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Intervention de André Chassaigne

Réunion du 4 mai 2010 à 15h00
Engagement national pour l'environnement — Motion de rejet préalable

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAndré Chassaigne :

Nous parlons pourtant là de l'un des secteurs les plus émetteurs de gaz à effet de serre, et où le besoin de normes strictes apparaît indispensable en complément d'un soutien financier accru de la part de l'État.

Un autre objet non identifié dans le texte est la mise en place d'un système de contrôle public de l'application des dispositions réglementaires soumises au décret pour le secteur du bâtiment. Pourtant, sur le terrain, la course au moins-disant en matière de respect des réglementations thermiques et de l'amélioration de l'efficacité énergétique fait son oeuvre. Sans contrôles inopinés sur leurs réalisations et leurs méthodes de travail, les entreprises qui profitent de l'aubaine se multiplient comme les pains, pendant que les particuliers, compte tenu des différences de coûts, se détournent de celles qui font correctement leur travail. Et que dire de la multiplication des entreprises en matière de certification énergétique ?

Monsieur le ministre d'État, pour atteindre dans les faits les objectifs fixés pour ce secteur, un service public chargé de contrôler le respect des dispositions réglementaires est indispensable. Mais j'oubliais que vous confondez l'écologie avec un simple programme de relance capitaliste : rien ne doit contrarier le seul jeu du marché, lequel doit mécaniquement assurer le respect optimal de règles dont on ne connaît pas le contenu à ce jour.

Je relève aussi avec circonspection les dispositions relatives à la création des directives territoriales d'aménagement et de développement durables, ainsi qu'un de leurs outils, les projets d'intérêt général. Alors que l'État ne se lasse pas de confier le soin aux collectivités de financer et de mettre en oeuvre tous les dispositifs prônés par le Grenelle, il leur accorde une confiance bien limitée quant à leur capacité à assurer un aménagement et un développement durables. Cette volonté manifeste de recentralisation est révélatrice d'une reprise en main de l'État, de plus en plus attaché à commander la musique sans payer les musiciens.

Comme dans la célèbre fable de La Fontaine sur la grenouille qui voulait se faire aussi grosse que le boeuf, la contradiction permanente entre affichage environnemental et résultats « s'étend, et s'enfle et se travaille » avec le secteur des transports. Le Grenelle 1 prévoyait ainsi d'augmenter de 25 % la part du fret non routier. Mais c'était sans compter avec votre zèle à liquider l'entreprise publique SNCF pour livrer le fer aux appétits de la bande du Fouquet's et au lobby routier. (« Oh ! » sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

Après le plan Véron de 2003, puis la transposition des directives ferroviaires européennes en droit français, notamment avec la loi du 8 décembre 2009 relative à l'organisation et à la régulation des transports ferroviaires, ce sont quelque 2 millions de camions de plus qui ont été jetés sur les routes de France. La suppression brutale du trafic de wagons isolés décidée par l'État – car la SNCF, c'est l'État – va se traduire par un report de 10 000 camions supplémentaires chaque jour sur la route, avec le risque majeur d'un non-retour définitif du chargeur au fret ferroviaire, contraint de bouleverser ses structures logistiques.

Dans un document interne à la SNCF, baptisé « Démarches, flux, dessertes : un projet, une méthode, des résultats attendus et une équipe » – quel beau titre ! –, nous apprenons avec satisfaction que, grâce à votre bon sens écologique, monsieur le ministre d'État, la branche fret aura, selon les prévisions de la direction, transporté 616 000 wagons de moins qu'en 2008. Le budget affecté au fret en 2010 est inférieur de près de 40 millions d'euros à celui de 2009. Et quelle hypocrisie dans le titre du nouveau plan Fret SNCF – « Schéma directeur pour un nouveau transport écologique » –, quand on sait que l'abandon programmé de 60 % de l'activité de wagons isolés de la SNCF provoquera, selon une étude de Carbone 4 commanditée par la SNCF elle-même, environ 300 000 tonnes équivalent CO2 supplémentaires de rejets de gaz à effet de serre par an !

C'est contre cette hypocrisie et le démantèlement du seul outil permettant d'atteindre les objectifs fixés par le Grenelle que se sont levés les cheminots pendant plusieurs semaines. Étaient-ils si « inconscients » que l'ont répété en choeur les porte-parole de l'UMP et les responsables de la SNCF, quand ils demandaient l'arrêt des suppressions de postes et de la filialisation de l'entreprise ? N'étaient-ils pas, au contraire, parfaitement lucides et visionnaires en pointant les besoins humains, matériels et financiers nécessaires pour parvenir à l'objectif du Grenelle ? Mais le Gouvernement, avec son « esprit grenellien », n'a sans doute rien à apprendre du savoir-faire d'hommes et de femmes qui ont su faire du ferroviaire le mode de transport le plus sûr et le moins polluant.

Malgré votre bilan accablant, vous n'avez pas non plus répondu à l'appel conjoint des organisations syndicales de cheminots et des principales associations et ONG environnementales françaises, qui, le 19 mars dernier, vous demandaient un moratoire immédiat sur la partie « wagon isolé » de votre plan Fret SNCF. Comble de l'hypocrisie écologique néolibérale, tandis que l'État laisse en jachère son réseau ferroviaire pour mieux abandonner les relations TER, Intercités et Corail, il initie le rachat par la SNCF de l'entreprise Geodis, grande spécialiste du transport routier européen. À moins que M. Bussereau, M. Borloo et Mme Jouanno ne soient adeptes de la transsubstantiation si chère aux catholiques, je ne vois pas comment ils peuvent objectivement nous faire croire que le CO2 économisé sur le rail se transformera par enchantement en O2 ou en H2O à la sortie des pots d'échappement des plus de 3,5 tonnes ! Mais c'était oublier qu'ils croient bien sûr aux forces de « l'esprit grenellien » et à son eucharistie environnementale ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

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