Consultez notre étude 2010 — 2011 sur les sanctions relatives à la présence des députés !

Séance en hémicycle du 8 mars 2011 à 15h00

Résumé de la séance

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  • immigration
  • nationalité
  • transposition

Sommaire

La séance

Source

(Au moment où Mme Catherine Vautrin, vice-présidente de l'Assemblée nationale, gagne le fauteuil de la présidence, Mmes et MM. les députés se lèvent et applaudissent.)

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

Mes chers collègues, je suis heureuse de souhaiter en votre nom la bienvenue à M. Justin Koumba, président de l'Assemblée nationale de la République du Congo. (Mmes et MM. les députés se lèvent et applaudissent.)

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

La parole est à Mme Catherine Coutelle, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Coutelle

Madame la présidente, ma question s'adresse à M. le Premier ministre.

« À travail égal, salaire égal ». En 1946, la Constitution a inscrit dans son préambule le principe d'égalité entre les hommes et les femmes et a supprimé la notion de salaire féminin. Pourtant, la HALDE vient d'inscrire à son ordre du jour les discriminations au travail à l'encontre des femmes car les saisines pour ce motif ont explosé en 2010.

Cela n'a rien de surprenant. La France occupe le cent vingt-septième rang sur cent trente-quatre pays pour ce qui est de l'égalité entre hommes et femmes.

Les inégalités salariales sont accablantes. Globalement, la différence de salaires entre les hommes et les femmes est de 27%. Pour les salaires à temps plein, l'écart est encore de 19% et à poste équivalent, les femmes gagnent 10% de moins que les hommes. Elles subissent toutes les peines : CDD, emplois à temps partiel non choisi, emplois non qualifiés, salaires au SMIC, horaires décalés, travail du dimanche.

Lorsque l'on est née femme, est-on destinée à être payée moins qu'un homme, alors même qu'existent six lois sur l'égalité professionnelle entre les hommes et les femmes ?

La dernière en date, de 2006, avait fixé pour objectif la suppression des écarts salariaux dans les entreprises avant le 31 décembre 2009, mais elle n'est presque pas appliquée. Un délai supplémentaire jusqu'à la fin de l'année 2010 a donc dû être accordé et la loi sur les retraites a reporté cette échéance à janvier 2012. En outre, le décret relatif aux sanctions applicables prévu à son article 99 n'est toujours pas publié alors que les décrets d'application repoussant l'âge de la retraite à soixante-sept ans sont parus très rapidement. Le Gouvernement aurait, semble-t-il, quelques difficultés à le rédiger.

Les femmes travailleront donc plus, plus longtemps pour continuer à gagner moins, beaucoup moins que les hommes.

Ma question est simple, monsieur le Premier ministre : quel est votre sens de la justice et de l'égalité ? Devant de telles discriminations, que répondez-vous aux femmes ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

La parole est à Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre des solidarités et de la cohésion sociale.

Debut de section - PermalienRoselyne Bachelot-Narquin, ministre des solidarités et de la cohésion sociale

Madame la députée, vous avez bien fait de rappeler les inégalités dont souffrent encore les femmes dans notre pays. Alors qu'elles représentent 47 % de la population active, elles reçoivent des salaires de 27 % inférieurs à ceux des hommes, elles constituent le gros des bataillons des emplois précaires et sont 30 % à occuper des emplois à temps partiel contre 5 % seulement d'hommes.

Devant ces inégalités, dont l'origine est lointaine, le Gouvernement s'est mobilisé dans plusieurs directions.

Tout d'abord, il s'est attaché à travers la loi sur les retraites à rendre effectifs les plans d'égalité professionnelle pour l'ensemble des entreprises de plus cinquante salariés et je peux vous dire, madame la députée, que les décrets que Xavier Bertrand et moi-même préparons avec beaucoup de soin seront prêts pour le mois d'avril.

Par ailleurs, avec Luc Chatel, dans le cadre du renouvellement d'une convention, nous menons une action déterminée pour que les femmes se voient ouvrir l'ensemble des formations au lieu d'être cantonnées à douze filières parmi les quatre-vingt-trois filières existantes, qui sont aussi, en général, les moins bien payées et les moins attractives en termes de carrière.

Par ailleurs, nous menons une action particulière en direction des femmes en ce qui concerne la création d'entreprises.

À travers ces trois axes, madame la députée, nous menons une action déterminée. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP.)

Égalité professionnelle entre hommes et femmes

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

La parole est à Mme Marie-Jo Zimmermann, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Jo Zimmermann

Madame la ministre des solidarités et de la cohésion sociale, six lois, de 1972 à 2006, l'accord national interprofessionnel de 2004 ainsi que les accords de branches qui s'en sont suivis ont eu pour objet de réduire les écarts de salaires entre les femmes et les hommes. La loi de 2001 avait, en particulier, fixé une méthode très précise pour réduire ces écarts. Pourtant, sur le terrain, malgré ces lois et ces accords, les choses n'ont beaucoup pas avancé.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland Muzeau

Ils ne comportaient pas d'obligation de résultat !

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Jo Zimmermann

Un constat s'impose : entre les femmes et les hommes, pour des carrières à temps complet et sans interruption, l'écart salarial atteint 18 % et monte à 27 % pour toutes les carrières de femmes confondues ; les femmes représentent 62 % des emplois non qualifiés, 80 % des emplois à temps partiel et seulement 15% des postes de direction.

Ces distorsions engendrent d'autres injustices, en matière de retraites notamment. Aujourd'hui, les femmes âgées de cinquante à soixante ans vont percevoir des pensions inférieures de 35 % à celles de leurs homologues masculins.

Madame la ministre, est-ce normal ? Est-ce tolérable ? Est-ce acceptable ? Non !

Mes interrogations seront simples : comment comptez-vous faire appliquer la loi ? Quels moyens comptez-vous donner aux inspecteurs du travail …

Debut de section - PermalienPhoto de Roland Muzeau

Vous ne manquez pas d'audace de poser cette question !

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Jo Zimmermann

…afin qu'ils contrôlent efficacement le suivi du rapport de situation comparée des hommes et des femmes dans les entreprises de plus de cinquante salariés, en sachant qu'aujourd'hui près de 50 % de ces entreprises soit ignorent la loi, soit ne l'appliquent pas ?

D'autre part, madame la ministre, l'Assemblée nationale ayant adopté une proposition de résolution relative à la clause de l'Européenne la plus favorisée, n'est-ce pas là le premier défi que la France se doit de relever ? (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP et du groupe NC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

La parole est à Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre des solidarités et de la cohésion sociale.

Debut de section - PermalienRoselyne Bachelot-Narquin, ministre des solidarités et de la cohésion sociale

Madame Zimmermann, je tiens tout d'abord à rendre hommage à l'action que vous menez en tant que présidente de la délégation de l'Assemblée nationale aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes, (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC et sur quelques bancs du groupe SRC), action déterminée et décisive, comme nous avons pu le constater avec le vote à l'unanimité de la proposition de loi qui institue l'égalité dans les conseils d'administration des grandes entreprises, que vous avez déposée avec Jean-François Copé.

Pour que la loi soit appliquée, encore faut-il qu'elle soit assortie de décrets d'application. Avec Xavier Bertrand, nous menons ce travail de préparation avec beaucoup de soin afin de rendre effectives les dispositions de l'article 99 de la loi sur les retraites, notamment l'obligation faite aux entreprises d'établir des plans d'égalité. Trois décrets vont paraître de manière imminente. Ils concernent les modalités de suivi des plans d'égalité professionnelle dans ces entreprises, les indicateurs et les objectifs qui seront soumis à publicité et, bien entendu, les sanctions financières qui permettront aux inspecteurs du travail de veiller à l'application de la loi – jusqu'à 1% de la masse salariale pourra être mobilisée pour les sanctions.

Comme vous le voyez, madame la députée, le Gouvernement se donne les moyens de rendre effective l'égalité professionnelle. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP.)

Égalité professionnelle entre hommes et femmes

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

La parole est à Mme Martine Billard, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.

Debut de section - PermalienPhoto de Martine Billard

En cette journée internationale des droits des femmes, je voudrais d'abord saluer les femmes de tous les pays, tout particulièrement les femmes de Tunisie et de l'ensemble des pays arabes, qui se battent pour l'égalité des droits, pour la liberté et contre tous les obscurantismes. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR et sur de nombreux bancs des groupes NC et UMP.)

En France, six lois pour l'égalité professionnelle ont été votées depuis 1972. Pourtant, les femmes occupent souvent des postes à moindre responsabilité et sont les principales victimes des temps partiels imposés et de la précarité. 80 % des 3,7 millions de travailleurs pauvres sont des femmes ; les femmes représentent 83 % des salariés à temps partiel, 78 % des emplois non qualifiés, et continuent de gagner 27 % de moins que les hommes.

Alors que plus de la moitié des entreprises de plus de cinquante salariés ne respectent pas l'obligation d'établir un rapport de situation comparée et que moins de 8 % ont signé un accord sur l'égalité, l'article 99 de la loi sur les retraites a supprimé l'obligation d'un accord d'entreprise, lequel peut être remplacé par un simple plan d'action.

Les femmes ne veulent plus attendre ! Les bonnes intentions et les chartes éthiques n'ont jamais permis d'améliorer véritablement la situation des travailleurs, encore moins celle des travailleuses.

Le 6 novembre 2007, M. Xavier Bertrand, alors ministre du travail, annonçait : « Les entreprises qui, au 31 décembre 2009, n'auront pas mis en place un plan de résorption des écarts salariaux devront verser une sanction financière », qui sera « suffisamment importante pour être dissuasive ». En 2009, nouvelles promesses !

Monsieur le Premier ministre – puisqu'il n'existe plus de ministre chargé des droits des femmes depuis 2002 –, quand accepterez-vous de passer d'une obligation de moyens à une obligation de résultats ? Êtes-vous prêt à souscrire à la proposition de loi déposée en ce sens par les députés communistes, républicains, citoyens et du parti de gauche ? Allez-vous exiger de votre ministre du travail qu'il prenne enfin ses engagements au sérieux ? (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR et sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

La parole est à Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre des solidarités et de la cohésion sociale.

Debut de section - PermalienRoselyne Bachelot-Narquin, ministre des solidarités et de la cohésion sociale

Rassurez-vous, madame Billard : il existe bien une ministre chargée de l'égalité entre les hommes et les femmes : c'est moi. (Sourires et applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe NC.) Et c'est ce qui me vaut l'honneur de vous répondre, madame la députée.

Je veux d'abord m'associer à l'hommage que vous avez rendu aux femmes, en particulier aux femmes tunisiennes et aux femmes égyptiennes, qui ont participé aux mouvements de libération de leur pays.

Je me suis rendue avec Valérie Rosso-Debord et Marie-Jo Zimmermann à la conférence onusienne sur les droits des femmes, où nous avons rencontré Michelle Bachelet, présidente d'ONU Femmes. Elle nous a rappelé que ces femmes devaient être associées non seulement à ces mouvements de libération, mais aussi au mouvement démocratique et à l'élaboration des textes fondateurs des nouvelles démocraties : qu'elles devaient être partie prenante non seulement dans la rue, mais également au sein des instances gouvernementales. Nous ne pouvons que nous associer à ce souhait.

Je l'ai dit en répondant à Marie-Jo Zimmermann : je peux vous assurer, madame la députée, de notre implication totale sur ces sujets, à Xavier Bertrand et à moi-même. Nous préparons les décrets, qui seront beaucoup plus opérationnels, car l'instauration d'une sanction financière est sans doute, hélas, le meilleur moyen de faire appliquer les textes et les plans d'égalité dans les entreprises de plus de cinquante salariés. La parution de ces décrets est imminente. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

La parole est à M. Jean Dionis du Séjour, pour le groupe Nouveau Centre.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Dionis du Séjour

Ma question, à laquelle j'associe mon collègue Philippe Vigier, s'adresse à la ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, Mme Christine Lagarde.

Madame la ministre, la semaine dernière, nous vous avons interrogée sur la hausse des hydrocarbures. Voilà que l'actualité et la réalité que vivent nos concitoyens nous contraignent à y revenir.

En effet, jour après jour, les prix de l'énergie atteignent de nouveaux sommets. Aujourd'hui, celui du sans plomb a dépassé le niveau de crise de 2008, atteignant plus de 1,50 euros le litre à la pompe. Le gaz domestique a quant à lui augmenté de plus de 15 % en un an, et le tarif moyen de vente de l'électricité aux particuliers a connu une hausse de 6,5 % en 2010. Au total, les prix de l'énergie ont progressé de 13,7 % depuis un an en France, selon l'INSEE.

Ces hausses amputent le pouvoir d'achat des Français, notamment de ceux qui sont contraints d'emprunter leur voiture pour se rendre au travail. En ce qui concerne le prix de l'essence à la pompe et celui du gaz, vous nous avez répondu la semaine dernière : la cause principale en est manifestement l'accroissement de la demande mondiale, dans un contexte de tensions dans le monde arabe, aggravé par la baisse de l'euro face au dollar.

Mais, s'agissant du fioul domestique et de l'électricité, le Gouvernement dispose de marges de manoeuvre. Je songe aux tarifs aux particuliers et à la prime à la cuve. Madame la ministre, avez-vous l'intention de rétablir cette dernière, dont ont bénéficié de 2005 à 2009 les ménages non imposables ? Pour la financer, comptez-vous solliciter la contribution des grandes entreprises françaises du secteur énergétique, qui bénéficient directement des hausses actuelles ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe NC.)

Plus généralement, quels sont les dispositifs et les financements auxquels le Gouvernement entend recourir pour réduire les effets défavorables de ces hausses sur le pouvoir d'achat des plus faibles de nos concitoyens ? (Applaudissements sur les bancs du groupe NC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

La parole est à Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Debut de section - PermalienChristine Lagarde, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie

Monsieur Dionis du Séjour, la hausse des prix du carburant et de l'énergie est un sujet de préoccupation pour tous nos compatriotes – et, bien évidemment, pour le Gouvernement. En effet, en temps normal et en moyenne, les dépenses d'énergie représentent environ 7 % du budget des ménages français.

Face à cette situation, que peut faire le Gouvernement ?

Premièrement, nous pouvons, comme au mois d'octobre dernier, lancer une campagne d'intensification des contrôles. Frédéric Lefebvre et moi-même avons ainsi demandé à la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes d'accroître désormais les contrôles dans toutes les stations-service, afin de vérifier, sur les totems comme sur les affichages de prix, que ne figure aucune information fausse, d'une part, et que les hausses répercutées sont conformes aux hausses générales constatées, d'autre part. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienChristine Lagarde, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie

Voici le deuxième axe qu'Éric Besson et moi-même avons retenu, à la demande du Premier ministre. Il s'agit évidemment de développer autant que possible l'information destinée aux ménages les plus démunis, c'est-à-dire environ 3,4 millions de nos concitoyens, afin que ceux-ci puissent accéder aux tarifs sociaux de l'électricité et du gaz.

Troisième catégorie de mesures : vous avez parlé de la prime à la cuve ; je vous rappelle que nous avons instauré, dans le cadre du plan de relance, la prime à la casse, afin que nos compatriotes puissent changer de véhicule chaque fois que cela est possible (Exclamations sur les bancs du groupe SRC) et que leur consommation soit plus conforme aux exigences de l'éco-conduite et de l'éco-comportement.

Dans le même ordre d'idées, Éric Besson et moi-même avons négocié avec GDF-Suez une prime au remplacement des chaudières, qui atteint environ 250 euros par chaudière.

Debut de section - PermalienChristine Lagarde, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie

Voilà plusieurs des actions que, dans un premier temps, nous allons mener. En ce qui concerne les contrôles, Frédéric Lefebvre et moi-même les lançons dès demain matin ! (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

La parole est à M. Christophe Sirugue, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.

Debut de section - PermalienPhoto de Christophe Sirugue

Monsieur le Premier ministre, la précarité est devenue l'un des principaux sujets d'angoisse des Français. Elle ne touche plus seulement quelques exclus, mais aussi toutes celles et tous ceux qui travaillent sans que leur salaire suffise à couvrir leurs besoins élémentaires.

Cette situation est particulièrement dramatique pour de nombreuses femmes, qui sont les premières victimes des emplois précaires, des temps partiels subis et de l'augmentation inconsidérée des charges liées à l'habitat, à l'énergie et au carburant, aux produits alimentaires. Cela a été dit : 80 % des travailleurs pauvres sont des femmes.

Plusieurs rapports récents d'associations caritatives et humanitaires, mais aussi les publications de l'Observatoire national de la pauvreté et de l'exclusion sociale, en attestent.

Les enseignements de la loi de 2005 relative au développement des services à la personne, censée procurer des emplois notamment aux femmes, sont inquiétants. Une fois passées les premières années d'autosatisfaction, le Gouvernement devrait se poser la question de la qualité des emplois créés.

Assistance aux personnes âgées et aux personnes handicapées, soutien scolaire, jardinage, garde d'enfants, repassage et ménage – beaucoup de ménage : ces emplois ne sont pas seulement pénibles ; ils n'offrent aucune perspective ; leur rémunération est dérisoire ; les employeurs sont multiples, les lieux de travail aussi.

Les femmes concernées n'ont pas obtenu un poste ; elles ont obtenu des heures de travail par-ci, par-là. La précarité ne se réduit pas à la pauvreté : instabilité, trajectoire professionnelle incertaine, rupture de parcours, fragilité d'insertion et difficultés de réinsertion, c'est cela, la précarité.

Monsieur le Premier ministre, vous semblez vous préoccuper de l'avenir fiscal des plus aisés. Qu'entendez-vous faire pour lutter contre la précarité, réelle et douloureuse, d'un grand nombre de femmes ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

La parole est à M. Xavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé.

Debut de section - PermalienXavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé

Le sujet de l'égalité professionnelle n'est pas forcément, j'en suis intimement persuadé, un sujet de clivage et d'affrontement entre la droite et la gauche.

Cette question du temps partiel, il faut en convenir, n'est pas nouvelle. Nous voulons, toutes et tous, faire reculer la précarité. Vous pouvez nous rejoindre sur ce point : Roselyne Bachelot et moi-même avons l'intention, dans les semaines qui viennent, de tenir une table ronde sur cette question.

Le problème, en effet, c'est aussi celui des contraintes extra-professionnelles que sont notamment les transports et la garde d'enfants – lorsque, dans le secteur du nettoiement par exemple, vous devez travailler tôt le matin et tard le soir, les difficultés sont largement aggravées.

Ce n'est pas une loi de plus qui pourra changer les choses, mais plutôt la discussion avec les partenaires sociaux des branches concernées.

Sur tous ces points, nous avons voulu progresser. La loi portant réforme des retraites a ouvert la possibilité de prévoir, dans les négociations par branches, une cotisation des employeurs supérieure pour les emplois à temps partiel, afin d'effacer toute différence au moment de la retraite.

Certains grands groupes ont aussi pris des initiatives pour sortir du temps partiel imposé et passer au temps complet. Dans la majorité des cas – je pense notamment à la grande distribution – ces méthodes ont prouvé leur efficacité.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Hélène Amiable

Vous devriez avoir honte de dire des choses pareilles !

Debut de section - PermalienXavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé

En la matière, j'en suis persuadé, c'est la négociation entre partenaires sociaux, dans les branches et dans les entreprises, qui peut faire progresser les choses. Au Gouvernement et au législateur de montrer la voie et d'encourager : c'est bien ce que nous avons l'intention de faire, et si vous le voulez bien, nous donnons rendez-vous à l'ensemble des membres de cette assemblée. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

La parole est à Mme Françoise Guégot, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Guégot

Monsieur le secrétaire d'État chargé de la fonction publique, j'ai remis hier au Président de la République un rapport portant sur l'égalité professionnelle entre hommes et femmes dans la fonction publique, à la suite à la mission qu'il m'avait confiée à l'automne dernier. Le constat est sans appel : la situation n'avance guère ; l'accès des femmes aux postes à responsabilité reste difficile ; les inégalités salariales subsistent et le recours au temps partiel est un choix plus souvent subi que choisi. Il n'y a donc pas de pente naturelle à l'égalité professionnelle entre les hommes et les femmes.

À l'issue de cette mission, je suis convaincue que seules des contraintes, sous la forme d'objectifs chiffrés, permettront d'avancer sur cette question.

À ces mesures contraignantes doivent s'ajouter des actions visant à mieux accompagner le déroulement de carrière des femmes, pour effacer par exemple les conséquences des interruptions liées aux congés maternité. Je propose également la mise en place de chartes de gestion du temps, qui faciliteront la conciliation entre la vie privée et la vie professionnelle, et le lancement d'un plan national de formation et de communication destiné à promouvoir la question du management au féminin.

Notre société véhicule encore trop de stéréotypes et de représentations de la femme qui ne lui correspondent pas. La fonction publique, lieu d'incarnation des valeurs de la République se doit d'être exemplaire sur cette question de l'égalité entre hommes et femmes.

Monsieur le secrétaire d'État, pouvez-vous réaffirmer devant la représentation nationale la volonté du Gouvernement de travailler sur cette question ? Quel calendrier de travail comptez-vous mettre en place ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

La parole est à M. Georges Tron, secrétaire d'État chargé de la fonction publique.

Debut de section - PermalienGeorges Tron, secrétaire d'état chargé de la fonction publique

Je voudrais, madame la députée, commencer par rendre hommage à la très grande qualité du rapport que vous avez remis hier au Président de la République.

Le diagnostic est extrêmement clair : vous le montrez parfaitement, la fonction publique, composée à 60 % de femmes, compte – malgré la neutralité des concours d'accès et des grilles de rémunération – moins de 20 % des femmes aux postes de responsabilité, d'encadrement supérieur, de direction. C'est un vrai problème.

Debut de section - PermalienPhoto de Maxime Gremetz

Scandaleux ! Et pour les députés, c'est pareil !

Debut de section - PermalienGeorges Tron, secrétaire d'état chargé de la fonction publique

Votre rapport propose des solutions tout aussi claires : vous mettez bien en avant la nécessité de mettre en place des objectifs chiffrés, qui permettront par exemple que des femmes occupent 40 % des postes de responsabilité d'ici à 2015 ; nous devrons aussi aboutir à 40 % de nominations de femmes aux postes dont les titulaires sont nommés en conseil des ministres. Enfin, et c'est un sujet essentiel, 40 % des membres des jurys, pour les trois fonctions publiques, seront des femmes ; jusqu'ici, je le rappelle, seule la fonction publique d'État a fixé une barre, qui est à 30 %.

Vous insistez, à juste titre, sur la nécessité d'un meilleur encadrement des interruptions de carrière liées aux congés parentaux : nous vous suivons sur ce point.

Le Gouvernement est, bien entendu, disposé à intégrer les conclusions de ce travail de grande qualité au texte de loi que François Baroin et moi-même présenterons à la fin de l'année sur la résorption de la précarité.

Nous allons organiser une grande discussion au Parlement, mais aussi des négociations avec les organisations syndicales. Sous la réserve, bien entendu, d'un accord, nous pourrions alors – en nous fondant sur votre remarquable travail – présenter un texte sur la résorption de la précarité dans la fonction publique et des inégalités entre hommes et femmes dans la fonction publique. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

La parole est à M. Jean-Luc Préel, pour le groupe Nouveau Centre.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Luc Préel

Madame la présidente, ma question s'adresse à M. le ministre du travail et de l'emploi.

Notre pays, lui aussi confronté à la crise mondiale, en a peut-être, grâce à la politique du Gouvernement, mieux que d'autres supporté les conséquences.

Mais la crise n'est pas terminée. De nombreux secteurs économiques souffrent, et l'une des préoccupations majeures de nos concitoyens demeure l'emploi, notamment celui des jeunes, qui, malgré des diplômes, ont beaucoup de difficultés à trouver leur place dans la société.

Sans perspective, sans emploi stable, comment être optimiste ?

Les parents, les grands-parents, lorsqu'ils le peuvent, aident leurs jeunes en difficulté. L'idéal serait que chacun puisse trouver un emploi sous contrat à durée indéterminée. Mais, dans cette période difficile, les contrats aidés sont particulièrement utiles.

À la fin de l'année 2010, de nombreux contrats ont été dénoncés ou non renouvelés faute de financement. Le 22 décembre 2010, vous répondiez, monsieur le ministre, à M. Rudy Salles, après StéphaneDemilly, députés du Nouveau Centre, que 340 000 contrats seraient proposés en 2011, en diminution de 15 %.

Le 8 février 2011, Yvan Lachaud, également député du Nouveau Centre, vous faisait remarquer que seuls 150 000 contrats étaient prévus pour le premier semestre et que la participation de l'État avait été réduite de 90 % à 70 %,…

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Luc Préel

…ce qui pose un problème financier à de nombreuses associations, dont les financements ne sont pas simples.

Ces derniers jours, nous sommes interpellés, notamment en Vendée, car après avoir fait traîner les dossiers, Pôle Emploi indique que les crédits prévus pour le premier semestre sont consommés et qu'il n'est plus possible de signer de contrats. Les jeunes qui espéraient, les associations qui comptaient dessus, sont désespérés.

Quelle réponse pouvons-nous leur apporter ? (Applaudissements sur les bancs du groupe NC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

La parole est à M. Xavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé.

Debut de section - PermalienXavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé

Monsieur le député, vous pouvez leur dire que, dans votre région, en janvier et février, 2 354 CAE ont été signés contre 2 209 l'an dernier à la même période. Ceux qui, aujourd'hui, affirment qu'il n'y a plus de contrats aidés sont mal informés ou mentent. Je le dis clairement.

Des contrats aidés, vous en avez voté plus qu'avant la crise. Et, après que le Président de la République l'a annoncé, 50 000 contrats aidés supplémentaires ont été décidés, au titre de l'enveloppe supplémentaire de 500 millions d'euros voulue par le gouvernement de François Fillon.

Pourquoi faire des contrats aidés ? Parce qu'ils sont la seule façon de ramener dans le marché de l'emploi celles et ceux qui en sont très loin, tant dans le secteur non marchand, les collectivités locales ou les associations, que dans le monde des entreprises.

Nous pourrions aller plus loin encore : si les conseils généraux s'alliaient à la volonté gouvernementale, les départements pourraient financer des contrats aidés supplémentaires. (Protestations sur les bancs du groupe SRC.) Aujourd'hui, un contrat aidé revient à 411 euros par mois par bénéficiaire contre 467 euros pour un RSA socle. Pour les départements, il coûterait donc moins cher de financer un contrat aidé plutôt qu'un RSA socle ; pour les bénéficiaires, cela reviendrait exactement au même, avec toutefois une différence de taille : mieux vaut un contrat aidé avec une fiche de paie à la fin du mois plutôt qu'une allocation sans activité. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

Voilà ce que nous proposons pour en faire davantage et réaffirmer notre fidélité à la valeur « travail ». Je préférerai toujours le travail à l'assistanat ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Véronique Besse

Madame la présidente, ma question s'adresse à M. le ministre de l'éducation nationale, à qui je m'adresse aujourd'hui au nom de nombreux établissements scolaires de France et tout particulièrement de mon département, la Vendée. Ces établissements m'ont chargée de l'interpeller au sujet de l'accueil des élèves par les emplois de vie scolaire ou les auxiliaires de vie scolaire.

Monsieur le ministre, vous le savez, certains établissements ont recours aux contrats uniques d'insertion pour accompagner les élèves dans les écoles. Ces contrats aidés sont doublement nécessaires. D'abord, parce les établissements n'ont souvent pas les moyens de recourir à des CDI pour ce type de postes, mais aussi parce que ces contrats aidés remplissent des missions essentielles de vie scolaire ou d'accompagnement des enfants handicapés.

