Consultez notre étude 2010 — 2011 sur les sanctions relatives à la présence des députés !

Séance en hémicycle du 4 mai 2010 à 15h00

Sommaire

La séance

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Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Philippe Folliot, pour le groupe Nouveau Centre.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Folliot

Monsieur le président, monsieur le ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales, peut-on mourir pour 150 euros et deux cartouches de cigarettes ? Vendredi 30 avril, vers vingt-deux heures trente, l'irréparable a été commis. Lors du braquage du bistrot du village de Moulin-Mage, un client a été froidement tué par balle par un malfaiteur. Aux antipodes des banlieues, dans le canton de montagne de Murât, nous sommes au coeur de cette France rurale, considérée paisible et tranquille. Dès samedi matin, je me suis rendu sur place pour rencontrer le maire et conseiller général, le cafetier et les témoins de cette horrible scène. Je voudrais saluer la dignité de tous dans de si tragiques circonstances, mais aussi et surtout adresser mes plus vives félicitations aux gendarmes de Murât, à ceux de la communauté de brigade de Lacaune, du PSIG et de la BR de Castres, de la SR de Toulouse, qui, sous les ordres du commandant Cazaljoux et du colonel Machu, ont fait un travail remarquable. En moins de deux heures, une trentaine d'hommes étaient sur place, ils ont cerné, puis, au petit matin, arrêté des suspects défavorablement connus par la justice, habitants du coin et pas de cités éloignées. Rapidité d'intervention, mobilisation prompte de moyens, professionnalisme dans la démarche et excellence dans la connaissance de la population et du terrain ont été les clés de la réussite de cette opération.

Au travers de cet exemple, nous voulons, nous centristes, comme, j'en suis sûr, nombre de nos collègues sur tous les bancs de l'Assemblée, rendre un hommage solennel et appuyé à la gendarmerie, qui est un des piliers de la République ! (Applaudissements sur les bancs du groupe NC et sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

Monsieur le ministre, pouvez-vous nous rassurer sur les moyens mis à disposition pour maintenir les brigades de gendarmerie de nos cantons, seules garantes de la sécurité de nos compatriotes du monde rural, en proie, comme on vient de le voir, à de nouvelles délinquances et menaces ?

Vous le savez, monsieur le ministre, il y a aujourd'hui nombre d'interrogations dans la gendarmerie, force militaire et loyale. Que comptez-vous faire pour remédier à cette situation ? (Applaudissements sur les bancs du groupe NC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Brice Hortefeux, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales.

Debut de section - PermalienBrice Hortefeux, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales

Monsieur Folliot, vous avez raison de le préciser, la mort brutale et injuste d'un client dans un petit commerce de votre département a particulièrement choqué, mais en même temps, grâce à son action exemplaire, la gendarmerie a pu interpeller et déférer quatre malfaiteurs. Il appartient désormais à l'autorité judiciaire de les sanctionner durement.

Cela me permet aussi de souligner, comme vous, l'action exemplaire de la gendarmerie et le professionnalisme de ces militaires placés, depuis l'été dernier, sous l'autorité du ministère de l'intérieur. Je voudrais, comme vous, rendre hommage aux 100 000 gendarmes qui, aux côtés des 150 000 policiers, assurent, parfois au péril de leur vie, la sécurité de nos concitoyens. Ainsi, depuis le 1er janvier, cinq gendarmes sont décédés dans l'exercice de leur mission. J'ai, bien évidemment, une pensée plus particulière pour l'adjudant Nicolas Joos décédé en mission, dimanche dernier, lors des Motonautiques de Rouen.

La gendarmerie couvre 95 % du territoire. Comme il a été créé la police d'agglomération confiée à la police nationale, sera mise en place, cette année, la police des territoires, qui tiendra compte des bassins de délinquance et des bassins de vie et ne se limitera plus aux simples frontières administratives.

Vous avez raison, monsieur Folliot, il est temps de leur rendre hommage, de reconnaître leur action et de rappeler le nécessaire attachement du Gouvernement au rôle de la gendarmerie. C'est d'ailleurs très précisément ce que le Chef de l'État a fait, la semaine dernière, en recevant, en ma présence, le Directeur général de la gendarmerie, ainsi que des représentants des officiers et des sous-officiers. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à Mme Marie-Hélène Amiable, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Hélène Amiable

Ma question concerne les conditions de recrutement et de formation des enseignants et, plus largement, le problème des remplacements dans l'éducation nationale.

Monsieur le ministre de l'éducation nationale, des dizaines de milliers de candidats sont en train de concourir pour rejoindre le service public de l'éducation à la rentrée 2010, mais dans quelles conditions ? On sait que 12 000 aides spécifiques, les bourses au mérite annoncées par votre ministère à la rentrée 2009 pour accompagner la masterisation, n'ont été versées que six mois plus tard, en fonction de contingents académiques et selon des critères d'attributions plus qu'opaques. Pouvez-vous préciser le bilan des bourses distribuées et nous garantir que l'égalité de traitement a été respectée sur l'ensemble du territoire ?

En l'absence de cadrage national, certains recteurs envisagent de proposer aux enseignants stagiaires de suivre leur formation en dehors du temps de service, c'est-à-dire en plus des dix-huit heures qu'ils devront passer devant les élèves sans avoir bénéficié de la moindre préparation. Comptez-vous recevoir la première organisation syndicale de l'enseignement, qui vous a interpellé récemment à ce sujet ?

Enfin, la suppression de 40 000 postes dans les budgets successifs depuis 2007, dont 16 000 à la rentrée prochaine, a aggravé considérablement la crise du remplacement. Le recours à la vacation par des personnels non formés et précaires dégrade un peu plus la situation. Pouvez-vous nous en présenter le bilan 2009-2010 alors que des milliers d'heures de cours n'ont pas été assurées et manqueront au cursus des élèves ?

Les députés communistes, républicains, du Parti de gauche n'acceptent pas de voir l'avenir de notre jeunesse sacrifié. Allez-vous enfin répondre à l'inquiétude de la communauté éducative ? (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Luc Chatel, ministre de l'éducation nationale, porte-parole du Gouvernement.

Debut de section - PermalienLuc Chatel, ministre de l'éducation nationale, porte-parole du Gouvernement

L'objectif de la formation des maîtres, madame la députée, c'est tout simplement de reconnaître le haut niveau de qualification qui est nécessaire pour exercer le métier d'enseignant. Cette réforme s'accompagne d'ailleurs d'une revalorisation financière significative des salaires des enseignants en début de carrière.

La réforme passera en premier lieu par une formation universitaire de haut niveau, l'équivalent d'un master, et par une approche progressive de la pratique professionnelle, avec des stages d'observation et de pratique accompagnée dès le niveau de master 1, des stages de responsabilité en master 2 et, après l'obtention du diplôme, une place plus importante réservée à la pratique.

Dans le cadre de cette pratique accompagnée, les jeunes enseignants bénéficieront d'un tutorat assuré par un enseignant chevronné. Nous renforcerons cet accompagnement jusqu'aux vacances d'automne, et il sera ensuite ajusté tout au long de l'année. Les enseignants seront naturellement remplacés pendant les périodes de formation. Il y aura soit des périodes groupées de formation avec organisation du remplacement, soit des formations filées tout au long de l'année, qui seront intégrées dans leur emploi du temps.

Cela dit, vous avez raison, le système du remplacement ne fonctionne pas bien.

Debut de section - PermalienLuc Chatel, ministre de l'éducation nationale, porte-parole du Gouvernement

C'est la raison pour laquelle nous allons l'améliorer à la rentrée prochaine en supprimant le délai de carence – dès le premier jour, les établissements seront mobilisés sur le remplacement –, en assouplissant les règles interacadémiques et en constituant un volet de remplaçants disponibles au sein de chaque académie.

Vous le voyez, l'allongement de la formation des maîtres et l'amélioration du remplacement permettront une amélioration…

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Olivier Carré, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Olivier Carré

Ma question, qui concerne le Grand emprunt, s'adresse au ministre du budget.

Il y a deux mois, monsieur le ministre, notre assemblée votait le programme de dépenses d'avenir, pour un montant de 35 milliards. Hier, un comité interministériel a validé une première tranche d'investissement portant sur près de 7 milliards d'euros, soit 20 % de la totalité du programme. Elle sera débloquée en juin.

Ce programme, voulu par le Président de la République, permet de doter de moyens financiers considérables les secteurs où la croissance repose essentiellement sur l'innovation et le développement. C'est donc la possibilité pour la France, pour nos centres de recherche, nos entreprises, de rejoindre les pays en tête de la compétition mondiale dans des domaines où nous avons toujours excellé.

Ce dynamisme nous a cruellement manqué au cours des années précédentes puisque nous avons beaucoup vécu sur des programmes décidés dans les années 60 et 70. Ce sont autant d'emplois, notamment industriels, à reconquérir et à consolider sur notre territoire. L'objectif est clair : il faut que, demain, l'argent investi aujourd'hui assure aux Français un emploi, du pouvoir d'achat et le financement durable de notre protection sociale.

À l'heure où la France doit faire face à un creusement de son déficit et de son endettement publics, M. le Premier ministre avait tenu à assurer que chacun des projets retenus devait offrir un retour sur investissement pour la France et les Français. Pouvez-vous nous présenter les prochaines étapes de ce grand emprunt, les secteurs qui seront soutenus, et nous assurer de ses conditions de succès ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. François Baroin, ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'État.

Debut de section - PermalienFrançois Baroin, ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'état

Vous l'avez rappelé, monsieur le député, le Grand emprunt, c'est une vision des dépenses publiques avec des retours sur investissement, une vision de la dépense publique qui investit sur l'avenir, sur des modèles économiques porteurs de création d'emplois, avec une logique d'investissement, et dans un cadre particulièrement soutenu concernant le développement de la recherche.

Nous sommes au rendez-vous du calendrier fixé par le Président de la République, et le comité interministériel que François Fillon a tenu hier nous permet d'être dans le rythme du développement et de la déclinaison de ce grand emprunt. Nous avons signé une dizaine de conventions, pour un montant d'environ 7 milliards sur un montant global de 35 milliards, qui s'étalent sur les quelques années qui viennent.

Les cinq secteurs prioritaires définis et validés par les conventions concernent les laboratoires d'excellence, le développement des PME innovantes, notamment avec le fonds d'amorçage et le refinancement d'OSEO, et la mise en place des prêts verts à l'industrie. En matière de développement durable, nous avons mis en place des conventions dans le domaine des énergies renouvelables et de la rénovation thermique des logements des ménages les plus modestes.

Le Parlement est associé à chacune des étapes. Toutes les conventions seront suivies au fur et à mesure par les différentes commissions compétentes. Le Premier ministre, le commissaire général et les ministres compétents vous rendront compte très régulièrement de l'évolution non seulement de la source d'investissement mais aussi du retour progressif de l'investissement. C'est la logique du Grand emprunt, c'est la logique de la dépense publique productive. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Olivier Dussopt, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.

Debut de section - PermalienPhoto de Olivier Dussopt

Monsieur le ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique, cela fait maintenant quelques semaines que vous recevez les partenaires sociaux pour évoquer la question des retraites et la réforme que vous souhaitez conduire.

La main sur le coeur, vous vous êtes engagé devant nous, après le Président de la République, à ne pas passer en force sur ce dossier ainsi qu'à mener une concertation approfondie, à rechercher une position de consensus.

Malheureusement, la vérité est ailleurs. Le week-end dernier, chose devenue habituelle, une information est venue de l'Élysée et a été reprise par la presse. Cette vérité, c'est que vous avez visiblement déjà décidé des axes de votre réforme et que les discussions que vous menez aujourd'hui ne sont que des alibis et des rideaux de fumée pour masquer vos intentions jusqu'au dernier moment.

Cette vérité, c'est que le Gouvernement et l'Élysée envisagent de reculer l'âge de la retraite de manière progressive de soixante à soixante-trois ans d'ici à 2030.

Debut de section - PermalienPhoto de Olivier Dussopt

La concertation que vous avez promise apparaît pour ce qu'elle est : un simulacre destiné à faire croire que vous avez d'autres priorités que celles que vous souffle le MEDEF et un mépris pour les propositions faites par les autres partenaires sociaux, que vous recevez finalement sans les écouter ni les entendre.

Par ailleurs, cette volonté de reculer l'âge de la retraite est doublement injuste. D'une part, elle écarte d'emblée la recherche d'autres recettes, notamment la mise à contribution de l'ensemble des revenus et en particulier de ceux issus du capital. Entre les niches fiscales et le bouclier du même nom, beaucoup pourrait être fait pour que l'effort ne porte pas une fois de plus sur les seuls salariés.

D'autre part, elle fera porter l'effort sur les générations nées après 1970, aujourd'hui plus préoccupées par leur situation actuelle, par leur entrée sur le marché du travail que par la question de leur retraite. À la précarité et au taux de chômage historique qu'ils connaissent, vous allez ajouter l'infliction d'une double peine aux moins de trente ans en éloignant toujours plus le moment de leur départ en retraite.

Monsieur le ministre, ma question est double mais appelle une réponse très simple. Allez-vous réellement prendre en considération les propositions des différents partenaires sociaux ou allez vous imposer une réforme déjà décidée par l'Élysée ? Allez-vous, oui ou non, reculer l'âge de la retraite de soixante à soixante-trois ans ? (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Éric Woerth, ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique.

Debut de section - PermalienÉric Woerth, ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique

Monsieur le député, vous n'allez quand même pas croire les rumeurs ! (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.) Vous n'allez pas croire tout ce qui se dit ou s'écrit sur ce sujet ! Chaque jour apportera son lot de rumeurs, par principe, parce que le temps de la concertation est un temps long.

Debut de section - PermalienÉric Woerth, ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique

Nous discutons beaucoup, nous concertons avec les partenaires sociaux et les partis politiques. J'ai reçu Martine Aubry, Marie-George Buffet, François Bayrou, Jean-Luc Mélenchon, Jean-Marie Le Pen. Je recevrai tout à l'heure Jean-Michel Baylet et je verrai tous ceux qui veulent nous donner leurs idées sur les retraites. Rien n'est décidé, rien n'est arbitré. (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.) Le Premier ministre, le Président de la République prendront des décisions en temps et en heure.

Debut de section - PermalienÉric Woerth, ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique

Nous respecterons notre calendrier.

Si du côté du Gouvernement il y a des rumeurs, du côté du parti socialiste il y a des humeurs ! (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC. – Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.) Je pense notamment à la très mauvaise humeur de M. Hamon, porte-parole du parti socialiste, inutilement agressif et peu créatif.

Debut de section - PermalienÉric Woerth, ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique

Je ne crois pas que ce soit la bonne attitude à avoir sur le dossier des retraites.

Du côté du parti socialiste, il y a aussi du silence : sur vos convictions, sur vos intentions, sur vos propositions. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC. – Protestations sur les bancs des groupes SRC et GDR.) Le temps est venu, mesdames et messieurs les députés du parti socialiste, de prendre position, de saisir la main que nous vous tendons, et Dieu sait que je ne suis pas sujet aux crampes ! Il faudra bien à un moment que, sur un sujet qui n'est ni de droite ni de gauche, vous vous déterminiez. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Jean-Jacques Urvoas, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Urvoas

Ma question, madame la garde des sceaux, concerne le projet de loi portant adaptation de notre droit à l'institution de la Cour pénale internationale.

Cela fait dix ans que nous avons ratifié le traité de Rome. Dix longues années que, dans cette enceinte, des voix s'élèvent régulièrement sur l'urgence de l'appliquer dans notre droit interne.

Pourtant, le 31 mai prochain, à Kampala, en Ouganda, au moment de la conférence internationale de révision de la CPI, notre pays risque d'être montré du doigt.

En effet, le texte que nous attendons, tel qu'il a été voté par le Sénat, il y a deux ans, n'est pas satisfaisant. Bien sûr, il contient une disposition élargissant la compétence territoriale des tribunaux français qui devrait permettre de poursuivre et de juger les auteurs de génocide, crimes de guerre et crimes contre l'humanité commis à l'étranger. Mais, peut-être effrayé par son audace, le Sénat a vidé le mécanisme de sa substance.

Il l'a en effet assorti de quatre conditions très restrictives, que vous connaissez : l'exigence de la résidence habituelle de l'auteur des faits sur le territoire français, la double incrimination, le monopole des poursuites par le parquet, l'inversion du principe de complémentarité.

Heureusement, sur proposition de notre collègue Nicole Ameline, la commission des affaires étrangères s'est prononcée à l'unanimité, il y a déjà presque un an, pour la levée de ces verrous.

Je vous interroge donc doublement. Tout d'abord sur l'inscription du texte à l'ordre du jour. Elle est naturellement urgente. Si le Gouvernement n'y procédait pas, le groupe SRC étudierait alors l'hypothèse d'inscrire le texte à l'ordre du jour d'une prochaine niche parlementaire.

Ensuite, comment vous positionnez-vous par rapport à la recommandation de la commission des affaires étrangères ? Allez-vous l'approuver ou vous y opposer ? Vous feriez de notre pays, dans ce dernier cas, une terre d'impunité pour les auteurs des crimes les plus graves.

Madame la garde des sceaux, vos réponses sont attendues par les organismes qui composent la Coalition française pour la Cour pénale internationale, mais aussi par tous ceux qui sont attachés aux droits de l'homme. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d'État, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés.

Debut de section - PermalienMichèle Alliot-Marie, ministre d'état, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés

Monsieur le député, le texte voté par le Sénat sur la Cour pénale internationale est actuellement devant la commission des lois, qui a interrogé le ministère de la justice il y a quelques jours à peine – ou, au maximum, quelques semaines. Les travaux sont donc en cours.

En ce qui concerne le dispositif, la France, étant membre du traité de Rome, doit apporter son entier concours à la Cour, ce qu'elle fait dans le domaine financier comme dans le domaine judiciaire.

Le texte voté à l'unanimité au Sénat prévoit simplement que, lorsque la Cour pénale internationale décline sa propre compétence, les juridictions françaises ont la possibilité de s'y substituer, de façon qu'il soit possible de poursuivre les crimes contre l'humanité, les crimes ayant le caractère de génocide ou les crimes de guerre.

Dès lors qu'il s'agit d'une proposition de substitution, un certain nombre de conditions ont été fixées, qui tiennent notamment à la résidence habituelle en France de la personne incriminée et à la circonstance que la qualification soit reconnue dans notre pays – ce qui paraît évident – et dans le pays où le crime a été commis.

Ces décisions ont été adoptées à l'unanimité par le Sénat mais seront soumises à la discussion de l'Assemblée. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Alain Gest, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Gest

Ma question s'adresse à M. le ministre d'État, ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer, en charge des technologies vertes et des négociations sur le climat.

Monsieur le ministre d'État, voilà près d'un an qu'est intervenu le vote, à la quasi-unanimité de notre assemblée, de la loi de programmation dite « loi Grenelle 1 ». Celle-ci constitue le premier volet de la révolution écologique promise par le Président de la République et les députés de la majorité. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe SRC.) Cette majorité a ensuite voté le deuxième volet, consacré à la fiscalité environnementale, dont parmi les soixante-dix mesures figurait notamment l'éco-prêt à taux zéro sur les logements anciens, dont le cent millième vient d'être signé, le plan de relance du fret ferroviaire, le financement de cinquante projets de transport collectif en site propre, ou bien encore le bonus-malus automobile, qui fait de la France la championne d'Europe des baisses d'émissions de CO2 pour les véhicules neufs.

Nous engageons aujourd'hui la discussion sur le dernier volet du dispositif Grenelle,…

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Gest

…véritable boîte à outils de la mise en oeuvre de la loi de programmation. Celle-ci concerne l'urbanisme, les transports, l'énergie, l'agriculture, la biodiversité, les risques pour la santé ainsi que la gouvernance. Onze réunions des commissions des affaires économiques et du développement durable ont permis de débattre, durant soixante-cinq heures, de 2 400 amendements.

Pourtant, dans les rangs de ceux qui, lorsqu'ils en avaient le pouvoir, n'ont décidé aucune mesure significative en faveur de l'environnement, certaines voix s'élèvent pour dénoncer une prétendue tiédeur du Gouvernement en la matière.

Monsieur le ministre d'État, pouvez-vous, d'une part, nous donner les grandes lignes du bilan d'étape du Grenelle (« Allo ? Allo ? » sur les bancs du groupe SRC), et, d'autre part, nous dire en quoi le Grenelle 2 offre l'occasion aux territoires et aux entreprises de notre pays de tirer profit de la croissance verte ? (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Jean-Louis Borloo, ministre d'État, ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer, en charge des technologies vertes et des négociations sur le climat.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

Monsieur Roy, je vous adresse un rappel à l'ordre.

Monsieur le ministre d'État, vous avez la parole.

Debut de section - PermalienJean-Louis Borloo, ministre d'état, ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer, en charge des technologies vertes et des négociations sur le climat

Monsieur Gest, je rappelle que vous êtes par ailleurs président du canal Seine-Nord, un des projets majeurs du Grenelle de l'environnement.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Soisson

Vous me réalisez l'autoroute Troyes-Auxerre-Bourges ou je ne vote pas le projet de loi, monsieur le ministre !

Debut de section - PermalienJean-Louis Borloo, ministre d'état, ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer, en charge des technologies vertes et des négociations sur le climat

Personne ne peut aujourd'hui sérieusement contester les six ruptures : rupture en matière de transport, vous l'avez dit, avec la mise en valeur des véhicules électriques et hybrides français ; rupture en matière d'efficacité énergétique des bâtiments, avec des normes trois fois plus performantes qu'avant et six fois plus que le parc actuel ; rupture grâce aux chantiers thermiques bâtiment et les 40 millions de mètres carrés de bâtiments publics concernés ; éco-prêt à taux zéro ; rénovation des logements sociaux ; et, en matière d'agriculture, rupture grâce à plus 40 % d'agriculture bio. J'ai entendu évoquer les énergies renouvelables, les éoliennes et le photo-voltaïque, mais dois-je rappeler que pendant que certains ressassaient : « énergies renouvelables », on a eu, en deux ans, en France, 600 % d'augmentation du photo-voltaïque, 90 % d'augmentation des éoliennes…

Debut de section - PermalienJean-Louis Borloo, ministre d'état, ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer, en charge des technologies vertes et des négociations sur le climat

…et le doublement de la bio-masse. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP.) Nous irons encore plus loin grâce à un système organisé, programmé et planifié.

Certes, monsieur Gest, une telle révolution, qui signifie 600 000 emplois et la compétitivité de demain, suppose un peu de mansuétude, de tendresse et de gentillesse pour tous ceux qui en ont parlé depuis longtemps mais n'avaient pas trouvé la méthodologie. Ayez un peu de gentillesse pour eux ! (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Alfred Marie-Jeanne, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.

Debut de section - PermalienPhoto de Alfred Marie-Jeanne

Madame la ministre de la santé, votre ministère a annoncé la fermeture du centre de thanatologie de Martinique et son transfert en Guadeloupe. L'émoi s'est emparé des médecins-légistes, du syndicat des pompes funèbres mais aussi des familles. Il est question de créer un institut médico-légal en Guadeloupe, ce que nous comprenons. Nous ne le contestons pas. Mais cela nécessite-t-il pour autant l'arrêt pur et simple des examens de corps et des autopsies réalisés en Martinique ?

Chacun devine les sujétions supplémentaires qu'une telle situation va créer. Je pense en premier lieu à la sujétion financière : il s'agit de savoir si les frais, non négligeables, seront laissés à la charge des proches. Madame la ministre, je ne vous demande pas d'enterrer votre projet s'il est envisagé une compensation, mais tout simplement de nous expliquer le bien-fondé de cette démarche et les décisions arrêtées à ce jour. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe GDR.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé et des sports.

Debut de section - PermalienRoselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé et des sports

Monsieur Alfred Marie-Jeanne, à travers votre question, vous m'interrogez plus globalement sur la nécessaire réorganisation de la médecine légale dans notre pays. C'est un projet que je porte avec ma collègue ministre de la justice puisque nos deux ministères sont concernés par cette réorganisation – peut-être, sur le plan financier, un peu plus le sien puisque les crédits sont inclus dans un de ses programmes budgétaires. Cette réorganisation, vous en avez convenu, est absolument indispensable. Elle répond d'ailleurs aux excellents travaux de votre collègueOlivier Jardé ainsi qu'aux conclusions d'une mission confiée à l'inspection générale des affaires sociales et à l'inspection générale des services judiciaires.

Il convient à travers cette réorganisation d'assurer une médecine légale de qualité, tant sur le plan thanatologique que de la médecine légale du vivant. Cette mission est assurée par les établissements hospitaliers, qui réalisent aussi bien l'animation du réseau et la formation des médecins-légistes, que l'animation du réseau de proximité pour ce qui concerne la médecine légale du vivant.

Je ne peux pas vous laisser dire que nous allons fermer le centre de médecine légale de Fort-de-France. Dans le centre de thanatologie, quand il y aura besoin d'une autopsie, une équipe de médecins-légistes de Pointe-à-Pitre, réquisitionnée par le procureur de la République, viendra à Fort-de-France, dans le respect de la dignité du corps des personnes décédées, et dans le respect de la délicatesse due aux familles. Bien entendu, les dépenses seront imputées sur les frais de justice et ne seront pas mises à la charge des familles. C'est la solution la plus apte à bien assurer une médecine légale de qualité. Quant à la médecine légale du vivant, elle est installée de façon pérenne à Fort-de-France ; ses crédits sont sanctuarisés, aussi bien pour ce qui concerne les frais de structures que le coefficient géographique.

Vous voyez que ce que je propose avec Mme le garde des sceaux est le mieux à même à répondre à vos inquiétudes. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Gilles Bourdouleix, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Gilles Bourdouleix

Monsieur le président, chers collègues, ma question s'adresse à Mme Christine Lagarde.

Madame la ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi, cette nuit, dans le cadre de la loi de finances rectificative pour 2010…

Debut de section - PermalienPhoto de Gilles Bourdouleix

…notre Assemblée a voté le plan de soutien à la Grèce, et notamment l'octroi de prêts d'un montant pouvant atteindre 16,8 milliards d'euros sur trois ans.

Ce vote s'inscrit dans la politique menée conjointement par le FMI et la zone euro qui accorderont respectivement des aides de 30 milliards et 110 milliards d'euros pour couvrir les besoins de la Grèce d'ici 2012.

Madame la ministre, vous avez rappelé la nécessité d'une participation des banques à cet effort collectif, respectant ainsi l'engagement pris par l'Institute of International Finance qui regroupe les principales institutions financières.

En contrepartie, le gouvernement grec s'est engagé à conduire une politique d'austérité drastique, comprenant notamment une augmentation des taxes et une diminution des salaires dans les secteurs privés et publics.

Il faut souligner l'engagement déterminant et rapide du Président de la République et du Gouvernement français afin que ce plan de soutien puisse être conduit dans les meilleures conditions et les plus brefs délais.

Cependant, il reste quelques précisions à apporter et c'est l'objet de mes deux questions, madame la ministre. Êtes-vous satisfaite des mesures prises par le gouvernement grec, les jugez-vous suffisantes pour redresser la situation avec l'appui des différentes institutions que j'ai mentionnées ? Et dans quelles conditions les prêts octroyés seront-ils remboursés ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi.

Debut de section - PermalienChristine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi

Monsieur le député Bourdouleix, merci d'avoir rappelé que c'est grâce à la détermination du Président de la République…

Debut de section - PermalienChristine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi

…du Premier ministre et du Gouvernement français que nous avons pu accélérer les négociations qui se sont tenues au cours des dernières semaines et qui ont permis d'aboutir au plan que vous évoquiez, lequel a été négocié entre la Commission européenne et le Fonds monétaire international avec la Banque centrale européenne.

C'est la nuit dernière, dans un esprit de responsabilité auquel je souhaite rendre hommage, que votre Assemblée a adopté la part française du plan de soutien dont vous avez décrit tous les paramètres.

Le prêt français, d'un montant de 16,8 milliards d'euros, est accordé à un taux d'intérêt quasiment voisin de celui consenti par le Fonds monétaire international pour une durée de trois ans.

Vous m'interrogez sur les efforts consentis par l'État grec en rappelant leur nature : augmentation des impôts ; hausse du taux de TVA de plus de deux points ; relèvement des droits d'accise sur le pétrole, le tabac et les produits de luxe ; diminution des dépenses passant notamment par la suppression des treizième et quatorzième mois dans la fonction publique ; réformes de structures concernant en particulier le régime des retraites et l'ensemble des conditions du marché de la distribution des produits en Grèce.

Il s'agit de réformes de structures et de réformes conjoncturelles, touchant à la fois les dépenses et les recettes, que le Premier ministre grec a lui-même qualifiées de nécessaires, d'ambitieuses et de rigoureuses.

C'est aussi la conclusion à laquelle sont parvenus quatre États du G20 qui viennent d'apporter leur soutien à ce plan : la Corée, le Canada, les États-Unis et la Grande-Bretagne.

Les banques françaises, comme leurs homologues allemandes qui l'ont indiqué aujourd'hui à mon collègue Wolfgang Schäuble, ont décidé de s'associer au processus. Je le recevrai demain, à l'occasion du Haut comité de place, afin qu'elles réitèrent leur engagement de soutien à ce plan. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à Mme Monique Boulestin, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.

Debut de section - PermalienPhoto de Monique Boulestin

Madame la garde des sceaux, le 6 mars 2000, le Parlement français votait une loi créant un Défenseur des enfants, afin de défendre et de promouvoir les droits des enfants.

Cette autorité indépendante va être réformée, via un projet de loi déposé au Sénat, pour se fondre dans un poste général et non spécialisé de Défenseur des droits.

Cette réforme intervient alors que ce poste très spécifique fête en France ses dix ans et qu'en Europe vingt-neuf pays ont créé leurs propres défenseurs, réunis au sein d'un réseau européen, présidé par l'actuelle Défenseure française !

De plus, le récent rapport du Comité des droits de l'enfant, publié en juin 2009, a reconnu le chemin parcouru par la France dans le domaine de la protection de l'enfance. Ainsi, 20 000 dossiers ont été traités par cette institution en dix ans d'existence.

À l'aune de ces chiffres et au regard de la crise qui aggrave inégalités, tensions, violences sociales et familiales sur lesquelles nous avons longuement travaillé, madame la ministre d'État, qui affirmera que la France peut se priver d'une autorité spécialisée dans la défense des droits de l'enfant ?

Pour les familles, pour les institutions publiques et judiciaires, le Défenseur des enfants doit rester identifié comme un médiateur indépendant…

Debut de section - PermalienPhoto de Monique Boulestin

…avec une dénomination propre, permettant une lisibilité et une accessibilité immédiate, afin que soient respectés les droits fondamentaux des enfants, en vertu de la Convention internationale des droits de l'enfant, ratifiée par la France en 1990.

C'est pourquoi madame la ministre d'État, je vous demande, au nom des enfants, de bien vouloir surseoir à cette décision. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d'État, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés.

Debut de section - PermalienMichèle Alliot-Marie, ministre d'état, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés

Madame la députée, j'ai déjà répondu à cette question, il doit y avoir environ deux mois, et je vais donc vous redire une chose : le constituant – vous tous – a voulu que les droits et libertés soient mieux protégés dans notre pays, par une autorité qui soit de niveau constitutionnel, unique et dotée de compétences élargies et approfondies – notamment de pouvoirs d'action, d'investigation et d'injonction.

Autrement dit, nous voulons créer une autorité qui soit en quelque sorte un modèle de défense des droits et des libertés.

Par définition, ce ne sera pas une institution de plus, mais le regroupement de champs de compétences actuellement couverts par des autorités diverses, de niveau inférieur, dotées de pouvoirs différents et dispersés et disposant d'une moindre visibilité.

Pour autant, madame la députée, il n'est pas question d'ignorer la fonction de défense des droits de l'enfant. Au contraire, il s'agit de la reconnaître au sein de cette autorité par des dispositions spécifiques.

D'abord, le Défenseur des droits devra obligatoirement consulter un groupe de personnes chaque fois qu'il s'agira de défendre les droits des enfants. Ensuite, il y aura la possibilité d'une individualisation de la défense des droits des enfants dans l'institution chargée de la défense des droits.

