faut diminuer de quatre sièges les effectifs de la Meuse – 15 au lieu de 19. Cette mesure ne suffisant pas, il faut également diminuer de 27 à 25 les effectifs des Vosges tout en portant ceux de la Moselle de 51 à 53. L'effectif du conseil régional se trouve ainsi ramené de 134 à 130 membres.

Dans le même esprit, dans la région Rhône-Alpes, il faut attribuer 24 sièges au lieu de 25 à la Savoie et un siège de plus à l'Ain – 34 au lieu de 33 – et à la Drôme – 28 au lieu de 27.

Grâce aux ajustements ainsi apportés, validés par le Conseil d'État, les exigences de représentativité formulées par le Conseil constitutionnel sont pleinement satisfaites.

Au final, le nouveau tableau annexé au projet de loi compte un effectif total de 3 493 conseillers territoriaux, soit trois de moins que le tableau censuré.

Il s'écarte de ce dernier en conséquence, pour partie, du nouveau recensement de population, dans dix départements des six régions concernées et en Guadeloupe.

Aucun des quatre-vingt-seize départements qui figurent dans le nouveau tableau ne présente, conformément aux exigences du Conseil constitutionnel, un écart de représentation de plus de 20 % par rapport à la moyenne régionale, à l'exception de quatre départements comptant quinze sièges.

Permettez-moi un dernier mot : les dernières élections régionales et cantonales, qui ont donné lieu à des taux d'abstention très élevés, me renforcent dans la conviction profonde que le conseiller territorial est une bonne réponse à la désaffection croissante de nos concitoyens pour la politique, y compris locale, celle qui, pourtant, concerne le plus leur quotidien.

Le conseiller territorial sera un élu clairement indentifiable.

Debut de section - PermalienPhilippe Richert, ministre chargé des collectivités territoriales

Son action sera lisible parce que profondément ancrée dans le territoire. Elle conduira à une meilleure articulation et à une plus grande cohérence des politiques publiques du conseil général et du conseil régional et permettra de renforcer la confiance de nos concitoyens dans la démocratie locale.

Je vous invite donc à confirmer votre vote de l'automne et à donner ainsi au conseiller territorial, point central de la réforme territoriale, l'ultime impulsion nécessaire à sa création.

Je vous remercie. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Henri Nayrou

Vous êtes un conseiller territorial à vous seul, monsieur le ministre !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Balligand

La parole est à M. Dominique Perben, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Perben

La création du conseiller territorial, comme vient de le rappeler M. le ministre, est l'une des importantes innovations de la loi de réforme des collectivités territoriales du 16 décembre 2010.

Dans son principe, la création du conseiller territorial avait fait l'objet, je me permets de le rappeler, de critiques, sur son opportunité mais aussi sa constitutionnalité.

Le 9 décembre 2010, le Conseil constitutionnel a rejeté tous les griefs qui prétendaient remettre en cause l'existence du conseiller territorial.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Perben

Le principe même de la réforme a donc été validé.

En revanche, le Conseil a censuré le tableau des effectifs des conseillers territoriaux par région et département. L'objet de ce projet de loi est de corriger les inconstitutionnalités relevées par le Conseil et, ainsi, de finaliser la réforme territoriale.

Seule la Guadeloupe fait l'objet d'une modification qui n'est pas une conséquence de la décision du Conseil constitutionnel : afin de tenir compte des particularités de cette région monodépartementale, le nombre des conseillers territoriaux y serait porté à 45 au lieu de 43.

En dehors de ce changement, les modifications proposées dans le nouveau tableau se bornent à tirer les conséquences des exigences de la jurisprudence constitutionnelle.

Je vous rappelle que la répartition des conseillers territoriaux par région et par département devait initialement être effectuée par ordonnance. Mais, à la demande de notre commission, le Gouvernement a, en mai 2010, introduit un tableau fixant cette répartition en première lecture à l'Assemblée nationale.

Ce tableau a été, sur certains points, sensiblement modifié au Sénat, ce qui a sans doute contribué à la censure du Conseil constitutionnel.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Perben

C'est factuel, chacun peut le constater. Le tableau finalement adopté par les deux assemblées à l'issue de la commission mixte paritaire ne satisfaisait pas complètement, pour l'ensemble des départements, à l'une des exigences que nous nous étions fixées à l'Assemblée, à savoir que la représentation moyenne des habitants par les conseillers territoriaux du département ne s'écarte pas de plus ou moins 20 % de la représentation moyenne des habitants par les conseillers territoriaux de la région.

C'est la méconnaissance dans six départements de ce « tunnel » de plus ou moins 20 % par rapport à la moyenne régionale qui a conduit le Conseil constitutionnel à censurer l'ensemble du tableau.

Le Conseil a ainsi jugé que l'égalité devant le suffrage n'était pas assurée dans la Meuse, le Cantal, l'Aude, la Haute-Garonne, la Mayenne et la Savoie.

La portée de la censure du Conseil constitutionnel est donc finalement assez minime car, pour le reste, l'ensemble des principes directeurs de la répartition des conseillers territoriaux a été validé. En particulier, le Conseil a jugé que le législateur avait pu fixer un plancher minimal de quinze conseillers territoriaux par département afin de préserver des conditions normales de fonctionnement des assemblées départementales.

Ce plancher autorise des écarts à la règle des plus ou moins 20 %.

Dans ces conditions, le projet de loi se borne aujourd'hui à modifier les effectifs dans les six régions concernées par la censure du Conseil constitutionnel. Afin de faciliter la correction des inconstitutionnalités constatées, le Gouvernement a renoncé à l'objectif, introduit par le Sénat, d'un nombre impair de conseillers territoriaux par département.

C'est ainsi que dans quatre régions, les modifications sont limitées à un seul département: les sièges du Cantal passent de 21 à 20, ceux de l'Aude de 27 à 26, ceux de la Haute-Garonne de 89 à 90, ceux de la Mayenne de 19 à 18.

En Lorraine, cinquième région modifiée, les effectifs de la Meuse passent de 19 à 15 conseillers territoriaux, les Vosges de 27 à 25 et la Moselle de 51 à 53.

Enfin, en Rhône-Alpes, les sièges attribués à la Savoie passent de 25 à 24 dans le nouveau tableau, ceux de l'Ain de 33 à 34 et ceux de la Drôme de 27 à 28.

L'ensemble de ces modifications permet de respecter la jurisprudence du Conseil constitutionnel.

Une fois cette loi adoptée, la prochaine étape consistera, monsieur le ministre, en une nouvelle délimitation des cantons. Conformément au droit commun, tel que défini à l'article 3113-2 du code général des collectivités territoriales, cette délimitation interviendra par une série de décrets en conseil d'État, après consultation des conseils généraux.

En outre, l'article 3 de la loi de réforme des collectivités territoriales du 16 décembre 2010 a précisé que les limites des nouveaux cantons devront respecter celles des circonscriptions législatives, ainsi que l'unité des communes de moins de 3 500 habitants.

Afin de nous permettre d'engager au plus vite ce nouveau chantier, je vous invite, au nom de la commission des lois, à adopter ce projet de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Balligand

J'ai reçu de M. Jean-Marc Ayrault et des membres du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche une motion de rejet préalable déposée en application de l'article 91, alinéa 5, du règlement.

La parole est à M. Bernard Derosier.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Derosier

Monsieur le président, monsieur le ministre, chers collègues, ce débat, qui s'inscrit dans la suite de la réforme des collectivités territoriales, nous offre en quelque sorte le spectacle de l'arroseur arrosé.

Lors du débat de l'automne dernier qui a abouti à la loi du 16 décembre 2010, nous étions engagés dans une bataille d'amendements et dans des discussions acharnées sur les dispositions proposées par le Gouvernement. Une nuit, à deux heures du matin, M. Marleix, votre prédécesseur, monsieur le ministre, qui n'a pas trouvé le temps de suivre le débat d'aujourd'hui…

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Derosier

…nous sortit de son chapeau un amendement du Gouvernement proposant cette répartition des conseillers territoriaux par régions et départements. À aucun moment la commission des lois n'avait eu à connaître de ce qu'envisageait de faire le Gouvernement. Nous étions mis devant le fait accompli. Il n'y avait pas eu de débat préalable sur cette mise en place précipitée des conseillers territoriaux.

Nous avions saisi le Conseil constitutionnel sur l'ensemble du projet. Sa décision du 9 décembre 2010 vous a obligés à revoir votre copie. Nous avions dénoncé devant le Conseil les disproportions démographiques que le texte introduisait entre départements d'une même région. Nous avions également présenté plusieurs observations sur le caractère antidémocratique, contraire à la décentralisation, de la loi du 16 décembre 2010.

Aujourd'hui, nos craintes d'alors se vérifient. Même si, sur la coopération intercommunale, une série de propositions allaient dans le bon sens, nous avions mis en garde contre les risques que comportait l'intervention de l'État étant donné l'autorité donnée au préfet dans la phase préparatoire de ce débat sur l'intercommunalité. Et en effet, dans mon département comme dans d'autres, j'en suis sûr, les projets préparés par le préfet vont manifestement dans le sens d'une organisation intercommunale qui sert les intérêts de la droite plus qu'elle n'est objective.

Debut de section - PermalienPhilippe Richert, ministre chargé des collectivités territoriales

Ah bon ?

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Derosier

Dans mon département, et c'est sans doute vrai ailleurs aussi, le préfet a pris l'initiative de quelques déjeuners ; jamais les représentants de l'opposition nationale – c'est-à-dire la majorité de gauche dans mon département – n'y ont été associés.

La CMP a également introduit une disposition à l'initiative d'un sénateur centriste – il s'agissait d'une certaine façon « d'acheter » ce dernier –…

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Derosier

…consistant à porter à 12,5 % des voix au premier tour le seuil pour se maintenir au second tour lors des élections cantonales. On a vu ce que cela donnait dans la plupart des cantons. Je crois même, que, malheureusement pour vous, monsieur le rapporteur, cela vous a concerné de près. Il est possible de corriger le tir. Pour cela, nous proposerons par amendement de revenir au moins au seuil de 10 %.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Derosier

Revenons au présent projet. Le Gouvernement voudrait qu'il passe inaperçu. Il a choisi la procédure simplifiée – l'ancienne procédure d'urgence. Mais la réforme des collectivités territoriales mérite que l'on s'arrête quelques instants sur ses aspects particulièrement négatifs. Le Gouvernement et sa majorité nous ont mis dans une situation bien complexe. Une multiplicité de projets de loi ont été déposés sur le bureau du Sénat. D'ailleurs, deux textes sont en panne dans cette assemblée. Monsieur le ministre, il faudrait que vous y retourniez rapidement pour accélérer le mouvement.

Debut de section - PermalienPhilippe Richert, ministre chargé des collectivités territoriales

Je comprends votre impatience !

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Derosier

Tous les observateurs reconnaissent que, manifestement, ils ne seront pas examinés avant la fin de la législature. Or la question que nous abordons aujourd'hui aurait très bien pu être traitée dans l'un de ces textes consacrés à l'élection des conseillers territoriaux. Je me demande donc pourquoi le Gouvernement nous présente ce projet dans la précipitation, alors que le calendrier des travaux parlementaires est déjà particulièrement embouteillé.

D'autre part, le Gouvernement ne respecte pas l'article 39 de la Constitution, qui dispose que les projets de loi ayant pour principal objet l'organisation des collectivités territoriales sont soumis en premier lieu au Sénat. Même si, à titre personnel, je conteste cette primauté donnée au Sénat sur l'Assemblée nationale…

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Derosier

…C'est dans la Constitution en effet, M. Roman, et je sais combien vous y êtes attaché.

En le présentant d'abord à l'Assemblée, manifestement le Gouvernement ne respecte pas une disposition constitutionnelle.

Le Conseil constitutionnel n'a pas retenu nos arguments, a fait valoir le rapporteur. Ce n'est pas pour autant qu'ils ne sont pas fondés. Nous connaissons la composition du Conseil constitutionnel, la manière dont sont désignés ses membres…

Debut de section - PermalienPhilippe Richert, ministre chargé des collectivités territoriales

Ce n'est pas possible ! Vous mettez en cause le Conseil constitutionnel.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Derosier

Je ne remets pas en cause le Conseil constitutionnel, monsieur le ministre, mais le mode de désignation de ses membres. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Même si chacun de ses membres quel qu'il soit – comme M. Joxe hier, M. Badinter avant-hier – a de grandes qualités, il n'empêche que ces membres sont désignés par des autorités politiques. Celles-ci font des choix, que je ne conteste pas car nous sommes dans une démocratie pluraliste. Mais cela a forcément des conséquences sur la composition du Conseil constitutionnel. Donc, même si ce dernier n'a pas retenu nos arguments, je persiste à considérer qu'ils sont fondés.

Par exemple, le fait de remplacer les conseillers régionaux par des conseillers territoriaux élus au scrutin uninominal à deux tours, sur des territoires à définir, remet en cause le scrutin à la proportionnelle utilisé actuellement pour la désignation des conseillers régionaux, et remet ainsi en cause le principe constitutionnel de la parité dans les assemblées dont les membres sont élus au scrutin de liste.

En présentant le projet initial, vous avez insisté sur la nécessaire simplification, dont le Président de la République faisait un de ses chevaux de bataille. Les citoyens ne s'y retrouvent pas dans le dédale des institutions territoriales. Cette volonté de simplification vous a conduit, finalement, à ajouter deux ou trois niveaux supplémentaires – métropoles, pôles métropolitains, nouvelles communes. Il est encore plus difficile aujourd'hui qu'hier de savoir exactement qui fait quoi. Vous prétendiez rendre cette organisation plus lisible. L'objectif n'est pas atteint.

Nous présentons d'ailleurs, à ce propos, un amendement permettant la concomitance des différentes élections. Vous avez mentionné, monsieur le ministre, l'abstention qui a marqué les dernières élections cantonales. Tous les responsables politiques, de gauche comme de droite, doivent en effet se pencher sur cette question et apporter des solutions. Par exemple, il faut rendre systématique l'enseignement de l'instruction civique à l'école pour que les jeunes de notre pays sachent ce que sont la commune, le département, la région, l'État, l'Europe et comment les assemblées démocratiques sont désignées à ces différents niveaux. Il faut aussi, sans doute, diminuer le nombre de jours d'élection, et leur concomitance en est un moyen.

Enfin, nous avions dénoncé la mission impossible confiée aux futurs conseillers territoriaux. Comment la même personne s'occupera-t-elle à la fois des affaires de la Région et de celles du Département ? C'est impossible, physiquement, matériellement….

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Derosier

…sauf à pratiquer la délégation à des fonctionnaires. Il faut bien sûr des fonctionnaires pour administrer nos collectivités, mais la responsabilité politique ne peut pas échapper à l'élu.

Leur confier ainsi une mission impossible relève d'une belle hypocrisie de la part du Gouvernement et de la majorité. Ce que vous souhaitez en fait – quelques membres de la majorité l'ont cyniquement avoué – c'est la disparition du département et de la région au profit d'un seul niveau d'administration territoriale. Le Président de la République aurait ainsi un peu moins d'opposants dans les collectivités territoriales, puisque l'autorité qu'y exerce la gauche serait réduite.

Je tiens à dénoncer une fois de plus la tutelle d'une collectivité sur l'autre, que ce soit la région sur le département ou l'inverse. En effet, chacune de ces collectivités imposera ses décisions budgétaires à l'autre.

Le Conseil constitutionnel ne nous a pas suivis sur ce point, comme sur d'autres. Mais la création du conseiller territorial porte atteinte au principe de libre administration des collectivités territoriales. Deux catégories de collectivités territoriales, qui ont une place distincte dans la Constitution, seront administrées par les mêmes élus. Le conseil régional ne sera que l'émanation des conseils généraux des départements qui composent cette région, les conseils généraux ne seront qu'un démembrement du conseil régional. De ce fait, le département et la région ne seront ni indépendants ni autonomes l'un vis-à-vis de l'autre.

Si une telle organisation peut se justifier dans certains cas exceptionnels comme Paris ou la Nouvelle-Calédonie, on ne peut la généraliser sans, au préalable, réviser la Constitution. Elle s'apparente en effet à une remise en cause de la distinction formelle entre le département et la région. C'est aussi ce que considéraient les meilleurs spécialistes de droit constitutionnel que le rapporteur avait auditionnés lors de la présentation du projet initial, mais que le Conseil constitutionnel a refusé d'admettre.

Depuis lors, d'ailleurs, la doctrine, commentant la décision du 9 décembre 2010, a souligné que c'était seulement « d'une manière générale que le législateur peut en toute liberté décider de l'organisation des collectivités territoriales avec pour seule limite l'impossibilité non pas de fusionner les niveaux d'administration territoriale – car, d'une certaine manière, c'est bien de cela dont il s'agit avec l'institution d'un conseil régional composé des conseillers des départements qui composent la région –, mais de supprimer un des échelons prévus par la Constitution. » Je vous renvoie à l'article consacré à la loi du 16 décembre 2010, paru dans la livraison du mois de mars 2011 de la revue Droit administratif.

En d'autres termes, l'organisation des collectivités territoriales est à la merci du législateur tant qu'il ne fait pas expressément disparaître un échelon de collectivités territoriales, ce qui est pour le moins choquant et incohérent.

Le Conseil constitutionnel a également rejeté l'argument selon lequel l'instauration du conseiller territorial allait à rencontre de l'interdiction de toute tutelle d'une collectivité territoriale sur une autre : selon le Conseil, les nouvelles dispositions ne confient pas « à la région le pouvoir de substituer ses décisions à celles du département ou de s'opposer à ces dernières ni celui de contrôler l'exercice de ses compétences ».

Certes, le pouvoir de tutelle se définit juridiquement par un pouvoir d'approbation, d'annulation et de substitution d'action. Mais, dès lors que les mêmes personnes siégeront dans deux assemblées distinctes appelées à exercer des compétences différentes, mais parfois complémentaires, il y aura une forte influence des décisions de l'une sur les décisions de l'autre. Cela peut s'apparenter à un pouvoir de désapprobation ou d'approbation, voire de quasi-substitution d'action, si les conseillers territoriaux d'un même département réunis dans un conseil régional décident informellement de se conformer à une décision prise par ledit conseil régional.

À mon sens, la définition juridique de la tutelle doit s'entendre assez largement car l'approbation, l'annulation et la substitution d'action se retrouvent bien, indirectement, dans le pouvoir d'influence que peut exercer une collectivité territoriale sur une autre, ce que confirme la jurisprudence du Conseil d'État. Nous avons d'ailleurs déposé un amendement sur ce sujet.

J'en viens maintenant au projet de loi qui nous est soumis aujourd'hui.

Monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, vous conviendrez qu'on observe une très grande disparité entre les régions en termes de représentativité des citoyens. En Lorraine, un conseiller territorial représentera 8 049 habitants mais dans le Limousin, il en représentera 8 140. Tandis que, en Île-de-France, un conseiller territorial représentera 37 854 habitants, dans le Nord-Pas-de-Calais – la région dont je suis élu, comme Bernard Roman – il en représentera 29 162. En Alsace, monsieur le ministre, il en représentera 24 693. Nous sommes loin de la marge des 20 % tolérée par le Conseil constitutionnel.

Pour résoudre ce problème, l'un de nos amendements propose que nous inspirions du modèle utilisé pour les communes en procédant par strates de population.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Derosier

Enfin vous nous aviez « vendu » l'idée qu'il fallait une réforme pour faire des économies.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Nicolin

« Vendu » : le mot est peut-être un peu fort !

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Derosier

Il était entre guillemets !

Peut-être Alain Rousset reviendra-t-il sur ce point en défendant la motion de renvoi en commission. À la tête de l'association des régions de France, il est, en effet, en mesure de démontrer que la réforme aura un coût impressionnant estimé à 1 milliard d'euros.

Je vois que vous êtes surpris, monsieur le ministre. Je vous rassure, ce milliard ne concerne pas la seule région d'Alsace ; le calcul a été fait pour l'ensemble des autres régions membres de l'ARF.

Il y a déjà plusieurs semaines, le parti socialiste a présenté à la France un projet de gouvernement. (« Ah ! sur plusieurs bancs du groupe UMP.) Je constate qu'il fait ricaner à droite ; mais vous ricanez jaune. Longtemps l'antienne selon laquelle nous n'avions pas de propositions a été votre cheval de bataille. Désormais, nous les avons présentées et les Français vont pouvoir choisir.

En matière de décentralisation, notre projet vise à rétablir la démocratie locale et l'esprit de la décentralisation de 1982 : les assemblées territoriales doivent avoir des responsabilités réelles. Cependant, nous souhaitons aller encore plus loin et mettre en oeuvre un nouvel acte de la décentralisation. Trente ans après les premières lois qui l'ont mis en oeuvre, il est nécessaire d'en observer les conséquences et de nous demander comment l'améliorer.

Cher collègues, aujourd'hui dans la majorité mais demain dans l'opposition,…

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Derosier

… tel est le travail auquel nous vous inviterons à participer. Nous verrons si vous serez aussi actifs pour construire que vous l'êtes pour démolir ce qui existe déjà. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Perben

Pour ma part, je m'en tiendrai au projet de loi que nous examinons et je contenterai de répondre à M. Derosier sur deux points.

Il a dénoncé les conditions dans lesquelles le tableau a été introduit en première lecture à l'Assemblée nationale. Je rappelle que la commission des lois a demandé à l'unanimité que ce tableau soit effectivement adopté par le Parlement et non par ordonnance. Je vous remercie de nous en donner acte.

Nous avons construit donc ce tableau ensemble.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Roman

Il n'a pas été construit par le Parlement : il a été imposé à la majorité à deux heures du matin !

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Perben

Nous avons longuement débattu de ce texte ensemble. À deux heures du matin, si l'on est en forme, on est capable de travailler !

M. Derosier a aussi comparé le nombre d'habitants représentés par un conseiller territorial dans différentes régions. Cette comparaison n'est pas pertinente car ce qui importe c'est celle qui se fait au sein d'une région.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Perben

La situation actuelle des conseils généraux montre d'ailleurs qu'il existe aujourd'hui des écarts considérables d'un département à l'autre. Ces différences tiennent souvent à l'histoire.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Balligand

La parole est à M. le ministre chargé des collectivités territoriales.

Debut de section - PermalienPhilippe Richert, ministre chargé des collectivités territoriales

Je souhaite compléter les observations du rapporteur sur plusieurs points.

M. Derosier considère qu'il n'est pas admissible que ce projet de loi soit présenté à l'Assemblée sans avoir préalablement fait l'objet d'une lecture au Sénat. Cet argument se fonde sur l'article 39 de la Constitution dont l'alinéa 2 dispose que « les projets de loi ayant pour principal objet l'organisation des collectivités territoriales…

Debut de section - PermalienPhilippe Richert, ministre chargé des collectivités territoriales

…sont soumis en premier lieu au Sénat. » Or le présent projet de loi a pour objet principal de fixer le nombre de circonscriptions d'élections du nouveau conseiller territorial et non de fixer l'organisation du conseil général ou du conseil régional. C'est la raison pour laquelle ce texte peut être soumis en premier lieu aussi bien à l'Assemblée nationale qu'au Sénat.

Le rapporteur a rappelé que nous avons choisi de présenter ce texte en premier lieu aux députés parce que le tableau relatif au nombre de conseillers territoriaux par région et par département avait été introduit par amendement à l'Assemblée nationale dans des circonstances qui ont été rappelées.

Nous avons longuement débattu de ces sujets. L'opposition a beaucoup contesté le principe même de la mise en place du conseiller territorial sur lequel elle a saisi le Conseil constitutionnel. Force est de constater que le Conseil n'a pas annulé les dispositions créant le conseiller territorial ; il a seulement censuré la répartition du nombre de conseillers territoriaux par région et par département en considérant que dans six départements le principe d'égalité devant le suffrage avait été méconnu.

Aujourd'hui, mesdames et messieurs les députés, nous vous demandons uniquement, en réponse à ce que le Conseil constitutionnel nous prescrit, d'ajuster le tableau en question. Nous ne vous demandons rien d'autre.

M. Derosier met en cause l'impartialité du Conseil constitutionnel. Pour ma part, je ne puis me permettre de le suivre. Je pense que, quelle que soit l'autorité qui a pu les nommer, les membres du Conseil ont toujours à l'esprit qu'ils se prononcent seulement sur la conformité des textes à la Constitution et de ses principes. Tel est bien à mon sens, le souci qui caractérise la décision du 9 décembre 2010. Tel est d'ailleurs, au demeurant, l'unique préoccupation du Conseil, quelles que soient les majorités au pouvoir et quel que soit le camp politique des autorités qui en ont nommé les membres. Évidemment, par définition, je fais pleinement confiance au Conseil constitutionnel. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Balligand

Dans les explications de vote sur la motion de rejet préalable, la parole est à M. Bernard Roman.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Roman

Je comprends la gêne du ministre qui souhaite que nous parlions uniquement du nombre de conseillers pour les six régions concernées par la décision du Conseil constitutionnel, et surtout pas du reste, notamment pas de notre capacité à porter éventuellement un jugement sur les décisions de justice, à l'instar du Président de la République quand la libération de ceux qu'il nomme « délinquants » ne lui convient pas.

Mais nous ne voulons pas aller jusque-là. M. Derosier se contente en effet de contester le mode de nomination des membres du Conseil constitutionnel, comme le fait la doctrine, unanime sur ce point.

Debut de section - PermalienPhilippe Richert, ministre chargé des collectivités territoriales

Sur cette question, vous avez raison.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Roman

Il n'est pas un seul constitutionnaliste aujourd'hui pour penser qu'il faille conserver l'actuel mode de désignation des membres du Conseil constitutionnel, vieux d'un demi-siècle. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Patrice Martin-Lalande

Quand vous le pouviez, vous n'avez pas révisé la Constitution ! Vous êtes tout simplement mauvais joueurs !

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Roman

Je veux évoquer quatre éléments qui nous amèneront à saisir le Conseil constitutionnel de ce projet de loi.

Tout d'abord, votre texte ne respecte pas l'article 39 de la Constitution. Monsieur le ministre, votre démonstration n'est pas convaincante. Comment expliquer qu'un « projet de loi fixant le nombre des conseillers territoriaux de chaque département et de chaque région » – il s'agit du titre même du texte – ne concerne pas les collectivités territoriales ? Personne ne peut sérieusement défendre cette thèse. À vrai dire, vous avez fait une erreur en déposant ce texte à l'Assemblée avant de le soumettre au Sénat. Vous vouliez aller vite : le rapporteur en a fait l'aveu lors de la présentation de son rapport en commission. Il nous a expliqué qu'il fallait rapidement découper les nouveaux cantons. Dont acte ! Le Conseil constitutionnel jugera.

Ensuite, nous vous opposons l'argument de la libre administration des collectivités locales. Qui peut penser que les exécutifs régionaux ne seront pas constitués sur la base de la composition des exécutifs départementaux de la région ? M. Derosier a parfaitement expliqué cela. En conséquence, qui peut croire que cette situation ne conduira pas les exécutifs régionaux à discuter avec les présidents et les vice-présidents de conseils généraux de la mise en oeuvre des programmes ?

Si vous considérez que ces pratiques respectent la libre administration des collectivités territoriales, alors il faut que je change d'activité professionnelle. (Mouvements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Roman

Je veux aussi évoquer l'argument de l'égalité. M. le ministre nous a expliqué que l'égalité ne concernait pas les régions entre elles et qu'elle ne valait qu'au sein de chaque collectivité. Dans ma région, j'ai tout de même du mal à expliquer qu'il nous faut 30 000 habitants pour obtenir un conseiller territorial alors qu'il en faut 8 000 dans la région Limousin. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Roman

Enfin, j'en viens à un dernier élément. Je veux vous rendre hommage sur un point : vous avez mis en place la question prioritaire de constitutionnalité. Or il se peut qu'un jour, en dépit de la décision du Conseil constitutionnel, une femme, élue sortante, décide de déposer une question prioritaire de constitutionnalité après avoir été éliminée par son organisation politique – qui aura fait abstraction du principe d'égal accès des hommes et des femmes aux fonctions et aux mandats électifs, figurant pourtant dans la Constitution. Avec votre réforme, vous avez cassé l'évolution de la représentation des femmes dans la vie démocratique de notre pays, mais si le Conseil constitutionnel est un jour saisi d'une question prioritaire de constitutionnalité à ce sujet, sa décision sera irrévocable et vous serez obligés de rétablir un mode de scrutin respectueux du principe constitutionnel de parité. Pour toutes ces raisons, nous voterons la motion de rejet préalable présentée par M. Derosier. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR.)

(La motion de rejet préalable, mise aux voix, n'est pas adoptée.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Balligand

J'ai reçu de M. Jean-Marc Ayrault et des membres du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche une motion de renvoi en commission déposée en application de l'article 91, alinéa 6, du règlement.

La parole est à M. Alain Rousset.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Rousset

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous sommes en train de vivre un moment pour le moins étonnant. Depuis le vote de cette loi relative aux conseillers territoriaux, les langues ont commencé à se délier, et chacun s'accorde à dire que cette réforme est incroyable, stupide, contraire à l'histoire de la décentralisation dans notre pays. Ses conséquences néfastes, chacun le dit, sont nombreuses, qu'il s'agisse de ses incidences financières, de la confusion qu'elle va entraîner, du risque qu'elle va faire peser sur un certain nombre de grandes politiques d'avenir, de la cantonalisation du conseiller régional, de la fin de la parité ou encore de l'impossibilité de fonctionner à laquelle vont être confrontées des assemblées pléthoriques, avec les énormes coûts que la nouvelle organisation va entraîner.

Oui, monsieur le ministre, il va falloir modifier les hémicycles et les hôtels de régions, quand il ne faudra pas les reconstruire entièrement ! Était-ce vraiment une priorité ? (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Rousset

Eh bien oui, la belle affaire ! Ce sont des centaines de millions d'euros qui, plutôt que d'aller à la formation ou à l'apprentissage, serviront à financer la construction de nouveaux bâtiments.

La belle affaire, oui, quand il faudra faire fonctionner les groupes, déplacer les élus, multiplier par quatre ou cinq le parc automobile des conseils régionaux, augmenter le nombre d'assistants parlementaires…

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Le Mèner

D'ordinaire, ce ne sont pas les dépenses qui vous gênent !

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Rousset

Tout cela est bien réel, ce n'est pas une simple polémique. Si, par malheur, la réforme était mise en oeuvre, les collaborateurs des groupes politiques…

Un député du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Vous allez nous parler des frais de cabinet ?

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Rousset

Si la réforme était mise en oeuvre, dans la région Alsace, monsieur le ministre, le nombre d'élus serait multiplié par trois. Pour leur permettre de travailler correctement, il va falloir construire un nouvel hémicycle, ce qui représente un coût de 20 à 30 millions d'euros si l'on se base sur le prix du conseil municipal de Marseille. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Marseille, c'est Marseille !

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Rousset

Marseille, c'est votre ami Jean-Claude Gaudin !

Il va falloir développer tout un back office, installer de nombreux bureaux, embaucher des collaborateurs. Je souhaite bon courage aux assemblées qui vont devoir engager des frais somptuaires pour renouveler leurs équipements et les faire fonctionner : le chiffre d'un milliard d'euros qui a été avancé correspond bel et bien à la réalité ! Je pense par conséquent que nous devons reprendre ce texte – d'où notre proposition de le renvoyer en commission.

Par ailleurs, les hasards du calendrier font que nous sommes à quelques jours du trentième anniversaire d'une élection présidentielle qui a marqué l'histoire, ce qui nous remet en mémoire la réforme de la décentralisation mise en oeuvre par François Mitterrand, Gaston Defferre et Pierre Mauroy, après la tentative du général de Gaulle en 1969. Il est temps que nous réfléchissions à ce qu'est un État moderne, à ce que peut être une organisation moderne de nos institutions. Comment les autres États européens démocratiques fonctionnent-ils ? La France est le dernier État à fonctionner de manière centralisée, d'une manière particulièrement inefficace. Il n'est qu'à voir les décisions économiques prises : quand l'Allemagne présente un excédent commercial de 150 milliards d'euros et la France un déficit de 50 milliards d'euros, on peut se dire que l'organisation territoriale n'y est pas pour rien !

La décentralisation, c'est la responsabilisation des pouvoirs locaux, qui a, partout, amélioré les services publics – que ce soit la gauche ou la droite qui gouverne ces exécutifs. Ainsi, nul ne peut contester que les lycées – notamment les lycées professionnels –, les collèges, les transports ferroviaires sont désormais mieux gérés, plus proches de nos concitoyens. Or, tous les observateurs, tous les experts s'accordent pour dire qu'avec la loi du 16 décembre 2010, conçue sans concertation, ce mouvement de fond est inversé, en dépit de tout bon sens.

La mission confiée par le Président de la République à Jean-Jacques de Peretti ne consiste pas à essayer de clarifier les compétences des départements et des régions mais, en réalité, à tenter de faire valoir que le législateur doit être mis de côté en ce qui concerne cette question, chacun devant se débrouiller sur le plan local. Le législateur va donc être absent de ce qui constitue l'essentiel de la réforme, une réforme peut-être plus culturelle que politique, à savoir la répartition des compétences. Je suis sûr, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, que vous partagez mon sentiment.

Le Conseil constitutionnel n'a, il est vrai, censuré que la répartition des conseillers territoriaux par département et par région – ce qui était la moindre des choses au vu des nombreuses irrégularités entachant ce texte. Il n'a pas souhaité remettre en cause le conseiller territorial. Nous allons de nouveau saisir le Conseil constitutionnel afin de faire valoir que le conseiller territorial n'est pas un élu susceptible de porter effectivement des responsabilités de l'avenir ou de la proximité.

L'argument employé tout à l'heure par M. le ministre, relatif à l'abstention, était étonnant. Il aurait dû faire référence à l'Europe et évoquer la diminution tendancielle du taux de participation qu'on y observe. Il aurait également pu dire que l'élu territorial qu'est le conseiller général avait connu un formidable taux d'abstention, tandis que l'élu régional de liste avait, lui, bénéficié d'une participation supérieure de dix points à celle des élections européennes. L'argument évoqué ne tient donc pas.

La loi a désormais pour défaut majeur de ne pas traiter le sujet qui devait pourtant en constituer le socle : la clarification des compétences, pas seulement entre les collectivités, mais entre celles-ci et l'État. Je peux témoigner que, sur ce point, la confusion règne en maître. Ainsi, le Président de la République annonce des décisions stupéfiantes au sujet de l'apprentissage – comme si c'était le chef de l'État qui doit décider du nombre d'apprentis, alors que ce sont les entreprises ! Des annonces sont également faites au sujet de la formation professionnelle, sans consultation des régions. Il n'y a, dans ce texte, aucune clarification des compétences, alors que c'est bien ce qui fait défaut aujourd'hui. L'État va continuer d'intervenir dans des domaines pourtant décentralisés, alors qu'il manque à la fois d'ingénierie et de moyens et qu'il recule dans ses missions régaliennes : l'éducation, la justice, la sécurité. Quel recul !

En ce qui concerne l'instauration du conseiller territorial, outre les entorses faites au principe d'égalité des citoyens devant le suffrage universel – mes collègues ont évoqué les inégalités entre les régions Midi-Pyrénées, Auvergne et Lorraine –, n'oublions pas non plus que son instauration va se traduire par la suppression de la parité dans nos assemblées régionales, tout en créant la confusion des genres dans le rôle des collectivités.

Je vous remercie d'ailleurs, monsieur le ministre, de ne pas avoir affirmé ce matin que la confusion entre conseiller général et conseiller régional allait clarifier les compétences. Cet argument, que nous avons entendu lors des premières lectures du texte, était tellement grotesque, que le fait d'y renoncer constitue un progrès dans le discours du Gouvernement.

L'élu sera nécessairement dépendant de son mandat local. Comment, dès lors, les régions pourraient-elles échapper au risque de cantonalisation ? Il ne s'agit pas de mettre en cause la compétence de telle ou telle assemblée – Dominique Perben le sait bien. La démonstration est imparable : quand vous êtes élu d'un canton, vous défendez d'abord ce canton, vous défendez d'abord son rond-point, sa salle polyvalente, sa crèche ! Quand, dans une assemblée, on aura voté en première délibération pour la crèche ou le rond-point de telle ou telle commune, vous allez faire adopter des politiques d'innovation, mais ne donnant pas lieu à une cérémonie d'inauguration ? Des politiques de recherche ou d'investissement industriel dont on ne verra peut-être pas le résultat ? La création du conseiller territorial ne va-t-elle pas avoir pour effet de mettre un terme aux politiques de modernisation de la France ? N'est-ce pas là le péché mortel de ce texte, l'extraordinaire dégât qu'il va causer ? Pardon à son successeur, mais Adrien Zeller le disait lui-même, c'est bien parce que la gauche gagnait les élections dans les régions et les départements qu'il fallait trouver un moyen d'y mettre fin. Quelle vile pensée !

Plus prosaïquement, concevoir que le conseiller territorial, appelé à siéger dans deux assemblées, puisse de ce fait générer des économies, relève du pur contresens. À moins de priver les élus des moyens leur permettant de travailler, les coûts d'investissement et de fonctionnement nécessaires vont forcément se traduire par des conséquences financières néfastes – toutes les expériences internationales l'ont montré. Je vous propose donc, mes chers collègues, d'adopter la motion de procédure visant à renvoyer ce texte en commission.