Or les crédits de ces emplois aidés ayant été épuisés, faute de moyens, de nombreux postes, pourtant indispensables, ne peuvent être renouvelés, ce qui pose de grandes difficultés pour les établissements concernés.

Debut de section - PermalienPhoto de Véronique Besse

Je me permets d'insister tout particulièrement sur les auxiliaires de vie scolaire qui jouent un rôle important auprès des enfants handicapés (Applaudissements sur quelques bancs du groupe SRC), en leur apportant une meilleure intégration en milieu ordinaire et un accompagnement personnalisé. Je sais que vous en avez fait une priorité. Les écoles et les familles attendent maintenant des signes concrets sur le terrain.

Il y a quelques jours, le Président de la République a annoncé 50 000 emplois aidés supplémentaires, sans préciser leur répartition. Les contrats uniques d'insertion doivent être soutenus, au même titre que les contrats d'apprentissage ou de professionnalisation.

Il est primordial de permettre aux écoles de poursuivre leur mission d'éducation auprès des enfants et des jeunes dans des conditions satisfaisantes. Il est tout aussi primordial de favoriser le maintien de ces emplois, notamment en zone rurale.

Monsieur le ministre, quels moyens le Gouvernement compte-t-il mettre en oeuvre (« Aucun ! » sur plusieurs bancs du groupe SRC) afin de permettre à ces écoles de conserver leurs emplois aidés et de garantir l'accueil des élèves dans de bonnes conditions ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et sur quelques bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

La parole est à M. Luc Chatel, ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et de la vie associative.

Debut de section - PermalienLuc Chatel, ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et de la vie associative

Madame la députée, vous avez raison de rappeler l'importance des contrats aidés dans l'éducation nationale. Ils sont, en effet, essentiels au fonctionnement quotidien de nos établissements scolaires. D'abord, pour épauler nos directeurs d'écoles dans le premier degré ; ensuite, pour améliorer la vie scolaire au quotidien dans l'ensemble de nos établissements ; enfin, pour accompagner les enfants handicapés, ce que, vous l'avez indiqué à juste raison, le Gouvernement a élevé au rang de priorité.

C'est la raison pour laquelle, dans la loi de finances initiale de 2011, le Gouvernement, malgré l'environnement budgétaire contraint que vous connaissez, a décidé de maintenir l'enveloppe des contrats aidés à hauteur de 136,9 millions d'euros.

Debut de section - PermalienLuc Chatel, ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et de la vie associative

Je veux remercier la majorité à l'Assemblée nationale, qui a bien voulu, par amendement, ajouter par redéploiements une somme de 20 millions d'euros permettant d'alimenter les nouveaux besoins en matière de contrats aidés.

Debut de section - PermalienLuc Chatel, ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et de la vie associative

Ainsi, nous pourrons maintenir les 48 500 contrats aidés qui remplissent aujourd'hui les différentes missions que je viens d'évoquer.

Vous avez rappelé que le Président de la République a annoncé un redéploiement de crédits vers l'emploi, à hauteur de 500 millions d'euros. Xavier Bertrand, pour sa part, vient de faire allusion à 50 000 contrats aidés supplémentaires. L'éducation nationale pourra donc renforcer ses moyens auprès des enfants handicapés et répondre aux besoins relayés par les maisons départementales du handicap.

Debut de section - PermalienLuc Chatel, ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et de la vie associative

Vous le voyez, madame la députée, nous sommes totalement mobilisés. La représentation nationale doit être fière du chemin accompli depuis 2005 et le vote de la loi sur le handicap. Nous accueillons aujourd'hui 50 000 enfants handicapés de plus qu'il y a cinq ans. C'est en particulier grâce à ces emplois aidés. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

La parole est à Mme Pascale Crozon, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.

Debut de section - PermalienPhoto de Pascale Crozon

Monsieur le Premier ministre, en cette journée internationale des femmes, je suis stupéfaite d'apprendre que M. Sarkozy s'interroge sur son utilité. (Murmures sur les bancs du groupe SRC.) Alors faut-il, en 2012, supprimer cette journée ?

Vous avez fait voter en France pour les femmes la retraite à soixante-sept ans. En effet, alors que seulement 40 % des Françaises, contre 86 % des Français, peuvent justifier d'une carrière complète et que leurs pensions sont inférieures de 38 % à celles des hommes, elles doivent également travailler plus tardivement. Pour ne pas subir de décote, une Française sur trois doit aujourd'hui attendre l'âge de soixante-cinq ans, et demain soixante-sept ans à cause à la loi Woerth. À titre de comparaison, cela ne concerne qu'un homme sur vingt.

Vous n'avez cessé, durant le débat sur la réforme des retraites, de citer des exemples européens pour justifier votre réforme. Mais vous avez refusé de voir que tous les pays qui ont reculé l'âge de la retraite ont accompagné cette mesure de dispositions visant à réduire les inégalités entre les hommes et les femmes. On peut notamment citer l'augmentation des droits familiaux et conjugaux, la prise en charge de surcotisations pour les salariées qui s'interrompent ou passent au temps partiel pour élever leurs enfants, ou le partage des droits à la retraite dans le couple afin notamment d'éviter le déclassement des retraitées divorcées.

Alors que notre Assemblée a voté, l'an dernier, le principe de la clause de l'Européenne la plus favorisée, allez-vous vous inspirer de ces exemples européens pour ouvrir enfin le vrai débat de la retraite des femmes et apporter de vraies réponses à la double peine que subissent nos concitoyennes : travailler plus pour gagner moins ? (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

La parole est à M. Xavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé.

Debut de section - PermalienXavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé

Madame la députée, quand allez-vous vous inspirer de l'exemple des socialistes européens qui ont le courage d'engager les réformes nécessaires en matière de retraite ?

Quand les socialistes auront-ils l'occasion de sortir d'un positionnement très franco-français consistant à ne jamais accompagner la moindre réforme des retraites ? Cela vous est-il interdit ? Je ne le sais pas, mais on peut légitimement se poser la question.

Quand on connaît le dossier des retraites, on sait pertinemment que les écarts salariaux, les écarts de carrières ont créé de profondes disparités. Mais on sait aussi pertinemment qu'à partir de la génération née en 1956 les choses sont en train de changer : plus on avancera dans les générations, plus les carrières des femmes seront au même niveau que celles des hommes en termes de durée, et il y aura même plus de trimestres. Pourquoi ne l'avez-vous pas dit ?

Madame la députée, qui a voté la revalorisation des pensions de réversion qui sont reversées aux femmes les plus modestes ? C'est cette majorité, ce n'est pas l'opposition socialiste et communiste. Qui a décidé de revaloriser le minimum vieillesse de 25 % entre 2007 et 2012 ? C'est cette majorité, ce n'est pas l'opposition socialiste et communiste.

Sur tous les sujets sur lesquels nous avons voulu avancer et apporter davantage d'améliorations à la retraite des femmes, les socialistes et les communistes ont été à chaque fois aux abonnés absents. C'est nous qui avons répondu présents. Les Français voient bien la différence entre la démagogie et ceux qui ont le courage d'agir. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

La parole est à Mme Anne Grommerch, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Anne Grommerch

Monsieur le ministre du travail, de l'emploi et de la santé, selon un récent rapport de l'IGAS de février 2010, le modèle français de contraception connaît des taux d'échecs préoccupants. La diffusion massive de la contraception n'a pas fait diminuer le nombre des IVG, qui se maintient aux environs de 200 000 par an. Même si les jeunes peuvent recourir de façon gratuite et anonyme à la contraception d'urgence et à l'IVG, mais pas à la contraception régulière, 40 % des femmes en France ont recours à l'interruption volontaire de grossesse à un moment donné de leur vie. Le fonctionnement réel des dispositifs contredit trop souvent la volonté affichée de donner la priorité à une approche préventive.

Les facteurs qui conduisent à une grossesse imprévue et à la décision de l'interrompre sont multiples et complexes. Mais s'agissant d'une décision grave, qui peut laisser des séquelles pesant sur la vie des femmes longtemps après, le fatalisme n'est pas de mise.

Par ailleurs, la question de la contraception doit être partagée par chacune et chacun et à tous les âges. Je pense notamment aux jeunes filles. 15 000 mineures ont recours à une IVG chaque année, contre 11 000 en 2002

Monsieur le ministre, quelles mesures comptez-vous prendre pour faire baisser le nombre d'IVG ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

La parole est à M. Xavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé.

Debut de section - PermalienXavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé

Madame la députée, hier, un colloque important a montré que nous avons besoin de progresser en matière d'accès à l'IVG.

Nous savons que l'IVG médicamenteuse apporte aujourd'hui de vraies solutions mais qu'il faut bien veiller à ce qu'il y ait une égalité d'accès partout sur le territoire. Nous savons également qu'il est nécessaire de renforcer en permanence l'information, mais nous avons aussi besoin de faire davantage en matière de contraception.

La situation actuelle ne peut perdurer. Alors que plusieurs millions de femmes prennent aujourd'hui une pilule contraceptive, celles qui sont vraiment remboursées par l'assurance maladie sont les pilules de première et deuxième générations.

Concernant les pilules de troisième génération qui sont prises par la moitié des femmes, il faut savoir que seulement deux sur les vingt-trois pilules minidosées qui existent sur le marché font l'objet d'un remboursement.

Debut de section - PermalienXavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé

Cela signifie que plusieurs millions de femmes doivent prendre en charge elles-mêmes leur mode de contraception. Une telle situation ne peut pas durer.

Que les choses soient claires : si une telle situation existe, c'est tout simplement parce que les laboratoires pharmaceutiques qui ont demandé la mise sur le marché de ces pilules n'ont pas voulu demander leur prise en charge par l'assurance maladie.

Avec Nora Berra, nous avons décidé que, soit ces laboratoires feront une demande de remboursement de ces pilules, ce qui fera baisser leur prix et garantira ainsi un accès aux soins pour les femmes concernées ; soit nous changerons les règles du jeu, et, dans le cadre des assises du médicament, nous veillerons à permettre l'instauration d'un remboursement. Cela concerne des millions de femmes. C'est un enjeu de contraception, mais aussi un enjeu d'éthique et d'accès aux soins. Nous sommes totalement déterminés. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

La parole est à Mme Marie-Noëlle Battistel, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Noëlle Battistel

Madame la ministre des solidarités et de la cohésion sociale, alors que l'on célèbre aujourd'hui la journée de la femme, le droit à l'IVG, trente-six ans après sa reconnaissance par la loi Veil, s'applique de plus en plus difficilement, titre le quotidien Métro de ce matin.

Certes, cette pratique a été rendue plus accessible : des dispositions législatives ont permis le remboursement de l'acte d'IVG, allongé le délai légal de recours de dix à quatorze semaines ou encore supprimé l'autorisation parentale pour les mineures.

Cependant, le constat est amer : ce droit fondamental n'est pas définitivement acquis. Il est, dans les faits, remis en cause par la dégradation des conditions d'accueil et de prise en charge des IVG.

Comment ne pas évoquer le rapport de l'inspection générale des affaires sociales sur l'évaluation de la loi de 2001 relative à l'IVG, qui constate que certains établissements n'accueillent pas les femmes au-delà de dix à douze semaines de grossesse, comme le prévoit pourtant la loi ? C'est cette réalité qui contraint des milliers de femmes, chaque année, à avorter à l'étranger. Comment se taire sur les conséquences de la politique de restructuration des hôpitaux qui entraîne chaque année la fermeture de plusieurs centres pratiquant des IVG ?

En portant ainsi atteinte aux services médicaux de proximité, c'est le droit et la liberté pour les femmes à disposer de leur corps et à interrompre leur grossesse dans de bonnes conditions psychologiques, sanitaires et économiques qui est remis en cause.

Ce sont, bien sûr, les femmes les plus démunies, et les plus jeunes, qui sont plus particulièrement touchées.

Face à la non-application de certains textes, face aux fermetures de centres IVG, face aux baisses de subventions qui menacent les établissements d'information, de consultation et de conseil familial, quelles mesures allez-vous prendre, madame la ministre, pour assurer le maintien de structures de proximité dotées de moyens indispensables pour garantir aux femmes le choix de la méthode d'avortement et une égalité d'accès aux soins sur l'ensemble du territoire ? (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

La parole est à Mme Nora Berra, secrétaire d'État chargée de la santé.

Debut de section - PermalienNora Berra, secrétaire d'état chargée de la santé

Madame la députée, dans le domaine de la santé et en matière de programmes de santé publique, le Gouvernement est particulièrement attentif à ce que les contraintes budgétaires ne conduisent à aucune disparition de subvention et d'accompagnement des personnes vulnérables. (Plusieurs députés socialistes invitent Mme Berra à se tourner vers Mme Battistel.)

Debut de section - PermalienNora Berra, secrétaire d'état chargée de la santé

Cette attention des pouvoirs publics a d'ailleurs été clairement exprimée en matière de contraception et d'accès à l'IVG.

Il est vrai qu'il y a trente-cinq ans la loi Veil permettait aux femmes d'interrompre leur grossesse sous certaines conditions mais, en aucun cas, il ne s'agit d'une méthode de contraception. C'est pourquoi il nous faut renforcer l'information, l'éducation à la sexualité. Une campagne radiotélévisée sera diffusée ; elle a été conçue par l'Institut national de prévention et d'éducation à la santé pour un montant de 4 millions d'euros.

Il faut d'autre part faire prendre conscience à nos concitoyennes du mauvais usage de la contraception.

Xavier Bertrand a évoqué l'égalité d'accès à la contraception, je n'y reviendrai pas.

Dans leur projet régional de santé, les agences régionales de santé doivent prendre en compte – et elles le feront – la prévention des grossesses non-désirées et la prise en charge des IVG – en particulier l'accès anonyme et gratuit pour les mineures.

Debut de section - PermalienNora Berra, secrétaire d'état chargée de la santé

Vous pouvez ainsi constater que, malgré des contraintes budgétaires fortes, le Gouvernement poursuit une politique volontariste d'accès à la contraception et de réduction des inégalités devant l'IVG.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

La parole est à Mme Henriette Martinez, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Henriette Martinez

Monsieur le ministre d'État, ministre des affaires étrangères et européennes, depuis plusieurs semaines le régime libyen de Kadhafi semble vaciller à son tour. Et même si, avec un cynisme absolu, le pouvoir fait bombarder son peuple et les insurgés, même s'il brandit la menace du chaos et d'Al Qaïda, après celles de Ben Ali et Moubarak, l'ère de Kadhafi semble toucher à sa fin.

Debut de section - PermalienPhoto de Henriette Martinez

Malgré les sanctions prises à son encontre par le Conseil de sécurité de l'ONU et par l'Union européenne, malgré les appels à la démission lancés par les Occidentaux, le leader libyen campe sur ses positions.

Cependant, certains signes montrent que le clan Kadhafi commence à douter. Aujourd'hui même, un émissaire de Mouammar Kadhafi aurait contacté les rebelles de l'Est de la Libye pour proposer des négociations sur le départ du dirigeant libyen.

La pression internationale doit donc continuer et je me réjouis que l'Organisation de la conférence islamique et les monarchies arabes du Golfe aient annoncé leur soutien à la France et au Royaume-Uni dans le projet de zone d'exclusion aérienne que vous défendez au nom de notre pays.

Monsieur le ministre, la situation humanitaire est inquiétante, le masque de Mouammar Kadhafi est en train de tomber de la pire manière, au son de bombes qui font nombre de morts. Pouvez-vous réaffirmer l'engagement de la France aux côtés du peuple libyen et nous faire le point sur la situation ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

La parole est à M. Alain Juppé, ministre d'État, ministre des affaires étrangères et européennes.

Debut de section - PermalienAlain Juppé

Madame Martinez, je partage votre inquiétude sur la situation en Libye. En réprimant avec une brutalité inacceptable les mouvements qui lui sont hostiles, le colonel Kadhafi a perdu toute légitimité : il doit partir.

Je vous rappelle que la France a été l'une des premières puissances à le dire avec autant de clarté. Nous avons ensuite travaillé aux Nations unies et à Bruxelles pour que des sanctions rapides et fortes soient prises. (Exclamations continues sur les bancs du groupe SRC.) J'ai du mal à comprendre qu'au sujet de la situation en Libye il y ait autant de vociférations ; c'est quelque chose qui m'échappe... (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC. – Protestations sur de nombreux bancs du groupe SRC.) Il s'agit de la vie et de la mort de milliers d'hommes !

Debut de section - PermalienAlain Juppé

Nous avons donc travaillé aux Nations unies et à Bruxelles pour que des sanctions rapides et fortes soient prises. Nous avons également, avec nos partenaires, mobilisé une aide humanitaire importante : deux convois français sont déjà arrivés à Benghazi et nous participons au pont aérien qui permet de ramener des Égyptiens dans leur pays d'origine – un bateau français est également disponible à la frontière tunisienne pour y contribuer.

Il s'agit maintenant d'arrêter la répression meurtrière que le régime du colonel Kadhafi continue à déployer. La France a pris une position très claire : l'OTAN n'est pas l'organisation adaptée pour le faire.

Debut de section - PermalienAlain Juppé

Il faut un mandat des Nations unies. Nous sommes disponibles pour intervenir avec d'autres afin de protéger les populations en empêchant Kadhafi d'utiliser ses moyens aériens. Enfin, il est nécessaire de le faire en pleine liaison avec la Ligue arabe et l'Union africaine. C'est ce à quoi nous travaillons.

Vendredi prochain, au Conseil européen qui sera exclusivement consacré à la situation en Libye et au sud de la Méditerranée, la France fera des propositions fortes.

Au cours de mon déplacement en Égypte j'ai vu ma conviction renforcée que la France a un rôle spécifique à jouer : elle est attendue. Et nous assumerons nos responsabilités. (Vifs applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

La parole est à Mme Marie-Odile Bouillé, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Odile Bouillé

Monsieur le Premier ministre, ce 8 mars, journée des femmes, est avant tout la journée de leurs luttes, notamment pour disposer librement de leur corps, choisir leur grossesse, et choisir d'être mères.

Le 26 février dernier, la cour d'appel d'Angers a rendu un arrêt historique en confiant la garde d'un enfant né sous X à ses grands-parents, après lui avoir retiré le statut de pupille de l'État. La mère biologique a pu s'exprimer à juste titre en confiant qu'elle se sentait trahie : « La justice m'a trahie », a t-elle dit.

Trahison, en effet, pour cette femme qui avait fait le choix d'accoucher dans l'anonymat, car cette décision bafoue totalement le choix qui fut le sien. Cette décision bafoue tout autant la loi, car elle fait éclater les règles qui encadrent l'accouchement sous X, dont la garantie de l'anonymat avait été maintenue jusque dans la loi de 2002 sur l'accès aux origines. Une fois de plus, c'est le compassionnel qui a gagné.

Cette remise en cause provoque beaucoup d'inquiétudes pour le droit des femmes. Nous savons que le choix des femmes d'accoucher sous X est un choix très difficile, toujours dramatique. Dans ma vie professionnelle de sage-femme, j'ai eu l'occasion d'en être le témoin. Les motivations sont diverses, mais toujours signes d'une très grande souffrance et de situations inextricables, sans issue pour la femme. C'est bien parce que ce choix est très difficile qu'il doit être résolument protégé.

Nous sommes nombreux, parlementaires, citoyens, organisations comme le planning familial, à craindre que cet arrêt ne signe la fin de l'accouchement sous X. Nous savons aussi que certains veulent remettre en cause l'anonymat. Tout cela n'est sans doute pas un hasard. Reverra-t-on des femmes contraintes d'accoucher en secret, seules, n'importe où, au risque de leur vie et de celle de leur enfant ?

Alors, je m'adresse à vous, monsieur le Premier ministre, pour vous demander de prendre clairement position afin d'empêcher toute remise en cause de ce droit des femmes, reconnu par la loi, et qui, pour certaines d'entre elles, est l'ultime solution. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et sur plusieurs bancs du groupe GDR et du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

La parole est à Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre des solidarités et de la cohésion sociale.

Debut de section - PermalienRoselyne Bachelot-Narquin, ministre des solidarités et de la cohésion sociale

Madame la députée, bien sûr, nous pouvons tous comprendre ici la volonté exprimée par des enfants de connaître leur identité biologique. Pour autant, le droit à accoucher sous X est un droit irréfragable des femmes, et il nous faut le protéger. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

La loi de 2002 était arrivée à un équilibre intéressant, en donnant aux femmes qui accouchent sous X la possibilité de laisser des informations non identifiantes, ou de laisser, sous pli scellé, des informations identifiantes. Je dois dire que cette loi a obtenu d'excellents résultats, puisque, parmi les 600 femmes qui accouchent sous X chaque année, 26 % seulement ne laissent pas d'informations, identifiantes ou non.

Mme la députée Brigitte Barèges a conduit des travaux très intéressants sur la question délicate de l'accouchement sous X. Nous voyons que certains pays instaurent des dispositions du style « boîte à bébés », qui ne sont pas à retenir, car les femmes ne sont pas du tout accompagnées. Nous voyons au contraire que d'autres pays suivent la France dans le choix d'un système qui assure un véritable accompagnement des femmes. Je crois que c'est cela que nous devons mettre en oeuvre. C'est la raison pour laquelle j'ai demandé à Mme Barèges de poursuivre ses travaux pour accompagner ces femmes qui accouchent sous X, pour les inciter à laisser ces informations, identifiantes ou non identifiantes, et à avoir un vrai suivi médical et psychologique. Mais croyez, madame la députée, que nous allons protéger ce droit des femmes. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

La parole est à M. Jean Auclair, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Auclair

Ma question s'adresse à M. le ministre du travail, de l'emploi et de la santé, et elle concerne une préoccupation majeure des habitants des zones rurales : l'accès aux soins.

C'est une exigence de ceux qui résident en zones rurales et de ceux, de plus en plus nombreux, qui souhaitent s'y installer. Cette exigence de proximité, mais aussi de sécurité des soins, est bien légitime et constitue une des problématiques des territoires ruraux.

Ce point fait d'ailleurs partie du véritable plan Marshall en faveur de la ruralité présenté par Pierre Morel-A-L'Huissier au nom du groupe UMP, un projet décliné en 200 mesures concrètes d'aménagement du territoire, bien éloigné de la proposition de loi du parti socialiste, véritable posture idéologique, dogmatique et populiste, présentée à la veille des élections cantonales. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP. - Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Monsieur le ministre, le lendemain de votre arrivée à la tête du ministère, je vous ai demandé de rouvrir le dossier de la radiothérapie de l'hôpital de Guéret, afin d'offrir aux patients creusois des soins de proximité et totalement sécurisés.

Loin des initiatives aussi démonstratives et sonores qu'inutiles orchestrées par le président de l'Association des maires de la Creuse après la fermeture du service, fermeture utilisée sans pudeur comme aubaine électoraliste, (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) comme s'il s'agissait de la fermeture d'une perception, il a fallu se mettre au travail. Le dossier était clos. Et c'est grâce à vous, monsieur le ministre, que tout a redémarré. Je tiens à vous en remercier, au nom de tous les Creusois. (Mêmes mouvements – Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP.)

Je tiens également à remercier vos services, ceux des hôpitaux de Guéret et de Limoges, et les professionnels de santé, auxquels je veux rendre hommage. Les ruraux ont bien droit aux mêmes conditions de sécurité que les urbains.

Monsieur le ministre, afin d'illustrer l'attention particulière du Gouvernement en direction de la ruralité, pouvez-vous nous préciser vos intentions afin de garantir, dans les zones rurales, un accès sécurisé aux soins de proximité ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP – Huées sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

La parole est à M. Xavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé.

Debut de section - PermalienXavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé

Monsieur le député, nous partageons une même conviction : il peut y avoir proximité quand il y a qualité des soins et sécurité. Ce sont ces conditions qui peuvent être réunies à nouveau pour l'ouverture du service de radiothérapie du centre hospitalier de Guéret.

Debut de section - PermalienXavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé

Les décisions qui avaient été prises étaient fondées sur le fait que le dossier présenté à l'époque prenait en compte, de façon isolée, la seule situation du centre hospitalier de Guéret. Cela ne pouvait pas fonctionner. Vous aviez un nombre de patients bien inférieur aux normes en vigueur. Vous n'aviez qu'un seul appareil labellisé. Et surtout, nous n'avions pas le personnel nécessaire.

Vous avez repris, point par point, l'ensemble des problèmes qui avaient conduit à cette fermeture, en cherchant des solutions.

Debut de section - PermalienXavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé

Et les solutions, c'est la coopération entre le centre hospitalier de Guéret et le CHU de Limoges. C'est de cette façon que le nombre de patients concernés se situe maintenant entre 800 et 1 000, largement plus que les 600 requis. C'est de cette façon que nous avons plusieurs appareils, et non plus seulement un seul, pour prendre en charge les patients. Et c'est aussi de cette façon que j'ai demandé ce matin au directeur général de l'ARS de lancer les opérations visant à ce que le CHU de Limoges soit candidat, afin que nous puissions recruter les personnels supplémentaires.

Nous avons d'ores et déjà des candidatures. Et dans ces conditions, parce que la sécurité des patients est garantie, nous allons pouvoir assurer la réouverture du service de radiothérapie du centre hospitalier de Guéret. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP. - Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienXavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé

Je veux saluer, monsieur le député, l'engagement qui a été le vôtre sur ce dossier (Exclamations sur les bancs du groupe SRC),…

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Vidalies

C'est une réponse politicienne que vous faites, monsieur le ministre !

Debut de section - PermalienXavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé

…parce que vous avez compris que la proximité n'est valable que quand il y a la qualité des soins et la sécurité, et qu'elle nous permet également de faire des économies, puisque, bien évidemment, il n'y a pas de transports sanitaires à assurer pour aller de Guéret jusqu'à Limoges. Nous savons aussi garantir l'aménagement du territoire. Nous, nous mettons cela en oeuvre. Les autres ne font rien. Voilà la différence ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP – Huées sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

La parole est à M. Pascal Deguilhem, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.

Debut de section - PermalienPhoto de Pascal Deguilhem

Dans notre pays, les violences faites aux femmes restent massives : 75 000 femmes sont victimes de viol chaque année et 8 000 adolescentes sont menacées de mariage forcé ; 20 % des homicides auraient pour cause des violences conjugales. Une femme meurt tous les deux jours et demi, victime des violences de son compagnon.

La loi du 9 juillet 2010 relative aux violences faites aux femmes a été adoptée à l'unanimité de nos deux assemblées, parfois en dépit de freins divers qui ont pu être manifestés par le Gouvernement. Néanmoins, cette loi marque une nouvelle étape dans la lutte contre les violences faites aux femmes.

Mais ce qui compte, c'est l'application effective de cette loi, c'est la manière dont les outils sont mis en oeuvre, et je parle là des moyens humains et financiers mobilisés.

Je voudrais donc vous interroger, madame la ministre, sur plusieurs points après la parution des décrets d'application.

Tout d'abord, concernant la mesure phare de cette loi, l'ordonnance de protection destinée à apporter une réponse rapide à la victime et aux enfants, répondant aux différents aspects de la séparation du couple : domicile, autorité parentale, charges financières. Il apparaît que des freins apparaissent déjà : sur la reconnaissance des preuves, en particulier pour les violences psychologiques ; sur les délais dans lesquels le conjoint doit quitter le logement ; sur la protection des femmes étrangères victimes de violences, pour lesquelles certaines préfectures refusent l'attribution ou le renouvellement de leur titre de séjour.