C'est ainsi que nous défendrons le mieux les droits des enfants en même temps que ceux de tous les Français. C'est ce qu'a voulu le constituant. Il est de mon devoir de le mettre en oeuvre. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Dominique Tian, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Tian

Monsieur le ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique, un rapport très récent de la CNAF, la Caisse nationale des allocations familiales, indique que la fraude aux allocations (Exclamations sur plusieurs bancs des groupes SRC et GDR) pourrait atteindre 800 millions d'euros par an dans notre pays. On ne peut que saluer cette prise de conscience de la CNAF, qui, en 2008, avait annoncé des chiffres dix fois plus faibles : ils s'élèvent donc aujourd'hui, je le répète, à 800 millions d'euros, et 200 000 personnes se livreraient à ces fraudes aux allocations.

Mes chers collègues, l'Assemblée nationale, consciente du problème, adopte à chaque projet de loi de financement de la sécurité sociale, avec l'appui du Gouvernement, des dispositions pour mieux contrôler les dépenses sociales. Ainsi, l'amendement de Pierre Morange, Jean-Pierre Door et moi-même créant le répertoire national commun de la protection sociale, ainsi que d'autres dispositions allant dans le même sens, vont permettre de mettre un terme à des situations absurdes et scandaleuses.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Tian

Un exemple parmi tant d'autres : en 2007, une habitante de Suresnes a réussi le tour de force de déclarer des quintuplés dans dix-sept caisses d'allocations familiales différentes et d'empocher plusieurs dizaines de milliers d'euros. Je pense et j'espère que notre travail législatif, qui va d'ailleurs se poursuivre avec la création d'une mission d'évaluation sur les fraudes dont est victime la sécurité sociale, rend désormais de telles pratiques impossibles.

Enfin, ce sujet, qui exaspère et révolte nos concitoyens, n'est plus tabou. Le Gouvernement en a fait une priorité, notamment avec la création de la Délégation nationale à la lutte contre la fraude, qui obtient des résultats extrêmement encourageants. Pouvez-vous, monsieur le ministre, nous en rappeler les moyens et les objectifs ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. le ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique.

Debut de section - PermalienÉric Woerth, ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique

La lutte contre la fraude, monsieur le député, est effectivement une forte priorité du Gouvernement depuis plusieurs années. Nous avons ainsi créé, à la demande du Président de la République et du Premier ministre, la Délégation nationale à la lutte contre la fraude, qui consolide et coordonne cette lutte que mènent les services de l'État et ceux de la sécurité sociale, et à laquelle les députés, et notamment vous-même, ont largement participé ; on peut par exemple souligner la création du répertoire national des bénéficiaires, destiné à lutter contre les fausses déclarations – je pense en particulier, sur ce sujet essentiel, à Pierre Morange et à Jean-Pierre Door. Croiser les différentes informations par le recoupement de fichiers autorisés par la CNIL est une manière très démocratique, ce me semble, de vérifier que chacun déclare sa situation réelle. Il n'y a en effet aucune raison d'accepter la fraude. Dans un pays où les droits sont nombreux, où, depuis de longues années, l'homme et la femme sont de mieux en mieux respectés, et où les systèmes de sécurité sociale, de plus en plus sophistiqués, tiennent compte des difficultés des uns et des autres, la lutte contre ces pratiques est évidemment essentielle.

S'agissant des CAF, la fraude est estimée entre 500 et 800 millions d'euros, ce qui représente 1 % des prestations et 2 % des allocataires : heureusement, la plupart de nos concitoyens ne fraudent évidemment pas.

Nous allons aussi détecter la dissimulation de ressources, et nous voulons des sanctions financières plus fortes. Entre 2006 et 2008, les progrès réalisés dans la lutte contre la fraude ont ainsi atteint 65 %. J'ajoute que le Premier ministre réunira dans quelques jours ou quelques semaines le Comité national de lutte contre les fraudes, afin de marquer la vigilance de l'État et la priorité qu'il accorde à ce sujet. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Jean-Luc Pérat, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Luc Pérat

Madame la ministre de la santé et des sports, alors que Simone Veil vient d'accéder à l'immortalité trente-cinq ans après l'adoption de sa loi reconnaissant le droit à l'interruption volontaire de grossesse, le combat pour l'avortement libre n'est toujours pas gagné. Au contraire, l'accès à l'avortement en France est la première victime du démantèlement de l'hôpital public, et il se trouve de plus en plus restreint par les fermetures des services spécifiques. En raison de la tarification à l'activité, conjuguée à une sous-évaluation du coût de l'IVG, les centres d'interruption volontaire de grossesse reviennent cher aux établissements. Ils sont, de ce fait, les premiers sacrifiés lors des restructurations. Alors que la France comptait 729 centres de ce type en 2000, 90 avaient déjà disparu en 2006, et le rythme des fermetures, loin de faiblir depuis lors, s'est accéléré.

Contrairement à ce que vous répondiez au mois de février à ma collègue Pascale Crozon, l'offre en matière d'IVG diminue de manière inquiétante en France. Dans de nombreuses zones urbaines, notamment à Paris, mais aussi dans les zones rurales où l'IVG reste un tabou, le délai pour un avortement est passé de deux à trois semaines, bien loin des cinq à sept jours présentés comme une moyenne nationale. Faute de pouvoir obtenir un rendez-vous dans les délais légaux, un nombre croissant de Françaises sont contraintes de partir à l'étranger pour avorter. De plus, dans les centres spécialisés, l'IVG chirurgicale sous anesthésie est de plus en plus délaissée au profit de l'IVG médicamenteuse, moins coûteuse pour les hôpitaux mais beaucoup plus douloureuse et traumatisante pour les femmes.

Face à un tel constat de dégradation des droits de la femme s'agissant de l'accès à l'IVG, quelles mesures concrètes, madame la ministre, comptez-vous prendre ? (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à Mme la ministre de la santé et des sports.

Debut de section - PermalienRoselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé et des sports

Je ne peux pas, monsieur Pérat, vous laisser dire une telle succession de contrevérités. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP. – Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Debut de section - PermalienRoselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé et des sports

L'accès des femmes à l'interruption volontaire de grossesse est, dans le domaine de la santé publique, l'une de mes priorités. (Exclamations sur plusieurs bancs des groupes SRC et GDR.) D'ailleurs, un rapport de l'inspection générale des affaires sociales, remis il y a quelques semaines, a montré que le délai moyen pour la prise en charge d'une IVG dans notre pays est d'une semaine : nous sommes loin des chiffres que vous avez cités ; il vous faut donc les actualiser ! (Mêmes mouvements.)

Tout au long de mon mandat à la tête du ministère de la santé, je n'ai eu de cesse d'assurer un très bon accès des femmes à l'IVG, en donnant à un certain nombre de structures la possibilité de réaliser des IVG, en particulier médicamenteuses : centres de santé, centres de planification familiale et médecins autorisés, par convention, à réaliser ce type d'IVG. J'ai également augmenté la tarification des IVG comme jamais auparavant : 60 % depuis 2008, et, cette année, elle a encore plus que doublé. Voilà la réalité de l'IVG et de sa prise en charge dans notre pays !

S'agissant de l'IVG instrumentale, je veux d'abord vous dire, monsieur le député, que les femmes préfèrent, et de loin, les IVG par voie médicamenteuse : mon but est donc d'augmenter le nombre de leurs prises en charge. Mais l'IVG par voie instrumentale doit être de qualité ; j'ai sur ce point confié aux directeurs des ARS le soin de qualifier au mieux des centres d'IVG.

Debut de section - PermalienRoselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé et des sports

Ainsi, les femmes verront une fois de plus, grâce au Gouvernement de François Fillon, progresser leurs droits en ce domaine. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et sur plusieurs bancs du groupe NC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Jacques Myard, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Myard

Je vous rassure, mes chers collègues, je ne vais pas vous parler de l'euro !

Monsieur le ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales, on assiste de manière récurrente – hier à Tremblay, ce matin à Villepinte – à des attaques contre des bus qui sont caillassés, dont les chauffeurs sont traumatisés et les passagers terrorisés.

Cette situation, que vous connaissez, se retrouve parfois dans des trains de banlieue. Je dois d'ailleurs vous remercier d'avoir pris le train entre Poissy, Maisons-Laffitte, Sartrouville et Houilles il y a quelques jours, en présence du président de la SNCF, pour vous rendre compte de la situation par vous-même.(Applaudissements ironiques sur les bancs du groupe SRC.) Je n'ai jamais pensé, monsieur le ministre, que la sécurité n'était qu'une question de police : c'est aussi une question d'autorité, de sanction et de justice, c'est aussi la question de la réponse que la société doit donner à ces malfrats. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

Il n'en demeure pas moins que je souhaiterais que vous nous disiez en quelques mots quel diagnostic vous portez sur cette situation et, surtout, quelles mesures vous prendrez pour mettre un terme à ces scandaleuses agressions. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Brice Hortefeux, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales.

Debut de section - PermalienBrice Hortefeux, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales

Monsieur le député Jacques Myard, vous évoquez plusieurs faits récents, notamment les événements de Tremblay-en-France.

Je vous rappelle simplement la chronologie. Samedi, à 16 heures 40, une perquisition a lieu. À 17 heures 30, un caillassage est organisé. Une compagnie républicaine de sécurité est immédiatement déployée sur place. Comme le sait François Asensi, le député-maire de Tremblay-en-France, nous poursuivrons ces opérations de sécurisation tout le temps nécessaire.

La réalité est très simple : nos opérations de démantèlement des trafics de stupéfiants dérangent. Elles bousculent le business tranquille de ces petits voyous. Je vous le dis, monsieur Myard : non seulement nous n'allons pas nous arrêter mais nous allons amplifier ces opérations !

Debut de section - PermalienBrice Hortefeux, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales

S'agissant plus largement de la sécurité dans les transports, ce sont aujourd'hui 2 547 policiers et gendarmes qui assurent quotidiennement la protection des transports. Nous voulons effectivement aller plus loin, et, à Houilles, en votre présence, dans votre département, j'ai annoncé un plan de sécurisation nationale des transports. Ce plan comporte plusieurs volets. Je vous en rappelle deux : le développement de la vidéoprotection, qui permet non seulement d'identifier mais aussi d'éviter des affrontements, comme cela a été le cas le 3 avril dernier, alors que deux bandes rivales avaient prévu de se retrouver sur le parvis de La Défense pour se battre ; des cartes précises des situations à risques, que j'ai demandé aux préfets d'établir, avec la liste des bus, des tramways, des gares et des lieux sensibles. L'objectif du Gouvernement, monsieur Myard, est très simple, très clair et très ferme : nous voulons que chacun, quel que soit son lieu d'habitation, puisse circuler librement et sereinement. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Christian Bataille, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Bataille

Monsieur le ministre de l'éducation nationale, pendant que la question du voile intégral occupe le devant de la scène médiatique, votre gouvernement poursuit en toute discrétion ses mauvais coups contre le principe de laïcité, tout particulièrement en s'attaquant à la laïcité de l'enseignement. Après avoir remis en cause le monopole public de la collation des grades universitaires au bénéfice du Vatican, vous attaquez cette fois la mission régalienne de l'État qu'est l'organisation du baccalauréat. (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Bataille

En effet, dans ma région, le rectorat de Lille, et peut-être dans d'autres académies, l'organisation des épreuves du baccalauréat vient de s'ouvrir aux établissements privés. Cette décision, qui a suscité l'indignation des syndicats de chefs d'établissement et de professeurs, pose deux problèmes. Tout d'abord, les directeurs de ces établissements privés deviennent chefs de centre alors qu'ils ne sont pas fonctionnaires de l'État.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Bataille

Par ailleurs, les élèves de l'enseignement public convoqués dans ces centres devront composer dans des salles qui comportent des signes religieux, comme c'est l'usage dans les établissements confessionnels. (Vives protestations sur les bancs du groupe UMP.)

Monsieur le ministre, quelles dispositions entendez-vous prendre pour que les chefs de centres d'examen soient des fonctionnaires d'État et pour que les signes religieux soient retirés ou recouverts pendant le déroulement des épreuves du baccalauréat ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Luc Chatel, ministre de l'éducation nationale, porte-parole du Gouvernement.

Debut de section - PermalienLuc Chatel, ministre de l'éducation nationale, porte-parole du Gouvernement

Je voudrais tout d'abord, monsieur Bataille, rappeler un principe simple réaffirmé par toutes les lois sur l'école adoptées depuis cinquante ans par le Parlement : le système d'éducation nationale regroupe les établissements d'enseignement public et les établissements d'enseignement privé sous contrat d'association avec l'État, dont les enseignants sont d'ailleurs – vous le savez, monsieur Bataille – des agents publics recrutés par l'État…

Debut de section - PermalienLuc Chatel, ministre de l'éducation nationale, porte-parole du Gouvernement

…dans le cadre de concours nationaux, dans les mêmes conditions que les enseignants du public.

Debut de section - PermalienLuc Chatel, ministre de l'éducation nationale, porte-parole du Gouvernement

Les enseignants de ces établissements mettent en oeuvre des programmes d'enseignement nationaux permettant d'obtenir des diplômes qui sont bien des diplômes nationaux.

En vertu des contrats passés avec l'État, ces mêmes établissements doivent participer à l'organisation des épreuves nationales du baccalauréat. Je le rappelle : 600 000 élèves vont passer le baccalauréat cette année, et c'est une prouesse que d'organiser cet examen dans des délais extrêmement courts. L'organisation de l'examen du baccalauréat est l'un des aspects du service public de l'éducation. À ce titre, il est évidemment soumis, monsieur Bataille, au principe de neutralité, et il est demandé au recteur de veiller au respect effectif de cette neutralité. Ainsi, les épreuves écrites comme les épreuves orales doivent se dérouler dans des salles où aucun signe religieux extérieur ostentatoire ne doit être mis en avant.

Cela dit, je le répète, monsieur Bataille : le service public de l'éducation regroupe les établissements publics et les établissements privés sous contrat, et leurs enseignants. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe NC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Jacques Houssin, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Houssin

Ma question s'adresse à M. Hervé Novelli, secrétaire d'État chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme, des services et de la consommation.

Alors que la menace du nuage de cendres islandais réapparaît et que de nombreux usagers n'ont toujours pas pu être remboursés de l'annulation de leur vol, vous avez annoncé hier la mise en place d'un numéro de téléphone gratuit et d'un service de médiation pour aider les passagers français bloqués à cause du nuage de cendres volcaniques à se faire indemniser.

Les consommateurs dont les démarches auprès de leur voyagiste ou de leur compagnie aérienne n'ont pas abouti, pourront ainsi avoir recours gratuitement aux services du médiateur Thierry Baudier, ancien directeur général de Maison de la France.

La cellule de médiation sera chargée de confronter les points de vue respectifs des parties pour aider à trouver une solution pacifique au différend qui oppose le consommateur à un professionnel du voyage, consécutivement à la crise exceptionnelle née de l'éruption du volcan islandais. À ce jour, la principale question reste notamment la prise en charge des frais d'hébergement supplémentaires, générés par l'absence de trafic aérien.

Monsieur le secrétaire d'État, votre remarquable initiative au service du consommateur doit être soulignée…

Un député du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. Fayot !

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Houssin

…car elle va permettre de clarifier les relations entre les consommateurs, d'un côté, et les tours opérateurs, agences de voyages et compagnies aériennes, de l'autre, et je m'en réjouis.

Pouvez-vous nous rappeler la mise en place de ces services et nous exposer les conditions dans lesquelles les consommateurs pourront rapidement être indemnisés ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Hervé Novelli, secrétaire d'État chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme, des services et de la consommation.

Debut de section - PermalienHervé Novelli, secrétaire d'état chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme, des services et de la consommation

Vous avez raison, monsieur le député, face à la situation exceptionnelle que nous avons connue avec l'arrêt du transport aérien lié à l'éruption du volcan islandais, le Gouvernement a pris un certain nombre d'initiatives.

Il y a d'abord eu la cellule de crise qui, placée sous l'autorité du Premier ministre et coordonnée par le ministre d'État Jean-Louis Borloo, a permis de rapatrier dans de bonnes conditions – ou au moins acceptables – les 150 000 touristes français bloqués à l'étranger.

Il y a eu ensuite l'évaluation du coût économique pour l'ensemble de la chaîne du transport aérien, qui a été chiffrée à près de 260 millions d'euros, avec la mobilisation de tous les outils que nous avions créés durant la crise économique que nous connaissons.

Il y a enfin un point très important : la manière dont les consommateurs vont pouvoir rentrer dans leur argent dès lors qu'ils auront été contraints à des coûts supplémentaires pour blocage ou à des annulations de trafic ou de transport aérien. Ceci a fait l'objet de discussions avec l'ensemble de la chaîne du transport aérien et j'ai décidé de nommer un médiateur, vous l'avez rappelé, mais aussi la mise en place d'un numéro de téléphone vert, le 0 800 000 402, et d'un site dédié, conso.net. Hier, ce dispositif a été opérationnel et plus de 1 200 appels ont été enregistrés, ce qui prouve qu'il y avait un besoin important. Cette initiative va nous permettre de bâtir une jurisprudence, un nouveau cadre pour les relations entre les consommateurs et les organisateurs de voyages. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Daniel Goldberg, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Goldberg

Ma question s'adresse à M. le ministre de la culture et de la communication.

En cette semaine où nous allons célébrer le soixante-cinquième anniversaire de la victoire sur le nazisme, le film Hors-la-loi, réalisé par Rachid Bouchareb, déjà auteur il y a quatre ans du film Indigènes, entend rappeler d'autres faits survenus à partir de ce même 8 mai 1945.

À Sétif, Guelma et Kherrata, dans la région de Constantine, un défilé de joie célébrant cette victoire vire au drame. À la suite de l'interdiction faite aux indépendantistes présents dans le cortège d'arborer leurs revendications, un engrenage de violences s'ensuit. Certaines sont commises à l'encontre des populations européennes, parmi lesquelles on recensera 102 victimes. Des représailles militaires sont alors conduites contre les Algériens, faisant 1 340 victimes, selon le chiffre minime du gouvernement général de l'époque, au moins 10 000, selon plusieurs historiens.

À partir de ces faits, Rachid Bouchareb a choisi de faire une oeuvre artistique qui a été sélectionnée en compétition officielle pour le prochain Festival de Cannes. C'est un film, que je n'ai pas vu, comme tous ici, je pense. Mais ce n'est qu'un film, une oeuvre de fiction par nature. Or, à la demande de certains de nos collègues, M. Hubert Falco, secrétaire d'État à la défense et aux anciens combattants, a demandé au service historique de la défense d'enquêter sur son scénario, dans la volonté revendiquée que notre pays écrive sur ce sujet une « histoire officielle ».

La question n'est pas de savoir si le réalisateur de ce film a commis ou non des inexactitudes. Elle est de comprendre par quel mécanisme des fonctionnaires et un ministre peuvent, aujourd'hui encore en 2010, vouloir contrôler la lecture de faits qui se sont déroulés il y a soixante-cinq ans, au point, dixit Monsieur Falco, de « veiller, au nom de la défense de la mémoire, à ne pas cautionner ce film. »

Monsieur le ministre de la culture, est-ce bien le rôle du gouvernement d'un État démocratique de « cautionner » ou non une oeuvre de fiction ? (« Non ! » sur les bancs des groupes SRC et GDR. – « Oui ! » sur les bancs du groupe UMP.)

Alors, aujourd'hui, de deux choses l'une : soit le Gouvernement assume une volonté de s'immiscer dans un certain nombre d'oeuvres artistiques pour contrôler leur écriture, soit vous nous confirmez que l'État se refuse d'écrire l'Histoire, de la contrôler et vous devez alors désavouer (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR)…

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

Merci, monsieur Goldberg !

La parole est à M. Frédéric Mitterrand, ministre de la culture et de la communication.

Debut de section - PermalienFrédéric Mitterrand, ministre de la culture et de la communication

Monsieur le député, contrairement à ce que l'on dit, les événements tragiques de Sétif sont connus. De nombreux historiens les ont relatés à travers livres et documentaires de télévision. Les débats sur le drame de la guerre d'Algérie sont sains. Ils nous aident à reconstituer une trame essentielle de notre passé récent. Ces débats se nourrissent de l'histoire des faits réels tels qu'ils se sont déroulés, mais aussi de l'histoire telle qu'on se la raconte dans la mémoire des familles. L'histoire des faits doit évidemment l'emporter dans une vision objective propice au travail de réconciliation, mais elle inclut l'histoire telle qu'on la raconte.

Le Président de la République lui-même s'est exprimé très fortement sur cette question. Je le cite : « Les blessures profondes que les tragédies de l'histoire ont laissées dans l'âme du peuple algérien, je les connais. Le déferlement de violence qui tua tant d'innocents dans la région de Constantine était le produit de l'injustice que, depuis plus de 200 ans, le système colonial avait infligée au peuple algérien. »

Hors-la-loi, coproduction internationale entre quatre pays, suscite une controverse qui s'ouvre dans cette atmosphère. La France, l'Algérie, la Belgique et la Tunisie, qui l'ont coproduit, ont entraîné la sélection de ce film sous le drapeau algérien au Festival de Cannes. J'observe que la plupart de ceux qui en parlent ne l'ont pas vu. Je le verrai moi-même très prochainement pour me forger une opinion. Les historiens feront aussi ce travail d'analyse, même s'il s'agit d'un film de fiction. (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.) J'observe qu'un scénario n'est pas un film et, jusqu'à présent, les avis formulés sur le film reposent sur une version du scénario, non sur le film lui-même, qui a d'ailleurs été, semble-t-il, plusieurs fois retravaillé.

En tout état de cause, la douleur des victimes, de toutes les victimes, appelle et impose le respect. La liberté de tous n'est pas en conflit avec le devoir de mémoire. Aujourd'hui, le cinéma contribue à sa façon au devoir de mémoire, comme l'a fait récemment encore le film La Rafle, et comme l'ont fait ces dernières années de nombreux films consacrés à la guerre d'Algérie. Tout le reste n'est qu'allégations qui contribuent à aggraver le climat d'un débat qui devrait être salutaire. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Film "Hors-la-loi"

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures, est reprise à seize heures quinze.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

L'ordre du jour appelle les explications de vote des groupes et le vote par scrutin public sur l'ensemble du projet de loi relatif aux réseaux consulaires, au commerce, à l'artisanat et aux services (nos 1889, 2388, 2374)

Debut de section - PermalienPhoto de Serge Poignant

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, ce projet de loi a fait l'objet d'une très large discussion en commission des affaires économiques et en séance publique. Il s'inscrit dans le cadre de la révision générale des politiques publiques. Je tiens d'abord à saluer une fois encore le travail accompli par la rapporteure, Catherine Vautrin, qui, après de nombreuses auditions et consultations, a fait amender le texte afin d'obtenir le meilleur consensus possible et de l'adapter au mieux aux diverses situations sur le terrain.

Des réponses ont été apportées tant au monde rural – je pense à nos collègues et aux élus locaux qui s'interrogeaient sur les chambres de commerce et d'industrie territoriales – qu'aux métropoles. J'en profite pour remercier le secrétaire d'État : grâce à lui le fait métropolitain a été reconnu.

Un échange ouvert et franc a eu lieu sur Paris, et chacun a pu s'expliquer.

Je rends aussi hommage au rapporteur pour avis de la commission des finances, M. Charles de Courson, car la question du financement a pu largement être débattue.

Au-delà des transpositions liées à la directive européenne relatives aux services, la question des marchés d'intérêt national a donné lieu à un débat direct et sincère sur l'ouverture du périmètre par rapport aux dérogations.

Les professions artistiques et les experts-comptables ont fait l'objet de débats sérieux et déterminants, tant en commission qu'en séance publique. Des représentants de ces professions avaient été reçus par la rapporteure. Les conditions d'exercice ont été assouplies en tenant compte de quelques cas spécifiques.

Après une large discussion en commission puis dans l'hémicycle, cette réforme d'importance se traduit donc par un projet de loi qui allie l'efficacité dans la rationalisation des structures et dans l'action de proximité au service du monde économique, des entreprises et de l'emploi. Pour toutes ces raisons, le groupe UMP votera ce projet de loi. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à Mme Geneviève Fioraso, pour le groupe SRC.

Debut de section - PermalienPhoto de Geneviève Fioraso

À la suite des débats qui se sont déroulés dans l'hémicycle la semaine dernière, le groupe SRC ne votera pas ce projet de loi. Pourtant, tel n'était pas, a priori, son intention initiale.

En effet, en cette période d'endettement public massif, nous ne sommes pas opposés à une mutualisation de services, ni à la mise en place d'une stratégie de développement régional pour les organismes consulaires, à la condition toutefois que ces opérations se fassent au bénéfice de l'efficacité et de l'emploi sur tous les territoires. Le problème, c'est que votre projet va faire exactement le contraire !

Vous avez proposé ce projet de loi à contretemps : à la fois trop tard et trop tôt.

Trop tard, parce qu'il est discuté presque deux ans après son annonce triomphale par M. Novelli selon qui il ne devait poser aucun problème d'adhésion de la part des acteurs économiques sur le terrain. La rapporteure, Catherine Vautrin, a pu mesurer le déficit de concertation initiale au fur et à mesure des auditions de rattrapage qu'elle a dû mener pendant presque deux ans. C'est ainsi que le projet qui nous a été proposé en commission des affaires économiques, profondément modifié par les amendements de la rapporteure, n'avait plus grand-chose à voir avec le projet de loi initial. Cela pose tout de même un assez sérieux problème de démocratie.

Trop tôt, car nous savons tous que, pour être efficace, le travail d'animation économique des territoires par les chambres consulaires doit être mené de concert avec les collectivités territoriales. Dès lors, il aurait été plus judicieux et plus logique d'attendre la réforme des collectivités et la nouvelle répartition des compétences économiques avant de réformer les chambres.

De surcroît, en pleine période de crise économique et sociale et de pertes d'emplois industriels, de montée du chômage, et au moment où il faut accompagner la mutation écologique de nombreuses filières industrielles et artisanales, était-il opportun de déstabiliser l'un des acteurs de ces animations qui se trouve au plus près du terrain ? Évidemment, non !

Et puis, sur le fond, cette réforme des chambres consulaires manque tout de même singulièrement de cohérence. Certes, le Gosplan initial mis en place par Hervé Novelli a subi quelques adaptations avec, par exemple, un statut spécifique assez improbable pour Paris et l'Île-de-France qui voit les chambres de commerce et de l'industrie départementales perdre leur statut d'établissement public tout en gardant leur autonomie. En fait, cette créativité juridique n'a qu'un seul objectif : trouver un accord en région parisienne pour ne pas bloquer la réforme. Autre aménagement – positif celui-là, et nous l'avons défendu – : la reconnaissance de chambres métropolitaines anticipant ainsi sur le statut à venir de pôles métropolitains dont on connaît, au niveau national comme européen, l'efficacité en matière de développement et de rayonnement économique.

Mais toutes ces adaptations à un statut initial très rigide n'ont pas suffi à convaincre, et il a fallu tout le métier et la fermeté du président de la commission des affaires économiques, M. Patrick Ollier, pour étouffer la contestation qui s'est exprimée au cours des débats dans les rangs de la majorité présidentielle. Des améliorations à venir ont été promises, mais elles seront négociées « entre amis », à l'occasion de la discussion du projet de loi au Sénat.

En fait, on a bien compris qu'il ne s'agissait pas d'être plus efficace, au service de l'emploi sur tous les territoires, dans leur diversité, en milieu rural, urbain, péri-urbain et montagnard, mais tout simplement de faire des économies au détriment des territoires les plus éloignés des centres de décision.

Il y a sans aucun doute eu aussi une « économie » dans la concertation avec les personnels des chambres. Car, encore une fois, la réforme s'est faite « entre amis », entre présidents et directeurs. Des salariés, on n'a jamais parlé, d'autant que la diminution annoncée des dotations de l'État, va amener les chambres territoriales, aux compétences amoindries, à opérer des réductions de personnels. Mais la prise en compte du sort des personnels – 30 000 personnes au total tout de même – est bien le cadet des soucis de ce projet de loi et du Gouvernement. Il faut rappeler qu'il a fallu que François Brottes et moi-même demandions une suspension de séance pour que le secrétaire d'État se souvienne de la date à laquelle la composition de la commission paritaire nationale des chambres consulaires avait été mise à jour. La réponse est révélatrice : c'était en 1953 ! Cela se passe de commentaires.

Une mesure a fini de nous convaincre de nous opposer à ce projet. Elle était d'ailleurs assez inattendue. En effet, en dépit d'une négociation engagée avec les marchés d'intérêt national pour les rendre conformes à la directive européenne sur les services, la rapporteure a fait voter un amendement, un peu en catimini,…

Debut de section - PermalienPhoto de Geneviève Fioraso

…supprimant le périmètre de référence protégeant l'activité des MIN, sous la pression d'une centrale d'achat de la grande distribution d'ailleurs citée explicitement dans le rapport. Cette mesure brutale va totalement à l'encontre des préconisations du Grenelle 2 dont la discussion commence aujourd'hui.

C'en est fini de tout ce que permettaient des MIN animés par des collectivités territoriales au service de missions d'intérêt général. La conviction de mes deux collègues présidents de MIN, M. Yves Durand et Mme Valérie Fourneyron, ne vous a pas fait changer d'avis : c'est dommage. Finis, les circuits courts, l'alimentation raisonnée et biologique diffusée dans les cantines publiques pour les populations les plus fragiles, de la petite enfance aux personnes âgées ! Finie aussi, l'organisation d'une logistique économisant la circulation de camions et la consommation de carburants ; finie, la régulation des prix pour les commerces et marchés de proximité… Le Président de la République l'avait annoncé au salon de l'agriculture : « L'environnement, ça commence à bien faire ! » Vous mettez aussitôt sa parole en pratique : cela augure bien mal du Grenelle.

Pour toutes ces raisons et parce que nous sommes convaincus que votre projet de loi portera préjudice à la vitalité économique de nombreux territoires, notre groupe votera contre votre texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.

La parole est à M. Daniel Paul, pour le groupe GDR.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Paul

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, ceux qui croyaient qu'une réforme du réseau des chambres de commerce et d'industrie était essentiellement technique, en seront pour leurs frais : en fait, ce texte éminemment politique contient tous les ingrédients de la politique du Gouvernement et de sa majorité.

Ainsi, il obéit aux objectifs de la RGPP, la révision générale des politiques publiques, qui vise une forte réduction des moyens pourtant nécessaires aux CCI pour mener leurs missions à bien. La première année, une réduction de 3 % est prévue ; elle sera de 12 % la seconde année. Les conséquences risquent d'être lourdes pour les chambres et les territoires où elles interviennent.

Votre projet de loi s'intègre également dans la réforme territoriale. Le placement des chambres territoriales sous la tutelle des chambres régionales risque d'aboutir à une impossibilité d'agir réellement dans les bassins économiques auprès des PME et des PMI puisque les chambres régionales maîtriseront les personnels et les moyens financiers. Nombreux sont les présidents de CCI territoriales à avoir exprimé leur opposition à une telle orientation. Nous avons relayé leurs préoccupations au cours de nos débats, mais rien n'y a fait et, contre toute logique, contre l'intérêt même des entreprises, vous avez maintenu des dispositions dangereuses pour le réseau des CCI.

Cette réforme a lieu sans concertation avec les salariés et leurs organisations syndicales. À plusieurs reprises, nous avons protesté contre le fait qu'une telle évolution se fasse sans que les représentants des 32 000 salariés des CCI y soient associés, alors même que ces personnels risquent de subir des changements d'affectation, que des suppressions de postes sont à craindre et seraient même en cours ; alors même que vous n'avez cessé de nous dire, tout au long des débats, que le projet de loi était le résultat d'un équilibre fragile, entre les responsables des CCI. Vous en tiriez comme conclusion qu'il ne fallait pas le modifier. En clair, le législateur n'était là que pour entériner un texte concocté ailleurs et, surtout, hors de toute négociation avec les personnels.

Il aura fallu protester, ici même, avec force, pour obtenir que la concertation se fasse immédiatement avec toutes les organisations syndicales, et pour que des élections soient organisées, en même temps, dans l'ensemble des régions, pour désigner les membres des commissions paritaires auplan régional et national. Aujourd'hui, c'est toujours un texte de 1952 qui permet de « désigner », ce qui n'est pas « élire », les représentants des salariés à la CPN !

