La commission a auditionné M. Stéphane Richard, président-directeur général de France Télécom Orange.
Monsieur le président-directeur général, je vous souhaite la bienvenue.
France Télécom est présente sur de nombreux marchés à l'international et s'est développée dans des secteurs connexes aux télécoms, comme les contenus. Le marché des communications électroniques évolue rapidement : cette audition va être pour vous l'occasion de préciser la stratégie adoptée par la société que vous dirigez pour s'adapter aux changements d'aujourd'hui.
Avant de vous passer la parole je souhaiterais évoquer trois sujets.
Vous avez pris la direction de France Télécom, en 2010, dans un contexte de crise sociale au sein de l'entreprise, marqué par des suicides et une profonde remise en cause de la politique de gestion des ressources humaines. Vous avez renoué le dialogue social et lancé des actions pour améliorer les conditions de travail de vos salariés. Pourriez-vous nous apporter des précisions sur l'évolution du climat social au sein de l'entreprise depuis que vous êtes à sa tête ?
France Télécom est au coeur du schéma mis en place par le Gouvernement pour la montée vers le très haut débit. Vous avez annoncé votre intention de couvrir près de 60 % des foyers français d'ici 2020. Les relations ont parfois été compliquées avec des élus locaux qui vous reprochent de préempter des zones sans avoir réellement l'intention de déployer le haut débit. Qu'en est-il aujourd'hui ? Quels montants avez-vous déjà investi dans le déploiement de la fibre optique ? Combien allez-vous investir prochainement ? La semaine dernière, M. Xavier Niel affirmait devant notre Commission que Free avait investi plus de 30 % de son chiffre d'affaires et France Télécom à peine plus de 10 %. Est-ce vrai ? Investissez-vous suffisamment ?
Enfin, l'entrée de Free sur le marché de la téléphonie mobile va certainement conduire à un bouleversement du marché. M. Xavier Niel a affirmé, toujours devant notre Commission, que le mobile était devenu une industrie de rendement plutôt que d'investissement ; sans même parler de l'offre sociale à 2 euros, comment se fait-il que l'offre illimitée que propose aujourd'hui Free ait été proposée jusqu'ici trois à cinq fois plus cher ? Et que compte faire France Télécom pour s'adapter à ces bouleversements ?
Je suis très heureux de l'opportunité qui m'est donnée de parler du secteur des télécommunications, notamment à l'occasion du « buzz » que provoque l'arrivée du quatrième opérateur.
France Télécom Orange est l'entreprise des Français, un élément important de leur patrimoine économique. L'État détient encore, directement ou indirectement, 27 % de son capital. La société France Télécom Orange est aujourd'hui un vrai champion de l'économie française. Elle est présente dans 34 pays d'Europe, d'Afrique et du Moyen-Orient. Elle emploie 170 000 salariés. Elle compte un peu plus de 220 millions de clients dans le monde, pour des services fixes et mobiles. L'an dernier, elle a réalisé un chiffre d'affaires de 46 milliards d'euros. Elle investit chaque année 6 milliards d'euros, soit 13 % environ de son chiffre d'affaires. Le montant annuel investi en recherche et développement – 800 millions d'euros – est à lui seul supérieur à la marge d'Iliad.
Il y a un peu plus de deux ans, France Télécom Orange était une entreprise en crise assez profonde, crise révélée par l'apparition de suicides. La première priorité de la nouvelle équipe que j'ai l'honneur de diriger a été de rétablir au sein de l'entreprise un climat social et de travail apaisés, permettant à l'entreprise de faire face aux défis qui l'attendent. À cette fin, nous avons pris plus de 150 mesures, regroupées dans ce que nous avons appelé « le nouveau contrat social ». Ce « contrat social » a été partagé avec l'ensemble des organisations syndicales, qui ont chacune signé des accords importants. Son déploiement est également suivi de manière contradictoire avec les partenaires sociaux. Il représente un investissement global de 900 millions d'euros pendant la période 2010-2012, sur lesquels, aujourd'hui, 500 millions ont été engagés. La quasi-totalité des 150 mesures connaissent au moins un début d'application.
Ce n'est pas forcément le dirigeant d'une entreprise qui est le mieux à même d'en comprendre le climat social. Pour connaître celui-ci, il est essentiel d'interroger les autres parties prenantes, notamment les partenaires sociaux. Leurs propos me semblent indiquer que le dialogue a été réellement rétabli.
Nous avons mis en place un « baromètre social ». Il s'agit d'une enquête réalisée tous les six mois auprès de 4 000 salariés de toutes les catégories et fonctions de l'entreprise, destinée à mesurer le niveau de satisfaction de nos collaborateurs dans leur travail. La dernière édition de ce baromètre a permis de faire apparaître que 84 % des salariés du groupe France Télécom Orange considèrent qu'y travailler est au moins aussi bien, voire mieux, que travailler dans toute autre entreprise française. Pour moi, cela signifie que la fierté d'appartenance à notre entreprise est vraiment de retour. Par ailleurs, le « petit absentéisme », dont le taux est un signe essentiel du bien-être au travail, a lui aussi assez nettement diminué, pour la première fois depuis des années.
Enfin, nous sommes engagés dans un programme de 10 000 recrutements sur trois ans, qui s'achève en 2012 ; à la fin 2011 plus des deux tiers des recrutements prévus ont été réalisés.
France Télécom Orange est un contributeur majeur de l'économie française. La moitié de son chiffre d'affaires de 46 milliards d'euros est réalisé en France ; c'est un peu plus de 1,5 du PIB de notre pays. 100 000 de ses 170 000 salariés sont employés en France ; c'est 80 % environ de l'emploi direct du secteur des télécoms. Nos centres de recherche emploient plus de 3 000 salariés. Enfin, si l'on inclut les emplois indirects, c'est plus de 300 000 emplois qui ont pour origine France Télécom Orange.
France Télécom Orange est l'entreprise qui a construit tous les réseau de télécommunication en France depuis quarante ans : le réseau de téléphone fixe, l'ADSL, l'essentiel des réseaux fibrés, les premiers réseaux mobile, de deuxième génération (2G), de troisième génération (3G), et bientôt de quatrième génération (4G). Nous investissons chaque année 2,6 milliards d'euros en France. Cela représente 1,6 % de l'investissement français.
Nous sommes engagés dans un programme ambitieux qui vise à couvrir en réseaux fibrés, d'ici 2020, 60 % de la population sur 3 600 communes se répartissant en 220 agglomérations, pour un investissement de 2 milliards d'euros. Cela dit, je comprends parfaitement les demandes des élus en matière de déploiement de la fibre. Ils font face à une demande très forte de leurs administrés, considèrent à juste titre que la fibre est un enjeu de compétitivité essentiel pour les territoires, et s'inquiètent de l'articulation à trouver entre l'action des opérateurs privés – dont France Télécom Orange – et des acteurs publics dans le domaine de la fibre. La France, qui a besoin du développement de la fibre, dispose aussi des moyens de la déployer. Mais pour y arriver, un cadre nouveau est nécessaire. Ce cadre devra être différent de celui qui avait été mis en place dans les années 1970 pour le développement du téléphone ; il devra rechercher des convergences, des mutualisations, ainsi que la complémentarité des efforts et des initiatives des opérateurs privés – qui prendront une part essentielle au déploiement – , des collectivités locales et de l'État.
En 2009, eu égard aux nombreuses incertitudes du cadre réglementaire, France Télécom Orange avait purement et simplement décidé de suspendre le programme de déploiement de la fibre. Compte tenu des éclaircissements obtenus après quelques mois de discussions intenses avec l'ARCEP, nous avons décidé de relancer ce programme. C'est une énorme machine : les efforts et les compétences nécessaires pour monter rapidement en puissance sont considérables. Nous rattrapons actuellement le retard que nous avons pu prendre. Entre 2010et 2011, le montant des investissements du groupe pour la fibre aura été multiplié par 2,2 ; en 2011, son investissement direct y sera supérieur à 150 millions d'euros. En 2012, celui-ci va encore plus que doubler, et passer à quelque 300 ou 350 millions d'euros. À partir de 2013, l'investissement annuel du groupe dans la fibre en France sera compris entre 400 et 500 millions d'euros.
France Télécom Orange est aussi un contributeur très substantiel au budget de l'État. Chaque année, nous payons 4 milliards d'euros d'impôts et taxes et nous versons 1 milliard d'euros de dividendes à l'État. Nous venons de débourser plus de 1 milliard d'euros pour acquérir le spectre qui nous sera nécessaire pour déployer le très haut débit mobile.
Le modèle de partage de la valeur de France Télécom Orange est assez exemplaire. En 2010, les 26,8 milliards d'euros de valeur ajoutée dégagés par le groupe ont été ainsi répartis : 40 % en faveur de ses salariés – sous diverses formes –, 22 % pour ses investissements, 14 % au profit du remboursement de la dette du groupe – elle est encore de 30 milliards d'euros – et enfin 16 % pour les actionnaires, dont le principal reste l'État.
J'ai été chagriné d'entendre ces derniers temps des affirmations sur une rente de la téléphonie mobile, ou encore sur le fait que cette industrie serait en France une industrie de rendement et non pas d'investissement.
La téléphonie mobile est sans doute le seul service indispensable dans la vie de nos concitoyens dont les prix ont constamment diminué pendant les dix dernières années. Ainsi, selon les chiffres de l'ARCEP, entre 2006 et 2010 le montant moyen des tarifs du mobile a baissé en France de 12 % en moyenne. Cette évolution doit être comparée à l'augmentation de 12 % des péages autoroutiers, de 15 % des tarifs de l'électricité et de la poste, ou encore de 17 % de ceux du métro.
Cette baisse des prix s'est accompagnée d'une explosion des usages, laquelle a nécessité des investissements considérables : sur nos réseaux, le trafic de données a été multiplié par 53 depuis cinq ans. En réalité, à niveau d'usage comparable, les dépenses de téléphonie mobile des ménages français ont baissé de 40 % en cinq ans. Le procès qui nous est fait sur l'absence de baisse des prix avant l'arrivée de Free est donc particulièrement injuste. Alors que, l'an dernier, le Gouvernement a décidé d'augmenter de 7 points le taux de TVA sur les forfaits de téléphonie mobile, les opérateurs n'ont pas répercuté cette augmentation.