Pouvez-vous, madame la ministre, nous informer également sur les actions réellement engagées pour assurer une véritable formation commune de tous les intervenants, de la justice, de l'éducation nationale, de la santé, de la police, etc ?

Enfin, madame la ministre, vous le savez, on n'agit bien que lorsque l'on connaît bien une réalité. C'est pourquoi nous avons une exigence forte quant à la création d'un observatoire des violences, sur lequel le Gouvernement a d'ailleurs pris des engagements. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

La parole est à Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre des solidarités et de la cohésion sociale.

Debut de section - PermalienRoselyne Bachelot-Narquin, ministre des solidarités et de la cohésion sociale

Monsieur le député, vous avez raison de faire partager à l'Assemblée nationale le scandale que représentent les violences itératives faites aux femmes.

Cent quarante femmes meurent chaque année dans notre pays sous les coups de leur conjoint ou de leur compagnon, sans parler des multiples blessures extrêmement graves, des incapacités, des viols. Dans la comptabilité nationale, ces violences représentent 2,5 milliards d'euros par an de coût pour la collectivité. Ces violences faites aux femmes représentent donc un véritable problème humain, moral, et financier.

C'est le sens du déplacement que nous avons réalisé hier avec M. le ministre de l'intérieur dans les Yvelines, pour y voir la réalité du dispositif mis en place. Je veux rendre hommage aux 5 000 fonctionnaires de gendarmerie et de police qui sont à l'oeuvre, très bien formés, avec beaucoup d'humanité, nous avons pu le voir. Ils suivent des formations spécifiques pour l'accueil de ces personnes victimes, qu'il s'agisse des femmes ou des enfants, avec des techniques particulièrement adaptées.

Je veux également rendre hommage à l'implication de ma collègue Nadine Morano, car c'est grâce à elle que la loi du 9 juillet 2010 a été votée, nous donnant les outils juridiques qui nous permettent de lutter contre les violences faites aux femmes.

Nous allons continuer. Nous publierons dans quelques semaines, avant la fin du mois, le troisième plan de lutte contre les violences faites aux femmes. Un nouveau chapitre va s'ouvrir avec les violences sexistes et sexuelles sur les lieux de travail. Dans le sens de ce que vous souhaitez, nous allons confier à l'observatoire de la délinquance une mission spécifique pour suivre les violences exercées contre les femmes. Il nous est paru plus légitime et plus efficace de loger cet observatoire dans le cadre global de l'observatoire de la délinquance, afin de pouvoir croiser les résultats que vous souhaitez. On ne combat bien que ce que l'on connaît bien.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

La parole est à Mme Chantal Brunel, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire. (Exclamations sur les bancs du groupe GDR.)

Debut de section - PermalienPhoto de Chantal Brunel

Romain Latour, âgé de trente-trois ans, policier à Meaux, a été sauvagement agressé à Noisiel. (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Debut de section - PermalienPhoto de Chantal Brunel

S'il y avait plus de femmes dans l'hémicycle, on y entendrait moins de vociférations !

La volonté de ses agresseurs était de tuer. Je veux rappeler que la Seine-et-Marne a connu trois décès de policiers au cours des trois derniers mois de l'année dernière.

Debut de section - PermalienPhoto de Chantal Brunel

Monsieur le ministre, je souhaite vous poser deux questions : le maire de Noisiel, comme ceux d'autres communes avoisinantes, sont hostiles à la vidéoprotection et à une police municipale significative.

Debut de section - PermalienPhoto de Chantal Brunel

Pour eux, la sécurité est l'affaire de l'État, et non des maires. Comment pouvons-nous inciter les maires à améliorer la sécurité de leur ville ? (Protestations sur les bancs du groupe GDR.)

Deuxième question : je suis consciente de la nécessité de réduire les dépenses de l'État, mais face à la montée de l'insécurité, ne serait-il pas possible de sanctuariser les effectifs de police et de gendarmerie, et de reprendre les investissements dans le domaine de la sécurité ? En ce jour hautement symbolique, je vous le demande avec vigueur, car les femmes sont les premières victimes, et les plus fragiles face à la montée de l'insécurité. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

La parole est à M. Claude Guéant, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration.

Debut de section - PermalienClaude Guéant, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration

Vous le disiez, madame Brunel, trop souvent policiers et gendarmes sont la cible de violences gratuites et inexcusables. C'était le cas jeudi dernier à Noisiel, où un fonctionnaire des CRS a été la victime de ce qu'il faut bien appeler une tentative de meurtre. Je voudrais dire que ses agresseurs seront interpellés, et déférés à la justice.

La mission du ministre de l'intérieur est simple, au moins dans l'expression : assurer la sécurité et la tranquillité de ses concitoyens. Pour ce faire, il faut des moyens, c'est vrai.

Debut de section - PermalienClaude Guéant, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration

Chacun connaît les impératifs de la maîtrise de nos finances publiques. Ceci dit, je peux vous affirmer que nous compterons 4 500 postes de plus qu'en 2001, et qu'en 2011, nous aurons autant de fonctionnaires et de militaires sur le terrain qu'en 2010.

Mais il faut aussi, pour parvenir à nos fins, que tous ceux qui peuvent apporter une contribution à l'oeuvre commune de sécurité unissent leurs efforts. La sécurité est l'affaire de tous, et elle est le résultat de la contribution de tous ceux qui ont à jouer un rôle.

À ce titre, la vidéosurveillance est effectivement un objectif.

Debut de section - PermalienClaude Guéant, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration

C'est un objectif au service de la sécurité.

Mon but est qu'à la fin de cette année, nous comptions 45 000 caméras. Il faut aussi que les polices municipales se voient confortées, et c'est la politique du Gouvernement.

Enfin, je souhaite également qu'il soit fait une application beaucoup plus large et beaucoup plus générale des lois de 2007 sur la protection de l'enfance et sur la prévention de la délinquance. Il faut que les élus, que les maires, que les conseillers généraux, s'emparent de toutes les potentialités qui leur sont ainsi données, en association avec les services de l'État qui, évidemment, ne réfutent pas leurs responsabilités. Ce sera pour le plus grand bien de la sécurité de nos concitoyens. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Agression d'un CRS à Noisiel

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures, est reprise à seize heures vingt-cinq, sous la présidence de M. Bernard Accoyer.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La conférence des présidents, réunie ce matin, a arrêté pour la semaine du 29 mars les propositions d'ordre du jour suivantes :

Mardi 29 mars, l'après-midi, après les questions :

Débat sur les conséquences environnementales de l'exploitation des huiles et gaz de schiste en France.

Mercredi 30, l'après-midi, après les questions :

Débat sur la mise en oeuvre de la loi du 24 novembre 2009 relative à l'orientation et à la formation professionnelle tout au long de la vie ;

Débat sur "Europe et Méditerranée".

Jeudi 31, l'après-midi :

Débat sur l'application de la loi du 21 juillet 2009 "Hôpital, patients, santé et territoires".

Il n'y a pas d'opposition ?

Il en est ainsi décidé.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

L'ordre du jour appelle les explications de vote au nom des groupes et le vote par scrutin public sur l'ensemble des projets de loi organique et ordinaire, relatifs au Défenseur des droits (nos 3143, 3153, 3144, 3154)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

Dans les explications de vote, la parole est à M. Claude Bodin, pour le groupe UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Bodin

Monsieur le président, monsieur le ministre chargé des relations avec le Parlement, mes chers collègues, nous nous apprêtons à voter deux textes d'une grande importance, puisqu'il s'agit d'instituer une entité unique chargée de défendre les droits de nos concitoyens. En effet, la multiplication des autorités administratives nuit tant à leur visibilité qu'à leur efficacité. Il est nécessaire d'y remédier.

La création d'un Défenseur des droits constitue à ce titre une avancée fondamentale dans la protection des droits et des libertés en France, à l'image des différentes entités semblables existant dans toute l'Europe. À l'issue de deux lectures, le Sénat et l'Assemblée nationale sont tombés d'accord sur un certain nombre de dispositions, concernant notamment le statut ou les moyens d'informations du Défenseur des droits. Néanmoins, des points de divergence demeurent, qui rendent nécessaire la réunion d'une commission mixte paritaire.

Je souhaite revenir sur plusieurs points.

D'abord ce texte est une parfaite illustration de la co-production législative. En effet, le Parlement l'a considérablement enrichi. Nous avons ainsi élargi le périmètre d'action du Défenseur des droits. Il regroupera les compétences du Défenseur des enfants, du Médiateur de la République, de la Commission nationale de déontologie de la sécurité et de la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité.

Ensuite, la nouvelle entité bénéficiera de moyens conséquents, afin de faire face à l'étendue de ses missions. Je pense en particulier à son pouvoir de médiation, à la possibilité de saisir l'autorité investie du pouvoir d'engager des poursuites disciplinaires ou encore à la consultation possible du Conseil d'État sur l'interprétation d'un texte.

Enfin, nous avons décidé la création d'adjoints spécialisés dans les principaux domaines d'intervention du Défenseur des droits. Sont en outre prévus des collèges pour lui apporter une expertise technique. Néanmoins, cette organisation interne doit se faire dans le respect de la Constitution qui prévoit que ces derniers assistent le Défenseur des droits dans ses missions.

Tout au long de l'examen de ce texte l'opposition a fait preuve d'une très grande méfiance à l'égard du Défenseur des droits, en cherchant à le brider dans son action.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Bodin

Celui-ci, autorité d'assise constitutionnelle, ne doit pas être un simple coordonnateur et nous ne devons pas le marginaliser. Nous devons au contraire lui donner les outils pour être le garant efficace des droits et des libertés des Français.

Les deux textes soumis aujourd'hui à notre vote constituent une étape importante pour la protection des droits de nos concitoyens. C'est la raison pour laquelle le groupe UMP les votera avec détermination et enthousiasme. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à Mme Catherine Coutelle, pour le groupe SRC.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Coutelle

Monsieur le président, monsieur le ministre chargé des relations avec le Parlement, mes chers collègues, dans quelques instants le scrutin viendra clore le long débat que nous avons eu sur le Défenseur des droits avant la CMP.

Ces deux textes vont regrouper en une seule institution le Médiateur de la République, le Défenseur des enfants, la HALDE et la CNDS.

Depuis un an, vous avez tenté de légiférer contre ces autorités, contre les associations, contre les parlementaires de l'opposition et, même parfois, contre ceux de votre majorité.

Si la concertation n'est pas la marque de fabrique de votre Gouvernement,…

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Coutelle

…nous continuons de penser que ce projet est une belle idée gâchée. C'est précisément parce que vous n'avez pas voulu entendre les cris d'alerte du monde associatif et politique, que nous sommes aujourd'hui si inquiets.

Alors que nous avons tous vu, dans la réforme constitutionnelle, la possibilité d'un progrès démocratique, nous aboutissons aujourd'hui à une régression dangereuse pour les droits et les libertés.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Coutelle

Grâce aux sénateurs, vous avez compris que le contrôleur général des lieux de privation de liberté ne pouvait être dissous dans cette superstructure. Mais pour toutes les autres autorités, vous avez refusé d'admettre les nombreux problèmes posés par ces dispositions.

Je prendrai l'exemple du Défenseur des enfants. En dépit de l'alarme donnée par l'actuelle Défenseure, des interpellations du réseau européen de défense des droits des enfants, de l'important travail mené par l'Unicef, de nos protestations et des amendements déposés par certains députés de la majorité en deuxième lecture, vous n'avez pas voulu modifier ces textes.

La suite de l'histoire est connue. En procédant ainsi, c'est-à-dire en arrachant un vote dans la protestation générale, vos textes ne sont guère durables. S'ils ne sont pas sanctionnés par le Conseil constitutionnel, ces projets de loi connaîtront une application difficile. Dans quelques mois, vous constaterez les erreurs commises et vous devrez peut-être procéder à des ajustements, comme ce fut le cas pour d'autres textes.

Notre première interrogation a porté sur la lisibilité et l'efficacité du Défenseur des droits aux missions si larges. Alors que les comités internationaux saluent les efforts faits en France depuis dix ans pour entendre la voix des enfants, nous serons le premier pays d'Europe à supprimer l'indépendance de leur défenseur. La HALDE, que l'un d'entre vous citait comme « une étape fondamentale pour notre pacte républicain », a rendu plus compréhensible la notion de discrimination et traite un nombre considérable de plaintes, 10 000 par an. Les dispositions des deux textes affaiblissent des autorités qui commençaient à trouver toute leur place.

Ensuite, notre principale inquiétude porte sur la question démocratique : la concentration du pouvoir et l'indépendance du Défenseur.

Le rapporteur au Sénat disait qu'il « ne fallait pas que le Défenseur des droits se transforme en un dictateur des droits ayant tous les pouvoirs ». Les conditions de nomination ne sont pas de nature à nous rassurer tout comme elles inquiétaient, il y a un an déjà, la commission nationale consultative des droits de l'homme.

En désignant le Défenseur en conseil des ministres sur proposition du Président de la République, vous le privez d'une autorité, d'une légitimité et d'une indépendance indispensables qu'aurait pu garantir une élection à la majorité positive des trois cinquièmes du Parlement.

Non seulement vous n'avez pas entendu l'opposition, mais vous avez surtout cherché à renforcer le contrôle que vous exercerez sur le Défenseur.

Le Sénat avait rétabli la consultation systématique des collèges, renforcé le rôle des adjoints et obligé le défenseur à motiver ses avis. Dans un bras de fer déroutant, vous avez rétabli le pouvoir absolu et solitaire de l'homme ou de la femme qui aura à traiter tous les dossiers sans avoir à justifier ses refus.

Encore ces dernières semaines, des députés de votre majorité ont tenté d'apporter un peu de collégialité dans les décisions et d'éviter l'arbitraire en demandant de motiver les refus de saisines.

Malgré quelques améliorations, le texte final vous conforte dans votre objectif de faire taire ceux qui dérangent.

Je m'adresse aux parlementaires de la majorité qui ont pu parfois être gênés par ces dispositions. Je veux leur dire que le texte, dans sa version finale, reste dangereux pour notre République, et qu'il constitue, comme nous l'avions craint, un vrai recul pour les droits et les libertés des citoyens.

Vous deviez convaincre et rassembler. Or la population et ceux qui oeuvrent pour la défense des droits s'inquiètent de cette réforme.

Aussi, le groupe socialiste, radical et citoyen votera contre ces deux projets de loi. Nous vous donnons rendez-vous dans un an pour voir si le Défenseur des droits aura travaillé sur les discriminations dont sont victimes les femmes au travail, comme le fait aujourd'hui la HALDE. Pour voir si le Défenseur des droits aura publié un rapport sur l'enfance et la précarité, comme vient de le faire la Défenseure des enfants, et continuera à dénoncer la présence d'enfants en centres de rétention. Pour voir si le Défenseur des droits s'emparera de la question de la garde à vue.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Coutelle

Nous ne pouvons nous empêcher de penser que les autorités indépendantes qui jouaient leur rôle de contrepouvoir vous gênaient.

Et, sans attendre un an, nous souhaitons que l'Assemblée rejette ces projets de loi. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.

La parole est à Mme Marie-George Buffet, pour le groupe GDR.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-George Buffet

Monsieur le président, monsieur le ministre, chers collègues, nous avons tout à l'heure évoqué les nombreuses discriminations dont sont victimes les femmes.

La Haute autorité de lutte contre les discriminations s'est, à plusieurs reprises, saisie de ces discriminations subies par les femmes, notamment au moment du débat sur les retraites et, plus récemment, à propos des inégalités professionnelles. Je rappelle ces exemples pour souligner que la lutte pour le respect des droits et libertés est toujours d'actualité dans notre pays.

Les libertés et les droits qui fondent notre modèle républicain étaient au coeur des missions des autorités indépendantes que vous voulez aujourd'hui supprimer.

La HALDE, la Commission nationale de déontologie de la sécurité, le Défenseur des enfants et le Médiateur de la République ont un bilan remarquable, reconnu par nos concitoyens, salué par les institutions internationales. Garantir dans la Constitution l'autorité de chacune d'elle aurait constitué un réel progrès pour notre démocratie. Renforcer leurs moyens financiers et leurs pouvoirs juridiques l'aurait été tout autant. Telle n'est assurément pas votre démarche, monsieur le ministre, ni celle de votre majorité.

Sous couvert de réforme de la Constitution, nous assistons en fait à une véritable régression. Les autorités indépendantes sont remplacées par un Défenseur des droits, nommé par le président de la République et chargé de l'ensemble du champ de compétences de ces autorités. Les adjoints du Défenseur des droits seront nommés par le Premier ministre. Ils ne présideront pas les collèges liés à leurs compétences, ne traiteront les saisines que sur délégation et ne pourront même pas publier librement un rapport !

Cette hypercentralisation ne constitue pas un progrès pour la défense des droits. Nous avons pourtant abordé ce débat avec un esprit positif, constructif comme en témoignent les très nombreuses propositions d'amélioration du texte. Mais vous n'avez pas voulu prendre en compte un seul de nos amendement qui s'appuyait pourtant sur le riche bilan des autorités indépendantes, pas plus que ceux qui émanaient de votre propre majorité.

Je pense en particulier à certaines avancées qui avaient été inscrites dans le texte améliorant la visibilité du Défenseur des enfants. Balayée aussi, la compétence donnée au Défenseur des droits d'organiser une action collective devant le juge administratif, ce qui constituait pourtant une réelle avancée. Alors que ces avancées avaient été majoritairement approuvées après des débats approfondis, le Gouvernement a demandé une nouvelle délibération, mercredi soir.

Vous avez été tellement fermés au débat que vous avez même refusé que les rapports du Défenseur des droits soient publiés au Journal officiel. Votre refus de débattre porte atteinte à la crédibilité même du Défenseur des droits que vous instituez.

En fait, vous ne supportez pas d'avoir à faire face à des autorités réellement indépendantes Leurs rapports, avis et recommandations vous gênent. J'ai rappelé le rôle de la HALDE ; mais je pense aussi aux rapports, avis et recommandations du Médiateur de la République, qui mettent en relief les effets négatifs de la RGPP sur le fonctionnement des services publics ou encore ceux du Défenseur des enfants sur la pauvreté infantile.

Au lieu de les renforcer, votre projet de loi organise la faiblesse et la confusion des missions de protection des droits et libertés. Faiblesse pour cause de bureaucratisation et de centralisation du contrôle, là où la spécialisation et la proximité faisaient la force et l'efficacité des autorités indépendantes. Confusion par un mélange des genres entre résolution à l'amiable de conflits entre citoyens et administration et contrôle du respect de la dignité et de l'intégrité physique et psychique des personnes.

Monsieur le ministre, votre Gouvernement sera celui de la disparition pure et simple de la HALDE, de la CNDS, du Médiateur de la République et du Défenseur des enfants, autant de points d'appui démocratiques sur lesquels ces projets de loi tirent un trait. Nous vivons un instant grave. C'est la raison pour laquelle, les députés du groupe GDR ne voteront pas ces deux textes de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR et sur quelques bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Michel Hunault, pour le Nouveau centre.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Hunault

Monsieur le président, monsieur le ministre, la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008 a introduit dans la Constitution un nouveau titre consacrant l'existence d'un Défenseur des droits et prévoyait de renvoyer à une loi organique la définition, les attributions et les modalités d'intervention du Défenseur des droits.

En deuxième lecture, comme en première lecture, les députés du Nouveau Centre ont essayé d'apporter leur contribution sur les contours des missions du Défenseur des droits, qui a pour vocation de remplacer les autorités indépendantes. La discussion parlementaire a permis de maintenir l'existence du contrôleur général des lieux de privation de liberté. Nous avons en outre décidé de fusionner trois autorités indépendantes.

Beaucoup de questions ont été posées au cours des débats. Le Gouvernement et le rapporteur ont répondu à ces légitimes interrogations et nous sommes arrivés à un texte d'équilibre. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Nombre de ces questions concernaient le Défenseur des enfants. C'est grâce à la mobilisation d'un certain nombre de députés que le Défenseur des enfants reste clairement identifié. Nous avons essayé de défendre sa spécificité, en ce qui concerne notamment la saisine. Avoir des collèges identifiés permettra de répondre à ces légitimes préoccupations.

La discussion parlementaire a été l'occasion de rendre hommage au travail accompli par les autorités indépendantes qui vont être fusionnées. Je pense au Médiateur de la République, au Défenseur des enfants, qui ont fait un travail remarquable. La création du Défenseur des droits a été décidée par le constituant. Reste aujourd'hui à encadrer ses missions. C'est ce que prévoit la loi organique.

Le choix de la personnalité qui deviendra le Défenseur des droits est important, compte tenu de sa mission particulière. Nous devons rester vigilants sur les questions qui ont été soulevées et sur le rôle des collèges pour répondre à ces interrogations. Tel est le sens du vote des députés du Nouveau Centre. (Applaudissements sur les bancs du groupe NC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

Nous allons procéder successivement à deux votes. En premier lieu, je mets aux voix le projet de loi organique relatif au Défenseur des droits.

(Il est procédé au scrutin.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants 539

Nombre de suffrages exprimés 532

Majorité absolue 267

Pour l'adoption 325

Contre 207

(Le projet de loi organique est adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

Nous allons maintenant procéder au scrutin public sur l'ensemble du projet de loi relatif au Défenseur des droits.

(Il est procédé au scrutin.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants 542

Nombre de suffrages exprimés 535

Majorité absolue 268

Pour l'adoption 325

Contre 210

(Le projet de loi est adopté.)

Vote sur l'ensemble du projet de loi

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures quarante-cinq, est reprise à seize heures cinquante, sous la présidence de M. Marc Laffineur.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

L'ordre du jour appelle la discussion du texte de la commission mixte paritaire sur les dispositions restant en discussion du projet de loi portant diverses dispositions d'adaptation de la législation au droit de l'Union européenne en matière de santé, de travail et de communications électroniques (3183).

La parole est à Mme Cécile Dumoulin, rapporteure de la commission mixte paritaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Cécile Dumoulin

, rapporteure de la commission mixte paritaire. Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, nous voici parvenus au terme de l'examen parlementaire du projet de loi portant diverses dispositions d'adaptation de la législation française au droit communautaire en matière de santé, de travail et de communications électroniques.

Je tiens d'abord à remercier les administrateurs qui ont travaillé sur ce texte, qu'ils soient de la commission des affaires sociales ou de celle des affaires économiques.

Au terme d'un processus législatif relativement court, le Gouvernement ayant eu recours à la procédure accélérée, nous avons, avec nos collègues sénateurs, adopté un texte très technique, au contenu varié, qui permet d'assurer la compatibilité de notre droit national avec les obligations européennes.

Avant de vous présenter les principaux points d'accord trouvés en commission mixte paritaire, il me semble nécessaire de vous rappeler les principaux objectifs et enjeux de ce texte.

En premier lieu, il s'agit de remplir l'obligation constitutionnelle d'application du droit européen et de réduire l'important retard de transposition pris par la France. En effet, notre pays a accumulé un retard global de transposition s'élevant à 1,2 %, alors que l'objectif fixé par la Commission européenne est de 1 % de déficit maximum. Il faut rappeler que cet objectif est respecté par dix-huit États membres sur vingt-sept.

Or ce retard peut occasionner des sanctions financières lourdes à l'encontre de notre pays, en plus de l'insécurité juridique qu'il crée. Les États membres peuvent être condamnés à payer des amendes et des astreintes dès lors que le recours en manquement engagé par la Commission européenne est acté. Je rappelle que le montant minimal de l'amende a été fixé à 10 millions d'euros et celui des astreintes journalières à 12 000 euros.

Debut de section - PermalienPhoto de Cécile Dumoulin

Nous avons ainsi poursuivi la transposition de la directive « Services » du 12 décembre 2006 dans différents secteurs d'activité, celle-ci ayant pour objectif de promouvoir le libre établissement et la libre prestation de services au sein du marché intérieur, ainsi que la directive du 7 septembre 2005 sur la reconnaissance des qualifications professionnelles.

La France a fait le choix d'une transposition sectorielle et non transversale. C'est une procédure certes beaucoup plus longue et fastidieuse, mais qui est la plus adaptée à notre droit national.

En second lieu, ce projet de loi vise à améliorer la législation existante. Je pense en particulier aux articles qui permettent un encadrement effectif de la revente des dispositifs médicaux généraux et de diagnostic in vitro ainsi qu'un meilleur contrôle des organismes de vérification des installations techniques funéraires.

L'Assemblée nationale a débattu de ce texte, tant en commission qu'en séance publique, avec une même préoccupation : ne pas rendre encore plus complexe notre droit.

C'est pourquoi, sur mon initiative, a été supprimée la licence pour vendre des boissons sans alcool pour l'ensemble des débits de boissons et des restaurants et ont été harmonisés les délais de déclaration administrative en cas de déménagement de ces établissements.

Notre assemblée a veillé également à ce que la transposition des directives européennes s'effectue avec toutes les garanties juridiques nécessaires. Ainsi, a été introduit au niveau législatif, lors de l'examen du projet de loi en commission des affaires sociales, le principe d'une sanction du nouveau système de prévention des conflits d'intérêts dans les agences de mannequins – ce qui a permis de répondre à plusieurs demandes.

Le troisième volet de ce texte, qui a été débattu aussi bien à l'Assemblée qu'au Sénat, était consacré à la transposition sous forme d'ordonnance du troisième paquet Télécom.

Le choix du Gouvernement de recourir aux ordonnances est justifié par la faible marge de manoeuvre possible pour la transposition de ces directives, et les délais très courts qui sont impartis.

Je dois rappeler à mes collègues que le Gouvernement a travaillé en totale transparence….

Debut de section - PermalienPhoto de Cécile Dumoulin

Un avant-projet a été mis en ligne dès le mois de mai 2010 et le Gouvernement a tenu ses engagements de transmettre le projet d'ordonnance stabilisée avant la séance publique du mois de janvier.

Je tiens ici à saluer l'important travail fourni par la commission des affaires économiques et sa rapporteure pour avis, Laure de La Raudière, sur les articles relatifs aux télécommunications, un secteur clé pour le développement économique de notre pays.

La rapporteure a ouvert le débat sur la neutralité d'internet, sujet d'importance au regard du formidable marché que représente cet outil et on ne peut que se féliciter de cette avancée.

La commission des affaires économiques a encadré le champ de l'habilitation du Gouvernement à prendre des mesures complémentaires à celles prévues dans le troisième « paquet télécoms » en matière de sécurité, et elle a mis en conformité les règles législatives relatives à l'attribution des noms de domaines en .fr avec la jurisprudence du Conseil constitutionnel.

J'en viens aux décisions qui ont été prises par la commission mixte paritaire réunie le 16 février et aux principales modifications apportées au texte que nous avions voté en séance publique le 13 janvier.

La commission a adopté l'article 2 bis A, introduit au Sénat. Cet article instaure un mécanisme de solidarité financière entre certaines communes, en matière de frais de tenue d'état civil et de police des funérailles, au bénéfice des communes de petite taille abritant un établissement public de santé comportant une maternité. Bien que ne correspondant pas exactement à l'esprit du projet de loi, cet article est cependant tout à fait justifié.

L'article 5 bis a été adopté en CMP dans sa rédaction issue de la séance publique du Sénat. Il prévoit que les établissements et organismes fabriquant à façon des médicaments de thérapie innovante se conforment à des exigences de sécurité sanitaire semblables à celles requises pour les médicaments faisant l'objet d'une autorisation de mise sur le marché. Il interdit aux établissements de santé de créer en leur sein des établissements pharmaceutiques.