Finalement, au cours de la discussion, vous vous êtes engagé, monsieur le secrétaire d'État, à faire enfin ce qui aurait dû être simplement fait hier. Notre confiance dans cet engagement est donc très limitée, tant nous savons le peu d'empressement du Gouvernement à faire droit aux demandes des salariés qui veulent être entendus, même – et peut-être surtout – quand leur avenir est en jeu.

Cerise sur le gâteau, si je puis dire, vous avez adopté un amendement qui modifie profondément le système d'inspection dans les établissements de formation des chambres de métier et qui aligne l'ensemble du dispositif sur celui en vigueur en Alsace et en Moselle.

Je n'oublie pas l'offensive de la droite contre un amendement adopté en commission. Il s'agissait pour certains de supprimer le caractère « administratif » des CCI et d'anticiper sur des évolutions futures. Comme vous souteniez cette opération, il a fallu vous rappeler que vous aviez approuvé l'inverse en commission !

Ce texte transpose aussi la directive européenne relative aux services dans des secteurs, comme les marchés d'intérêt national, les agents d'artistes, les experts-comptables… Face à l'opposition large suscitée par cette directive de 2006, le Gouvernement a choisi de louvoyer et de l'adapter progressivement, comme pour moins attirer l'attention. Les mauvais coups n'en sont pas moins des réalités.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Paul

Ainsi, on découvre, au fil de la discussion, mais également grâce aux contacts noués avec des responsables des professions, que la concertation nécessaire s'est limitée à un petit cercle d'initiés, et que c'est sur cette base étroite que vous décidez d'en finir avec les périmètres des MIN pour ouvrir la porte à la grande distribution, alors qu'un accord semblait se dessiner entre les différentes parties.

De la même façon, on découvre que vous doublez le pourcentage de la rémunération des agents d'artistes, la faisant passer de 10 à 20 %, avec, en plus, une extension de 1'assiette à des recettes pour lesquelles ils ne sont même pas intervenus !

Les députés du groupe GDR voteront résolument contre votre texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Jean Dionis du Séjour, pour le groupe NC.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Dionis du Séjour

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, le projet de loi portant réforme des réseaux consulaires est d'abord arrivé devant l'Assemblée nationale comme le fruit d'un compromis difficile atteint au sein même des réseaux consulaires. Et ce n'est pas le plus petit mérite de ce texte que d'avoir été conçu, débattu et, finalement, pour certaines parties, arbitré à l'intérieur même des réseaux consulaires.

Nous voulons saluer le courage réformateur du président de l'assemblée des chambres françaises de commerce et d'industrie, M. Jean-François Bernardin, et de son bureau national. Il n'est effectivement pas facile de préparer un texte de loi d'avenir, à la fois pour la chambre de commerce et d'industrie de Paris, pour celle de Bordeaux et pour celle d'Agen.

Si le compromis qui nous a été présenté a pu paraître à certains un peu byzantin, notamment en ce qui concerne la paix des braves signée en Île-de-France, le mérite fondateur de ce texte, ainsi que du secrétaire d'État, M. Hervé Novelli, qui l'a promu, est d'avoir su préserver deux lignes forces : la régionalisation et l'impératif de réaliser des économies de gestion pour les deux réseaux,

Le projet de loi a en effet privilégié le niveau régional des chambres en cohérence avec la réalité et la future réforme territoriales. En effet, c'est à l'échelon régional, où s'exerce l'essentiel de la compétence économique que les futures chambres régionales de commerce et d'industrie insuffleront la stratégie économique voulue par les représentants légitimes de l'ensemble des entrepreneurs de la région.

Nous sommes néanmoins conscients des limites de ce texte. La cohérence et l'audace auraient dû nous pousser à aller plus loin et à clairement affirmer que les nouveaux partenaires privilégiés et légitimes des chambres de commerce et d'industrie territoriales doivent être les intercommunalités, qui ont, depuis la loi Chevènement de 1999, la compétence du développement économique local. Aussi nous aurions espéré que le texte harmonise plus fortement réseau territorial des CCIT et intercommunalités. Cela n'a pas été fait, mais cela devra l'être, car, à notre sens, même si ce n'est pas inscrit aujourd'hui dans la loi, les pratiques et les contraintes financières vont amener les CCIT à travailler de manière privilégiée avec les intercommunalités plutôt qu'avec les conseils généraux.

La deuxième ligne force du projet gouvernemental est l'impératif d'économies de gestion.

Cette volonté initiale a été respectée par notre assemblée puisqu'une économie significative, d'un ordre de grandeur d'environ 12 %, devra être faite en moins de trois ans par les réseaux consulaires.

Notre assemblée a, quant à elle, modifié ce texte sur trois points fondamentaux : l'autonomie financière de l'ensemble des réseaux consulaires, la capacité de recrutement des chambres de commerce territoriales et la suppression des périmètres de protection des MIN.

En effet, notre collègue Charles de Courson, rapporteur pour avis de la commission des finances, a profondément amendé le financement initialement prévu des chambres consulaires, en s'inspirant du mécanisme de la nouvelle taxe professionnelle. Ce faisant, il a garanti l'autonomie financière des chambres, auxquelles il a évité une budgétisation, synonyme d'assujettissement et de précarisation. C'est une belle réussite parlementaire, que le Nouveau Centre salue tout spécialement. (Applaudissements sur les bancs du groupe NC.)

Je tiens également à saluer notre rapporteur, Catherine Vautrin (Applaudissements sur les bancs des groupes NC et UMP), pour les initiatives qu'elle a su prendre, notamment pour convaincre notre hémicycle de l'opportunité de maintenir la capacité autonome de recrutement des CCI et de supprimer le périmètre de protection des MIN.

Ah, les MIN, ces très chers MIN ! En suivant notre rapporteure sur ce point – et le Nouveau Centre l'a fait vigoureusement –, notre assemblée a fait acte de courage. Non seulement elle a mis notre loi nationale en conformité avec le droit communautaire, mais elle a pris, tout simplement, la bonne décision, en choisissant l'intérêt général des consommateurs, de nos agriculteurs et de nos restaurateurs, plutôt que celui des grossistes, de Rungis ou d'ailleurs. Elle n'a pas été intimidée par leurs cris d'orfraie ; c'est un vrai signe de vitalité démocratique.

Enfin, les centristes se félicitent de l'adoption d'un de leurs amendements visant à donner aux entrepreneurs étrangers, ressortissants d'un pays tiers à l'Union européenne, le droit de participer aux élections des membres des chambres de commerce et d'industrie. Tous les entrepreneurs de France doivent en effet avoir les mêmes droits et les mêmes devoirs.

Finalement, ce texte, dont l'accouchement fut difficile, a suivi un beau parcours démocratique. Imaginé et débattu par ceux-là mêmes qui seront amenés à le faire vivre, porté, en ce qui concerne ses axes majeurs, par un secrétaire d'État qui a su garder les caps essentiels, sensiblement amélioré par le Parlement, il sera un bon outil au service de l'enjeu central de notre économie, à savoir sa compétitivité.

Les centristes voteront cette réforme avec détermination. (Applaudissements sur les bancs du groupe NC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

Nous allons maintenant procéder au scrutin public sur l'ensemble du projet de loi.

(Il est procédé au scrutin.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants 487

Nombre de suffrages exprimés 468

Majorité absolue 235

Pour l'adoption 269

Contre 199

(Le projet de loi est adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

L'ordre du jour appelle maintenant les explications de vote et le vote par scrutin public sur l'ensemble de la proposition de loi, adoptée par le Sénat, visant à autoriser la restitution par la France des têtes maories à la Nouvelle-Zélande et relative à la gestion des collections (nos 1786, 2447).

Je vous rappelle que la conférence des présidents de mardi dernier a exceptionnellement décidé de limiter à deux minutes les explications de vote sur ce texte.

La parole est à Mme Colette Le Moal, pour le groupe du Nouveau Centre.

Debut de section - PermalienPhoto de Colette Le Moal

Monsieur le président, monsieur le ministre de la culture et de la communication, mes chers collègues, avant que nous ne passions an vote, je tiens à remercier le groupe Nouveau Centre pour la confiance qu'il m'a accordée en me confiant la tâche d'être rapporteure de ce texte. Je remercie également ma collègue sénatrice, Mme Catherine Morin-Desailly, pour son soutien et ses explications précieuses, ainsi que le cabinet et les services du ministère de la culture, qui ont répondu avec diligence aux questions que je leur ai posées. Je crois que nous serons amenés à nous revoir rapidement pour suivre la mise en oeuvre de la loi.

Pour les têtes maories conservées dans les musées de France, ce texte marque la fin d'un long feuilleton juridique et, je l'espère, très rapidement, leur retour en Nouvelle-Zélande. L'ambassadrice de Nouvelle-Zélande en France, que j'ai rencontrée, me l'a confirmé : son pays est à la disposition des collectivités pour organiser conjointement la restitution dans les meilleures conditions. Cette restitution doit intervenir dans les meilleurs délais.

S'agissant du déclassement des oeuvres, ce texte marque, à l'inverse, le début d'un important travail de réflexion que les professionnels des musées doivent rapidement mener au sein de la nouvelle commission, avec les élus qui en seront membres. Il s'agira d'une véritable réflexion politique, au sens noble du terme. Des choix importants devront être opérés et une doctrine clairement établie ; nous y serons attentifs.

Vous l'aurez compris, le Nouveau Centre votera ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe NC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à Mme Marianne Dubois, pour le groupe UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Marianne Dubois

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, cette proposition de loi traite à la fois du cas particulier des têtes maories, des restes humains conservés dans les musées et de la question plus générale de l'extension des possibilités de déclassement de biens culturels appartenant aux collections publiques.

La demande de restitution des têtes maories a été formulée par la Nouvelle-Zélande, dans une démarche exemplaire de respect et de délicatesse. La restitution de ces têtes, qui ont alimenté un trafic sordide jusqu'au milieu du xixe, siècle fait objet d'une forte attente de la part du peuple maori. Les Néo-Zélandais considèrent en effet qu'il s'agit des restes de leurs ancêtres, et non d'objets d'art ou de collection. Ces têtes pourront donc recevoir une sépulture conforme aux rites et traditions de leur communauté d'origine.

Peu d'arguments valables peuvent s'opposer à cette restitution, que soutient d'ailleurs, dans sa grande majorité, la communauté scientifique. Aussi notre pays s'honorerait-il en y répondant favorablement.

Par ailleurs, la proposition de loi fait évoluer la commission scientifique nationale des collections des musées de France, créée par la loi relative aux musées de France de 2002. Ainsi, cette commission est renommée : « Commission scientifique nationale des collections » ; sa composition est élargie et ses attributions sont étendues aux collections publiques. La commission scientifique nationale des collections, qui se voit attribuer un rôle concret, minutieusement encadré par la loi, devra établir une ligne directrice claire en matière de politique de déclassement ou de cession.

Cette proposition de loi a été votée à l'unanimité par le Sénat, avec l'avis favorable du Gouvernement, et par la commission des affaires culturelles et de l'éducation de l'Assemblée nationale.

Le groupe UMP votera cette proposition de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

Avant de donner la parole à l'orateur suivant, je fais annoncer le scrutin dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.

La parole est à M. Patrick Bloche, pour le groupe SRC.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Bloche

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, depuis plusieurs années, les demandes de rapatriement de restes humains et, plus largement, d'objets culturels acquis dans des conditions considérées aujourd'hui comme illégitimes, se sont multipliées sans que la France montre un empressement particulier à les satisfaire.

Il aura donc fallu toute la détermination, depuis 2007, des élus rouennais dans leur ensemble, notamment des maires successifs de Rouen – Pierre Albertini hier, Valérie Fourneyron aujourd'hui –, pour que nous soyons saisis d'un texte législatif visant à restituer les têtes maories à la Nouvelle-Zélande.

Grâce à l'adoption de ce texte, l'obstacle préalable du déclassement des têtes maories sera donc supprimé. Il appartiendra ainsi à chaque institution et collectivité d'entamer des démarches en vue de leur restitution.

Pour autant, l'incertitude qui entoure le statut des restes humains subsistera. De fait, il est plus que jamais nécessaire d'engager une véritable réflexion sur la procédure de déclassement, afin notamment d'en définir les critères pour l'avenir. Il s'agit d'un sujet complexe, qui ne peut faire l'objet de législations de circonstance et dont il faut désormais sérieusement se saisir. C'est ce que permettra le texte, en élargissant la composition et les missions de l'ancienne commission nationale des collections.

À cet égard, l'article 4 est d'importance, puisqu'il nous donne collectivement rendez-vous dans un an, autour du rapport que la nouvelle commission scientifique nationale des collections doit consacrer à ses orientations en matière de déclassement ou de cession des biens appartenant aux collections.

Dans cette attente, monsieur président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les députés du groupe socialiste, radical et citoyen voteront ce texte avec conviction, tout en ayant à l'esprit cette réflexion du préhistorien Yves Coppens : « Si vous envoyez chaque collection chez chacun, vous appauvrissez la culture de tous. » (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Gosnat

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'adoption de ce texte permettra à la France de répondre à son tour favorablement à la demande de la Nouvelle-Zélande, qui réclame le retour au pays des têtes maories et qui a lancé, à cet effet un vaste programme de rapatriement, dont le titre signifie, en français : « L'appel de la terre natale ».

Considérées comme des objets d'art ou de collection par les Occidentaux, qui les exposent dans leurs musées, ces têtes ont un caractère sacré pour les Maoris et sont honorées comme telles. Il s'agit des restes de leurs ancêtres, qu'ils souhaitent, non pas exposer, mais inhumer dans le respect de leurs traditions et de leurs rites funéraires.

Par ailleurs, ce texte donnera un nouveau souffle à la politique de déclassement des biens culturels des collections publiques. La commission scientifique nationale des collections, mise en place depuis 2003, mais qui n'a jamais eu à statuer sur un problème de déclassement, sera en effet élargie et son champ de compétence étendu à l'ensemble des collectivités publiques.

L'élaboration de dispositions générales en la matière devrait permettre d'éviter le recours systématique à des lois de circonstance. Une telle démarche est devenue indispensable, puisque, si la crainte manifestée ici ou là de voir se multiplier les demandes de restitution ne paraît guère justifiée, il est probable que des questions de ce genre se poseront encore en France dans les prochaines années. N'oublions pas que près de 80 % des collections africaines ne se trouvent pas dans les musées africains.

Cette commission accordera une attention particulière à la question des restes humains. Comment concilier, en effet, le respect des exigences éthiques et le principe de non-aliénabilité des collections publiques ? La réponse à cette question constituera un élément décisif du rapport qu'elle devra rendre dans un an.

Parce qu'elle lève les obstacles qui s'opposent à la restitution par la France des têtes maories, parce qu'elle permet d'approfondir la problématique des relations entre musées, collections et colonisation, cette proposition de loi est soutenue sans réserve par les députés du groupe GDR.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

Nous allons maintenant procéder au scrutin public sur l'ensemble de la proposition de loi.

(Il est procédé au scrutin.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants 474

Nombre de suffrages exprimés 465

Majorité absolue 233

Pour l'adoption 457

Contre 8

(La proposition de loi est adoptée.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

L'ordre du jour appelle les explications de vote et le vote, par scrutin public, sur l'ensemble de la proposition de loi, adoptée par le Sénat, relative à la création des maisons d'assistants maternels (2445).

La parole est à M. Thierry Benoit, pour le groupe du Nouveau Centre.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Benoit

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État chargé de la fonction publique, mes chers collègues, je souhaite tout d'abord saluer la qualité des travaux de la commission des affaires sociales, de son président, Pierre Méhaignerie, ainsi que de son rapporteur sur cette proposition de loi, Yvan Lachaud. (Applaudissements sur les bancs du groupe NC.) Celui-ci a su conserver l'esprit originel du texte, empreint de pragmatisme et de bon sens, qui vise à améliorer l'accueil des enfants par les assistants maternels.

Nous partageons l'objectif de cette proposition de loi, qui s'inscrit pleinement dans le cadre d'une politique familiale dynamique et volontariste destinée à renforcer et à diversifier les structures d'accueil des jeunes enfants. Elle vient consacrer et sécuriser les initiatives d'assistants maternels qui ont eu l'intelligence et le courage d'inventer une nouvelle manière d'accueillir les jeunes enfants. Nous rendons donc en quelque sorte hommage à la belle profession d'assistant maternel.

Ce texte a initialement été proposé par le président de la commission des finances du Sénat, Jean Arthuis auquel je souhaite aujourd'hui rendre hommage. En le votant, nous validerons une expérimentation qui a été menée depuis quatre ans dans plusieurs conseils généraux.

Permettez-moi de revenir brièvement sur les atouts de cette proposition de loi. Le premier réside dans le fait que l'enfant conserve la même complicité avec son assistante maternelle. Le deuxième est d'ordre social et tient à l'amplitude horaire, qu'aucun autre mode de garde collectif ne permet pour le moment – je pense aux horaires atypiques des salariés de l'industrie, notamment celles et ceux qui font les deux-huit ou les trois-huit. Il s'agit là d'aider les parents à trouver une solution de garde à un coût compatible avec leurs revenus.

Une troisième avancée réside dans le fait que les assistantes maternelles trouvent dans ce nouveau dispositif une entraide et une vigilance mutuelles. Elles bénéficient d'avantages considérables en termes d'évolution professionnelle, de travail d'équipe et de coopération.

Le quatrième point positif de ce texte est son remarquable intérêt économique. En effet, le coût mensuel de la garde d'un enfant par un assistant maternel est de 895 euros, alors qu'en crèche, le coût s'élève à 1 366 euros. Comme on le voit, s'il faut poursuivre la réalisation de crèches, il faut aussi et surtout investir en faveur du recrutement et de la formation des assistants maternels. Aussi, les communes rurales où la garde par assistantes maternelles est la seule offre possible seront particulièrement sensibles à cette nouvelle proposition. Des milliers de petites communes ne disposent pas des ressources suffisantes pour financer une crèche. Il s'agit donc là d'un outil de lutte contre la désertification rurale.

Le dispositif accroît l'offre de garde sans pour autant aggraver le déficit abyssal de la sécurité sociale. Alors qu'il manque aujourd'hui 300 000 à 400 000 places de garde et que le déficit de la sécurité sociale pour 2010 s'élève à 30 milliards d'euros, on ne peut qu'étudier ce nouveau mode de garde avec la plus grande attention.

Enfin, nous retenons l'intérêt politique de ce texte, qui montre que les élus sont à l'écoute de leurs concitoyens et sensibles aux initiatives locales. Toutefois, le groupe centriste considère que nous ne devons pas nous contenter de diversifier les structures de garde des jeunes enfants : nous devons également concentrer nos efforts sur l'augmentation de l'offre puisque, selon les estimations, 350 000 places de garde sont nécessaires.

Il s'agit là, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, de prendre la mesure de ce que peuvent être l'innovation et la régulation administrative. En ces temps difficiles, il ne faut pas hésiter à sortir des formules conventionnelles dont nous ne pouvons plus supporter le coût. Aussi, le groupe Nouveau centre et apparentés votera ce texte avec force. (Applaudissements sur les bancs du groupe NC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à Mme Cécile Dumoulin, pour le groupe UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Cécile Dumoulin

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, la proposition de loi que nous avons examinée jeudi dernier à l'initiative de nos collègues du groupe Nouveau centre ouvre de nouvelles perspectives à l'accueil du jeune enfant, ce dont je me réjouis.

L'égalité entre les hommes et les femmes passant par un accès égal au travail, proposer un mode de garde adapté aux parents qui souhaitent travailler après la naissance de leur enfant doit être une priorité. C'est pourquoi le Gouvernement s'est engagé à créer, d'ici à 2012, 200 000 places de crèches ; je tiens à saluer la politique volontariste du ministère de la famille.

Les assistants maternels, qui représentent les deux tiers de l'offre totale de garde, sont des professionnels dont la compétence est reconnue. Depuis plusieurs années, des initiatives locales de regroupements d'assistants maternels ont vu le jour. La toute première est née en novembre 2002 à Mantes-la-Jolie puis, sous l'égide du sénateur Jean Arthuis, initiateur de cette proposition de loi, une dizaine de maisons maternelles ont pu voir le jour à partir de 2005, permettant ainsi une expérimentation à plus grande échelle.

Aujourd'hui, ce sont 137 maisons d'assistants maternels qui sont implantées sur le territoire. Ce dispositif a montré toute sa pertinence et doit désormais trouver un cadre législatif. L'excellent rapport de Michèle Tabarot sur le développement de l'offre d'accueil, en 2008, préconisait d'ailleurs le développement des regroupements d'assistants maternels.

La possibilité d'ouverture de maisons d'assistants maternels ouvre de nouvelles perspectives à la fois pour les assistants maternels, pour les parents et les collectivités. Les assistants maternels se voient offrir la possibilité de travailler dans un même lieu, en échangeant sur leurs pratiques professionnelles. Pour certains, c'est une nouvelle perspective de carrière, pour d'autres, qui disposent de locaux trop exigus ou qui, à la suite d'un déménagement, ne peuvent plus accueillir d'autres enfants, c'est l'unique façon de poursuivre leur activité professionnelle ; enfin, pour ceux qui viennent d'obtenir un agrément, c'est la possibilité de bénéficier d'un vrai tutorat.

Quant aux parents, les maisons d'assistants maternels leur permettent de laisser leur enfant dans un cadre sécurisé, alliant la relation privilégiée avec un assistant maternel et le contact avec d'autres enfants, sous la vigilance de plusieurs adultes. Enfin, les maisons d'assistants maternels donnent aux collectivités la possibilité d'offrir un nouveau mode de garde adapté et ingénieux.

Il s'agit d'un dispositif souple et innovant, basé sur la volonté, la liberté et la responsabilité : volonté des assistantes maternelles à travailler ensemble ; liberté des parents de choisir ce mode de garde, de confier leur enfant à un assistant maternel de leur choix et, s'ils le souhaitent, d'en déléguer l'accueil en toute confiance ; responsabilité du président du conseil général d'accorder l'agrément de l'assistant maternel au sein d'une maison d'assistants maternels.

La démarche qui a inspiré cette proposition de loi est exemplaire : permettre des expérimentations sur le terrain, les valider après une évaluation et permettre ainsi de les rendre opérationnelles. Ce mode de garde innovant pourra ainsi trouver un cadre législatif. L'Assemblée nationale a adopté des amendements importants, provenant notamment du rapporteur – que je remercie –, qui ont permis de renforcer la formation des assistants maternels et de sécuriser le contrat de travail dans le cadre de la délégation d'accueil.

Cette loi sera un véritable outil d'aménagement du territoire rural, tant la possibilité de faire garder son enfant est l'un des critères d'installation des jeunes couples. Elle peut également constituer une réponse nouvelle en milieu urbain pour les salariés ayant des horaires atypiques et pour les assistants maternels envisageant une nouvelle orientation de leur métier.

C'est, je le répète, un processus de reconnaissance d'un dispositif existant qui assure le bien-être et la sécurité du jeune enfant, une réponse complémentaire à la nécessaire diversification de l'offre de garde. Mes chers collègues, vous l'aurez compris, cette proposition de loi du groupe Nouveau centre a tout le soutien du groupe UMP, qui la votera avec conviction. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

Je fais annoncer le scrutin public dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.

La parole est à Mme Marie-Françoise Clergeau, pour le groupe SRC.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Françoise Clergeau

Monsieur le secrétaire, nous vous retrouvons aujourd'hui avec plaisir, mais je note que Mme Morano, secrétaire d'État à la famille, absente lors de la première lecture du texte au Sénat, puis à l'Assemblée nationale, ne nous honore toujours pas de sa présence. Je me demande si nous devons y voir une signification particulière. (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)

Si la France peut se féliciter d'être le champion européen de la natalité avec plus de 800 000 naissances par an, elle ne peut que s'inquiéter de la dégradation des dispositifs d'accueil de la petite enfance. Alors qu'il manque de 350 000 à 400 000 places d'accueil pour les jeunes enfants, tous modes de garde confondus, le Gouvernement se contente de minimiser ces besoins et ne prévoit plus que la création de 200 000 places, renonçant de fait aux promesses du Président de la République.

Avec la création des maisons d'assistants maternels telle que vous l'envisagez, vous êtes en train de gâcher une idée intéressante au départ. En privilégiant le quantitatif pour essayer de combler rapidement le déficit de places d'accueil, vous négligez volontairement le qualitatif, et en profitez pour poursuivre votre politique de déréglementation de ce secteur et d'abaissement des normes d'encadrement et de formation.

Vous attaquez le secteur de la petite enfance sur plusieurs fronts : par l'accueil simultané de quatre enfants par assistant maternel ; par l'expérimentation des jardins d'éveil en envisageant la baisse de l'encadrement et la suppression de l'école maternelle pour les enfants de moins de trois ans ; par votre projet de décret sur les établissements d'accueil du jeune enfant, contre lequel les professionnels se mobilisent ; par votre refus d'exclure la petite enfance du champ d'application de la directive « services », contrairement à la plupart des autres pays européens.

Cela revient purement et simplement à remettre en cause la spécificité de la petite enfance, à l'assimiler à un service à la personne comme un autre et à favoriser l'émergence d'un secteur privé lucratif, puisque tel semble être votre objectif. Les professionnels, qui ne s'y trompent pas, se mobilisent partout en France pour dénoncer votre politique. En utilisant la création des maisons d'assistants maternels comme un nouveau moyen de contourner les normes et les exigences de qualité et de sécurité, vous dénaturez un projet qui avait du sens et pouvait répondre à une attente des assistantes et assistants maternels.

Vous continuez à nier l'évidence, à savoir que les maisons d'assistants maternels constituent un accueil collectif. Qui peut sérieusement en douter, comment qualifier autrement un service qui permettra d'accueillir jusqu'à seize enfants d'âges différents dans un même local par quatre assistants maternels ? Dès lors, pourquoi ne pas soumettre les maisons d'assistants maternels aux mêmes exigences que les structures d'accueil collectif telles que les micro-crèches ? Vous allez mettre en place un système d'accueil au rabais qui ne garantira pas aux enfants et aux parents la même qualité d'accueil.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Françoise Clergeau

Malheureusement, la discussion générale et l'examen des articles ne nous ont guère rassurés. Formation insuffisante, absence de projet éducatif et de projet d'établissement, et surtout absence de supervision et suppression des conventions, les motifs d'inquiétude demeurent trop nombreux. Quant à la délégation d'accueil que vous mettez en place, elle va diluer les responsabilités, insécuriser les parents et les professionnels.

Au cours des débats, vous n'avez pas répondu à nos interrogations quant à l'accueil des enfants handicapés, à la responsabilité en cas d'accident, aux exigences en matière d'hygiène alimentaire et de sécurité incendie. Vous n'avez pas non plus apporté de réponse à la gestion du temps de travail des assistantes maternelles. Comment seront gérés leurs congés ? Qui sera chargé des plannings ? Comment les heures de délégation seront-elles rémunérées ? – car une heure de délégation de 9 heures à 10 heures n'est pas équivalente à une heure de délégation de 20 heures à 21 heures. Qui sera chargé de la préparation des repas et du contrôle de leur qualité ? Qui assurera l'entretien des locaux ? Comment garantir aux parents la continuité du service ?

Enfin, et la question est importante, comme l'a justement souligné mon collègue Jean-Patrick Gille au cours de la discussion générale, en ne rentrant pas dans le champ de l'accueil collectif, les maisons d'assistants maternels ne seront pas contraintes de respecter le décret qui prévoit la réservation d'un contingent de places au profit des parents bénéficiaires de minima sociaux. Ce sont donc les parents qui vont être pénalisés par votre projet.

En rejetant la quasi-totalité de nos amendements, vous n'avez pas écouté nos inquiétudes et nos propositions pour limiter ce dispositif à douze enfants, désigner un référent de la maison d'assistants maternels, fixer un délai d'expérimentation d'un ou deux ans avant une évaluation réelle et rétablir l'obligation de convention tripartite entre les assistants maternels, la CAF et les conseils généraux.

Nous le voyons bien, mes chers collègues, au-delà du discours et des nobles ambitions affichées, cette proposition de loi va engendrer une baisse du niveau de qualité de la prise en charge des jeunes enfants. Nous ne l'acceptons pas et continuons à demander l'augmentation des capacités d'accueil de la petite enfance, mais pas à n'importe quelle condition, pas au détriment de la qualité du service pour les jeunes enfants. Le groupe socialiste votera donc contre cette proposition de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à Mme Marie-Hélène Amiable, pour le groupe GDR.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Hélène Amiable

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, depuis quelques années, l'évolution du taux de natalité qui fait de la France un des champions européens en la matière impose au législateur de se préoccuper de cet enjeu de société. Mais loin de prendre la mesure de l'atout économique et social que représente cette natalité dynamique, et de l'intérêt de l'accompagner des mesures les plus protectrices et les plus adaptées aux réalités, les gouvernements successifs et les majorités qui les ont soutenus depuis 2002 organisent une véritable dégradation des dispositifs existants pour l'accueil des enfants, au détriment des attentes des familles, majoritairement acquises aux modes de garde collectifs publics.

Le constat est pourtant alarmant : il manque à l'heure actuelle près de 350 000 places pour les enfants, toutes modalités de gardes confondues, un chiffre que le Gouvernement minimise en ne prévoyant la création que de 200 000 places. Ce manque de places d'accueil en structures publiques pousse près de la moitié des couples à renoncer à un quelconque mode de garde pour des raisons économiques et financières, contraignant un des conjoints à réduire ou à interrompre son activité professionnelle.

Cette situation est catastrophique notamment pour les familles monoparentales pour lesquelles les conséquences au plan social sont immédiates : baisse du pouvoir d'achat, risque de perte d'emploi, régression sociale pour les femmes.

Le recours aux assistants maternels et à leurs regroupements n'apporte aucune solution à ce problème car, contrairement aux modes d'accueil collectifs publics, leurs tarifs ne seront pas modulés en fonction des revenus des ménages.

Les assistants maternels souhaiteraient un encadrement juridique spécifique de leurs regroupements hors du cadre domestique pour satisfaire les attentes de certains parents, qui restent libres de choisir le mode de garde de leur enfant.

Si l'intérêt de ces professionnels et de ces familles n'est pas discutable, nous considérons que cette évolution devrait s'inscrire dans un mouvement plus vaste de création massive de places de garde en structures publiques et dans le cadre d'une large réflexion sur la création d'un service public national diversifié d'accueil de la petite enfance avec tous les professionnels concernés, les associations familiales et les partenaires sociaux de manière à répondre aux besoins des familles.

Mais il n'en est rien, et ce texte s'inscrit au contraire dans une logique d'économies budgétaires et d'abandon progressif des prérogatives de l'État et des collectivités territoriales en matière de politique de la petite enfance.

Pour protester contre cette grande braderie des modes d'accueil, contre la baisse de qualité de l'encadrement et le surbooking des assistantes maternelles, qui peuvent désormais accueillir quatre enfants simultanément, les professionnels de la petite enfance seront en grève le 6 mai, et une manifestation conjointe des parents et des professionnels est prévue le 29 mai, toutes deux à l'initiative du collectif « Pas de Bébés à la consigne ». (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

À l'instar des organisations qui composent ce collectif, nous considérons que ce texte expose les enfants autant que les assistants maternels à un danger réel et inacceptable.

Le système de délégation de garde présente notamment un risque majeur d'insécurité juridique pour les professionnels qui exerceront dans ces maisons au regard du droit du travail notamment, mais également en termes de responsabilité individuelle.

Ce sont aussi l'assouplissement des règles d'attribution d'agrément, l'absence d'encadrement des regroupements par un professionnel justifiant d'une expérience significative et l'absence de projet éducatif constitutif d'un accueil de qualité adapté aux besoins des enfants qui fondent notre ferme opposition à ce nouveau mode de garde.

Les députés du groupe GDR considèrent qu'une politique publique de la petite enfance doit permettre à toutes les familles d'accéder à un mode d'accueil de qualité, quels que soient leurs revenus. Cette exigence constitue indéniablement un investissement pour l'avenir.

Cette proposition de loi ne répond à aucune de ces deux exigences. C'est pourquoi nous voterons résolument contre. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

Nous allons maintenant procéder au scrutin public sur l'ensemble de la proposition de loi.