Une étude publiée en décembre 2011 par le régulateur britannique, l'Ofcom, et qui concerne le Royaume-Uni, l'Italie, l'Espagne, les États-Unis, l'Allemagne et la France montre que notre pays est le deuxième pays le moins cher du monde pour les tarifs de téléphone, et ce sur l'ensemble des paniers étudiés : téléphonie mobile ou fixe. Il est aujourd'hui établi que les tarifs français de l'internet fixe sont parmi les plus bas du monde. Les propos aux termes desquels le prix du téléphone mobile serait plus élevé en France qu'à l'étranger sont tout simplement faux. Notre présence dans 35 pays nous permet de faire apparaître que le niveau des marges en France est plutôt dans la moyenne basse de nos marges dans le monde. La marge d'Orange dans le téléphone mobile en France est de l'ordre de 35 %, et non pas de 50 % ou 60 % comme je l'ai entendu. Là aussi ce chiffre est dans la moyenne basse de nos marges à l'échelle mondiale. Ce niveau de marge nous a pourtant permis d'investir de façon satisfaisante pour construire des réseaux de téléphonie mobile aujourd'hui parmi les plus performants au monde, et d'établir une répartition de la valeur équilibrée entre la part qui revient aux salariés – qui inclut les recrutements – et celle que nous affectons aux autres parties prenantes. La France ne s'est décidée à augmenter le nombre d'opérateurs que dix ans après de nombreux autres pays, en décalage de phase en quelque sorte. Nous verrons bien quelles seront les conséquences de ce choix audacieux. Elles se feront sentir dans les mois et les années qui viennent. Cela dit, ayant déjà géré ce type de situation à l'étranger, nous sommes très bien préparés pour le faire en France.
Alors que le slogan de Free est : « Il a Free, il a tout compris », êtes vous en situation de nous prouver qu'il est possible de dire : « Il a tout compris, il reste chez Orange » ?
Monsieur le président-directeur général, vous attendiez-vous à une agressivité commerciale aussi forte de Free, notamment sur l'offre de forfait dit illimité – ce forfait comporte en effet quelques limites, mais finalement comparables à celles qui existent chez les autres opérateurs pour des tarifs très supérieurs – de 20 euros par mois pour l'accès à l'internet et la voix ? Dans la mesure où cette nouvelle offre très attractive va entraîner la généralisation très rapide de l'utilisation de l'internet mobile, et donc une utilisation plus forte de la bande passante, n'y a-t-il pas là un risque de saturation des réseaux mobiles de troisième génération ?
La contraction possible du chiffre d'affaires des opérateurs de téléphonie mobile du fait de l'irruption de Free sur le marché ne risque-t-elle pas de diminuer leur capacité d'investissement dans les réseaux ? Dans ce cas comment gérer l'effet de ciseau entre l'augmentation du trafic et la baisse des investissements ?
Comment réagissez-vous à la fin du dogme de l'ARPU (average revenue per user ou revenu moyen par usager), mis à mal par Free, notamment par son offre d'une heure de téléphonie mobile et de 60 SMS pour 2 euros par mois ? Cette offre constitue une offre d'entrée de gamme très compétitive et aussi une réponse à une demande d'un accès téléphonique vraiment social. Le lancement des offres de Free risque-t-il de comporter des conséquences en matière d'emploi dans la filière des télécommunications ?
Comment un nouvel entrant peut-il ainsi bousculer le marché ? La semaine dernière, M. Xavier Niel nous a exposé que Free payait moins cher ses dirigeants et ses salariés que les autres opérateurs, mais que ceux-ci étaient plus fortement intéressés aux résultats. Il nous a aussi fait part de l'importance des marges des opérateurs mobiles déjà installés. Ces explications sont-elles les seules ? France Télécom Orange ne ferait-elle pas profiter Free d'un avantage particulier par l'intermédiaire de son accord de MVNO – mobile virtual network operator ou opérateur de réseau mobile virtuel ? Cet accord d'itinérance serait-il particulièrement intéressant ? France Télécom Orange consent-elle les mêmes conditions de tarifs et de services aux autres MVNO qui utilisent son réseau ?
Free nous a exposé avoir déjà installé 1 000 antennes actives et en avoir commandé plus de 5 000 autres, de façon à anticiper son engagement de couverture de 90 % de la population en 2018. L'accord d'itinérance fonctionne-t-il pour tout le territoire métropolitain, ou uniquement en dehors des zones couvertes par le réseau propre de Free ? Si l'accord vaut pour l'ensemble du territoire métropolitain, un risque de sous-déploiement par Free sur les zones couvertes par son propre réseau n'est-il pas à craindre ? Free pourrait alors recourir à l'accord d'itinérance en cas de surcharge de trafic sur son propre réseau.
Pourriez-vous aborder plus en détail la stratégie de France Télécom Orange en matière de déploiement de la fibre optique ? Le schéma retenu, qui découle pourtant très largement des réglementations européennes, suscite nombre de critiques.
Que des opérateurs privés comme France Télécom Orange ou, dans une moindre mesure, SFR, investissent dans le déploiement de la fibre est un point très positif. Comment garantir aux collectivités locales que vous allez tenir vos engagements de calendrier dans les zones sur lesquelles vous avez manifesté l'intention de la déployer ? La nouvelle donne sur le marché des mobiles peut-elle vous amener à revoir votre stratégie ?
Enfin, la pénurie annoncée des adresses IPv4 crée-t-elle une difficulté ? Le cas échéant, en quels termes se pose-t-elle aux politiques que nous sommes ?
Si l'État a largement profité de la vente de ce bien public que sont les fréquences, en ouvrant le jeu à un quatrième opérateur puis en imposant ses conditions pour l'accès à la 4G, il reste que les sommes ainsi récoltées ne le sont qu'une fois.
Aujourd'hui, le téléphone est pour les Français, avec l'énergie et le loyer, l'une des dépenses les plus contraintes. Cette dépense a bel et bien augmenté malgré la diminution des prix à périmètre comparable que vous nous indiquez : en effet, le périmètre de service s'est accru ! Tant les propositions commerciales que vous formulez que les outils utilisés pour les porter ne cessent d'avoir pour conséquence l'accroissement de la consommation des uns et des autres. En matière de sollicitation du consommateur, on touche à l'infini !
Le modèle de développement de la téléphonie mobile n'est-il pas en train de vaciller ? Que Free joue l'éléphant dans le magasin de porcelaine nous préoccupe. Un investissement permanent est nécessaire pour améliorer la qualité des réseaux, souvent loin du compte dans les endroits un peu reculés. Nous souhaitons le passage au très haut débit pour tous. En effet, comme l'a montré l'expansion du téléphone mobile depuis l'époque des Radiocom 2000, demain d'autres services appelleront d'autres usages qui nécessiteront un support plus performant. Comment le secteur peut-il continuer à investir dans la durée, dès lors que quelques coucous viennent y faire des « coups » sans forcément s'intéresser à la pérennité du système ? Lorsqu'un système s'écroule, chacun paye plus cher ; nous en avons d'autres exemples. Quel regard l'opérateur principal en France porte-t-il sur l'évolution du modèle ? Les actuelles annonces très alléchantes ne portent-elles pas le risque d'une mauvaise surprise future ?
Demain, à l'initiative du groupe UMP, et plus particulièrement de M. Christian Estrosi, se tient un débat sur « Fabriquer en France ». France Télécom Orange, entreprise dont une part significative du capital est encore détenue par l'État, donne-t-elle l'exemple en termes de choix de ses fournisseurs, équipementiers et autres sous-traitants fabriquant en France ?
Quel regard portez-vous sur la capacité des antennes relais – sur lesquelles j'ai travaillé ? Ce secteur d'activité est-il en passe de pacification ? Pensez-vous, au contraire, que tant que le législateur ne le réglementera pas mieux, vous resterez dans l'incapacité de déployer votre réseau aussi largement que vous le souhaiteriez ? Les opérateurs qui prétendent déployer tous azimuts des antennes les déploient-ils effectivement ? Il est parfois difficile d'y voir clair.
Monsieur le président-directeur général, vous avez évoqué le climat social à France Télécom Orange – qui a un temps touché le pays – pour exposer que la fierté d'appartenance était à la hausse et les chiffres du petit absentéisme à la baisse.
Comment appréhendez-vous la tâche stratégique qui est la vôtre – tâche immense eu égard à l'ampleur des effectifs – de transfert vers des fonctions commerciales d'anciens membres des équipes chargées des réseaux, dans des conditions telles que les traumatismes soient moins élevés que dans le passé ?
L'un des premiers projets de lois dont a été saisie la première assemblée dont j'ai été membre, en 2002, a concerné le sauvetage financier de France Télécom. Quels sont aujourd'hui les fondamentaux financiers de votre société ? Si elle reste, vous nous l'avez dit, très endettée, elle n'en dégage pas moins, notamment du fait de la rente du téléphone fixe, des résultats considérables. L'arrivée de Free dans le secteur du téléphone mobile ne va-t-elle pas faire rentrer une nouvelle fois France Télécom dans une zone de turbulences financières ?
De l'audition de M. Xavier Niel, la semaine dernière, nous avons clairement retiré l'impression qu'il existait un accord stratégique entre Free et Orange. Confirmez-vous l'existence de cet accord ? Se développera-t-il au détriment de SFR et de Bouygues Télécom ?
L'accord sur l'itinérance entre France Télécom Orange et Free, qui prévoit que, au-delà des 27 % de couverture imposés par l'ARCEP à Free à son démarrage, le réseau d'Orange viendra compléter celui de Free, est-il respecté ? Au contraire, France Télécom Orange intervient-elle aussi par l'utilisation de son réseau sur ces 27 % dus par Free ? En bref, la société Free a-t-elle une stratégie de constitution d'un quatrième réseau physique ou joue-t-elle d'abord une stratégie de premier MVNO de notre pays ?
Enfin, j'ai découvert que France Télécom Orange avait décidé de fibrer la ville d'Agen, dont je suis le maire. Si je m'en réjouis, en revanche, les conditions du fibrage – Agen comporte un centre ville très dense – et la date prévue – 2015 ou 2016 ne sont pas susceptibles de discussion. Monsieur le président-directeur général, seriez-vous ouvert à une véritable contractualisation, comportant un calendrier négocié ainsi que des droits et des devoirs ? Voulez-vous au contraire n'avancer qu'en fonction de vos disponibilités financières ?
L'accord d'itinérance passé entre Orange et Free suscite de nombreuses questions. Vous l'avez rappelé, monsieur le président-directeur général, le réseau de l'opérateur historique est aujourd'hui le meilleur de France. On peut penser que cette excellente implantation, cette couverture maximale du territoire ont pu exister grâce au caractère anciennement public de France Télécom. Car il a fallu équiper le territoire sans tenir compte des critères de rentabilité qui auraient poussé un opérateur privé à délaisser les zones peu denses, comme le cas peut se constater aujourd'hui. C'est donc parce que France Télécom s'appuyait sur la puissance publique qu'une couverture quasi-totale du territoire a été possible. La concurrence, en se développant et en déstabilisant les opérateurs, ne risque-t-elle pas de déboucher sur une réduction globale des investissements mais aussi des financements demandés par la puissance publique aux différents opérateurs du téléphone, notamment dans le domaine culturel ?