Ces modifications permettent de satisfaire à deux objectifs, tout aussi légitimes l'un que l'autre : d'un côté, permettre le développement des médicaments de thérapie innovante dans l'intérêt des patients qui en ont besoin et pour lesquels il peut s'agir d'un dernier recours ; de l'autre, encadrer ce développement pour assurer la plus grande sécurité sanitaire qui soit.

Des modifications importantes ont été apportées sur les communications électroniques, la CMP ayant adopté trois articles introduits au Sénat.

L'article 11 bis, relatif à la neutralité des réseaux, habilite le ministre chargé des communications électroniques et l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes à veiller à l'absence de discriminations dans les relations entre opérateurs et fournisseurs de services de communications au public en ligne.

L'article 12 ter prévoit que doivent être précisées par décret les modalités de communication, à l'État et aux collectivités territoriales, des informations relatives à l'implantation et au déploiement des infrastructures et des réseaux des gestionnaires d'infrastructures et des opérateurs de communications électroniques.

L'article 14 bis dispose que, dans le cadre de l'enseignement d'éducation civique, les élèves soient formés à développer une attitude critique et réfléchie vis-à-vis de l'information disponible et qu'ils soient informés des moyens de maîtriser leur image publique, des dangers de l'exposition de soi et d'autrui et de leurs droits d'opposition, de suppression, d'accès et de rectification.

En deuxième lieu, sur le fond, la CMP a retenu la suppression, votée en séance publique au Sénat, de l'article 13 du projet de loi qui instaurait un commissaire du Gouvernement auprès de l'ARCEP. Ce commissaire n'existe plus.

Enfin, la CMP a choisi de supprimer l'article 12 bis A, introduit au Sénat et relatif à la mesure des zones couvertes en téléphonie mobile, ayant jugé que ses dispositions étaient excessives et source de difficultés juridiques.

Mes chers collègues, ce texte est le fruit d'un travail fructueux fait par les deux assemblées et il nous permettra de tenir nos engagements vis-à-vis de l'Union européenne. Je vous invite à l'adopter (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

La parole est à Mme Nora Berra, secrétaire d'État chargée de la santé.

Debut de section - PermalienNora Berra, secrétaire d'état chargée de la santé

Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, je tiens tout d'abord à remercier Mme la rapporteure, Cécile Dumoulin, pour la qualité du travail réalisé sur le projet de loi portant diverses dispositions d'adaptation de la législation au droit de l'Union européenne en matière de santé, de travail et de communications électroniques.

Le titre du projet dit de façon explicite la variété des sujets abordés. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle je n'ai pas été la seule à porter ce projet de loi : d'autres ministres, Xavier Bertrand, bien sûr, mais également Roselyne Bachelot, Frédéric Mitterrand et Éric Besson ont porté les dispositions du projet de loi qui relevaient de leurs compétences.

Mais cette variété ne doit pas masquer notre objectif commun. Il est de notre devoir de mettre notre droit national en conformité avec les obligations résultant du droit de l'Union européenne. Nous devons combler les retards de notre pays en matière de transposition de plusieurs directives.

C'était bien l'objectif de ce projet de loi : nous permettre d'achever la transposition de plusieurs directives d'importance majeure, en particulier la directive « Services » et la directive « Qualification ».

Vous avez exprimé à plusieurs reprises, dans cette assemblée comme au Sénat, les difficultés engendrées par l'examen de ce texte aux facettes multiples dans un délai si contraint. Nous en sommes conscients : la tâche était ardue, mais vous avez su en mesurer et l'enjeu et l'importance.

Pour la directive « Services » par exemple, qui, je le répète, n'incite en aucun cas au moins-disant social,…

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Ce ne sera plus le plombier polonais qu'on craindra, mais le plombier islandais !

Debut de section - PermalienNora Berra, secrétaire d'état chargée de la santé

…une grande partie des dispositions ont déjà été transposées dans le cadre de plusieurs textes de loi, comme la loi du 4 août 2008 de modernisation de l'économie ou encore la loi du 22 juillet 2009 de développement et de modernisation des services touristiques. Mais, d'autres n'ont pas encore pu être adoptés définitivement.

Or, nous avons depuis longtemps dépassé la date butoir du 28 décembre 2009. À défaut d'une transposition complète de la directive « Services », nous risquons une condamnation en manquement, assortie d'une amende de plusieurs millions d'euros. Ce projet de loi est donc nécessaire ; il est même indispensable.

Je vais revenir rapidement sur le contenu de ce texte.

Pour transposer la directive « Services », l'article 1er modifie la réglementation des débits de boisson : il prévoit une déclaration administrative unique qui encadrera de manière harmonisée l'ensemble des lieux de vente de boissons alcooliques, dans le souci de garantir la santé et l'ordre public. Comme je l'ai exprimé à plusieurs reprises, cette déclaration n'engendrera aucun coût supplémentaire pour les mairies.

L'article 2 simplifie la réglementation sur la revente des dispositifs médicaux d'occasion. Il impose cependant de s'assurer que chacun de ces dispositifs a fait l'objet d'un certificat de conformité.

L'article 2 bis fait de même pour les dispositifs médicaux in vitro, avec, là encore, pour souci premier la sécurité sanitaire.

L'article 3 aménage le dispositif d'évaluation de l'activité des établissements et services sociaux et médico-sociaux.

L'article 4 simplifie l'accès aux activités de contrôle des installations techniques funéraires.

L'article 6, relatif aux entrepreneurs de spectacle, simplifie les procédures applicables aux opérateurs communautaires intervenant à titre temporaire ou occasionnel sur le territoire national.

L'article 7 facilite l'activité en France des sociétés d'architecture d'un État membre de l'Union européenne. Il maintient cependant les conditions de qualification requises pour l'exercice de la profession d'architecte.

L'article 8, relatif aux agences de mannequins, introduit un régime déclaratif pour les agences intervenant dans le cadre de la libre prestation de service. Il supprime également les incompatibilités professionnelles pour les salariés, dirigeants et associés des agences, car ces incompatibilités sont contraires à la directive « Services ». Il leur impose, cependant, de prendre toutes mesures nécessaires pour garantir la défense des intérêts des mannequins qu'elles emploient et éviter les situations de conflit d'intérêts.

Enfin, les articles 9 et 10 du projet de loi viennent transposer la directive du 7 septembre 2005 relative à la reconnaissance des qualifications professionnelles pour les professeurs de danse et les assistants de service social.

Comme vous le voyez, cette transposition ne se fait pas d'une manière aveugle : nous veillons à préserver nos intérêts et à maintenir les garanties qui peuvent légitimement être exigées pour les professions concernées.

Ce texte nous permet aussi de compléter notre adaptation à d'autres dispositions du droit européen, pour éviter, dans ces cas également, d'être une nouvelle fois exposé à des condamnations financières.

Ainsi, l'article 5 complète la transposition de la directive du 31 mars 2004 relative aux médicaments traditionnels à base de plantes, en nous permettant de tenir les délais prévus. Il ne s'agit pas – j'insiste sur ce point – de permettre la mise sur le marché de nouveaux médicaments de ce type sans autorisation.

L'article 5 bis adapte le droit national au règlement du 13 novembre 2007 relatif aux médicaments de thérapie innovante. Cet article a fait l'objet de longues discussions.

Ces échanges fructueux ont permis à la fois de garantir la sécurité sanitaire et de répondre aux besoins des malades. En effet, d'une part, les établissements de santé ne pourront devenir des établissements pharmaceutiques, leur vocation n'étant pas de commercialiser à grande échelle des médicaments ; d'autre part, pour les médicaments de thérapie innovante fabriqués à façon, le niveau de sécurité sanitaire exigé sera identique à celui requis pour les médicaments soumis à autorisation de mise sur le marché communautaire.

Debut de section - PermalienNora Berra, secrétaire d'état chargée de la santé

L'article 5 ter complète la transposition de la directive du 15 février 2006 concernant la gestion de la qualité des eaux de baignade.

L'article 5 quinquies habilite le Gouvernement à mettre en cohérence les dispositions nationales avec celles prévues par le règlement du 30 novembre 2009 relatif aux produits cosmétiques.

L'article 14 habilite le Gouvernement à transposer la directive du 6 mai 2009 relative aux comités d'entreprise européens ; elle doit l'être avant juin prochain. S'agissant de cette directive, nous travaillerons, bien sûr, en concertation avec les partenaires sociaux.

Enfin, l'adoption du chapitre III du projet de loi relatif aux communications électroniques va permettre de transposer le nouveau cadre réglementaire européen, dit paquet Télécom.

Je me félicite du vote conforme dont a fait l'objet l'article de loi d'habilitation du gouvernement.

Les travaux de la commission mixte paritaire ont conduit à l'adoption d'un nouvel article L. 45 qui encadre la gestion des noms de domaine en .fr. Ce nouvel article répond aux préoccupations que le Conseil constitutionnel avait exprimées en octobre dernier.

Ces travaux ont inscrit, dans les objectifs généraux de régulation, un principe de non-discrimination dans l'acheminement du trafic sur les réseaux. Cet objectif pourrait être complété, à la suite des conclusions des travaux sur la Net neutralité, en cours d'élaboration aux plans national et européen.

Enfin, le Gouvernement a pris acte du rejet de l'amendement qu'il avait déposé, proposant la création d'un commissaire du Gouvernement auprès de l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes – ARCEP –, dont il reste convaincu du bien-fondé. Avec cet amendement, le Gouvernement ne faisait qu'appliquer une proposition du Parlement et mettre en oeuvre une recommandation du Conseil d'État, et restait respectueux du droit européen. La présence d'un commissaire du Gouvernement aurait été un gage de transparence et aurait permis un dialogue renforcé. Ce dernier est rendu indispensable par les pouvoirs réglementaires de plus en plus imbriqués que la loi confère au Gouvernement et à l'ARCEP.

Comme je l'ai dit à plusieurs reprises, ces transpositions sont urgentes, et vous en avez bien mesuré l'importance. Je crois que l'on peut se satisfaire de l'équilibre du projet tel qu'issu de la CMP et je tiens à vous remercier pour la qualité des débats et du travail parlementaire.

Le Parlement apporte ainsi une réponse efficace, en nous permettant de tenir nos engagements sur le plan du droit communautaire, dans le respect de notre modèle social. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

Dans la discussion générale, la parole est à M. Roland Muzeau.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland Muzeau

Madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, la méthode qui a présidé au cheminement de ce texte marque votre impéritie et confirme un cynisme politique sans bornes, car elle n'a pas permis à la représentation nationale d'exercer ses prérogatives.

Vous l'avez d'ailleurs reconnu, madame la secrétaire d'État, dans la présentation que vous fîtes nuitamment devant notre assemblée en janvier. Je vous cite : Nous « devons mettre notre droit national en conformité avec les obligations résultant du droit communautaire. Nous devons combler les retards de notre pays en matière de transposition de plusieurs directives. Et nous savons bien que nous ne pouvons plus attendre. ». Pour toute justification, vous ajoutiez : « D'abord, ces retards ont un coût pour nos finances publiques, [...] Ensuite, ces retards nous mettent dans une forte insécurité juridique, puisque les citoyens de l'Union européenne peuvent désormais attaquer un État pour déficit de transposition. »

À moins qu'ils ne soient une reconnaissance implicite de l'incompétence du Gouvernement auquel revient la responsabilité de transposer les textes européens, vos arguments éclipsent de manière opportune la nature des desseins de ce Gouvernement, de sa majorité et des institutions libérales européennes !

Peut-être aurait-il été urgent d'attendre que la France, qui se place au quinzième rang des pays européens en matière de transposition, soit menacée de sanctions financières, ces dernières se comptant en millions d'euros ?

Mais peut-être avez-vous délibérément souhaité faire passer ces dispositions dans l'urgence pour éviter toute contestation de la part de nos concitoyens, toute mobilisation des partenaires sociaux et forcer une fois de plus le Parlement à délibérer à la va-vite sur un texte l'obligeant à renoncer à ses prérogatives, comme en témoignent les recours aux ordonnances en vertu de l'article 38 de la Constitution qui jalonnent ce texte !

Une procédure « normale » vous aurait certainement permis d'envisager de recourir à des voies de transposition plus respectueuses des droits du Parlement et des parlementaires, droits que vous avez soit disant revalorisés. Elle aurait également permis de procéder à des concertations avec les professionnels et les usagers visés par le texte...

Le fond ne vaut guère mieux que la méthode choisie : on balaye dans un même texte des sujets aussi divers et hétéroclites que la réglementation de la profession de mannequin, la question des ventes de boissons à emporter, la réglementation des eaux de baignade, les comités d'entreprise européens, le troisième paquet Télécom, l'éducation civique à Internet ou, encore, les médicaments traditionnels à base de plantes. Prévert n'eut pas mieux fait !

Cet amas législatif sur des sujets aussi disparates nous fait perdre de vue l'essentiel du projet : contrairement à nombre de nos partenaires européens, qui ont opté pour une transposition transversale, vous nous imposez une transposition sectorielle de la directive de 2006 relative aux services dans le marché intérieur.

Dans tous les textes qui jalonnent votre vaste entreprise de dérégulation libérale – de la loi de modernisation économique à la loi « Hôpital, patients, santé et territoires », en passant par la privatisation d'EDF et de la Poste –, vous minimisez les enjeux qu'ils représentent pour notre modèle social et vous mentez sur les effets induits. Et vous nous demandez aujourd'hui, par-dessus le marché – passez-moi l'expression ! –, de vous donner un blanc-seing pour légiférer par voie d'ordonnance !

La raison d'un tel cynisme est simple : Il révèle le manque de courage de votre majorité, qui est incapable d'assumer ses choix politiques devant le peuple et fait tout pour ne pas relancer la contestation de très nombreuses catégories professionnelles contre une directive dont le but ultime réside dans la suppression des entraves à la libre concurrence, socle idéologique d'une Europe à la botte des marchés.

La potion Bolkestein rebaptisée directive « Services », diluée dans des textes aussi opaques que parcellaires, n'en est pas moins amère. Au fond, il s'agit ni plus ni moins d'agir contre l'avis des peuples et de mettre les législations nationales au service de l'économie, de la rentabilité, de la croissance, de la concurrence libre et non faussée, au détriment des besoins humains et sociaux et des réalités écologiques,

Il faut être aveugle, intéressé ou à l'abri de toute précarité pour nier que ces manoeuvres n'ont pour but la casse rapide de notre système de protection sociale et le détricotage méticuleux de législations protectrices pour les usagers.

Or, depuis 2005, vous savez que le peuple n'est pas aveugle : une majorité de nos concitoyens a rejeté le projet de constitution européenne qui consacrait cette prédominance de l'économie sur l'humain, avant que, par un acte de triste mémoire républicaine, vous le leur imposiez.

Le texte dont la discussion s'achève aujourd'hui n'est que le prolongement de ce brutal déni de démocratie. Ne vous en déplaise, madame la secrétaire d'État, les directives qui se succèdent – et singulièrement la directive « Services » – consacrent un moins-disant social et une Europe à deux vitesses.

Trois exemples tirés de ce texte suffiront à illustrer l'affaiblissement de notre législation sur le plan social. L'article 2 assouplit les modalités d'agrément des organismes intervenant dans la certification et la revente des dispositifs médicaux. Comment être assuré que les organismes certificateurs implantés dans les autres États membres afficheront le même degré d'exigence que celui imposé actuellement par l'AFSSAPS dans un domaine touchant à la santé de nos concitoyens ?

Au nom de la libre prestation des services, l'article 3 vise à modifier le régime d'habilitation des organismes d'évaluation externe des établissements et services sociaux et médico-sociaux pour permettre à des prestataires européens d'exercer de manière temporaire et occasionnelle en France. Ainsi, les organismes établis dans un autre État membre n'auront pas besoin de fournir une habilitation : une simple déclaration d'activité suffira. Comment peut-on être assuré que les organismes d'évaluation des autres États membres affichent le même degré d'exigence que la législation et la réglementation françaises en direction des publics fragiles ?

De même, l'article 10 assouplit le régime de reconnaissance des qualifications professionnelles pour les assistants de service social. Désormais, tout demandeur ressortissant d'un État membre, détenteur d'un titre de formation, sera dispensé de justifier de deux années d'expérience en tant qu'assistant de service social. Un certain nombre de garanties jusqu'alors exigées ne le seront plus, ce qui fait évidemment peser un risque non négligeable sur les publics pris en charge par les assistants de service social.

Ces trois articles sont des exemples frappants d'un désengagement et d'une déresponsabilisation de l'État, au détriment de la sécurité des patients et de la prise en charge des usagers. Ainsi, aux mauvais coups démocratiques succèdent les régressions dans le secteur privé comme dans les services publics, et cela consolide une Europe à deux vitesses qui fait de l'économie libérale son primat, et voue les législations sociales aux gémonies.

Il suffit, pour s'en convaincre, d'observer les différences statutaires des textes européens. La violation ou le défaut de transposition d'une directive européenne entraîne systématiquement des sanctions financières à l'encontre des pays. Or ces directives ont très souvent une dimension économique et visent précisément à consacrer la logique de la libre concurrence et de la sacralisation du monde marchand. À l'inverse, la charte des droits sociaux fondamentaux n'a aucune valeur contraignante, si bien que la non-conformité d'une législation nationale par rapport à celle-ci n'entraîne aucune sanction. La raison de cette distorsion est simple : il s'agit surtout de ne pas faire peser trop de contraintes sur le marché européen pour ne pas entraver la dynamique des échanges, notamment dans le marché intérieur. C'est dire le peu de valeur qu'accordent les promoteurs de l'Europe libérale aux droits sociaux élémentaires reconnus par la charte, sans parler des législations nationales.

La preuve en est que nous votons aujourd'hui, dans une urgence volontaire, des tranches de la directive « Services » pour, selon vos propres termes, madame la secrétaire d'État, « libérer le potentiel de croissance des marchés de services en Europe en éliminant les obstacles juridiques et administratifs injustifiés qui freinent les échanges dans ce secteur ». Dans le même temps, vous refusez de mettre notre droit social en conformité avec les exigences du Comité européen des droits sociaux. Suite à une procédure de réclamation collective engagée par la Confédération générale du travail, ce comité a estimé, dans une décision du 23 juin 2010, que la législation française n'était pas, sur plusieurs points, en conformité avec la charte sociale européenne révisée. Le Comité européen des droits sociaux a ainsi précisé, à l'unanimité de ses membres, que le régime du forfait en jours sur l'année et les mécanismes assimilant les périodes d'astreinte à des périodes de repos contrevenaient respectivement aux articles 2 et 4 de la charte révisée. Or, en huit mois, le Gouvernement n'a rien fait pour conformer notre droit à la décision rendue par ce comité. Pourquoi ? Au nom des députés communistes et du parti de gauche, j'ai adressé un courrier daté du 19 janvier à M. le ministre du travail afin de savoir ce que le Gouvernement comptait faire pour adapter notre législation sociale aux exigences de la charte européenne que nous avons votée. Je n'ai pour l'heure pas reçu la réponse de M. le ministre. C'est pourquoi les députés communistes, républicains et du parti de gauche ont déposé aujourd'hui une proposition de résolution sur cette question.

Cet antagonisme nauséabond, qui fait primer les droits des marchés sur ceux des citoyens en général, et des travailleurs et usagers en particulier, fait désormais partie du patrimoine génétique d'une Union européenne qui a érigé le moins-disant social en mode de gouvernance.

La directive « Services dans le marché intérieur », comme la plupart des directives européennes, ne recherche que la libéralisation de l'économie et le démantèlement des règles protégeant encore les salariés, les acteurs de l'économie notamment sociale, les usagers et les consommateurs. L'Europe devrait protéger. Or elle détruit méthodiquement la protection sociale, avec la bénédiction libérale de la majorité.

C'est en vain que l'on chercherait dans ce texte l'intérêt général qui doit guider toute action politique et législative. Pour toutes ces raisons, les députés communistes, républicains, citoyens et du parti de gauche voteront contre ce projet de loi.

Debut de section - PermalienPhoto de Pascal Brindeau

Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, le projet de loi issu des travaux de la commission mixte paritaire sur lequel nous allons nous prononcer vise à transposer en droit français diverses directives européennes, en vertu de l'obligation constitutionnelle d'application du droit de l'Union européenne et de transposition des directives qui découle de l'article 88-1 de notre Constitution. Il s'agit plus précisément d'achever la transposition de textes aussi importants pour le bon fonctionnement du marché intérieur de l'Union Européenne que la directive « Services », le Paquet Télécom ou les dispositions concernant la reconnaissance des qualifications professionnelles.

Il est certes regrettable que nous devions recourir à des « TGV législatifs » aussi denses pour transposer des textes aussi importants. Cela amoindrit la portée de notre travail parlementaire, d'autant que, une fois n'est pas coutume, il s'agit en outre d'un exercice contraint : en raison du retard qu'elle a pris dans la transposition des textes européens, la France court un grand risque de se voir infliger des sanctions financières, amendes forfaitaires et astreintes journalières, que, en application du traité de Lisbonne, la Cour de justice de l'Union européenne peut désormais prononcer dès le premier arrêt de manquement.

Alors que le Parlement vient d'adopter un budget contraint, il est indispensable de limiter ces condamnations – qui rejaillissent sur nos finances publiques – et, par conséquent, d'intégrer les textes communautaires à notre droit dans les meilleurs délais. Il faut donc se soumettre à certaines contraintes et éviter ainsi des pénalités qui, dans le contexte actuel, seraient plutôt malvenues.

Debut de section - PermalienPhoto de Pascal Brindeau

Il existe également une menace juridique, puisque la jurisprudence développée par la Cour de justice européenne reconnaît aux citoyens la possibilité d'attaquer un État pour déficit de transposition.

Enfin, ne mésestimons pas les conséquences politiques. Il ne faudrait pas que la France soit fragilisée dans les négociations au sein de l'Union européenne. Or elle ne peut prétendre exercer un leadership politique en Europe en restant un mauvais élève en matière de transposition des textes européens.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Ça, c'est vrai, et surtout pour les mannequins ! (Sourires.)

Debut de section - PermalienPhoto de Pascal Brindeau

Ainsi, plusieurs véhicules législatifs portant diverses dispositions d'adaptation de la législation au droit de l'Union ont été examinés au sein de cette assemblée, parmi lesquels le projet de loi qui nous est soumis aujourd'hui. La directive relative à la reconnaissance des qualifications professionnelles, pour laquelle la France a été condamnée en octobre 2009 et dont le délai de mise en oeuvre a expiré en octobre 2007, vise à uniformiser et à clarifier la reconnaissance des qualifications professionnelles, pour permettre la libre circulation des personnes et des services au sein du marché intérieur.

Le délai de transposition de la directive relative aux services dans le marché intérieur a également expiré, en décembre 2009. Ici, la France a choisi de procéder à une mise en oeuvre de la directive par secteur d'activité, de sorte que, si de nombreuses mesures d'adaptation ont déjà été prises, en particulier au travers de la loi de modernisation de l'économie, il subsiste divers régimes d'autorisation qui ne répondent pas encore aux critères fixés par la directive, et que le présent projet de loi propose de mettre en conformité.

Par ailleurs, les différentes mesures de transposition des deux directives appartenant au troisième Paquet Télécom, qui rénove le cadre européen des communications électroniques, doivent être rapidement prises, car leur délai de mise en oeuvre s'achève en mai 2011. De même, le délai de transposition de la directive du 31 mars 2004, en ce qui concerne l'enregistrement simplifié des médicaments traditionnels à base de plantes, expire en avril 2011.

L'énoncé du contenu de ces textes suffit à démontrer à quel point ils touchent le quotidien de nos concitoyens, et combien il est donc primordial de les intégrer à notre législation dans les meilleurs délais.

Enfin, un certain nombre de dispositions additionnelles ont été ajoutées à l'issue de l'examen au Sénat et en commission mixte paritaire, qui ne sont pas moins essentielles.

Vous l'aurez compris, c'est avec pragmatisme que les députés du Nouveau Centre voteront ce texte, en souhaitant que des conditions plus favorables à la transposition des directives soient trouvées à l'avenir, car nous ne saurions être européens au rabais ou à la sauvette. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Sophie Primas

Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, nous adoptons aujourd'hui le projet de loi portant diverses dispositions d'adaptation de la législation du droit communautaire en matière de santé, de travail et de communications électroniques. Ce projet vise à transposer des directives soit directement, soit en habilitant le Gouvernement à le faire par voie d'ordonnance.

Ce texte a déjà été examiné et adopté à l'Assemblée le 13 janvier, puis au Sénat le 10 février dernier, et en CMP le 18 février. La France est confrontée à une charge importante de transposition de directives, notamment dans les domaines liés au marché intérieur. Ce projet de loi répond donc à l'obligation constitutionnelle d'appliquer le droit européen. Il permet à la France de réduire l'important retard global de transposition qu'elle a accumulé et qui s'élève, au total, à 1,2 % de directives non transposées.

Il est donc fondamental que notre pays intègre dans son droit les textes européens dans les meilleurs délais : il s'agit non seulement de lui conserver sa crédibilité politique dans les négociations au sein de l'Union européenne, mais de lui éviter d'avoir à acquitter des amendes importantes qui pèsent lourdement sur les finances publiques.

Avec l'adoption de ce projet de loi, nous transposerons de nombreuses directives, notamment la directive « Services » du 12 décembre 2006, dans de nombreux secteurs d'activité. Dans le domaine des médicaments de thérapie innovante, par exemple, il s'agit d'adapter le code de la santé publique aux dispositions du règlement européen. Cela permettra à l'Établissement français du sang de participer à des recherches, dont il pourra prendre l'initiative, dans les domaines de la transfusion sanguine et des activités liées.

Ce texte permettra également d'adapter des régimes des entrepreneurs de spectacles, des architectes, des professeurs de danse et des agences de mannequins, chères à M. Brard…

Debut de section - PermalienPhoto de Sophie Primas

…sans pour autant renoncer aux garanties qui peuvent légitimement être exigées des personnes souhaitant exercer ces professions.

Enfin, il s'agit de transposer le troisième paquet Télécom dans les délais, soit avant le 25 mai 2011.

C'est également l'occasion d'introduire une formation des élèves à l'utilisation de l'informatique et des outils interactifs. Elle permettra notamment aux enfants de développer un regard critique et réfléchi vis-à-vis de l'information disponible sur internet, mais elle les sensibilisera aussi à leur droit à l'image et aux conséquences de l'exposition de leur vie privée.

Pour toutes ces raisons, le groupe UMP votera les conclusions de la commission mixte paritaire. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Mes chers collègues, connaissez-vous la différence entre un mannequin et un membre du Gouvernement ?

Debut de section - PermalienPhoto de Christophe Caresche

Ils font tous de la figuration ? C'est bien cela, monsieur Brard ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Au Gouvernement, ils gardent la ligne pour manger, alors que, pour garder la ligne, les mannequins ne mangent pas ! (Sourires.)

Debut de section - PermalienPhoto de Christophe Caresche

Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, comme beaucoup, je regrette les conditions dans lesquelles nous avons eu à délibérer sur ces questions – cette condamnation, au moins, fait l'unanimité.

Je rappelle simplement les propos tout à fait fermes de Mme Dini, qui nous a très sympathiquement reçus au Sénat pour cette commission mixte paritaire. Elle faisait état de sa « réprobation », en ajoutant que la méthode suivie pour l'examen de ce texte était « déplorable ». Ces termes sont tout de même assez forts.

Nous sommes tous d'accord, je crois, pour le dire : la diversité des sujets traités par ce texte – vous en avez fait état, madame la secrétaire d'État – et les conditions dans lesquelles il nous est soumis – très tardivement – ne permettent pas de délibérer dans des conditions satisfaisantes.