(Il est procédé au scrutin.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants 502

Nombre de suffrages exprimés 493

Majorité absolue 247

Pour l'adoption 296

Contre 197

(La proposition de loi est adoptée.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

L'ordre du jour appelle les explications de vote et le vote, par scrutin public, sur l'ensemble de la proposition de loi, en deuxième lecture, relative aux recherches impliquant la personne humaine (nos 2074, 2444).

La parole est à M. Olivier Jardé, pour le groupe NC.

Debut de section - PermalienPhoto de Olivier Jardé

Monsieur le président, madame la ministre de la santé, mes chers collègues, je tiens à saluer d'emblée le consensus qui s'est fait dans cet hémicycle autour de ce texte important. Celui-ci, en effet, clarifie et simplifie les choses, et protège également mieux les patients. L'empilement législatif qui s'était constitué depuis le vote de la loi de 1988 gênait les chercheurs dans leur travail et ne protégeait pas forcément bien les patients. La présente proposition de loi vise à rassembler toutes les dispositions relatives à la recherche médicale en prévoyant une meilleure protection des patients et une gradation de leur consentement.

Ce texte a été amélioré par le Sénat, qui a notamment modifié son titre en précisant qu'il s'agissait de recherches « impliquant la personne humaine ». Cette formulation a l'intérêt de faire référence à la convention d'Oviedo et de mettre une limite.

La Haute assemblée a également apporté des améliorations au texte s'agissant du droit pour les tests alimentaires et cosmétiques, de la prise en charge par les pharmacies centrales. Elle a supprimé aussi l'avis du CCTIRS en plus de celui de la CNIL en matière de projets de recherches à risques et contraintes minimes.

Par ailleurs, les promoteurs français pourront solliciter l'avis d'un comité de protection des personnes français sur des projets de recherche mis en oeuvre hors de l'Union européenne.

Enfin, les sénateurs ont prévu que les chercheurs pourront examiner le matériel génétique d'une personne sans son consentement exprès, après son décès par exemple.

Le Sénat est cependant revenu sur certains points de façon dommageable. Nous considérons ainsi que le comité de protection des personnes chargé de se prononcer sur un projet de recherche ne doit pas faire l'objet d'un tirage au sort.

En deuxième lieu, nous estimons que la commission nationale des recherches impliquant la personne humaine ne doit pas être une structure d'appel : elle doit se borner à harmoniser les pratiques des comités. Elle ne doit pas non plus être rattachée à la Haute autorité de santé, qui n'a aucune compétence en matière de recherche. Nous sommes donc revenus au texte adopté par l'Assemblée nationale en première lecture.

Debut de section - PermalienPhoto de Olivier Jardé

En troisième lieu, nous sommes convaincus dans cet hémicycle qu'il y a trois types de recherche : les recherches avec risques ou interventionnelles, les recherches avec risques minimes, et les recherches observationnelles, qui doivent donner lieu à trois niveaux d'information différents. Nous avons donc souhaité revenir à notre gradation des procédures de protection des personnes, en les proportionnant au degré de risques : consentement écrit pour les recherches interventionnelles, consentement libre et éclairé pour les recherches à risques minimes, et simple information pour les recherches observationnelles.

Enfin, il nous paraissait important de pouvoir continuer la recherche de phase I. Cette possibilité avait été supprimée au Sénat et c'était tout à fait dommageable pour la recherche médicale française. Notre assemblée est revenue sur cette décision en prévoyant une protection supplémentaire : les essais devront être pratiqués dans des lieux dédiés, donc avec une protection maximale pour les patients.

Dans un climat consensuel, nous sommes parvenus à un texte qui vise à la fois à favoriser le développement de la recherche française en simplifiant les procédures, et à améliorer la protection des patients. Le groupe Nouveau centre votera donc avec enthousiasme cette proposition de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe NC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à Mme Cécile Dumoulin, pour le groupe UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Cécile Dumoulin

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous allons nous prononcer dans quelques instants sur un texte important pour la recherche biomédicale française.

Cette proposition de loi du groupe NC doit nous permettre de concilier l'indispensable simplification des procédures d'encadrement de la recherche et l'amélioration de la protection des personnes qui s'y prêtent. Ce résultat, nous le devons à l'inlassable travail de synthèse de notre rapporteur Olivier Jardé auquel tous les groupes ont été associés. Qu'il en soit à nouveau remercié. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

Nous avons largement discuté de ce texte jeudi dernier. Je ne reviendrai donc pas sur son contenu. Pour ceux de nos collègues qui n'ont pu être présents, je rappellerai simplement quelques idées force qui instaure un cadre législatif commun à l'ensemble des différents types de recherches sur la personne humaine.

Il définit trois catégories de recherches impliquant la personne humaine et établit une gradation des procédures de recueil du consentement des personnes qui se prêtent à des recherches, en fonction du degré de risques et de contraintes que présentent ces recherches :

Tout d'abord, les recherches interventionnelles pour lesquelles le participant doit accorder un consentement libre et éclairé, recueilli par écrit ;

Ensuite, les recherches nécessitant un faible degré d'intervention pour lesquelles le participant doit donner un consentement libre et éclairé mais pas nécessairement par écrit ;

Enfin, les recherches non interventionnelles ou observationnelles qui ne peuvent être pratiquées sur une personne lorsqu'elle s'y est opposée, après avoir reçu un certain nombre d'informations.

Dans le même temps, cette proposition de loi renforce la protection des personnes qui se prêtent à ces recherches. Celles-ci devront désormais recueillir l'avis favorable d'un comité de protection des personnes – CPP. La création d'une Commission nationale de coordination des comités de protection des personnes va également dans ce sens.

Enfin, le rôle de police sanitaire de l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé sera étendu à ces recherches, jusqu'ici hors de son périmètre d'intervention.

Voilà, mes chers collègues, en quelques mots, les principales avancées auxquelles cette proposition de loi texte ouvre la voie. Comme vous l'avez si justement souligné lors des débats, madame la ministre, ce texte est une « loi d'équilibre et de consensus » auquel le groupe UMP apportera tout son soutien. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

Je fais d'ores et déjà annoncer le scrutin dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.

La parole est à M. Jean-Louis Touraine, pour le groupe SRC.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Louis Touraine

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le présent texte est à la fois important et sensible. Nous devions en effet éviter deux écueils. À trop vouloir contrôler la recherche, nous risquions d'entraver sa liberté, et donc de stopper tout progrès thérapeutique. Mais en ne prenant pas suffisamment en compte la nécessité de protéger la personne humaine, nous risquions de faire peser des menaces sur la santé de nos compatriotes et de provoquer des accidents, ce qui aurait affecté nos consciences. Il importait de trouver un équilibre.

Cette proposition de loi a été examinée en première lecture par notre assemblée en janvier 2009. Nous avions considéré alors qu'elle était imparfaite et qu'elle nous avait été soumise dans la précipitation. Nous avions notamment regretté que ces dispositions aient été supprimées de la loi HPST, qu'elles ne soient pas non plus prévues dans le cadre de la révision des lois sur la bioéthique, qu'elles ne soient pas soumises au Conseil d'État, qu'elles ne fassent pas l'objet d'une étude d'impact.

Depuis, elle a été grandement améliorée. Nous examinons aujourd'hui un texte d'équilibre. Il permet ainsi de bien protéger les personnes impliquées dans les recherches tout en favorisant la progression de ces dernières. Les statuts des comités de protection des personnes sont également clarifiés, et leur champ de travail est étendu. Une commission nationale des recherches a été créée. Les personnes non affiliées à la sécurité sociale jouiront ainsi d'une protection particulière. Si le bénéfice n'est pas direct pour la personne en question, la recherche ne pourra pas être effectuée sur elle s'il y a un quelconque risque.

Toutes ces avancées ont permis d'aboutir à un texte plus équilibré, qui respecte autant les impératifs de la protection des personnes que ceux de la nécessité de favoriser les progrès. Nous pourrons donc voter cette proposition de loi qui offrira la possibilité de travailler plus sereinement dans les hôpitaux, les laboratoires et tous les autres lieux où sont conduites les recherches.

Nous savons qu'en même temps notre pays continuera à participer à l'innovation dans le concert des pays développés ; que les stades initiaux, c'est-à-dire ce que l'on appelle les recherches de phase I, pourront continuer à se développer.

Nous pouvons remercier tous ceux qui ont contribué à ces améliorations : nos collègues sénateurs, dont plusieurs des amendements ont été adoptés ; tous ceux qui, ici même, dans les différents groupes, ont travaillé, conduisant à ce texte d'équilibre et de compromis qui garantit aussi bien le respect de la personne impliquée dans les recherches que celui des scientifiques qui les mènent.

En même temps que nous apportons la sérénité nécessaire au travail, nous envoyons deux messages.

D'une part, un message aux médecins et aux chercheurs, qui ne se trouvent plus dans un vide juridique et qui peuvent travailler dans des conditions d'encadrement raisonnables.

D'autre part, un message aux patients, aux associations de malades et aux comités de protection des personnes, en leur disant que la personne humaine est bien protégée et qu'ils peuvent être rassurés par la reconnaissance qui leur est attribuée et par les conditions de travail qui sont garanties. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC, ainsi que sur certains bancs du groupe Nouveau Centre.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à Mme Jacqueline Fraysse, pour le groupe GDR.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacqueline Fraysse

Cette proposition de loi affiche l'objectif ambitieux de relancer la recherche biomédicale en France, selon le voeu du Président de la République, qui dit vouloir faire de notre pays l'un des leaders en ce domaine. Pour ce faire, elle entend simplifier le cadre législatif et administratif qui s'applique à ces recherches, tout en maintenant le haut degré de protection des personnes qui s'y prêtent. C'est donc au regard de cet objectif et de cette exigence fondamentale que l'on doit juger ce texte.

Cette proposition de loi aura-t-elle un rôle d'impulsion en faveur de la recherche ? Nous en doutons, car c'est avant tout de moyens que le recherche a besoin. Et, de ce point de vue, je voudrais rappeler, madame la ministre, que jeudi dernier, vous avez parlé de « misérabilisme » lorsque mon collègue Roland Muzeau a attiré l'attention sur le manque chronique de moyens affectés à la recherche dans notre pays, et notamment à la recherche fondamentale, qui est la base de celles qui impliquent des personnes. Or l'emploi de ce terme méprisant illustre le peu de considération que vous portez aux préoccupations de celles et ceux qui, dans leurs laboratoires, se passionnent et se débattent quotidiennement pour des émoluments n'ayant rien à voir ni avec leur niveau de formation et de connaissances, ni avec leur importance et leur rôle dans le développement de notre société.

Souligner cet état de fait, ce n'est pas faire du misérabilisme, comme vous le dites, mais dresser un constat lucide, que fait d'ailleurs lui aussi le Conseil supérieur de la recherche et de la technologie dans son avis sur le dernier budget, lorsqu'il écrit : « Le taux de croissance de la dépense intérieure de recherche-développement française est […] le plus bas des pays de l'OCDE, le seul qui ait diminué depuis 1995 significativement en dessous de la moyenne de l'OCDE. »

Si l'effet de ce texte sur la recherche tient plutôt du placebo, reconnaissons-lui tout de même le mérite de clarifier les différentes catégories de recherches sur la personne. Il ne permettra pas de relancer la recherche, mais il devrait du moins faciliter le travail des chercheurs. C'est donc un point positif.

Concernant la protection des personnes, nous déplorons la confusion maintenue autour des comités de protection des personnes.

D'abord, le fait que les promoteurs des recherches puissent choisir le comité qui les contrôlera ne nous paraît pas de bonne pratique. C'est un peu comme si une équipe de football désignait l'arbitre de ses prochaines rencontres !

Ensuite, si de nouvelles missions sont attribuées aux comités de protection des personnes, leurs moyens devraient être revus en conséquence, ce qui n'est pas le cas, puisque l'on est dans le cadre d'une proposition de loi, qui tombe donc sous le coup de l'article 40.

Mais, surtout, nous sommes préoccupés par le fait que ce texte entérine une confusion autour des missions de ces comités, qui ne sont ni des comités d'éthique, ni des comités scientifiques.

Je rappelle que les comités de protection des personnes, tels qu'ils ont été conçus par le législateur, sont chargés de vérifier que les dispositions législatives et réglementaires qui s'appliquent aux recherches impliquant les personnes sont respectées.

Évidemment, le même législateur peut décider de modifier ces missions. Mais alors, qui vérifiera si les dispositions encadrant ces recherches sont bien respectées ? N'aurait-il pas été préférable de créer, à côté des CPP réhabilités dans leurs missions initiales, de véritables comités scientifiques au service des chercheurs ?

Une telle réflexion, intelligente et utile, aurait parfaitement trouvé sa place dans le cadre de la révision des lois de bioéthique, puisque celles-ci définissent les normes morales applicables aux sciences du vivant et les instances chargées de les faire respecter.

Reconnaissons néanmoins la clarification apportée pour les personnes non affiliées à la sécurité sociale, un amendement ayant précisé que les recherches et expérimentations effectuées sur ces dernières devaient présenter un risque, non pas minime, mais nul, ce qui est tout de même la moindre des choses.

La création d'une commission nationale chargée d'évaluer, d'harmoniser et de coordonner les activités des comités de protection des personnes est également un point positif.

Compte tenu de l'ensemble de ces remarques et des préoccupations que j'ai exprimées, nous ne pouvons approuver ce texte, mais nous pouvons nous abstenir. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR. – Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

Nous allons maintenant procéder au scrutin public sur l'ensemble de la proposition de loi.

(Il est procédé au scrutin.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants 447

Nombre de suffrages exprimés 425

Majorité absolue 213

Pour l'adoption 425

Contre 0

(La proposition de loi est adoptée.)

(« Bravo ! » et applaudissements sur divers bancs.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

L'ordre du jour appelle la discussion, après engagement de la procédure accélérée, du projet de loi, adopté par le Sénat, portant engagement national pour l'environnement (nos 1965, 2449, 2429, 2310).

Je vous rappelle que la Conférence des présidents a décidé d'appliquer à cette discussion la procédure du temps législatif programmé, sur la base d'un temps attribué aux groupes de trente heures.

Chaque groupe dispose des temps de parole suivants : le groupe UMP, huit heures trente minutes ; le groupe SRC, onze heures vingt-cinq ; le groupe GDR, cinq heures quarante-cinq ; le groupe NC, quatre heures vingt. Les députés non inscrits disposent d'un temps de cinquante minutes.

En conséquence, chacune des interventions des députés, en dehors de celles des rapporteurs et du président de la commission saisie au fond, sera décomptée sur le temps du groupe de l'orateur.

Les temps qui figurent sur le « jaune » ne sont en tout état de cause qu'indicatifs.

La parole est à M. Jean-Louis Borloo, ministre d'État, ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer, en charge des technologies vertes et des négociations sur le climat. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienJean-Louis Borloo, ministre d'état, ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer, en charge des technologies vertes et des négociations sur le climat

Monsieur le président, monsieur le président de la commission du développement durable, monsieur le président de la commission des affaires économiques, messieurs les rapporteurs, mesdames et messieurs les députés, permettez-moi tout d'abord de vous dire le plaisir que nous avons, avec Dominique Bussereau, Chantal Jouanno, Valérie Létard et Benoist Apparu, à nous retrouver devant vous pour ce cinquième acte parlementaire du Grenelle de l'environnement, qui marque d'une certaine façon la fin d'un marathon parlementaire de plus de vingt-quatre mois, ponctué par des lois de finances, qui nous aura permis d'aller jusqu'au bout de la transcription législative des points d'accord et des engagements du Grenelle de l'environnement.

Ces engagements sont au nombre de deux cent soixante-treize, issus d'un processus de concertation unique au monde et d'un consensus puissant. La Commission européenne examine d'ailleurs aujourd'hui très attentivement ce processus, pour voir comment l'adapter au niveau européen.

Cinq grands textes donc, sans compter les lois de finances, ont permis d'adopter soixante-dix mesures fiscales en matière environnementale : le premier texte, dit « Grenelle I », la loi sur la responsabilité environnementale, la loi sur les biotechnologies et les organismes génétiquement modifiés, la loi relative à l'organisation et à la régulation des transports ferroviaires et enfin le présent projet de loi portant engagement national pour l'environnement, qui vous est aujourd'hui soumis en séance publique.

Ces textes se complètent, se répondent et s'enrichissent mutuellement pour former aujourd'hui sur le sujet un monument législatif sans équivalent sous la Ve République et probablement dans l'Europe, voire dans le monde.

Debut de section - PermalienJean-Louis Borloo, ministre d'état, ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer, en charge des technologies vertes et des négociations sur le climat

Au final, il s'agit d'un arsenal juridique qui bat tous les records.

Record de travail parlementaire, d'abord, pour ce monument, avec près de quatre cent cinquante-trois articles, plus de trois cent cinquante heures de débats en séance – sans compter ceux qui vont nous occuper au cours des prochains jours –, près de 10 000 amendements déposés et étudiés,…

Debut de section - PermalienJean-Louis Borloo, ministre d'état, ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer, en charge des technologies vertes et des négociations sur le climat

…dont 7 250 sur les deux textes principaux.

Record de vitesse d'exécution, aussi, avec cinq lois – et je ne parle pas des lois organiques ou de la réforme constitutionnelle nécessaire pour transformer le Conseil économique et social en Conseil économique, social et environnemental – en vingt-quatre mois, ce qui est effectivement un record de vitesse ; avec plus de soixante-dix mesures de fiscalité écologique réparties sur sept lois de finances et lois de finances rectificatives ; avec vingt-cinq conventions signées en moins de trois ans avec les professionnels des secteurs de la grande distribution, de l'industrie aéronautique, de la publicité, du secteur hospitalier et de bien d'autres. En fait, à ce jour, près de 95 % des engagements du Grenelle ont été réalisés ou décidés de manière irréversible.

Record de financements mobilisés, également, car, sur un programme global de près de 400 milliards d'euros engagés pour cette mutation – englobant des fonds privés comme des fonds publics, ces derniers représentant, toutes catégories confondues, 170 milliards –, ce sont déjà près de 34 milliards d'euros qui sont engagés sur les années 2009, 2010 et 2011, sans compter les aides fiscales et les différents tarifs de rachat en matière d'énergies renouvelables.

Record, enfin, en matière de secteurs d'activité engagés dans cette mutation qui prépare la compétitivité de demain. Je rappelle que les sujets abordés de façon complémentaire dans ce texte – l'automobile, les transports collectifs, le traitement de l'eau, la gestion des déchets et l'énergie – concernent, directement ou indirectement, près de 60 % du PIB national. Le plan de mobilisation pour les métiers verts, piloté par Valérie Létard, s'adresse quant à lui à plus de 11 millions de salariés.

Alors, même si bien sûr tout n'est pas achevé – il s'agit d'un processus long –, j'ai la conviction absolue que, après ces vingt-quatre mois de travail parlementaire, après ces quatre – et, j'espère, dans quelques jours, cinq – grands textes, après ces soixante-dix mesures de fiscalité écologique, les grandes ruptures sur les six secteurs clefs de la mutation sont désormais accomplies, ou en cours, et seront irréversibles.

C'est d'abord la révolution d'une énergie à la fois sobre, locale et sûre, avec une hausse de 600 % en deux ans du solaire photovoltaïque et une hausse de 90 % de l'éolien sur la même période, avec la création du Fonds chaleur renouvelable, avec le lancement de quatre appels d'offre « biomasse », avec la construction d'une centrale solaire par région : aujourd'hui, la France est selon les années le premier ou le deuxième producteur européen d'énergies renouvelables. C'est aussi la constitution d'un pôle de recherche d'excellence de dimension mondiale autour de l'Institut national de l'énergie solaire à Chambéry ; c'est la création du Fonds démonstrateur de l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie ; ce sont 260 000 personnes qui travaillent aujourd'hui dans les énergies renouvelables, contre 60 000 seulement en 2006 !

C'est aussi la révolution des mobilités individuelles et collectives, avec une baisse spectaculaire des émissions moyennes de CO2 des véhicules automobiles neufs : nous sommes passés en deux ans de 149 grammes de CO2 par kilomètre à 131 grammes par kilomètre, soit une baisse d'un gramme par mois contre une baisse d'un gramme par an auparavant – et cela grâce au bonus écologique et à l'ensemble des dispositions prises. La France possède ainsi le parc véhicules neufs le plus sobre d'Europe, juste devant le Portugal.

Cela place nos entreprises en position de force, puisqu'elles ne seront pas soumises aux contraintes et aux amendes européennes prévues par le paquet climat-énergie qui impose à terme une limite de 120 grammes de CO2 au kilomètre : nous aurons six à sept ans d'avance sur les objectifs européens, pourtant considérés à l'époque par certains comme complètement inaccessibles.

Mais nous voulons aller plus loin. Grâce aux dispositions sur les infrastructures de charge qui vous sont soumises dans le cadre du Grenelle 2, grâce à une première commande publique de 60 000 véhicules totalement électriques et grâce au super-bonus écologique électrique, les constructeurs français seront en mesure de proposer, dès la fin de cette année, des modèles hybrides ou électriques accessibles au grand public, à des prix comparables à ceux des véhicules classiques. La France sera ainsi l'un des pays du monde qui aura accompli le plus rapidement sa mutation du déplacement individuel et la révolution des véhicules hybrides décarbonés. C'est, vous le savez, l'un des grands sujets mondiaux – tous les jours, à Pékin, ce sont 5 000 voitures qui sont vendues.

C'est aussi le lancement, dans le cadre du Grenelle, des travaux de 365 kilomètres de lignes de transports collectifs supplémentaires, soit un doublement de l'offre française en trois ans, soit aussi autant que ce qui a été construit au cours des trente-quatre dernières années.

Je vous informe d'ailleurs que Dominique Bussereau et moi-même avons lancé ce matin, comme nous nous y étions engagés, le deuxième appel d'offres sur les transports collectifs : il devrait nous permettre de tripler l'offre de transports collectifs en six ans. C'est, vous l'avouerez, une modification majeure du transport doux et du transport urbain dans notre pays !

C'est enfin le lancement, dès 2011, de 660 kilomètres de nouvelles lignes à grande vitesse dans toute la France, comme nous nous y étions engagés.

C'est ensuite la double révolution du bâtiment : les bâtiments représentent, je le rappelle, 42 % de l'énergie utilisée dans notre pays. Dans le neuf, nous mettons en place une nouvelle norme de construction à 50 kilowattheures par mètre carré et par an – contre 150 dans la norme actuelle, et 300 constatés dans le bâti français existant ! C'est aussi la révolution des économies d'énergie et des chantiers thermiques. Dans l'ancien, c'est la rénovation de 40 millions de mètres carrés des bâtiments publics de l'État ; c'est la rénovation de 800 000 logements sociaux, dont 40 000 ont d'ores et déjà été réalisés – et j'espère que 80 000 nouveaux logements seront rénovés cette année ; c'est, chez les particuliers, la signature de 120 000 éco-prêts à taux zéro permettant de financer des travaux d'économie d'énergie : 500 de ces prêts Grenelle sont signés chaque jour. À la fin de l'année 2010, nous devrions ainsi atteindre près de 250 000 chantiers de rénovation thermique dans les logements individuels.

C'est encore la révolution de la recherche sur les énergies renouvelables, avec 500 millions d'euros de financement cette année, et plus d'un milliard dès 2011.

C'est la révolution de l'agriculture : réduction des pesticides, retrait d'ores et déjà d'une vingtaine de molécules sur lesquels nous étions d'accord, conversion à l'agriculture biologique de 17 000 exploitations, soit une hausse de 40 % en deux ans. Ce sont au total plus de 19 000 exploitations agricoles qui développent aujourd'hui des activités complémentaires dans les énergies renouvelables, notamment dans le photovoltaïque et demain, j'espère, en matière de biogaz et de méthanisation : cela nous permettra de boucler la boucle, puisque les exploitations agricoles pourront vendre au réseau le gaz issu de la méthanisation des exploitations. C'est une évolution nécessaire, et ces activités nouvelles des exploitations agricoles seront tout à fait décisives.

C'est la révolution de la gouvernance, avec la transformation du Conseil économique et social en Conseil économique, social et environnemental, et la création d'un pôle dédié réunissant les acteurs environnementaux. Cette évolution a été rendue possible par une réforme constitutionnelle.

C'est la révolution de la protection de la biodiversité avec le déploiement de la trame verte et bleue, avec le Grenelle de la mer, avec la création des aires marines protégées, avec la création de la Fondation de recherche sur la biodiversité.

Ces vingt-quatre mois de travail parlementaire ont enclenché une mutation irréversible qui s'est diffusée massivement à l'ensemble de l'économie réelle, à l'ensemble de nos territoires et des secteurs d'activités. J'avoue avoir parfois du mal à comprendre comment cette réalité peut échapper à certains commentateurs.

Comment ne pas voir qu'un tiers des brevets déposés en France en 2009 relèvent de l'éco-innovation ? Comment ne pas voir que les produits éco-labellisés ont connu en deux ans une hausse de 250 % de leur chiffre d'affaires ? Comment ne pas voir que 40 000 emplois ont déjà été mobilisés grâce à l'éco-prêt à taux zéro ? Comment ne pas voir qu'aujourd'hui, près de 260 000 salariés travaillent dans le domaine des énergies renouvelables, alors qu'ils n'étaient que 60 000 en 2006 ? Et comment ne pas voir que malgré la crise, les secteurs qui connaissent des taux de croissance annuels à deux voire à trois chiffres sont presque uniquement ceux de la croissance verte ?

Dans ce contexte, ce texte à la fois extrêmement dense et extrêmement précis vise à pousser l'avantage le plus loin possible, afin de garantir à nos territoires et à nos entreprises une mutation sereine au cours des dix prochaines années.

Avec ce texte, nous irons plus loin dans le domaine du bâtiment, avec la possibilité pour les copropriétés de voter des travaux de rénovation thermique, y compris dans les parties privatives, avec la généralisation des compteurs d'énergie dans les immeubles ou avec l'obligation d'informer les futurs occupants sur la performance énergétique du bien que l'on souhaite louer ou vendre.

Nous irons plus loin sur les déchets, avec la création de nouvelles filières à responsabilité élargie du producteur en matière de déchets organiques, de déchets hospitaliers ou de déchets du bâtiment.

Nous irons plus loin sur les énergies renouvelables, avec l'instauration de schémas régionaux du climat, de l'air et de l'énergie.

Nous irons plus loin sur la mobilité avec la création d'un statut juridique spécifique pour l'auto-partage, avec la possibilité pour les communes de créer et d'entretenir des infrastructures de charge pour les véhicules électriques.

Nous irons plus loin sur la protection des salariés agricoles avec l'encadrement de la publicité, des activités de conseil et de vente des produits phytopharmaceutiques.

Nous irons plus loin sur les nanoparticules avec l'obligation pour les entreprises qui fabriquent, importent ou distribuent des substances à l'état nanoparticulaire, de les déclarer et d'en indiquer l'usage.

Debut de section - PermalienJean-Louis Borloo, ministre d'état, ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer, en charge des technologies vertes et des négociations sur le climat

En fait, nous commençons : c'est le premier texte législatif en ce domaine, et nous sommes les seuls à le faire aujourd'hui en Europe voire dans le reste du monde.

Nous irons plus loin sur la biodiversité avec le déploiement opérationnel de la trame verte et bleue, avec l'extension puis la généralisation des bandes enherbées, avec le Grenelle de la mer, avec les nouvelles aires marines protégées ou avec la création d'un éco-label sur les produits de la pêche durable.

Ainsi, sur chaque sujet et sur chaque chantier du Grenelle de l'environnement, on enracine la mutation à la fois dans les habitudes et dans la durée, et on offre, partout où c'est possible, des libertés ou des opportunités supplémentaires. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

Dans le même temps, nous achevons le verdissement de notre droit et de nos procédures avec, à chaque fois, des adaptations, des simplifications, des clarifications ou des marges de liberté nouvelles. Parmi les adaptations, je pense au verdissement des schémas de cohérence territoriale et des plans locaux d'urbanisme, avec la capacité dans certains cas de dépasser le coefficient d'occupation du sol d'un taux qui peut atteindre 30 %. Parmi les simplifications, je pense à la possibilité d'avoir recours à des procédures adaptées pour construire des infrastructures de transports collectifs ou la réduction du nombre de types d'enquêtes publiques, ce qui constitue une vraie révolution pour libérer les initiatives en matière de transport collectif. Parmi les clarifications, je pense à l'obligation de délivrer des attestations permettant de vérifier la prise en compte des normes énergétiques à l'achèvement des travaux de rénovation.

Et puis, enfin, on responsabilise à la fois en amont et en aval de la prise de décision, qu'elle soit privée ou publique, dans une logique très forte de prévention et d'anticipation.

C'est la révolution de la gouvernance des entreprises, en accord avec celles-ci : la responsabilité des sociétés-mères est renforcée en cas de pollution grave causée par une de ses filiales, ou l'obligation, pour toutes les entreprises de plus de cinq cents salariés, de présenter un bilan social et environnemental. C'est aussi l'élargissement de la composition de la Commission nationale du débat public, le rôle donné aux Conseils départementaux de l'environnement et des risques sanitaires et technologiques, l'évolution des Conseils économiques et sociaux régionaux en Conseils économiques, sociaux et environnementaux régionaux, ou la possibilité pour les préfets de mettre en place des instances de concertation et de suivi sur les projets d'infrastructures linéaires.

Ce sont enfin des mesures très fortes de prévention comme l'encadrement des pollutions lumineuses, le renforcement de la protection contre les nuisances aériennes ou l'interdiction des téléphones portables dans les écoles maternelles et élémentaires ainsi que dans les collèges.

Mais je voudrais terminer, mesdames et messieurs les députés, en rappelant que tout cela n'aurait pas été possible sans le travail titanesque et minutieux effectué au sein des comités opérationnels et des commissions parlementaires depuis de longs mois : plus on avance dans la mutation, plus on est obligé d'aller très loin dans les détails – avec tout ce que cela implique de précisions et d'équilibres à respecter. Et plus c'est difficile, plus cela soulève des questions, voire des polémiques.

Le Grenelle 2, c'est déjà, au-delà du travail réalisé au Sénat, plus de soixante heures de débat en commissions pendant près de six semaines, conformément aux nouvelles procédures mises en place par la réforme constitutionnelle.

C'est le travail gigantesque effectué par la commission du développement durable et de l'aménagement du territoire, par son président Christian Jacob, par ses rapporteurs, Serge Grouard et Bertrand Pancher. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

C'est l'engagement total de la commission des affaires économiques, de son président Patrick Ollier, et de ses deux rapporteurs, Michel Piron et Serge Poignant. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

C'est également l'extraordinaire implication des parlementaires qui ont dessiné, il y a déjà deux ans au sein des différents comités opérationnels du Grenelle de l'environnement, les orientations de ce texte. Je pense à Michel Destot sur les transports urbains, à Michel Piron et à Jean-Paul Alduy sur l'urbanisme, à Martial Saddier sur l'agriculture biologique, à André Flajolet sur l'eau, à Yves Bur sur la consommation ou à Paul Raoult sur la trame verte et bleue, sans oublier, bien sûr, Éric Diard, rapporteur pour avis de la commission des lois.

Ainsi, comme lors de l'examen de la loi Grenelle 1, le Parlement est, une fois de plus, à l'origine de plusieurs avancées, de plusieurs révolutions techniques ou conceptuelles :

C'est l'extension du dispositif des certificats d'économies d'énergie ;

C'est le recensement, au plus tard le 31 décembre 2012, des points du territoire où les taux d'exposition aux radiofréquences dépassent largement la moyenne nationale ;

C'est la limitation des capacités des installations de stockage et d'incinération à 60 % des déchets produits sur les territoires ;

C'est la consultation obligatoire du public en amont des enquêtes publiques pour tous les projets de plus de 150 millions d'euros.

De ce point de vue, les commissions furent véritablement des lieux d'accélération de la mutation si bien que, au final, on a un texte consolidé et surtout renforcé dans la plupart de ses composantes. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de François de Rugy

C'est la trahison du Grenelle, voilà la vérité !