Au sujet de cet accord d'itinérance passe entre Free et Orange, M. Xavier Niel nous a parlé d'une somme modulée en fonction de l'intensité du trafic de Free, mais équivalente à un milliard d'euros sur six ans. Êtes-vous en mesure de confirmer ce chiffre ? Cela représente-t-il une opération intéressante pour Orange ? En d'autres termes, la société Orange a-t-elle intérêt à la bonne implantation du quatrième opérateur sur le marché ? Free serait-elle au contraire le vrai « low cost » d'Orange ? Si c'était le cas, on constaterait que les beaux discours sur les vertus de la « concurrence libre et non faussée » sont sans fondement, puisque c'est précisément l'intervention de l'État via son ancien monopole qui aura permis au nouvel entrant de pratiquer des tarifs plus intéressants pour les consommateurs, tandis que les autres acteurs privés de l'oligopole protégeaient abusivement leur rente de situation. M. Henri Proglio a déclaré un jour que l'objectif de l'opérateur public de l'énergie était de faire jouer à plein la concurrence de façon à devenir non plus un monopole public mais un monopole privé…
Les députés communistes et républicains ne cessent de demander une évaluation des conséquences de l'ouverture à la concurrence, notamment dans le secteur de la téléphonie. Pourquoi un tel bilan n'est-il pas réalisé ? Nous pourrions mesurer les effets réels des privatisations et des ouvertures de capital – et notamment de celui de France Télécom Orange. Cette étude pourrait d'ailleurs traiter des conséquences de ces mouvements non seulement pour les consommateurs, mais aussi pour les conditions de travail des salariés de ces entreprises.
Je souhaite aussi vous interroger sur la différence des tarifs entre Free Mobile et Orange. M. Xavier Niel nous a indiqué que vos offres n'étaient pas compétitives du fait du volume des dividendes que vous versez à vos actionnaires – dont l'Etat. Cette politique nécessiterait de votre part la préservation de marges très importantes, au détriment de vos abonnés. Confirmez-vous ce scénario ? Orange compte-t-elle consentir à baisser son chiffre d'affaire moyen par client – ou ARPU – pour, sinon s'aligner sur les prix de Free, au moins tenter de modérer l'écart qui sépare les offres ?
Sur la portabilité, le ministre Eric Besson vous a écrit avant-hier, je crois, une lettre, vous demandant de veiller à ce que le délai légal de trois jours pour changer d'opérateur tout en conservant le même numéro soit respecté. Que comptez-vous faire pour améliorer la situation au sein du groupement d'intérêt économique (GIE) chargé de cette opération ?
J'ai évoqué à l'instant les conditions de travail à France Télécom Orange après l'ouverture du capital. Comment voyez-vous l'évolution de l'emploi dans le secteur après l'arrivée du quatrième opérateur, et plusieurs années de restructurations ? Vous avez indiqué que le plan de 10 000 recrutements s'arrêtait en 2012. Orange va-t-elle céder aux sirènes de la réduction des coûts pour tenir le choc de la déstabilisation, ou compte-t-elle au contraire recruter pour faire face à cette nouvelle concurrence ?
Si nous avons été surpris par l'agressivité des offres de Free, je tiens à souligner qu'elles sont des offres de « SIM only », c'est-à-dire des offres d'accès au réseau sans financement du terminal. Nous autres, opérateurs, avons tous lancé depuis un an des offres – accessibles seulement sur le web – qui ne comportent qu'un volume de communication, et donc aucune offre en matière de terminal. Ce sont ces offres qu'il faut comparer à celle de Free. Aujourd'hui, 80 % des Français qui se dirigent vers un opérateur souhaitent que l'offre qui leur sera proposée inclue celle d'un terminal – les Français changent de terminal en moyenne tous les 18 ou 24 mois. Une fois intégré le financement d'un terminal, les offres de Free sont beaucoup moins intéressantes.
Malgré l'augmentation des usages, dont nous ne pouvons que nous réjouir, le risque de saturation des réseaux sera d'autant moins grand si Free construit son propre réseau. La première des obligations que lui impose sa licence de quatrième opérateur – obligations dont la satisfaction est vérifiée par l'ARCEP – est du reste de construire un réseau.
Notre propre réseau, qui héberge Free pour une prestation d'itinérance, est dimensionné pour accueillir le trafic issu de celle-ci. Aujourd'hui, il n'y a donc pas de risque de saturation. Mais la situation doit être suivie quasiment au jour le jour en fonction des déplacements des trafics. Nous devrons certainement procéder à des ajustements sur certains goulots d'étranglement.
L'investissement va-t-il diminuer ? Cette question touche au changement du modèle économique du mobile en France qui pourra éventuellement suivre l'arrivée du quatrième opérateur. Jusqu'à ce jour, le marché présentait un certain équilibre, à un certain niveau de prix – finalement plutôt compétitif au regard du contexte européen – avec un niveau d'investissement en réalité élevé, qui a permis de construire des réseaux performants. La nouvelle donne va aboutir à un nivellement à la baisse de cette situation. Nous constatons, à la lumière de la situation des pays européens, que, pour les abonnements « SIM only », la France va faire partie des pays les moins chers du monde. Aujourd'hui, le pays où ces forfaits sont les moins chers, c'est l'Autriche. L'arrivée de Free nous conduit vers le modèle autrichien. À ce stade, nous pouvons avoir, malgré tout, quelques inquiétudes pour les conséquences de cette évolution sur l'investissement : l'ensemble des ressources jusqu'ici à la disposition des opérateurs pour investir vont en effet diminuer.
Il n'y a pas de fin du dogme de l'ARPU. Les principaux tenants de ce dogme sont en effet nos amis de Free ! Ils sont tout à fait habiles pour, à partir d'offres proposées à des prix très bas, développer des stratégies de « montée de l'ARPU » ! Leur politique en matière de téléphone fixe en témoigne. La société qui détient le record de marge sur le fixe, c'est Free ! La marge brute sur les activités internet y représente en effet 39 % du chiffre d'affaire ; elle est supérieure à celle de France Télécom Orange sur la téléphonie mobile !
Aujourd'hui, personne ne peut satisfaire ses besoins de communication avec une seule heure de communication et 60 SMS par mois. L'usage moyen, c'est plutôt 400 à 500 SMS par mois pour les clients au forfait. En réalité, aussi impressionnant qu'il soit, l'abonnement à 2 euros ne correspond pas aux usages de nos concitoyens, quelle que soit leur catégorie sociale.
Il est aujourd'hui trop tôt pour évaluer les conséquences sur l'emploi de l'arrivée d'un nouvel opérateur. Nous devons aussi distinguer les emplois directs chez les opérateurs, les emplois indirects dans l'ensemble de la filière, notamment chez les sous-traitants, et enfin les emplois délocalisés.
Comment Free a-t-elle pu lancer de telles offres ? La base en est le mécanisme d'asymétrie des terminaisons d'appels et de SMS. En cas de communication entre deux opérateurs – qu'il s'agisse de voix ou de SMS –, une facturation réciproque est effectuée. Lorsqu'un nouvel opérateur entre sur un marché, les usages sont que, pour faciliter son arrivée et encourager la concurrence, un avantage lui soit donné. Cet avantage est constitué par une asymétrie dans la facturation. Plus précisément, le nouvel opérateur touche davantage d'argent lorsqu'il bénéficie d'une communication venant d'un réseau tiers que lorsque lui-même utilise ledit réseau tiers.
Sans revenir sur le principe même de l'asymétrie – il ne serait aujourd'hui pas tout à fait honnête de considérer que toute asymétrie est scandaleuse –, il faut souligner cependant que le modèle économique de Free est basé sur le bénéfice d'une terminaison d'appel sur les SMS extrêmement élevée. Les dirigeants de Free ont fait savoir publiquement qu'ils attendaient une terminaison d'appel de 2,85 centimes d'euros par SMS. Or ce niveau est inadmissible et injustifié ; il revient à faire financer le développement de Free par l'ensemble des autres opérateurs. Compte tenu de l'usage moyen d'un utilisateur d'un téléphone mobile, retenir la proposition de Free reviendrait à faire financer par les autres opérateurs le forfait de 19, 99 euros à hauteur de presque 10 euros. C'est ce mécanisme de la terminaison d'appel qui permet à la société Free de formuler les tarifs qu'elle offre.
Dans le cadre de la consultation ouverte par l'ARCEP, nous allons donc mettre en évidence ce qui nous apparaît comme une demande parfaitement injustifiée. Autant, pour la voix, on peut admettre une petite asymétrie pendant une période provisoire, autant il est pour nous absolument exclu de voir se mettre en place un système qui reviendrait à faire financer les offres de Free par tous les opérateurs du secteur.
Enfin, même si, par malheur, une asymétrie devait être instaurée sur les terminaisons SMS – à un niveau, j'espère, inférieur à celui réclamé par Free – elle ne sera que provisoire. Dans ces conditions, la question est celle de la soutenabilité du modèle tarifaire de Free une fois l'asymétrie provisoire disparue.
M. Niel a en effet effectué plusieurs déclarations, y compris devant votre Commission, sur son modèle social. Free serait une sorte de coopérative ouvrière ou chacun serait payé au même tarif, où le dirigeant ne toucherait qu'un ridicule salaire annuel de 173 000 euros, 70 % du capital de la société appartenant à ses salariés. Mais si M. Niel ne se paye que 173 000 euros, les comptes publiés l'an dernier par la société Iliad indiquent qu'il a touché 14 millions d'euros de dividendes ! Par ailleurs, si, en effet, un peu plus de 65 % du capital sont détenus par les salariés, M. Niel en détient à lui seul 62 % !
L'accord d'itinérance mérite aussi quelques explications. Le cahier des charges de la licence 4G – rédigé il y a quelques années, à un moment où le développement de l'internet mobile n'était pas ce qu'il est devenu et où l'importance d'un accès à la 3G pour un nouvel opérateur n'avait sans doute pas été anticipée – prévoyait un droit du quatrième opérateur à l'itinérance 2G.
Comme tous les opérateurs qui hébergent des MVNO, nous avons engagé, l'an dernier des discussion avec Free sur l'itinérance 2G, prévue dans le cahier des charges. La question de l'itinérance 3G, pour laquelle aucune obligation n'était prévue, est bien sûr rapidement apparue. Nous avons alors considéré que le droit à cette itinérance 3G finirait par être instauré : comment le Gouvernement aurait-il pu, alors que l'impossibilité d'accès à la 3G était devenue impensable, accepter que ladite 3G reste fermée au quatrième opérateur ? Or, l'ARCEP disposait – entre autres – d'un outil juridique, le règlement des différends, pour la lui faire ouvrir. Juridiquement, l'institution de l'accès du quatrième opérateur à la 3G était inéluctable.
De plus il était tout à fait souhaitable que les opérateurs de téléphonie mobile ne soient pas, en sus des nombreuses critiques formulées à leur encontre, taxés de surcroît de fermer l'accès du nouvel entrant à la 3G.