Pour ma part, je ne suis pas loin de penser que cela procède d'une intention du Gouvernement : garder le monopole de la transposition des directives et organiser, par le choix de ces modalités d'examen, une forme de dessaisissement du Parlement. Regardons ce qui se passe dans les autres pays européens, qui transposent ces directives de manière satisfaisante, du moins en respectant les délais : ce ne sont pas leurs gouvernements qui sont à l'initiative de ces transpositions, ce sont leurs parlements ! La transposition de directives est un exercice éminemment parlementaire, qui devrait être confié au Parlement. Or le gouvernement français – je ne vise pas seulement ce gouvernement-ci et cette majorité-ci – veut absolument garder la haute main sur la transposition des directives. Il ne veut surtout pas que cette transposition soit l'occasion de poser un certain nombre de questions.

Je prends deux exemples pour illustrer mon propos.

La directive « Services », vous l'avez dit, a été l'objet non pas d'une transposition transversale mais d'une transposition sectorielle. Cela signifie que près d'une dizaine de textes sont passés par cet hémicycle à cette occasion : des amendements du Gouvernement à un certain nombre de textes, des propositions de loi et des projets de loi. Le Gouvernement a donc recouru à tous les outils, à tous les véhicules législatifs possibles, dans un désordre absolu, pour transposer la directive « Services ». Voilà ce que cela signifie, la transposition sectorielle !

Cela veut également dire que nous n'inscrivons pas le droit européen dans la législation française. La transposition transversale aurait, elle, consisté, tout simplement, à écrire dans le droit français les éléments qui composaient la directive. C'est exactement ce qu'a fait la Belgique, qui a repris, pratiquement intégralement, le texte de la directive « Services », qui s'est ainsi trouvée inscrite dans son droit.

Nous ne l'avons pas fait. Pourquoi ? C'est l'objet de longues et importantes discussions entre les juristes du gouvernement français et ceux de la Commission européenne : transposer ne serait pas nécessaire car tout figurerait déjà, évidemment, dans le droit français.

Disons-le honnêtement : cette méthode peut conduire à un certain nombre de dérapages. Ainsi, au mois d'août dernier, le ministre de l'intérieur et ses services ont signé une circulaire concernant les « Roms » qui était manifestement contraire au droit européen, notamment au principe de non-discrimination. Comment une telle bévue a-t-elle pu être commise, sinon en raison d'une volonté de ne pas reprendre les textes européens de manière claire et directe ?

Le paquet Télécom a été, lui, l'occasion d'un dessaisissement peut-être encore plus spectaculaire, puisqu'il sera transposé par voie d'ordonnance ; les sujets traités, par exemple la neutralité de l'internet, ne sont pourtant pas totalement anecdotiques. Cela signifie, pour le dire clairement, que le Parlement n'aura pas voix au chapitre, que le Gouvernement fera ce travail dans son coin et qu'il nous en rendra compte s'il le souhaite, notre rôle n'allant pas plus loin. Une fois encore, il y a un dessaisissement manifeste du Parlement.

Pour ma part, je souhaite vivement que le Parlement soit, à l'avenir, bien mieux et bien plus associé à ce travail de transposition ; je sais que la commission des affaires européennes réfléchit à ces questions et que MM. Lambert et Quentin ont rendu un rapport. Tout le monde aurait à y gagner. Encore faut-il que le Gouvernement accepte de mieux partager, avec l'Assemblée nationale et avec le Sénat, sa compétence en matière de transposition.

Sur le fond, la directive « Services » pose un problème en matière de services sociaux d'intérêt général ; nous n'avons cessé de le dire. Comme vous le savez, ces structures, souvent des structures associatives, financées par nos collectivités et oeuvrant notamment dans le domaine de la petite enfance, sont extrêmement inquiètes ; elles craignent effectivement que leur inclusion dans le champ de la directive « Services » – puisque telle a été la position du Gouvernement – ne les fasse tomber demain sous le coup de la jurisprudence applicable à ce que l'on appelle les aides d'État. Une véritable inquiétude a été exprimée, fortement, notamment par le collectif dit « SSIG », que je veux relayer ici.

Le Gouvernement s'est appliqué à essayer de dissiper cette inquiétude. Je considère, pour ma part, qu'elle demeure fondée. Dans ce domaine, vous le savez, c'est la Cour de justice de l'Union européenne, non la Commission européenne, qui est source de la jurisprudence. Nous restons donc très vigilants, inquiets même. En incluant ces structures dans le champ de la directive, on les inclut dans une forme de mandatement vis-à-vis des organismes qui les subventionnent, mandatement qui peut tomber demain sous le coup de la jurisprudence de la Cour de justice sur les aides d'État.

Ce point est extrêmement important. Je considère qu'il n'est pas réglé et que cette transposition ne dissipe pas les inquiétudes qu'il suscite.

D'autres problèmes, peut-être de moindre importance, ont également été soulevés. Je pense notamment à celui des entrepreneurs de spectacles, dont le statut va connaître une extrême régression. Cela pourra entraîner des difficultés, comme Patrick Bloche l'avait souligné.

S'agissant du paquet Télécom, le travail est devant nous. Des ordonnances vont être prises ; nous essaierons d'en reparler et d'en débattre. Cela dit, nous nous réjouissons que l'amendement du Gouvernement qui concernait l'ARCEP n'ait pas prospéré. J'ai compris que le Gouvernement le regrettait, mais il ne l'a pas déposé à nouveau. Cela signifie qu'il se range aux arguments raisonnables de l'opposition et des sénateurs. Je m'en réjouis car, au regard du droit européen, l'adoption de cet amendement n'aurait pas forcément été comprise par la Commission. Lorsque la France s'engage au niveau européen et qu'elle n'a pas exprimé son opposition ou ses divergences, elle doit être animée par la volonté d'honorer sa signature. Il est donc heureux que le Gouvernement ait abandonné son projet, mais j'ai bien compris qu'il n'attendait qu'une nouvelle fenêtre de tir pour y revenir. Nous serons présents pour réaffirmer notre opposition.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

Je mets aux voix l'ensemble du projet de loi, compte tenu du texte de la commission mixte paritaire.

(L'ensemble du projet de loi est adopté.)

Vote sur l'ensemble

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-sept heures quarante, est reprise à dix-sept heures cinquante-cinq, sous la présidence de M. Bernard Accoyer.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

L'ordre du jour appelle la discussion, en seconde lecture, du projet de loi relatif à l'immigration, à l'intégration et à la nationalité (nos 3161, 3180).

Je rappelle que la conférence des présidents a décidé d'appliquer à cette discussion la procédure du temps législatif programmé, sur la base d'un temps attribué aux groupes de quinze heures.

Chaque groupe dispose des temps de parole suivants : trois heures cinquante pour le groupe UMP, cinq heures quarante pour le groupe SRC, trois heures vingt pour le groupe GDR, deux heures dix pour le groupe Nouveau Centre ; les députés non inscrits disposent d'un temps de trente minutes.

En conséquence, chacune des interventions des députés, en dehors de celles du rapporteur et du président de la commission saisie au fond, sera décomptée sur le temps du groupe de l'orateur.

Les temps qui figurent sur le « jaune » ne sont en tout état de cause qu'indicatifs.

La parole est à M. Claude Guéant, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

Debut de section - PermalienClaude Guéant, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration

Monsieur le président, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, mesdames et messieurs les députés, c'est à la fois une grande responsabilité et un grand honneur, quelques jours après ma nomination comme ministre de l'intérieur et de l'immigration, de venir défendre devant vous le projet de loi relatif à l'immigration, à l'intégration et à la nationalité, que vous avez adopté en première lecture en octobre dernier.

Au moment de commencer cette discussion, je voudrais rendre hommage au travail de mes prédécesseurs, qui ont préparé et assuré la discussion du texte en première lecture.

Cette nouvelle étape législative, que nous engageons aujourd'hui, s'inscrit dans un contexte très particulier qui nous invite à déployer le plus rapidement possible les outils préparés par ce projet de loi. Depuis quelques mois, nous assistons en effet à une saisissante « accélération de l'Histoire », pour reprendre la formule de Halévy.

Accélération de l'Histoire, parce que des pays qui n'ont connu depuis trente ou quarante ans que des régimes autoritaires sont pour la première fois en train de s'ouvrir, d'un seul coup, à la liberté politique et aux droits civiques.

Accélération de l'Histoire, ensuite, parce que les pays européens qui sont les plus proches des côtes d'Afrique du Nord – c'est le cas de l'Italie et de la France – courent un risque réel d'être confrontés à un afflux soudain de migrants. Sans être inutilement alarmiste, il est de notre responsabilité d'anticiper et de prévoir.

C'est dans ce contexte historique très particulier que s'engage notre discussion générale.

Ce qui me fait dire, aujourd'hui encore plus qu'hier, que ce texte est véritablement indispensable. Indispensable, parce qu'il apporte des réponses concrètes et immédiatement opérationnelles à des difficultés qui sont malheureusement constatées quotidiennement dans la mise en oeuvre de notre politique de lutte contre l'immigration clandestine. J'ai eu d'ailleurs l'occasion de m'en rendre compte vendredi dernier, en allant sur le terrain, dans les Alpes-Maritimes, à la frontière italienne. La ligne politique que je défends est à cet égard très claire : les étrangers en situation irrégulière n'ont pas vocation à demeurer en France.

Debut de section - PermalienClaude Guéant, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration

Notre pays ne peut pas devenir la terre d'accueil de tous ceux qui cherchent à quitter leur pays pour trouver de meilleures conditions de vie.

Je note d'ailleurs que certains se félicitent à juste titre de la chute des régimes autoritaires au sud de la Méditerranée, en invoquant pour tous ces nouveaux migrants le statut de l'asile. Il faudra que l'on m'explique comment, d'un côté, on peut saluer l'avènement de la démocratie tunisienne, et de l'autre, faire de ces mêmes Tunisiens des réfugiés politiques ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienClaude Guéant, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration

Le texte que j'ai l'honneur de vous présenter aujourd'hui permettra justement à la France, non seulement de mieux faire face à la situation exceptionnelle que nous traversons, mais plus généralement d'apporter agents des services de l'État des outils à la fois simples et efficaces pour faire face aux difficultés qu'ils rencontrent quotidiennement dans la lutte contre l'immigration clandestine.

C'est le cas des nouvelles dispositions facilitant la création des zones d'attente, de celles réorganisant le contentieux des étrangers, ou encore de « l'interdiction de retour » prévue conformément à la directive communautaire de 2008.

Pour conclure ces propos introductifs, je voudrais saluer le travail remarquable réalisé par votre commission des lois, qui donne toute sa portée au texte. Je remercie particulièrement son président, Jean-Luc Warsmann, et son rapporteur, Claude Goasguen, avec qui les travaux préparatoires ont été très constructifs.

Je sais que le dialogue établi entre les deux chambres de notre Parlement permettra de parvenir, in fine, à un texte qui répondra aux attentes des Français, qui sont, vous le savez, très fortes en la matière.

Permettez-moi, d'abord, de vous rappeler les principes de notre politique d'immigration et les résultats que nous avons obtenus depuis 2007.

La politique d'immigration que nous menons sous l'autorité du Président de la République est à la fois juste, cohérente, organisée et concertée. Avoir une politique migratoire cohérente, c'est d'abord, la fonder sur quelques principes simples et justes. Premier principe : la France a le droit de choisir, comme tout pays au monde, qui elle veut accueillir sur son territoire.

Deuxième principe : tout étranger en situation irrégulière a vocation à être reconduit dans son pays d'origine, sauf situation particulière. Troisième principe : un étranger qui est accueilli légalement sur notre territoire doit être bien accueilli ; c'est le sens que nous donnons au concept d'intégration auquel nous tenons tous. La France souhaite ainsi mener une politique migratoire tout à la fois humaine et fidèle à notre tradition d'accueil, mais aussi ferme dans sa lutte déterminée contre l'immigration clandestine et toutes les formes d'esclavagisme moderne.

Avoir une politique migratoire organisée, c'est, ensuite, en confier la gestion à une administration structurée, visible et efficace. En 2007, le choix a été fait de créer un ministère de l'immigration. Des services, jusque-là éclatés entre le ministère de l'intérieur, celui des affaires sociales et celui des affaires étrangères forment désormais une seule administration spécialisée, légère, réactive, une « administration d'état-major ». Depuis trois mois, le rattachement du portefeuille de l'immigration au ministère de l'intérieur n'a pas consisté à revenir à l'organisation antérieure à 2007. Tous les services de l'immigration sont désormais placés sous le pilotage unique du ministère de l'intérieur, ce qui assure un lien encore plus étroit avec les services opérationnels de la police aux frontières, de la sécurité publique et de la gendarmerie nationale. Avoir une politique migratoire concertée, enfin, c'est renforcer le dialogue avec les pays d'origine de l'immigration et construire avec nos partenaires européens une action commune. Avec les pays d'origine, nous nous sommes engagés sur la voie du développement solidaire. Quinze accords de gestion concertée des flux migratoires ont, d'ores et déjà, été signés. Et avec nos partenaires européens, nous avons posé les jalons d'une politique européenne d'immigration. C'est la France qui a fait adopter, dès 2008, un pacte européen sur l'immigration. L'actualité internationale nous montre aujourd'hui que cette stratégie était la bonne.

Debut de section - PermalienClaude Guéant, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration

La vérité, c'est que, lorsque l'on regarde la Grande-Bretagne, l'Allemagne, l'Italie, la Grèce ou les Pays-Bas, on est frappé par le fait que toutes les forces politiques, qu'elles soient de droite, de centre-droit, de centre-gauche ou de gauche, ont admis ensemble la nécessité absolue de réguler les flux migratoires et de lutter fermement contre l'immigration irrégulière et clandestine. En 2011, nous allons encore intensifier cette coopération européenne, politique et opérationnelle. C'est unis que nous parviendrons à faire face aux défis que présente l'évolution actuelle du bassin méditerranéen.

La mise en oeuvre de cette politique, depuis 2007, a commencé à produire des résultats bien réels et mesurables. Notre engagement collectif porte ses fruits. Premier résultat : nous luttons plus efficacement contre l'immigration clandestine. Depuis 2007, plus de 110 000 personnes ont été raccompagnées dans leur pays d'origine. Il n'y a là rien que très normal : c'est tout simplement l'application de la loi de la République. Sur la même période, plus de 102 000 personnes ont été refoulées, c'est-à-dire autant de ressortissants étrangers démunis de visas que la police aux frontières a empêché d'entrer sur le territoire national. Nous sommes surtout plus que jamais mobilisés contre toutes les formes d'exploitation, de trafic et d'esclavagisme modernes. En effet, l'immigration clandestine, ce n'est pas un dossier, mais ce sont des hommes, des femmes et parfois des enfants souvent livrés à la cupidité de quelques passeurs et d'employeurs sans scrupule. C'est pourquoi nous avons accru, en 2010, notre pression sur les filières d'immigration illégale. 183 filières ont été démantelées l'année dernière, contre 145 en 2009 et 101 en 2008, soit une progression de 80 % en deux ans. Nous combattons fermement l'emploi des étrangers sans titre. En 2009, 2 843 personnes ont été mises en cause pour emploi d'étrangers sans titre contre 1564 en 2007. Entre 2006 et 2009, le nombre d'opérations conjointes de lutte contre le travail illégal intéressant les ressortissants étrangers a augmenté de 350 %, le nombre d'employeurs mis en cause dans ces procédures étant, quant à lui, en hausse de 175 %.

Deuxième résultat : nous maîtrisons et organisons mieux l'immigration régulière.

Debut de section - PermalienClaude Guéant, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration

Nous nous étions engagés à mener une réforme d'envergure du regroupement familial, nous l'avons fait. Avec la loi 20 novembre 2007, approfondissant les lois de 2003 et 2006, nous avons revu les conditions du regroupement familial. Cette réforme attendue par nos concitoyens a porté ses fruits : alors que l'immigration au titre du regroupement familial représentait, chaque année, près de 25 000 titres de séjour, elle n'en représente plus, désormais, en moyenne, que 15 000. Nous nous étions aussi engagés à promouvoir l'immigration professionnelle – celle qui répond à des besoins avérés et constatés de notre appareil économique – nous l'avons également fait. Alors que moins de 12 000 étrangers bénéficiaient en 2006 d'une carte de séjour attribuée pour des motifs de travail, ils ont été 21 000 en 2008 et 20 000 en 2009.

Troisième résultat : nous luttons contre le communautarisme en menant une politique toujours plus active d'intégration. Depuis 2003, près de 500 000 personnes ont signé un contrat d'accueil et d'intégration par lequel elles s'engagent à respecter les principes qui régissent notre République et à apprendre le français. En 2009, ce ne sont pas moins de 100 000 de ces contrats qui ont été signés, tandis que 15 100 personnes obtenaient le diplôme initial de langue française. Signer un contrat d'accueil et d'intégration, c'est bénéficier d'une formation, civique et linguistique qui concrétise les droits que l'État accorde au contractant en même temps que les devoirs que celui-ci s'engage à assumer en retour.

Quatrième résultat : nous continuons, comme nous nous y sommes toujours engagés, à accueillir en France des réfugiés politiques. Notre pays, et c'est son honneur, a toujours accueilli celles et ceux qui, de par le monde, sont persécutés pour leurs opinions politiques, leur appartenance ou leurs croyances. Environ 10 000 réfugiés politiques sont accueillis chaque année par la France, après un examen individuel de leur demande par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides sous le contrôle de la Cour nationale du droit d'asile et, le cas échéant, du Conseil d'État. Mais si les procédures d'asile ont une vocation – accueillir des réfugiés politiques –, elles n'ont pas pour objet de contourner les règles d'entrée en France pour devenir une filière d'immigration ! Or nous assistons, depuis deux ans, à une très nette augmentation des demandes, de 20 % en 2008, 12 % en 2009 et 10 % en 2010. Ce n'est pas un phénomène propre à la France, car d'autres pays européens – notamment l'Allemagne et la Belgique – sont également confrontés à cet afflux de demandes. Pour faire face à cette situation, la réponse est d'abord opérationnelle, pratique, pragmatique. C'est pourquoi nous allons considérablement renforcer, dès cette année, les moyens de l'OFPRA et de la Cour nationale du droit d'asile. Ces renforts permettront de réduire les délais d'examen des demandes, car la situation actuelle, qui se caractérise par des délais d'examen par l'OFPRA et la CNDA de dix-neuf à vingt mois, n'est pas acceptable.

Debut de section - PermalienClaude Guéant, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration

Cela crée évidemment des situations qui deviennent rapidement ingérables humainement.

Notre système d'asile repose sur des principes et des procédures qui ont fait leurs preuves, mais il est fragilisé les demandes qui affluent ne sont pas examinées dans des délais raisonnables. C'est l'intérêt de tous : celui de la France, qui n'a pas à subir les effets de détournements de procédure, et celui des migrants qui ont droit à être rapidement informés des suites données par notre pays à leur demande.

Le projet de loi dont nous débattons aujourd'hui apporte de nouveaux outils au service de cette stratégie d'ensemble. Le maître mot est : efficacité. Vous avez déjà examiné le texte en première lecture. Je me limiterai donc à un bref rappel de son contenu. Le projet de loi inscrit, d'abord, dans notre droit national les innovations que nous avons promues à l'échelle européenne. Concrètement, il transpose trois directives communautaires. Première directive : la directive « Carte bleue européenne », adoptée en mai 2009, vise à promouvoir une immigration professionnelle de haut niveau. Elle crée, pour un public de cadres, un titre européen qui ouvre le droit au séjour dans l'ensemble des États membres. Elle s'inscrit donc pleinement dans notre stratégie de valorisation de l'immigration professionnelle, une immigration voulue et non subie. Deuxième directive : la directive « Retour » de 2008 établit un certain nombre de principes pour encadrer les conditions d'éloignement des étrangers en situation irrégulière. Les conditions de rétention des différents pays de l'Union seront harmonisées. Par ailleurs, cette directive prévoit que, sauf cas particulier, un délai d'un mois sera réservé au départ volontaire avant l'exécution contrainte de toute mesure d'éloignement. Elle crée aussi un dispositif d'interdiction de retour sur le territoire européen. Cette mesure constitue évidemment un message fort et solidaire à l'échelon européen en matière de lutte contre l'immigration illégale. Enfin, la troisième directive, celle dite « Sanctions » de juin 2009, vise autant à sanctionner les entreprises qui emploient des étrangers sans titre qu'à protéger les droits des travailleurs concernés.

Debut de section - PermalienClaude Guéant, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration

Ce texte propose, en outre, quelques ajustements juridiques en matière d'intégration et d'accès à la nationalité. Cela signifie, d'abord, faciliter l'accès à la nationalité française aux étrangers manifestant un parcours d'intégration exceptionnel. Pour ces personnes, qui s'accomplissent dans les domaines civique, scientifique, économique, culturel ou sportif, nous proposons de créer une voie d'accès spécifique à la nationalité française en réduisant la condition de résidence de cinq à deux ans. Cela signifie, ensuite, de s'assurer de l'adhésion à nos valeurs de tout étranger demandant à acquérir la nationalité française. Concrètement, le postulant à la naturalisation devra signer une charte des droits et devoirs du citoyen français. Je précise que les parlementaires seront, dans l'esprit du Gouvernement, associés à la rédaction de cette charte.

Debut de section - PermalienClaude Guéant, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration

Je vous rappelle que la Constitution fait une différence entre la loi et le règlement.

Debut de section - PermalienPhoto de Sandrine Mazetier

Cela vous préoccupe la Constitution ? Cela ne se voit pas, vu la constitutionnalité du texte !

Debut de section - PermalienClaude Guéant, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration

En outre, en s'inspirant des référentiels linguistiques européens, la maîtrise de notre langue sera évaluée de manière beaucoup plus objective qu'aujourd'hui.

Je voudrais revenir sur un autre volet du texte qui vous est soumis : le renforcement de l'efficacité de nos procédures d'éloignement. Je pense, d'abord, à la possibilité de créer, en cas de nécessité, des zones d'attente temporaires. Faire cela, c'est se préparer à affronter des situations exceptionnelles, pour que nos services puissent agir dans un cadre clair plutôt que d'improviser au milieu d'un vide juridique. Chacun se souvient que, le 22 janvier 2010, 123 personnes d'origine kurde ont débarqué sur une plage de Corse-du-Sud. Nous avons été alors bien ennuyés, puisque nous ne savions quel dispositif juridique appliquer. La mesure qui vous est proposée nous aurait été très utile. Il ne s'agit pas – je le dis fermement – de créer un régime d'exception, mais bien de donner un cadre juridique clair à des situations exceptionnelles. (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Debut de section - PermalienPhoto de Roland Muzeau

La langue française est merveilleuse ! « Exceptionnelles », mais pas d'« exception » !

Debut de section - PermalienClaude Guéant, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration

La création de ces zones se fera dans le respect absolu de tous les droits dont bénéficient habituellement les migrants dans les zones d'attente traditionnelles, portuaires ou aéroportuaires.

Je pense, ensuite, à l'allongement de la durée maximale de la rétention administrative de trente-deux à quarante-cinq jours. Cette mesure tient compte de deux réalités :

Première réalité, la limite de trente-deux jours constitue un frein à la conclusion des accords de réadmission, négociés au niveau communautaire ;

Seconde réalité, l'allongement de la durée maximale de rétention administrative doit permettre d'accroître le nombre de délivrances de laissez-passer consulaires. En effet, le nombre de jours nécessaires à l'obtention de ce laissez-passer est souvent supérieur à trente-deux, pour des raisons inhérentes à l'administration des pays d'origine. C'est le cas par exemple de la Chine, pour qui le délai moyen de délivrance du document s'élève à trente-cinq jours, ou du Mali, pour qui ce délai moyen est de trente-huit jours. Lorsque l'on sait que l'absence de délivrance du laissez-passer consulaire représente la première cause d'échec des procédures d'éloignement, 34 % des cas en 2009, l'utilité de l'allongement de la durée maximale de rétention administrative ne fait aucun doute.

J'ajoute pour ceux qui auraient des scrupules à voter cette disposition que la France, avec une durée de quarante-cinq jours, conservera la durée de rétention la plus faible d'Europe.

Debut de section - PermalienClaude Guéant, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration

Depuis que vous l'avez adopté, le texte a évolué et s'est enrichi.

Première évolution, nous avons amendé les dispositions sur les mesures d'éloignement pour parachever la transposition de la directive de 2004 sur la libre circulation des ressortissants communautaires. C'était un engagement que nous avions pris vis-à-vis de la Commission européenne. Cet engagement est tenu.

Deuxième évolution, le Gouvernement a intégré dans le texte un dispositif spécifique de rétention administrative des terroristes.

Quel était le problème ? Certains individus condamnés pour des activités terroristes et faisant l'objet d'une interdiction judiciaire du territoire ou d'une mesure d'expulsion administrative ne peuvent être immédiatement éloignés, à leur sortie de prison, pour diverses raisons procédurales. Dans l'attente de leur éloignement vers leur pays d'origine ou vers un pays tiers vers lequel ils seraient légalement admissibles, l'administration n'a pas d'autre solution actuellement que de les assigner à résidence dans des hôtels. Je pense que chacun conçoit facilement que de telles situations n'offrent pas de garantie suffisante en termes de sécurité.

Le Gouvernement a donc proposé de permettre, sous le contrôle du juge des libertés et de la détention, le placement en rétention de ces individus pendant la durée nécessaire à la mise en oeuvre effective de leur éloignement, pour une durée maximale de six mois, prolongée d'une durée maximale de douze mois dans des cas exceptionnels, toujours sous le contrôle du juge des libertés et de la détention.

L'assemblée générale du Conseil d'État a émis un avis favorable à cette mesure. Le Sénat l'a adoptée et votre commission des lois l'a approuvée.

Troisième évolution, le Gouvernement a introduit des mesures visant à réduire les délais d'instruction des demandes d'asile.

Ainsi, le projet de loi permet désormais à la cour nationale du droit d'asile de recourir à la « visio-audience », en outre-mer mais également, désormais, en métropole. Un mécanisme de renvoi préjudiciel de la Cour nationale du droit d'asile vers le Conseil d'État est également créé.

Enfin, et c'est heureux, votre commission des lois a apporté au texte une contribution décisive, en rétablissant certaines de ses dispositions essentielles qui en avaient été supprimées. Je pense bien sûr à la réforme du contentieux de l'éloignement.

Le projet de loi prévoit de reporter à cinq jours le délai d'intervention du juge des libertés et de la détention. Cette mesure constitue le coeur du texte. Si nous proposons cette réforme du contentieux de l'éloignement, c'est pour gagner en efficacité.

La situation actuelle n'est pas satisfaisante, qui entremêle les interventions de deux juges, le juge judiciaire et le juge administratif. Quelle logique y a-t-il, par exemple, à maintenir un étranger en rétention avec l'accord du juge des libertés et de la détention quelques jours avant qu'un tribunal administratif ne juge irrégulière la mesure par laquelle le préfet a décidé de son éloignement ?

Conscient de ces difficultés, le Gouvernement avait confié en 2008 à l'ancien président du Conseil constitutionnel, Pierre Mazeaud, le soin de présider une commission chargée de proposer des solutions concrètes pour pallier ces incohérences. Cette commission a mis en lumière les difficultés causées par la situation actuelle, qu'elle qualifiait d'enchevêtrements aux conséquences graves.