Debut de section - PermalienJean-Louis Borloo, ministre d'état, ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer, en charge des technologies vertes et des négociations sur le climat

Il est toujours un peu difficile de conclure en quelques mots vingt-quatre mois de débats parlementaires et des centaines d'heures de discussions sur une mutation encore en cours. Je me contenterai de formuler la question qui résume, à elle seule, tout ce que nous avons entrepris collectivement depuis vingt-quatre mois : les ruptures indispensables ont-elles été faites et la France en sort-elle mieux préparée et surtout renforcée ?

Oui, il y a une rupture irréversible sur la mobilité et l'industrie automobile, quand on baisse d'1 gramme par mois contre 1gramme par an les émissions de C02 des véhicules mis sur le marché.

Oui, il y a une rupture irréversible quand l'ensemble des acteurs, collectivités, parkings publics, ERDF, mettent en place les infrastructures de charge pour permettre d'avoir les véhicules électriques pour tout à chacun à la fin de l'année, avec un bonus écologique de 5 000 euros et une commande publique garantie de 50 000 véhicules. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienJean-Louis Borloo, ministre d'état, ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer, en charge des technologies vertes et des négociations sur le climat

Oui, il y a une rupture irréversible dans le bâtiment quand on divise par trois la nouvelle norme de construction et quand on la divise par six par rapport à la moyenne actuelle dans l'ancien.

Debut de section - PermalienJean-Louis Borloo, ministre d'état, ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer, en charge des technologies vertes et des négociations sur le climat

Oui, il y a une rupture irréversible quand on enregistre 20 000 demandes de certification en basse consommation, soit vingt fois plus qu'en 2007.

Oui, il y a une rupture irréversible quand, en deux ans, 250 000 éco-prêts à taux zéro auront été signés et que l'ensemble des logements sociaux bénéficieront d'une rénovation thermique – 800 000 en ont déjà profité.

Oui, il y a une rupture irréversible sur la biodiversité quand on déploie la trame verte et bleue sur l'ensemble du territoire, quand on crée de nouvelles aires marines protégées, quand on crée de nouveaux parcs marins, quand on fait le « Grenelle de la mer », et quand on place la protection des zones humides au coeur de nos priorités.

Debut de section - PermalienJean-Louis Borloo, ministre d'état, ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer, en charge des technologies vertes et des négociations sur le climat

Oui, il y a une rupture irréversible dans notre mix énergétique quand on fait plus de 600 % en deux ans sur le solaire photovoltaïque, plus 90 % en deux ans sur l'éolien…

Debut de section - PermalienJean-Louis Borloo, ministre d'état, ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer, en charge des technologies vertes et des négociations sur le climat

…et qu'on accélérera le rythme pour atteindre nos objectifs de 700 mâts par an. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Oui, il y a une rupture irrésistible quand on crée une centrale solaire à haute définition par région française et qu'on répond sur l'ensemble des appels d'offres par le fonds Chaleur sur la biomasse.

Oui, il y a une rupture irréversible dans l'agriculture quand 17 000 exploitations agricoles se convertissent au bio, quand près de 19 000 exploitations agricoles développent des activités photovoltaïques ou de biogaz ou les bandes enherbées.

Oui, il y a une rupture irréversible dans la gouvernance quand on fait la réforme historique du Conseil économique, social et environnemental et que l'on garantit aux associations écologistes une représentation réelle au sein d'une assemblée délibérative.

Oui, il y a une rupture dans notre modèle économique quand l'ensemble des acteurs de la société française décident d'investir sur dix ans près de 440 milliards d'euros dans nos bâtiments, dans nos transports, dans nos infrastructures énergétiques, bref, dans notre économie, dans nos territoires, dans nos villes et dans nos campagnes, avec, à la clef, la création de 600 000 emplois.

Oui, cette mutation est bel et bien irréversible, et il y aura bien un « avant » et un « après » Grenelle, qu'on le veuille ou non, qu'on l'accepte ou non, qu'on le souhaite ou non. C'est une réalité historique incontournable.

C'est à cela que l'on reconnaît une démocratie moderne, même si c'est difficile, car toute métamorphose est toujours une révolution dans nos pensées et dans nos manières d'être et d'agir.

Dans ce contexte, j'appelle solennellement à ce que ce cinquième débat qui s'ouvre soit serein et fécond.

Debut de section - PermalienJean-Louis Borloo, ministre d'état, ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer, en charge des technologies vertes et des négociations sur le climat

C'est une grande partie de l'avenir de notre pays qui se construit aujourd'hui. À nous de faire en sorte que nos débats dépassent les intérêts particuliers, les conservatismes, les pressions pour conserver telle ou telle pratique ancienne. Toutes les concertations nécessaires ont eu lieu. Alors, de grâce, osons inventer, pensons à nos enfants et au rôle de la France dans le monde.

Ceux qui nous regardent aujourd'hui méritent que l'on construise, ensemble, la France de nos enfants, celle d'une croissance robuste, sereine et maîtrisée, celle d'une économie où l'homme et la nature sont enfin réconciliés. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Serge Grouard, rapporteur de la commission du développement durable et de l'aménagement du territoire.

Debut de section - PermalienPhoto de Serge Grouard

Monsieur le ministre d'État, vous avez posé trois questions : y a-t-il rupture ? Cette rupture est-elle irréversible ? La France y est-elle prête ? À ces trois questions, je réponds par l'affirmative.

Oui, il y a rupture. Ce qui est en jeu à travers l'édifice grenellien, ce n'est ni plus ni moins que la transformation, la mutation profonde de notre système économique et social, un système hérité de la révolution industrielle dont nous savons qu'il est maintenant dépassé.

Debut de section - PermalienPhoto de Serge Grouard

Nous avons vécu sur un double modèle qui supposait une énergie abondante et bon marché. Ce modèle, qui autorisait l'utilisation sans fin des ressources naturelles et, au fond, la destruction de notre environnement, est terminé. Aujourd'hui, tous les dispositifs qui sont proposés au travers des 273 engagements de l'édifice grenellien concernent une nouvelle énergie, une énergie renouvelable, une énergie économisée. Je prendrai quelques exemples :

Pour les bâtiments, nous passons de 250 kilowattheures par mètre carré par an actuellement dans le bâtiment ancien à 150 kilowattheures et bientôt, avec les normes sur la réglementation thermique 2012, nous serons à 50 kilowattheures. C'est une vraie révolution énergétique.

Debut de section - PermalienPhoto de Serge Grouard

Nous développons les énergies renouvelables, la biomasse, la géothermie, l'éolien, contrairement à ce qui se dit ici et là – plus 85 % d'énergie éolienne ces deux dernières années.

Debut de section - PermalienPhoto de Serge Grouard

De nouveaux modèles sont employés pour la préservation de la biodiversité et de nos espaces naturels. Jusqu'à présent, nous nous appuyions sur un modèle de protection tout au plus de la biodiversité extraordinaire et de quelques espaces protégés importants – parcs naturels, protection de quelques espèces en voie de disparition. Dans le Grenelle 2, nous inversons cette logique et nous nous plaçons dans la perspective d'une protection de la biodiversité ordinaire et de l'ensemble des espèces vivantes. C'est une véritable révolution que nous engageons, qu'il va falloir mener à son terme.

Donc, oui, monsieur le ministre d'État, il y a rupture.

Deuxième question, cette rupture est-elle irréversible ? Bien évidemment, du fait de l'ampleur des décisions qui sont prises dans le Grenelle 2. J'ai parlé de l'énergie, de la biodiversité, je pourrais parler de l'eau, de l'assainissement, de la gestion des déchets, de la protection de la mer et des littoraux, je pourrais parler de tous les domaines, en fait, qui intéressent la vie au quotidien de nos concitoyens et qui engagent le futur.

Dans les transports en commun en site propre par exemple, en trente mois, il a été fait autant que ce qui avait été fait dans les trente dernières années en France.

Debut de section - PermalienPhoto de François de Rugy

Ce sont les villes et les agglomérations qui paient !

Debut de section - PermalienPhoto de Serge Grouard

Nous avons décidé un programme de ligne à grande vitesse comme jamais il n'en avait été décidé, programme qui nous place en pôle position au plan européen et même au plan mondial.

Debut de section - PermalienPhoto de François Brottes

Nous ne sommes pas à l'Exposition universelle de Shanghai !

Debut de section - PermalienPhoto de Serge Grouard

Troisième question, la France est-elle bien préparée ? Oui, avec ce texte, la France se prépare. Dans la situation économique et sociale difficile que nous vivons, notre objectif n'est pas que le Grenelle vienne ajouter des problèmes mais bien de permettre de passer, comme disait un grand économiste Schumpeter, au coup d'après, de transformer notre économie et de trouver de nouvelles ressources de croissance. C'est la logique qui est proposée avec les 400 milliards d'investissements qui sont prévus dans ce Grenelle 2 et les 600 000 emplois en gestation.

Oui, ce mouvement crée une rupture. Oui, ce mouvement sera irréversible pourvu que nous sachions nous doter des outils nécessaires. La France a cette intelligence héritée notamment du XIXe siècle, ce savoir technique, technologique, scientifique. La France, c'est un message d'espoir que je veux délivrer, a tous les outils pour réussir : les laboratoires de recherche, les entreprises qui sont placées dans tous les domaines clefs du Grenelle de l'environnement et du développement durable. La France est la mieux placée, grâce à son intelligence, à son ingénierie de projets, pour être, demain, en pôle position aux plans européen et mondial.

Debut de section - PermalienPhoto de François de Rugy

Quelle autosatisfaction ! Regardez plutôt l'Espagne, le Danemark…

Debut de section - PermalienPhoto de Serge Grouard

C'est avec un immense plaisir et beaucoup de fierté que j'ai modestement contribué à l'élaboration de ce Grenelle 2, travail auquel je me permets d'associer mes collègues rapporteurs.

Monsieur le ministre d'État, m'appuyant sur une formule beaucoup utilisée voici quelques mois, Yes we can, j'ai envie de dire aujourd'hui Yes we do. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M.Bertrand Pancher, rapporteur de la commission du développement durable et de l'aménagement du territoire.

Debut de section - PermalienPhoto de Bertrand Pancher

Je souhaite partager avec vous, chers collègues, cinq courtes convictions.

La première est qu'avec le Grenelle 1, un nouveau projet de société est en marche pour notre pays. Un projet de société autour de règles, de valeurs, et se basant sur la justice sociale, l'écologie et les nouvelles richesses.

La justice sociale, ce sont ces plans extraordinaires pour le logement, le transport, ce sont les nouveaux véhicules ; l'écologie, c'est la déclinaison des deux cent soixante-douze mesures ; et les nouvelles richesses, ce sont les vingt-deux mille artisans qui ont été formés, et les centaines de milliers d'emplois qui sont en train de se créer. Oui, le Grenelle 1 est un nouveau projet de société.

Deuxième conviction : le Grenelle 2 est la matérialisation sur le plan juridique d'un consensus de deux cent soixante-douze engagements pris il y a deux ans. D'innombrables décrets, réglementations, dispositifs financiers ont été décidés. Je relisais l'excellent mémento du Grenelle de l'environnement ce week-end, tout y est. Nous sommes en plein dans cette révolution environnementale et ce Grenelle 2 comporte de nombreux points à régler sur le plan juridique. Rien que sur la partie qui m'était dévolue, nous réglementerons dorénavant la pollution de l'air intérieur, les nuisances sonores, l'éclairage nocturne – qui cause 40 % des nuisances sur la biodiversité –, l'étiquetage environnemental, ces très beaux engagements de responsabilité sociale et environnementale pour les entreprises françaises de plus de cinq cents salariés, nous allons généraliser les études d'impact, l'information sur les radiofréquences et sur les nanotechnologies.

Troisième conviction : ce texte est une amélioration considérable du travail du Sénat, lequel avait amélioré de façon considérable le texte initial du Gouvernement. Je voudrais remercier les rapporteurs et l'ensemble des collègues de la majorité et de l'opposition pour ce travail en commission. Si nous ne votons pas ce texte, nous ne voterons pas non plus pour ces améliorations. Cette part variable sur la taxe d'enlèvement des ordures ménagères demandée par l'ensemble des collectivités avec la redevance incitative,…

Debut de section - PermalienPhoto de François Brottes

C'est le Grenelle 1 tout cela : nous l'avons déjà voté !

Debut de section - PermalienPhoto de Bertrand Pancher

…ce crédit d'impôt PPRI, sans lequel nous ne pourrons pas nous engager dans ces actions fortes en matière de prévention des risques, cet affichage de la puissance des téléphones portables ou cet exposé des motifs pour la responsabilité sociale, environnementale où nous allons être le premier pays du monde à demander à nos entreprises des comptes et des indicateurs en matière sociale et environnementale pour guider les consommateurs. Tout cela, c'est l'économie de demain.

Quatrième conviction : ce texte est le fruit de compromis initiaux et de nouveaux compromis. La grande crise est arrivée, des problématiques nouvelles sont face à nous, et il faut faire attention que le verre trop plein ne déborde pas. Nous avons réussi dans un certain nombre de domaines à trouver ces compromis avec la société civile, car si nous ne trouvons pas ces conditions d'acceptabilité, nous reculerons ou nous passerons en force comme sur beaucoup d'autres textes que nous avons votés, majorité comme opposition, lorsque nous étions au pouvoir. Nous ne souhaitons pas le faire avec le texte du Grenelle de l'environnement.

Enfin, il nous faut approfondir cette nouvelle gouvernance. Nous avons structuré cette concertation avec l'ensemble des acteurs, cette belle réforme du conseil économique, social et environnemental, sa déclinaison à travers l'arrivée des acteurs environnementaux dans les comités économiques et sociaux régionaux, cette commission nationale du développement durable. Demain, dans quelques semaines, les acteurs environnementaux prendront part à l'ensemble de ces discussions et permettront de nous aider à aboutir à des décisions apaisées dans l'intérêt de notre pays. Oui, un nouveau projet de société est en marche, un projet pour une société plus juste, plus respectueuse de l'environnement, un projet qui va oeuvrer pour de nouvelles richesses, pour l'approfondissement des liens sociaux et du travail ensemble. C'est un très bel espoir pour les générations actuelles et futures. Merci, monsieur le ministre d'État et vos services, et merci au Gouvernement pour ce très beau travail que vous nous avez donné en discussion. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est àM. Michel Piron, rapporteur de la commission des affaires économiques, saisie pour avis.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Piron

Les propositions de notre commission visent, pour le titre Ier, à davantage d'efficacité, de cohérence et de simplicité, qu'il s'agisse de la construction ou de l'urbanisme.

S'agissant de la construction, nous avons d'abord cherché à faire de véritables économies d'énergie. Pour ce faire, nous proposons un report de six mois de l'entrée en vigueur de la nouvelle réglementation thermique, dite « RT 2012 » dans le secteur non résidentiel, compte tenu du retard pris par le Gouvernement dans la publication des textes requis.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Piron

C'est du réalisme.

Nous proposons également : la définition d'une exigence en termes d'émissions de gaz à effets de serre dans la réglementation thermique pour 2020 ; une clarification de la responsabilité des acteurs dans la mise en oeuvre de la réglementation thermique – c'est au maître d'oeuvre qu'il reviendra d'attester qu'il a pris en compte la réglementation thermique ; l'attestation de conformité à cette réglementation sera établie par l'architecte ou le contrôleur technique ayant contribué au projet.

Il s'agit là de ne pas démultiplier les contrôles du respect de la norme, ce qui conduirait inévitablement à une dilution de la responsabilité des acteurs impliqués dans un projet de construction, au détriment du maître d'ouvrage. En contrepartie, la responsabilité pénale des maîtres d'oeuvre sera renforcée, puisqu'en cas de délit flagrant la procédure simplifiée de l'ordonnance pénale pourrait être utilisée.

Concernant l'entrée en vigueur des nouvelles dispositions relatives au diagnostic de programme énergétique, dit DPE, à compter du 1er janvier 2012, nous avons été alertés lors de nos auditions par de nombreux acteurs d'horizons fort différents quant aux imperfections actuelles du DPE. Interrogé sur le sujet, le Gouvernement a indiqué qu'il était déterminé à améliorer le dispositif. C'est pourquoi nous en proposons le report. La réalisation obligatoire d'un audit énergétique dans les copropriétés de plus de cinquante lots en tient compte.

Même si le diagnostic de performance énergétique devrait prochainement faire l'objet d'améliorations importantes, il ne permet pas aujourd'hui de servir de base solide et fiable à l'élaboration d'un plan de travaux d'économies d'énergie. Cette élaboration suppose en effet la réalisation d'un véritable audit énergétique, plus fiable mais dont le coût est certainement supérieur à celui d'un DPE. Nous proposerons que les copropriétés de taille importante, pour lesquelles le coût peut s'avérer comparable à celui de la somme de DPE individuels, fassent l'objet d'un véritable diagnostic qui permette des économies d'échelle réalisées grâce à l'établissement d'un audit global.

S'agissant de l'urbanisme, nous avons voulu plus de cohérence et plus d'efficacité. Les propositions que nous ferons en matière d'urbanisme s'articulent autour de trois questions : celle des enjeux : « pourquoi ? », celles des objectifs : « pour quoi ? », et celle de la gouvernance : « comment ? »

Les objectifs qui ont guidé notre réflexion sont, tout d'abord, une meilleure utilisation de l'espace, principe sur lequel tout le monde, peu ou prou, est d'accord. Ensuite, nous souhaitons une meilleure articulation entre les documents, c'est-à-dire d'avantage de cohérence, de simplicité et moins de redondance entre SCOT, PLH, PLU… Troisième objectif : moins de concurrence entre les collectivités. Quatrièmement, une meilleure organisation de la ville de demain, articulant étroitement habitat, travail, déplacements et services selon une logique multifonctionnelle, en un mot : une meilleure organisation de l'espace aux échelles communale et intercommunale.

Ces différents objectifs trouvent leur concrétisation dans les dispositifs que nous vous proposerons. L'intercommunalisation du PLU constitue un enjeu majeur à cet égard, le document serait élaboré à l'échelon intercommunal sauf en cas de veto d'une minorité qualifiée.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Piron

Nous proposons également une fusion possible des documents de planification locaux, PLH voire PDU, avec le PLU intercommunal ; une entrée en vigueur progressive, cinq ans à compter de la mise en place de la carte intercommunale, soit un horizon pour 2018, ce qui laisse le temps de la réflexion. Tous ces dispositifs excluent l'Île-de-France, dont la spécificité appelle un traitement d'exception qu'illustrent les réflexions en cours sur le Grand Paris, tout comme la Corse ou l'outre-mer.

Nous proposons également un PLU pouvant comprendre, en milieu rural, les éléments du SCOT. Dans ce cas, il aurait valeur de SCOT.

Nous souhaitons le développement d'un urbanisme de projet, encouragé par la simplification des procédures, par une clarification de la hiérarchie des normes d'urbanisme.

Enfin, nous soumettons une réforme de la procédure de consultation de l'architecte des bâtiments de France, dont l'éclairage et le pouvoir absolu deviendraient relatifs.

Telles sont les principales mesures que nous vous proposerons d'adopter. Je vous remercie, après avoir contribué à leur préparation, de participer à leur discussion. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Serge Poignant, rapporteur de la commission des affaires économiques, saisie pour avis.

Debut de section - PermalienPhoto de Serge Poignant

Nous voilà sur le point de franchir une étape de plus, décisive, dans cette oeuvre au long cours que je veux qualifier d'exemplaire pour beaucoup de pays, à savoir, le Grenelle de l'environnement.

Le texte qui vous est soumis, parfois qualifié à juste titre de boîte à outils pour l'application du Grenelle 1, souvent technique, témoigne de l'ampleur des travaux des commissions du développement durable et des affaires économiques, et de l'écoute du Gouvernement, très présent tout au long de ces travaux. Les présidents Christian Jacob et Patrick Ollier en témoigneront.

Debut de section - PermalienPhoto de Serge Poignant

Rapporteur des articles consacrés à l'énergie et à l'agriculture, je souhaite souligner quelques amendements d'importance adoptés en commission. Je tiens à le rappeler, monsieur le ministre, chers collègues, c'est animé du même élan que le vôtre que nous avons cherché l'équilibre et l'efficacité pour la meilleure application du Grenelle 1.

Je tiens également à vous préciser que nous avons largement suivi les recommandations ou propositions faites par divers rapports récents : Michel Havard sur les bilans de gaz à effet de serre, Jean-Claude Lenoir sur les tarifs d'utilisation des réseaux électriques ou encore Franck Reynier sur la mission « énergie éolienne » présidée par Patrick Ollier.

S'agissant d'énergie, le projet de loi propose toute une série de mesures visant à faciliter l'atteinte du triple 20. Nous avons adopté de nouvelles dispositions concernant l'ensemble des ENR : obligation d'achat pour le biogaz, afin de développer son injection dans les réseaux, mesure très attendue que vous avez citée, monsieur le ministre ; simplification des procédures de classement des réseaux de chaleur ; allégement des procédures d'autorisation d'exploiter des installations de production d'électricité.

Parmi les points les plus discutés en commission figurent les tarifs d'achat pour le solaire photovoltaïque. Là encore, un groupe de travail, très large, réuni entre les deux commissions, a permis d'aboutir à un consensus et à la publication de nouvelles précisions, en mars, qui permettent d'apaiser les craintes qui s'étaient exprimées.

Ont également fait l'objet de débats nourris l'extension des certificats d'économie d'énergie aux carburants et l'ajustement du dispositif en deuxième période. Le dispositif proposé est ambitieux et rationalisé.

Nous avons aussi simplifié l'articulation entre les différents schémas. Ainsi, le schéma régional du climat, de l'air et de l'énergie, ou SRCAE, sera co-élaboré par les régions et le préfet. Il comprendra, dans sa partie ENR, un volet éolien, opposable aux ZDE. En conséquence, les schémas régionaux des ENR seront fusionnés avec le SRCAE.

Les plans climat énergie territoriaux, ou PCET, sont obligatoires pour les grandes collectivités, facultatifs pour les petites. Il est écrit très clairement que les PCET se font selon une logique de compétences. Ces PCET s'appuieront sur des bilans d'émissions de gaz à effet de serre. Ils peuvent être intégrés aux schémas, et peuvent constituer le volet climat d'un agenda 21 : tout est fait pour éviter les doublons et assurer la cohérence.

Venons-en à l'éolien : je ne saurais trop dénoncer les caricatures dont ont fait l'objet nos amendements. La mission d'information, commune aux deux commissions, a fait plusieurs propositions. Ce dispositif cohérent vise à répondre à une préoccupation : permettre un développement de l'éolien acceptable pour nos concitoyens. Si nous renonçons à tout cadre, et que l'éolien devient insupportable aux riverains, nous ne serons pas plus avancés, quoi qu'on en dise.

Debut de section - PermalienPhoto de Serge Poignant

Le président Ollier développera ces propositions dont quelques derniers amendements que nous avons cosignés, notamment sur la suppression de la puissance plancher des parcs terrestres ou sur le petit éolien.

Au vu des amendements très contrastés déposés par nos collègues, sur tous les bancs de cet hémicycle, ces propositions me semblent représenter une vraie solution de compromis et d'efficacité.

Concernant l'agriculture, les amendements des commissions visent à renforcer encore la perspective du projet de loi : celle d'une agriculture durable et compétitive.

Nous avons abordé, dans le cadre du droit communautaire et du plan Ecophyto, la question des distorsions de concurrence, en prévoyant un avis de l'AFSSA avant toute décision de retrait de substance autorisée au niveau européen et une évaluation annuelle publique et approfondie de l'impact des pesticides et des effets de toute nouvelle réglementation. Nous avons également insisté sur l'adaptation des mesures prévues aux différents profils, avec la modulation de la formation à l'utilisation des produits phyto en fonction de l'expérience des professionnels et des types de cultures, notamment.

En matière d'élimination des déchets ou de réglementation de la publicité, nous distinguons les règles s'imposant aux professionnels de celles s'appliquant aux publics amateurs.

Ces amendements visent à renforcer la cohérence de l'ensemble du texte, qu'il s'agisse du développement des ENR dans le bâtiment ou le monde rural ou des effets sur l'environnement et la santé, des agriculteurs en premier lieu, ou encore des efforts engagés sur les méthodes de culture. Ils s'appuient toujours sur les dispositions du « Grenelle 1 ».

Mes chers collègues, vous avez adopté le projet de loi « Grenelle 1 » à la quasi-unanimité. Vous aurez bientôt l'occasion de vous prononcer sur les mesures qui permettront d'atteindre les objectifs fixés, en toute responsabilité, après des dizaines d'heures de discussions.

Permettez-moi de me féliciter de la confiance que Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques, et Christian Jacob, président de la commission du développement durable, ont bien voulu m'accorder auprès des trois autres rapporteurs pour vous présenter un texte que vous désignez vous-même, monsieur le ministre d'État, comme monument législatif exceptionnel. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Serge Poignant

Ce sont bien des moyens sans précédent que nous allons donner à notre économie pour assurer sa compétitivité et s'engager, ou développer résolument son engagement, dans une croissance durable, à savoir économique, environnementale et sociale.

Mes chers collègues, le rapporteur que je suis espère que vous serez aussi unanimes pour adopter ce projet de loi que vous l'avez été pour adopter le « Grenelle 1 » !

Monsieur le ministre d'État, mesdames, messieurs les ministres, avec vous, nous prendrons nos responsabilités pour les générations futures ! (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Guy Geoffroy, suppléant M. Éric Diard, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, saisie pour avis.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Geoffroy

Monsieur le président, monsieur le ministre d'État, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, après la loi « Grenelle 1 » qui a repris l'intégralité, et est même allée au-delà s'agissant de certains sujets, des engagements du Grenelle de l'environnement, texte, comme il vient d'être rappelé, adopté à la quasi-unanimité par notre Parlement, après ces dispositions d'essence politique et philosophique qui ont fondé de manière indélébile le pacte que la France a signé avec elle-même pour l'avenir des générations futures, voici venu le temps de l'examen des dispositions, certes plus techniques donc probablement plus arides, plus difficiles à concevoir et donc à expliquer, de ce projet de loi portant engagement national pour l'environnement.

Deux commissions étaient, d'évidence, en charge de ce sujet complexe et très vaste. Leurs rapporteurs viennent de s'exprimer. Notre commission des lois s'est estimée, semble-t-il à juste titre puisque personne ne l'a contesté, concernée par ce projet de loi dans la mesure où la part que les collectivités publiques, que la puissance publique sous toutes ses formes, sont amenées à prendre dans la mise en oeuvre concrète, quotidienne, durable et pérenne de ces dispositions nous est apparue importante.

C'est la raison pour laquelle l'article 26 et les articles 86 à 95 de ce projet de loi très attendu ont fait l'objet, de la part de la commission des lois, d'un examen particulier. Je m'efforcerai aujourd'hui de rapporter le plus efficacement possible les conclusions auxquelles est parvenu, au nom de la commission des lois, notre collègue Éric Diard, dont je vous demande d'excuser l'absence due à un enchevêtrement de difficultés qui l'ont empêché d'être parmi nous, mais il siégera, bien sûr, au nom de la commission, tout au long des débats.

Il convient de rappeler, en ces matières intéressant les collectivités locales, leurs modes de décisions et leurs décisions, quels étaient les objectifs posés par la loi « Grenelle 1 ».

La première disposition consistait à limiter l'empreinte écologique des activités de l'État et des collectivités territoriales. La deuxième tendait à assurer que l'État et les collectivités territoriales prendraient en compte les conséquences écologiques de leurs décisions. On pourrait penser que cela va de soi, mais il n'est pas inutile de rappeler, en ce domaine, que ce qui va sans le dire va probablement encore mieux en le disant. Il était, par conséquent, essentiel que cela figure dans ce texte de loi. La troisième disposition était relative à la participation du public à la prise de décisions : ce sont les articles 86 à 95 auxquels je viens de faire allusion et que je détaillerai plus tard.

L'article 26 – et Serge Poignant l'a évoqué – rend obligatoire la réalisation d'un bilan des émissions de gaz à effet de serre pour l'État et les collectivités locales, à l'exception des communes et intercommunalités de moins de 50 000 habitants. Il est toutefois clair dans mon esprit et, j'en suis sûr, dans celui de nombre des parlementaires ici présents, que ce qui n'est pas obligatoire ne doit pas, pour autant, ne pas être conseillé. Le Parlement ne saurait reprocher à des collectivités de moins de 50 000 habitants d'accomplir ce travail. Cette obligation s'imposera également aux personnes morales de droit public qui emploient plus de 250 personnes et aux entreprises de plus de 500 salariés. Ces collectivités de plus de 50 000 habitants réaliseront, en outre, un plan climat-énergie territorial qui regroupera, afin de les rendre compréhensibles par tous nos concitoyens, toutes les actions envisagées pour lutter contre le réchauffement climatique ou s'y adapter. Le plan comprendra aussi bien les actions directes de la collectivité que les actions à destination des autres acteurs locaux, notamment des politiques d'incitation ou de sensibilisation. Ces deux documents devront être rendus publics, ce qui semble logique, et révisés, pour demeurer valides, tous les cinq ans.

Les articles 86 à 95 réforment les procédures de participation du public pour les rendre plus systématiques et pour faciliter la prise en compte de l'opinion du public, donc de l'ensemble de nos concitoyens.

La plupart des modifications apportées visent à mettre le droit français en conformité avec une série de normes internationales, européennes et, bien évidemment, constitutionnelles. Il convient, tout d'abord, de mieux transposer le droit communautaire, notamment la directive du 27 juin 1985 sur l'évaluation des incidences de certains projets publics et privés sur l'environnement et la directive, plus récente, du 27 juin 2001 sur l'évaluation des incidences de certains plans et programmes sur l'environnement. Il faut également respecter les engagements pris dans la convention d'Aarhus sur l'accès à l'information, la participation du public au processus décisionnel et l'accès à la justice en matière d'environnement.

Le ministre d'État a eu raison d'insister sur le caractère globalement et incontestablement exceptionnel de l'ouvrage législatif que nous sommes en train de réaliser, ouvrage, qui a, ne l'oublions pas, la grande vertu de pouvoir s'appuyer sur la Charte de l'environnement, autre grand monument constitutionnel et oeuvre de la précédente législature. En effet, en adoptant cette charte, nous avons créé un nouveau principe constitutionnel, inaliénable en tant que tel : celui de la participation des citoyens en matière environnementale. Rappelons plus précisément en citant – en nous citant, nous, constitutionnels – l'article 7 de la Charte qui dispose ainsi que « Toute personne a le droit, dans les conditions et les limites définies par la loi, d'accéder aux informations relatives à l'environnement détenues par les autorités publiques et de participer à l'élaboration des décisions publiques ayant une incidence sur l'environnement ».

Le projet de loi renforce, en conséquence, les garanties de participation du public, notamment en consacrant dans la loi des règles qui n'étaient auparavant fixées que par décret. Là aussi, il était essentiel d'insister sur cette avancée incontestable.

Les principales modifications sont les suivantes : l'obligation d'effectuer une étude d'impact sur un projet – obligation à laquelle nous sommes généralement très attachés et peut-être encore plus en cette matière – ne dépendra plus uniquement des seuils réglementaires, mais fera l'objet d'un examen au cas par cas pour décider si une étude d'impact est ou non nécessaire ; une consultation du public sera obligatoire pour tout projet soumis à étude d'impact ou évaluation environnementale, même lorsque le projet ou le plan ne fait pas lui-même l'objet d'une enquête publique ; enfin, les documents mis à la disposition du public pour ces procédures de consultation seront plus nombreux, avec, notamment, un résumé non technique des projets soumis à étude d'impact.

Avant d'achever mon propos, je ferai rapidement référence aux articles 90 à 94 quater, qui rationalisent les procédures d'enquêtes publiques. Les régimes d'enquête publique ont eu tendance à s'accumuler, parfois sans cohérence, au fil des lois successives, ce qui crée des situations très complexes pour les maîtres d'ouvrage. Cela fera l'objet d'une évolution et d'une simplification bienvenue grâce à la nouvelle rédaction proposée dans les articles considérés.

L'article 95, enfin, réforme la Commission nationale du débat public. Il modifie sa composition pour que toutes les parties prenantes du Grenelle de l'environnement soient représentées. Tout cela était bien évidemment plus qu'attendu et bienvenu.