En réagissant plus vite que les autres opérateurs, France Télécom Orange a donc été pragmatique.
Le contrat d'itinérance étant un contrat commercial entre deux entreprises, ses conditions sont de ce fait confidentielles. Je ne peux juste exposer ici qu'elles ne confèrent aucun avantage à Free en matière de droit d'accès à l'itinérance sur le réseau de France Télécom Orange. Âprement négociées, elles sont tout à fait compétitives pour France Télécom Orange au regard des conditions consenties aux autres MVNO. M. Niel a du reste lui-même exposé à votre Commission qu'Orange n'était pas l'opérateur financièrement le mieux disant – ce qui prouve qu'il a aussi négocié avec les autres opérateurs mobiles ! –, mais qu'il nous a choisis pour la qualité de notre réseau, qu'il a considéré comme le meilleur. Autrement dit, à travers ce contrat d'itinérance, nous avons défendu les intérêts d'Orange et fait oeuvre utile pour le secteur et le consommateur en débloquant l'accès du quatrième opérateur à la 3G. Enfin, ce n'est pas ce contrat d'itinérance mais les conditions de la terminaison d'appel attendues par Free qui permettent à cette société de proposer les offres que vous connaissez.
Si la réalité du déploiement du réseau de Free est évidemment essentielle, la réponse sur ce point relève non pas des opérateurs, mais de l'ARCEP. C'est en effet le régulateur qui est en charge de la vérification de ce déploiement. Cette mission est délicate : ce n'est pas parce que des antennes sont installées qu'elles sont forcément activées en permanence, ni avec la puissance pertinente… De plus, un réseau de téléphonie mobile n'est pas constitué seulement d'antennes ; il se compose aussi d'une sorte d'autoroute de fibre optique, dite « backbone », et de réseaux de collecte. Pour qu'il fonctionne correctement, l'ensemble de ces éléments doivent être opérationnels. Comme les autres opérateurs, j'attends que l'ARCEP s'assure rapidement que Free remplit bien ses obligations : l'itinérance n'est en effet accessible à Free qu'à partir du moment où cette société satisfait bel et bien à l'obligation de couverture de 27 % qui lui a été imposée.
Les évolutions dans le domaine de la téléphonie mobile ne vont pas remettre en cause les efforts d'investissement d'Orange dans la fibre optique. Quelle qu'en soit la difficulté, il est essentiel pour son avenir qu'Orange réussisse le déploiement de la fibre. Cette action sera sanctuarisée, y compris en termes d'investissements. La fibre est le réseau du futur. Nous devons y être l'opérateur de référence. Le réseau en cuivre – que nous devons continuer à faire vivre – est un héritage du passé.
Pour garantir aux collectivités locales le respect des engagements que nous prenons, il nous faut aller à leur rencontre plus que nous le faisons : chaque situation est spécifique.
Cela dit, beaucoup de progrès me semblent avoir été accomplis depuis quelques mois, notamment en matière de mutualisation des réseaux entre opérateurs. Le déploiement de ces réseaux est très coûteux. En France aujourd'hui, ni les collectivités locales, ni les opérateurs, ni l'État n'ont les moyens de financer des réseaux redondants. Même si le modèle choisi a été celui de la concurrence par les infrastructures, nous devons tous nous efforcer au maximum d'éviter le gaspillage et les redondances, et finalement la gabegie. Cela passe par une meilleure articulation avec les collectivités locales pour toutes les zones dans lesquelles l'investissement privé ne pourra pas suffire à apporter la fibre et par la mutualisation. Je rappelle sur ce point qu'à l'initiative d'Orange, des accords nationaux ont été signés entre tous les opérateurs, Free, Bouygues Télécom, SFR et Orange. Il y a là aussi une forme de garantie à l'égard des collectivités locales : les opérateurs privés ont été assez pragmatiques pour trouver entre eux des accords leur permettant un usage aussi efficace que possible de leurs ressources.
La pénurie à venir des adresses IPv4 est certaine. Nous considérons qu'elle interviendra d'ici deux ans environ. Pour y pallier, aujourd'hui, un nouveau corpus d'adresses, le corpus IPv6 – que, chez Orange, nous avons très fortement soutenu – est en place. À la date d'aujourd'hui, nous avons conduit l'ensemble des actions qui nous permettront d'adapter nos réseaux et de gérer la période de transition entre les adresses IPv4 et IPv6, de façon à ce que celle-ci soit fluide et sans répercussion pour les utilisateurs.
Monsieur Brottes, selon l'INSEE, la part du budget des ménages consacrée aux dépenses de téléphonie, fixe et mobile, est stable en France depuis dix ans. Bien sûr, cette constatation n'est pas toujours vraie sur un plan microéconomique : les parents de familles nombreuses doivent bien constater l'ampleur de la dépense…
Même si le « low cost » ne concerne pas seulement le secteur de la téléphonie, je voudrais en faire le bilan pour l'État dans notre secteur. C'est une très bonne nouvelle pour le consommateur, nous dit-on. Cela est sans doute vrai à court terme. Il reste que le consommateur est aussi contribuable. Or, pour celui-ci, l'arrivée du quatrième opérateur est une très mauvaise affaire. L'État y apparaît comme le grand perdant. Depuis l'annonce de l'arrivée du quatrième opérateur, la valeur de sa participation au capital de France Télécom a diminué de près de 4 milliards d'euros, somme qu'il faut comparer aux 240 millions d'euros que lui a rapportés la vente de la licence. On peut penser aussi qu'en cas de diminution de l'ARPU, les bases taxables à l'impôt sur les sociétés vont baisser, de même que les bases sur lesquelles sont assises de nombreuses taxes parafiscales, dont celle qui finance la culture. Si le bilan de l'affaire ne pourra être établi que dans quelques années, il n'est pas déraisonnable d'avoir quelques inquiétudes.
Privilégier le « made in France » est difficile aujourd'hui. Dans notre filière, vous le savez, mis à part les semi-conducteurs, la production localisée en France est malheureusement devenue assez marginale ; même les fabricants de nationalité française, comme Alcatel, produisent pour l'essentiel hors de France. Pour autant, notre politique dans ce domaine est responsable. Pour tous les équipements de coeur de réseau, nous privilégions clairement l'Europe, et, au sein de celle-ci, la France. Notre principal fournisseur de box est SAGEM, qui fait fabriquer les siennes pour l'essentiel en France. En revanche, il n'existe presque plus de fabrication de terminaux mobiles dans notre pays. Nous voulons aussi être une entreprise très responsable envers la sous-traitance et les start up, technologiques ou de services.
Monsieur Brottes, je veux aussi rendre hommage au travail que vous avez accompli en matière d'antennes au titre du COMOP. Même si ce n'était pas facile, il était esesntiel que ces travaux soient conduits, notamment pour mettre en évidence certaines réalités. L'affaire est cependant loin d'être réglée. Il est difficile d'y introduire de la rationalité. Face aux études scientifiques, il existe des peurs collectives ; il faut en tenir compte. Les précédents que nous avons pu connaître sur les grands sujets de santé publique doivent tous nous inciter à un peu de mesure et de modestie. Si le débat sur les antennes est légitime et doit avoir lieu, il nous faut sans cesse travailler à le ramener à des bases objectives et rationnelles. Dans ce dossier, l'articulation avec les collectivités est nécessaire : elles sont sous la pression des usagers ! Il nous arrive assez souvent de nous trouver face à des élus qui à la fois nous demandent de retirer des antennes et protestent sur la qualité de la couverture ! Le travail de concertation engagé permettra, je n'en doute pas, l'émergence de solutions correctes.
L'essentiel des redéploiements des personnels du secteur technique vers le secteur commercial est désormais réalisé. La difficulté que nous avons désormais à affronter est la revitalisation des métiers techniques. Non seulement le corps social de l'entreprise est vieillissant – la moyenne d'âge y est de 48 ans – mais c'est dans ces métiers que ce vieillissement est le plus accentué. Du fait des nombreux départs de l'entreprise à prévoir dans les prochaines années, il nous faut en préparer le renouvellement et la régénération démographique.
La structure financière de l'entreprise est aujourd'hui saine. Elle lui permet de faire face à un certain nombre de défis. L'entreprise conduit une gestion prudente, de « bon père de famille ». Sa solidité financière ne doit susciter aucune inquiétude. Ainsi, le rapport entre la marge brute – ou EBITDA en jargon financier – et la dette est de 2 chez France Télécom Orange. Autrement dit, le montant de la dette est égal au double de la marge brute annuelle. Ce ratio est l'un des plus bas de l'industrie des télécommunications dans le monde. Cette situation explique que notre notation soit l'une des meilleures du secteur, et notre risque de crédit évalué comme l'un des plus bas. Notre situation financière est aujourd'hui très saine.
Allons-nous rentrer dans une zone de turbulences ? La responsabilité de l'équipe dirigeante de France Télécom Orange est bien de conduire l'entreprise dans ce nouveau cycle de sorte à ce qu'elle préserve ses marges et ses moyens d'actions, et qu'elle s'adapte au nouveau contexte qui s'impose à elle.
Il n'existe aucun accord stratégique entre Orange et Free. La concurrence entre nos deux sociétés sur le marché de détail est au contraire acharnée. L'accord d'itinérance est sans conséquence sur cette concurrence.
Le chiffre d'un milliard d'euros sur six ans est une simple estimation. Il pourra en réalité être plus élevé. Tout dépend du volume du trafic qui passera dans le cadre de l'accord d'itinérance.
Le débat sur les dividendes revient régulièrement au sein du conseil d'administration de France Télécom, entre tous les actionnaires et les représentants des salariés – qui siègent à tous les conseils, avec voix délibérative. France Télécom est une entreprise cotée. Il nous est impossible de nous abstraire de cette situation, et de déconnecter la stratégie que nous menons envers nos actionnaires – dont 75 % sont des personnes privées, fonds bien sûr mais aussi actionnaires individuels, au nombre de plus d'un million en France – de celle des entreprises qui nous sont comparables. À la Bourse, les comparaisons sont permanentes ; rien n'y est plus facile que d'y substituer un placement dans une entreprise de télécommunications à un autre. Le baromètre pertinent est celui du pourcentage de la richesse dégagée par l'entreprise qui retourne à ses actionnaires. Jusqu'ici, nous avons distribué chaque année à nos actionnaires sous forme de dividendes environ la moitié de notre cash flow annuel, alors que la moyenne du secteur est plutôt de 60 ou 65 %. Évidemment, cette politique n'est pas gravée dans le marbre. Tous les ans, nous débattons sur le dividende. Même si un engagement a été pris il y a deux ans, nous allons devoir reprendre cette discussion dans le courant de l'année 2012, de façon à évaluer notre politique de distribution à la lumière du nouveau contexte.