L'instauration d'un délai de cinq jours permettra au juge administratif d'avoir statué sur le fond de la mesure d'éloignement avant que le juge judiciaire ne se prononce sur la prolongation de rétention. Très concrètement, les cinq jours se décomposent de la manière suivante : un délai de recours de quarante-huit heures au bénéfice de l'étranger, puis un délai de soixante-douze heures pour que le juge administratif puisse statuer.

Debut de section - PermalienClaude Guéant, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration

Cette réforme est respectueuse des droits des étrangers. Elle ne supprime évidemment pas le droit pour l'étranger de saisir le juge judiciaire sur la prolongation de sa rétention, mais elle fait en sorte que la légalité de la mesure d'éloignement soit vérifiée au préalable par le juge administratif, dont c'est la compétence. Je rappelle, en outre, que ce recours devant le tribunal administratif est suspensif, ce qui garantit à l'étranger requérant de ne pas être éloigné pendant le délai de cinq jours de rétention.

Votre commission des lois a également procédé à des rétablissements visant à ne pas ouvrir davantage le régime de l'asile, qui, comme je le signalais tout à l'heure, connaît une véritable crise.

Par exemple, elle a rétabli la disposition que vous aviez votée en première lecture sur l'accès à l'aide juridictionnelle devant la Cour nationale du droit d'asile. C'est important car nous ne pouvons pas nous permettre d'encourager les demandes d'asile abusives dans un contexte où l'OFPRA et la CNDA connaissent déjà une situation d'engorgement.

Votre commission des lois s'est aussi penchée sur la question des « étrangers malades ».

Je sais que cette question a été longuement débattue, mais, de grâce, ne tombons pas dans la caricature. Nul ne conteste le droit aux étrangers présents en France d'accéder à notre système de soins.

Debut de section - PermalienClaude Guéant, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration

La loi française, vous le savez, est plus généreuse que celle de la majorité des autres pays européens. Elle permet l'accès aux soins des étrangers en situation irrégulière, je veux parler de l'aide médicale d'État, la fameuse AME.

Il ne s'agit pas de revenir sur ce droit, mais notre devoir est aussi de veiller à préserver l'équilibre des finances de nos régimes sociaux…

Debut de section - PermalienClaude Guéant, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration

…et de lutter de manière déterminée contre les abus de toutes sortes.

Sur ce sujet, le projet de loi apporte deux améliorations. D'une part, il crée un guichet unique pour le dépôt des dossiers d'aide médicale d'État : c'est tout simplement une mesure de bonne gestion. D'autre part, il clarifie le régime du titre spécifique de séjour « étrangers malades ». Il s'agit de revenir sur une jurisprudence récente du Conseil d'État, qui ouvre l'accès à ce titre sur le fondement du texte actuel plus que la loi ne le prévoit, en ajoutant un nouveau critère, celui du coût du traitement dans le pays d'origine. Personne, évidemment, ne veut remettre en cause le principe du titre « étrangers malades », tel qu'il a été défini par la loi du 10 mai 1998.

Debut de section - PermalienClaude Guéant, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration

Ce que nous voulons tout simplement, c'est faire appliquer la loi telle qu'elle a été votée par le Parlement et non pas telle qu'elle a été interprétée. Notre système de sécurité sociale n'a pas à se substituer à celui de tous les autres pays du monde. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP.)

Enfin, votre commission des lois, sur proposition du rapporteur, propose la suppression de la mesure visant à étendre le champ d'application de la déchéance de nationalité.

Debut de section - PermalienClaude Guéant, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration

Cette disposition, fortement symbolique, a beaucoup retenu l'attention. Comme vous le savez, il s'agit de permettre le retrait de la nationalité française à ceux qui attentent à la vie d'une personne dépositaire de l'autorité publique et, plus particulièrement, à celles qui sont les plus exposées ou qui incarnent le plus directement cette autorité.

Cette mesure, proposée à la suite d'un crime odieux, est justifiée sur le fond et trouve un large écho dans la population française. La France n'est d'ailleurs pas le seul pays européen à s'être penché sur la question, et certaines législations nationales, dans des pays voisins, sont beaucoup plus sévères que ce qui était proposé.

Le Gouvernement pense toutefois, comme votre rapporteur, que cette disposition essentielle trouvera davantage de cohérence à s'inscrire dans un texte plus général sur la question éminemment importante de la nationalité française,…

Debut de section - PermalienPhoto de Sandrine Mazetier

Cela ne fait pas longtemps que le Gouvernement pense cela, une demi-journée !

Debut de section - PermalienClaude Guéant, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration

…question qui fait l'objet en ce moment même d'une mission de réflexion dirigée par M. Manuel Valls et M. Claude Goasgen. Le Gouvernement souhaite que leurs conclusions trouvent une traduction législative appropriée dans les meilleurs délais.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland Muzeau

Demandez à Marine Le Pen ce qu'elle en pense ! Vous allez puiser dans son cartable !

Debut de section - PermalienClaude Guéant, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration

Telles sont, mesdames, messieurs, les réflexions que je souhaitais partager avec vous ce soir.

Avec ce projet de loi, le Gouvernement a un objectif simple et clair : apporter des réponses concrètes et opérationnelles aux défis auxquels est aujourd'hui confrontée notre politique d'immigration.

Nous n'avons qu'une ambition : mener une politique d'immigration ferme à l'endroit de celles et ceux qui ne respectent pas la loi de la République, mais aussi humaine, c'est-à-dire respectueuse des droits et de la dignité des personnes. C'est à cette condition que nous parviendrons à consolider l'équilibre de notre communauté nationale et la cohésion de notre société. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Claude Goasguen, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Goasguen

Permettez-moi, en préambule, de vous souhaiter la bienvenue dans cet hémicycle, monsieur le ministre de l'intérieur, puisque c'est votre première participation à un débat parlementaire en qualité de membre du Gouvernement. Je ne doute pas que nos échanges, ainsi qu'ils l'avaient été avec vos prédécesseurs, soient approfondis et utiles.

Le débat qui nous rassemble aujourd'hui est tout sauf mineur. Il porte sur des préoccupations essentielles pour nos concitoyens : la régulation de l'immigration, en privilégiant l'immigration « choisie » par rapport à l'immigration « subie », et l'intégration, perspective indispensable pour les étrangers en situation régulière.

Le contexte international actuel illustre, s'il en est besoin, l'ampleur des défis et la nécessité d'une réponse européenne. Or ce projet de loi vise principalement à transposer trois directives communautaires importantes : la directive du 16 décembre 2008, dite directive « retour » ; la directive du 25 mai 2009, dite « carte bleue européenne », et la directive du 18 juin 2009, dite « sanctions ».

Il est heureux que, un mois à peine après le Sénat, notre assemblée soit de nouveau appelée à débattre sur ces questions. Le temps presse, plus que jamais. Le temps presse car la date butoir de transposition de la directive « retour » est déjà dépassée et celle deux autres directives se rapproche à grands pas. Le temps presse car, au cours des dernières semaines, la situation internationale s'est considérablement dégradée au sud de la Méditerranée (Protestations sur les bancs des groupes SRC et GDR)…

Plusieurs députés des groupes SRC et GDR. Améliorée !

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Goasguen

La vie des nations du sud de la Méditerranée s'est considérablement dégradée, en raison d'actions violentes qui provoquent des immigrations, et les personnes concernées se dirigent tout naturellement vers les pays susceptibles de les accueillir, dont nous sommes en priorité.

C'est dire que la question des flux migratoires va devenir, au-delà d'un simple impératif juridique, une vraie nécessité politique d'urgence.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Goasguen

Au cours de ses travaux, le Sénat a adopté quarante-cinq articles et suppressions d'articles dans une version conforme à celle de notre assemblée. Restent donc en discussion soixante-dix-neuf articles et suppressions d'articles.

Je ne m'attarderai pas sur les dispositions d'ores et déjà définitivement adoptées, si ce n'est pour souligner que les sénateurs ont validé la naturalisation pour parcours d'intégration exceptionnel, la déclaration des nationalités possédées lors de la naturalisation, l'exclusion des années de vie commune frauduleuses pour le décompte de la durée de stage préalable à une naturalisation, ou encore la création d'un guichet unique pour l'AME.

Plusieurs articles essentiels ont également été modifiés à la marge par le Sénat, rendant ainsi leur adoption possible lors de nos débats : je veux parler notamment des mesures sur la charte des droits et devoirs du citoyen français, des dispositions relatives aux étrangers scientifiques-chercheurs et de certains articles transposant la directive « Sanctions ».

Sur ma proposition, la commission des lois a également confirmé un certain nombre de mesures nouvelles introduites par les sénateurs, parmi lesquelles figurent les dispositifs destinés à améliorer l'attractivité de la France à l'égard de l'immigration pour motifs professionnels, l'alignement du régime applicable aux conjoints de Français décédés sur celui des conjoints d'étrangers bénéficiaires du regroupement familial, actuellement plus favorable, ou encore la possibilité pour la CNDA de saisir le Conseil d'État pour avis sur toute demande de droit nouvelle susceptible d'intervenir de manière répétée, dans un souci de bonne administration de la justice.

Il reste que, sur plusieurs points, le texte issu des travaux des sénateurs présentait de profondes divergences avec la version adoptée par notre assemblée en octobre dernier. À l'initiative du Gouvernement, de moi-même et de certains collègues, la commission des lois est donc revenue, sur certains sujets, à une rédaction plus proche de celle initialement retenue par la représentation nationale.

Ainsi, nous avons restauré le conditionnement de la délivrance de la carte de séjour en raison de l'état de santé à l'indisponibilité de soins appropriés dans l'État d'origine, à l'article 17 ter. Je rappelle que la mesure adoptée en première lecture par notre assemblée visait uniquement à revenir à une interprétation jurisprudentielle plus conforme à l'esprit de la loi RESEDA, et non à trahir la générosité dont notre pays a toujours fait preuve à l'égard des personnes gravement malades.

En ce qui concerne la réforme du contentieux de l'éloignement, il nous est apparu, contrairement aux sénateurs, que l'allongement du délai de saisine du JLD pour la prorogation de la rétention, à l'article 37, constituait une solution compatible avec l'état de la jurisprudence constitutionnelle. La recherche d'une bonne administration de la justice, en la matière, nous a semblé un motif d'intérêt général suffisant pour soutenir une telle réforme.

Enfin, de manière plus ponctuelle, nous avons aussi rétabli l'incrimination spécifique des mariages contractés insincèrement par un étranger à l'insu du conjoint français en vue d'une régularisation du séjour – article 21 ter –, les garde-fous à l'égard des employeurs de bonne foi d'étrangers sans titre – articles 57 B, 66 et 67 –, la tutelle du ministère chargé de l'immigration sur Campus France, ou encore les pouvoirs dévolus aux maires pour faire respecter les symboles républicains lors des mariages.

Sur tous ces sujets, l'extrême prudence dont a fait preuve le Sénat sur un texte aussi crucial aux yeux des Français nous a paru aller à l'encontre de la nécessité d'adapter le droit de l'entrée et du séjour des étrangers aux évolutions des phénomènes migratoires.

Par cohérence avec la position que j'ai défendue devant la commission des lois, je ne peux que vous inviter à adopter le texte issu des travaux de celle-ci, sous réserve de quelques ajustements destinés à apporter d'ultimes clarifications ou précisions.

La question se posera dans notre débat : fallait-il maintenir la disposition de déchéance de la nationalité ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Dufau

Enfin ! (Exclamations sur le banc de la commission.)

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Goasguen

Bien sûr, cela existe actuellement.

Le Conseil constitutionnel l'a fragilisée mais nous avions la possibilité de présenter un texte. Le présent projet de loi était à l'évidence le seul dans lequel une disposition sur la nationalité aurait pu s'inscrire.

J'ai estimé, cependant, qu'un tel texte était très difficile en raison de l'actuelle jurisprudence du Conseil constitutionnel.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Goasguen

Il m'arrive de prendre le temps de réfléchir ! C'est cela, être rapporteur.

Ce texte aurait sûrement suscité de nombreuses polémiques…

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Goasguen

…et retardé d'autant l'adoption d'un texte qui est d'une urgence absolue, non seulement au plan juridique mais aussi en raison d'une situation internationale qui, si elle s'améliore du point de vue démocratique au sud de la Méditerranée, se dégrade terriblement en termes de flux migratoires autour de cette mer.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Goasguen

Il fallait donc éviter de perturber les débats par un texte relativement aléatoire – je vais y revenir –, en expliquant à nos concitoyens que, pour répondre à une nécessité immédiate qu'ils voient à la télévision tous les jours, cette assemblée, à droite comme à gauche, parce que les avis sont partagés, aurait discuté à longueur de temps de théories juridiques. Nous pourrions être en effet, en bons parlementaires, inépuisables sur la théorie du droit.

Cependant, ce qui me décide plus encore que l'urgence, c'est que nous aurions abordé le sujet éminemment important du droit de la nationalité par le biais d'une question qui n'est pas la question essentielle.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Goasguen

Je suis, avec Manuel Valls et d'autres collègues, chargé d'une mission sur la nationalité, dont je serai le rapporteur dans quelques semaines. Nous nous apercevons bien, malgré certaines voix éminentes qui nous avertissent de ne surtout pas toucher au droit de la nationalité, que ce problème se posera dans l'avenir à toutes les nations européennes et probablement même à toutes les nations du monde.

Si la nationalité n'était pas un problème crucial il y a vingt ans, la mondialisation est entre-temps intervenue. La nationalité a été souvent oubliée au profit d'une citoyenneté qui rassemble, alors qu'elle exprime quant à elle la spécificité d'une nation. En l'état actuel des choses, dans un monde, comme aurait dit le philosophe marxiste Herbert Marcuse, « unidimensionnel », la nationalité est d'autant plus importante qu'elle doit, face à une mondialisation réductrice, nous permettre d'exprimer notre véritable différence française et républicaine.

Il ne faut pas prendre à la légère un débat sur la nationalité quand des problèmes aussi importants que celui de la double nationalité perturbent l'Allemagne et le droit allemand depuis plusieurs semaines. Je vous rappelle que les Allemands ont modifié leur droit de la nationalité dans le bon sens en adoptant le droit du sol, en lieu et place du jus sanguinis, mais en supprimant la double nationalité, ce qui provoque une crise exceptionnellement grave entre les gouvernements allemand et turc puisque le premier ministre turc, dont chacun connaît la modération, est venu expliquer à Berlin qu'il refusait de ne plus laisser voter les Allemands turcs et qu'il appelait les Turcs à faire partie de cette grande Turquie que le pays envisage comme une solution pour son devenir.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Goasguen

Nous ne savons même pas combien de « doubles nationaux » vivent dans notre pays. Comment peut-on parler sérieusement d'intégration sans savoir si des personnes ont une ou plusieurs nationalités ? Certains en ont trois ou quatre.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland Muzeau

Forcément, puisque c'est compliqué ! (Rires sur les bancs des groupes GDR et SRC.) Mais nous finirons par comprendre : nous faisons des efforts !

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Goasguen

Il ne s'agit pas de stigmatiser, mais il faut être cohérent. Certains pays, dits de droit d'allégeance perpétuelle, refusent le système français – de droit classique – du choix de la nationalité et considèrent que la personne naturalisée française conserve sa nationalité d'origine. Combien de personnes sont-elles dans ce cas ? Sans doute des millions. Nous n'en savons rien.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Goasguen

C'est un vrai sujet au moment où l'intégration est en train de devenir la pierre angulaire de notre politique à l'égard des étrangers. Ne mésestimez pas ces problèmes !

(M. Jean-Pierre Balligand remplace M. Bernard Accoyer au fauteuil de la présidence.)

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Goasguen

…et nous ne les connaissions pas. Ils ne peuvent être traités par un article dont le symbolisme était certes intéressant mais qui n'était justement que symbolique.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Goasguen

Je pense donc, comme vous, monsieur le ministre, qu'il convient de remettre ce sujet à quelques semaines, pour l'aborder à l'appui des propositions que nous vous ferons dans le cadre de la mission sur la nationalité, et ne pas nous enfermer dans un débat qui nous aurait amenés beaucoup trop loin, et ce beaucoup trop tard, alors qu'il y a des urgences qui se font de jour en jour plus pressantes.

Mes chers collègues, je vous remercie de bien vouloir voter le texte de la commission des lois. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Balligand

J'ai reçu de M. Jean-Marc Ayrault et des membres du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche une motion de rejet préalable déposée en application de l'article 91, alinéa 5, du règlement.

La parole est à Mme Sandrine Mazetier.

Debut de section - PermalienPhoto de Sandrine Mazetier

Monsieur le rapporteur, monsieur le ministre, chers collègues, je défendrai devant vous cette motion de rejet préalable en mettant en évidence une série de paradoxes.

Nous sommes parvenus à la deuxième lecture d'un texte déposé sur le Bureau de l'Assemblée nationale il y a près d'un an. Depuis, tout a changé, sauf le texte.

Tout a changé, à commencer par le ministre. En quatre mois, trois ministres différents sont intervenus. Le texte, son contenu, ses orientations restent identiques, mais nous avons eu d'abord M. Besson, ensuite M. Hortefeux, et désormais vous-même, monsieur Guéant. Cette instabilité ministérielle est en soi un aveu d'échec, parce qu'on ne change pas une équipe qui gagne.

Debut de section - PermalienPhoto de Sandrine Mazetier

Cela révèle l'échec de la politique menée. Vous êtes soit exagérément modeste, soit inutilement habile, monsieur le ministre, en vous référant uniquement à 2007, car il s'agit de l'échec de la politique menée depuis 2002, théorisée et construite par Nicolas Sarkozy, ministre de l'intérieur, candidat aux élections présidentielles et enfin Président, dont vous avez toujours été le plus proche collaborateur.

C'est l'échec de la loi Sarkozy de 2003 qui allongeait déjà la durée de la rétention, que le présent texte allonge de nouveau, à l'article 41. Même causes, mêmes effets : ça ne marchera pas non plus.

C'est l'échec de la loi Sarkozy de 2006 qui créait des quotas absolument « soviétoïdes », des listes de métiers en tension par régions, prétendant substituer à l'immigration subie l'immigration choisie et qui n'a fait que précariser davantage les travailleurs migrants et leurs familles.

C'est l'échec de la loi de 2007, une des premières de la législature, qui prévoyait un entretien d'assimilation des valeurs de la République préalable à toute naturalisation, l'ancêtre de la charte que vous proposez à présent. La semaine dernière, nous étions, avec le rapporteur Claude Goasguen, le président de la mission sur le droit de la nationalité Manuel Valls et d'autres parlementaires, dont George Pau-Langevin, dans une préfecture qui représente 10 % des naturalisations annuelles dans notre pays. Eh bien, cet entretien d'assimilation des valeurs de la République que vous avez créé dans la loi de 2007, à laquelle vous venez de vous référer, n'y est toujours pas mis en oeuvre !

Vous enchaînez les textes, vous êtes dans la fuite en avant, dans l'accumulation de mesures dont nous vérifions chaque jour l'inefficacité.

C'est l'échec de votre prétention à une politique « ferme mais généreuse », ainsi que vous venez à nouveau de la caractériser, politique en réalité inefficace et inhumaine. Jamais le nombre de personnes en situation irrégulière n'a été aussi grand dans notre pays ; nous n'avons jamais eu 400 000, 450 000, peut-être 500 000 personnes en situation irrégulière sur le territoire.

C'est votre héritage, le fruit de votre bilan et de celui des gouvernements auxquels vous avez collaboré d'une manière ou d'une autre.

Échec parce que jamais l'exploitation, la précarité de ces personnes n'a été aussi grande, jamais le recul généralisé de l'État de droit n'a été si manifeste.

Échec d'un des piliers de cette politique, à savoir les accords de gestion concertée de flux migratoires, que vous avez encore rappelés. Avec qui a été institué ce joli dialogue, avec qui ont été signés ces accords ? Les premiers pays signataires, comme par hasard, ont été des dictatures, des pays de corruption : le Gabon de M. Bongo, le Congo de M. Sassou-Nguesso et la Tunisie de M. Ben Ali.

Ce n'est pas le moindre des paradoxes que l'échec de la politique que vous avez théorisée et construite pour le ministre de l'intérieur, candidat puis Président, Nicolas Sarkozy, vous amène à exercer aujourd'hui les responsabilités qui sont les vôtres. C'est d'ailleurs, pour l'ensemble des députés présents, une réelle satisfaction d'avoir enfin devant nous le vrai responsable de cette politique, et non l'un de ses ventriloques.

Tout a changé en un an, y compris dans votre majorité. Le discours de Grenoble et l'été qui s'en était suivi avaient été dénoncés par quelques voix courageuses dans votre majorité ; Dominique de Villepin avait même dénoncé, dans une tonitruante tribune, « une tache de honte sur notre drapeau » ; Jean-Pierre Raffarin avait souligné la nécessité de faire travailler les deux hémisphères du cerveau de la majorité. Et puis, au-delà des rangs de la gauche, mobilisés depuis toujours sur ces questions et contre ce texte, il s'est déjà trouvé plus de trente députés dans votre majorité pour ne pas voter ce projet de loi en première lecture. Ils sont choqués comme nous par la défiance manifestée à l'égard des juges, par l'extension infinie du pouvoir arbitraire et discrétionnaire de l'administration, par la stigmatisation des étrangers et d'une part conséquente de nos concitoyens, par la stigmatisation des couples mixtes, par la déstabilisation de l'ensemble de ce qui fait société dans cette république depuis des années.

Ensuite, l'examen au Sénat a démontré que votre majorité explosait devant les atteintes réitérées au pacte républicain et aux valeurs universalistes de la France à la fois dans ce texte et dans son contexte, c'est-à-dire dans les débats lancés sur l'identité nationale, sur la burqa, sur la qualité de Français et sur l'islam en France. Le rapporteur au Sénat et les sénateurs ont fait très largement évoluer le texte, Claude Goasguen le rappelait à l'instant, en modifiant, il y a quelques jours à peine, plus de quatre-vingts articles. À ce moment-là, le Gouvernement, faisant preuve de sa surdité et de son sectarisme habituels, est revenu sur la totalité de ces évolutions, à une très récente exception près : il a accepté la suppression de la disposition symbolique d'extension de la déchéance de nationalité. Je salue le talent gymnique de notre rapporteur, qui nous a fait un double salto arrière (Sourires), puisqu'il a absolument contredit ce qu'il défendait lui-même il y a quelques jours devant la commission des lois. Bravo, monsieur le rapporteur, joli talent, mais je ne voudrais pas que ce recul bien provisoire fasse en quoi que ce soit illusion. Tout d'abord, parce que Christian Jacob, néo-président du groupe UMP, très inspiré par des périodes anciennes et peu glorieuses de notre pays, a déclaré que cette disposition qui vient de sortir par la porte de la commission allait très bientôt revenir par la fenêtre de la mission sur le droit de la nationalité – dont le rapporteur est aussi Claude Goasguen. Ensuite, parce que le mal est déjà fait : ce mouvement tactique n'efface ni le discours de Grenoble, ni les blessures infligées à ceux de nos concitoyens qui sont l'objet de stigmatisation et de discrimination permanentes, ni l'ovation réservée à Éric Zemmour, condamné pour incitation à la discrimination raciale, par l'UMP dans l'enceinte même de ce qui s'appelle encore l'Assemblée nationale. Certains, manifestement, ne sont pas à une obscénité près.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Meunier

Il ne faut pas exagérer ! Tout ce qui est excessif est insignifiant, madame Mazetier !

Debut de section - PermalienPhoto de Sandrine Mazetier

Enfin, parce que l'essentiel de ce texte est toujours là, y compris son inconstitutionnalité, en particulier l'article 37 qui prévoit l'allongement du délai de saisine du juge de la liberté et de la détention. Une telle disposition est inconstitutionnelle au regard de l'article 66 de la Constitution, qui dispose que : « Nul ne peut être arbitrairement détenu. » Je l'avais dit en première lecture, je le répète aujourd'hui : le Conseil constitutionnel s'est déjà prononcé sur cette question le 9 janvier 1980, dans sa décision « Loi Bonnet », considérant que la liberté individuelle ne peut être considérée comme sauvegardée que si le juge intervient dans le plus court délai possible. C'est le délai pratiqué aujourd'hui : quarante-huit heures. On comprend bien que vous défendiez des dispositions qui figurent dans votre texte, monsieur le ministre, mais elles sont inconstitutionnelles. Nous l'avons dit et nous continuerons à le rappeler, y compris dans notre saisine du juge constitutionnel.

Ce texte est totalement intact, avec toujours la non conformité aux directives mêmes qu'il prétend transposer. Ainsi, vous nous pressez de voter la transposition de la directive « Retour », dont le délai est dépassé, mais, curieusement, vous ne l'a transposée pas vraiment puisque vous n'en respectez pas l'article 4, qui prévoit explicitement que toute transposition doit s'effectuer sous réserve de dispositions plus favorables dans le droit national pour les personnes concernées – la clause de sauvegarde. Vous trahissez même l'esprit et la lettre de la directive « retour » : son esprit puisqu'elle privilégie les départs volontaires à la contrainte alors que votre texte, monsieur le ministre, dans son article 23, prévoit pas moins de huit hypothèses permettant à l'administration de refuser d'accorder un délai de départ volontaire ; sa lettre puisqu'elle limite la privation de liberté – l'article 15 précise que toute rétention doit être aussi brève que possible – et qu'elle conditionne la détention à des perspectives raisonnables d'éloignement, alors que vous proposez tout l'inverse. De même, l'article 17 de cette directive prévoit que les mineurs non accompagnés et les familles comportant des mineurs ne sont placés en rétention qu'en dernier ressort et pour la période appropriée la plus brève possible ; or ce n'est absolument pas ce que vous faites à travers ce projet de loi.

Vous ne transposez donc pas la directive « Retour », pas plus que, dans l'esprit et dans la lettre, la directive « Sanctions ». En effet, ingénument, Claude Goasguen a rappelé qu'alors que le groupe socialiste avait fait des propositions pour sanctionner efficacement les employeurs ayant recours à du travail dissimulé et que les sénateurs nous avaient suivis sur ce point, vous êtes à nouveau revenu là-dessus…

Debut de section - PermalienPhoto de Sandrine Mazetier

…en amnistiant les employeurs fautifs, qui travaillent toujours dans les mêmes types d'entreprises, dans les mêmes secteurs, dans la sous-traitance des mêmes groupes extrêmement importants, des donneurs d'ordres jamais inquiétés. Vous bafouez l'esprit de la directive « Sanctions ».

Toutes les conséquences de ce texte que nous avions dénoncées et combattues en première lecture sont toujours là. Tout a changé, mais le texte, lui ne change pas : tout a donc changé… mais en pire. Le choix du Gouvernement, qu'une partie de la majorité continue à partager, consistant à faire de la question migratoire un sujet obsessionnel pour instrumentaliser le débat public, à faire de la diversité et des questions que celle-ci soulève pour notre société et notre république une menace et un objet de crainte permanentes pour la cohésion nationale, sans parler des débats sur l'identité nationale qui ont produit les effets que l'on sait sur le score du Front national aux élections régionales, les effets d'un tel choix se poursuivent. Quant au dernier sondage, rappelons qu'il s'inscrit dans une tendance lourde et qu'il confirme tous ceux qui l'ont précédé : la progression continue des opinions favorables à Marine Le Pen.

Debut de section - PermalienPhoto de Sandrine Mazetier

Monsieur le ministre, si ce n'est pas le résultat de l'échec de votre politique et le fruit d'une stratégie suicidaire d'apprenti sorcier et de manipulation de l'opinion,…

Debut de section - PermalienPhoto de Sandrine Mazetier

…je ne sais pas ce que c'est.