Ne croyez pas pour autant que je considère qu'il n'y a pas nécessité de réformer notre organisation territoriale, bien au contraire. À ce sujet, j'esquisserai trois axes de réflexion. Premièrement, il s'agit de clarifier les compétences. C'est la condition sine qua non d'une réforme réussie, qui permettra à nos concitoyens de savoir qui fait quoi, qui est responsable de quoi. Il y a évidemment deux blocs : l'Europe, l'État et les régions d'un côté, et de l'autre les départements, les intercommunalités et les communes.

Nous discutions hier de l'association des régions et de l'association des agglomérations. Vous le savez, des expériences ont été menées, consistant à transférer les compétences départementales aux intercommunalités.

Debut de section - PermalienPhilippe Richert, ministre chargé des collectivités territoriales

Oui, c'est vrai !

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Rousset

À l'inverse, nous n'avons jamais essayé de remonter les compétences. À Rennes, l'action sociale, normalement assurée par le conseil général, a été transférée à l'intercommunalité…

Debut de section - PermalienPhilippe Richert, ministre chargé des collectivités territoriales

À Strasbourg aussi !

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Rousset

Effectivement, et même à Paris. Vous devriez tenir compte de tout cela, monsieur le ministre ! Vouloir remonter les compétences, ou rapprocher conseiller général et conseiller régional, ce sont de vrais contresens !

Il convient également d'engager une réforme de la fiscalité locale et, surtout, de faire en sorte que l'État travaille sur ses propres compétences et parvienne à modifier un mode de fonctionnement remontant à Napoléon !

Vous ne cessez de discourir sur le nécessaire désendettement, qui passerait par la diminution du nombre des fonctionnaires et la mise en oeuvre d'une gestion rigoureuse. Mais regardez de quelle manière incroyable est géré l'État : dans aucun autre pays d'Europe, il ne double les fonctions des collectivités locales. Le maintien des compétences préfectorales qui recoupent celles des collectivités locales est un non-sens. Le coût de la décision publique est ainsi beaucoup plus lourd en France qu'ailleurs. Mais la faute à qui ? À l'État, qui veut continuer à intervenir partout, alors même que, dans les secteurs qui relèvent de ses compétences – je pense à la gendarmerie, à la police ou à l'éducation – il diminue les postes. Demain, les activités du CNRS et de l'INSERM seront réduites ; on le constate dans tous les laboratoires. Sinistre bilan que celui de cette réforme ! J'avoue ne pas comprendre.

La RGPP a fonctionné comme une tondeuse à gazon : tous les services ont été ratiboisés, de sorte que, lorsque le Gouvernement demande aux sous-préfets de relancer la politique de l'emploi, ceux-ci en sont incapables, faute de moyens et de personnels. Nous assistons ainsi à des réunions grotesques, auxquelles les sous-préfets doivent convoquer les services des départements, des régions et des villes pour pouvoir engager de l'argent. C'est stupide ! Tant d'incompétence aurait coulé n'importe quelle entreprise. Au reste, vous vous en apercevez certainement, monsieur le ministre, lorsque vous prenez votre casquette de président de région. À ce propos, je reconnais que vous nous apportez quelque espoir, puisque vous êtes le premier ministre-président de région, comme il y en a en Allemagne.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Rousset

Quant à la répartition des compétences entre région et département, elle existe déjà : action sociale, collèges et routes aux départements ; TER, lycées, formation professionnelle et développement économique aux régions. Dois-je rappeler que 80 % des budgets respectifs des conseils généraux et régionaux sont consacrés à des politiques qu'ils portent seuls ? Puisqu'ils consacrent 10 % de ces mêmes budgets aux moyens généraux et à la dette, il ne leur reste environ que 10 % pour mener des actions ou procéder à des financements croisés, en particulier en direction des communes, de la culture, du sport ou du soutien au monde associatif.

S'agissant de la région – qui, en raison de son rôle central en matière d'innovation, de développement économique, d'éducation, de formation professionnelle ou de transport, est une collectivité orientée vers les défis de l'avenir –, nous pouvons aller plus loin et affirmer sa vocation à définir des stratégies de long terme. Ainsi, pourquoi ne pas lui confier la responsabilité du service public régional de la formation, de l'emploi et de l'orientation, qui actuellement, n'a pas de pilote ? À l'État, resteraient, bien entendu, l'indemnisation, la macroéconomie et la discussion avec les partenaires sociaux. Aux régions, qui pilotent à la fois la formation et le développement économique, reviendraient les moyens de lier ces deux secteurs et d'organiser la réinsertion des chômeurs, dans le cadre de leurs compétences en matière de formation, de mobilité ou de logement. Que de réformes potentielles !

Sur le développement économique, comparons les régions allemandes et les régions françaises. Le budget d'un land comme celui de Hesse, avec lequel ma région est jumelée, est de 38 milliards d'euros ; je n'en demande pas tant, mais celui de la région Aquitaine est d'1,4 milliard. Le land de Hambourg, qui compte 1,8 million d'habitants, contre 3,2 millions pour la mienne, octroie quatre fois plus d'aides à l'innovation à ses PME. Dès lors, comment nous étonner de la balance commerciale déficitaire et de la désindustrialisation systémique de la France ?

Vous savez, monsieur le ministre, pour être président de la région Alsace, qu'en Allemagne, les länder sont l'actionnaire de référence des caisses d'épargne, qui sont elles-mêmes l'actionnaire de référence des ETI et du Mittelstand. C'est grâce à cette décentralisation que l'Allemagne peut avoir une véritable politique industrielle et une balance commerciale excédentaire. En France, nous avons eu, de surcroît, le malheur d'appliquer notre jacobinisme institutionnel à l'industrie, qui est formée de grands groupes d'un côté, et de l'autre de TPE low-cost à leur service.

Il est temps de changer notre conception de l'intérêt général. L'État n'en a pas le monopole. La République appartient à tout le monde, et nous la représentons. Dès lors, nous pouvons envisager le transfert de compétences normatives aux régions et aux autres collectivités locales. L'unité de la République n'en serait pas menacée, non plus que l'égalité des droits entre les citoyens. Et que l'on ne m'oppose pas le risque d'une inégalité territoriale : nous savons que celle-ci a été réduite depuis 1982, comme elle l'a été en Espagne depuis la régionalisation. La mutualisation des expériences, l'émulation, l'échange de bonnes pratiques sont essentiels. Pour avoir été témoins de la manière dont les territoires étaient gérés par les DRASS, les DRAAF ou les préfets, nous savons que l'égalité n'est pas garantie du seul fait que l'État est représenté par des hauts fonctionnaires. Il nous faut passer à l'âge adulte de la démocratie. Or, votre texte, qui ne fait que créer la confusion, ne contribue en rien à la modernisation de notre pays.

La région devient la collectivité la plus dépendante des dotations de l'État et nous ne pourrons bientôt paradoxalement plus financer les projets que l'État ne peut plus financer lui-même : les TGV, les plans campus, le grand emprunt, et j'en passe. Qu'en sera-t-il de la commande publique, dont on sait qu'elle porte plus d'un million d'emplois par an ? Sur dix euros d'investissement public, sept proviennent des collectivités locales : c'est la base même de l'activité de notre pays qui est en jeu. Bien entendu, une réforme fiscale est nécessaire, afin d'affecter aux collectivités des ressources dédiées et pérennes en lien avec les compétences de chacune d'entre elles et d'assurer une véritable péréquation entre les territoires.

Mes chers collègues, il aurait fallu procéder autrement pour faire bouger la France. Achever la décentralisation est une ambition qui suppose de doter nos collectivités de moyens juridiques, politiques et financiers qui leur permettent d'assumer leurs missions grâce à des ressources fiscales cohérentes et non, comme le fait le Gouvernement, de dissoudre l'échelon régional, en le plaçant sous la dépendance des départements, ce qui est en somme un retour à l'établissement public régional des années 1970 et 1980, au détriment de l'efficacité des politiques publiques et de la compétitivité des territoires.

La France entretient avec la décentralisation des relations très complexes et nos propres élites l'envisagent dans des termes qui font sourire en Italie, en Espagne, au Royaume-Uni et, a fortiori, dans les États fédéraux. Mais la culture évolue à l'épreuve des faits. L'ensemble des acteurs économiques et sociaux, des experts de la formation professionnelle, des transports, du droit, de l'économie, de la recherche et de l'innovation n'ont, quant à eux, aucun doute sur l'absolue nécessité d'engager un acte III de la décentralisation, que la loi du 16 décembre, après un acte II déjà insuffisant, a rendu encore plus impérieuse.

Pour l'heure, nous ne pouvons que rappeler que ce texte engage notre pays dans une bien sombre impasse. Montesquieu…

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Rousset

…disait : « Une chose n'est jamais juste parce qu'elle est la loi ; mais elle doit être la loi parce qu'elle est juste. »

Pour toutes ces raisons, je vous invite, mes chers collègues, à voter la motion de renvoi en commission. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Perben

L'intervention de M. Rousset était un peu éloignée du texte en discussion. Néanmoins, je souhaiterais, par respect pour lui, revenir sur deux des points qu'il a évoqués.

Premièrement, je veux redire au président Rousset – même si nous savons tous deux que nos opinions divergent sur cette question – ma conviction profonde que la fusion des élus départementaux et régionaux est un élément de cohérence régionale. Je ne partage pas du tout son inquiétude quant à la disparition de l'ambition régionale que provoquerait cette évolution institutionnelle. Comme cela s'est vu lors de la création des agglomérations ou des communautés de communes, les élus des différents départements auront un intérêt commun pour la région, de sorte que la cohérence s'en trouvera renforcée et l'ambition partagée plus efficace qu'aujourd'hui. Certes, je fais là un pari, mais, encore une fois, c'est ma conviction, même si je respecte l'opinion de M. Rousset.

Deuxièmement – nous sommes là très loin du texte, mais je veux le dire devant le ministre –, je partage l'inquiétude de M. Rousset sur les capacités financières des régions à terme. La situation est liée, non pas à cette réforme-ci, mais aux conditions de celle de la taxe professionnelle. Nous devrons, les uns et les autres, réfléchir, dans les années à venir, à la flexibilité fiscale des régions.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Perben

Ce n'est pas mon opinion : le problème se pose principalement, me semble-t-il, au niveau des régions. Nous devrons donc mener cette réflexion, et il est possible que nous le fassions de manière consensuelle.

Telles sont, monsieur le président, les deux remarques que je souhaitais faire.

Debut de section - PermalienPhilippe Richert, ministre chargé des collectivités territoriales

Je souhaiterais dire au président Rousset l'intérêt que j'ai, mais il le sait, pour ses réflexions et ses prises de position concernant l'avenir des régions. Je m'inscris en effet dans la droite lignée d'Adrien Zeller, lorsqu'il évoquait « la France, forte de ses régions ». Nous devons faire en sorte que la décentralisation permette à nos collectivités d'exprimer, aux côtés de l'État, qui garantit l'unité de notre pays, les différences et les richesses de nos territoires. Cette double démarche représente une véritable opportunité.

Vous savez, les jacobins sont partout.

Debut de section - PermalienPhoto de Henri Emmanuelli

Ce n'est pas une tare, tout de même ! (Sourires.)

Debut de section - PermalienPhilippe Richert, ministre chargé des collectivités territoriales

Je veux réaffirmer le besoin d'unité nationale. Néanmoins, il est possible, tout en assurant l'unité nationale, de permettre aux territoires d'expérimenter la mise en oeuvre de dispositifs plus spécifiques. Tout à l'heure, M. Rousset a cité un département qui avait délégué à une agglomération ses compétences dans le domaine social. C'est le cas du conseil général du Bas-Rhin, qui a délégué ces compétences à la ville de Strasbourg. C'est moi-même qui ai signé, à l'époque en tant président du conseil général, la convention de délégation.

Debut de section - PermalienPhilippe Richert, ministre chargé des collectivités territoriales

Il s'agit bien, j'y insiste, d'une délégation, car le conseil général continue d'assumer ces compétences dans l'ensemble du département, mais il en transfère l'exercice à la commune. Pourquoi ? Nous savons que, lorsqu'une question d'ordre social se pose à lui, la première démarche d'un citoyen est de se rendre à la mairie. Or, c'est le conseil général qui est compétent en la matière. Dès lors, on s'aperçoit que, la plupart du temps, les mairies développent tout un ensemble de services sociaux parallèlement à ceux des conseils généraux. Strasbourg et le conseil général du Bas-Rhin ont donc convenu d'avoir un seul service, et c'est le conseil général qui paie les fonctionnaires de la ville de Strasbourg affectés dans son service social et dans celui de la ville. Le citoyen n'a donc pas à passer de l'un à l'autre ; il n'a qu'une seule démarche à accomplir, ce qui évite toute confusion. En ce qui nous concerne, cela nous évite d'avoir deux services.

Le parallèle avec ce que nous défendons à travers le conseiller territorial est évident : il y aura une seule personne qui représentera les deux assemblées.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Rousset

C'est l'inverse ! D'ailleurs, il ne s'agit pas de la même compétence : vous ne pouvez pas prendre un tel exemple !

Debut de section - PermalienPhilippe Richert, ministre chargé des collectivités territoriales

Par ailleurs, monsieur le président Rousset, vous avez fait référence à l'Allemagne, mais il faut aller jusqu'au bout de la comparaison, car il est trop facile de ne retenir qu'un élément.

Vous avez notamment évoqué les Länder, tout en sachant qu'ils n'ont pas grand-chose à voir avec les conseils régionaux tels que nous les connaissons dans notre pays.

Debut de section - PermalienPhilippe Richert, ministre chargé des collectivités territoriales

Mais, en Allemagne, les collectivités territoriales n'ont pas la même liberté fiscale que dans notre pays. Les Länder n'ont pas la capacité d'augmenter leurs revenus.

Debut de section - PermalienPhilippe Richert, ministre chargé des collectivités territoriales

Vous avez dit, monsieur Rousset, qu'il fallait redonner des marges de manoeuvre pour que chaque collectivité puisse fixer le montant de ses revenus. Mais en réalité, en Allemagne, ce n'est pas comme cela que les choses se passent ! Quand les recettes ont baissé globalement de 20 % en Allemagne, chaque collectivité a subi cette diminution.

Debut de section - PermalienPhilippe Richert, ministre chargé des collectivités territoriales

Chez nous, au contraire, l'État a fait en sorte, dans le moment le plus grave que nous ayons connu depuis quasiment un siècle, de préserver le niveau des ressources.

Debut de section - PermalienPhilippe Richert, ministre chargé des collectivités territoriales

Eh bien, malgré cela, les parlementaires de gauche ont dit que ce n'était pas suffisant !

Debut de section - PermalienPhoto de Henri Emmanuelli

Vous savez très bien qu'on nous doit beaucoup d'argent ! Ce que vous dites n'est pas sérieux !

Debut de section - PermalienPhilippe Richert, ministre chargé des collectivités territoriales

Monsieur Emmanuelli, je me permettais simplement de mener jusqu'au bout la comparaison, parce que, encore une fois, lorsque l'on veut ériger l'Allemagne en exemple, il faut considérer les choses dans leur ensemble !

Je veux surtout répondre à M. Rousset sur le coût des hémicycles. Selon vous, il faut 1 milliard d'euros. Mais enfin, tout de même ! Nous sommes tous ici des élus locaux, je vous prends donc à témoin : aujourd'hui, quand on construit un bâtiment public, le coût est, objectivement, de 4 000 à 5 000 euros le mètre carré, même si, pour ce prix-là, on est plutôt dans du haut de gamme ! Mais enfin, retenons ce chiffre. Admettons encore que le bâtiment soit conçu pour accueillir 300 personnes, quand bien même tous les conseils régionaux ne sont pas aussi gros. À raison d'un mètre carré par personne, cela fait 300 mètres carrés. Prévoyons large et doublons la surface : disons 600 mètres carrés. Admettons aussi qu'il faudra encore cent personnes dans les services et nous en arrivons à 800 mètres carrés. En prenant pour base, mesdames et messieurs les députés, un prix de 5 000 euros le mètre carré, même si, encore une fois, c'est plutôt du haut de gamme, cela fait 4 millions.

Debut de section - PermalienPhoto de Henri Nayrou

C'est de l'épicerie, ce que vous faites là !

Debut de section - PermalienPhilippe Richert, ministre chargé des collectivités territoriales

C'est vous, monsieur Rousset, qui avez parlé d'un milliard ; observons donc les choses de près !

Même s'il fallait construire de la même manière dans vingt régions, on arriverait à 80 millions, monsieur Rousset, et non un milliard ! Il y a donc entre ces deux chiffres un peu plus qu'un facteur dix, à moins de supposer que vous construisez des hémicycles à 60 000 euros le mètre carré. C'est de l'or massif ! (Sourires.)

Debut de section - PermalienPhoto de Henri Emmanuelli

C'est de la démagogie ! Nous coûtons moins cher que Sarkozy à l'Élysée !

Debut de section - PermalienPhilippe Richert, ministre chargé des collectivités territoriales

Soyons donc un peu plus raisonnables dans les estimations. Le chiffre que vous avez annoncé n'est pas sérieux. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Balligand

Dans les explications de vote, la parole est à M. Bernard Roman, pour le groupe SRC.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Roman

Je serai rapide, d'autant que la façon dont le rapporteur et le ministre ont répondu à M. Rousset, ainsi que le débat qui s'est engagé avec M. Emmanuelli – ancien ministre et président de conseil général, il connaît ces questions – montrent manifestement que, sur le fond, on aurait intérêt à retravailler ce texte et donc à revenir en commission.

Je dirai simplement à M. le ministre que son conseiller a dû se tromper sur le nombre de mètres carrés : s'agissant des collectivités territoriales, tous les comités d'hygiène et de sécurité considèrent que le minimum est de six mètres carrés par agent, et non pas un comme vous l'avez dit. Mais la révision générale des politiques publiques a dû passer par là !

Debut de section - PermalienPhilippe Richert, ministre chargé des collectivités territoriales

Vous parlez de l'ensemble et moi des hémicycles ! Regardez celui-ci, par exemple !

Debut de section - PermalienPhoto de Henri Emmanuelli

Et vous, venez voir comment c'est dans mon département ! Ce que vous avez dit est ridicule !

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Roman

Il faut donc multiplier par six le nombre de mètres carrés évoqué. Ce sont là des normes légales qui concernent l'installation des agents des collectivités territoriales, reprises par le Conseil supérieur de la fonction publique territoriale.

J'ajoute un autre élément pour aller dans le sens de M. Rousset. Monsieur le rapporteur, monsieur le ministre, vous avez évoqué l'intercommunalité ; eh bien, ce dispositif va à son encontre. Il constitue en effet un retour en arrière, et non l'évolution annoncée, censée venir du fait qu'un certain nombre de compétences remontent au niveau de la région.