Enfin, le débat sur la portabilité et l'activisme de Free sur ce sujet sont assez agaçants. Mon impression est que la portabilité sert de point focal sur lequel on impute les difficultés de démarrage – par ailleurs bien compréhensibles – du nouvel opérateur. Dès qu'une difficulté se manifeste chez Free, c'est la faute des autres opérateurs !
La portabilité n'existe pas partout dans le monde, loin de là. Elle a constitué une grande victoire pour le consommateur. Son délai, actuellement de trois jours – ce qui fait déjà de la France l'un des pays les plus compétitifs dans ce domaine – sera peut-être prochainement réduit à un seul jour. Elle est techniquement gérée par un GIE composé de plus de 40 membres – dont Free depuis 2010. Ce GIE prend ses décisions en fonction des prévisions de volume de portabilité qui lui sont transmises par les opérateurs.
Nos amis de Free auraient pu penser que leurs offres, très agressives et comportant la proposition d'une carte SIM gratuite pour tous leurs abonnés à la téléphonie fixe, soit 4,7 millions de personnes, déclencheraient des flux considérables de demandes de portabilité. Alors qu'eux seuls connaissaient les offres qu'ils allaient mettre sur le marché, ils n'ont pas anticipé ces demandes. Face au volume des flux, le mécanisme du GIE n'a donc dans un premier temps pas pu fonctionner correctement. Depuis un mois environ, le GIE et tous les opérateurs travaillent sans relâche à augmenter la capacité de traitement. Celle-ci, jusqu'ici de 10 000 portages par jour, passera à 80 000 la semaine prochaine. Je récuse totalement le procès qui nous est fait.
Par ailleurs, les plaintes des clients de Free n'ont pas pour cause la portabilité ; leur difficulté, c'est qu'une fois la portabilité réalisée, ils ne peuvent plus utiliser leur téléphone ! En effet, leur opérateur précédent coupe alors, logiquement, le service. Mais leur nouvelle carte SIM ne leur a toujours pas été livrée ! Du fait ce cette carence, certains des nouveaux clients de Free sont revenus vers Orange.
Nous avons bien ressenti, à travers vos propos, le poids et la prégnance de votre univers concurrentiel. Vos explications étaient les bienvenues.
Revenons sur la rente que versent les autres opérateurs de téléphone fixe pour bénéficier de vos réseaux en fil de cuivre. En octobre denier, la commissaire européenne, Mme Nelly Kroes, a relancé l'idée d'abaisser les tarifs du dégroupage afin d'inciter les anciens monopoles à accélérer le déploiement de la fibre optique. Au même moment, une proposition de loi déposée au Sénat, inscrite à l'ordre du jour de sa séance publique du 14 février prochain, préconise la création de deux nouvelles taxes, perçues jusqu'en 2025: une « contribution de solidarité numérique » de 75 centimes par mois, assise sur tout abonnement à internet et à un forfait téléphonique mobile ; une taxe de 2 % sur le prix net de vente des téléviseurs et des consoles de jeux. Si l'on demande de tels efforts aux consommateurs, à quels efforts êtes-vous prêts, de votre côté, pour accélérer le déploiement de la fibre optique ?
Avec notamment l'arrivée de l'offre de Free, les consommateurs ont l'impression d'avoir été traités comme des vaches à lait. Le moment n'est-il donc pas venu pour vous de faire un pas vers eux, qui profiterait à la fois aux opérateurs et aux usagers ?
50 % de la population française n'a pas accès à l'offre dite triplay, comprenant téléphone, internet et télévision. Ainsi, des ménages paient des abonnements à internet plus onéreux alors qu'ils bénéficient de prestations moindres. Il y a là une inégalité dans les offres commerciales. Quelles propositions Orange peut-elle présenter pour y remédier ?
L'offre de Free suscite chaque jour son lot d'articles de presse, entretenant de la sorte un buzz continuel. Ainsi un quotidien économique titrait-il ce matin « Free mobile, l'onde choc sur l'économie numérique en France ». Cette onde de choc, si elle existe, risque-t-elle d'entraîner une restructuration durable du marché au-delà de son impact sur le prix des abonnements ? Quelles seraient ses conséquences sur l'économie de la filière ? Faut-il s'attendre à une pression à la baisse des prix d'achat de vos fournitures ? Je pense plus spécialement, au-delà du choix en faveur des produits made in France, à l'économie des équipementiers.
La polémique née de l'activation du réseau de Free a rappelé l'importance de l'accord d'itinérance que vous avez passé avec ce nouvel opérateur. Nous avons entendu ici, la semaine dernière, M. Xavier Niel, vice-président et directeur général délégué à la stratégie du groupe Iliad, dont relève l'offre de Free, tresser l'éloge de la qualité de votre réseau. Plusieurs de vos concurrents affirment aussi que c'est grâce à votre contrat d'itinérance que Free peut proposer des prix aussi bas. Avez-vous été contraint de signer ledit contrat ?
Que pensez-vous de la saisine de l'ARCEP par plusieurs syndicats de personnels, dont ceux d'Orange, à propos de l'activation du réseau, et de l'auto saisine de l'instance de régulation ?
Lors d'une émission télévisée, M. Xavier Neil a répété que l'un des critères distinguant les anciens opérateurs du nouvel entrant réside dans l'existence d'un réseau de boutiques. Il a également indiqué que le coût de gestion de celles-ci était marginal pour un opérateur. Quelle est votre analyse sur ce point ? Il affirmait enfin que, avec une offre à deux euros, il continuait de dégager une marge confortable, la valeur de la voix étant désormais supplanté par celle de la data. Qu'en pensez-vous ?
Il ressort des mesures effectuées par certains opérateurs que les appels passés dans certaines communes, censées être desservies par Free, transitent presque exclusivement par le réseau de France Télécoms. Pouvez-vous confirmer ou infirmer cette observation, et indiquer à notre commission quelle est la réalité du trafic supporté par France Télécoms au titre de l'accord dont il a été fait état ?
Concernant le RoIP et la migration vers le très haut débit, les réseaux ouverts d'initiative publique ont atteint, pour 80 % d'entre eux, leur stade de maturité, ce qui démontre la pertinence de l'action publique d'aménagement numérique du territoire et atteste de la capacité des collectivités locales, avec leurs partenaires privés, à assurer l'exploitation pérenne de réseaux à haut et très haut débit à un niveau de qualité de service conforme aux exigences des opérateurs clients, y compris sur le plan commercial.
Ce retour d'expérience constitue une aide précieuse pour la phase suivante de migration vers le très haut débit grand public. Celle-ci sera d'une autre ampleur financière et d'une plus longue durée, devant s'étaler sur 10 ou 20 ans, que celles qui l'ont précédée. Toutefois, les incertitudes liées à la finalisation du cadre règlementaire, à l'élaboration des règles relatives aux aides du fonds national pour la solidarité numérique (FSN) et à l'effectivité des déploiements annoncés par les opérateurs privés suscitent de nombreuses interrogations des collectivités territoriales quant à leurs possibilités d'intervention. Un tel manque de visibilité a retardé la conclusion de procédures lancées depuis plus d'un an, notamment dans le Loiret, la Savoie, la Haute-Savoie et le Calvados. Où en sommes-nous aujourd'hui, entre les déclarations d'intention et les engagements concrétisés ? Vous avez évoqué à cet égard les chiffres de 3600 communes et de 220 agglomérations, lesquels diffèrent de ceux que nous rapportent les collectivités concernées.
Que pensez-vous enfin de la péréquation entre les collectivités qui ont mis en place des réseaux et pris des initiatives aujourd'hui remises en cause ?
La semaine dernière, lors d'un entretien avec le journal Le Monde, M. Frank Esser, président-directeur général de SFR, se disait « frappé par la stratégie d'Orange qui, en signant l'accord d'itinérance, a permis à Iliad de sortir des forfaits si peu chers », précisant qu'il n'aurait jamais signé un accord pareil. Que répondez-vous à cette accusation à peine voilée ?
Dans la lettre adressée à l'ARCEP par les syndicats CFE-CGC et UNSA, ceux-ci estiment que Free a manqué à ses obligations réglementaires et réclament une enquête. Pourquoi ne souhaitez-vous pas intervenir directement pour obtenir une réponse à cette question ? Vous-en remettez vous à l'ARCEP ?
Les nouvelles technologies, pour la téléphonie mobile comme pour internet, visent aussi à atténuer des disparités. Or, depuis quelques années, celles-ci s'accroissent d'un territoire à l'autre. Les collectivités locales travaillent d'arrache pied à ce problème. Les pays et les départements essayent d'organiser des schémas directeurs, les régions recherchent la cohérence, l'État, notamment à travers le grand emprunt pour les investissements d'avenir, tente également d'accélérer le déploiement de la fibre optique. Mais les opérateurs privés, partenaires naturels de cette démarche, font défaut autour de la table, bien que leurs agents fassent preuve d'une grande qualité d'écoute des élus. Quelle est donc la stratégie d'Orange, opérateur historique national qui, de ce fait, nous inspire confiance ? Comment s'inscrit-elle dans notre objectif de déployer les réseaux à très haut débit sur l'ensemble du territoire, notamment dans les territoires ruraux très peu denses ?
Votre entreprise est très en pointe pour la gestion des ressources humaines. Vous avez ainsi signé un accord cadre national avec l'agence du service civique et vous vous efforcez de promouvoir les contrats d'apprentissage et d'alternance, que le président de la République entend par ailleurs renforcer. Quelle est votre stratégie sociale en direction des jeunes dans votre groupe ? Quels sont vos taux de transformation des emplois et de fidélisation des jeunes ?
Vous avez récemment déclaré sur Europe 1 que de nombreuses personnes voulaient se réabonner à Orange. S'agit-il d'une contre attaque psychologique de votre part ? Quelles sont les raisons les plus souvent invoquées par ceux qui désirent revenir à leur ancien opérateur ? Résultent-elles de déficiences de vos concurrents ou de leur insuffisante couverture du territoire, compte tenu de la meilleure desserte offerte par France Télécoms ?
Les personnes vivant en zones agglomérées accèdent à la téléphonie mobile sans difficultés, ce qui assure la rentabilité des réseaux. Mais, au nom de l'équité territoriale, comment entendez-vous compléter votre couverture des espaces ruraux, qui supportent une circulation de transit et dont les habitants sont néanmoins pénalisés ? Quels efforts êtes vous prêts à consentir en leur faveur ?
Vous avez indiqué récemment dans la presse que « la mamie du Cantal » n'avait pas besoin de la même offre numérique qu'un habitant de Paris. Je suis, pour ma part, élu de la Lozère, où votre formule n'est pas passée inaperçue. Notre collègue M. Vincent Descoeur, président du conseil général du Cantal et de l'association nationale des élus de montagne, vous a écrit pour dénoncer votre mépris à l'égard de nos populations, par lequel vous justifieriez un traitement inégalitaire de nos territoires.
