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Intervention de Christophe Caresche

Réunion du 8 mars 2011 à 15h00
Adaptation au droit de l'union européenne en matière de santé de travail et de communications électroniques — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaChristophe Caresche :

Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, comme beaucoup, je regrette les conditions dans lesquelles nous avons eu à délibérer sur ces questions – cette condamnation, au moins, fait l'unanimité.

Je rappelle simplement les propos tout à fait fermes de Mme Dini, qui nous a très sympathiquement reçus au Sénat pour cette commission mixte paritaire. Elle faisait état de sa « réprobation », en ajoutant que la méthode suivie pour l'examen de ce texte était « déplorable ». Ces termes sont tout de même assez forts.

Nous sommes tous d'accord, je crois, pour le dire : la diversité des sujets traités par ce texte – vous en avez fait état, madame la secrétaire d'État – et les conditions dans lesquelles il nous est soumis – très tardivement – ne permettent pas de délibérer dans des conditions satisfaisantes.

Pour ma part, je ne suis pas loin de penser que cela procède d'une intention du Gouvernement : garder le monopole de la transposition des directives et organiser, par le choix de ces modalités d'examen, une forme de dessaisissement du Parlement. Regardons ce qui se passe dans les autres pays européens, qui transposent ces directives de manière satisfaisante, du moins en respectant les délais : ce ne sont pas leurs gouvernements qui sont à l'initiative de ces transpositions, ce sont leurs parlements ! La transposition de directives est un exercice éminemment parlementaire, qui devrait être confié au Parlement. Or le gouvernement français – je ne vise pas seulement ce gouvernement-ci et cette majorité-ci – veut absolument garder la haute main sur la transposition des directives. Il ne veut surtout pas que cette transposition soit l'occasion de poser un certain nombre de questions.

Je prends deux exemples pour illustrer mon propos.

La directive « Services », vous l'avez dit, a été l'objet non pas d'une transposition transversale mais d'une transposition sectorielle. Cela signifie que près d'une dizaine de textes sont passés par cet hémicycle à cette occasion : des amendements du Gouvernement à un certain nombre de textes, des propositions de loi et des projets de loi. Le Gouvernement a donc recouru à tous les outils, à tous les véhicules législatifs possibles, dans un désordre absolu, pour transposer la directive « Services ». Voilà ce que cela signifie, la transposition sectorielle !

Cela veut également dire que nous n'inscrivons pas le droit européen dans la législation française. La transposition transversale aurait, elle, consisté, tout simplement, à écrire dans le droit français les éléments qui composaient la directive. C'est exactement ce qu'a fait la Belgique, qui a repris, pratiquement intégralement, le texte de la directive « Services », qui s'est ainsi trouvée inscrite dans son droit.

Nous ne l'avons pas fait. Pourquoi ? C'est l'objet de longues et importantes discussions entre les juristes du gouvernement français et ceux de la Commission européenne : transposer ne serait pas nécessaire car tout figurerait déjà, évidemment, dans le droit français.

Disons-le honnêtement : cette méthode peut conduire à un certain nombre de dérapages. Ainsi, au mois d'août dernier, le ministre de l'intérieur et ses services ont signé une circulaire concernant les « Roms » qui était manifestement contraire au droit européen, notamment au principe de non-discrimination. Comment une telle bévue a-t-elle pu être commise, sinon en raison d'une volonté de ne pas reprendre les textes européens de manière claire et directe ?

Le paquet Télécom a été, lui, l'occasion d'un dessaisissement peut-être encore plus spectaculaire, puisqu'il sera transposé par voie d'ordonnance ; les sujets traités, par exemple la neutralité de l'internet, ne sont pourtant pas totalement anecdotiques. Cela signifie, pour le dire clairement, que le Parlement n'aura pas voix au chapitre, que le Gouvernement fera ce travail dans son coin et qu'il nous en rendra compte s'il le souhaite, notre rôle n'allant pas plus loin. Une fois encore, il y a un dessaisissement manifeste du Parlement.

Pour ma part, je souhaite vivement que le Parlement soit, à l'avenir, bien mieux et bien plus associé à ce travail de transposition ; je sais que la commission des affaires européennes réfléchit à ces questions et que MM. Lambert et Quentin ont rendu un rapport. Tout le monde aurait à y gagner. Encore faut-il que le Gouvernement accepte de mieux partager, avec l'Assemblée nationale et avec le Sénat, sa compétence en matière de transposition.

Sur le fond, la directive « Services » pose un problème en matière de services sociaux d'intérêt général ; nous n'avons cessé de le dire. Comme vous le savez, ces structures, souvent des structures associatives, financées par nos collectivités et oeuvrant notamment dans le domaine de la petite enfance, sont extrêmement inquiètes ; elles craignent effectivement que leur inclusion dans le champ de la directive « Services » – puisque telle a été la position du Gouvernement – ne les fasse tomber demain sous le coup de la jurisprudence applicable à ce que l'on appelle les aides d'État. Une véritable inquiétude a été exprimée, fortement, notamment par le collectif dit « SSIG », que je veux relayer ici.

Le Gouvernement s'est appliqué à essayer de dissiper cette inquiétude. Je considère, pour ma part, qu'elle demeure fondée. Dans ce domaine, vous le savez, c'est la Cour de justice de l'Union européenne, non la Commission européenne, qui est source de la jurisprudence. Nous restons donc très vigilants, inquiets même. En incluant ces structures dans le champ de la directive, on les inclut dans une forme de mandatement vis-à-vis des organismes qui les subventionnent, mandatement qui peut tomber demain sous le coup de la jurisprudence de la Cour de justice sur les aides d'État.

Ce point est extrêmement important. Je considère qu'il n'est pas réglé et que cette transposition ne dissipe pas les inquiétudes qu'il suscite.

D'autres problèmes, peut-être de moindre importance, ont également été soulevés. Je pense notamment à celui des entrepreneurs de spectacles, dont le statut va connaître une extrême régression. Cela pourra entraîner des difficultés, comme Patrick Bloche l'avait souligné.

S'agissant du paquet Télécom, le travail est devant nous. Des ordonnances vont être prises ; nous essaierons d'en reparler et d'en débattre. Cela dit, nous nous réjouissons que l'amendement du Gouvernement qui concernait l'ARCEP n'ait pas prospéré. J'ai compris que le Gouvernement le regrettait, mais il ne l'a pas déposé à nouveau. Cela signifie qu'il se range aux arguments raisonnables de l'opposition et des sénateurs. Je m'en réjouis car, au regard du droit européen, l'adoption de cet amendement n'aurait pas forcément été comprise par la Commission. Lorsque la France s'engage au niveau européen et qu'elle n'a pas exprimé son opposition ou ses divergences, elle doit être animée par la volonté d'honorer sa signature. Il est donc heureux que le Gouvernement ait abandonné son projet, mais j'ai bien compris qu'il n'attendait qu'une nouvelle fenêtre de tir pour y revenir. Nous serons présents pour réaffirmer notre opposition.

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