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Intervention de Noël Mamère

Réunion du 8 mars 2011 à 15h00
Immigration intégration et nationalité — Motion de renvoi en commission

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaNoël Mamère :

Nous verrons donc apparaître des zones d'attente éphémères et itinérantes, ayant vocation à émerger n'importe où, et à tout moment : on pourrait les appeler des zones d'attente « sac à dos ».

Prenant prétexte de l'annulation par les juges de toutes les décisions d'éloignement et de placement en rétention de 123 Kurdes de Syrie arrivés en barque sur les côtes corses au mois de janvier 2010, votre texte a pour objectif de permettre à l'administration d'expulser tout groupe d'étrangers, niant au passage leur éventuelle condition de réfugiés par un tour de passe-passe : c'est la fiction juridique de la zone d'attente virtuelle, qui va coller à la peau de tout groupe d'étrangers découvert à l'intérieur du territoire, en dehors d'un poste frontalier et supposé composé de primo-arrivants.

On voit bien que lorsque la justice vous déplaît, lorsqu'elle condamne des abus de pouvoir, le Gouvernement préfère changer la loi, la modeler à sa guise, introduire des dispositifs d'exception par le biais de textes de circonstances.

Tout ce texte est en effet empreint d'une hostilité et d'une méfiance à l'égard de la justice, en l'occurrence du juge des libertés et de la détention considéré comme un empêcheur d'expulser efficacement.

En faisant passer de quarante-huit heures à cinq jours le délai pour que l'étranger comparaisse devant ce juge, qui pourra lui rendre sa liberté ou prolonger sa détention, vous visez un objectif précis : vous voulez permettre au juge administratif de statuer sur la légalité de la mesure d'expulsion avant que le JLD se prononce sur le maintien en rétention.

Désormais, l'étranger pourra donc être expulsé immédiatement, ou dans le délai de cinq jours, sans qu'aucun contrôle des conditions d'interpellation ait eu lieu.

Cette mesure est autonome. Elle n'est dictée par aucun impératif de transposition d'une quelconque directive européenne ; et elle organise une sorte de déni de justice, puisqu'aucun juge, ni pénal, ni civil – faute d'être saisis avant la mise à exécution de la mesure –, ni administratif – faute d'être compétent –, n'aura jamais à connaître des atteintes aux droits fondamentaux des personnes concernées.

En affaiblissant le pouvoir du JLD, votre texte restreint de fait considérablement les droits des étrangers.

L'article 7 nous propose en effet d'adopter une règle dérogatoire en matière de notification des droits en zone d'attente, règle qui offre plus de souplesse à l'administration dans les obligations qu'elle doit respecter quand elle se trouve en présence d'un « nombre important d'étrangers ». La notification des droits des personnes privées de liberté est pourtant une garantie essentielle, au coeur du contrôle du juge de la liberté individuelle.

En prévoyant que cette notification se ferait « dans les meilleurs délais », l'article 7 vise à rendre régulières des privations de liberté de plusieurs heures hors de tout cadre juridique.

Combien de temps faudra-t-il pour que votre Gouvernement estime que la notification ne doit plus se faire dans les meilleurs délais, mais simplement si c'est possible ?

Une procédure d'asile n'est équitable que si elle offre à toutes et à tous la certitude que leur demande sera examinée dans des délais raisonnables et compatibles, sous le contrôle d'une juridiction accessible de façon effective. Je vous demande donc de ne pas adopter les articles 6, 23, 74 bis, 75 et 75 ter du projet de loi relatif à l'immigration.

Le respect du droit d'asile s'impose à la France. C'est une considération élémentaire d'humanité et une obligation juridique, tant constitutionnelle qu'internationale.

La « carte bleue européenne » que transpose également ce projet s'inscrit dans la logique de l'immigration choisie, qui vise à attirer en Europe des travailleurs qualifiés : c'est donc un pillage des cerveaux des pays émergents, tout comme d'ailleurs la carte « compétences et talents », apparue en 2006, et qui concernera d'ailleurs assez peu de monde.

La directive sur la lutte contre l'emploi des étrangers sans titre de séjour est une avancée, mais en trompe-l'oeil.

Quelques mesures visent en effet à améliorer les droits des travailleurs sans papiers, en cas de rupture de contrat de travail et d'éloignement, sur le plan des indemnités qui leur sont dues.

Elles sont à la fois limitées et difficiles à appliquer.

Les sanctions, nous dit-on, seront aggravées, notamment contre les donneurs d'ordre. Je doute de la véritable volonté politique de lutter contre ces pratiques. Les intéressés pourront facilement s'exonérer de leur responsabilité pénale ou de la solidarité financière avec leurs sous-traitants, comme ce fut le cas lors de l'emploi de travailleurs sans papiers dans les travaux de rénovation de nos locaux, situés au 101, rue de l'université. Il a suffi que le président de l'Assemblée affirme avoir été abusé par les entreprises sous-traitantes pour se dédouaner de toute responsabilité.

Il n'est pas sûr par ailleurs que, dans l'actuel contexte économique et social, l'administration prenne la responsabilité de fermer un établissement dans lequel aura été constatée une infraction de travail illégal.

Sur bien des points, la « directive de la honte » offre hélas aux migrants de meilleures garanties juridiques que votre texte.

Par exemple, sur le démantèlement des campements de Roms, la circulaire gouvernementale, fondée sur la discrimination et la stigmatisation d'une population, était une violation flagrante de nos engagements communautaires.

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