Finalement, on en revient à l'établissement public régional d'avant 1986. C'était une assemblée, constituée de représentants d'autres assemblées, qui préfigurait les régions. Malgré le dynamisme dont font preuve aujourd'hui les vingt-deux régions métropolitaines, sans oublier celles d'outre-mer, en dépit de tout ce qu'elles ont entrepris, on est en train de rayer d'un trait de plume ce qui a été fait depuis 1986. On en revient à l'établissement public régional, qui sera en fait la fédération des conseils départementaux dans chacune des régions.

Pour ces raisons, nous pensons qu'il faut revenir en commission afin de retravailler sur ces questions, et en particulier, comme l'a évoqué M. Rousset, sur les compétences. Nous voterons donc cette motion.

(La motion de renvoi en commission, mise aux voix, n'est pas adoptée.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Balligand

Dans la discussion générale, la parole est à M. Bernard Roman.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Roman

Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, ce projet de loi est d'une opportunité discutable. Il nous est en effet demandé, comme vous l'avez rappelé, et on ne nous demande que cela, de fixer le nombre de conseillers territoriaux par région et par département, et cela alors que les projets de loi fixant leur mode d'élection sont en sommeil ! Je pense notamment à ce projet de loi fantôme qui dort depuis le 21 octobre 2009 sur le bureau du Sénat. Dans ces conditions, l'urgence de notre débat d'aujourd'hui reste pour nous un mystère.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Roman

Ce texte, inutile, est de surcroît vicié par un double mensonge.

Le premier mensonge réside dans l'argument de la simplification. M. Derosier et M. Rousset l'ont évoqué en se félicitant que vous ne le repreniez plus, monsieur le ministre. Il n'en demeure pas moins que l'exposé des motifs du texte relatif aux modalités d'élection assure : « Le conseiller territorial sera un facteur de simplification : attaché à un territoire bien identifié, il aura une vision globale, de son département comme de sa région. » Sic !

La création du conseiller territorial est dénoncée par les socialistes depuis son origine. Nous partagions la vision défendue par le comité Balladur, que M. Rousset a rappelée, de deux blocs comprenant, d'une part, l'Europe, l'État et la région, et, d'autre part, le département, l'intercommunalité et la commune. À ces deux blocs correspondent, sur le plan des compétences nationales, deux couples : la région et l'intercommunalité pour le développement, la structuration du territoire, la recherche et l'économie ; le département et les communes pour la proximité.

À nos yeux, cette répartition plaide pour une distinction claire entre les scrutins régionaux et départementaux. Au contraire, la création du conseiller territorial va aboutir à une forme de cantonalisation des régions, en opposition avec la nécessité de faire émerger de grandes entités régionales puissantes et articulées sur l'Europe. Plutôt qu'une simplification, c'est une confusion qui risque de se produire : une confusion des compétences, voire une possible confusion d'intérêts.

Cette réforme ne sera pas non plus simplificatrice du point de vue des élus car le système du conseiller territorial est absurde : il sera matériellement impossible aux conseillers territoriaux d'être présents dans toutes les réunions ou les instances au sein desquelles ils seront supposés siéger. Le Gouvernement prétend qu'il s'agit d'un mandat unique ; en réalité, il s'agit de deux mandats en un et on voit bien là le subterfuge, au regard de la législation sur le cumul des mandats. Cet artifice est donc en soi condamnable.

Au-delà même de l'efficacité du conseiller territorial, ce qui est en jeu, c'est la manière dont celui-ci sera en mesure d'exercer son mandat. C'est bien, pourtant, le sens même de la décentralisation !

Le second mensonge concerne la promesse d'une économie budgétaire, mais je ne vais pas y insister, M. Rousset ayant largement développé ce point. L'économie était chiffrée, dans le rapport initial comme dans l'étude d'impact, à 70 millions d'euros. Entre-temps, elle a été révisée à la baisse – vous-même, monsieur le ministre, avez parlé de 45 millions d'euros.

On peut décider, dans notre pays, d'instaurer un bouclier fiscal de 650 millions d'euros, dont la commission des finances a révélé hier qu'il profitait pour 70 % à quelques centaines de familles, et, à côté de cela, chercher à économiser 70 millions – en fait, 45 millions –, c'est-à-dire moins de 10 % de cette somme, pour casser la décentralisation. Celle-ci a pourtant permis à la France, depuis trente ans, d'avancer de la manière que l'on sait !

C'est un vrai scandale d'avancer ce chiffre de 45 millions d'économies budgétaires, alors que le chèque remis à Mme Bettencourt chaque année est de 30 millions d'euros. On casse la décentralisation pour 45 millions d'euros d'économies, mais on signe chaque année un chèque de 30 millions à la plus grosse fortune de France au nom du bouclier fiscal !

Debut de section - PermalienPhoto de Henri Emmanuelli

Oui, mais ce n'est pas n'importe quel Gouvernement : c'est le Gouvernement du Fouquet's ! (Sourires.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Roman

Enfin, et j'en termine par là, si le recours aux suppléants est envisagé pour résoudre les problèmes d'emploi du temps des futurs conseillers territoriaux, nous ne savons pas s'ils seront indemnisés. Si tel était le cas, le coût de la réforme en serait alourdi.

Le véritable enjeu de cette réforme – vous le savez aussi bien que nous – est ailleurs : votre logique n'est pas celle d'une amélioration de la démocratie locale, mais bel et bien d'un affaiblissement de la décentralisation. Les échéances électorales de 2012 seront l'occasion d'un grand débat démocratique. Dans le cadre de ce débat, les socialistes proposeront, comme l'a suggéré Bernard Derosier tout à l'heure, l'abrogation de votre réforme néfaste, c'est-à-dire la suppression du conseiller territorial. Je pense que les Français nous entendront ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Huguette Bello

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, en censurant l'article 6, qui fixe le tableau de répartition par région et par département des conseillers territoriaux, le Conseil constitutionnel nous donne l'occasion de revenir sur la mise en oeuvre de la réforme des collectivités territoriales, particulièrement dans les régions monodépartementales.

En effet, deux lectures dans chaque chambre n'ont pas suffi pour apporter des réponses à nos interrogations et pour modifier le cours d'une évolution qui, de l'avis de tous, s'annonce, dans ces régions, incompréhensible voire ubuesque. Vous l'avez justement déclaré ici même le 15 septembre 2010, monsieur le rapporteur : « On ne peut envisager de manière durable une assemblée unique avec deux collectivités, deux présidents, deux bureaux. »

La situation en est à un point de confusion tel que le Gouvernement a fait adopter un amendement l'habilitant à agir par voie d'ordonnance en vue de fixer des mesures d'adaptation dans les départements et régions d'outre-mer. Le délai de dix-huit mois prévu par l'article 87 de la loi du 16 décembre 2010 portant réforme des collectivités territoriales n'est certes pas écoulé, mais nous souhaitons avoir des précisions sur l'état de la réflexion du Gouvernement.

Lors de chaque débat dans cet hémicycle sur cette réforme, le Gouvernement a promis d'engager au plus vite une concertation avec les élus concernés en vue d'envisager les adaptations nécessaires. À ma connaissance, les élus de la Réunion n'ont, jusqu'à présent, été conviés à aucune discussion de ce genre.

Il est d'ailleurs permis de s'interroger sur la nécessité de cette ordonnance. L'article 73 de la Constitution prévoit en effet de la façon la plus précise la possibilité de recourir à des adaptations « tenant aux caractéristiques et contraintes particulières » des départements et régions d'outre-mer. Une région comprenant un seul département, n'est-ce pas là une « caractéristique particulière » suffisante ? Quoi qu'il en soit, il est devenu urgent qu'un dialogue s'ouvre enfin sur un sujet dont nous savons tous à quel point il est sensible.

Dans les outre-mer, la question institutionnelle renvoie forcément à celle de la concentration des compétences et à celle de l'équilibre des pouvoirs. Elle doit donc être abordée en fonction des spécificités de chaque région et doit recueillir l'assentiment des populations. En aucun cas les institutions ne sauraient être un simple décalque ; en aucun cas, elles ne sauraient être dessinées en fonction de schémas préconçus.

L'inadaptation aux régions d'outre-mer de la réforme votée se retrouve tout naturellement dans le tableau des effectifs qui fait l'objet du projet de loi que nous examinons.

Ainsi la règle fixée par le Gouvernement, selon laquelle la représentation moyenne de chaque département d'une même région ne doit pas s'écarter de la représentation moyenne régionale de plus ou moins 20 %, ne s'applique évidemment pas dans les régions monodépartementales. Conséquence, dans ces régions, les effectifs ont été fixés en l'absence de toute règle. Il est significatif que la modification du nombre de conseillers territoriaux pour la Guadeloupe ne soit pas, comme pour les six autres régions, la conséquence de la censure du Conseil constitutionnel, mais bien d'une décision du Président de la République.

Il semble bien, à vrai dire, que, pour les deux régions monodépartementales visées par la réforme, le nombre de conseillers territoriaux n'ait pas été établi sur des bases essentiellement démographiques, les seules à mêmes d'assurer, comme nous le savons, l'égalité devant le suffrage.

Pour tenter d'y remédier, le nouveau tableau prévoit que la Guadeloupe, 402 000 habitants, passera de quarante-trois à quarante-cinq conseillers territoriaux. Au contraire, pour la Réunion, 808 000 habitants, l'effectif est maintenu à quarante-neuf. À titre de comparaison, cela a été dit tout à l'heure, la région du Limousin, qui compte 740 000 habitants, aura quatre-vingt-onze élus territoriaux. Bien sûr il ne s'agit pas là de comparaisons intra régionales ; il n'en demeure pas moins qu'à la Réunion, un conseiller territorial représentera 16 495 habitants, soit près de deux fois plus qu'en Guadeloupe ou dans le Limousin.

On se souvient qu'un des principaux objectifs de cette réforme est de réduire le nombre d'élus régionaux et départementaux. Selon l'étude d'impact, la baisse sera de 38 % au niveau national. Pour la région Réunion, la réduction sera presque de 48 %, soit dix points de plus : l'objectif est largement dépassé.

Si elle devait s'appliquer à la Réunion, cette réforme devra s'accompagner de la création de nouveaux cantons. Là-dessus, le Conseil constitutionnel a bien précisé que « la volonté de ne pas s'écarter trop sensiblement du nombre des cantons fixé antérieurement à la réforme ne peut être regardée comme un impératif d'intérêt général susceptible de justifier les atteintes au principe d'égalité devant le suffrage ».

Les Réunionnais, je le répète, ne souhaitent pas ouvrir à nouveau le débat institutionnel.

Debut de section - PermalienPhilippe Richert, ministre chargé des collectivités territoriales

Tout à fait.

Debut de section - PermalienPhoto de Huguette Bello

Ils ont clairement exprimé, lors des états généraux de l'outremer, qu'ils ne considéraient pas ce débat comme une priorité. Si toutefois le Gouvernement persiste à vouloir rouvrir ce débat, il doit évidemment le faire avec eux et pour eux, sans a priori et sans arrière-pensées, monsieur le ministre. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Bodin

Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, la loi du 16 décembre 2010 portant réforme des collectivités territoriales a créé une nouvelle catégorie d'élus, les conseillers territoriaux, destinés à siéger, à partir de mars 2014, à la fois au conseil général et au conseil régional. Dans les quatre-vingt-seize départements concernés par la réforme, ces élus remplaceront donc les 3 900 conseillers généraux et les 1 757 conseillers régionaux actuels.

Ce texte constitue l'aboutissement opportun d'une réflexion sur l'indispensable réforme de l'organisation territoriale de la France.

En effet, la décentralisation, engagée il y a déjà plus de trente ans dans notre pays, a contribué à sa vitalité, en libérant l'énergie de nos territoires, en renforçant les libertés locales, et en consacrant une nouvelle forme de gestion publique, plus proche des citoyens et répondant mieux à leurs aspirations. Le bilan de cette évolution est indiscutable.

Pourtant, cette décentralisation, du moins dans sa conduite, a contribué à la mise en place progressive d'une organisation territoriale, le fameux mille-feuille administratif, dont certains défauts ne pouvaient plus être ignorés. Elle s'est en effet traduite, pour l'essentiel, par le transfert des compétences, sans vraiment réorganiser, clarifier ou modifier les structures.

L'objectif était donc simple : il s'agissait de relancer la décentralisation en opérant une simplification et une clarification de ce paysage institutionnel.

Il a ainsi paru nécessaire de supprimer les structures devenues obsolètes ou redondantes, afin d'articuler plus étroitement l'intervention des collectivités territoriales, et de clarifier l'exercice des compétences entre les trop nombreux niveaux d'administration locale.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Bodin

La mise en place des conseillers territoriaux est au coeur du dispositif. Celui-ci vise à rapprocher les départements et les régions à travers un élu commun, renforçant ainsi la complémentarité de leurs actions sans pour autant remettre en cause leurs spécificités.

Le conseiller territorial, représentant au conseil général et au conseil régional d'un canton élargi, sera identifié de manière claire comme l'élu d'une population et d'un territoire.

Jouissant tout à la fois d'une vision de proximité, du fait de ce véritable ancrage territorial, et d'une vision stratégique, du fait des compétences plus étendues dont il disposera, le conseiller territorial sera en mesure d'organiser l'intervention de chacune de ces collectivités en évitant la mise en oeuvre d'actions redondantes ou même concurrentes sur le même territoire.

L'article 6 de la loi avait fixé un effectif de 3 496 conseillers territoriaux dont la répartition répond à plusieurs principes : un effectif déterminé sur la base des chiffres de la population ; une baisse globale du nombre de conseillers territoriaux par rapport au nombre actuel d'élus départementaux et régionaux ; un minimum de quinze conseillers dans chaque département corrélé à un maximum de 310 ; enfin, une représentation moyenne de chaque département d'une même région s'inscrivant dans une fourchette de plus ou moins 20 % par rapport à la représentation moyenne des habitants par conseiller territorial à l'échelon de la région.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Bodin

C'est au regard de ce dernier principe que le Conseil constitutionnel, dans sa décision du 9 décembre dernier, a reconnu la conformité à la Constitution de l'intégralité de la réforme, à l'exception, vous l'avez souligné, d'une partie du tableau procédant à la répartition de ces conseillers territoriaux.

Il a en effet jugé que les effectifs attribués à six départements, le Cantal, l'Aude, la Haute-Garonne, la Mayenne, la Meuse et la Savoie, ne prenaient pas suffisamment en compte les équilibres démographiques.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Louis Dumont

Le Président de la République a dit qu'il fallait faire des économies, alors on divise par deux le nombre des élus !

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Bodin

La mise en oeuvre pleine et entière de la réforme des collectivités territoriales appelait donc une nouvelle répartition qui garantisse sa conformité à la Constitution. C'est l'objet unique du projet de loi que nous examinons aujourd'hui.

Debut de section - PermalienPhoto de Henri Emmanuelli

Du « forfait » que nous examinons aujourd'hui, pas du projet de loi.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Bodin

Le texte que vous nous soumettez, monsieur le ministre, présente deux types d'ajustements :

D'une part, il reprend les effectifs adoptés par le Parlement et validés par le Conseil constitutionnel en augmentant toutefois légèrement celui de la Guadeloupe. En effet, en ajoutant deux conseillers territoriaux pour la région Guadeloupe, le Gouvernement a affirmé son désir de tenir compte des réalités démographiques de cet archipel et d'atténuer par ailleurs les effets de la réduction du nombre des élus régionaux et départementaux. En élevant le nombre de conseillers territoriaux à quarante-sept, le Gouvernement a limité cette baisse en la ramenant à un niveau proche du niveau constaté au plan national, soit près de 38 %.

D'autre part, le projet de loi propose de nouveaux effectifs dans les six régions citées par le Conseil constitutionnel.

Sur ce dernier point, permettez-moi de revenir sur le raisonnement qui a guidé la mise en place de ces effectifs.

Comme le rappelle le Conseil constitutionnel, la représentation de certains départements ne doit pas s'écarter de plus de 20 % par rapport à la moyenne régionale. Afin de se conformer à cette décision, il a fallu corriger les effectifs dans six départements qui présentaient des écarts de représentation jugés trop importants, sans pour autant transformer radicalement le tableau adopté par le Parlement en novembre dernier.

La question s'est alors posée de savoir s'il était impératif de s'en tenir au principe, introduit par les sénateurs et conservé par les députés, d'un nombre impair de conseillers territoriaux dans chaque département. En effet, bien que présentant l'avantage indiscutable de contribuer à la bonne administration des collectivités départementales en évitant des majorités indécises, il présentait également l'inconvénient d'exiger des ajustements de plus ou moins deux sièges dans plusieurs départements.

Ce dispositif aurait conduit à augmenter ou à réduire de manière excessive le nombre de conseillers territoriaux dans des départements aux effectifs déjà très réduits, comme c'est le cas dans l'Aude, le Cantal ou la Mayenne, ou très élevés, comme c'est le cas en Haute-Garonne. Par conséquent, dans les départements où cela permettait d'atteindre l'équilibre démographique et de s'approcher au plus près de la moyenne régionale, il est apparu plus raisonnable de limiter ces ajustements à seulement une unité. Dans ce cadre, un siège a été supprimé dans le Cantal, dans l'Aude et la Mayenne, et un siège a été ajouté en Haute-Garonne.

Au final, à l'exception des quatre départements comptant quinze sièges et conformément à la décision du Conseil constitutionnel, aucun des quatre-vingt-seize départements concernés par la réforme des collectivités territoriales ne présente désormais d'écart de représentation de plus de 20 % par rapport à la moyenne régionale.

Mes chers collègues, vous le constatez, ce projet de loi ne s'est fixé nul autre objectif que de se conformer à la décision du Conseil constitutionnel, tout en restant au plus près des principes qui ont guidé l'élaboration de la répartition initiale des conseillers territoriaux adoptée par le Parlement en novembre dernier. Tenant compte des données économiques, sociales et géographiques locales, ces effectifs répondent à l'exigence d'une représentation aussi équilibrée que possible des populations départementales.

C'est bien la recherche de cet équilibre qui a conduit la réflexion du Gouvernement ; un équilibre en mesure de nourrir une véritable collégialité et d'insuffler à l'action de ces élus une dynamique nouvelle au service de nos territoires, au service de nos concitoyens et au service de la France.

Le groupe UMP votera donc ce texte. Il le fera avec la conviction que cette réforme sera en mesure d'accompagner et d'améliorer la cohérence et la convergence des politiques publiques sur l'ensemble du territoire français. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Henri Nayrou

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, et voilà la réforme des collectivités territoriales qui revient à la surface de l'eau pour s'envaser davantage, suite à l'annulation par le Conseil constitutionnel de l'article 6 de la loi portant sur le nombre de conseillers territoriaux par département.