Notre commission, à l'initiative de son rapporteur Éric Diard, a adopté une série d'amendements. Nos collègues de la commission du développement durable, que je tiens à remercier au nom des commissaires aux lois, ont bien voulu en retenir un certain nombre. Je ne doute pas que notre assemblée fera de même.

Monsieur le ministre d'État, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, avec ce projet de loi « Grenelle 2 », ce n'est pas « petit bras » que nous avançons sur un sujet fondamental, mais, au contraire, avec ambition et responsabilité. C'est la raison pour laquelle la commission des lois s'associe, bien sûr, aux autres commissions pour souhaiter un vote, pourquoi pas, mes chers collègues, et je vous en lance le défi, unanime devant nos concitoyens ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Christian Jacob, président de la commission du développement durable et de l'aménagement du territoire.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Jacob

Monsieur le président, monsieur le ministre d'État, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, permettez-moi, d'abord, de remercier tout particulièrement les rapporteurs Serge Grouard et Bertrand Pancher, pour la commission du développement durable, et Serge Poignant et Michel Piron, pour la commission des affaires économiques, pour la tâche qu'ils ont accomplie au cours des six derniers mois. Ce travail, qui a donné lieu à beaucoup de coordination, a été très important. Il n'était, en effet, pas simple d'aborder ce texte, lequel restera d'ailleurs, à plus d'un titre, dans les annales.

Monsieur le ministre d'État, je voudrais dès à présent, vous adresser un message. Vous avez été celui qui a imaginé, mis en place et réalisé ce pari du Grenelle de l'environnement. Je n'ignore rien – et personne n'ignore rien – du soutien personnel du Président de la République, du travail de vos secrétaires d'État, de ceux qui sont avec vous depuis le premier jour, de ceux qui vous ont quitté, de ceux qui viennent d'arriver, des ONG, des organisations professionnelles et des parlementaires. Mais pour que tout cela fonctionne au mieux – et ça a été plutôt le cas –, il fallait un grand chef d'orchestre et vous avez été remarquable dans ce rôle, monsieur le ministre d'État. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.) Je dis cela avec beaucoup de gentillesse, parce que je le pense...

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Jacob

…mais aussi pour remettre peut-être à leur juste place ceux qui, ici ou là, s'attribuent des rôles parfois plus conformes à leurs rêves qu'à la réalité !

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Jacob

Je souhaite également remercier mon ami, Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques, qui a, avec moi, permis à nos deux commissions de travailler dans un climat de confiance et de complémentarité. Je ne doute d'ailleurs pas que l'expérience acquise lors de l'examen de ce projet de loi nous serve à mieux utiliser encore les ressources du nouveau règlement de notre assemblée,…

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Jacob

…notamment sur deux points.

D'une part, le Gouvernement a participé à tous nos débats en commission. Avec vos secrétaires d'état, monsieur le ministre, vous avez assisté à chaque réunion de commission au cours des mois de janvier, de mars et d'avril, démontrant ainsi toute la disponibilité du Gouvernement à l'égard du Parlement. Pas une seule question posée par un député sur l'un des 2 500 amendements étudiés en commission n'est restée sans réponse.

D'autre part, nos discussions en séance publique vont s'appuyer sur le texte élaboré par nos deux commissions, ce qui a également imposé une certaine discipline dans l'organisation de nos débats. Nous avons ainsi en quelque sorte, et ce n'était pas la tradition, délégué à la commission des affaires économiques les dispositions relatives à l'urbanisme et au logement, à l'énergie et à l'agriculture, la commission du développement durable conservant les dispositions relatives à la biodiversité, aux risques, à la santé et aux déchets, à la gouvernance.

Pour les articles délégués, la commission du développement durable a validé pour l'essentiel les amendements adoptés en commission des affaires économiques, même si cela n'a pas été systématique, en évitant de rouvrir le débat sur les dispositions faisant l'objet d'un accord mais en autorisant une large discussion lorsqu'il y avait désaccord, ce qui a permis à de nombreux parlementaires qui n'étaient membres d'aucune de nos commissions d'y participer et de s'exprimer autant qu'ils le souhaitaient. Si certains ne sont pas venus, c'est qu'ils ne le souhaitaient pas,…

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Jacob

…mais tous ont eu la possibilité de participer au débat, et largement. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Jacob

Le texte dont nous discutons aujourd'hui est bien un texte commun. Nos commissions se sont réunies à onze reprises, ont siégé pendant plus de soixante heures et étudié 2 500 amendements, dont 619 ont été adoptés, issus de chacun des groupes parlementaires.

Je souhaiterais à présent souligner à quel point il traduit bien les engagements du Grenelle de l'environnement. Contrairement aux déclarations de certains intervenants épisodiques, de pseudo-gardiens du temple ou de relais de tel ou tel lobby, il n'y a eu ni recul ni retrait par rapport aux engagements du Grenelle de l'environnement. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP. – Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Monsieur Mamère, personne ne vous a vu en commission, parce que les réunions de travail ne vous intéressent pas. Dès qu'il s'agit de travailler sérieusement, vous n'êtes pas là.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Jacob

Bien au contraire, la prise en compte de plus en plus forte des ambitions environnementales, sociales et économiques de notre société a été rapportée à la réalité quotidienne, avec la dose de pragmatisme nécessaire à l'efficacité du texte, ce qui rend encore plus crédibles nos engagements vers une société durable.

Je ne vais pas revenir sur les points spécifiques qui ont été évoqués brillamment par nos rapporteurs, mais simplement souligner quelques mesures qui font de la France un pays à la pointe de la lutte et qui sont à mettre au crédit du travail constructif réalisé en commun par le Gouvernement et le Parlement. C'est en quelque sorte une bonne coproduction que nous avons réalisée, monsieur le ministre, et je vais en donner quelques exemples.

Pour la réduction des consommations d'énergie : extension de l'obligation de réaliser un bilan des émissions de gaz à effet de serre à toutes les entreprises de plus de 500 salariés ; mise en place d'une obligation d'achat et d'un tarif pour le biogaz injecté dans les réseaux ; renforcement du dispositif des certificats d'économie d'énergie ; mise en place des schémas régionaux du climat, de l'air et de l'énergie ; obligation pour les collectivités territoriales de plus de 50 000 habitants de réaliser un bilan carbone.

Pour la préservation de la biodiversité : opposabilité des trames vertes et bleues ; qualité de l'eau – protection des sources et zones humides, bandes enherbées au bord des cours d'eau ; certification HVE des exploitations agricoles.

Pour la maîtrise des risques, le traitement des déchets et la préservation de la santé : message d'avertissement sanitaire sur les risques d'utilisation excessive du téléphone portable ; mesure et recensement des points d'exposition des ondes sur le territoire ; expérimentation de zones prioritaires pour l'air par des restrictions de circulation dans certaines zones urbaines polluées ; crédit d'impôt pour la prévention des risques technologiques ; expérimentation de la TEOM, la taxe d'enlèvement des ordures ménagères, à la place de la redevance.

Pour la mise en place d'une nouvelle gouvernance écologique : responsabilité sociétale des entreprises ; obligation de publier dans le rapport annuel les données relatives à l'activité environnementale et sociétale des entreprises de plus de 500 salariés, vérifiée par une tierce personne ; amélioration de la participation de la société civile aux débats publics : amélioration de l'efficacité de la commission nationale du débat public.

Voilà quelques-unes des mesures qui ont été retenues grâce au travail fourni par le Parlement.

En conclusion, ce texte permettra de poser les bases d'un nouveau modèle de croissance fondé sur un développement économique et social maîtrisé, durable, et prenant en compte les limites de nos ressources naturelles.

C'est aussi un outil de simplification : réforme des enquêtes publiques, harmonisation des consignes de tri, amélioration de la lisibilité du code de l'urbanisme, amélioration de la planification du développement des énergies renouvelables.

Il convient également de souligner que l'année 2009 a vu de nombreuses réalisations pour le Grenelle de l'environnement : 88 % des engagements qui devaient être réalisés avant la fin 2009 ont été tenus.

Je préfère parler de développement durable plus que d'écologie, qui ne représente qu'un aspect de la nouvelle démarche dans laquelle nous devons nous inscrire. Le développement durable comporte trois piliers : la croissance économique, le progrès social et le respect de l'environnement. Tout l'enjeu réside dans la façon de concilier ces trois aspects et donc d'optimiser notre développement économique tout en respectant la planète, car nous sommes entrés dans un siècle de rareté des ressources, contrairement au siècle précédent, et nous devons maintenant organiser le rationnement de ces ressources sans renoncer à la croissance économique et au progrès social.

Le souci de la faisabilité concrète des mesures prises dans le cadre du Grenelle et le respect du pilier économique du développement durable expliquent la nécessité de ne pas mettre à mal la compétitivité de nos entreprises et d'éviter les distorsions de concurrence avec nos voisins européens.

Pour ces raisons, la commission du développement durable a décidé, du fait du manque de données disponibles de méthodologie harmonisée tout au long de la chaîne de production, de faire précéder d'une expérimentation d'une durée minimale d'un an l'affichage environnemental sur les produits à forts impacts environnementaux qui sera obligatoire à partir du 1er janvier 2011. C'est un amendement qui a été adopté à l'unanimité de tous les groupes parlementaires en commission.

Nous avons souhaité que le retrait d'un produit phytopharmaceutique contenant une substance active autorisée au niveau européen ne puisse avoir lieu en France qu'après un avis scientifique de l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments et une évaluation des effets socio-économiques de ce retrait. C'était un complément important apporté par l'opposition.

Par ailleurs, tout en luttant contre la publicité invasive, nous devons trouver un équilibre entre la loi et les règlements locaux de publicité en laissant aux maires la possibilité de s'adapter aux réalités locales du marché et de l'emploi généré par ce secteur économique.

Nous avons ainsi, opposition et majorité, réalisé un travail de qualité dans un climat serein et constructif. Personne en commission, quelle que soit la passion avec laquelle il a défendu ses arguments, ne l'a fait dans un esprit polémique. Je suis convaincu que c'est ce même esprit qui régnera en séance publique.

C'est pourquoi, compte tenu du travail d'une ampleur jamais réalisée en commission, mais aussi de l'écoute attentive dont nous avons bénéficié de la part du Gouvernement, je vous invite mes chers collègues, à la fin de nos travaux, à adopter ce très bon texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Ollier

Monsieur le président, monsieur le ministre d'État, mes chers collègues, le projet de loi que nous allons étudier aujourd'hui est une nouvelle pièce à l'édifice du Grenelle de l'environnement, dont la première pierre a été posée en 2007.

La France n'est pas en retard, mais la France veut maintenant être en avance, disait Nicolas Sarkozy en 2007. Avec ce texte courageux, monsieur le ministre d'État, vous permettrez sans aucun doute à la France d'être en avance par rapport à tous les pays européens.

Un texte, quatre rapporteurs. Je remercie M. Jacob, le président de la commission du développement durable, d'avoir accepté la logique de la délégation d'articles, qui a permis à nos deux commissions de travailler en complémentarité, et je suis tout à fait d'accord pour poursuivre dans cette voie. Michel Piron, pour le bâtiment, l'urbanisme et la publicité, et Serge Poignant pour l'énergie et l'agriculture, ont été les rapporteurs de notre commission. Nous avons travaillé trente-deux heures, le Gouvernement était présent. Je ne vais pas reprendre ce que vous avez très bien dit, monsieur Jacob, et j'en viens au fond.

J'entends et je lis dans la presse depuis plusieurs jours que la majorité reculerait. (« Eh oui ! » sur plusieurs bancs du groupe SRC.) Avec un texte de 280 articles, qui traitent de l'énergie, du bâtiment, du transport, de la biodiversité, de l'urbanisme, des déchets, de la santé, de l'agriculture, de la gouvernance, de tous les sujets de la vie quotidienne ! Chers collègues, nous avons construit ensemble le Grenelle 1, qui était une loi d'orientation à partir du Grenelle de l'environnement. Nous avons en même temps construit la loi d'application que Jean-Louis Borloo et les secrétaires d'État qui l'accompagnent nous proposent aujourd'hui de voter. Et nous reculerions ! C'est la traduction exacte des dispositions du Grenelle.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Ollier

Bien sûr, on peut toujours trouver des raisons de critiquer, et il faut en trouver lorsque l'on a une attitude politicienne (Protestations sur les bancs des groupes SRC et GDR) et que l'on veut traduire dans la politique des réactions dont l'objectif n'est absolument pas l'intérêt général ou le développement durable, la seule intention étant de marquer une différence entre la majorité et l'opposition. Agir ainsi après les élections régionales, c'est un problème qui vous regarde, mais vous ne pouvez pas accuser la majorité d'avoir reculé sur quoi que ce soit, et je vais m'expliquer.

Monsieur le ministre d'État, il n'y a pas un gouvernement en Europe qui ait pris de telles dispositions dans le cadre du développement durable…

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Ollier

…et c'est à l'honneur de la France de porter des valeurs que la majorité est fière de défendre en soutenant le texte que vous proposez aujourd'hui. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

La posture politicienne…

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Ollier

On voit comment vous travaillez, chers collègues, à travers les médias, et je vais concentrer mon intervention sur les raisons que vous trouvez pour nous attaquer.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Ollier

L'éolien, je vais en parler puisque je préside la mission d'information que nous avons créée avec Franck Reynier, qui en est le rapporteur, M. Fidelin et M. Poignant, les vice-présidents, et d'autres membres qui sont ici, le co-rapporteur ayant démissionné.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Ollier

Qu'a proposé la mission d'information ? Deux articles, sur 280 !

Puisque vous voulez parler de développement durable et d'énergies renouvelables, que ne présentez-vous pas dans vos amendements des procédés qui permettraient par exemple de développer la biomasse ou la filière bois ? Allez-y, faites-nous des propositions sur le géothermique, le photovoltaïque, l'hydrolien. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.) Bref, faites des propositions qui permettraient d'avoir vraiment un programme porteur en termes d'énergies renouvelables.

Et l'on focalise sur les quatre ou cinq amendements concernant les éoliennes !

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Ollier

Notre mission d'information a résolument préconisé que la France préempte une part essentielle dans l'installation de l'éolien offshore, et je ne saurais trop vous conseiller, monsieur le ministre d'État, de faire dégager par le Grand emprunt les crédits permettant à la France d'être dans les premiers pays au monde à développer les technologies de l'éolien offshore. Il y a une place à prendre pour l'industrie française, prenons-la.

S'agissant du terrestre, si nous voulons respecter à la fois l'ensemble des réactions de la population et nos engagements, il faut tout simplement organiser la mise en place des éoliennes. Qui, ici, a l'idée de supprimer les éoliennes ? (« Vous ! » sur les bancs des groupes SRC et GDR.) Je ne voudrais pas que l'hélice cache la forêt. Il faut rassurer les Français, inquiets pour différentes raisons, il faut donc réglementer pour éviter la dispersion anarchique des mâts des éoliennes.

Je vous ai indiqué qui était membre de la mission, je vais maintenant vous donner lecture des amendements que nous déposons.

Quand je pense que nous sommes attaqués parce que nous demandons à prendre quatre mesures de bon sens !

Première mesure : un schéma régional des zones de développement des éoliennes. Qui peut s'opposer à cela ? Vous-mêmes, chers collègues de l'opposition, avez approuvé, dans la mission, la mise en place d'un tel schéma !

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Ollier

Opposable ou pas, vous l'avez approuvé ! (Protestations sur les bancs du groupe SRC.) C'est du bon sens.

Deuxième mesure : dans le cadre de ces zones de développement, nous proposons que les installations ne fassent pas moins de cinq mâts et de quinze mégawatts de puissance, parce que nous voulons éviter la dispersion anarchique des éoliennes sur les zones d'implantation.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Ollier

On nous dit que quinze mégawatts, c'est inacceptable. Soit ! Ce que nous voulons, c'est que les mâts ne soient pas placés n'importe comment ; peu nous importe la puissance. J'ai signé un amendement avec M. Grouard, rapporteur, et M. Poignant, rapporteur pour avis, et je suis certain que vous l'accepterez, monsieur le ministre d'État. La mention des quinze mégawatts est supprimée ; ainsi, il n'y aura plus de polémique à ce sujet.

Troisième mesure : pas d'implantation d'éolienne à moins de 500 mètres d'une maison d'habitation.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Ollier

Qui peut s'opposer à l'interdiction d'implantation près des maison d'éoliennes qui pourraient perturber le voisinage ? (Exclamations sur les bancs du groupe GDR.)

Le dernier amendement dispose que ceux qui installent des éoliennes provisionneront dans leurs comptes d'exploitation les moyens permettant de démanteler celles-ci le jour où il faudra le faire. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Ollier

Parce que les entreprises qui font faillite, qui disparaissent risquent de laisser les collectivités territoriales sans moyens à cet effet.

Ce sont, monsieur le ministre d'État, les seuls amendements que nous avons déposés. Et c'est uniquement cela qui fait souffler un vent de colère sur cet hémicycle, de la part de l'opposition, qui retrouve subitement une certaine vertu pour s'opposer au Grenelle de l'environnement. (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.) Tout cela est dérisoire, chers collègues !

Les Français soutiennent les propositions que nous faisons. Le seul lobby que je reconnaisse, c'est le lobby du bon sens, et je défends dans cette affaire les positions de bon sens qui sont celles de la majorité ! (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC. – Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

L'écologie n'appartient à aucun parti politique. Nos collègues ont pris des chemins de traverse pour faire de l'écologie le pilier de leur parti, en cultivant l'esprit partisan. C'est leur affaire. Moi, je ne suis pas pour l'écologie dogmatique (Exclamations et rires sur les bancs du groupe GDR), mais pour l'écologie positive. Je ne suis pas pour l'écologie punitive, mais pour l'écologie de conviction. Et je fais la démonstration, avec la mission d'information et la commission des affaires économiques, que nous sommes pour l'écologie : une écologie positive et de conviction.

Monsieur le ministre d'État, nous soutenons votre texte. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Paul Chanteguet

Je demande la parole pour un rappel au règlement, au titre de l'article 58, alinéa 1, touchant au déroulement de nos travaux.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Paul Chanteguet

À la suite de la réforme constitutionnelle de 2008 et de la modification du règlement de notre assemblée, nous sommes une nouvelle fois confrontés au temps programmé. Celui-ci est de seulement trente heures, le temps exceptionnel de cinquante heures demandé en conférence des présidents par le président de notre groupe, Jean-Marc Ayrault, nous ayant été refusé.

Le temps programmé minimum, pour un texte, monsieur le ministre d'État, que vous considérez comme majeur puisque fondateur d'une politique de développement durable, ne permettra pas des débats parlementaires répondant à l'exigence constitutionnelle de clarté et de sincérité. En effet, ce temps législatif sera forcément inadapté à l'examen d'un texte de 267 articles, sur lequel ont été déposés 1 600 amendements et qui modifiera vingt-cinq codes et quatorze lois.

Alors que le Sénat a disposé de neuf jours, sur trois semaines, comment ne pas dénoncer à nouveau, avec force, cette situation imposée par le Gouvernement, portant atteinte aux droits du Parlement et, en particulier, aux droits de l'opposition ?

Notre groupe n'a pas souhaité déposer et défendre une motion de procédure. Par contre, il a considéré que, sur le temps de parole dont il disposait, je pouvais m'exprimer plus longuement dans le cadre de ce rappel au règlement. Je vous remercie donc, monsieur le président, de bien vouloir accéder à cette demande.

Dans ce débat, comme dans tous les autres, chacun doit être à sa place et dans son rôle. Si la majorité est tenue, au moins pour ce qui concerne les textes présentés par le Gouvernement qu'elle soutient, à une obligation de résultat, l'opposition n'est quant à elle nullement tenue d'assumer des responsabilités qui ne sont pas les siennes.

Avec l'examen de ce texte portant engagement national en faveur de l'environnement, nous allons clore une nouvelle phase du processus Grenelle, processus que vous avez initié avec le Président de la République et dont l'intérêt a été reconnu par tous. Il a permis de créer une gouvernance à cinq : syndicats, associations, élus, entreprises et administrations.

Peut-être pensez-vous, monsieur le ministre, que le groupe socialiste, après avoir voté le texte Grenelle 1, ne peut que voter ce deuxième texte, qui n'en est que la traduction législative et normative.

Penser cela reviendrait à considérer qu'entre le discours de Nicolas Sarkozy du 25 octobre 2007 et aujourd'hui, il ne s'est rien passé. Penser cela, ce serait oublier la politique de coups du Président de la République, en particulier dans le domaine écologique, qui rend son action peu lisible et traduit une grande inconstance. Ce serait également oublier d'examiner votre texte à la lumière de la politique conduite par le Gouvernement. Enfin, ce serait laisser croire que le modèle de développement que nous portons, nous socialistes, est le même que le vôtre.

Personne n'a oublié le discours que le Président de la République prononça à l'occasion de la restitution des conclusions du Grenelle de l'environnement, et qui pour beaucoup traduisait une véritable ambition écologique pour le pays. N'indiquait-il pas : « Je veux que le Grenelle soit l'acte fondateur d'une nouvelle politique, d'un New Deal en France, en Europe et dans le monde » ?

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

Monsieur Chanteguet, vous avez dépassé les deux minutes réglementaires. À titre tout à fait exceptionnel, j'accepte un léger dépassement. J'apporterai d'ailleurs quelques réponses à ce que vous avez dit.

Je vous demande de conclure rapidement.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Paul Chanteguet

Merci, monsieur le président.

Dois-je rappeler, tout d'abord, ce coup d'accélérateur que traduisit la décision – laquelle ne manqua pas de marquer les esprits et de faire réagir de nombreuses associations – de construire un deuxième EPR à Penly, en Seine-Maritime, décision annoncée en janvier 2009, en pleine discussion au Parlement du texte Grenelle 1 ?

Cette décision fut considérée comme une relance du nucléaire décidée sans concertation, sans transparence, sans évaluation des besoins énergétiques. Contraire à l'objectif premier de réduction de la consommation d'énergie, négocié lors du Grenelle de l'environnement, elle pourrait compromettre notre engagement européen, inscrit dans le paquet « climat-énergie », d'atteindre 20 % d'énergies renouvelables en 2020 dans la consommation finale d'énergie.

Considérant l'enjeu environnemental majeur que constitue la gestion des résidus radioactifs, nous comprenons pourquoi ce sujet lourd du nucléaire ne devait pas être abordé à l'occasion du Grenelle. Un enjeu que nous ne pouvons et ne devons pas nier, car s'il est vrai que l'atome ne produit pas de CO2 et ne contribue donc pas au réchauffement climatique, il n'en demeure pas moins qu'il produit des déchets radioactifs.

C'est pourquoi nous ne pouvons passer sous silence la situation de la France, qui ne sait toujours pas comment elle gérera les 5 000 mètres cubes de déchets hautement radioactifs dont elle aura la charge en 2030 et qui feront peser une menace de plus en plus grande sur l'environnement et les générations futures.

Après le coup d'accélérateur pour le nucléaire, il y a eu le coup de frein pour la taxe carbone, dont le report fut analysé par tous comme un abandon.

Les réactions ne manquèrent pas. Ce furent tout d'abord Nicolas Hulot, qui adressa un zéro pointé au Gouvernement, et le WWF, qui indiqua que « ces décisions donnent à penser que le Grenelle de l'environnement n'a été qu'une parenthèse, que les conséquences du second tour des régionales seraient en train de clore ».

Malheureusement, l'argumentation gouvernementale ne nous convainc pas plus qu'elle ne convainc les ONG. Affirmer que l'engagement du Grenelle ne portait que sur une étude relève d'une dialectique un peu spécieuse, comme il est peu responsable de prétendre que votre échec incombe à l'opposition, qui, il est vrai, a combattu la taxe, considérant qu'elle était injuste socialement et inefficace sur le plan écologique.

Dois-je vous rappeler, monsieur le ministre, que le groupe socialiste a toujours très clairement indiqué que, pour faire face à la crise climatique et énergétique, nous devions réduire nos consommations d'énergie et pour ce faire adresser un « signal prix fort » aux consommateurs afin qu'ils modifient leurs comportements, par le biais d'une contribution climat énergie incluant l'électricité et compensée par une « prime pour l'environnement » réservée aux ménages modestes et aux revenus moyens ?

C'est bien un « ouf » de soulagement qui traversa la majorité présidentielle à l'annonce de ce retrait, dont le président du groupe UMP à l'Assemblée nationale s'est félicité, appelant le Gouvernement à revenir aux fondamentaux, desquels il excluait clairement l'écologie.

Il semble aujourd'hui bien loin le temps où Nicolas Sarkozy martelait : « Notre ambition n'est pas d'être aussi médiocres que les autres sur les objectifs, ce n'est pas d'être dans la moyenne ; notre ambition, c'est d'être en avance, d'être exemplaires », ou encore le temps où il comparait cette mesure à des réformes historiques, comme l'abolition de la peine de mort.

Votre projet de taxe carbone, monsieur le ministre, dont vous avez pu mesurer l'impopularité, qu'expliquent en partie la mise en place d'un mécanisme incompréhensible et un manque de pédagogie et de communication, aura eu au moins une vertu : c'est de montrer qu'il n'est pas possible de mener une politique écologique dans l'injustice sociale.

Après le coup de frein et le coup d'accélérateur est venu le coup de gueule du Président Nicolas Sarkozy, qui, le 7 mars 2010, à l'occasion d'un débat organisé par la FNSEA dans le cadre du Salon de l'agriculture, déclara : « Je voudrais, au point où j'en suis, dire un mot de toutes ces questions d'environnement, parce que là aussi, ça commence à bien faire ! Il faut que ça change ! »

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Paul Chanteguet

En conclusion, je crains fort, monsieur le ministre, que « la magie du Grenelle », pour reprendre votre expression, soit en train de s'évanouir.

La responsabilité en incombe tout d'abord au Président de la République, dont l'ambition écologique, qui n'était sûrement qu'électorale, a fondu comme neige au soleil.

Elle incombe aussi à votre majorité, qui n'a pas fait de votre projet un projet partagé. Comment pourrait-on analyser autrement l'abandon de la taxe carbone, le durcissement de la réglementation concernant le développement du grand éolien, le plaidoyer de deux parlementaires UMP en faveur des pesticides, dans le rapport « Pesticides et santé » qu'ils ont rendu public le 28 avril, le report à fin 2012 de la mise en oeuvre de l'éco-redevance poids lourds, initialement prévue pour le 1er janvier 2010, ou encore la non-publication du schéma national des infrastructures de transport, prévu fin 2009 et reporté après le texte Grenelle 2, par crainte très certainement de défection au sein de votre majorité au moment du vote ?

Monsieur le ministre, vous subissez malheureusement à votre tour la dictature du court terme, qui porte le nom de crise, d'échéances électorales, de groupes de pression et de profits immédiats. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

Monsieur Chanteguet, votre rappel au règlement n'en était pas un ; c'était une intervention qui sera en tant que telle décomptée du temps de votre groupe.

Plusieurs députés du groupe UMP. Très bien !

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

Vous avez affirmé que le temps législatif exceptionnel de cinquante heures aurait été refusé à votre groupe. C'est faux. La conférence des présidents s'est prononcée sur l'organisation de nos travaux le 27 avril. À cette occasion, elle a programmé le temps affecté à ces travaux, à savoir trente heures. Aucun membre de la conférence des présidents, en particulier les présidents des groupes d'opposition, n'ont demandé l'application du droit de tirage d'un temps exceptionnel de cinquante heures. Par conséquent, il est inexact de dire que ce temps a été refusé.

Il n'est pas possible de revenir sur ce qui est programmé, car il y a ici de nombreux parlementaires et nous veillons à ce que l'assiduité soit la meilleure possible. (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.) Pour programmer nos travaux, il faut que les choses soient fixées à l'avance.

Je ne reviens pas sur le temps qui a été passé en commission ni sur le soin apporté par le Gouvernement à répondre à toutes les questions. Le temps cumulé consacré à ce texte en commission et en séance sera, chacun en conviendra, considérable puisqu'il dépassera une centaine d'heures.

Debut de section - PermalienPhoto de François Brottes

Je demande la parole pour un rappel au règlement !

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

Votre groupe s'est exprimé, monsieur Brottes, et nous avons convenu qu'il en serait ainsi.

Nous allons à présent, par correction pour le groupe GDR, passer à la défense des motions.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

J'ai reçu de M. Jean-Claude Sandrier et des membres du groupe de la Gauche démocrate et républicaine une motion de rejet préalable déposée en application de l'article 91, alinéa 5, du règlement.

M. Chassaigne nous a indiqué qu'il prendrait la parole pour une heure. J'insiste pour que chaque groupe organise son temps de parole de manière que les temps impartis soient utilisés au mieux.

La parole est à M. André Chassaigne.

(M. Marc Laffineur remplace M. Bernard Accoyer au fauteuil de la présidence.)

Debut de section - PermalienPhoto de André Chassaigne

Monsieur le ministre d'État, mesdames et monsieur les secrétaires d'État, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, l'ouverture du débat public devant notre assemblée sur le projet de loi d'engagement national pour l'environnement, appelé Grenelle 2, intervient près d'un an après l'adoption de la loi de programme relative à la mise en oeuvre du Grenelle de l'environnement, dite Grenelle 1, et trois ans après l'ouverture des négociations du Grenelle de l'environnement qui avaient fait suite à l'élection du Président de la République.

À l'occasion des débats sur le Grenelle 1, les députés communistes, républicains et du parti de gauche avaient relevé la portée très générale d'un texte qui affichait plus de voeux pieux que de mesures concrètes, plus de bonnes intentions financières que de moyens budgétaires sonnants et trébuchants.

Bref, il s'agissait d'un texte qui laissait libre cours aux interprétations les plus diverses, mais dont on ne cessait de nous rappeler qu'elles feraient l'objet de traductions concrètes dans le cadre de l'action gouvernementale et que l'ensemble de l'édifice réglementaire s'y rapportant serait décliné dans le projet de loi dit « Grenelle 2 ». Le projet de loi Grenelle 1, suffisamment consensuel, semble-t-il, pour avoir suscité l'enthousiasme parlementaire du plus grand nombre, n'avait pourtant pas reçu notre assentiment. L'année écoulée est venue confirmer nos craintes quant à sa portée réelle, et plus encore quant à la fermeté des intentions écologiques de ce gouvernement.

Je ne centrerai pas ici ma critique sur la question des délais relativement longs pour accoucher de deux textes censés traduire les conclusions des experts du Grenelle. En effet, tout le monde peut s'accorder sur le fait que les problématiques écologiques sont complexes tant elles sont imbriquées, tant elles font système avec les problématiques sociales, économiques ou culturelles. Cette complexité implique inévitablement un temps de réflexion important et un approfondissement indispensable des connaissances dans tous les domaines touchant à l'écologie pour construire une action politique volontaire et efficace. Pour reprendre vos propos, monsieur le ministre d'État : « On est dans des dispositifs très ardus, très ingrats, pas très rock'n'roll à raconter ». Non, l'objet de l'exaspération, de plus en plus largement partagée à l'égard de ce texte et du Grenelle de l'environnement dans son ensemble, ce n'est pas le temps long de la traduction parlementaire. Celui-ci est compréhensible. Notre exaspération porte sur les résultats, les contenus des mesures et des moyens proposés, issus de ces trois années d'activité dans le champ de la réflexion environnementale. Car au gré des engagements non tenus, des paroles contradictoires aux petites phrases qui en disent long, au gré des fanfaronnades et des reculades, le reflux environnemental de ce gouvernement est patent ! Permettez-moi un jeu de mots facile, monsieur le ministre d'Etat :…

Debut de section - PermalienJean-Louis Borloo, ministre d'état, ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer, en charge des technologies vertes et des négociations sur le climat

Je vous en prie !

Debut de section - PermalienPhoto de André Chassaigne

…les moulinets auxquels nous avons assisté il y a quelques mois ont, avec du recul, un côté « Don Quigrotesque ».

Debut de section - PermalienJean-Louis Borloo, ministre d'état, ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer, en charge des technologies vertes et des négociations sur le climat

Oh là-là !

Debut de section - PermalienPhoto de André Chassaigne

Une question vient donc immédiatement à l'esprit de toutes celles et de tous ceux, citoyens, représentants associatifs et syndicaux, scientifiques, élus locaux, qui partagent une même préoccupation pour l'avenir de notre planète : pourquoi un tel renoncement ? Pourquoi renoncer si rapidement à porter une véritable politique écologique à la hauteur des défis environnementaux de notre siècle ?