Prononcés dans le contexte de l'arrivée de Free, vos propos ont peut-être dépassé votre pensée. Pourriez-vous donc nous rassurer en apportant quelques précisions sur votre stratégie en direction des territoires les plus ruraux ? Car, à côté des mamies, vivent là des jeunes, des travailleurs et des entrepreneurs qui ont besoin des mêmes services que les Parisiens.
Que pensez-vous des réseaux d'intérêt public pour le déploiement de la fibre optique ? Selon vous, quel rôle les collectivités publiques pourraient-elles jouer dans l'extension du très haut débit ? Quel partenariat peuvent-elles conclure avec les opérateurs ?
Le satellite ne pourrait-il, dans certaines zones, représenter une bonne solution technique ? Une de vos filiales, NordNet, a signé dernièrement un accord avec une filiale d'Eutelsat, Skylogic, afin de favoriser la diffusion d'internet par satellite. L'option satellitaire peut-elle offrir une alternative à la fibre optique ? Sera-t-elle économiquement abordable pour les usagers ?
Votre entreprise a vécu deux révolutions : l'une numérique, l'autre statutaire.
Le développement de la fibre optique fait apparaître une forte attente de la part du tissu rural. Sa satisfaction représente-t-elle un objectif démesuré pour Orange ou envisagez-vous des solutions de type intermédiaire ? Qui doit investir en ce domaine ? Certains départements, dont le mien (la Corrèze) ont déjà contribué à l'installation de réseaux en fibre optique, en collaboration avec RTE, qui gère des lignes à très haute tension (THT) et avec ERDF, qui gère le réseau de distribution de l'électricité. Des coordinations sont ainsi possibles. Cela fait-il partie de vos perspectives ? Envisagez-vous des conventions nationales, régionales, départementales ou locales dans ce but ?
Dans une entreprise aussi importante de la vôtre et dans un domaine aussi sensible que la téléphonie, certains dysfonctionnements ne sont pas anormaux. Mais nos permanences parlementaires recueillent beaucoup de doléances quant au mauvais fonctionnement des réseaux coaxiaux. Vos délégations régionales ont beau accomplir des efforts importants dans leurs relations avec leurs clients, un sentiment général de laisser-aller l'emporte dans le public. Nombre de contentieux donnent l'impression que l'on table sur l'usure des usagers. Avez-vous prévu un service après vente plus efficace ?
Comme les zones blanches, les zones frontalières connaissent aussi des problèmes de réception. C'est notamment le cas sur la côte ouest du Cotentin, proche des îles anglo-normandes. Vos facturations en tiennent-elles compte ?
Enfin, que pensez-vous de la position d'Orange au sein du CAC 40 ?
Dans quels pays européens entendez-vous vous développer ? Avez-vous déjà passé des accords dans ce sens ?
Je tiens à préciser, en l'absence de M. François Brottes, que nous ne sommes sous le charme ni de votre prédécesseur ni de vous-même. Nous accomplissons seulement notre travail de parlementaires, notamment en vous posant des questions.
Les zones reculées souffrent aujourd'hui du vieillissement du réseau en fil de cuivre. Si celui-ci représente 46 % du trafic national, ce taux monte à près de 80 % dans un département comme l'Ariège. Quels investissements réalisez-vous pour assurer la maintenance de ce réseau ? Certaines communes de montagne subissent en effet des ruptures de service par défaut d'entretien.
L'enfouissement des réseaux classiques a souvent fait l'objet de conventions avec les syndicats départementaux de distribution électrique pour supporter, selon des « appuis communs », le transport de l'électricité et de la téléphonie. Mais France Télécoms n'a pas toujours suivi le mouvement, parfois par manque de moyens financiers. On trouve ainsi souvent des fils au sol sur nos routes de montagne.
Nous tenions, en mars dernier, une table onde sur les smart grid. Orange déclarait alors qu'elle avancerait des propositions en la matière. Où en sont-elles ?
En Moselle, la communauté de communes de Cattenom a développé un vaste programme d'enfouissement des réseaux, aujourd'hui bloqué par des problèmes de convention avec France Télécoms Orange et d'interprétation de la loi du 17 décembre 2009 relative à la lutte contre la fracture numérique, dite « loi Pintat ». Des entreprises attendent, parfois depuis plusieurs mois, pour réaliser les travaux commandés. Lors d'un colloque tenu en septembre dernier sur la venue du très haut débit dans les territoires, votre directeur des relations avec les collectivités locales avouait que perdurait « une certaine cacophonie », car les agents de France Télécoms n'avaient pas tous suivi l'évolution du fonctionnement de leur entreprise, et déclarait que l'aide des collectivités était la bienvenue. Votre agence de Vendeuvre nous indiquait, en décembre dernier, qu'elle attendait un complément d'information de la direction nationale concernant le droit d'usage. Je suppose que ce problème se pose en d'autres endroits. Que comptez-vous faire pour débloquer la situation ?
À la suite de l'arrivée de Free sur le marché de la téléphonie mobile, vous avez affirmé que vous restiez serein et opposé au low cost. Mais, quelques jours après la parution des offres de forfait mobile de Free, vous avez lancé le forfait économique « Sosh », pour deux heures de communications téléphoniques par mois et SMS illimités, à 9,90 euros. Comment expliquez-vous ce revirement ?
Lors d'un entretien donné à BFM le 23 janvier dernier, vous avez évoqué la déception de certains nouveaux abonnés de Free mobile, qui déjà veulent revenir chez Orange. Quelle part du marché cela représente-t-il ?
Le contrat d'itinérance que vous avez conclu avec Free stipule que le réseau propre de cet opérateur doit couvrir 27 % du territoire comme condition lui permettant d'utiliser le vôtre pour les trois quarts restants. M. Xavier Niel nous a assuré remplir cette condition selon le constat établi par l'ARCEP. Ne pensez-vous pas que cet accord permet à Free de disposer d'un réseau aussi étendu et de même qualité que celui d'Orange pour un prix extrêmement raisonnable ?
Vous semblez, monsieur le président directeur général, en position défensive par rapport à Free. Vous n'avez aucune raison de l'être et il faut maintenant clore ce débat. Si le low cost représente un danger, il faut aussi rappeler que la concurrence est saine. Vous avez tout à l'heure considéré que le contribuable serait inévitablement sollicité à terme ; il n'empêche que l'élargissement de l'assiette par l'augmentation du nombre d'intervenants accroît aussi celui des contributeurs.
Je m'associe aux questions déjà posées sur l'enfouissement des lignes, problème auquel nous sommes tous confrontés dans nos circonscriptions.
Je rappelle, à propos de « la mamie du Cantal », qu'il faut en effet penser aux zones rurales, indispensables au développement économique et nécessitant pour cela des réseaux de communication.
Vous avez indiqué que le développement de la fibre optique constituait votre priorité. Je le constate sur le terrain. Votre volonté est certaine mais doit se traduire sur l'ensemble du territoire. M. Xavier Niel précisait ici la semaine dernière que les investissements de Free dans ce domaine représentaient plus de deux fois ceux d'Orange, ce qui paraît contradictoire avec vos déclarations sur « la sanctuarisation » de la fibre optique. Qu'en est-il exactement ?
Les dégroupages ont provoqué quelques mécontentements, résultant de pertes régulières de synchronisation des live box. Il semblerait que les suppressions de lignes de France Télécoms soulèvent quelques problèmes techniques quant à la continuité du service. Pouvez-vous nous éclairer à ce sujet ?
Comment réagissez-vous à l'arrêt de la Cour d'appel de Paris qui confirme la décision de l'ARCEP contestant vos modalités d'accès à la fibre optique dans les immeubles situés en zones très denses ?
Comment allez-vous tenir votre rang compte tenu de la pression sur les tarifs exercée par vos concurrents, alors que vos résultats ont stagné pendant plus de deux ans, que le cours de votre titre en bourse a baissé en 2011 et que 2012 ne s'annonce pas meilleure ? Cela explique-t-il vos ventes d'actifs, comme la récente cession de votre filiale suisse ?
On a longtemps regretté l'insuffisance de concurrence dans le secteur de la téléphonie mobile. On a même dénoncé des ententes entre opérateurs. Mais, du point de vue de la protection des consommateurs, le principal problème réside dans des engagements dont ils sont prisonniers pour des durées très longues et dont les clauses de renouvellement ne sont pas assez transparentes. Quelle est votre politique en la matière ? Que pensez-vous des offres sans engagement, pour 12 ou 24 mois ? Envisagez-vous aussi de proposer de telles formules ? Comment faire en sorte que les consommateurs deviennent réellement libres de changer d'opérateur quand ils le souhaitent.
Nous vous avons, monsieur le président directeur général, vraiment senti sur la défensive, surtout quand vous dénigrez, un peu facilement, la politique de Free.
Il est également un peu facile, concernant la rémunération des dirigeants, de mettre en avant les dividendes en face des salaires, alors qu'il s'agit évidemment de deux éléments bien différents.
La compétitivité des entreprises, dont il est beaucoup question en ce moment, doit en effet tenir compte du coût du travail. C'est pourquoi la rémunération des dirigeants, dans une société démocratique développée, doit également être connue, surtout dans une entreprise comme France Télécoms qui appartient encore pour 27 % à l'État.
Vous avez dénoncé le low cost, notamment l'abonnement à deux euros. Il répond pourtant à des besoins et s'adapte aux capacités financières des ménages, aujourd'hui de plus en plus réduites.
Sans les délégations de service public (DSP) ou la création de syndicats mixtes, France Télécoms ne serait pas venue spontanément développer des réseaux numériques sur de nombreux territoires. Il y a donc aujourd'hui un certain rattrapage à effectuer.
Sur le terrain de l'innovation et des nouveaux usages, c'est votre principal concurrent qui a développé la live box et le triple play … derrière lesquels France Télécoms a un peu couru. Comment pensez-vous reprendre la main dans ce domaine, sachant que vos clients ne sont plus ni captifs ni fidèles et que vous avez vous-même reconnu avoir enregistré des baisses de trafic, du moins à l'étranger, peut-être annonciatrices d'une dégradation plus générale de vos positions ?
Nous connaissons, en milieu rural, des difficultés avec le haut débit pour atteindre les habitations dispersées. Dans le département de la Haute-Loire, de jeunes couples venus s'installer à la campagne et reprenant de vieilles maison, réclament naturellement l'accès à l'ADSL mais ne bénéficient pas de tous les services qu'ils pourraient en attendre. Avez-vous des projets d'extension de la portée de l'ADSL à partir des autocommutateurs existants et dispersés dans nos régions ?
À la suite du buzz provoqué par l'initiative de Free, vous avez déclaré que personne ne sortirait gagnant de « ce show indigne qui a noyé les Français dans une désinformation », ce qui sous-entend que Free aurait trompé le public. Quelles informations cette entreprise aurait-elle cachées ?