Ultime avanie d'un projet mal né parce que né politiquement tordu, non admis à gauche comme à droite, dans les régions comme dans les départements, sur le terrain comme dans les esprits, loi punie là où elle voulait pêcher, dans les débats parlementaires au cours desquels le Gouvernement a perdu sa crédibilité, avec sa cascade d'échecs, de revers, de reculades et de scores étriqués, records peu glorieux de cette législature.

Voilà donc les conseillers territoriaux, ces machins fusionnant mandats régionaux et départementaux, symboles d'une machination anti-élus, ourdie à l'Élysée par un président de la République se prenant pour Bonaparte…

Debut de section - PermalienPhoto de Henri Nayrou

…alors que ce projet inutile, coûteux, injuste et dangereux est à peine digne d'un apprenti sorcier.

Et nous revoilà donc dans cet hémicycle pour voler au secours de cet avorton d'élu, à la suite d'une misérable affaire d'épicerie constitutionnelle, le ratio entre la population départementale et le nombre de conseillers territoriaux du département devant être compris dans un « tunnel » de plus ou moins 20 % par rapport au ratio entre la population régionale et le nombre total de conseillers territoriaux de la région, avec un plancher de quinze conseillers territoriaux par département et un nombre d'élus régionaux qui crève le plafond, trois fois plus en Midi-Pyrénées, exemple détestable de déséquilibre territorial. Et, s'agissant de l'occupation des locaux, monsieur le ministre, je vais dire à Martin Malvy que vous êtes à sa disposition.

J'ai commencé par contester la forme ; je vais maintenant contester le fond de cette réforme. Je récuse bien sûr le principe de ce double mandat que mon camp politique s'empressera de renvoyer dans les ténèbres s'il l'emporte l'an prochain, mais, en attendant, je souhaite expliciter ma position sur la nature de cette disposition ainsi que sur le nombre d'élus par département qui sera soumis au vote ici même.

Il est logique que pour les élections européennes, nationales et même régionales, le critère prééminent soit d'ordre démographique. À cet égard, la justification de cette loi avancée par certains députés UMP par le fait que les conseillers territoriaux ne seraient pas référencés sur leurs territoires n'est qu'un argument de suiveur.

En revanche, pour ce qui concerne la partie conseil général, il est clair que la notion de représentation territoriale doit absolument prévaloir sur le critère démographique. En effet, tous les élus ruraux ou montagnards, et tous les électeurs de ces zones sont attachés à privilégier la notion de représentants proches du terrain et de leur avenir, afin de respecter les spécificités géographiques et sociologiques de ces territoires, pour la plupart qualifiés de bassins de vie. S'il n'en était pas ainsi, il n'y aurait alors plus que des élus des centres urbains et c'en serait fini de l'équilibre territorial dont je me fais une haute idée, loin des idées reçues, y compris dans cette instance.

Il est donc essentiel de garantir une représentation minimale des départements caractérisés par une faible densité démographique et une grande superficie – je sais de quoi je parle ! Nous aurions d'ailleurs pu débattre d'un amendement porté par les parlementaires de l'ANEM – l'Association nationale des élus de la montagne, dont le président est ici présent – qui va dans ce sens, mais qui n'a pas été retenu.

Cela signifie que ce chiffre pourrait être porté à dix-sept, chiffre plancher fixé par l'ANEM depuis le début des débats, sans que cela soit manifestement disproportionné. Ce relèvement du seuil minimum n'aurait d'ailleurs aucune incidence sur la répartition des conseillers territoriaux des autres départements dans la mesure où ce chiffre ne sera pas pris en compte dans l'appréciation des écarts de représentation entre départements de même région de plus ou moins 20 %.

Le choix du Gouvernement de quinze élus minimum, avalisé, pardon avalé mais avec du sirop des Vosges (Sourires), par des parlementaires de la majorité, soit déconnectés des réalités de fonctionnement dans les conseils généraux, soit un peu trop obéissants, ce choix fait effectivement peu cas des diverses lois de décentralisation, y compris celle de 2004 menée par M. Raffarin, qui ont donné aux conseillers généraux des compétences nouvelles les rapprochant des citoyens un peu à la façon des maires, élus de proximité par excellence.

Il est à cet égard regrettable que l'exécutif ait refusé de prendre en compte les nombreuses obligations des élus départementaux pour représenter l'institution. On a alors le choix entre deux explications : ou il ne connaît rien à ce type de fonctionnement, ce qui n'est pas votre cas, monsieur le ministre ; ou il a décidé, sans l'avouer, de signer l'arrêt de mort des départements.

J'observe, enfin, que vous décidez de créer de nouveaux territoires électifs, forcément artificiels, au moment précis où élus et préfets travaillent dans les départements pour établir la nouvelle carte de l'intercommunalité, dotée, elle, de territoires de pertinence, de territoires durables.

Dix-neuf, dix-sept ou quinze conseillers territoriaux, peu importe après tout, car je fais le pari que cette réforme ridicule ne s'appliquera jamais, soit parce que nous la supprimerons en 2012, soit parce qu'elle sera inapplicable. Dans les deux cas, que de temps perdu en débats stériles alors que les priorités des Français sont d'une toute autre nature, et surtout d'une très grande gravité !

C'est la raison pour laquelle, monsieur le ministre, la conclusion de votre intervention liminaire s'apparentait à un testament provisoire. L'histoire se chargera d'écrire le codicille. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Balligand

Mes chers collègues, il vous faudrait tenir vos temps de parole si vous voulez que nous finissions l'examen de ce texte ce matin, comme vous avez été nombreux à le demander.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Louis Dumont

On a le temps ! C'est une loi importante, monsieur le président !

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Hélène Amiable

Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, chers collègues, ce projet de loi projet de loi de rattrapage intervient après la censure du Conseil constitutionnel sur le tableau des effectifs des conseillers territoriaux.

La funeste réforme des collectivités territoriales, en portant la réduction drastique du nombre d'élus dans nos territoires, fixait une répartition totalement hasardeuse des nouveaux effectifs. Ceux-ci semblaient plus dictés par des considérations de stratégie politicienne que par l'intérêt général. Le juge constitutionnel a donc utilement rappelé que les effectifs retenus pour six départements méconnaissaient le principe d'égalité devant le suffrage, du fait des écarts disproportionnés de représentation qu'ils entraînaient pour les conseillers régionaux de leur région respective.

Dans le tableau qui nous est aujourd'hui proposé, aucun département ne présente un écart de représentation de plus de 20 % par rapport à la moyenne régionale, à l'exception de quatre départements comptant quinze sièges. Des écarts de moins de 20 %, cela veut dire qu'il existe tout de même toujours de fortes disparités.

Fondamentalement, la création du conseiller territorial, loin d'être une avancée, constitue une régression politique majeure pour le développement de nos territoires. En rayant d'un trait de plume plus de 2 000 mandats d'élus locaux, la majorité et le Gouvernement ont porté un coup à la démocratie locale. Moins d'élus, c'est moins de proximité entre les citoyens et leurs représentants. C'est aussi le risque d'une professionnalisation et d'une bureaucratisation de la fonction.

Cette purge, prétendument motivée par des impératifs budgétaires, n'entraînera aucune économie, bien au contraire : le coût estimé de la nécessaire restructuration des hémicycles pour convenir aux nouveaux effectifs atteint un milliard d'euros.

Par ailleurs, le mode de scrutin retenu est injuste. Il favorise le bipartisme et porte un coup d'arrêt aux efforts faits pour instaurer la parité dans notre pays.

En outre, le relèvement du seuil de qualification pour le deuxième tour à 12,5 %, totalement opportuniste et électoraliste, ne manquera pas d'assécher le pluralisme qui vivifie notre démocratie.

Quant à la question des nouveaux effectifs que nous examinons aujourd'hui, elle appelle plusieurs remarques.

D'une part, le seuil minimal retenu de quinze élus pour les départements les moins peuplés, s'il a été validé par le Conseil constitutionnel, n'est pas sans poser des problèmes de représentativité des élus. Si une proportionnalité stricte était appliquée, il faudrait des hémicycles véritablement pléthoriques pour les zones très denses ! Comme ce n'est pas possible, les distorsions entre zones denses et zones faiblement peuplées sont reconduites.

D'autre part, le choix qui a été fait est celui d'une cohérence au sein des régions, mais pas d'une proportionnalité entre les régions. Ainsi, l'écart de représentation entre les départements d'une même région ne peut être de 20 % par rapport à la moyenne régionale, mais deux régions ou deux départements aux populations proches peuvent avoir un nombre de conseillers territoriaux totalement différent.

Comment expliquer ces différences de traitement ? Comment ont été réalisés ces arbitrages et sur quels critères ? La représentation nationale n'en a pas été suffisamment informée. Nous sommes priés de valider un tableau rédigé dans les bureaux des ministères.

Aux termes de la répartition totalement illogique qui nous est imposée, le département du Val-de-Marne perd quatorze cantons et se trouve limité à trente-cinq conseillers territoriaux alors que celui du Bas-Rhin, de 30 % moins peuplé, disposera de quarante-trois conseillers territoriaux ! Qu'est-ce qui peut bien justifier que les citoyens, d'un département à un autre, ne bénéficient pas du même maillage démocratique ? Sur ce sujet comme sur tant d'autres, c'est l'arbitraire qui règne.

Comme les députés communistes, républicains et du parti de gauche l'ont toujours dit, la réforme des collectivités territoriales constitue un recul démocratique insupportable. Loin de simplifier les choses, elle ne manquera pas de donner lieu à une véritable pagaille administrative dont ce projet de loi est le premier exemple. Cette application des vieilles recettes libérales à nos territoires va renforcer les logiques de concurrence et raboter l'intervention publique pour ouvrir des parts de marché aux grands groupes privés.

La réforme territoriale, en cohérence avec les autres attaques menées par le Gouvernement et la majorité contre notre système social, participe au vaste plan d'appauvrissement de la France, de l'État et des collectivités, que vous avez mis en place.

Pour l'ensemble de ces raisons, les députés communistes, républicains et du parti de gauche voteront contre ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Descoeur

Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, ce projet de loi fixant le nombre de conseillers territoriaux de chaque département, et de fait de chaque région, a pour objet – j'allais dire : pour unique objet, comme vous l'avez rappelé, monsieur le ministre – de répondre aux remarques du Conseil constitutionnel, qui, s'il a globalement conclu à la conformité à la Constitution de la loi de réforme des collectivités, a censuré le tableau de répartition par département qui l'accompagnait, tableau introduit par un amendement gouvernemental et qui a connu de nombreuses modifications en deuxième lecture, puis en commission mixte paritaire.

Le département du Cantal, dont je suis l'élu, étant l'un des six départements pointés du doigt, ou plutôt dont le nombre de conseillers territoriaux a été remis en cause, je voudrais, dans un premier temps, monsieur le ministre, me réjouir du choix que vous avez fait, et que je qualifierai de sage, de revenir tout simplement, si j'ose dire, au tableau initialement soumis à notre assemblée, répondant ainsi aux observations du Conseil constitutionnel – cela se traduit, pour le Cantal, par vingt conseillers territoriaux au lieu de vingt et un – même si le principe d'un nombre impair, censé éviter les difficultés de fonctionnement d'une assemblée, semblait frappé de bon sens.

Même si l'ambition du texte qui nous est soumis se limite à corriger le nombre de conseillers territoriaux dans les six départements en question, je souhaite profiter de cette occasion, en qualité de président de l'Association nationale des élus de la montagne, pour rappeler, comme je l'ai fait en première lecture, l'importance que j'attache, qu'attachent les élus de la montagne, à la représentation des territoires, de tous les territoires.

Nous avons défendu cette position en première lecture et milité, avec un succès relatif, pour que les départementaux ruraux de montagne, très souvent les moins peuplés d'une région – c'est aussi vrai d'ailleurs pour les départements ruraux au sens large – puissent bénéficier d'un nombre minimal de conseillers territoriaux et vous n'êtes pas sans savoir que nous avions alors avancé, cette fois-ci avec moins de succès, le nombre de vingt conseillers territoriaux minimum.

Si nous pouvons nous satisfaire que le Conseil constitutionnel n'ait rien trouvé à redire à ce principe de seuil, nous continuons à penser que quinze conseillers territoriaux ne sauraient suffire et avons déposé un amendement visant à relever ce seuil pour éviter que les départements de montagne ne voient leur nombre de conseillers territoriaux réduit de manière significative – de près de 50 % pour deux d'entre eux.

Deux mots, enfin, monsieur le ministre, de l'étape suivante qui sera le découpage des nouveaux cantons, que vous avez d'ailleurs abordé dans votre propos préliminaire. Il est important, et je me permets d'insister auprès de vous, dans le même objectif de représentation des territoires de montagne, plus étendus que peuplés, que la définition des limites des nouveaux cantons s'affranchisse de la seule logique arithmétique et prenne en compte d'autres critères afin que la spécificité de ces territoires soit reconnue. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Sylvia Pinel

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la loi du 16 décembre 2010 portant réforme des collectivités territoriales a créé — non sans mal, en l'absence de consensus – une nouvelle catégorie d'élus, les conseillers territoriaux – des élus hybrides et hors sol — qui devront siéger à la fois au conseil général et au conseil régional à partir de mars 2014.

Le présent projet de loi entend ni plus ni moins compléter cette loi dans le but de rendre le tableau des effectifs de conseillers territoriaux – auquel renvoyait l'article 6 de la loi définitivement adoptée en novembre 2010 – conforme à la décision du Conseil constitutionnel. Rappelons en effet que celui-ci a censuré l'article 6 de la loi du 17 novembre 2010, jugeant que pour six départements, la répartition du nombre de conseillers territoriaux méconnaissait le principe d'égalité devant le suffrage.

La situation de la région monodépartementale de Guadeloupe mise à part, il est tout à fait regrettable que ce projet de loi vise uniquement à procéder, dans l'urgence, aux ajustements a minima rendus nécessaires par la décision du Conseil constitutionnel. Il ne traite ni du rôle des conseillers territoriaux ni des modalités concrètes de leur élection, à commencer par la délimitation des cantons dans lesquels seront élus ces nouveaux conseillers territoriaux.

Les députés radicaux de gauche et apparentés dénoncent cet ultime passage en force du Gouvernement, resté une nouvelle fois sourd aux attentes des parlementaires, attentes qui pourtant ont été largement exprimées lors de l'examen du texte en commission des lois.

Ainsi, aucune modification n'a pu être apportée au tableau de répartition des conseillers territoriaux, qui compte, conformément au souhait de votre gouvernement, un effectif total de 3 493 conseillers territoriaux, soit 3 de moins que le tableau censuré, éloignant un peu plus l'élu local du citoyen.

Pour tenter de lutter contre la perte manifeste de proximité que va entraîner votre réforme des collectivités territoriales – 3 493 conseillers territoriaux se substitueront aux 5 657 conseillers généraux et conseillers régionaux actuels –, nous avons déposé plusieurs amendements dans le but de « limiter la casse », en portant de 15 à 17 le nombre minimal de conseillers territoriaux dans les départements caractérisés par une grande superficie et une faible densité démographique.

Le relèvement de ce seuil, fixé actuellement à 15 conseillers territoriaux par département, vise à garantir une meilleure représentation des territoires ruraux. Dans le tableau de répartition, six départements – dont cinq situés en zone de montagne – sont concernés et comptent 15 conseillers territoriaux. Parmi ces six départements, deux d'entre eux – les Hautes-Alpes et les Alpes de Haute-Provence –, qui disposent actuellement de 30 conseillers généraux, vont subir une diminution de 50 % du nombre de leurs élus. Un constat jugé inacceptable, dans la mesure où les populations des territoires ruraux ont plus que jamais besoin de s'appuyer sur des élus en nombre suffisant, véritables relais de proximité capables de répondre à leurs attentes légitimes. C'est pourquoi les parlementaires de l'Association nationale des élus de la montagne – parmi lesquels ma collègue députée des Hautes-Pyrénées, Chantal Robin-Rodrigo – plaident pour une meilleure représentation des territoires de montagne.

Porter à 17, au lieu de 15, le nombre de conseillers territoriaux dans six départements, n'est manifestement pas disproportionné. Concrètement, cela correspondrait à une hausse de 0,34 % de l'effectif total, les charges – modestes – en résultant pouvant être compensées. Il n'est jamais trop tard pour bien faire… mais encore faut-il, monsieur le ministre, en avoir la volonté !

Aussi, vous comprendrez que les députés radicaux de gauche restent pour le moins perplexes lorsque l'irrecevabilité de leurs amendements est motivée par l'article 40 de la Constitution. Une situation insensée, qui pourrait même prêter à sourire si l'avenir de la décentralisation et de la proximité locale n'était pas en jeu.

Le Gouvernement justifie la création du conseiller territorial par sa volonté première de réaliser des économies, rejetant ainsi toute proposition susceptible d'entraîner la création ou l'aggravation d'une charge publique. Mais, dans le même temps, il oublie volontairement de prendre en compte les frais considérables que les collectivités, privées de tout pouvoir fiscal, devront engager d'ici 2014. Comment vont-elles pouvoir faire face aux coûts des travaux rendus indispensables pour adapter leurs hémicycles, leurs salles de réunion, les moyens des groupes ou encore s'acquitter du montant des indemnités dues aux nouveaux conseillers territoriaux ? La question, à l'image de la facture, est loin d'être réglée.

Dans ce contexte, les députés radicaux de gauche ne peuvent qu'inviter le Gouvernement à faire preuve de bon sens. C'est pourquoi nous ne voterons pas ce projet de loi, qui s'inscrit dans la droite ligne d'une réforme absurde et néfaste à laquelle nous continuerons naturellement de nous opposer. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Menuel

Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, la création du conseiller territorial est l'une des grandes innovations de la loi de réforme des collectivités territoriales. Ce nouvel élu remplacera en 2014 les 6 000 conseillers généraux et régionaux ; il siégera à la fois au département et à la région. Ainsi, les élections des conseillers régionaux en mars 2010 et des conseillers généraux les 20 et 27 mars derniers furent les dernières dans le mode actuel.

Le projet de loi examiné ce jour a pour but de corriger le nombre de conseillers territoriaux dans six départements, qui présentaient des écarts de plus de 20 % par rapport à la moyenne régionale. Nous aurons donc, à l'issue de cette validation législative, le tableau fixant le nombre de conseillers territoriaux, qui assurera une représentation moyenne des habitants par les conseillers territoriaux du département ne s'écartant pas de plus ou moins 20 % par rapport à la représentation moyenne des habitants par les conseillers territoriaux de la région. Dans nos régions respectives, le nombre de conseillers territoriaux et ceux déclinés dans chaque département sera ainsi défini.

Cette réforme, c'est déjà un débat d'élus, « un sujet dont on cause », comme on dit dans nos campagnes, et par lequel se sentent concernés au premier chef les élus municipaux et les élus cantonaux et régionaux.