La réponse à cette question ne se résume pas à un changement de cap politique – ou politicien – qui serait intervenu aux lendemains de deux scrutins électoraux qui ont enlevé toute perspective au pouvoir établi de capter un électorat sensibilisé aux problématiques environnementales. Certes, cette hypothèse est entretenue par la superficialité du prêt-à-penser médiatique, mais elle ne vise une nouvelle fois qu'à détourner l'attention des problèmes de fond qui minent l'écologie politique. Ces problèmes de fond sont avant tout idéologiques, au sens noble du terme. Et c'est ce fond qu'il me paraît indispensable de déconstruire à travers cette motion de rejet préalable. Un tel travail est en effet nécessaire pour construire la véritable écologie politique de demain.

Debut de section - PermalienJean-Louis Borloo, ministre d'état, ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer, en charge des technologies vertes et des négociations sur le climat

Exact !

Debut de section - PermalienPhoto de André Chassaigne

Ainsi, je ne peux débuter mon propos sur un texte censé traduire un « engagement national pour l'environnement » sans interpeller sur les bases qui fondent l'engagement politique du Gouvernement dans ce domaine. À cet effet, il nous faut réfléchir sur les concepts philosophiques et politiques qui forment le support du débat environnemental.

La pensée occidentale des rapports de l'homme à la nature oscille entre deux pôles extrêmes : d'un côté, la nature est vue comme la puissance suprême, spontanée et créatrice, à l'origine de toute vie et de toutes choses, qui fait naître et mourir, imposant sa loi à la contingence humaine ; de l'autre, elle est conçue comme un ensemble de phénomènes soumis à des lois, que les sciences ont pour vocation de percer et de maîtriser pour en prendre le contrôle. Dans les deux cas, les maîtres mots sont « contrainte » et « domination », que celles-ci soient assurées par la nature ou par les progrès des sciences et techniques. Entre ces deux extrêmes, le problème demeure entier de trouver les conditions d'une harmonie entre les hommes et la nature. Je parle bien ici des hommes, et non pas de « l'homme ». Car c'est sur la base de ce concept de l'homme, conçu d'abord comme un individu, que se fondent toutes les approches néolibérales pour traiter des rapports hommes-nature – comme d'ailleurs chez certains tenants de l'écologie profonde. Elles excluent donc ainsi, par un coup de baguette magique, toute logique de domination sociale et économique de l'analyse des problématiques écologiques. À cette fin, il faut évacuer le caractère social de l'homme en limitant la compréhension du monde à la seule thèse, devenue religion, de l'individualisme.

Debut de section - PermalienPhoto de André Chassaigne

Une telle démarche évite tout naturellement de se poser les bonnes questions, de savoir si ce sont certains hommes, certaines classes d'hommes, par le biais de leur système social ou de production, et certaines institutions, qui ont une responsabilité prépondérante dans les menaces écologiques qui pèsent aujourd'hui sur la planète ; cela évite de formuler des critiques de fond susceptibles d'apporter des remises en cause conceptuelles, scientifiques, sociétales et politiques ; cela permet de couper court à toute mobilisation des intelligences pour discerner le vrai du faux, la conséquence de la cause, le déterminant de l'accessoire ; cela évite bien des détours par la raison si chère aux Lumières, en multipliant les références au sens commun, à l'inné, à ce qui « va de soi »…

C'est pourtant sur une base bien plus vaste qu'il nous faut analyser les problèmes environnementaux planétaires qui se posent à nous. Le grand public est aujourd'hui largement sensibilisé aux détériorations de l'état de la planète, ainsi qu'aux risques globaux qui en découlent. Tel est le cas des principales manifestations en cours ou attendues du réchauffement climatique lié aux émissions de gaz anthropiques : l'élévation du niveau des eaux, l'accentuation de la polarisation géographique des précipitations, l'intensification des phénomènes météorologiques violents et des inondations, les déplacements d'aires de répartition animales et végétales, les perturbations des systèmes de production agricoles, l'épuisement des sols, les pénuries d'eau douce, l'appauvrissement majeur de la biodiversité.

Sans excès d'alarmisme, tout porte à penser que de telles évolutions, si fondamentales pour les hommes et leurs sociétés, exacerberont au niveau local, régional et international les conflits liés à l'accès à l'eau, à l'appropriation des ressources énergétiques ou aux migrations dites « écologiques » dues aux déplacements massifs et forcés de populations ne pouvant plus trouver les moyens de leur subsistance sur leur territoire.

Les grands problèmes que nous soulevons ici ne peuvent être saisis sans se référer à un cadre théorique qui prenne pour objet le système global, mondial, dans lequel nous vivons. Nous ne pouvons concevoir que ce système et ses orientations soient le fruit de la seule nature humaine ou de l'agglomération d'hommes ayant chacun une action autonome et prédéterminée par la nature. Ce ne sont donc pas les hommes en général, mais bien des groupes, des classes et des nations dominantes qui dirigent la marche du système.

Debut de section - PermalienPhoto de André Chassaigne

Ce système est structuré par des rapports complexes d'interdépendance lui donnant sens. En ce début du XXIe siècle, ce système est celui du capitalisme mondial.

Debut de section - PermalienPhoto de André Chassaigne

C'est sur la base de cette analyse que s'impose la compréhension des relations existantes entre les hommes et la nature, et non pas seulement sur la base de comportements individuels ou de situations locales spécifiques.

Le problème central du devenir écologique de la planète lié aux conséquences des activités humaines se pose donc en ces termes : le système capitaliste mondial est aujourd'hui devenu une menace contre l'humanité et l'ensemble de la biosphère terrestre ! Une citation pour illustrer ce postulat : « La cause de tous les désordres écologiques, de la pollution, de la raréfaction des énergies, est le modèle capitaliste et libéral que tout le monde avait pour référence jusqu'à aujourd'hui. Or, ce modèle n'est pas tenable. Mais il y a évidemment de grandes résistances à changer les choses car cela dérange de nombreux intérêts. » Ces mots ne sont pas ceux d'un député communiste, mais ceux de Nicolas Hulot, en conclusion de son interview à Aujourd'hui en France, le 2 avril dernier, où il expliquait sa décision de se retirer du Grenelle. Vous vous en doutez, je partage son point de vue. C'est le signe d'une véritable prise de conscience et de l'effort d'analyse indispensable auquel je faisais référence au début de mon intervention ; c'est sur cette base qu'il nous appartient de placer le débat.

À quelques mois d'intervalle, ces propos résonnent comme un écho approbateur à ceux qu'Hugo Chavez prononçait à la tribune lors du Sommet de Copenhague en décembre dernier : « On pourrait dire […] pour paraphraser le grand Karl Marx, qu'un fantôme parcourt les rues de Copenhague, et je crois que ce fantôme rôde en silence dans cette salle ; il est là parmi nous, il se faufile entre les rangées, il sort en dessous, monte, et ce fantôme est un fantôme effrayant,…

Debut de section - PermalienBenoist Apparu, secrétaire d'état chargé du logement et de l'urbanisme

En effet, le fantôme de Marx est effrayant ! (Sourires.)

Debut de section - PermalienPhoto de André Chassaigne

…« presque personne ne veut le nommer : c'est le capitalisme ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Les peuples sont là, ils rugissent, on les entend là, dehors. […] Ne changeons pas le climat, changeons le système et, en conséquence de cela, nous commencerons à sauver la planète. Le capitalisme, le modèle de développement destructif est en train d'en finir avec la vie. Il menace d'en finir définitivement avec l'espèce humaine. »

L'exemple de Copenhague est particulièrement éclairant : il démontre le refus manifeste des classes et des nations dominantes de porter le débat climatique mondial sur les bases que nous venons de définir ; il démontre comment les dirigeants du capitalisme mondial ont oeuvré contre toute remise en cause des fondements de ce système qui menace la vie sur notre planète. Il ne fallait en effet pas être dupes des priorités fixées par les pays du Nord lors de la négociation de Copenhague. Il n'était même pas besoin d'être un observateur parlementaire attentif, comme je l'ai été avec d'autres au sein du Bella Center, pour comprendre ce qui se tramait dans les couloirs et les arrière-salles. Depuis des mois, les économistes d'ambassade, les experts de tout poil issus des think tanks néolibéraux étaient mobilisés pour disséquer les opportunités des recettes néolibérales appliquables au changement climatique, avec trois mots d'ordre : un, sauvegarder par tous les moyens le système ; deux, faire valoir des outils de marché hautement spéculatifs pour prendre en compte la gestion des gaz à effet de serre par le système ; trois, mobiliser le changement climatique pour trouver un prétexte à l'extension du libéralisme en prêtant caution à la délocalisation et à l'externalisation dans les pays en développement des entreprises polluantes et émettrices de gaz à effet de serre.

Dans la continuité des tentatives qui ont suivi la convention-cadre de l'ONU sur le changement climatique de 1992, et plus particulièrement dans la continuité de l'un de ses prolongements, le protocole de Kyoto de 1997, la conférence de Copenhague, douze ans plus tard, mettait les nations dominantes au pied du mur. Pourtant, c'est avec la même boîte à outils que celles-ci avaient décidé de s'attaquer au péril climatique, en développant toujours plus les mécanismes de flexibilité issus de Kyoto, au premier rang desquels le marché des droits à polluer, destiné ainsi à une extension mondiale.

La réalité de l'après-Kyoto et de l'application des recettes libérales à la lutte contre les émissions mondiales de gaz à effet de serre est loin de rassurer, tant l'ensemble des pays émetteurs se sont éloignés des objectifs, pourtant très insuffisants, qu'ils s'étaient fixés en 1998. Qualifié de meilleur élève, l'Europe offre un exemple particulièrement parlant. En effet, avec la mise en place du système communautaire d'échange de quotas d'émission de carbone, l'Union européenne a été la pionnière pour instituer un marché de permis de polluer échangeables sur un marché libre et non faussé. Cet outil est le pendant écologique de l'innovation financière qui a conduit à la crise financière que nous connaissons. Son soubassement idéologique est simple : permettre l'octroi d'indulgences aux firmes transnationales « subventionnées-carbone » pour qu'elles puissent réaffirmer leur hégémonie planétaire en délocalisant leur activité dans les pays à bas coûts salariaux pour faire du développement plus propre. C'est la panacée pour les plus zélés exploiteurs qui trouvent là une véritable caution écologique pour délocaliser toujours plus vite. C'est aussi un alléchant et prometteur terrain de jeu pour tous les Madoff en culotte verte, pour tous les fonds spéculatifs et tous les requins de la finance ! Il fallait bien leur offrir un nouveau débouché après les déboires qu'ils ont connus sur les marchés de l'immobilier ! L'atmosphère en cadeau, pourquoi ne pas y avoir songé plus tôt ?

J'ai déjà eu l'occasion de dénoncer les mécanismes de marché carbone ouverts par Kyoto lors du débat sur le Grenelle 1 en soulignant que de tels dispositifs, qui font de la nature et de l'atmosphère terrestre des marchandises, participent pleinement d'un vaste mouvement niant toute existence aux biens communs inaliénables de l'humanité. Qu'à cela ne tienne, pour les néolibéraux, polluer doit devenir un droit, et les tonnes de carbone émises une propriété.

Ces émissions doivent faire l'objet d'un commerce mondial favorisant naturellement les gens les plus riches qui s'empresseront d'acheter sur le marché des permis d'émission négociables ou de capitaliser sur les grandes forêts mondiales, réserves de carbone bientôt monnayables.

Ce système les autorise ainsi à demeurer les plus gros pollueurs, sans rien changer à leur comportement destructeur pour l'environnement.

Ajoutez quelques pincées de flexibilité – toujours ! – pour permettre de délocaliser librement ces émissions de gaz à effet de serre dans les pays en développement. Joignez quelques jolies translations de courbes d'offre et de demande. Agrémentez tout cela d'une communication flatteuse évoquant le bien-être planétaire retrouvé.

Voilà tous les ingrédients nécessaires d'une bonne sauce capitaliste prête à servir à des multinationales bien heureuses de participer, dans ces conditions, au festin climatique.

Se fixant pour seul cadre la maximisation des profits et reposant sur une plus large appropriation marchande des ressources naturelles et des biens communs, la stratégie des pays riches à Copenhague constitue le plus sûr moyen de ne jamais atteindre aucun objectif chiffré.

Monsieur le ministre d'État, c'est pourtant ce même marché carbone dont vous ne cessez de chanter les louanges, en soulignant la nécessité « d'étendre le système européen d'échanges des quotas d'émissions de gaz à effets de serre à de nouveaux secteurs. » Vous avez même souhaité, monsieur le ministre d'État, l'intégrer pleinement comme un outil national de la lutte contre le changement climatique dans la loi de programmation relative à la mise en oeuvre du Grenelle de l'environnement, à son article 2.

Je vous en félicite. Avec cette démarche, vous n'êtes plus très loin du prix Nobel d'économie. Tenez-vous prêt ! Écrivez quelques lignes prometteuses sur la réussite à venir de ce volontarisme néolibéral français, et il vous sera peut-être décerné l'année prochaine par les deux anciens Nobel d'économie, Ronald Coase et Oliver Eaton Williamson.

Debut de section - PermalienJean-Louis Borloo, ministre d'état, ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer, en charge des technologies vertes et des négociations sur le climat

Merci, en tout cas !

Debut de section - PermalienPhoto de André Chassaigne

En quelques mots, le New Deal capitaliste de Copenhague devait servir à alimenter la machine, sinon à rien. Sans doute, faute d'accord attribuant un prix optimal à la tonne de carbone, les négociations entre grandes puissances se sont également crispées, au point même de laisser de côté un minime engagement contraignant de la part des États les plus émetteurs.

Les pays du Sud, comme l'ont fait les membres de l'Alternative bolivarienne pour les Amériques ou les États africains, ont cherché à de nombreuses reprises à élever le débat afin de parvenir à un accord volontaire et inclusif.

Ils avaient toutes les raisons de s'abstenir au regard du traitement qui leur était réservé dans la négociation par les pays les plus riches. Des tractations secrètes aux textes clandestins, l'indifférence et le mépris affichés par les grandes puissances accompagnées de leur « expertocratie » néolibérale, n'ont conduit qu'au repli de chacun, au grand dam de l'intérêt général climatique.

Que dire d'un tel résultat ?

Qu'il s'agit d'abord d'un terrible recul démocratique, parce que tout a été fait pour mépriser la parole des peuples les plus en souffrance, les plus menacés, au seul profit de nantis et de transnationales guidés par la cupidité ? C'est évident.

Que c'est un renoncement écologique majeur alors que la maison brûle, que les flammes atteignent le toit climatique et que l'incendie s'emballe ? C'est un fait.

Mais je veux y voir aussi un signe positif. Il me revient une nouvelle fois à l'esprit cette belle phrase de René Char : « Ne t'attarde pas à l'ornière des résultats. »

Je veux y voir l'espoir d'une prise de conscience qui place enfin l'humain, la sauvegarde de la planète et la coopération entre les peuples avant les intérêts capitalistes. Mais seule une refonte profonde de la politique internationale pourra porter cette ambition.

Il appartient d'ailleurs à tous ceux qui font le constat des conséquences de la logique capitaliste de démolir le mur de l'argent qui condamne l'humanité et la biosphère.

N'en doutez pas, mes chers collègues, comme à Cochabamba en Bolivie il y a quinze jours, ce n'est qu'en conjurant le syndrome du fantôme de Copenhague, en faisant appel à l'intelligence collective, au croisement des connaissances, des expériences, des analyses, que nous pourrons éviter les textes de trois pages, vides de sens, du type de celui de Copenhague.

Cet exemple de la conférence de Copenhague est particulièrement éclairant pour démontrer l'incompatibilité entre le système capitaliste et toute ambition écologique résolue. Cette incompatibilité constitue le fond du renoncement actuel du Gouvernement dans le domaine environnemental.

Ne voyons-nous pas chaque jour que le Grenelle de l'environnement, jadis cheval de bataille de la communication environnementale présidentielle, ne se résume en fait qu'à une volonté d'intégrer l'environnement au système capitaliste ? L'écologie gouvernementale est-elle autre chose qu'une simple variable d'ajustement, et le développement durable, qu'un simple outil pour conserver ou développer ses parts de marchés ?

Mes chers collègues, le Grenelle de l'environnement est devenu le rêve incarné du libéralisme écologique français, laissant, dans les faits, le soin à la main invisible de résoudre l'ensemble des problèmes environnementaux de notre pays.

Voilà pourquoi chaque mécanisme avancé dans le cadre des conclusions du Grenelle est désormais retravaillé et passé au crible du libéralisme, afin de préserver les intérêts du système, la rentabilité du capital.

Monsieur le ministre d'État, avec M. le secrétaire d'État chargé des transports, vous nous avez apporté un nouvel exemple de cette logique la semaine dernière, en annonçant le report après 2012 de l'écotaxe kilométrique sur les poids lourds sur le réseau routier non concédé, pour des raisons de complexité technique et financière.

Debut de section - PermalienJean-Louis Borloo, ministre d'état, ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer, en charge des technologies vertes et des négociations sur le climat

Non ! Fin 2011 !

Debut de section - PermalienPhoto de André Chassaigne

Cette notion de temps ne semble pas la même lorsque vous décidez, en quelques jours, de démanteler le fret SNCF. Deux poids, deux mesures.

N'est-ce pas au contraire une nouvelle preuve que les capitalistes ne veulent pas de taxes écologiques, quand bien même elles sont travaillées pour se reporter sur le consommateur final ? Car ce qu'elles introduisent, c'est le risque d'une fiscalité différenciée pour le capital en fonction des pays, de quoi gripper la compétitivité, injure suprême au dogme de la concurrence libre et non faussée. Le climat peut bien patienter quelques années supplémentaires !

Chers collègues de la majorité, faute de vouloir changer le système, vous cherchez sans cesse à adapter l'écologie aux besoins du capitalisme, pendant que le capitalisme, lui, ne cherche qu'à adapter à ses besoins la planète et l'humanité.

Les travaux issus du Grenelle de l'environnement, comme ceux issus du sommet de Copenhague, ne dérogent pas à l'emprise du système sur toute tentative d'avancée environnementale. Il vous est insupportable de limiter la boulimie de l'appropriation marchande en excluant des biens communs.

Debut de section - PermalienPhoto de André Chassaigne

Dans tous les secteurs, les déclinaisons opérationnelles des voeux pieux du Grenelle 1 font appel à l'anticipation d'un agent unique doté de toutes les informations susceptibles de l'éclairer pour effectuer le meilleur arbitrage : un nouvel homo economicus devenu ecologicus mais toujours, selon la définition consacrée, parfaitement rationnel, parfaitement informé et ne suivant que son propre intérêt.

Nous retrouvons derrière les deux textes du Grenelle la motivation première de l'économie dominante de l'environnement qui se fonde sur un individualisme écologique forcené, visant à calculer à partir des comportements individuels supposés les variables d'équilibre du marché étudié.

Seul l'équilibre du modèle économique est à même de résoudre le problème environnemental. Tout n'est qu'ajustement de l'offre à la demande et question d'incitation. Toute possibilité de dérapage est exclue. Comme était exclue toute possibilité de crise financière par les mêmes économistes, il y a de cela quelques mois…

Cette conception, qui imprègne l'ensemble des mesures proposées, conduit à l'effacement du rôle de l'État dans des domaines fondamentaux ayant trait à l'écologie, en premier lieu les secteurs des transports et de l'énergie. J'y reviendrai tout à l'heure en me fondant sur des exemples précis du texte.

Dans d'autres cas, elle implique de retirer des mains des élus locaux et des collectivités territoriales toute possibilité d'innovation et de prise de responsabilité, afin de ne pas courir le risque que soit entravée la logique capitaliste.

Avec l'écologie de marché du Grenelle de l'environnement, l'aliénation marchande de l'environnement et de la société ne connaît plus de limites.

Au regard de cette dérive, je note que le syndrome du fantôme de Copenhague a bel et bien envahi l'ensemble de ce texte, et je crains qu'il ne marque de son empreinte écologique si particulière nos politiques publiques, si d'aventure cette motion préalable devait être rejetée.

Au-delà de ses présupposés économiques, le Grenelle de l'environnement constitue également un artifice démocratique, synonyme d'une régression dans la façon de concevoir la chose publique en matière environnementale.

Montré en exemple comme le nec plus ultra de la modernité politique, avec ses groupes de travail multipartites, ses tables rondes, ses conclusions et ses 268 engagements, il a en fait servi à masquer toute une série de mesures antisociales.

L'exemple le plus remarquable a été la genèse de la suppression de la taxe professionnelle des entreprises dont les ressources devaient être substituées par une contribution climat-énergie – ou taxe carbone – payée par tous.

N'oublions pas que, pendant des mois, les néolibéraux, Président de la République et membres du Gouvernement en tête, nous ont psalmodié une vision séductrice : pousser toujours plus loin le transfert d'une fiscalité assise sur les revenus du capital et du travail vers une fiscalité labellisée verte, faisant mine de pénaliser les pollueurs.

Le chef de l'État ne déclarait-il pas à Versailles, le 22 juin 2008 devant le Congrès : « Je souhaite que nous allions le plus loin possible sur la taxe carbone. Plus nous taxerons la pollution et plus nous pourrons alléger les charges qui pèsent sur le travail. C'est un enjeu immense » ?

Imprégné du sens commun écologique, certains acteurs associatifs de l'environnement ont fait le choix de relayer cette orientation comme une idée salutaire. Je pense très sincèrement qu'ils se sont jetés dans le guet-apens écologique néolibéral, grisés qu'ils étaient par l'illusion d'un lobbying enfin efficace.

Les mêmes ont d'ailleurs souvent survalorisé le projet de loi de mise en oeuvre du Grenelle de l'environnement, en limitant leurs réserves à certains détails. L'ampleur de leur désarroi face aux résultats obtenus montre combien ils ont été trompés par ce qu'il faut bien appeler une mystification.

De surcroît, le Grenelle de l'environnement a également permis d'opérer un renversement profond dans la conception du débat public et de l'action politique. En valorisant « sa » société civile, en établissant « sa » propre définition et « sa » propre sélection des acteurs représentatifs, en opérant des choix arbitraires entre les personnes dites « qualifiées » et celles qui ne l'étaient pas, il portait en germe la négation même des valeurs démocratiques.

Les groupes de travail du Grenelle ont ainsi pu constituer des sphères autonomes, avec des représentants éclairés, chargés de faire remonter des pistes de convergence et des engagements, mais dont les contenus sont devenus toujours plus malléables au fil du temps.

Ceux qui n'étaient jusqu'alors jamais entendus ont ainsi pu être séduits par la démarche. Ils l'ont été plus ou moins durablement.

Derrière l'apparence du « consensualisme », de la modernité, de l'ouverture, de la diversité, votre conception du débat sur les problématiques environnementales a accéléré certains reculs démocratiques en consacrant la volonté secrète de la révolution conservatrice : contraindre et limiter la vitalité démocratique.

Debut de section - PermalienPhoto de André Chassaigne

L'esprit Grenelle matérialise ainsi le rêve conservateur d'un retour à la bonne société du XIXe siècle, c'est-à-dire à la bien-pensance, par opposition aux classes dangereuses, au peuple révolutionnaire.

Debut de section - PermalienPhoto de André Chassaigne

Le Grenelle de l'environnement permet insidieusement de poursuivre un travail de sape des syndicats et des partis, en promouvant une société civile faites de sages partenaires sociaux, désormais sages partenaires environnementaux.

Comme le précise Paul Ariès, dans l'un de ses derniers ouvrages consacré à Daniel Cohn-Bendit, autre chantre du libéralisme écologique, n'oublions pas que « la notion de société civile a été relancée, il y a une vingtaine d'années, par les tenants du catholicisme romain intégriste et par des eurocrates.

Debut de section - PermalienPhoto de André Chassaigne

« Leur objectif est de combattre les excès de la démocratie : corps constitués et société organiciste contre société trop libre, trop égalitaire, trop fraternelle, bref un peu trop révolutionnaire. »

Paul Ariès conclut : « Cette société civile se révèle ainsi la partenaire idéale d'un pouvoir autocratique à l'image de celui que pratique l'Union européenne. Les tenants du oui au traité constitutionnel européen exprimeront cette opposition de la société civile en critiquant fortement le vote des citoyens ». Je devrais d'ailleurs ajouter : au point de faire passer par la force un traité identique quelques mois plus tard.

Cette société civile du Grenelle de l'environnement ressemble de plus en plus à celle des lobbies reconnus par les institutions européennes et qui élaborent les documents de travail des technocrates.

Quand la société politique avec ses débats contradictoires et son suffrage universel permet, en principe, que la voix d'un pauvre vaille celle d'un riche, qui peut croire que certaines parties prenantes du Grenelle, ne représentant qu'elles-mêmes, ne pesaient pas plus lourd que certaines grandes ONG écologistes ou certains syndicats représentatifs ?

En excluant ainsi tout débat de fond sur les causes profondes des désastres environnementaux, et en évitant tout questionnement des ressorts du système capitaliste mondial qui guident les grandes orientations en matière d'exploitation des ressources naturelles et des écosystèmes, cette société civile, adoubée par tous les néolibéraux, contribue efficacement à l'affaiblissement de la société politique, de ses combats d'idées, de ses luttes.

Dans la foulée du Grenelle de l'environnement, et sans doute inspiré par ce mystérieux « esprit de Grenelle » au souffle si porteur, le Gouvernement a d'ailleurs bien compris qu'il lui fallait multiplier les appels à des Grenelle sur tous sujets – Grenelle de la mer, Grenelle des ondes, Grenelle de l'insertion, et j'en passe sans doute –, en oubliant curieusement de se poser la question d'un Grenelle de l'emploi et des salaires, sujet sur lequel tout est bon pour limiter au maximum le débat public.

Ce nouveau concept intègre également des notions déjà largement répandues, comme celle de gouvernance, qui, comme dans le projet de loi mettant en oeuvre le Grenelle 1, fait l'objet dans le présent texte d'un titre entier, en l'occurrence de plus de cinquante pages. Cette notion de « bonne gouvernance » nous vient tout droit de la gouvernance d'entreprise, la « corporate governance », concept-phare de la révolution libérale des années quatre-vingt diffusé à travers le monde entier par les institutions financières internationales pour briser le rôle politique des États, et ce en accompagnement des politiques d'ajustement structurel du FMI et de la Banque mondiale.

Mesdames et messieurs les membres du Gouvernement, chers collègues de la majorité, je sais votre besoin permanent d'apparaître sous les dehors de la modernité : vous modernisez ce pays à tour de bras, et nous en voyons chaque jour les bénéfices ! Mais votre conception de la construction politique, dans ce texte comme dans beaucoup d'autres, est profondément réactionnaire. C'est une machine de guerre contre les fondements de notre république, un terreau fertile pour éloigner durablement les citoyens du débat, de l'action publique et du vote. Quel besoin y a-t-il ensuite, après chaque élection, de jouer le bal des hypocrites en versant des larmes de crocodile sur le niveau du taux d'abstention ? Il nous faut au contraire replacer nos concitoyens au centre du processus démocratique, en faisant des efforts considérables pour qu'ils se saisissent des grands enjeux du siècle à venir, à commencer par la question environnementale.

À partir de cet indispensable constat, je voudrais, pour appuyer cette motion, prendre, dans le second texte matérialisant le Grenelle de l'environnement, quelques exemples particulièrement signifiants. Ce texte de 285 pages, divisé en sept titres, est censé traduire en « obligations, interdictions ou permissions » les principes précédemment affirmés dans la loi de mise en oeuvre du Grenelle de l'environnement. À la lecture du document, nous pouvons toutefois considérer que moins de la moitié des voeux pieux exprimés dans la loi de programmation sont effectivement repris. Je ne doute pas de votre conviction à faire durer le plaisir sur ce sujet, mesdames et messieurs les ministres, mais je crains que le nouveau rythme qu'entend imposer le Président de la République aux réformes environnementales ne vous condamne à patienter pendant tout le reste de son mandat…

Ce texte, censé traduire les engagements de notre pays en matière environnementale, botte en réalité en touche à la moindre difficulté en renvoyant systématiquement à des décrets d'application. Le mot « décret » apparaît ainsi à chaque fois que des contraintes pourraient être précisées par la représentation nationale : j'ai relevé près de deux cents occurrences de ce mot dans le texte ! Voilà de quoi donner du travail au Conseil d'État et aux services ministériels déjà submergés par l'inflation réglementaire de votre gouvernement ! Voilà de quoi faciliter la compréhension générale du droit de l'environnement pour nos concitoyens et les élus de nos collectivités !

Ainsi, dans le titre consacré aux bâtiments et à l'urbanisme, l'ensemble de l'édifice réglementaire relatif au respect de la réglementation thermique, à la mesure et au contrôle des performances énergétiques, aux diagnostics énergétiques, aux travaux imposés sous délais pour l'amélioration de la performance énergétique des bâtiments dans les différents secteurs d'activité, est renvoyé à des décrets en Conseil d'État.

Debut de section - PermalienPhoto de André Chassaigne

Nous parlons pourtant là de l'un des secteurs les plus émetteurs de gaz à effet de serre, et où le besoin de normes strictes apparaît indispensable en complément d'un soutien financier accru de la part de l'État.

Un autre objet non identifié dans le texte est la mise en place d'un système de contrôle public de l'application des dispositions réglementaires soumises au décret pour le secteur du bâtiment. Pourtant, sur le terrain, la course au moins-disant en matière de respect des réglementations thermiques et de l'amélioration de l'efficacité énergétique fait son oeuvre. Sans contrôles inopinés sur leurs réalisations et leurs méthodes de travail, les entreprises qui profitent de l'aubaine se multiplient comme les pains, pendant que les particuliers, compte tenu des différences de coûts, se détournent de celles qui font correctement leur travail. Et que dire de la multiplication des entreprises en matière de certification énergétique ?

Monsieur le ministre d'État, pour atteindre dans les faits les objectifs fixés pour ce secteur, un service public chargé de contrôler le respect des dispositions réglementaires est indispensable. Mais j'oubliais que vous confondez l'écologie avec un simple programme de relance capitaliste : rien ne doit contrarier le seul jeu du marché, lequel doit mécaniquement assurer le respect optimal de règles dont on ne connaît pas le contenu à ce jour.

Je relève aussi avec circonspection les dispositions relatives à la création des directives territoriales d'aménagement et de développement durables, ainsi qu'un de leurs outils, les projets d'intérêt général. Alors que l'État ne se lasse pas de confier le soin aux collectivités de financer et de mettre en oeuvre tous les dispositifs prônés par le Grenelle, il leur accorde une confiance bien limitée quant à leur capacité à assurer un aménagement et un développement durables. Cette volonté manifeste de recentralisation est révélatrice d'une reprise en main de l'État, de plus en plus attaché à commander la musique sans payer les musiciens.

Comme dans la célèbre fable de La Fontaine sur la grenouille qui voulait se faire aussi grosse que le boeuf, la contradiction permanente entre affichage environnemental et résultats « s'étend, et s'enfle et se travaille » avec le secteur des transports. Le Grenelle 1 prévoyait ainsi d'augmenter de 25 % la part du fret non routier. Mais c'était sans compter avec votre zèle à liquider l'entreprise publique SNCF pour livrer le fer aux appétits de la bande du Fouquet's et au lobby routier. (« Oh ! » sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

Après le plan Véron de 2003, puis la transposition des directives ferroviaires européennes en droit français, notamment avec la loi du 8 décembre 2009 relative à l'organisation et à la régulation des transports ferroviaires, ce sont quelque 2 millions de camions de plus qui ont été jetés sur les routes de France. La suppression brutale du trafic de wagons isolés décidée par l'État – car la SNCF, c'est l'État – va se traduire par un report de 10 000 camions supplémentaires chaque jour sur la route, avec le risque majeur d'un non-retour définitif du chargeur au fret ferroviaire, contraint de bouleverser ses structures logistiques.