La semaine dernière, M. Xavier Niel nous a déclaré qu'en France, la téléphonie mobile était chère et les prix n'avaient pas baissé pour 90 % des abonnés. Il a précisé qu'aujourd'hui, « pour un prix d'abonnement moyen d'un peu plus de trente euros, Iliad verse chaque mois à ses actionnaires un dividende de trente à quarante centimes. » et estimé que « si France Télécom réduisait le dividende qu'il verse aux siens, en ne versant pas les dividendes correspondant à son activité de téléphonie mobile, ses prix baisseraient de 50 % à 60 %. »
Le déploiement des antennes, complexe à mettre en oeuvre, constitue un sujet sensible pour nos concitoyens. Or, M. Xavier Niel nous a dit espérer anticiper son engagement de couverture de 90 % de la population en 2018 et avoir, pour cela, commandé 5 000 antennes. N'existe-t-il pas un moyen de mutualiser ce déploiement par une meilleure coopération entre les différents opérateurs de réseaux ?
Vous avez, monsieur le président directeur général, évoqué l'asymétrie des terminaisons d'appel. Or, la semaine dernière, le président de SFR a déclaré au journal Le Monde qu'il avait été frappé par la stratégie d'Orange qui, en signant l'accord d'itinérance, a permis à Iliad de proposer des forfaits aussi peu chers. Il a ajouté que lui-même n'aurait jamais conclu un tel accord. Interrogé par le quotidien Les Échos, le secrétaire général d'Orange a répondu qu'il n'avait pas eu vraiment le choix et expliqué que ses tarifs étaient cohérents avec ses coûts comme avec les accords passés avec les opérateurs mobiles virtuels. Il a précisé que le modèle économique de Free mobile reposait essentiellement sur la façon dont serait négocié le prix des SMS. La semaine dernière, M. Xavier Niel nous a effectivement expliqué qu'il négociait en ce moment la rémunération que vous avez indiquée, à hauteur de 2,85 centimes pendant six mois puis, éventuellement, à 2,35 centimes. Les discussions sont menées bilatéralement avec chaque opérateur, le nouvel entrant demandant, du fait de sa clientèle en devenir, à bénéficier d'une forte asymétrie des prix de terminaison d'appel. On parle même d'un coût de 1,5 ou de 1 centime par SMS. Où en sont ces négociations entre Free et Orange ?
Vous pouvez bien sûr, monsieur le président, répondre par écrit aux questions des intervenants qui portent sur un problème purement local. Elles leurs seront directement adressées mais ne figureront pas au compte-rendu.
Je vais essayer de grouper mes réponses par thèmes.
M. Frank Esser, président de SFR, parle du contrat d'itinérance qu'Orange a passé avec Free mais il n'en connaît pas le contenu. Il s'est donc un peu livré à un procès d'intention. Nous sommes, pour notre part, soumis à une obligation de confidentialité. Le contrat est déposé à l'ARCEP. Si la polémique persiste, nous examinerons dans quelles conditions nous pourrions rendre publiques ses stipulations. Nous montrerions ainsi que Free ne bénéficie d'aucun avantage particulier lié à l'itinérance pour présenter des offres à plus bas prix que ses concurrents.
Certains d'entre vous m'ont trouvé « sur la défensive ». En réalité, dans une réunion tenue il y a un mois et largement médiatisée, mes collègues du secteur et moi-même avons été traités d' « escrocs, de salopards », et nos clients de « pigeons ». Des attaques bien inutiles. Vous me pardonnerez donc d'avoir à coeur de défendre mon entreprise et ses 100 000 salariés, parfois choqués par de tels termes. Je suis donc venu remettre, sereinement, certaines pendules à l'heure en rappelant certaines réalités. Je n'ai jamais sous-estimé l'approche de Free, ni dénigré celle-ci en tant qu'entreprise. Je conteste seulement certains propos indignes et injustes.
Il en va de même pour le low cost, que je ne dénonce pas. J'indique seulement à votre commission qu'il convient de s'interroger sur le déferlement de tels modèles dans notre économie et notre société. Car, en tant que citoyen, encore plus qu'en qualité de chef d'entreprise, je me pose des questions : les consommateurs sont-ils aujourd'hui prêts à payer pour un service ? Comment une entreprise comme la nôtre peut-elle valoriser le fait qu'elle dispose de 1200 boutiques employant 12 000 salariés ? Pour le moment, Free en compte trois ! Nos centres d'appels occupent 24 000 salariés. On peut certes toujours citer des cas où la qualité de la relation avec le client n'était pas aussi bonne que nous le souhaitons. Mais nous accomplissons chaque jour des efforts pour l'améliorer. Encore faut-il que, en face, les clients le perçoivent et soient prêts à payer le service correspondant. Avec le low cost, disparaît la perception de la valeur des choses. Je ne suis pas, non plus, naïf sur les conséquences sociales et économiques, notamment pour l'emploi, que peut avoir le déferlement des offres à très bas prix.
Il est vrai que Free a introduit des innovations. Nous en avons apportées aussi. Nous travaillons à de nombreux projets pour l'avenir. Je ne mentionnerai ici que l'utilisation, maintenant prête sur le plan technique, des téléphones mobiles pour procéder à des transactions, notamment des paiements, pour intervenir dans le domaine de la sécurité, avec ce qu'on appelle le « sans contact », ainsi que pour accéder à des réseaux de transports publics, à des bâtiments, à des spectacles… La ville de Caen vient, à cet égard, d'expérimenter de remarquables formules.
Le NFC (pour near field contact) constitue en effet une technologie permettant de repousser encore la frontière et d'utiliser son téléphone mobile pour de nombreux nouveaux usages, à la fois simples et sécurisés grâce à la carte SIM.
Nous devrions faire à ce propos quelques annonces fortes dans les semaines qui viennent. Car la réponse d'Orange, qui ne récuse pas la compétition, mise à la fois sur les innovations techniques, sur la qualité de service, sur celle de son réseau et sur la proximité avec ses clients.
J'ai- je le reconnais - succombé à la tentation de rappeler que M. Xavier Niel, qui stigmatise les rémunérations des dirigeants, touchait aussi des dividendes. Pour Orange, comme pour toutes les entreprises du CAC 40, la rémunération du président directeur général est publique. Fixée par le conseil d'administration de France Télécoms, au même niveau que celles de mes deux prédécesseurs, elle s'élève, pour sa partie fixe, à 900 000 euros annuels, auxquels s'ajoute une part variable calculée selon plusieurs indicateurs, dont, pour 30 %, la satisfaction des salariés, dont j'ai demandé la prise en compte après avoir mis en place le baromètre social. Cette part peut atteindre 600 000 euros, que je n'ai jamais touchés et que je ne risque pas de toucher dans les mois qui viennent. Tout est donc parfaitement transparent.
La désinformation de Free consiste notamment à affirmer que les marges des opérateurs de téléphonie mobile et que les prix des services correspondants sont excessifs en France.
Toutes les nouvelles offres sont sans engagement du client. La nouvelle donne du marché, introduite par Free mais dès l'année dernière anticipée par les autres opérateurs, répond donc aux préoccupations exprimées pour la protection du consommateur. Celui-ci a aujourd'hui le choix entre des offres sans aucun engagement, y compris chez Orange, et des offres avec engagement, ce dernier étant imputable au financement du terminal. Dans leur grande majorité, les consommateurs ne veulent pas seulement un accès au service mais aussi disposer d'un appareil de téléphone. C'est pourquoi nous leur proposons une offre globale qui, dans ces conditions, comporte nécessairement un engagement.
Les engagements demandés aux consommateurs français se situent dans la moyenne de ce qu'on observe en Europe : dans certains pays, comme le Royaume-Uni, l'engagement peut atteindre 36 mois. Ainsi, le pays où les prix sont les plus bas est aussi celui où les durées d'engagement sont les plus longues.
Il ne faut donc pas se contenter de retenir un indicateur et d'en tirer une leçon générale.
Il est exact que nos résultats stagnent et que notre titre baisse : on ne peut nous demander, à la fois, d'intégrer l'arrivée d'un quatrième opérateur sans perdre notre clientèle, d'augmenter sans cesse nos investissements, notamment pour le développement de la fibre optique, de la boucle locale et de la 4G, et de faire flamber notre action en bourse avec des résultats en hausse. Compte tenu de cette difficile équation, nous nous efforçons de bien faire notre travail et de réaliser un équilibre qui bénéficie à toutes les parties prenantes de l'entreprise. Nous sortons d'une crise sociale très profonde, qui nous a contraint de rebâtir un projet et d'investir massivement. Il nous faut aussi tenir compte de nos actionnaires, qui sont plus d'un million, dont notre « mamie du Cantal » : je ne fais pas partie de ceux qui les méprisent, considérant comme normal de leur servir un dividende dans une économie de marché.
Les investissements dans la fibre optique furent un peu lents au démarrage pour les raisons que j'ai déjà mentionnées. À partir de 2012, ils s'élèveront à plus de 300 millions d'euros par an.
Je regrette sincèrement d'avoir déclenché une polémique à propos de la desserte des zones rurales, étant moi-même natif d'un petit village de Lozère. La mamie du Cantal est donc aussi la mienne. J'ai d'ailleurs appelé le président du conseil général du Cantal, M. Vincent Descoeur, pour m'en expliquer et je me rendrai à Aurillac le 13 février prochain. Je n'avais pas cherché à justifier une éventuelle fracture numérique entre territoires. J'avais simplement voulu dire qu'en matière de téléphonie mobile, je ne croyais pas - et je ne crois toujours pas- au forfait unique pour 65 millions de Français. Notre expérience du marché, accumulée depuis 20 ans, nous pousse plutôt à tabler sur une segmentation de celui-ci, naturellement jusqu' à un certain point afin de ne pas tomber dans une excessive complexité. Il nous faut apporter des réponses correspondant aux différents usages et adopter une stratégie de marketing qui en tienne compte.
Les questions locales, qui nous conduisent à effectuer un petit tour de France, ne pouvaient évidement concerner mon prédécesseur à cette tribune. Ce qui montre bien la force et l'importance de France Télécoms, pour tous les Français et pour tous les territoires.