Des points particuliers restent à traiter, qui le seront pour partie dans le projet de loi relatif à l'élection des conseillers territoriaux et au renforcement de la démocratie locale. Il en va ainsi du seuil à partir duquel le conseil municipal sera désigné au scrutin de liste. Autant vous dire que le seuil actuel, fixé à cinq cents habitants, est pour le moins incompris dans un département rural comme le mien, l'Aube.

Il est une autre question à trancher, c'est la prise en compte ou non de l'échelon intercommunal dans le cumul des mandats.

Vous le savez, ce sont nos concitoyens les plus ruraux, attachés à leur canton et à leur conseiller général, qui s'interrogent le plus sur cette réforme. En Champagne-Ardenne, pour analyser ce que je connais le mieux, il y aura 138 conseillers territoriaux – contre 49 conseillers régionaux actuellement – et 33 dans l'Aube, soit autant que de conseillers généraux actuels, dans un département où le canton le moins peuplé – deux mille habitants – représente neuf fois moins en population que le plus grand – près de vingt mille habitants. Chacun comprend donc aujourd'hui la nécessité de ce redécoupage, et nous devrions connaître par décret dans quelques mois la nouvelle carte administrative.

Ce n'est pas une mince tâche de définir une nouvelle carte, qui inscrira chaque département dans la logique nationale tout en relevant d'une approche pragmatique, approuvée au niveau local.

Il faut dire que, dans certaines circonstances, les nouveaux découpages ont fait l'objet de propositions mal comprises sur le terrain – je pense en particulier à certaines modifications de circonscription applicables lors des prochaines élections législatives.

Monsieur le ministre de l'intérieur, ministre des collectivités territoriales, était vendredi dernier dans l'Aube, à Méry-sur-Seine, pour inaugurer une nouvelle gendarmerie. Sa présence, son intervention, tout comme sa proximité ont été très appréciées. Mais, dans les discussions qui ont suivi la visite ministérielle, est revenue en débat l'incompréhension des élus et des habitants de ce canton concernant un autre découpage, celui de la circonscription.

Ce canton de Méry-sur-Seine va en effet être raccordé à une circonscription qui ne correspond ni aux habitudes de ses habitants, ni à leurs centres d'intérêt et encore moins à leur bassin de vie. Ce canton est naturellement tourné vers Romilly-sur-Seine, à une quinzaine de minutes, et non vers Bar-sur-Aube, distante de plus de cent kilomètres. Si ce sont les mêmes doigts qui tiennent les mêmes ciseaux en proposant les mêmes solutions avec autant d'incompréhension, on ne peut qu'être inquiet. (Approbations sur les bancs du groupe SRC.)

Le redécoupage doit être du « cousu main », qui prenne en compte les nécessaires exigences d'équilibre démographique de la réforme, mais aussi la réalité, les habitudes, le contexte local. En effet, dans une même circonscription, regrouper, redéfinir des cantons, c'est aussi supprimer des chefs-lieux qui, souvent dans ces bassins ruraux à faible population, sont autant de bourgs centres, de lieux de rencontre, où s'ancrent de habitudes de vie et où subsistent commerces, associations et services ; ce sont des lieux de réflexion où le conseiller général, les maires et les élus municipaux préparent l'avenir.

Mes chers collègues, monsieur le ministre, ce projet de loi est aussi l'occasion de pointer certains points qui sont autant d'interrogations dans la mise en oeuvre de cette réforme, partant du principe que tout projet dont on partage les grandes lignes peut toujours être amélioré et nécessite, dans sa phase de mise en place, beaucoup de soin.

Debut de section - PermalienPhoto de Régis Juanico

Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, nous vivons parfois, dans cet hémicycle, des moments surréalistes. Sur la question des conseillers territoriaux, nous sommes au tout début d'un processus, dont la principale caractéristique est que nous ne savons pas s'il aboutira ! Nous fixons aujourd'hui, avec ce projet de loi, le nombre de conseillers territoriaux dans les régions et dans les départements, alors que la délimitation des nouveaux cantons reste à déterminer par décret en Conseil d'État, alors que deux autres projets de loi portant sur le mode d'élection et sur le régime des conseillers territoriaux sont en panne sur le bureau du Sénat, avec peu de chances, paraît-il, d'être adoptés avant la fin de la mandature, alors enfin que les dispositions législatives qui doivent encadrer la fonction de conseiller territorial ont de fortes chances d'être supprimées avant leur entrée en vigueur en mars 2014 par la nouvelle majorité politique de gauche qui pourrait être élue en 2012.

Philippe Richert évoquait tout à l'heure, pour justifier la création des conseillers territoriaux, la forte abstention aux élections cantonales de mars 2011. Si nous sommes d'accord sur le constat, nous pensons qu'il y a d'autres explications à cette abstention que l'incompréhension de nos concitoyens devant l'organisation administrative des collectivités territoriales. Le fait que, pour la première fois, contrairement à 2004, où les élections cantonales étaient couplées aux élections municipales – élections à fort intérêt local – et à 2008, où elles étaient couplées aux élections régionales, la moitié des sièges seulement aient été renouvelés et que l'on n'ait voté que pour les élections cantonales explique pour beaucoup l'abstention massive.

Debut de section - PermalienPhilippe Richert, ministre chargé des collectivités territoriales

Je vous l'accorde !

Debut de section - PermalienPhoto de Régis Juanico

Elle s'explique aussi par le fait que, par calcul politique, certains candidats ou certains exécutifs n'aient pas, fait campagne localement, ou encore par l'attitude du Gouvernement qui n'a pas mené de campagne de communication ou d'explication sur ces élections.

Philippe Richert a également évoqué le renforcement du rôle d'élus de proximité des conseillers territoriaux. Nous croyons au contraire que cette nouvelle fonction éloignera les élus de nos concitoyens. Il nous a expliqué que ces conseillers seraient mieux identifiés et mieux ancrés dans leurs territoires, à ceci près que ces territoires seront plus vastes et que les missions confiées aux conseillers territoriaux seront bien plus importantes. La démocratie représentative ne va pas forcément y gagner, et nous risquons de voir se creuser le fossé qui sépare les citoyens des élus locaux.

La création du conseiller territorial va surtout institutionnaliser le cumul des mandats, puisque nous aurons deux mandats en un, ce qui est matériellement impossible à assumer par un seul élu. Pour ne prendre qu'un exemple parmi tant d'autres, les conseillers généraux siègent actuellement dans les conseils d'administration des collèges ; s'ils sont élus conseillers territoriaux, ils devront également siéger dans les conseils d'administration des lycées, ce qui signifie des réunions de deux ou trois heures le soir.

La création du conseiller territorial va surtout organiser la confusion entre région et département, alors que nous aurions souhaité une clarification des compétences beaucoup plus poussée. Il faut distinguer l'intérêt départemental, d'un côté, et l'intérêt régional, de l'autre. L'aménagement du territoire, les aides économiques, la formation professionnelle, les transports ferroviaires sont des compétences régionales ; l'action sociale de proximité, la solidarité des territoires, les routes et les collèges sont des compétences départementales. Ces élus auront à défendre deux intérêts bien particuliers, et je ne suis pas sûr qu'ils seront totalement compatibles.

Enfin, j'estime qu'avec ce type d'élection nous allons connaître une régression de la parité, car cet objectif est piétiné. Aujourd'hui, 47 % de femmes sont élues dans les conseils régionaux. À l'issue des dernières élections cantonales, 13 % seulement, soit 1 % de plus, de conseillères générales ont été élues dans les départements. Cela aura également des conséquences sur les finances publiques des partis, puisqu'une loi prévoit que les dotations publiques des partis seront aussi indexées sur les résultats au niveau des élections cantonales. Cet aspect des choses peut faire mal à certaines finances de certains partis politiques au niveau national.

Loin d'entraîner des économies, comme l'ont dit tout à l'heure MM. Roman et Derosier, la création des conseillers territoriaux, qui siégeront à la fois à la région et au département, sera source de dépenses supplémentaires en termes de transports, d'agrandissement des hémicycles et de création de moyens humains nécessaires pour accompagner le travail des élus. Nous sommes au début d'un processus de création des conseillers territoriaux, qui me semble mal engagé, tant sur le fond qu'en termes de concrétisation de ce calendrier. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Nicolas

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les récentes élections cantonales qui ont connu un taux d'abstention en nette augmentation par rapport à 2004 – 66, 52 % contre 44,78 % – confirme la nécessité de mettre en oeuvre la réforme des collectivités territoriales qui simplifie le processus électoral par l'instauration du conseiller territorial élu aux mêmes dates sur tout le territoire et appelé à siéger à la fois au département et à la région.

Ainsi, les conseillers territoriaux favoriseront une meilleure articulation entre l'action des départements et celle des régions, en respectant leurs compétences, leurs spécificités et leurs atouts : la proximité pour le département, la vision stratégique d'avenir pour la région. Les conseillers territoriaux seront les interlocuteurs privilégiés des différents acteurs territoriaux et notamment des maires. Les mêmes élus s'occuperont des collèges et des lycées ; de formation et d'insertion. Ils apporteront une cohérence dans les choix de financement et permettront d'accélérer le montage des projets.

Eu égard à cette importante mission, il apparaissait logique que la répartition de ces quelque 3 500 conseillers territoriaux soit directement soumise à la discussion parlementaire et déterminée par la loi elle-même, expression de la représentation nationale.

Le projet de loi qui nous est soumis aujourd'hui, suite à la décision du Conseil constitutionnel du 9 décembre 2010 à laquelle à l'évidence nous devons nous conformer, doit aussi respecter l'essentiel des principes qui ont présidé à l'élaboration du tableau de répartition, adopté en novembre 2010 et à l'équilibre qui avait été trouvé entre l'Assemblée nationale et le Sénat entre plusieurs exigences parfois contradictoires dans certaines régions.

Ainsi, ce texte très technique respecte les grandes orientations : une répartition de sièges de conseillers territoriaux croissant avec la population, une baisse significative du nombre total de conseillers par rapport à la somme actuelle des conseillers généraux et régionaux et un minimum de 15 conseillers territoriaux par département.

Par ailleurs, le respect de la décision du Conseil constitutionnel afin de ne pas méconnaître le principe d'égalité devant le suffrage a conduit à poser comme principe que le nombre de conseillers territoriaux dans chacun des départements concernés ne devait pas s'écarter de la moyenne régionale dans une marge de plus ou moins 20 %, ce qui a généré quelques ajustements ramenant le nombre de conseillers territoriaux à 3 493, soit trois de moins que le tableau censuré.

Néanmoins, ces ajustements à la marge rendent conforme ce projet de loi à la décision du Conseil constitutionnel et font apparaître une diminution significative par rapport au nombre actuel de conseillers généraux – 3 900 dans les départements concernés – et de conseillers régionaux – 1 757 dans les régions concernées.

Toutefois, dès lors que la détermination des « nouveaux cantons » ou des nouveaux territoires s'effectuera à l'intérieur des circonscriptions législatives, il est légitimement permis de penser que ce dispositif permettra de conserver très majoritairement une cohérence entre les « bassins de vie » et l'élection d'un représentant d'un territoire au sein de la collectivité départementale et désormais de la collectivité régionale.

Par ailleurs, l'impact budgétaire qui figurait dans les objectifs de la réforme des collectivités territoriales, sans qu'il soit essentiel, est avéré, puisque, en l'état actuel des comparaisons possibles, le montant cumulé des indemnités sur les bases actuelles serait diminué de 25 % – 179,2 millions contre 134,3 millions.

La nécessaire réforme des collectivités territoriales pour favoriser les synergies, supprimer les doublons, simplifier et accélérer les démarches pour les élus locaux, les entreprises et les citoyens est en marche. Les échanges actuels sur les schémas de coopération intercommunale sont féconds et le texte qui nous est soumis aujourd'hui constitue un autre maillon.

Il est pragmatique et respectueux des grands principes d'égalité des citoyens devant le suffrage…

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Nicolas

…et devant la Constitution. Il est le point de passage obligé avant la détermination des limites des nouveaux cantons que tout le monde attend.

Alors, votons-le et poursuivons la mise en oeuvre de cette indispensable réforme des collectivités territoriales, car, dans un environnement européen et mondial en constante évolution, notre organisation territoriale doit nécessairement s'adapter en tenant compte de nos spécificités.

Debut de section - PermalienPhoto de Frédérique Massat

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, parmi les objectifs affichés de la réforme des collectivités figuraient la rationalisation des dépenses et le renforcement de la démocratie locale. La création du conseiller territorial fut d'ailleurs présentée comme l'élément central permettant de répondre à ces objectifs. Or les heures de débats au cours des derniers mois, n'ont convaincu personne. En effet, citoyens, associations, élus locaux, tous sont conscients des dangers de la réforme territoriale et plus particulièrement de l'absurdité du rôle joué par le futur conseiller territorial, qui crée des dépenses publiques supplémentaires, brouille les cartes sur le plan de la citoyenneté et pénalise la parité.

Rationaliser les dépenses en réduisant le nombre d'élus était l'argument majeur en faveur de la réforme territoriale. Mais les projections financières – cela a été réaffirmé toute la matinée – démontrent qu'il y aura effectivement de nouvelles dépenses.

Ainsi, les simulations réalisées en Midi-Pyrénées démontrent que ses 251 nouveaux conseillers territoriaux coûteront annuellement 1,6 million d'euro supplémentaires que les actuels conseillers régionaux et généraux, sans parler des nouvelles conditions matérielles nécessaires pour accueillir les élus deux ou trois fois plus nombreux que les actuels conseillers généraux. Le département de la Haute-Garonne passera de 53 à 90 élus, ce qui générera des dépenses supplémentaires pour leur accueil.

Peut-on, monsieur le ministre, continuer à parler d'économies avec des projections pareilles ? Au-delà de cet aspect financier, il faut dénoncer la création d'un nouveau type d'élu, cumulard par nature, puisque ces conseillers territoriaux devront gérer à la fois le département et la région dans une structure nébuleuse, capable de fusionner et de mutualiser. Le conseiller territorial organise ainsi de manière institutionnelle la confusion des pouvoirs et des politiques portés par chacune des deux assemblées.

Alors que tout le monde s'accorde à reconnaître la nécessité de clarifier les compétences à chaque échelon territorial, votre projet complexifie et affaiblit le paysage administratif au détriment des politiques locales et des citoyens.

Pourtant, l'abstention record, dont on vient de parler, enregistrée lors des dernières élections cantonales devrait nous rappeler ô combien ! il y a urgence à renforcer la démocratie locale pour réconcilier nos concitoyens avec la vie politique. C'est d'ailleurs là tout le sens de l'acte III de la décentralisation que nous appelons de nos voeux pour rapprocher les pouvoirs de décision des citoyens et adapter ainsi les politiques publiques aux besoins du terrain.

Or la fusion des conseillers généraux et régionaux au sein d'une même entité s'inscrit exactement à l'opposé de cette dynamique. Si l'on s'en tient juste à l'organisation, comment voulez-vous qu'un futur élu puisse être proche des citoyens s'il doit se rendre le matin dans son département et l'après-midi à la région ? Dans des départements ruraux et de montagne, comme celui de l'Ariège, où les conditions climatiques rendent parfois la circulation difficile, voire impossible, une telle organisation est inapplicable. Nous déplorons, une fois encore, que cette réforme ait été préparée dans la précipitation, sans prendre la peine d'en vérifier les conséquences sur les territoires, notamment en zone rurale.

En censurant les articles du projet de loi de réforme des collectivités territoriales, le Conseil constitutionnel a prôné la nécessité d'une représentation effective de la population. Nous aurions souhaité qu'il aille plus loin dans la censure notamment au niveau de la parité. En effet, par votre décision d'opter pour le scrutin uninominal à deux tours, vous sabordez l'objectif constitutionnel de parité, en vous inscrivant à contre-courant de la représentation des femmes en politique. L'exclusion des femmes des responsabilités départementales et régionales sera la conséquence immédiate de votre réforme, qui remet aussi en cause la parité dans les exécutifs régionaux. L'élargissement du régime électoral paritaire aux communes de 500 habitants présenté comme une avancée majeure pour la parité est insultant pour toutes les femmes investies en politique,…

Debut de section - PermalienPhoto de Frédérique Massat

…car il sous-tend que la diminution des femmes dans les assemblées départementales et régionales serait compensée par des responsabilités dans les petites communes et donc que les femmes ne seraient pas compétentes pour traiter des affaires territoriales.

Debut de section - PermalienPhoto de Frédérique Massat

Or les communes qui par leur taille – moins de 3 500 habitants – ne sont pas assujetties à une obligation de parité ont obtenu plus de 32 % d'élues municipales, alors que pour les dernières élections cantonales, comme cela a été rappelé, le nombre de conseillères générales ne dépasse guère 13 p. 100.

Cela laisse augurer une spectaculaire régression de la présence féminine dans la sphère politique et l'enterrement de la parité au niveau territorial, principe qui avait été, jusque là, affirmé au plus haut sommet de l'État comme une avancée de la démocratie.

Le véritable enjeu de la réforme territoriale aurait dû être de rendre nos collectivités encore plus efficaces pour les citoyens. Mais, au lieu d'une décentralisation poussée, gage de proximité et d'efficacité, votre gouvernement créé un nouvel élu, qui sera écartelé entre les différents intérêts du département et de la région et qui sera inaccessible pour les citoyens.

Ainsi, trente ans de décentralisation balayés d'un revers de réforme aux objectifs politiciens et électoralistes, c'est cher payé pour notre démocratie. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marietta Karamanli

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, beaucoup de paroles ont été prononcées à cette tribune, depuis un certain temps, mais je voudrais revenir sur trois observations.

La première observation vise les effets de la création des conseillers territoriaux, dont le nombre modifié par le projet de loi dont nous discutons va porter atteinte à l'équilibre de représentation des hommes et des femmes, comme l'ont rappelé plusieurs collègues.

La loi de décembre 2010 a créé le mandat de conseiller territorial, élu au scrutin uninominal à deux tours. Le recours au scrutin majoritaire devrait aboutir aujourd'hui seulement à l'élection de 20 % des conseillères et 80 % de conseillers.

Si le projet de loi tend après la décision du Conseil constitutionnel à mieux respecter l'égalité des électeurs et des voix, il fait fi, comme la loi qu'il modifie, de l'égalité de représentation entre les sexes et d'un dispositif permettant de s'en approcher.

La deuxième observation a trait à la transparence et l'impartialité de l'État en matière de découpage des circonscriptions territoriales à venir.

Comme l'indique l'étude d'impact le nouveau tableau de répartition n'appelle en lui-même aucune mesure réglementaire autre que les décrets qui procéderont à la délimitation des circonscriptions d'élection des conseillers territoriaux. Il appartiendra donc au Gouvernement de soumettre à l'avis du Conseil d'État 96 projets de décret, après consultation des conseils généraux concernés.