Tout a changé en Méditerranée depuis la présentation du projet de loi, et vous avez eu le toupet, le culot de nous expliquer qu'il apportait des réponses concrètes et opérationnelles à ce qui se produit sous nos yeux ! Alors que ce texte est la transposition de directives adoptées il y a bien longtemps ou de dispositions introduites au printemps dernier, avant les évènements, quand vos uniques interlocuteurs au Sud de la Méditerranée, c'étaient les dictateurs dont ces peuples se libèrent !

Debut de section - PermalienPhoto de Sandrine Mazetier

Je ne dis pas que quelqu'un avait prévu ce qui est en train de se dérouler, pas plus que je ne dis qu'il est sûr et certain que tout se passera bien, mais j'affirme que la responsabilité historique de la France, c'est de ne pas tourner le dos aux démocrates, c'est de ne pas tourner le dos à ceux qui se revendiquent de valeurs universelles, celles que la République éternelle a toujours défendues ! Vous avez évoqué l'« accélération de l'histoire », citant Halévy, mais vous êtes dans le contresens historique et nous refusons de vous y suivre. Nous ne pensons pas qu'il faille dire à la rue arabe, qui a exprimé son espoir mais aussi ses craintes, que nous allons l'abandonner et la considérer comme une menace !

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Hunault

Cela n'a rien à voir avec le texte ! Qu'est-ce que c'est que ce discours ?

Debut de section - PermalienPhoto de Sandrine Mazetier

Au contraire, nous pensons qu'il faut l'accompagner et l'aider, qu'il faut être au rendez-vous de l'histoire. Rien n'est fait, rien n'est joué, mais notre pays a une responsabilité dans le cours des événements. Il y a une responsabilité européenne, mais aussi une responsabilité française au regard de l'histoire et du rôle stratégique qui sont les nôtres et qui nous lient à ces pays. Non, nous ne vous accompagnerons pas. Vous allez dans le mur. Vous accélérez la dérive du continent européen vers la périphérie de l'histoire. Nous, nous le refusons, et nous refusons que la France se retrouve à la périphérie de cette périphérie. Nous pensons que la France a une voix unique et singulière, à laquelle elle doit être fidèle, et nous le démontrerons dans ces débats ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Debut de section - PermalienClaude Guéant, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration

Mesdames, messieurs les députés, tout d'abord, s'agissant des événements du Sud de la Méditerranée, je veux rappeler que le Gouvernement a une politique d'accompagnement des progrès démocratiques de ces pays (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe SRC) et de stabilisation de leur modèle économique. Il y a une très grande différence entre nous et l'opposition : le Gouvernement n'estime pas que la solution aux problèmes du Sud soit dans la venue de populations qui bénéficient désormais des libertés publiques et individuelles et d'une vie démocratique. Le Gouvernement ne pense pas que la solution réside dans l'immigration en Europe.

Deuxièmement, puisque vous mettez en cause un accord que nous avons signé avec la Tunisie,…

Debut de section - PermalienClaude Guéant, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration

…je tiens à rappeler que la France a des relations d'État à État et qu'aucun parti de la majorité n'appartenait à la même Internationale que celui de M. Ben Ali. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Sandrine Mazetier

Et vos séjours en Libye, vous voulez qu'on vous les rappelle ! (Vives protestations sur les bancs des groupes UMP et NC.)

Debut de section - PermalienClaude Guéant, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration

Ensuite, vous parlez d'échec de notre politique. Encore faudrait-il savoir par rapport à quoi. Le Gouvernement entend maîtriser les flux migratoires et appliquer la loi de la République, laquelle prévoit qu'en certains cas, les étrangers en situation irrégulière doivent être reconduits à la frontière. Je signale que, durant ces dernières années, nous avons reconduit à la frontière environ 30 000 personnes en situation irrégulière chaque année …

Debut de section - PermalienClaude Guéant, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration

…alors que lorsque vous étiez au pouvoir, vous en avez reconduit moins de 10 000. Mais peut-être était-ce délibéré puisque j'ai cru comprendre que vous souhaitiez davantage d'immigration dans notre pays.

J'ajoute que nous avons à résoudre un problème : celui de la transposition des directives européennes. Tous nos partenaires européens y ont procédé ; la France a le devoir, après l'adoption en 2008 du pacte européen sur l'immigration et l'asile, d'être fidèle à ses engagements.

Debut de section - PermalienClaude Guéant, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration

Enfin, dernier élément, nous avons besoin d'outils pour mener la politique qui est la nôtre, qui n'est ni plus ni moins que d'appliquer les lois de la République. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Balligand

Dans les explications de vote sur la motion de rejet préalable, la parole est à M. Éric Diard, pour le groupe UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Diard

Monsieur le président, mes chers collègues, avec les interventions de Mme Mazetier, c'est toujours la même chose : elles commencent calmement et finissent par des cris et des invectives, ce que nous regrettons.

Dois-je rappeler que l'objectif de la motion de rejet préalable est de démontrer qu'un texte comporte des dispositions inconstitutionnelles ?

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Diard

Au lieu de cela, Mme Mazetier a fait un discours politique polémique sur la politique du Gouvernement en matière d'immigration ...

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Eckert

Parce que vous ne faites pas de politique peut-être !

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Diard

…et a péché par naïveté – ce qui est une habitude chez les socialistes – en semblant découvrir qu'en Afrique, il n'y avait pas que des pays démocratiques. (Rires sur quelques bancs du groupe UMP.)

Mme Mazetier semble également avoir oublié que le projet de loi avait pour objectif principal de transposer trois directives européennes.

S'agissant de la déchéance de nationalité, je rappelle que le Président a indiqué depuis plusieurs semaines déjà que cette disposition ne constituait pas un point essentiel du texte. (Protestations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Diard

Madame Mazetier, vous avez également omis de dire que la déchéance de nationalité existait d'ores et déjà. Lorsque vous étiez au pouvoir, vous ne l'avez pas remise en cause.

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Diard

Madame, je vous ai écoutée avec attention, je vois que vous n'êtes pas capable d'en faire de même, et je le regrette.

Quant à l'article 37 relatif au contentieux de l'éloignement, il n'est pas en contradiction avec la position exprimée par le Conseil constitutionnel. Le texte établit en effet un délai de cinq jours pour la saisine du juge des libertés alors que le Conseil constitutionnel avait indiqué qu'un délai de sept jours était trop long.

Debut de section - PermalienPhoto de Sandrine Mazetier

Il a préconisé un délai le plus court possible.

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Diard

Madame Mazetier, vous avez préféré la polémique hâtive aux arguments juridiques. Par conséquent, le groupe UMP rejettera votre motion de rejet préalable. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Goldberg

Cette motion pose la question de savoir si, au-delà du projet de loi, le Gouvernement suit une véritable ligne directrice dans sa politique de l'immigration dont nous pourrions partager certains des présupposés. Or, la manière dont ce débat s'est déroulé depuis le début du processus législatif, nonobstant le talent indéniable du rapporteur et sa bonne connaissance du sujet, montre que la majorité et le Gouvernement n'ont pas de volonté claire de mener une politique maîtrisée de gestion des flux migratoires, de contrôle et de sécurisation de l'entrée et du séjour des étrangers en France.

Vous invoquez les trois directives européennes. Certes, nous aurions pu avoir une discussion de fond sur la transposition de la directive relative à la carte bleue européenne, sur les conditions d'application de la directive « retour », les modalités des sanctions applicables aux employeurs qui utilisent une main-d'oeuvre bon marché et corvéable à merci. Mais au lieu de cela, depuis le début de la discussion, vous avez préféré jouer sur les peurs. J'ai encore entendu tout à l'heure M. le rapporteur indiquer que les conditions s'étaient considérablement dégradées de l'autre côté de la Méditerranée. N'aurait-il pas pu affirmer la volonté de la France de soutenir ces mouvements démocratiques et de les accompagner plutôt que de raviver les peurs ?

Depuis plusieurs années, par des biais successifs, notamment la mise en place de tests ADN, au lieu de sécuriser l'entrée et le séjour des étrangers que notre économie appelle à venir dans notre pays, vous avez cherché à insécuriser les personnes présentes depuis des années sur notre territoire, qui y travaillent pour des entreprises au vu et au su de tous, y compris ici même à l'Assemblée nationale, selon un mécanisme financier que vous refusez d'attaquer.

Une question se pose à nous très concrètement : pour paraphraser la phrase honteuse de Chantal Brunel sur la nécessité de remettre les immigrés sur les bateaux, propos que j'aimerais que les responsables du groupe UMP dénoncent de manière catégorique, y a-t-il un pilote pour diriger le bateau de votre la politique migratoire ? Qu'entendez-vous faire en matière d'entrée et de séjour des étrangers ?

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Goldberg

S'agissant de la déchéance de nationalité, la pirouette habile du rapporteur ne peut suffire à faire oublier les paroles qu'il a lui-même prononcées il y a quelques jours en commission des lois…

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Goldberg

…ou les propos tenus dans cet hémicycle. Rappelons, chers collègues de la majorité, que vous vouliez aller encore plus loin que la disposition proposée. Il va falloir à présent vous expliquer très concrètement sur ce que vous comptez faire en matière de droit à la nationalité et d'extension de la déchéance de nationalité.

Pour toutes ces raisons, j'invite nos collègues à approuver la motion de rejet préalable défendue par Sandrine Mazetier. Mais pour finir, j'aimerais rappeler qu'un certain nombre d'entre vous étaient présents la semaine dernière dans des locaux voisins pour applaudir Éric Zemmour, condamné par la justice. Il a appelé à revenir sur ce qu'il appelle les « lois liberticides de la République », il a déploré l'extension du droit des associations à mener des actions pénales et il a soutenu la disparition de la HALDE – que vous avez avalisée en adoptant la loi relative au Défenseur des droits –, positions que, pour certains, vous avez approuvées. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Debut de section - PermalienPhoto de Roland Muzeau

Monsieur le ministre, nous voterons cette motion de rejet préalable, convaincus par l'argumentation de Sandrine Mazetier mais motivés aussi par d'autres raisons que nous développerons dans la discussion générale et que Noël Mamère va exposer dans quelques instants.

Votre texte, monsieur le ministre, prolonge tous ceux qui, depuis 2002, ont placé notre pays dans une régression permanente du droit général et de ce que la France pouvait symboliser à l'étranger.

La ligne politique assumée par le Président de la République, revendiquée par l'UMP et plus encore par quelques ultras parmi vous, a obliqué méthodiquement vers l'exclusion, la stigmatisation de l'étranger rendu responsable de tout alors même qu'il a construit – vous devriez vous en souvenir – la France d'aujourd'hui.

Vous n'avez cessé de puiser dans le catalogue nauséabond du Front national. Et ce faisant, vous avez sciemment joué avec le feu, car les gens préfèrent toujours l'original à la copie.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland Muzeau

Votre fuite en avant, en même temps qu'elle porte atteinte à la cohésion nationale, a conduit notre pays – fait sans précédent – à faire l'objet d'une condamnation de la part des plus hautes instances internationales, notamment européennes, je pense en particulier aux dispositions concernant les Roms.

En votant cette motion de rejet, c'est aussi le discours de Grenoble que nous rejetons, comme nous le montrerons tout à l'heure. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Hunault

Monsieur le ministre, au nom de mes collègues du Nouveau Centre, je veux vous dire combien je me réjouis que nous ayons trouvé un accord…

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Hunault

…pour la suppression, à l'article 3 bis, de l'extension du champ de la déchéance de la nationalité.

Mme Mazetier se souciait des rapports du Gouvernement avec sa majorité. Je crois que la gauche a suffisamment à faire avec son propre camp pour s'occuper de la majorité.

J'ai écouté avec beaucoup d'attention son réquisitoire, pendant lequel elle a employé au moins une vingtaine de fois le mot « échec ».

Mais, comme vous l'avez souligné, monsieur le ministre, ce projet de loi vise à transcrire dans notre droit trois directives de l'Union européenne. Et, que je sache, certains pays européens ont des gouvernements de gauche, lesquels ont procédé à cette transposition.

Nous avons dépassé les délais impartis, M. le rapporteur l'a fort bien dit. Il y a urgence à apporter une réponse et transposer ces trois textes. D'autant qu'il importe, comme vous l'avez rappelé, monsieur le ministre, que la France soit fidèle à sa vocation …

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Hunault

… en gérant les flux migratoires et en faisant en sorte que les personnes issues de l'immigration régulière soient accueillies décemment dans notre pays.

Chers collègues de l'opposition, sur ces objectifs, nous devrions nous accorder plutôt que de nous opposer, d'autant que certaines mesures spécifiques visent à améliorer la situation des personnes issues de l'immigration régulière. À cet égard, j'espère que certaines dispositions seront adoptées à l'unanimité.

Enfin, madame Mazetier, vous avez évoqué les accords de coopération signés avec des dictateurs. Mercredi dernier, dans le cadre de la semaine de contrôle, nous avons eu dans cet hémicycle, à l'initiative de l'opposition, un débat très intéressant sur nos relations avec les pays d'Afrique. Quel contraste entre les propos inquisitoires que vous tenez aujourd'hui et les propos que nous avons échangés à cette occasion ! Nous avons pu réfléchir aux solutions permettant de subordonner l'aide au développement, d'accompagner le vent de démocratie qui souffle dans les pays du Maghreb, de renforcer la traçabilité des aides que nous accordons pour lutter contre la corruption et la dictature. Permettez-moi de vous dire que ce débat avait une autre dimension que votre intervention. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

(La motion de rejet préalable, mise aux voix, n'est pas adoptée.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Balligand

J'ai reçu de M. Yves Cochet et des membres du groupe GDR une motion de renvoi en commission déposée en application de l'article 91, alinéa 6, du règlement.

La parole est à M. Noël Mamère.

Debut de section - PermalienPhoto de Noël Mamère

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous débattons à nouveau du projet de loi « Besson », devenu loi Hortefeux, et qui revient donc maintenant à son vrai géniteur : Claude Guéant.

Cette loi traduit en actes l'orientation xénophobe du discours de Grenoble, prononcé alors que, secrétaire général de l'Élysée, vous inspiriez au jour le jour, monsieur le ministre, l'action du Président. En effet, ce texte rend encore plus précaire la situation des étrangers sur notre territoire et fait reculer plusieurs droits fondamentaux ; surtout, il contribue à alimenter un climat délétère dont le sondage du Parisien a montré les effets dévastateurs.

Nous discutons de ce texte dans un contexte tendu, exacerbé par la volonté de faire peur. Alors que votre Gouvernement – il n'est pas exagéré de le dire – a été en dessous de tout depuis le début des révolutions arabes, sa seule ligne cohérente consiste à annoncer l'invasion imminente de l'Europe par des centaines de milliers, voire par des millions d'étrangers. Vous prenez en otage les peuples du Maghreb, qui sont en train d'en finir avec les tyrannies que vous souteniez depuis des décennies.

Je vous le dis solennellement, monsieur le ministre : arrêtez cette politique xénophobe. Au lieu de faire des étrangers les cibles d'une politique discriminatoire, votre gouvernement, qui n'a que trop coopéré avec les despotes dans la chasse aux migrants, devrait enfin satisfaire le besoin urgent de solidarité internationale avec les peuples libérés sur l'autre rive de la Méditerranée.

Vous êtes en train de rater une chance historique. Vous en serez comptables devant les générations futures, quelles que soient les destinées des révolutions sociales et démocratiques des peuples arabes. Ce monde n'a pas besoin de lois qui renforcent les peurs et les haines xénophobes, mais de politiques ouvertes sur l'avenir, qui fassent triompher les valeurs universelles de la République : la démocratie, l'égalité en droits et en dignité des êtres humains, la liberté pour tous les peuples.

Le débat sur l'identité nationale que vous aviez lancé sur ordre, monsieur le ministre, était donc le point de départ de cette séquence politique qui pue le cynisme, la démagogie et le populisme. Il a ouvert les vannes et mis en marche le défouloir des peurs, peurs que certains de vos collègues n'ont pas hésité à attiser.

Nombreux sont ceux qui ont vu dans cette séquence une opération de diversion destinée à masquer les échecs de votre gouvernement. Vous avez décidé de l'interrompre, pour mieux la reprendre aujourd'hui à travers un nouveau débat qui s'annonce sur l'islam. Cette inconséquence entraîne votre chute, mais elle généralise aussi le discrédit de la classe politique toute entière et ne profite qu'à Mme Le Pen.

2003, 2006, 2007, et maintenant ce texte. Le train des réformes législatives en matière de droit des étrangers fonctionne à plein régime : il s'agit du quatrième texte en sept ans, du quatrième texte visant à modifier et durcir encore les conditions d'entrée et de vie dans notre pays. Autant de textes qui prennent l'étranger pour cible ; autant de reculs des droits des étrangers, du droit d'asile, des libertés ; autant de textes qui dégradent l'image de la France dans le monde.

L'allongement de la durée de rétention et les entraves au contrôle du juge, la mesure de bannissement qui prend la forme d'une « interdiction de retour », la chasse aux Roms et aux étrangers malades, l'instauration d'un internement administratif de très longue durée des présumés terroristes aggravent la politique de la peur et du rejet, qui fait des étrangers des boucs émissaires, alors qu'ils vivent ici, travaillent ici et partagent notre vie de tous les jours.

Il me semble que le virage politique opéré par le Gouvernement, au nom duquel vous présentez ce projet; est profond et durable. Il s'agit sans doute moins de tactique électorale que de stratégie politique. Les quatorze mois qui nous séparent de l'élection présidentielle vont malheureusement illustrer jusqu'à la nausée cette orientation, d'autant qu'elle s'inscrit dans un contexte européen propice et pour le moins inquiétant.

Ainsi se dessine par petites touches une nouvelle droite, aux formes diffuses, car encore incertaines, aux relations incestueuses avec le monde de la finance, que la soirée du Fouquet's, le scandale Woerth-Bettencourt ou les petites affaires du couple Alliot-Marie-Ollier incarnent à merveille, tissant sa toile d'influence dans les médias, décidée à réduire le contrôle de l'État et les services publics, répugnant à respecter son opposition, considérant toujours son élection aux plus hautes responsabilités comme une sorte de dû ou de chèque en blanc, une autorisation de passer en force, au mépris des institutions et du respect des règles auxquelles obéit la prise de décision en démocratie.

Cette droite agit prétendument au nom de ce que veut le peuple, mais elle violente la démocratie. Cette droite, que vous incarnez ce soir, monsieur le ministre, abaisse notre République. Elle ne croit plus en rien, si ce n'est à son droit d'accaparer le pouvoir ; à cette fin, elle flirte sans complexes avec le populisme et puise dans le fonds de commerce de l'extrême droite en s'inventant les mêmes boucs émissaires que cette dernière, tout en feignant de croire que cela n'aura pas de conséquences.

Les éléments épars du puzzle ont pris forme à Grenoble, lorsque Nicolas Sarkozy, pour mieux conjurer sa chute de popularité dans l'opinion, a décidé de franchir la ligne jaune, celle qu'aucun homme d'État n'avait osé outrepasser avant lui. Dans un discours aussi limpide que guerrier, dans le droit fil de Le Pen, le Président lia immigration et délinquance. C'était une folie, mais une folie assumée.

Le durcissement spectaculaire, en discours comme en actes, de la politique sécuritaire et migratoire française représente une transgression majeure, et sans doute irréversible, du pacte républicain. La parole présidentielle, même inspirée par l'ex-journaliste de Minute Patrick Buisson, mérite d'être prise au sérieux, car elle entraîne la République sur la voie de la réprobation internationale et de la trahison des idéaux de la patrie des droits de l'homme.

Depuis le discours de Grenoble, assimilant immigration et délinquance, remettant en cause les conditions d'appartenance à la nation et ouvrant la chasse aux indésirables, la parole présidentielle a libéré et légitimé l'expression d'une logique mortifère contre laquelle, du fait même de l'origine de cette parole, il n'existe actuellement aucun antidote efficace.

Debut de section - PermalienPhoto de Noël Mamère

Nous allons donc ici, radicaux, socialistes, communistes, écologistes, humanistes, avec, peut-être, quelques hommes et femmes du centre droit pour qui la République et ses valeurs ne sont pas un vain mot, tenter de redonner force aux principes humanistes et universalistes, alors même que les xénophobes et les racistes jouissent désormais d'une légitimité au plus haut niveau de l'État.

J'ai déjà dit ce que je pensais du comportement de votre gouvernement envers les révolutions démocratiques arabes. Pour vous, Ben Ali et Kadhafi jouaient un rôle central : celui de matons, de gardes-frontières et les gardes-chiourme de l'Europe, …

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Louise Fort

Ils appartenaient à l'Internationale socialiste !

Debut de section - PermalienPhoto de Noël Mamère

… une Europe forteresse cadenassée à double tour, repliée sur elle-même, livrant son industrie aux produits chinois, mais interdisant la libre circulation des hommes.

Dans votre texte, vous êtes d'une logique implacable : vous instrumentalisez l'Europe. En effet, trois directives européennes servent de prétexte à ce projet. Rappelons que l'adoption par l'Union, en 2008, de la directive sur les retours forcés – qualifiée à juste titre de « directive de la honte » – symbolise l'impasse des politiques européennes à l'égard des migrants.

Cette directive « Retour », compromis boiteux et répressif entre les vingt-sept États membres de l'Union, banalise le recours à l'enfermement, donc à la privation de liberté, comme à une méthode de gestion des personnes migrantes. Dans ce dispositif, les mesures suspicieuses et leurs conséquences répressives et sécuritaires sont totalement disproportionnées aux objectifs annoncés ; il consacre l'Europe forteresse.

Cette directive supposait déjà de considérer les migrants comme des intrus, des problèmes en soi, des charges déraisonnables. Mais votre texte accentue et aggrave cette orientation, car il va bien au-delà de ce qu'aurait du être une simple transposition.

Cette directive marquait un renoncement de l'Europe à ses propres valeurs. Dans le cas contraire, que dire des refoulements massifs vers la Libye auxquels a procédé le gouvernement italien ? Ne témoignent-ils pas de l'abandon, désormais explicitement assumé par certains États, du principe d'universalité des droits de l'homme ?

Votre texte inclut des dispositions contraires à nos engagements internationaux et à nos traditions. Nous connaissons pourtant fort bien les causes de ces migrations : les déséquilibres économiques et l'inégale répartition des richesses ; les écarts démographiques ; les conflits, notamment pour le contrôle des sources d'énergie ; l'absence de démocratie dans de nombreux pays du Sud ; les catastrophes climatiques ou écologiques. Nous savons par ailleurs que l'Europe, en raison de sa situation démographique, ne pourra se passer de l'apport de l'immigration.

Cette directive, que nombre d'associations de défense des droits humains et d'autres gouvernements ont dénoncée, apparaît comme un rempart. Quel triste paradoxe, pour celles et ceux – dont je suis – qui la considéraient comme une honte, que de devoir s'y référer pour freiner les ardeurs répressives et sécuritaires de votre politique, pour combattre les abus que vous prétendez introduire dans la législation par ce projet de loi ! En effet, vous auriez pu choisir le mieux-disant ; mais vous avez préféré le pire.

Venons-en à d'autres aspects du texte. Après la lecture au Sénat, notre commission des lois a rétabli toutes les dispositions contestées par nos collègues du Palais du Luxembourg. Au total, ce texte, qui est en contradiction avec la convention internationale des migrants de l'ONU, que la France refuse de signer, et avec la convention européenne des droits de l'homme, demeure inacceptable. Si les quelques améliorations apportées par le Sénat ne changeaient malheureusement rien au dispositif général du projet, elles permettaient au moins d'écarter quelques-unes de ses conséquences les plus ignobles en matière de droits humains.

Le Sénat avait ainsi supprimé l'article 17 ter, relatif au droit de séjour des étrangers malades. En première lecture, le rapporteur d'alors, Thierry Mariani, avait défendu un amendement subordonnant l'obtention de ce droit à l'inexistence de traitements dans le pays d'origine. Le terme finalement retenu fut celui d'« indisponibilité », qui ne nous convenait pas davantage.

Pour défendre le maintien de cette disposition au Sénat, le Gouvernement s'est appuyé sur un arrêt du Conseil d'État du 7 avril 2010, mais l'analyse ne tient pas : dès 1998, le ministre de l'intérieur écrivait aux préfets que la possibilité pour l'intéressé de bénéficier, dans son pays d'origine, du traitement approprié à son état dépendait non seulement de l'existence des moyens sanitaires adéquats, mais aussi de la capacité de la personne à y accéder. Cette circulaire n'a jamais été contredite. Elle a même été réaffirmée dans les instructions du ministère de la santé le 30 septembre 2005, le 23 octobre 2007 et le 29 juillet 2010.

L'idée d'un bénéfice effectif ou d'un accès effectif aux traitements doit donc être conservée. C'est ce qui a conduit les sénateurs à supprimer l'article. Si, dans de nombreux pays, les traitements de maladies comme le sida existent, ce n'est souvent que dans quelques sites, et à des tarifs prohibitifs ; l'ensemble de la population n'y a donc pas accès.

La notion de besoin effectif, réaffirmée à de multiples reprises depuis 1998 – je l'ai dit –, me paraît bien préférable à celle d'indisponibilité ; c'est celle que les médecins utilisent pour juger de la nécessité d'accéder aux soins. Ce qui est en jeu, c'est bien la capacité réelle d'une personne à accéder à ces soins, donc l'accessibilité financière, sociale, géographique. On sait aussi que certaines catégories de population, comme les femmes ou les homosexuels, peuvent faire l'objet de discriminations.

Nous récusons tout autant la notion d'indisponibilité que celle d'existence, proposée à l'origine, et nous ne comprenons pas l'entêtement du Gouvernement à réintroduire cet obstacle à l'entrée des étrangers malades. L'amendement qui le permet nous paraît d'autant plus dangereux qu'il pourrait conduire à restreindre l'accès à notre système de soins d'étrangers malades présents sur le territoire, au risque de favoriser des infections et des contagions.

Je suis indigné que le Gouvernement souhaite rétablir cette disposition. La France délivre chaque année 6 000 cartes de ce type : elle n'est donc pas menacée d'invasion. Cet acharnement risque d'accroître la vulnérabilité des personnes concernées, d'un point de vue tant sanitaire que politique. Il est du devoir de notre pays de ne pas les laisser courir des risques qui mettent en péril leur santé et leur liberté.

Enfin, le fait de reconduire à la frontière des personnes malades sans que des soins effectifs aient pu leur être garantis les condamne à une mort certaine. C'est contraire au droit de toute personne à être soignée.

Bref, l'amendement du Gouvernement qui vise à rétablir cet article est proprement scandaleux.

Debut de section - PermalienPhoto de Noël Mamère

Sous la pression des députés de gauche, des associations et d'une partie de la droite, vous avez renoncé à l'extension de la déchéance de nationalité discriminant les Français d'origine étrangère.

Cette disposition, introduite dans le texte à l'automne, constituait la réaction du Gouvernement aux événements survenus à Grenoble l'été dernier, lorsque la répression s'était abattue sur des populations qui avaient en réalité peu à voir avec le braquage du casino et ses suites.

Nous avions alors dit qu'on ne pouvait pas créer ainsi deux catégories de Français : ceux qui ont la nationalité française depuis la naissance et ceux qui l'ont acquise par naturalisation. Par ailleurs, on pouvait douter de la constitutionnalité d'une disposition selon laquelle il y aurait deux types de Français, les Français d'origine et ceux qui viennent d'acquérir la nationalité, auxquels on pourrait appliquer des sanctions différentes.