L'investissement dans la boucle locale en fil de cuivre nous incite à récuser complètement l'idée selon laquelle il existerait une rente du cuivre. Les conditions d'accès aux réseaux de ce type sont fixées par le régulateur des télécommunications, qui arrête chaque année un prix du dégroupage, lequel est passé de 17 à 8, 80 euros depuis l'ouverture des réseaux et s'avère parfaitement compétitif par rapport à ce qu'on observe chez nos voisins européens. La meilleure preuve est en fournie par Free, qui a bâti une entreprise réalisant 39 % de marge sur les prix du dégroupage. Alors même que l'entretien du réseau en fil de cuivre nécessite des dépenses importantes : plus de 20 000 techniciens travaillent quotidiennement à sa maintenance, 400 millions d'euros d'investissements sont réalisés chaque année pour entretenir la boucle locale, la France compte 13 millions de poteaux téléphoniques. Il est aussi de notre devoir de faire vivre ce réseau, dans le cadre économique géré par le régulateur. On peut, bien sûr, considérer que nos efforts ne sont pas suffisants, notamment pour l'enfouissement des lignes, auquel nous consacrons tout de même 30 millions d'euros par an. Mais ce type d'investissement ne génère pour nous aucun revenu additionnel. Les arbitrages financiers s'en ressentent inévitablement, quand il nous faut par ailleurs affecter un milliard d'euros à l'achat de spectre. Quoiqu'il ne soit, nous maintiendrons le niveau de nos investissements dans la boucle locale.
Les smart grid sont pour nous un important axe de développement. Nous nous situons là dans l'application des technologies numériques à d'autres domaines que les télécommunications. Le numérique va peu à peu pénétrer tous les domaines de l'activité économique et même humaine. Des gains importants sont à attendre de l'efficacité énergétique, notamment avec le télé relevage des compteurs, d'au, de gaz et d'électricité. Nous avons déjà créé une société en commun avec Veolia et nous discutons dans le même but avec EDF et GDF Suez. Nous avons, l'année dernière, créé un programme stratégique destiné à coordonner toutes nos recherches dans ces domaines et à nouer les bons partenariats.
Nous constatons aujourd'hui en effet un certain retour de clientèle de Free vers Orange, qui s'explique de plusieurs façons : certaines personnes n'ont pas reçu de carte SIM et ont donc été privées de téléphone mobile ; le service client du quatrième opérateur s'est trouvé dépassé par les évènements, ce qui peut se comprendre mais ce qui a dû provoquer la lassitude d'une partie de la clientèle ; enfin nombre de consommateurs ont réalisé que leur besoin ne correspondait pas aux offres de Free, notamment quand ils voulaient un terminal. Par exemple, l'acquisition d'un I phone, appareil très demandé, coût beaucoup plus cher en passant par Free que par Orange.
Ainsi le marché se régule-t-il lui-même : une nouvelle offre arrive, un engouement se créé, les réalités finissent par l'emporter. Je rappelle aussi que Free compte 4,7 millions de clients en téléphonie fixe, dont beaucoup attendait l'offre mobile. Le succès de son démarrage n'a donc rien d'étonnant. Maintenant, les choses vont se stabiliser et un nouvel équilibre va apparaître, avec des baisses de prix. C'est pourquoi nous assumons parfaitement la diminution de certains de nos tarifs afin de riposter à Free. Que ne nous dirait-on si nous ne faisions rien ! On ne peut tout de même pas nous reprocher de réagir à l'arrivée d'un quatrième opérateur. D'autant que notre réaction s'intègre dans notre stratégie de segmentation et nous permet de miser sur nos atouts : la qualité de notre réseau, la proximité de notre clientèle et le service aux consommateurs. C'est ainsi que la fidélité de ceux-ci se renforce, même s'ils sont inévitablement plus volatiles que par le passé. Mais la plus grande facilité à changer d'opérateur joue dans les deux sens, conformément au jeu stimulant de la concurrence, dont nous nous réjouissons.
La couverture des espaces ruraux, sujet sensible, devrait être convenablement améliorée, en téléphonie mobile, grâce au très haut débit offert par la 4 G. La récente attribution de fréquences par l'ARCEP, pour le compte de l'État, prévoit une desserte de 99,6 % de la population et comporte des prescriptions précises relatives à la couverture des zones rurales, par le jeu de coefficients permettant de bonifier les offres, que tous les opérateurs ont choisi. La mutualisation devrait également y concourir.
Pour amener le très haut débit jusque dans les zones reculées, nous comptons essentiellement sur la technologie de la fibre optique mais pas seulement. Nous mettons en garde contre la formule « tout fibre », qui ne serait pas raisonnable compte tenu de la géographie et de la répartition de la population française, très différentes, par exemples, de celles du Japon ou de la Corée du sud. On ne pourra apporter à 100 % des Français 40 mégabits supplémentaires par seconde au moyen de la fibre optique. D'autres technologies s'avèreront plus performantes dans certaines zones. Ainsi du satellite : nous offrons déjà un service de ce type, à un débit de deux mégabits par seconde mais que nous pouvons augmenter. Ainsi également du VDSL (pour very high speed digital subscriber line), qui repose sur une montée en débit du réseau en fil de cuivre.
Il ne faut pas oublier que la fibre transporte le signal « de bout en bout » et que, pour être performante, il lui faut aller jusqu'au logement individuel et même jusqu'à l'écran, ce qui implique des travaux importants. Elle équipera certes de 80 à 90 % des nouveaux réseaux mais une partie des foyers français devra être raccordée au très haut débit par d'autres techniques.
Le déploiement de la fibre optique dans notre société apportera un bouleversement dans nos habitudes et revêtira inévitablement un aspect anxiogène. Il y a environ 25 ans, l'Union européenne a décidé que le secteur des télécommunications devait être ouvert à la concurrence, déréglementé puis soumis à régulation. Nous avons donc mis fin au monopole qui, dans les années soixante, avait permis de desservir toute la France par le téléphone, dans un temps très bref, et par le réseau de cuivre encore en place aujourd'hui.
La concurrence va initier, non pas une seule fibre mais peut-être 30 ou 40 modèles différents, avec, ici, des réseaux d'initiative publique, là, des délégations de service public, plus loin des réseaux propres à chacun des opérateurs, formant ainsi une mosaïque plutôt qu'un de ces jardins à la française que nous aimons tant depuis Colbert. Notre cadre juridique, français comme européen, n'offre pas d'autre option.
Par sa vocation et sa place dans l'histoire, Orange est bien décidée à jouer un rôle central et de référence dans une opération qui représente aussi pour elle un projet fédérateur.
Il ne s'agit plus de faire durer les réseaux en fil de cuivre pour en tirer le maximum de ressources mais d'investir dans la fibre car l'avenir appartient au très haut débit.
On nous accuse parfois d'essayer, à travers le déploiement de la fibre optique, de reconstituer une forme de monopole. Nous voulons simplement jouer le jeu tel qu'il a été ouvert, en ne prenant que notre part mais toute notre part. Ce qui explique à la fois les accords de mutualisation et les recherches de coopération, parfois empirique, avec les collectivités locales. Je signerai ainsi prochainement une convention avec la région Auvergne et les quatre départements qui la constituent sur le déploiement du très haut débit. Nous discutons avec de nombreuses autres régions.
L'installation de la fibre optique ne pouvant se réaliser qu'avec une forte participation des opérateurs privés, et sur une dizaine d'années, je me permets d'attirer l'attention du législateur sur l'importance d'un cadre règlementaire et fiscal qui soit le plus stable possible. Rien n'est pire que l'activisme législatif consistant à modifier en permanence les règles du jeu. C'est pourquoi nous sommes plus que réservés à l'idée d'instituer une forme de sanction financière à l'encontre des opérateurs, telle qu'on l'envisage au Sénat. Comment peut-on espérer inciter des entreprises privées à investir en les privant de leurs ressources ? C'est également valable à propos des déclarations de Mme Nelly Kroes sur le renchérissement de l'accès aux réseaux en fil de cuivre afin d'encourager les investissements dans la fibre optique. Prenons garde aux dispositifs qui feraient peser de tels risques économiques et financiers sur des opérateurs qui, du coup, hésiteront, ou même renonceront, à s'engager. Toute logique de sanction tuerait l'investissement privé. Mieux vaut définir des méthodes reposant sur la confiance et faisant appel à la contractualisation.
Chez Orange, nous croyons au modèle selon lequel nous assurons à nos clients une proximité géographique. C'est pourquoi nous disposons de 1200 points de vente et que nous n'avons pas l'intention de réduire ce réseau commercial. Ce modèle nous a permis de détenir plus de 40 % du marché de la téléphonie mobile et nous le considérons comme un atout dans l'actuel climat de compétition. Nous devons aussi convaincre nos clients que nos services ont une valeur et donc un prix, qui nous différencie des opérateurs ayant choisi une autre stratégie. C'est pourquoi nous prévoyons une montée en gamme de nos boutiques, avec la construction de très grands magasins – nous en sommes aujourd'hui à une quinzaine- un peu inspirés des Apple stores.
Je vous remercie de nous avoir apporté autant d'éclairages, notamment sur votre stratégie d'entreprise.
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Information relative à la commission
La Commission a nommé M. Bernard Gérard, rapporteur sur le projet de loi facilitant la construction de logements (sous réserve de son dépôt).
Membres présents ou excusés
Commission des affaires économiques
Réunion du mercredi 1er février 2012 à 10 heures
Présents. - M. Jean-Paul Anciaux, M. Jean Auclair, M. Thierry Benoit, M. Christian Blanc, M. François Brottes, M. Louis Cosyns, Mme Catherine Coutelle, M. Jean-Michel Couve, M. Jean-Pierre Decool, M. Jean Dionis du Séjour, M. William Dumas, Mme Corinne Erhel, M. Daniel Fasquelle, Mme Geneviève Fioraso, M. Jean-Louis Gagnaire, M. Claude Gatignol, M. Jean Gaubert, M. Bernard Gérard, M. François-Michel Gonnot, Mme Pascale Got, M. Jean-Pierre Grand, M. Jean Grellier, Mme Anne Grommerch, M. Louis Guédon, M. Gérard Hamel, Mme Conchita Lacuey, Mme Laure de La Raudière, M. Pierre Lasbordes, M. Michel Lefait, M. Jean-Marc Lefranc, M. Jacques Le Guen, M. Michel Lejeune, Mme Annick Le Loch, M. Jean-Louis Léonard, Mme Marie-Lou Marcel, M. Jean-René Marsac, M. Philippe Armand Martin, Mme Frédérique Massat, M. Kléber Mesquida, M. Jean-Marie Morisset, M. Jean-Pierre Nicolas, M. Daniel Paul, M. Germinal Peiro, M. Michel Piron, M. Serge Poignant, Mme Josette Pons, M. Jean Proriol, M. François Pupponi, M. Franck Reynier, Mme Chantal Robin-Rodrigo, M. Francis Saint-Léger, M. Alain Suguenot, M. Lionel Tardy, M. Jean-Charles Taugourdeau, M. Alfred Trassy-Paillogues, M. Jean-Michel Villaumé
Excusés. - M. Alfred Almont, M. Yannick Favennec, M. Henri Jibrayel, M. Jean-Yves Le Bouillonnec, M. Serge Letchimy, M. Louis-Joseph Manscour, M. Michel Raison, Mme Catherine Vautrin, M. René-Paul Victoria
Assistait également à la réunion. - Mme Marie-Noëlle Battistel