Les limites des nouveaux cantons devront respecter celles des circonscriptions législatives et l'unité des communes de moins de 3 500 habitants. Cette délimitation interviendra, elle-même, postérieurement à l'établissement d'un schéma départemental de coopération intercommunale, arrêté par les préfets pour la fin 2011 et qui pourra influer sur les découpages à venir. Il ne serait pas non plus exceptionnel que ces découpages soient vus comme l'occasion de donner un coup de pouce à une évolution souhaitée ou comme un coup de frein à une évolution politique redoutée.

Dans un souci de transparence, le Gouvernement aurait pu innover en prévoyant que les propositions de détermination soient soumises à publicité et à enquête auprès de l'ensemble des collectivités concernées et des électeurs. Cela se pratique bien à l'étranger.

Dans le même ordre d'idée, il serait bienvenu que l'avis du Conseil d'État soit connu de tous les citoyens et rendu public, comme l'a été l'avis de la commission chargée de veiller au respect du principe d'égalité devant le suffrage s'agissant de délimitation des circonscriptions législatives.

Ma troisième observation concerne l'absence de cohérence chronologique de l'adoption de l'ensemble des textes législatifs modifiant la décentralisation. La loi de finances pour 2010 a modifié significativement les impôts locaux. Celle du 16 décembre a changé l'organisation territoriale, a fusionné les assemblées départementales et régionales et a créé un nouveau type d'élu local, le conseiller territorial.

Cette même loi a fixé le principe de partage des compétences entre l'ensemble des collectivités territoriales tout en renvoyant à une loi à venir les compétences que celle-ci leur attribuera.

Logiquement, il aurait d'abord fallu fixer les missions et leur bon niveau d'exercice pour ensuite déterminer l'organisation et les moyens. Cela n'a pas été fait et les députés socialistes, qui l'ont dénoncé depuis le début de l'annonce des réformes de la décentralisation, ne peuvent que le regretter.

Concernant la procédure accélérée, voie devenue habituelle, il convient, là encore, de mentionner son illogisme.

Si la loi de réforme des collectivités territoriales, publiée le 16 décembre dernier, entre déjà en application dans son volet consacré à la coopération intercommunale, l'entrée en application de la plupart de ses autres dispositions essentielles, et notamment celles qui intéressent le tableau à annexer, est reportée à 2014 ou 2015.

Dans ces conditions, le tableau que l'on nous demande d'adopter en urgence et après une seule lecture par les deux assemblées parlementaires, ne peut être déconnecté de la loi et de ses principales dispositions, qui ne seront applicables que dans trois ans.

Il est d'autres sujets plus importants pour la vie quotidienne des Français, qui nécessiteraient un empressement aussi vif.

Là encore, les députés socialistes, qui s'opposent à cette réforme, ne peuvent que le regretter et condamner un texte voulu par le Chef de l'État non pour améliorer la vie des Français et la gouvernance des collectivités de proximité, mais pour les soumettre.

L'amélioration apportée par le tableau dans la répartition et le nombre des conseillers territoriaux est un progrès limité au regard de la limitation de la capacité des collectivités territoriales dans la gestion d'une part des affaires publiques.

J'espère que le débat qui suivra permettra de modifier certains éléments de ce texte. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Balligand

La discussion générale est close.

La parole est à M. le ministre.

Debut de section - PermalienPhilippe Richert, ministre chargé des collectivités territoriales

Il me semble que le débat de ce matin a répondu à la plupart des interrogations qui ont été soulevées.

Avant de revenir sur certains points précis, permettez-moi tout d'abord de remercier MM. Claude Bodin, Vincent Descoeur et Jean-Pierre Nicolas pour le soutien qu'ils ont apporté au texte.

Je connais, monsieur Descoeur, votre détermination à défendre les territoires ruraux fragiles, à faible densité, comme les territoires de montagne. Vous souhaitez qu'il y ait un nombre minimum de conseillers territoriaux par département. À cet égard, je précise d'ores et déjà qu'un amendement déposé par le groupe socialiste mettra à mal ce que vous préconisez.

Debut de section - PermalienPhilippe Richert, ministre chargé des collectivités territoriales

Nous en débattrons, messieurs. J'ai tout de même le droit de dire qu'une telle proposition aboutirait à avoir quatre ou cinq conseillers territoriaux dans certains départements.

Je salue votre engagement, monsieur Descoeur, mais je vous fais remarquer que passer de quinze à dix-sept conseillers territoriaux nous placerait dans une position délicate par rapport au Conseil constitutionnel. Je vous remercie également d'avoir relevé que nous avons limité au minimum la modification concernant le Cantal en passant de vingt et un à vingt.

M. Gérard Menuel a fait part de sa difficulté à comprendre le seuil de 500 habitants. Il s'est également interrogé sur les règles de cumul au niveau de l'intercommunalité. Il regrette le rattachement du canton de Méry-sur-Seine à la première circonscription de l'Aube. Ce rattachement, monsieur Menuel, ne figurait pas dans le projet initial d'ordonnance du Gouvernement, mais a fait l'objet d'une proposition de la commission Guéna le 23 juin 2009. Celle-ci a, en effet, pointé du doigt le déséquilibre démographique affectant la première circonscription, la troisième étant au contraire caractérisée par un certain excédent. C'est la raison pour laquelle la commission Guéna avait proposé cette modification.

Nonobstant cette proposition, le Gouvernement a soumis au Conseil d'État un projet ne comportant pas ce rattachement. Ce n'est qu'après la demande du Conseil d'État que le Gouvernement s'est rallié à la proposition de la commission Guéna. J'ai bien compris, monsieur le député Menuel, que vous souhaitez que, dans les découpages à venir, nous tenions compte de la réalité du terrain. Soyez-en assuré, nous serons attentifs à vos remarques.

M. Régis Juanico a souhaité que la loi n°61 puisse être rapidement discutée. Je comprends son impatience de voir le débat se poursuivre et aboutir sur l'ensemble des aspects des différentes lois à venir. Je veux le rassurer : tel est bien le souci du Gouvernement. Il est en effet indispensable que l'ensemble de ces lois soit voté pour permettre leur mise en oeuvre d'ici à 2014.

Il a également insisté sur la clarification des compétences. En d'autres termes, il est favorable à la suppression de la clause de compétence générale.

Debut de section - PermalienPhilippe Richert, ministre chargé des collectivités territoriales

Je n'étais pas présent lors de la première lecture, je ne l'ai donc pas entendu développer ses arguments. Si tel avait été le cas, je lui aurais rappelé que telle était la position du Gouvernement. Le souci de clarification des compétences doit nécessairement suivre la suppression de la compétence générale. Nous en rediscuterons bien sûr dans les débats à venir.

Mme Huguette Bello souhaite, en cas de changement, que les élus de La Réunion soient pleinement partenaires du débat : cela va de soi, madame la députée. Dans les deux régions monodépartementales – Martinique et Guyane –, la population locale et les élus se sont prononcés sur cette évolution. Toute évolution devra nécessairement se construire avec eux.

Selon Mme Marie-Hélène Amiable, il n'était pas souhaitable qu'il y ait des moyennes trop variables par canton d'une région à l'autre. Telle n'est pas notre approche. M. le rapporteur a du reste précisé qu'il n'y avait aucune obligation de respecter le « tunnel » de plus ou moins 20 %. Le respect de la moyenne entre cantons nous est imposé au niveau d'une même région et non entre deux régions.

M. Henri Nayrou a défendu la cause des départements faiblement peuplés et nous a suggéré de réfléchir à des passerelles entre les intercommunalités. Il a posé la question de savoir si les intercommunalités ne pouvaient pas être des supports de représentation future. Nous aurons sans doute à y regarder de plus près dans les décennies à venir.

Debut de section - PermalienPhilippe Richert, ministre chargé des collectivités territoriales

Aujourd'hui, nous avons besoin d'aller de l'avant. La loi ne doit pas seulement répondre à l'instant présent. Elle doit s'inscrire dans la durée et tracer un chemin. Dans quelques années, nous serons à nouveau dans l'obligation de l'examiner et de prendre en compte les évolutions qui auront eu lieu entre-temps. Et vos interrogations actuelles mériteront d'être examinées à cette occasion.

Telles sont les réponses, monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, que je souhaitais vous apporter. Je vous remercie tous et toutes de l'attention que vous avez portée à ce sujet. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Balligand

J'appelle maintenant, dans le texte de la commission, les articles du projet de loi.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Balligand

Je suis saisi d'un amendement n° 8 portant article additionnel avant l'article 1er.

La parole est à M. Bernard Derosier, pour soutenir l'amendement n°8 .

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Derosier

J'ai fait allusion à cet amendement en défendant la motion de rejet préalable.

Je suis surpris que la commission des lois ait manifesté si peu d'intérêt pour ce sujet et n'ait pas tiré la leçon des dernières élections cantonales qui se sont appuyées sur la disposition introduite par la loi du 16 décembre 2010 tendant à relever le seuil de présentation des candidats au poste de conseiller général au deuxième tour de 10 à 12,5 %.

Cette disposition nouvelle était la réponse à un sénateur centriste en commission mixte paritaire pour obtenir son soutien à la majorité. Nous en avons vu les conséquences néfastes, en particulier pour la majorité, lors des dernières élections cantonales. Il y a suffisamment d'exemples dans nos départements où cette disposition dont l'objectif était d'éviter des triangulaires et d'éliminer le Front national – appelons les choses par leur nom – a eu pour conséquence de multiplier les situations d'affrontement entre l'extrême droite, le parti socialiste assez souvent, le parti communiste parfois et l'UMP dans d'autres cas.

Cette disposition est contraire à l'intérêt démocratique. C'est la raison laquelle je propose que l'on en revienne à la règle des 10 % qui existait auparavant.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Perben

La commission est défavorable à cet amendement. Je rappelle qu'au moment des discussions entre l'Assemblée nationale et le Sénat, les deux assemblées sont parvenues à un accord. Nous ne devons pas aujourd'hui le remettre en cause.

Debut de section - PermalienPhilippe Richert, ministre chargé des collectivités territoriales

Nous n'allons pas remettre en cause une disposition qui a été mise en oeuvre il y a quatre mois à peine.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Derosier

Pourquoi pas ? Quand on s'est trompé, il faut savoir le reconnaître !

(L'amendement n° 8 n'est pas adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Balligand

Je suis saisi d'un amendement n° 14 .

La parole est à M. Bernard Roman.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Roman

Nous proposons de compléter l'article L. 280 du code électoral pour faire en sorte que le Sénat voie toutes les collectivités locales représentées, ce qui n'est plus le cas aujourd'hui avec la création du conseiller territorial.

« Chacune des collectivités territoriales énoncées dans les alinéas précédents dispose, par les membres de son assemblée délibérante, d'une expression propre et participe, à ce titre, à la composition du collège électoral mentionné au premier alinéa. »

Nous proposons de sortir de l'ambiguïté actuelle, car il est manifeste aujourd'hui que le département ou la région ne seront plus représentés au Sénat.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Perben

Avis défavorable.

Je voudrais suggérer à M. Roman de bien relire l'avis du Conseil constitutionnel, qui contredit le raisonnement qu'il vient d'exposer. Celui-ci a en effet explicitement posé que l'exigence liée à la participation des élus des diverses collectivités au collège électoral sénatorial n'impose pas de distinguer les élus de l'assemblée départementale de ceux de l'assemblée régionale.

Debut de section - PermalienPhilippe Richert, ministre chargé des collectivités territoriales

Même avis.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Roman

Monsieur le rapporteur, j'ai bien lu l'avis du Conseil constitutionnel. Certes, il n'exige pas que chaque catégorie de collectivités territoriales dispose d'une représentation propre, mais cela n'empêche pas que chaque collectivité composant le collège électoral des sénateurs dispose d'une expression propre, ce que nous proposons par cet amendement.

(L'amendement n° 14 n'est pas adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Balligand

Je suis saisi d'un amendement n° 6 .

La parole est à M. Bernard Derosier.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Derosier

Tout à l'heure, monsieur le ministre, vous avez dénoncé les comptes de notre collègue Alain Rousset, en affirmant qu'il induisait en erreur celles et ceux qui pouvaient faire référence à ces chiffres.

En fait, vous avez contribué à cette induction en erreur en prétendant que, par notre amendement, nous allions contrarier la représentation des populations dans les assemblées départementales.

Vous n'avez pas bien lu notre amendement, qui visait non les conseillers territoriaux mais les conseillers régionaux. Vous qui avez un certain intérêt sinon pour les régions du moins pour une région, vous devriez être sensible au dispositif que nous proposons, marqué par une grande justice électorale.

Du reste, nous n'avons rien inventé. Nous nous inspirons de ce qui existe pour les conseils municipaux : dans toutes les communes de France prévaut un système de strates de population. Nous proposons la même chose pour les régions, à savoir que les assemblées régionales voient le nombre de leurs élus calculé en fonction de strates de population. Ce dispositif nous semble le plus respectueux pour la représentation de la population dans l'ensemble des régions de France.

Tout à l'heure, monsieur le ministre, répondant à ma motion de rejet préalable, vous souligniez qu'il existait des situations différentes d'une région à une autre. Mais nous sommes toujours dans une République une et indivisible où les mêmes principes d'égalité s'appliquent à l'ensemble du territoire. Nous ne sommes pas dans une République fédérale où chaque région pourrait s'auto-administrer selon des règles qui lui seraient propres.

Nous sommes pour la justice républicaine.

Debut de section - PermalienPhilippe Richert, ministre chargé des collectivités territoriales

Je remercie M. Derosier d'avoir autant insisté parce qu'il aggrave son cas.

Permettez-moi de citer l'exposé sommaire de votre amendement : « Si les députés socialistes sont opposés à la création du conseiller territorial dans son principe, ils s'élèvent également contre la répartition opérée des conseillers territoriaux par région. » Vous visez donc bien des conseillers territoriaux, contrairement à ce que vous prétendez.

Le tableau qui figure dans votre amendement aboutit au constat suivant : en réduisant le nombre de conseillers territoriaux par région dans un certain nombre de cas, vous provoquez de manière mécanique une limitation drastique du nombre de conseillers généraux dans les départements les moins peuplés.

Ainsi, quarante-trois conseils généraux auraient un effectif inférieur à quinze conseillers territoriaux et six départements ne disposeraient plus que de cinq conseillers territoriaux, voire de moins : le Cantal, le Lot, l'Ariège n'en auraient plus que cinq, les Alpes de Haute-Provence que quatre, la Lozère et les Hautes-Alpes seulement trois.

Debut de section - PermalienPhilippe Richert, ministre chargé des collectivités territoriales

De la même façon, la Dordogne passerait de trente-trois à douze conseillers, les Landes de vingt-sept à onze, le Lot-et-Garonne de vingt-sept à dix, l'Allier de trente-cinq à treize, la Haute-Loire de vingt-sept à huit. Et je pourrais continuer.

Dans ces conditions, vous comprendrez que le Gouvernement ne soit pas favorable à votre amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Derosier

Monsieur le ministre, vous disiez que j'aggravais mon cas, mais je crois que vous êtes exactement dans la même situation.

Tout d'abord, l'Assemblée n'est pas appelée à se prononcer sur l'exposé sommaire de l'amendement mais sur son texte même.

Ensuite, dans l'exposé sommaire, nous démontrons notre opposition aux conseillers territoriaux. Vous y êtes favorable, c'est votre droit même si vous gommez vos fonctions passées de président de conseil général et vos fonctions présentes de président de conseil régional. Nous préférons aux conseillers territoriaux des conseillers régionaux, pour lesquels nous proposons la répartition présentée dans nos amendements.

Les membres des assemblées départementales relèvent d'un autre texte à venir, monsieur le ministre. Vous avez vous-même souligné que le projet de loi concerné serait examiné au Sénat. Attendons qu'il soit soumis à notre assemblée et nous proposerons des amendements à ce moment-là.

Pour l'heure, voici la répartition que nous proposons pour les conseillers territoriaux par région. Et elle est imparable d'un point de vue démocratique.

(L'amendement n° 6 n'est pas adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Balligand

Je suis saisi d'un amendement n° 7 .

La parole est à M. Bernard Roman.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Roman

J'aimerais revenir à la réaffirmation par M. Derosier de notre opposition aux conseillers territoriaux, qui a donné l'occasion à M. le ministre d'opiner du chef pour montrer qu'il l'avait comprise.

Debut de section - PermalienPhilippe Richert, ministre chargé des collectivités territoriales

Je vous le confirme ! (Sourires.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Roman

Au-delà de la rédaction de l'exposé sommaire, notre proposition de répartition des conseillers territoriaux par région ne peut aucunement être considérée comme étant erronée. Nous souhaitons le maintien des assemblées régionales et des assemblées départementales.

Quant à l'amendement n° 7 , il se justifie par son texte même : parce que nous sommes opposés aux conseillers territoriaux, nous demandons l'abrogation de l'article de loi qui les a créés.

Debut de section - PermalienPhilippe Richert, ministre chargé des collectivités territoriales

Défavorable.

(L'amendement n° 7 n'est pas adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Balligand

Je suis saisi d'un amendement n° 9 .

La parole est à M. Bernard Derosier.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Derosier

Tout le monde s'accorde à reconnaître que l'abstention aux élections locales met à mal la démocratie locale et la démocratie en général.

Il y a un moyen simple d'y remédier : organiser les diverses élections locales le même jour. Cet amendement propose ainsi que, dès 2014, se tiennent le même jour les élections des conseillers municipaux, des conseillers généraux et des conseillers régionaux. C'est en effet dans le cours de l'année 2014 que ces trois assemblées doivent être renouvelées.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Perben

Avis défavorable.

Il n'est pas bon, monsieur Derosier, d'ajouter des contraintes législatives en matière de dates des élections. Je ne suis pas loin de penser que votre proposition est pertinente sur le fond. Mais, en 2014, qu'en sera-t-il ?

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Perben

Dans quelles circonstances se tiendront ces élections ? Laissons le gouvernement qui sera alors aux affaires prendre la décision qui lui paraîtra la plus opportune.

Debut de section - PermalienPhilippe Richert, ministre chargé des collectivités territoriales

J'ai une position très proche de celle du rapporteur. Une telle disposition relève en effet du niveau réglementaire, mais, sur le fond, je suis tout prêt à imaginer que ce seront des solutions que nous aurons à mettre en oeuvre les uns et les autres.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Roman

Une simple remarque : le Gouvernement a déjà prévu d'organiser le même jour les deux élections locales, la réforme impliquant qu'il n'y en ait plus que deux. Je ne comprends donc pas bien le refus du rapporteur et du ministre. Mais la politique est ainsi faite.

(L'amendement n° 9 n'est pas adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Balligand

Je suis saisi d'un amendement n° 11 .

La parole est à M. Régis Juanico.