Debut de section - PermalienPhoto de Noël Mamère

Des mesures aussi idéologiques ont quelque chose de ridicule. Le raisonnement présidentiel ressemblait à s'y méprendre à la distinction opérée par l'extrême droite entre ceux qu'elle appelle les « vrais Français » et les « Français de papier ».

Le durcissement extraordinaire des politiques contre les migrants aurait pu s'accompagner, d'une certaine façon, d'une plus grande ouverture dans l'accès à la nationalité, mais il n'en est rien.

Au fil des réformes, les délais d'acquisition de la nationalité française par les conjoints ou conjointes, par exemple, ont été considérablement allongés – quatre ans après le mariage pour déposer la demande, un an pour l'enregistrer, deux ans pour une éventuelle opposition du Gouvernement. C'était sans doute trop peu, avez-vous dû penser : votre texte ajoute une année au délai d'enregistrement. On en arrive à huit ans d'attente en tout !

Dans leur sagesse, nos collègues sénateurs avaient supprimé l'article 37 pour rétablir l'intervention du juge des libertés et de la détention dans un délai de quarante-huit heures, et avaient limité dans le temps et dans l'espace les zones d'attente temporaires : en effet, cet article ne faisait pas la distinction entre la zone d'attente et le territoire puisqu'il permettait de ramener en zone d'attente, en deçà du contrôle frontalier, des personnes déjà entrées, certes irrégulièrement, sur le territoire national. Or, selon qu'une personne est entrée irrégulièrement sur le territoire ou qu'elle est placée en zone d'attente, ses droits diffèrent.

Vous avez pourtant rétabli cet article qui réduit la portée du droit d'asile, et qui constitue donc un recul par rapport à nos principes constitutionnels et aux conventions internationales que nous avons signées.

La création de ces zones d'attente nouvelles qui, selon moi, s'apparentent à un véritable déni de droit d'asile par la création de « zones d'attente fictives », ne se justifie aucunement par la nécessité de transposer une directive européenne : une fois de plus, cette mesure découle d'un événement bien précis, qui ne s'est produit qu'une fois.

Rappelons que la zone d'attente est un espace physique, créé et défini par la loi du 6 juillet 1992, qui s'étend « des points d'embarquement et de débarquement à ceux où sont effectués les contrôles des personnes ». Elle est instituée par voie d'arrêté préfectoral.

Cette notion souple a déjà été élargie par Nicolas Sarkozy en 2003 : le texte prévoyait déjà, alors, qu'une zone d'attente pouvait être créée à proximité du lieu de débarquement et non plus seulement dans une gare, un port ou un aéroport.

La nouvelle disposition introduite par l'article 6 permet de placer les étrangers sous le régime de la zone d'attente lorsqu'ils arrivent en groupe. En précisant que la zone d'attente s'étend du « lieu de découverte au point de passage frontalier le plus proche », vous proposez une définition spatiale illimitée. Par ce montage juridique, l'administration pourra à l'avenir créer à sa convenance des espaces d'extra-territorialité sur le territoire national. On voit où cela pourrait mener si quelques migrants arrivaient des pays du sud de la Méditerranée !

Debut de section - PermalienPhoto de Noël Mamère

Nous verrons donc apparaître des zones d'attente éphémères et itinérantes, ayant vocation à émerger n'importe où, et à tout moment : on pourrait les appeler des zones d'attente « sac à dos ».

Prenant prétexte de l'annulation par les juges de toutes les décisions d'éloignement et de placement en rétention de 123 Kurdes de Syrie arrivés en barque sur les côtes corses au mois de janvier 2010, votre texte a pour objectif de permettre à l'administration d'expulser tout groupe d'étrangers, niant au passage leur éventuelle condition de réfugiés par un tour de passe-passe : c'est la fiction juridique de la zone d'attente virtuelle, qui va coller à la peau de tout groupe d'étrangers découvert à l'intérieur du territoire, en dehors d'un poste frontalier et supposé composé de primo-arrivants.

On voit bien que lorsque la justice vous déplaît, lorsqu'elle condamne des abus de pouvoir, le Gouvernement préfère changer la loi, la modeler à sa guise, introduire des dispositifs d'exception par le biais de textes de circonstances.

Tout ce texte est en effet empreint d'une hostilité et d'une méfiance à l'égard de la justice, en l'occurrence du juge des libertés et de la détention considéré comme un empêcheur d'expulser efficacement.

En faisant passer de quarante-huit heures à cinq jours le délai pour que l'étranger comparaisse devant ce juge, qui pourra lui rendre sa liberté ou prolonger sa détention, vous visez un objectif précis : vous voulez permettre au juge administratif de statuer sur la légalité de la mesure d'expulsion avant que le JLD se prononce sur le maintien en rétention.

Désormais, l'étranger pourra donc être expulsé immédiatement, ou dans le délai de cinq jours, sans qu'aucun contrôle des conditions d'interpellation ait eu lieu.

Cette mesure est autonome. Elle n'est dictée par aucun impératif de transposition d'une quelconque directive européenne ; et elle organise une sorte de déni de justice, puisqu'aucun juge, ni pénal, ni civil – faute d'être saisis avant la mise à exécution de la mesure –, ni administratif – faute d'être compétent –, n'aura jamais à connaître des atteintes aux droits fondamentaux des personnes concernées.

En affaiblissant le pouvoir du JLD, votre texte restreint de fait considérablement les droits des étrangers.

L'article 7 nous propose en effet d'adopter une règle dérogatoire en matière de notification des droits en zone d'attente, règle qui offre plus de souplesse à l'administration dans les obligations qu'elle doit respecter quand elle se trouve en présence d'un « nombre important d'étrangers ». La notification des droits des personnes privées de liberté est pourtant une garantie essentielle, au coeur du contrôle du juge de la liberté individuelle.

En prévoyant que cette notification se ferait « dans les meilleurs délais », l'article 7 vise à rendre régulières des privations de liberté de plusieurs heures hors de tout cadre juridique.

Combien de temps faudra-t-il pour que votre Gouvernement estime que la notification ne doit plus se faire dans les meilleurs délais, mais simplement si c'est possible ?

Une procédure d'asile n'est équitable que si elle offre à toutes et à tous la certitude que leur demande sera examinée dans des délais raisonnables et compatibles, sous le contrôle d'une juridiction accessible de façon effective. Je vous demande donc de ne pas adopter les articles 6, 23, 74 bis, 75 et 75 ter du projet de loi relatif à l'immigration.

Le respect du droit d'asile s'impose à la France. C'est une considération élémentaire d'humanité et une obligation juridique, tant constitutionnelle qu'internationale.

La « carte bleue européenne » que transpose également ce projet s'inscrit dans la logique de l'immigration choisie, qui vise à attirer en Europe des travailleurs qualifiés : c'est donc un pillage des cerveaux des pays émergents, tout comme d'ailleurs la carte « compétences et talents », apparue en 2006, et qui concernera d'ailleurs assez peu de monde.

La directive sur la lutte contre l'emploi des étrangers sans titre de séjour est une avancée, mais en trompe-l'oeil.

Quelques mesures visent en effet à améliorer les droits des travailleurs sans papiers, en cas de rupture de contrat de travail et d'éloignement, sur le plan des indemnités qui leur sont dues.

Elles sont à la fois limitées et difficiles à appliquer.

Les sanctions, nous dit-on, seront aggravées, notamment contre les donneurs d'ordre. Je doute de la véritable volonté politique de lutter contre ces pratiques. Les intéressés pourront facilement s'exonérer de leur responsabilité pénale ou de la solidarité financière avec leurs sous-traitants, comme ce fut le cas lors de l'emploi de travailleurs sans papiers dans les travaux de rénovation de nos locaux, situés au 101, rue de l'université. Il a suffi que le président de l'Assemblée affirme avoir été abusé par les entreprises sous-traitantes pour se dédouaner de toute responsabilité.

Il n'est pas sûr par ailleurs que, dans l'actuel contexte économique et social, l'administration prenne la responsabilité de fermer un établissement dans lequel aura été constatée une infraction de travail illégal.

Sur bien des points, la « directive de la honte » offre hélas aux migrants de meilleures garanties juridiques que votre texte.

Par exemple, sur le démantèlement des campements de Roms, la circulaire gouvernementale, fondée sur la discrimination et la stigmatisation d'une population, était une violation flagrante de nos engagements communautaires.

Debut de section - PermalienPhoto de Noël Mamère

Votre projet de loi ne mentionne aucune condition d'urgence, il n'évoque nullement une situation exceptionnelle : la présence de plusieurs étrangers est retenue comme seule référence. L'exceptionnel devient la norme ! La notion de groupe est emblématique des dérives de votre texte : alors que la directive évoque un afflux massif, le projet de loi mentionne un « groupe d'au moins dix étrangers ».

Alors que la directive est claire, en mentionnant un « nombre exceptionnellement élevé », l'expression « groupe d'au moins dix étrangers » permet d'avoir recours à des mesures d'exception. En omettant le caractère exceptionnel et urgent des situations, vous permettez à l'administration d'avoir recours à des dispositifs répressifs disproportionnés, de manière permanente et non plus exceptionnelle.

Sur notre territoire, ce qui avait été envisagé comme une exception par nos partenaires européens devient la règle.

Ce texte instaure par ailleurs une gestion véritablement industrielle des expulsions que confirme la construction des nouveaux centres de rétention 2 et 3 du Mesnil-Amelot. Ainsi, la politique du chiffre s'impose au droit et à la justice.

Monsieur le président, monsieur le ministre, chers collègues, nous sommes pris dans un maëlstrom historique. Vous êtes devant vos responsabilités. Nous ne sommes pas contre une régulation des flux migratoires. Vous avez d'ailleurs vous-même régularisé des dizaines de milliers de sans papiers, contrairement à vos discours de matamores musclés. Ce qui caractérise vos projets de lois, ce n'est pas la réalité de la régulation, mais l'apparence de la force que vous prétendez utiliser. Cela se traduit dans le pays par un climat de xénophobie d'État où des catégories entières de la population sont stigmatisées, mises au pilori, désignées à la vindicte.

Au lieu de raccommoder le lien social, vous exacerbez les divisions, pensant que cela pourra servir vos mesquins intérêts électoraux. Las, vous aurez à la fois le désaveu et le déshonneur. (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)

Mais nous refusons que vous emmeniez la France tout entière dans votre déchéance. En vous affranchissant des garde-fous et des limites prévues par les textes que vous prétendez transposer, vous fragilisez de manière extraordinaire la situation des migrants, vous les privez de leurs droits les plus élémentaires, vous trahissez la longue tradition d'accueil de notre République, et vous mettez en danger le pacte social de notre pays.

Pour toutes ces raisons, je demande à l'Assemblée de renvoyer ce texte en commission. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Goasguen

J'ai écouté M. Mamère avec beaucoup d'attention. Il n'est pas d'accord avec le texte – on s'en serait douté. Mais ce discours avait plutôt sa place dans la discussion générale.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Goasguen

Ce n'est pas un discours de renvoi en commission : pour cela, il aurait fallu nous expliquer que nous n'avions pas suffisamment débattu. Or nous avons débattu en première lecture pendant une semaine et demie ; le Sénat, qui n'est pas tenu par un temps limité, a débattu très longtemps. Nous avons examiné le texte en commission des lois à plusieurs reprises.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Goasguen

Et de fait, monsieur Mamère, vous n'avez proposé aucun nouvel argument. Vous avez tenu le discours que vous tenez habituellement ; c'est le vôtre et nous l'acceptons. Mais ce n'est pas la défense d'une motion de renvoi en commission.

Je relèverai toutefois une petite contradiction à la fin de votre discours. Vous donnez votre sentiment que les mesures que nous édictons sont d'une extrême brutalité, qui ne tiennent pas compte de la tradition française ; mais, à la fin, vous vous laissez aller à dire que tout cela, c'est de l'apparence.

Votre discours est un peu étonnant : ou bien ce texte n'est qu'apparence, ou bien il y a brutalité effective ; mais les deux à la fois, ce n'est pas possible !

En réalité, ce qui vous gêne dans ce texte, c'est qu'il est mesuré. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Noël Mamère

Vous allez bientôt dire qu'il est équilibré, je le devine.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Goasguen

Mais oui, il est équilibré. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Il n'est ni dans les divagations et l'absence de propositions du Front national…

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Yves Le Bouillonnec

Ah, je me disais aussi : vous ne pouviez pas ne pas dire « angélique ».

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Goasguen

Entre l'angélisme et la démesure, le texte du Gouvernement est, je crois, un bon texte. C'est pourquoi je demande que la motion de renvoi en commission ne soit pas adoptée.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Balligand

Dans les explications de vote, la parole est à M. Éric Diard, pour le groupe UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Diard

Je serai bref, car M. le rapporteur a dit l'essentiel. Dans le discours très général de M. Mamère, il n'était en effet nullement question de renvoi en commission. Nous avons beaucoup travaillé sur ce texte en première lecture, nous y avons passé de longues journées et de longues nuits. Nous avons longuement travaillé en commission des lois : la dernière fois, nous y avons passé toute une matinée, terminant au-delà de treize heures. Tout a été vu en première lecture ; nous abordons maintenant la deuxième lecture, après le passage au Sénat.

Je n'ai pas la même vision des choses. Mais j'aimerais tout de même qu'à chaque fois, nous fassions un peu de droit comparé, notamment en nous intéressant à ce qui se fait dans les autres pays européens. C'est tout de même important !

En écoutant M. Mamère, je n'ai pas l'impression qu'il regarde la législation de nos voisins ; je lui rappelle donc encore une fois qu'en allongeant la durée de rétention, la France disposera encore en Europe du délai le plus court. La France n'a pas une politique plus restrictive que les autres pays européens, ou bien démontrez-moi le contraire.

Je tiens toutefois à remercier M. Mamère qui avait, en première lecture, tenu des propos très durs, relevant plus d'un discours extrémiste qu'écologiste. Il était allé jusqu'à parler de « la France qui pue » !

Un député du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Il est fatigué, ce soir !

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Diard

Pendant quelques mois, je me suis demandé à quoi il faisait allusion. J'ai trouvé la réponse ce matin, dans le journal La Provence qui relatait sa visite à Marseille, hier. Interrogé sur le parti socialiste des Bouches-du-Rhône, il a répondu : « Cela ne sent pas bon ».

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Diard

Enfin, j'ai compris à quoi faisait référence M. Mamère ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.) Je lui communiquerai l'article qui contient la citation entre guillemets, puisqu'il ne semble pas l'avoir lu.

Le rapporteur Claude Goasguen a bien fait de dire qu'il ne s'agissait nullement d'une motion de renvoi en commission. Il est inutile de renvoyer en commission un débat qui a eu lieu et qui va pouvoir se dérouler pendant encore une vingtaine d'heures en deuxième lecture. Par conséquent, le groupe UMP votera contre la motion. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Serge Blisko

J'ai entendu M. Diard élever le débat au niveau olfactif avec grand plaisir (Sourires), mais nous avons tout de même mieux à faire !

Nous sommes face à un texte qui nous pose problème et Noël Mamère, dans son intervention brillante (Exclamations et rires sur les bancs du groupe UMP), a posé les questions essentielles. Nonobstant le vocabulaire qu'il a choisi d'utiliser pour ce faire, il a effectivement pointé ce qui ne sent pas bon, ce qui, dans cet énième texte, est extrêmement préoccupant.

Les initiatives du Gouvernement et du Président de la République ont contribué à dégrader encore plus un climat politique qui l'était déjà fortement.

Debut de section - PermalienPhoto de Serge Blisko

Il les a rappelées rapidement, et d'abord le débat sur l'identité nationale, qui a été avarié. Ce ne sont pas des élus verts, SRC ou GDR, mais bien des élus UMP que l'on a entendu lâcher les vannes d'une xénophobie exacerbée.

Après cet échec, on aurait pu rêver d'un peu de sagesse, de réconciliation entre Français et – pourquoi pas ? – d'un dialogue républicain posant les problèmes qui sont effectivement ceux d'une société où tout bouge très vite. Au lieu de quoi, nous avons un débat sur la place de l'islam. Il y a huit jours, M. de Charrette demandait quel était ce gouvernement qui voulait faire de la place de l'islam un sujet de débat politique. Comme si la place des religions était un sujet de débat politique dans ce pays ! Bien évidemment, les mêmes causes produisant les mêmes effets, vous aurez le retour de bâton. Je ne dis pas « vous » pour désigner seulement votre famille politique, qui va se faire étriller, mais pour rappeler ce que nous savons tous : le débat politique et la démocratie n'ont rien à y gagner. Mais vous continuez.

Nous évoquions tout à l'heure les formidables, mais difficiles, mouvements de libération des pays de l'autre côté de la Méditerranée. N'oublions pas qu'ils ont fait des centaines, des milliers de morts. Au mépris de grands dangers, des jeunes se sont levés pour réclamer la liberté, la démocratie. Qu'avez-vous trouvé à dire ? « Attention, ils pourraient arriver en trop grand nombre sur nos côtes ! » Quelle image donnez-vous de notre pays, qui aurait pourtant un message spécial à adresser à ces pays pour en avoir été le colonisateur et parfois pour avoir une communauté linguistique avec eux ! Mais vous leur dites : « On se méfie de vous, vous pourriez venir ! » Quand on tient un tel langage et qu'on ménage un tel climat politique, il ne faut pas s'étonner que tout devienne dur.

Noël Mamère a, longuement et avec raison, développé deux points qui méritent d'être retravaillés en commission.

D'abord, s'agissant de l'autorisation de soigner les étrangers malades, il est absolument inconcevable de jouer sur les mots. Bien entendu, tous les traitements sont disponibles dans tous les pays du monde, y compris les plus pauvres. Mais pas pour tout le monde. La classe dirigeante, les expatriés ont droit à des traitements compliqués, coûteux. Il y a des pharmacies même dans le plus pauvre des pays. Mais on sait très bien que 99 % de la population ne peut pas y avoir accès pour des raisons d'éloignement géographique, financier ou culturel.

Debut de section - PermalienPhoto de Serge Blisko

Il ne s'agit pas d'organiser des charters sanitaires, cela n'existe pas.

Debut de section - PermalienPhoto de Serge Blisko

Non, cela n'existe pas, ce sont vos fantasmes. Les seuls appels que je reçois sont pour donner de l'argent au profit de familles et d'enfants français qui peuvent être traités non pas en France mais à l'étranger. Jamais je n'ai vu l'inverse. Du reste, vous savez que ce n'est pas cette population qui coûte cher aux hôpitaux, ce sont les familles des dirigeants de ces pays qui viennent et laissent des ardoises. Arrêtons donc de dire que nous allons subir une invasion.

Par contre, avec cette restriction sur l'aide médicale d'État, Noël Mamère l'a dit, des gens ne seront pas traités et nous les renverrons dans leur pays très malades, au risque de les laisser mourir. Ce n'est pas digne de notre conception de la France, de la solidarité et de la tradition d'accueil des malades dans ce pays.

Le deuxième point porte sur l'extraordinaire complexification, pire, la sophistication mesquine de la politique d'asile. Il existerait une liste de pays d'origine sûrs, qui change régulièrement.

Debut de section - PermalienPhoto de Serge Blisko

Parfois apparaissent des pays qui ne sont pas sûrs, où des minorités sont persécutées pour des raisons politiques, religieuses, sexuelles. Les pays d'origine ne sont donc pas égaux.

Par ailleurs, la disparition du juge des libertés et de la détention jusqu'au cinquième jour laisse la possibilité d'expulser subrepticement et sans aucun recours, ce qui constitue une remise en cause fondamentale du droit d'asile qui, j'ai déjà eu l'occasion de le dire, n'est pas pratiqué de manière extrêmement généreuse en France.

Debut de section - PermalienPhoto de Serge Blisko

Certes, au regard de certains pays de l'Union européenne qui n'ont pas de tradition d'asile, il est certainement plus généreux. Mais nous accueillons à peine 10 à 15 % des premières demandes et, après recours auprès de la Cour nationale du droit d'asile, 15 % supplémentaires. Il n'est d'ailleurs pas normal que l'appel soit plus « productif » d'asile que la première instance. Nous ne sommes donc pas un pays très généreux mais, si nous examinons sévèrement les demandes d'asile, nous le faisions dans des conditions à peu près normales jusqu'à cet énième texte.

Demain, avec la disparition du juge des libertés et de la détention jusqu'au cinquième jour, des gens seront renvoyés et mis en danger dans des pays non sûrs. Cela est extrêmement grave et va à l'encontre de la convention de Genève que la France a signé voilà plus de cinquante ans. C'est pourquoi, soucieux d'avoir une politique d'asile sûre et conforme aux engagements de la France, nous avons demandé que les articles 6, 23, 74 bis, 75 et 75 ter du projet de loi soient retravaillés en commission.

Dans un contexte nauséabond, vous nous présentez un texte qui, sous couvert de la réglementation et des directives européennes, est en fait attentatoire à la liberté d'aller et de venir. Il n'y a alors rien d'étonnant à ce que certaines conventions internationales de l'ONU n'aient pas été signées ni ratifiées par la France, comme l'a souligné Noël Mamère. Aujourd'hui, vous ne proposez pas des textes d'ouverture et plus favorables aux libertés, mais des textes extrêmement restrictifs, comme celui relatif à la rétention administrative rendue extrêmement longue. Face à cette dérive xénophobe, il est bien évident que nous voterons la motion de renvoi en commission. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Debut de section - PermalienPhoto de Roland Muzeau

Notre rapporteur a tenu des propos assez étonnants, parlant d'un texte équilibré. Or, Noël Mamère en a fait la démonstration, ce n'est pas exact. Le texte n'est pas équilibré puisque certaines de ses dispositions ne respectent ni nos obligations au regard des accords internationaux ni nos règles constitutionnelles, nous le montrerons au cours du débat. Il n'est pas équilibré non plus du fait du débat politique qui l'a porté. Dès le discours de Grenoble, chaque problème grave survenant dans le pays déchaînait une surenchère de propositions, parfois complètement dingues, que le groupe parlementaire UMP reprenait, faisait avaliser par le Président de la République et adopter par la majorité de la commission. C'est seulement ce matin, à l'aube, à la faveur d'un examen à huis clos, que le groupe UMP a été frappé d'une révélation grâce à laquelle il a opéré un recul significatif dont nous ne sommes pas mécontents.

Revenant à l'échappée olfactive de notre collègue de l'UMP, je trouve qu'il ne manque pas d'air ! (Sourires.) En matière olfactive, les propos de certains de ses collègues n'ont pas pu lui échapper. Je pense à M. Ciotti, M. Estrosi ou Mme Brunel selon laquelle « il faut rassurer les Français sur toutes les migrations de populations qui viendraient de la Méditerranée. » Et l'ancienne porte-parole de l'UMP de déclarer : « Après tout, remettons-les dans les bateaux. »

Debut de section - PermalienPhoto de Roland Muzeau

Comme si ce n'était pas suffisamment clair – question de contexte –, elle a ajouté : « Le temps n'est plus à la parole mais aux actes et aux décisions » ; puis, peut-être par crainte d'être mal comprise dans sa pêche aux électeurs : « Marine Le Pen n'a aucune solution à proposer. Nous, on doit montrer qu'on a des solutions ». Dans le domaine de la puanteur, il n'y a pas de limites !

De telles déclarations scellent de vraies noces brunes entre l'UMP et le Front national. (Protestations sur les bancs du groupe UMP.) Vous pouvez protester. Ce matin, vous avez pris une fessée, vous vous êtes couchés voyant que la position était intenable. Grâce à la clairvoyance du rapporteur, vous êtes maintenant tous d'accord, du moins presque tous, car certains parmi les plus ultra râlent encore. Je ne me priverai pas de citer quelques extraits de leurs déclarations au cours de nos discussions.

Le texte et le contexte ne faisant qu'un, on ne peut se dispenser d'écouter ce que dit une personnalité importante de notre pays. Concernant l'insécurité, qui est un vrai problème, la majorité aurait fait de bonnes choses, mais s'interroge-t-elle : « faut-il pour autant surmédiatiser ce problème, donner l'impression que l'on s'en sert pour repiquer des voix sur l'extrême droite ? Je n'en suis pas sûr ». Et d'ajouter : « Pour en rajouter dans la production législative, tous les matins, on nous annonce une nouvelle loi sécuritaire. Appliquons d'abord celles qui existent ». Cette personnalité, dont vous avez sans doute oublié qu'elle a prononcé ces paroles, c'est le ministre d'État Alain Juppé.

Pour toutes les raisons remarquablement expliquées par Noël Mamère, ce texte mérite un renvoi en commission. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Hunault

Mon collègueStéphane Demilly s'associe à moi pour dire que nous voterons contre la motion de renvoi en commission.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Hunault

M. Mamère a parlé de l'idéal de la République. Je lui répondrai que nous sommes nombreux à le partager et qu'il n'en a pas le monopole. Je n'ai pas l'impression que voter le texte proposé par le Gouvernement nous rende infidèles à cet idéal qui, normalement, devrait nous être commun.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Hunault

« Nous ne sommes pas contre la régulation des flux migratoires », avez-vous dit à la fin de votre intervention, monsieur Mamère. C'est bien l'objet du projet de loi que la régulation des flux migratoires.

Vous avez soulevé des points qui auraient pu être discutés dans le cadre de la discussion générale, notamment les dispositions de l'article 17 ter sur la délivrance de la carte de séjour temporaire en raison de l'état de santé.

Le ministre a répondu par anticipation à vos propos en rappelant, tout à l'heure, à la tribune et à juste titre, le droit en vigueur pour les étrangers malades et en précisant que nul ne contestait le droit d'accéder aux soins. Par conséquent, monsieur Mamère, ne parlez pas de choses qui ne figurent pas dans le projet de loi.

Le ministre a indiqué également qu'il fallait parvenir à un équilibre et lutter contre les abus. Nous devrions être tous d'accord avec cet objectif.

Cela dit, l'article 17 ter pose un certain nombre de questions qui viennent d'être soulevées par l'orateur du groupe SRC. Nous aurons l'occasion d'y revenir.

Un mot sur les événements au Maghreb. L'opposition semble mettre en cause la majorité, et notamment le Président de la République.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Hunault

Monsieur Mamère, vous faites partie de la délégation française à l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe. Vous savez très bien que nous sommes quelques-uns à expliquer, depuis des années, qu'il nous faudrait des instruments pour lutter contre la première cause de l'immigration, c'est-à-dire qu'il nous faudrait trouver les moyens de développer ces régions qui connaissent la pauvreté, la corruption et qui manquent de démocratie. Si quelqu'un doit être exempt de reproches, c'est bien le Président de la République qui a proposé, il y a quelques années déjà, l'Union pour la Méditerranée.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Hunault

Vous savez très bien que si cette initiative a été entravée, ce n'est pas à cause de la France, mais bien en raison du conflit entre Israël et la Palestine, ce qui a bloqué tous les processus de développement de la rive sud de la Méditerranée.

Je crois donc que vous faites un bien mauvais procès à la majorité. Ce texte est respectueux des idéaux qui nous sont communs. Et surtout, ne parlez pas de choses qui ne figurent pas dans le texte. (Applaudissements sur les bancs des groupes NC et UMP.)

(La motion de renvoi en commission, mise aux voix, n'est pas adoptée.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Balligand

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Balligand

Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures trente :

Suite de la discussion, en deuxième lecture, du projet de loi relatif à l'immigration, à l'intégration et à la nationalité.

La séance est levée.

(La séance est levée à vingt heures.)

Le Directeur du service du compte rendu de la séance de l'Assemblée nationale,

Claude Azéma