Dans un document interne à la SNCF, baptisé « Démarches, flux, dessertes : un projet, une méthode, des résultats attendus et une équipe » – quel beau titre ! –, nous apprenons avec satisfaction que, grâce à votre bon sens écologique, monsieur le ministre d'État, la branche fret aura, selon les prévisions de la direction, transporté 616 000 wagons de moins qu'en 2008. Le budget affecté au fret en 2010 est inférieur de près de 40 millions d'euros à celui de 2009. Et quelle hypocrisie dans le titre du nouveau plan Fret SNCF – « Schéma directeur pour un nouveau transport écologique » –, quand on sait que l'abandon programmé de 60 % de l'activité de wagons isolés de la SNCF provoquera, selon une étude de Carbone 4 commanditée par la SNCF elle-même, environ 300 000 tonnes équivalent CO2 supplémentaires de rejets de gaz à effet de serre par an !

C'est contre cette hypocrisie et le démantèlement du seul outil permettant d'atteindre les objectifs fixés par le Grenelle que se sont levés les cheminots pendant plusieurs semaines. Étaient-ils si « inconscients » que l'ont répété en choeur les porte-parole de l'UMP et les responsables de la SNCF, quand ils demandaient l'arrêt des suppressions de postes et de la filialisation de l'entreprise ? N'étaient-ils pas, au contraire, parfaitement lucides et visionnaires en pointant les besoins humains, matériels et financiers nécessaires pour parvenir à l'objectif du Grenelle ? Mais le Gouvernement, avec son « esprit grenellien », n'a sans doute rien à apprendre du savoir-faire d'hommes et de femmes qui ont su faire du ferroviaire le mode de transport le plus sûr et le moins polluant.

Malgré votre bilan accablant, vous n'avez pas non plus répondu à l'appel conjoint des organisations syndicales de cheminots et des principales associations et ONG environnementales françaises, qui, le 19 mars dernier, vous demandaient un moratoire immédiat sur la partie « wagon isolé » de votre plan Fret SNCF. Comble de l'hypocrisie écologique néolibérale, tandis que l'État laisse en jachère son réseau ferroviaire pour mieux abandonner les relations TER, Intercités et Corail, il initie le rachat par la SNCF de l'entreprise Geodis, grande spécialiste du transport routier européen. À moins que M. Bussereau, M. Borloo et Mme Jouanno ne soient adeptes de la transsubstantiation si chère aux catholiques, je ne vois pas comment ils peuvent objectivement nous faire croire que le CO2 économisé sur le rail se transformera par enchantement en O2 ou en H2O à la sortie des pots d'échappement des plus de 3,5 tonnes ! Mais c'était oublier qu'ils croient bien sûr aux forces de « l'esprit grenellien » et à son eucharistie environnementale ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

Mes chers collègues, laissez M. Chassaigne s'exprimer : en l'interrompant, vous ne ferez qu'allonger son intervention.

Debut de section - PermalienPhoto de André Chassaigne

J'ai quand même réussi un miracle, monsieur le président : réveiller nos collègues de l'UMP, qui étaient en train de s'endormir !

Pour couronner le grand succès de la politique de développement durable en matière de transports de nos dévots ministres, est venue s'ajouter, il y a quinze jours, la décision courageuse de reporter après 2012 la mise en place de l'écotaxe poids lourds sur le réseau non concédé. En vous cachant derrière un argumentaire fallacieux – contraintes techniques insurmontables et entreprises incapables de répondre à l'appel d'offre pour mettre en place les outils de perception de la redevance –, vous ne faites que répondre aux attentes du système, qui voit dans le dumping social et le trafic routier les plus sûrs moyens d'accroître ses profits au détriment de l'intérêt général climatique.

Debut de section - PermalienPhoto de André Chassaigne

Quant au Président de la République, en mal de surenchère, il annonce, dans un grand élan de générosité pour le lobby routier, la possibilité de faire circuler dès cet été, sur toutes les routes de France, des poids lourds de 44 tonnes.

Debut de section - PermalienJean-Louis Borloo, ministre d'état, ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer, en charge des technologies vertes et des négociations sur le climat

Mais non !

Debut de section - PermalienPhoto de André Chassaigne

Quelle joie de « booster » ce secteur au détriment du report modal !

Debut de section - PermalienJean-Louis Borloo, ministre d'état, ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer, en charge des technologies vertes et des négociations sur le climat

C'est faux !

Debut de section - PermalienPhoto de André Chassaigne

Et la liste continue en matière énergétique, avec des choix présidentiels décidemment toujours plus polluants. Il est en effet curieux d'entendre le Président de la République – et vous-même, monsieur le ministre d'État – parler désormais d'une taxe carbone aux frontières de l'Europe…

Debut de section - PermalienPhoto de André Chassaigne

…tout en préconisant la conclusion rapide du cycle des négociations de Doha via une nouvelle baisse des tarifs douaniers – a-t-il aussi raison sur ce point, cher collègue ? L'esprit du Grenelle, sans doute : encore et toujours lui !

Mes chers collègues, vous le savez, dans l'industrie comme dans l'agriculture, les externalisations de production sur fond de dumping social et environnemental sont en train de détruire la planète. Elles broient déjà les hommes. La première mesure à décider pour inverser la tendance serait donc de bloquer toute négociation à l'OMC tant que cette organisation ne se sera pas dotée de critères sociaux et environnementaux permettant de faire émerger une autre conception du commerce international, fondée sur des échanges mutuellement avantageux et sur la coopération.

Et que dire des objectifs européens et français en matière d'incorporation de biocarburants pour les transports ? Rapport après rapport, tout démontre les effets dramatiques pour l'environnement du changement d'affectation des sols dans les pays du Sud pour la production de biocarburants voués à l'exportation.

Debut de section - PermalienPhoto de André Chassaigne

Pourtant, la croissance des importations de biocarburants en Europe se poursuit sans qu'aucune norme ne soit exigée, et ce afin de satisfaire à l'objectif de 10 % de biocarburants pour 2020.

Ces dernières semaines, des experts environnementaux de la Commission européenne ont même débattu de la question de savoir si les nouvelles plantations de palmiers à huile d'Asie et d'Afrique, destinées à fournir des agrocarburants à l'Union européenne, devaient être considérées comme de la reforestation bénéfique en matière de stockage de CO2 ! Voilà qui en dit long sur le cynisme qui prévaut à Bruxelles quand il s'agit d'externaliser dans les pays du Sud les émissions de gaz à effet de serre imputables à la consommation finale des pays de l'Union européenne, dont la France.

Au Sud, des milliers d'hectares de forêts et de mangroves ont été détruits ces dernières années pour alimenter l'Europe en soja destiné à l'alimentation des animaux et pour fournir à moindre coût les congélateurs des grandes surfaces en poissons et crustacés. L'introduction de 10 % de carburants agricoles dans les stations-service de l'Union d'ici à 2020 va se traduire par davantage de déforestation au Sud, davantage de déstructurations de communautés rurales, davantage de conflits fonciers pour tirer partie de cette nouvelle manne verte, davantage d'affamés ! Quelle importance, me direz-vous, puisque les chefs d'État du G8 n'ont même pas daigné faire le déplacement au sommet de la FAO sur la faim dans le monde, en novembre dernier, trop occupés qu'ils étaient par la perspective de réaliser un bon deal capitalisto-climatique à Copenhague !

Que dit notre texte sur cette question ? Prévoit-il d'interdire les importations extracommunautaires d'agrocarburants ? Non. Prévoit-il de mettre en place un système public de certification de l'origine des agrocarburants ? Non. Votre texte prévoit-il seulement, monsieur le ministre d'État, de faire évoluer les objectifs d'incorporation en fonction des connaissances réelles des bilans sociaux et environnementaux de ces productions, notamment en tenant compte des changements d'affectation des sols, comme le suggèrent les derniers rapports remis par l'ADEME en France et celui remis à l'Union par l'institut international de recherche sur les politiques alimentaire ? Non.

Ce mutisme coupable en dit long sur les priorités du Gouvernement en matière environnementale. Le commerce énergétique d'abord, la vie, la biodiversité et le devenir climatique, plus tard ! Cet avis est d'ailleurs partagé par Andris Piebalgs et Peter Mandelson, respectivement commissaire à l'énergie et ancien commissaire au commerce de l'Union, qui affirment, guillerets, qu'un approvisionnement purement national en biocarburants n'est ni probable, ni souhaitable, que l'Union européenne doit s'assurer que ses normes en matière de biocarburants ne créent pas de barrières inutiles, que l'Europe devrait envisager d'accepter l'idée qu'il faudra importer une grande partie de nos ressources en biocarburants, qu'il ne faudrait certainement pas s'attendre à privilégier la production européenne de biocarburants et qu'ils sont confiants pour que les pays en développement gagnent finalement à étendre leur production de biocarburants grâce à leur capacité agricole disponible et à leur avantage comparatif dans la production.

Debut de section - PermalienPhoto de André Chassaigne

Monsieur le ministre, ont-ils l'esprit de Grenelle, ces deux-là ?

À quelque chose près, la philosophie est identique pour le volet biodiversité du texte.

En effet, quasiment aucune des dispositions du volet agricole du Grenelle I n'est précisée à l'exception de l'encadrement des échanges commerciaux de produits phytopharmaceutiques, déclinaison imposée par une directive européenne. Pourtant, dans ce domaine, un travail colossal s'impose pour parvenir à un modèle agricole durable et à une agriculture écologiquement intensive, comme nous le rappellent des agronomes tels que Michel Griffon et Marc Dufumier.

Qu'en est-il donc du déploiement de la formation publique en matière d'itinéraires techniques agricoles favorables ? Qu'en est-il donc encore des soutiens spécifiques à l'agriculture durable ? Pas une ligne, monsieur Christian Jacob ! Et pour cause : mieux vaut faire de l'affichage en créant, par décret, un nouveau label – devrais-je dire une usine à gaz ? – « agriculture à haute valeur environnementale », dont la certification sera confiée au secteur privé, à son plus grand profit, certification d'ailleurs bien complexe, dont on ne connaît aucune des exigences fondamentales et dont tout nous porte à penser que, compte tenu des coûts engendrés, elle ne pourra bénéficier aux petites structures agricoles et familiales.

Debut de section - PermalienPhoto de André Chassaigne

La grande distribution n'aurait-elle pas intérêt à cette certification de façade pour gonfler une fois de plus ses marges sur le dos des producteurs ?

Lors des débats sur le précédent projet de loi Grenelle, j'avais d'ailleurs soumis un certain nombre d'amendements pour fixer, comme pour les produits biologiques, des objectifs en matière de produits locaux ou sous signes officiels de qualité, comme les AOC, les IGP ou le Label Rouge, dans la restauration collective. Nous pouvions profiter là d'un véritable effet de levier pour des produits de grande qualité gustative et environnementale, issus de systèmes de production plus durables, dans lesquels sont engagés des dizaines de milliers d'agriculteurs, mais, comme toujours, vous avez préféré en rester à l'affichage sur l'agriculture biologique, sans même vous donner les moyens de votre ambition.

Pendant ce temps, les agriculteurs aux pratiques les plus respectueuses de l'environnement se meurent, faute de prix et de revenus corrects. Au rythme actuel des cessations d'activité des exploitations, vous n'aurez bientôt plus rien à convertir en haute valeur environnementale. Vous aurez ainsi répondu au grand rêve des néolibéraux en concentrant toute la production agricole française entre les mains de 100 000 « agrimanagers ». Est-ce là votre vision d'une agriculture durable et compétitive ?

J'ai également de grandes inquiétudes sur votre façon de mettre en place la trame verte et bleue si chère à Mme la secrétaire d'État. Vous avez tout d'abord refusé de lui conférer un caractère opposable. Surtout, nous ne savons rien des conditions de l'arbitrage pour inclure certains espaces au sein des trames, certaines infrastructures linéaires, certains cours d'eau. Tout risque de se faire selon la sacro-sainte loi du plus fort !

Qu'en sera-t-il de la qualité et de l'homogénéité de la trame sur le territoire national à l'heure où il n'existe plus une seule haie en Beauce tandis que le bocage bourbonnais en compte encore par centaines de kilomètres ? Doit-on penser que les schémas régionaux de cohérence écologique se fonderont uniquement sur l'existant, pour mieux concentrer leur action sur les territoires déjà les plus méritants écologiquement, laissant ainsi libre court à la détérioration de l'environnement sur les espaces déjà très artificialisés ? Doit-on penser que toute inclusion dans les trames bleues sera exclue pour les cours d'eau les plus dégradés, alors que, naturellement, les bassins versants qui font déjà le plus d'efforts et obtiennent les meilleurs résultats en terme de continuité écologique, de qualité du milieu et de biodiversité se verront imposer des contraintes strictes ?

C'est une drôle de traduction globale de la restauration de la continuité écologique et de la préservation de la biodiversité qui pourrait ressortir de la mise en place des trames, car vous semblez valider ce qu'Elisée Reclus, célèbre géographe français du XIXe siècle et précurseur de l'écologie, avait bien compris lorsqu'il écrivait en 1869, dans son Histoire d'un ruisseau : « Ainsi, tout n'est pas joie et bonheur sur les bords de ce ruisseau charmant où la vie pourrait être si douce, où il semble naturel que tous s'aiment et jouissent de l'existence. Là aussi la guerre sociale est en permanence. »

Avec tant d'incertitude sur le devenir de ces trames, tout ne sera pas joie et bonheur, et il ne semble pas, madame la secrétaire d'État, que l'appui de votre majorité soit à la hauteur de votre conscience environnementale pour traduire l'ambition incarnée dans cet outil écologique pour notre pays.

À la lecture des titres et chapitres consacrés aux déchets et à la fameuse « gouvernance », l'orientation reste tout aussi confuse et les mesures lapidaires.

Ainsi, vous n'avez pas souhaité renforcer la responsabilité des producteurs de déchets, ce qui aurait évité un transfert de cette responsabilité sur les usagers. Bien que la question de la réduction des déchets à la source soit toujours aussi criante, aucun élément nouveau n'est apporté pour progresser plus rapidement en matière de réduction des tonnages de déchets ménagers. La gabegie de préemballages et de suremballages n'est pas près de cesser tant elle sert les industriels et la grande distribution dans leur recherche de marges toujours accrues sur les produits.

Quant aux quelques cinquante pages consacrées, comme il se doit, à la fameuse gouvernance, aux côtés de la longue revue juridique concernant les études d'impact, seules quelques lignes concernent directement les entreprises et la consommation. C'est pourtant là que se situe le coeur de la transformation écologique de nos modes de production.

Je ne note, en effet, aucun apport de ce texte à l'élargissement des droits et pouvoirs des salariés en matière de veille environnementale dans l'entreprise. Ce texte aurait pourtant pu permettre de faire avancer une nouvelle citoyenneté au coeur même de l'outil de production, ce qui me semble indispensable pour infléchir certaines logiques entrepreneuriales et financières particulièrement préjudiciables à l'environnement. En effet, qui mieux que le salarié lui-même peut identifier les possibilités d'amélioration de l'outil de production pour en minimiser les impacts environnementaux ? Grâce à votre sens de la modernisation, nous nous en tiendrons donc aux possibilités offertes par les lois Auroux de 1982 !

Debut de section - PermalienPhoto de André Chassaigne

Ne donnons surtout pas aux comités d'entreprise et aux comités d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail les moyens de faire quoi que ce soit qui puisse entraver la bonne marche du capital !

Quant aux actionnaires, ils bénéficieront sans doute, dans leur rapport annuel, d'informations essentielles pour réorienter la stratégie de l'entreprise ! Je m'étonne d'ailleurs que vous n'ayez pas, monsieur le ministre, déposé un amendement plus complet qui permette de doubler la possibilité offerte à un organisme tiers indépendant de vérifier la qualité des informations données par l'entreprise par la possibilité de confier à une agence de notation le soin d'évaluer la politique environnementale des grands groupes – cela aurait eu le mérite de rassurer les marché ! – mais j'oubliais, une fois encore, que le décret s'impose à la fin des articles 82 et 83. Aussi dirai-je, reprenant la devise du Président de la République, que, avec le Grenelle II, on ne sait pas où l'on va, mais tout devient possible !

Tout reste donc à construire pour porter une autre politique d'investissement et de développement des entreprises, à commencer par une politique du crédit favorable aux investissements durables et à l'emploi, que seul un pôle public financier est à même d'impulser. Tout reste également à construire pour engager la révolution de nos modes de consommation, toutes choses qui semblent bien éloignées du contenu de ce texte.

Mes chers collègues, vous le voyez, ces exemples mettent en lumière…

Debut de section - PermalienPhoto de André Chassaigne

…tous les présupposés idéologiques et économiques de ce texte.

Cette motion de rejet préalable touche bien aux principes essentiels qui gouvernent actuellement la politique environnementale de notre pays.

Mon objectif n'est pas de nier les efforts considérables qui ont pu être consentis par certains acteurs…

Debut de section - PermalienPhoto de André Chassaigne

…pour parvenir à faire avancer certaines mesures dignes d'intérêt, mais la religion du marché s'impose partout lorsque l'on touche aux problématiques fondamentales du devenir de la planète. Le marché, tout le marché, rien que le marché ! Vous vous en tenez à votre dogme. Il a pourtant bien vécu, et montré toutes ses limites avec la crise financière et l'impuissance de Copenhague.

Pour évoquer le cheminement du Grenelle de l'environnement, je reprendrai la formule employée par Pablo Neruda dans l'un des poèmes de son Chant général. Je dirai que « les blancs asticots du fromage capitaliste » (Rires sur les bancs du groupe UMP.) rongent peu à peu toutes les bonnes intentions initiales.

Neruda ajoutait : « dans le gros fromage violâtre [...] apparaît un autre ver : le favori ».

Debut de section - PermalienPhoto de André Chassaigne

Je crois que, compte tenu de l'absence d'ambition environnementale de ce texte, il appartient aujourd'hui à la représentation nationale de ne pas rejoindre la cohorte des favoris qui bénissent la parole environnementale du Gouvernement et l'écologie de marché.

Chers collègues, plutôt que de vous satisfaire de l'habit de favori, plutôt que de vous satisfaire de l'habit de l'exécutant fidèle, accomplissez un acte de révolte en faisant vôtre ce proverbe indien : « Quand le dernier arbre aura été coupé, quand la dernière rivière aura été asséchée, quand le dernier poisson aura été pêché, l'homme s'apercevra que l'argent n'est pas comestible… »

Assumez cette révolte avec la modestie qui sied car, comme le souligne Camus, « ce n'est pas la révolte en elle-même qui est noble, mais ce qu'elle exige ».

C'est pourquoi je vous demande, mes chers collègues, d'adopter cette motion de rejet préalable. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

Nous en arrivons aux explications de vote.

La parole est à M. Daniel Paul, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine

Debut de section - PermalienJean-Louis Borloo, ministre d'état, ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer, en charge des technologies vertes et des négociations sur le climat

Rien ! (Sourires sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Paul

…d'une motion de rejet préalable d'un texte qui aurait pu être tout autre que ce qu'il est ?

Ce texte nous conforte en tout cas dans l'idée que nous avions raison de ne pas voter le premier Grenelle. Sans doute pressentions-nous qu'allait s'ensuivre un Grenelle II largement en deçà des besoins.

Les moyens manquent, monsieur le ministre d'État. La volonté politique n'y est plus. Surtout, les logiques libérales sont incontournables, elles s'imposent à vous. Or il faudrait les remettre en cause, remettre en cause les règles qui président à la domination néocoloniale, comme l'a bien montré André Chassaigne, remettre en cause, tout simplement, les règles d'exploitation capitaliste. À l'heure du capitalisme financier et mondialisé, c'est évidemment extrêmement difficile. ;C'est pourtant à ce niveau qu'il faut situer les enjeux.

André Chassaigne a aussi rappelé les trois objectifs fondamentaux : sauvegarder le système, prendre en compte les opportunités qui se présentent et utiliser les pays en voie de développement pour améliorer les règles de la concurrence. Il n'a pas cité, mais il aurait pu le faire, la dernière phrase du film Le Guépard : « Il faut changer, mais pour que, sur le fond, rien ne change. » C'est exactement ce que vous êtes en train de faire ! Il faut non seulement que le système soit préservé, mais encore qu'il sorte renforcé de la situation actuelle. Alors que l'heure est plus que jamais aux collaborations, aux coopérations limitant les gaspillages – les entreprises de réseaux sont particulièrement concernées, je pense bien sûr à l'énergie et aux transports –, le système poursuit sa fuite en avant, avec en Europe la concurrence libre et non faussée, en particulier dans le transport et l'énergie. Contradiction totale, lorsqu'on voit le trafic routier profiter d'une réforme du fret ferroviaire, alors qu'il faudrait au contraire une décision politique donnant la priorité à ce même ferroviaire.

Monsieur le ministre, je vous ai vu tout à l'heure faire des signes de dénégation quand André Chassaigne a parlé des quarante-quatre tonnes.

Debut de section - PermalienJean-Louis Borloo, ministre d'état, ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer, en charge des technologies vertes et des négociations sur le climat

En effet.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Paul

M. Bussereau a dit ce matin sur une radio nationale que le quarante-quatre tonnes était autorisé pour les transports de produits agricoles.

Debut de section - PermalienJean-Louis Borloo, ministre d'état, ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer, en charge des technologies vertes et des négociations sur le climat

Non !

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Paul

Il a même précisé que ce ne serait évidemment pas autorisé pour transporter des petits matériels. Mais le quarante-quatre tonnes va être généralisé.

Debut de section - PermalienJean-Louis Borloo, ministre d'état, ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer, en charge des technologies vertes et des négociations sur le climat

Non et non !

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Paul

C'est l'une de vos façons de contourner les objectifs du Grenelle.

Contradiction encore dans le domaine énergétique, qui voit la concurrence favorisée dans un secteur qui, s'il en est un, ne s'y prête pas du tout et devrait favoriser au contraire les coordinations et les coopérations. J'ai lu avec beaucoup d'intérêt la dernière contribution, de ce point de vue, du centre d'analyse stratégique d'avril dernier, qui va à l'encontre de tout ce qui est prôné dans ce domaine jusqu'à présent et qui pousse justement à des coopérations beaucoup plus fortes au niveau européen.

La démonstration d'André Chassaigne est d'une grande hauteur de vue et d'une grande clarté. Aussi, je vous invite à voter cette motion de rejet préalable.

Debut de section - PermalienPhoto de François Brottes

Monsieur le président, je voudrais faire à la fois, si vous me le permettez, un rappel au règlement et une explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de François Brottes

Tout à l'heure, M. le président a essayé de nous expliquer la raison pour laquelle le bureau de l'Assemblée nous avait refusé l'accès aux cinquante heures de débat que nous avons demandées. Il a indiqué, en faisant, lui, un rappel au règlement, que nous aurions dû faire cette demande en « première instance », le 27 avril, lors de la conférence des présidents.

Je dois expliquer deux ou trois points, car les gens qui suivent nos débats peuvent ne pas comprendre pourquoi nous avons d'abord demandé trente heures, puis cinquante.

Nous avons un règlement qui, quelle que soit la longueur du texte, nous donne la même latitude. Nous avons donc la même latitude pour ce texte, long de presque 300 pages, que pour un texte qui ne compterait que quatre ou cinq articles. Lorsque nous avons demandé trente heures de débat, le 27 avril, nous n'avions pas encore connaissance du nouveau texte et des 1 600 amendements qui arriveraient, après le débat en commission, en discussion dans l'hémicycle. Aussi, nous avons estimé qu'il fallait demander cinquante heures de temps programmé. Voilà pourquoi nous avons fait cette requête à ce moment-là.

Nous regrettons, pour un texte aussi important, de ne disposer que d'une minute de débat, tous groupes confondus, après cumul des amendements et des articles. Je sais que les présidents de commission – j'en vois déjà certains s'agiter – diront qu'il y a eu des heures de débat en commission.

Je ferai à mon tour un rappel au règlement à leur intention, en leur disant qu'en vertu de ce qu'ils ont voté – nous-mêmes n'avons pas voté cette disposition du nouveau règlement –, c'est un nouveau texte, celui de la commission, qui est soumis dans l'hémicycle. À l'époque, lorsque vous nous opposiez que nous avions largement débattu en commission, c'est bien le texte du Gouvernement qui arrivait dans l'hémicycle, de la même façon qu'il arrivait en commission. Aujourd'hui, c'est un autre texte qui est issu de la commission ; c'est donc un nouveau débat. C'est pourquoi vous ne pouvez pas, au prétexte qu'il y a eu débat en commission, refuser qu'il y ait débat dans l'hémicycle. (Protestations sur plusieurs bancs du groupe UMP.) Je vois que vous avez compris ma démonstration et je comprends qu'elle puisse vous gêner ! (Mêmes mouvements.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

Monsieur Brottes, je vous ai bien volontiers laissé la parole pour ce qui n'était pas véritablement un rappel au règlement.

Nous avons eu ce matin un long débat en conférence des présidents. Je rappelle qu'il y a un règlement dans notre assemblée. Dès lors que la conférence des présidents, à l'unanimité, a décidé qu'il y aurait trente heures de débat, on ne peut plus rien y changer.

En outre, monsieur Brottes, même si vous n'avez pas assisté ce matin à la conférence des présidents, vous savez parfaitement que, sur les 1 600 amendements dont vous avez parlé, environ deux tiers sont identiques à ceux qui ont été discutés en commission. (« Eh oui ! » sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

Nous en revenons aux explications de vote sur la motion de rejet préalable.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

Monsieur Brottes, je vous donne à nouveau la parole pour une explication de vote, au nom du groupe SRC.

Debut de section - PermalienPhoto de François Brottes

Quelle qu'ait été la qualité de l'intervention de notre collègue Chassaigne, brillant orateur comme toujours, donnant de nombreuses références et se livrant à d'implacables démonstrations, nous ne prendrons pas part au vote sur cette motion de procédure.

Nous n'avons pas souhaité, au groupe SRC, déposer de motion de procédure, car nous ne souhaitons pas commencer ce débat par un vote négatif sur ce texte.

Debut de section - PermalienPhoto de François Brottes

Nous avons voté le Grenelle 1 et nous l'assumons. Mais nous voulons que le Grenelle 2 soit dans la continuité du Grenelle 1. Nous avons émis des doutes, et Jean-Paul Chanteguet a pu exprimer tout à l'heure l'ensemble des marqueurs auxquels nous tenons pour voir si, en fin de compte, c'est bien l'engagement du Grenelle 1 qui sera tenu dans le Grenelle 2. Nous n'avons donc aucune raison de rejeter au préalable ce projet de loi et le débat dont il va faire l'objet, dans la mesure où nous souhaitons commencer l'examen du texte, sans perdre davantage de temps, car nous n'en aurons que trop peu pour débattre.

Voilà notre position et les raisons pour lesquelles nous ne participerons pas au vote de cette motion de procédure.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

La parole est à M. Stéphane Demilly, pour le groupe Nouveau Centre.

Debut de section - PermalienPhoto de Stéphane Demilly

Le Nouveau Centre salue également l'art et la créativité oratoire de M. Chassaigne, mais ne souscrit pas à l'analyse qui vient d'être faite par le porte-parole du groupe GDR.

Nous nous réjouissons qu'un texte normatif arrive assez rapidement en discussion après l'adoption du Grenelle 1, qui était consacré aux objectifs et aux principes. L'une de nos craintes était précisément de devoir attendre longtemps. Il faut constater et saluer à sa juste mesure l'effort réalisé par le Gouvernement. En effet, un mois et demi à peine après la publication du Grenelle 1, le Sénat examinait en première lecture le projet de loi Grenelle 2, adopté le 8 octobre dernier.

Le Nouveau Centre salue cet engagement et souhaite poursuivre la dynamique du Grenelle. Nous ne devons plus reculer et nous ne pouvons plus attendre. Il importe que cette dynamique soit précieusement entretenue. C'est pourquoi le groupe centriste votera contre la motion de rejet préalable. (Applaudissements sur les bancs du groupe NC et sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

La parole est à M. Martial Saddier, pour le groupe UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Martial Saddier

Monsieur le président, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, ce texte portant engagement national pour l'environnement est le fruit de plusieurs constats qui ne sont pas discutables, un an après le Grenelle 1. D'ailleurs, nous sommes heureux que M. Chassaigne, au moins sur le constat, partage nos préoccupations. Je pense au changement climatique, à la consommation de l'espace, à l'épuisement de la biodiversité et, plus globalement, à la protection de la santé humaine, pour ne prendre que quelques exemples.

Ce texte est le fruit d'un rendez-vous démocratique, le plus important de la Ve République, l'élection du Président, où tous les candidats s'étaient engagés, il y a trois ans, sur l'enjeu environnemental. Ce texte est donc le fruit de la parole du Président de la République, de son engagement de mener une politique volontariste de l'environnement, d'en faire une politique transversale et une grande politique nationale.

Ce texte, enfin, est le fruit d'un travail énorme du Gouvernement, autour du ministre d'État et de son équipe ministérielle, de la société civile dans les comités opérationnels en amont de ce texte et, bien sûr, des parlementaires du groupe UMP au Sénat et à l'Assemblée nationale, mais plus largement de tous les parlementaires qui ont bien voulu s'y associer. C'est le fruit d'un travail intelligent à travers la mobilisation de trois commissions et de plusieurs groupes de travail spécifiques.

Je me dois de rappeler à mon tour, au-delà de la « polémique » des trente ou des cinquante heures, que ce texte, le président de l'Assemblée et le président de séance l'ont souligné, a scrupuleusement respecté le règlement de l'Assemblée nationale : sur 2 500 amendements, 600 ont été adoptés. Je voudrais dire à nos amis de l'opposition que si le texte est nouveau, c'est le règlement qui le veut ainsi. J'ajoute que les parlementaires sont les mêmes que ceux qui ont bien voulu travailler en commission sur ce texte.

Debut de section - PermalienPhoto de Martial Saddier

Le Grenelle 2 répond à l'ensemble des grandes préoccupations de nos concitoyens et de notre société, après vingt-quatre mois d'un travail collectif : 88 % des engagements du Grenelle figurent dans ce texte qui va permettre de faire de l'écologie une prise de conscience individuelle et collective et un atout économique.

Plus concrètement, le Grenelle sait accompagner l'évolution technologique de notre industrie. Depuis deux ans, ce qui se passe dans l'industrie automobile est un exemple. Ce texte va permettre, comme jamais dans ce pays, de lancer plusieurs lignes de transports collectifs. Les lignes TGV ont été prises en exemple. Une politique sur les canaux est également menée. Il y a encore le Lyon-Turin, grande liaison ferroviaire transalpine, attendue depuis longtemps dans notre pays. Le texte va également ouvrir le débat de la réhabilitation et de la modernisation de l'habitat, accompagner nos agriculteurs vers une agriculture encore plus respectueuse, développer, monsieur Chassaigne, l'agriculture biologique, respecter la biodiversité – les abeilles ou les pollinisateurs sauvages, pour ne prendre qu'un exemple.

C'est également, pour nos territoires, accompagner et encourager les maires de France à travers les SCOT et identifier les trames vertes et les trames bleues. Bref, c'est une véritable nouvelle gouvernance que nous souhaitons conforme à la charte constitutionnelle de l'environnement et à son article 7.

Au-delà de cette liste, qui n'est pas exhaustive, le texte engage la France dans une véritable mutation économique et sociale, d'autant que nous souhaitons voir notre pays jouer un rôle de locomotive européenne et mondiale. Alors oui, il y a urgence à débattre, à voter ce texte et à l'appliquer. Avec cette motion de rejet préalable, c'est le défi environnemental que vous ne voulez pas affronter, c'est le travail de la société civile et des comités opérationnels que vous semblez ne pas respecter ; c'est, enfin, le travail parlementaire que vous ne reconnaissez pas et ce sont, il faut bien l'avouer, certaines contradictions de l'opposition au regard du travail effectué, notamment au Sénat, mais aussi en commission par le groupe UMP à l'Assemblée nationale.

Il y a bien lieu, mes chers collègues, de poursuivre l'examen de ce texte.

Pour toutes ces raisons, le groupe UMP votera contre la motion de rejet préalable.

(La motion de rejet préalable, mise aux voix, n'est pas adoptée.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures trente :

Suite du projet de loi portant engagement national pour l'environnement.

La séance est levée.

(La séance est levée à vingt heures dix.)

Le Directeur du service du compte rendu de la séance de l'Assemblée nationale,

Claude Azéma