Debut de section - PermalienPhoto de Régis Juanico

Cet amendement vise à ajouter avant l'article 1er un article faisant référence à l'article 72 de la Constitution : « Le principe de libre administration des collectivités territoriales par des conseils élus s'entend comme l'exigence que chaque collectivité territoriale possède un organe délibérant qui lui soit propre, lui-même composé d'élus qui lui soient propres. »

Cet article fondamental vise à distinguer ce qui relève de l'intérêt régional et ce qui relève de l'intérêt départemental. Il s'agit de faisceaux de compétences relativement distincts et il sera difficile aux futurs conseillers territoriaux, au risque d'une certaine schizophrénie, d'avoir à réfléchir en même temps sur des dossiers relevant de deux niveaux différents.

Dans cette perspective, rappeler le principe de libre administration est de salut public.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Perben

Avis défavorable.

Je peux comprendre, monsieur Juanico, votre conception de la mise en oeuvre du principe de libre administration, en termes d'opportunité politique. Mais il ne faudrait pas vous appuyer sur le principe constitutionnel de libre administration qui, selon l'interprétation du Conseil constitutionnel, n'emporte pas l'obligation d'organiser des élections différentes.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Derosier

Imaginez que Mme Chavrier et M. Carcassonne soient membres du Conseil constitutionnel !

Debut de section - PermalienPhilippe Richert, ministre chargé des collectivités territoriales

Défavorable.

(L'amendement n° 11 n'est pas adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Balligand

Je suis saisi d'un amendement n° 12 .

La parole est à M. Henri Nayrou.

Debut de section - PermalienPhoto de Henri Nayrou

Si une réforme des collectivités territoriales était nécessaire, nous nous opposons à celle que vous proposez. Elle présente trop de vices de forme pour être crédible. Vous êtes parti d'un raisonnement juste, mais vous l'avez bâti sur des bases fausses.

Il en va ainsi de l'exercice de la tutelle, qui fait l'objet de cet amendement. Une collectivité ne peut décider pour une autre. Il existe suffisamment de passerelles entre les régions et les départements, notamment à travers les relations entre présidents des exécutifs et les comités des financeurs, pour ne pas créer une usine à gaz qui risque d'exploser et de nuire à toutes les collectivités, qu'elles soient de droite ou de gauche.

Debut de section - PermalienPhilippe Richert, ministre chargé des collectivités territoriales

Même avis.

(L'amendement n° 12 n'est pas adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Balligand

Je suis saisi d'un amendement n° 13 .

La parole est à M. Bernard Roman.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Roman

Nous proposons d'ajouter avant l'article premier un article additionnel ainsi rédigé : « Le principe de liberté de suffrage implique que pour l'élection des membres de l'assemblée délibérante de collectivités différentes, l'électeur puisse se prononcer par autant de votes correspondants ». Autrement dit, nous souhaitons le rétablissement de deux votes distincts, l'un pour l'assemblée départementale, l'autre pour l'assemblée régionale.

Nous avons déjà demandé au Conseil constitutionnel de sanctionner le dispositif proposé par le Gouvernement. Nous l'avons d'ailleurs fait en prenant appui sur les auditions qui avaient été organisées par la commission. Je ne citerai pas à nouveau M. Marcou et M. Maus, monsieur le rapporteur – vous savez ce qu'ils pensent de cette idée de réunir en une seule élection la désignation de conseillers d'assemblées différentes. Simplement, le Conseil constitutionnel peut changer d'avis,…

Debut de section - PermalienPhilippe Richert, ministre chargé des collectivités territoriales

Certainement ! À quatre mois d'intervalle !

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Roman

…y compris sur une même question.

D'autant que, sur ce type de sujets, les questions prioritaires de constitutionnalité – l'une des grandes avancées de la réforme constitutionnelle, que nous avons reconnue même si nous n'avons pas voté le texte – peuvent être à nouveau posées à l'occasion de n'importe quel contentieux.

Nous l'avons dit, et je le répète pour l'histoire : le fait qu'un seul vote permette de désigner des représentants siégeant dans deux assemblées différentes donnera matière à de nombreux contentieux – notamment à propos de conflits d'intérêt entre département et région – qui pourront entraîner le dépôt d'une question prioritaire de constitutionnalité.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Perben

Défavorable.

Je tiens à préciser, même si ce n'est pas l'objet de l'amendement à proprement parler, que, si une question prioritaire de constitutionnalité est déposée sur un sujet sur lequel le Conseil constitutionnel a déjà pris position, il faut qu'une circonstance ait changé pour qu'il change d'avis.

Debut de section - PermalienPhilippe Richert, ministre chargé des collectivités territoriales

Défavorable.

Je ne doute pas que le spécialiste qu'est M. Roman sait ce qui vient d'être rappelé.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Roman

Comme il n'y a pas de jurisprudence sur les circonstances qui changent, il faut un élément déclencheur : l'introduction d'une instance. Or la situation dont nous parlons peut justifier qu'une instance soit introduite. Je le dis sans aucune arrière-pensée ni agressivité.

Une même élection permet de désigner un même représentant siégeant dans les deux assemblées. Supposons que, dans une commune, des citoyens se sentent lésés par une décision émanant de l'une des deux assemblées, leur représentant au conseil général étant conduit à prendre une décision différente au conseil régional. La justice est saisie d'un conflit d'intérêts. Celui-ci doit passer en correctionnelle ou devant le tribunal administratif ; immédiatement, l'avocat dépose une question prioritaire de constitutionnalité. Cette QPC conduit à s'interroger sur la légitimité de la désignation d'un même représentant dans les deux assemblées. Le Conseil constitutionnel peut donc être amené à délibérer à nouveau sur cette question. (Silence.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Louis Dumont

Cela vous laisse pensifs ! (Rires sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Derosier

Réfléchissez bien, mes chers collègues ! (Rires et exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

(L'amendement n° 13 n'est pas adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Balligand

La parole est à M. Jean-Louis Dumont, inscrit sur l'article 1er.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Louis Dumont

Le débat sur le conseiller territorial n'est pas terminé, même si la loi est votée.

On pourrait invoquer l'exemple de Paris, où la même assemblée, de conseil municipal, devient conseil général ; mais il s'agit de la même majorité, de la même opposition, des mêmes non-inscrits, ce qui garantit une continuité qui n'existera pas dans le cas dont nous parlons.

Je prendrai, au hasard, un autre exemple, celui de la Meuse, département qui m'est cher, à la géographie particulière. Nous avons aujourd'hui six conseillers régionaux et trente et un conseillers généraux ; nous aurons quinze conseillers territoriaux demain, la censure du Conseil constitutionnel en ayant ramené le nombre de dix-neuf – nombre voulu par les sénateurs – à quinze.

J'ai ici une lettre que m'a adressée l'un de vos anciens collègues, membre de la majorité et président du conseil général de la Meuse. Les termes qu'il emploie sont forts : « hold-up électoral », « désintégration des territoires ruraux » : c'est une véritable mise en accusation.

Jusqu'à présent, nous avions des élus dits de proximité –malgré quelques iniquités, car il existe des nuances entre un canton de mille cinq cents habitants et un autre qui en compte dix mille. Il n'empêche : ces élus concouraient à la cohésion républicaine, à la proximité, à la défense des territoires.

Les diverses lois qui viennent d'être votées sur le sujet et celles qui sont en préparation sont des lois anti-ruralité. Si la gouvernance de notre République devait connaître la continuité, c'est la nation qui se désintégrerait : il n'y aura plus de départements, et l'on prépare la suppression des communes entièrement autonomes.

Ne serait-ce que pour cette raison, monsieur le ministre, il faudra revoir cette copie, à l'occasion de ce qui se passera peut-être en 2012, sans quoi vous allez démolir des territoires ruraux.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Balligand

Je suis saisi d'un amendement n° 3 , tendant à supprimer l'article 1er.

La parole est à Mme Frédérique Massat.

Debut de section - PermalienPhoto de Frédérique Massat

Par cet amendement qui tend à supprimer les conseillers territoriaux, nous vous tendons la main, monsieur le ministre, pour vous aider à revoir immédiatement votre copie.

Nous en avons longuement parlé au cours de la discussion générale. Pour m'en tenir à l'essentiel, le département et la région méritent des élus à part entière, au lieu des élus « deux en un » que vous nous proposez, comparables à un shampoing qui lave et démêle en même temps, et qui est beaucoup moins efficace, on le sait, qu'un shampoing lavant. (Exclamations et rires sur divers bancs.) Il est vrai que la composition de l'Assemblée étant plutôt masculine, le shampoing n'est peut-être pas pour elle une priorité. Mais nous, femmes, pouvons vous en parler ! En somme, nous voulons des élus qui puissent agir et au conseil général et au conseil régional.

Je ne reviens pas sur la parité, à propos de laquelle vous ne m'avez pas répondu, monsieur le ministre. Mais il s'agit d'un véritable problème : les simulations montrent qu'il n'y aura que 12 % de femmes parmi les conseillers territoriaux.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Balligand

J'espère que vous n'avez pas travaillé chez L'Oréal, ma chère collègue, sans quoi il y aurait conflit d'intérêts ! (Rires.)

(L'amendement n° 3 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Balligand

Je suis saisi d'un amendement n° 10 .

La parole est à M. Jean-Louis Dumont.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Louis Dumont

Conformément à la logique des amendements précédents et, surtout, aux engagements de l'opposition, cet amendement tend à supprimer le conseiller territorial.

Parce qu'il est censé siéger dans deux assemblées différentes, celui-ci, on vient de le dire, pourra être amené à émettre des votes contradictoires, comme membre tantôt de la majorité, tantôt de l'opposition, sur des dossiers parfois difficiles. Si l'on ajoute à cela l'évolution des compétences et la diminution des moyens, on voit que le conseiller territorial ne sera plus un gage de proximité ni le porte-parole d'un territoire, fût-il départemental.

Selon une éminente personnalité membre du Gouvernement, les conseillers territoriaux seront des « professionnels ». Dire cela, c'est nier la politique, le militantisme, la légitimité de l'élu lorsqu'il défend son territoire et, surtout, lorsqu'il défend l'intérêt général.

De toute façon, ces conseillers territoriaux seront mort-nés. C'est en tout cas le but du combat politique que nous devons mener. Nous pouvons l'entamer ici, et peut-être certains de nos collègues qui siègent sur d'autres bancs s'opposeront-ils eux aussi à l'histoire qui est en train de s'écrire.

(L'amendement n° 10 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Balligand

Je suis saisi d'un amendement n° 4 .

La parole est à M. Henri Nayrou.

Debut de section - PermalienPhoto de Henri Nayrou

Il s'agit d'un amendement virtuel (Sourires), assorti d'un exposé sommaire virtuel, car la loi est virtuelle et les conseillers territoriaux le sont tout autant.

Cet amendement porte sur le nombre des élus et sur les limites du champ électif.

Le premier point touche à la représentation, c'est-à-dire à la représentativité et, par extension, à la territorialité. Adopter une même disposition pour les territoires urbains et pour les territoires ruraux est une offense au bon sens. Qu'en pensez-vous, monsieur le ministre ?

À propos du second point, le champ électif, je profite de l'occasion pour revenir sur ce que j'ai dit lors de la discussion générale et qui vous a fait réagir, monsieur le ministre. Je le répète, la création de nouveaux territoires électifs pour les conseillers territoriaux a quelque chose de surréaliste à l'heure où se dessinent d'autres territoires, beaucoup plus pertinents et durables, fondés sur l'intercommunalité, à l'heure où les préfets multiplient à cette fin les réunions des commissions départementales de coopération intercommunale.

Monsieur le ministre, j'avais proposé urbi et orbi (Sourires sur les bancs du groupe SRC) à votre prédécesseur, M. Marleix, de jumeler non pas les mandats régional et départemental – ce qui, je le maintiens, est une ineptie, comme vous avez semblé l'admettre en répondant aux orateurs inscrits dans la discussion générale –, mais les mandats départemental et intercommunal, ce qui serait beaucoup plus cohérent étant donné les responsabilités qu'ils impliquent, et beaucoup plus conforme à l'exigence de proximité. Je n'ai pas été entendu ; j'espère être un jour compris.

Debut de section - PermalienPhilippe Richert, ministre chargé des collectivités territoriales

S'agit-il bien de l'amendement n° 4 ? Je ne vois pas bien le rapport entre le contenu de l'amendement et l'intervention de M. Nayrou. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhilippe Richert, ministre chargé des collectivités territoriales

Voici néanmoins l'avis du Gouvernement sur cet amendement qui n'a pas été véritablement défendu.

En inscrivant les effectifs des conseillers territoriaux dans la loi, le Gouvernement a élevé au niveau législatif ce qui relève actuellement d'un simple décret en Conseil d'État, puisque, aux termes de l'article L. 3113 du code général des collectivités territoriales, les créations et suppressions de cantons sont décidées par décret en Conseil d'État. Il n'y a donc pas lieu de consulter les conseils généraux à propos de leurs effectifs, puisque ceux-ci seront désormais fixés par la loi.

Quant aux modifications des limites territoriales des cantons, la loi de réforme des collectivités territoriales a maintenu les dispositions du code général des collectivités territoriales, selon lequel ces modifications sont décidées par décret en Conseil d'État après consultation du conseil général. L'amendement est donc superflu.

Avis défavorable.

Debut de section - PermalienPhoto de Henri Nayrou

Monsieur le ministre, je me suis simplement permis un excursus en évoquant votre réaction aux propos que j'ai tenus lors de la discussion générale. J'avais bien précisé que je profitais de la défense de l'amendement n° 4 pour le faire. Merci de ne pas l'avoir compris ! (« Oh ! » sur quelques bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhilippe Richert, ministre chargé des collectivités territoriales

L'amendement est maintenant présenté, j'ai donné l'avis du Gouvernement ; vous avez bien été entendu.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Derosier

Vous comprenez enfin !

(L'amendement n° 4 n'est pas adopté.)

(L'article 1er est adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Balligand

Je suis saisi d'un amendement n° 15 , portant article additionnel après l'article 1er.

La parole est à M. Bernard Derosier.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Derosier

L'occasion nous est donnée de contribuer à la clarification, puisque c'est le sens qu'ont voulu donner le Gouvernement et le Président de la République à ce projet de loi.

Nous proposons donc de renommer les membres de l'assemblée départementale d'un nom qui corresponde exactement au territoire concerné, c'est-à-dire le département. C'est là, ni plus ni moins, la reprise d'une proposition que fait depuis des années l'Assemblée des départements de France : nous proposons de la traduire aujourd'hui dans la loi, en remplaçant les mots « conseil général » par « conseil départemental », et « conseiller général » par « conseiller départemental ».

Debut de section - PermalienPhilippe Richert, ministre chargé des collectivités territoriales

Nous parlons du conseiller territorial : ce n'est donc pas, me semble-t-il, le bon moment pour changer la dénomination du conseil général. Ce débat, notre collègue s'en souvient, a eu lieu dans le cadre de l'ADF. Avis défavorable.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Derosier

Ce n'est jamais le moment !

(L'amendement n° 15 n'est pas adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Balligand

La parole est à Mme Marie-Lou Marcel, inscrite sur l'article 2.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Lou Marcel

Cet article dispose que l'annexe de la présente loi, c'est-à-dire le tableau qui fixe le nombre de conseillers territoriaux par département, est annexée à la loi portant réforme des collectivités territoriales.

Or c'est justement cette loi qui pose problème. Peu importe qu'il y ait un correctif : pour nous, elle ne doit pas être corrigée, mais abrogée.

Alors, évidemment, le Gouvernement a tenté de prendre en compte les remarques du Conseil constitutionnel ; mais il n'a pas réussi, c'est le moins que l'on puisse dire, à éviter les calculs aberrants qui ne tiennent aucun compte des réalités démographiques des territoires.

Vous créez des inégalités entre les territoires ; c'est à croire que créer des inégalités est la marque de fabrique de ce Gouvernement. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Lou Marcel

Plus fondamentalement, et nous n'avons cessé de le répéter, ce texte crée, avec le conseiller territorial, des élus à plein temps, qui deviendront des sortes d'apparatchiks de la politique. C'en sera fini de l'engagement de nos concitoyens exerçant à la fois un métier et un mandat local.

Les premières touchées, comme d'habitude, seront les femmes, puisque le mode de scrutin retenu les défavorisera très considérablement.

En outre, et cela a été dit à maintes reprises par mes collègues, alors que le conseiller régional doit avoir une vision globale d'aménagement du territoire dans l'ensemble de sa région, le conseiller territorial, noyé dans la masse de ses collègues, viendra dans les assemblées régionales défendre les seuls intérêts de son canton.

Nous estimons donc que cette loi représente une formidable régression. C'est la mort des lois Defferre de 1982 et 1983, qui, malgré le si dur combat mené par l'opposition d'alors, avaient fini par faire l'objet d'un consensus républicain.

Ce texte, c'est votre façon de célébrer l'anniversaire du 10 mai 1981. Nous demandons donc la suppression de cet article.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Balligand

Je suis saisi d'un amendement n° 5 .

La parole est à Mme Jeanny Marc.

Debut de section - PermalienPhoto de Jeanny Marc

Les parlementaires socialistes, républicains et citoyens restent plus que jamais opposés à la création de ces nouveaux élus, et a fortiori à la répartition que vous en proposez.

En effet, aucune concertation ne s'est tenue avec les départements concernant le tableau en annexe. Lors de premiers travaux, les nombreuses interventions des parlementaires sur la répartition de ces nouveaux élus ont certes permis de corriger des erreurs matérielles et d'adapter quelque peu la répartition des conseillers territoriaux à la diversité de nos territoires. Le Conseil constitutionnel a d'ailleurs renforcé la désapprobation des élus vis-à-vis de cette partie de la réforme.

Mais le compte n'y est pas. Parce que nous voulons que soient respectées la justice et l'équité républicaine, nous demandons la suppression de cette annexe, parce que nous sommes opposés à la création du conseiller territorial.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Derosier

Très bien !

(L'amendement n° 5 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)

(L'article 2 est adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Balligand

Nous avons achevé l'examen des articles.

Mes chers collègues, je vous rappelle que la Conférence des présidents a décidé que les explications de vote et le vote, par scrutin public, sur l'ensemble du projet auront lieu le mardi 10 mai, après les questions au Gouvernement.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Balligand

Prochaine séance, mardi 10 mai, à quinze heures :

Questions au Gouvernement ;

Votes solennels sur le projet de loi constitutionnelle relatif à l'équilibre des finances publiques, ainsi que sur le projet de loi fixant le nombre de conseillers territoriaux ;

Discussion, sur le rapport de la commission mixte paritaire, du projet de loi « Immigration, intégration et nationalité » ;

Discussion de trois propositions de loi, visant à abroger les permis exclusifs de recherche d'hydrocarbures non conventionnels, portant diverses dispositions d'ordre cynégétique, et enfin relative à l'engagement des sapeurs-pompiers volontaires.

La séance est levée.

(La séance est levée à douze heures cinquante.)

Le Directeur du service du compte rendu de la séance de l'Assemblée nationale,

Claude Azéma