COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES
Mercredi 26 octobre 2011
La séance est ouverte dix heures.
(Présidence de M. Pierre Méhaignerie, président de la commission)
La Commission des affaires sociales examine, pour avis, les crédits pour 2012 de la mission « Travail et emploi » sur le rapport de M. Arnaud Richard sur les crédits relatifs à l'emploi, et sur le rapport de M. Francis Vercamer, sur les crédits relatifs au travail.
Monsieur le président, mes chers collègues, face à la crise économique et financière que nous connaissons depuis plusieurs années, la détermination du Gouvernement ne peut fléchir tant en matière de lutte contre le chômage et de développement de l'emploi qu'en matière de maîtrise des déficits et de réduction de la dette publique. On imagine donc aisément la difficulté qu'a dû représenter l'élaboration de ce projet de budget pour 2012.
Après trois années d'un niveau très élevé de dépenses en faveur de la politique de l'emploi, notamment grâce au Plan de relance, la mission « Travail et emploi » marque le pas en 2012 : d'abord en raison, précisément, de l'arrivée à échéance de nombreux dispositifs du Plan de relance ; ensuite, du fait de l'évolution de la conjoncture en 2011 – on a notamment observé une baisse du nombre de restructurations et de plans sociaux, permettant de « réduire la voilure » sur certains dispositifs ; enfin, parce que la dotation de la mission « Travail et emploi » doit, elle aussi, retrouver une évolution plus conforme à la programmation pluriannuelle et contribuer à la réduction nécessaire des dépenses publiques.
C'est donc avec une dotation en baisse de 12 % pour 2012 que je vous présente la mission « Travail et Emploi ».
Cette baisse s'impute principalement sur les crédits des programmes 102 et 103, c'est-à-dire sur les crédits de la partie « Emploi » de la mission, sachant que ces programmes concentrent plus de 90 % des crédits de la mission.
Très brièvement, sur la partie « service public de l'emploi » du programme 102, l'action 01, on constate tout d'abord, comme je l'ai dit en introduction, l'arrivée à échéance d'un certain nombre de dispositifs issus du Plan de relance, ou plus anciens, ce qui entraîne un moindre besoin de financement à hauteur de 600 millions d'euros.
Je ferai néanmoins observer que l'on ne trouve pas de financement pour l'allocation transitoire de solidarité censée prendre la suite de l'allocation équivalent retraite jusqu'en 2014. L'annonce de la création de cette allocation est sans doute arrivée trop tardivement pour figurer dans le bleu, mais il faudra qu'en séance, le Gouvernement explique ses intentions : soit il décide d'abonder cette ligne de crédits lors de la discussion budgétaire, soit il y pourvoit en gestion.
Je note que la subvention pour charges de service public de Pôle emploi est maintenue ; en revanche, celle des maisons de l'emploi est de nouveau présentée en baisse – une baisse de plus de 30 % par rapport aux crédits votés dans la loi de finances initiale pour 2011. Nous y reviendrons, comme tous les ans, à l'occasion de l'examen des amendements.
Toujours sur le programme 102, s'agissant des dispositifs destinés aux personnes les plus éloignées de l'emploi, il faut souligner le maintien en 2012 des objectifs prévus cette année en matière de contrats aidés, ainsi que la hausse des crédits destinés à l'emploi des personnes handicapées, conformément aux engagements pris lors de la Conférence nationale du handicap de juin dernier.
Le dispositif du contrat d'autonomie, qui a été prolongé en 2012, bénéficie d'une dotation confortable à hauteur de 46 millions d'euros en crédits de paiement, notamment grâce à un cofinancement du Fonds social européen (FSE) à hauteur de 19 millions d'euros. On signalera a contrario que si la subvention de l'État aux missions locales est bien reconduite, l'allocation prévue dans le cadre du dispositif des contrats d'insertion dans la vie sociale (CIVIS) a été recalibrée et ne devrait plus bénéficier en 2012 qu'à 135 000 jeunes au lieu de 150 000 aujourd'hui. Là aussi, nous y reviendrons.
S'agissant du programme 103, comme je le disais en introduction, l'hypothèse faite par le Gouvernement, lors de la construction de ce budget, d'un redressement de la conjoncture économique se traduit par une réduction, en parallèle : des moyens alloués à l'aide à la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences, d'une part ; de la contribution de l'État au financement des allocations du Fonds national de l'emploi (FNE) ou à la prise en charge de l'activité partielle, d'autre part. Cela représente une baisse des crédits de l'action 01 de plus de 28 %.
On constate cependant, sur cette même action, que les crédits affectés au financement du contrat de sécurisation professionnelle sont supérieurs aux crédits qui étaient consacrés, l'an passé, aux conventions de reclassement personnalisé (CRP) et aux contrats de transition professionnelle (CTP). La dotation est en effet de 87,2 millions d'euros.
S'agissant des moyens consacrés par l'État à la formation professionnelle et à l'apprentissage, en dehors de l'extinction de la prime pour l'embauche d'un apprenti supplémentaire et du dispositif « zéro charge » pour le recrutement d'un apprenti dans les entreprises de plus de dix salariés, les dotations 2011 sont maintenues. En revanche, elles ne le sont pas toutes par un abondement de l'État, certaines l'étant par une fraction du prélèvement que celui-ci entend de nouveau opérer sur le Fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels (FPSPP).
Nous aurons l'occasion d'évoquer à nouveau ce point au moment de l'examen des amendements, puisque l'un d'entre eux vise précisément à supprimer l'article 63 du projet de loi de finances. J'en profite néanmoins pour indiquer que ce prélèvement contribuera au financement de la mission « Travail et emploi » à hauteur de 300 millions d'euros.
Enfin, sur l'action 03, qui finance les dispositifs de baisse du coût du travail et de promotion de l'activité, on constate également une forte diminution de crédits, la plus importante du programme, qui résulte, d'une part, de la prise d'effet en année pleine de la suppression dans la loi de finances initiale pour 2011 de plusieurs niches sociales, et, d'autre part, de l'arrivée à échéance de l'aide à l'embauche pour les très petites entreprises (ATPE).
Au-delà des considérations budgétaires, qui nous préoccupent tous, j'ai souhaité, dans la partie thématique de mon rapport pour avis, m'interroger sur la territorialisation des politiques de l'emploi. Cette territorialisation est une démarche relativement ancienne, comme en témoigne la création des missions locales il y a près de trente ans. Mais elle reste une préoccupation actuelle, puisqu'elle constitue un des axes d'action retenus, le 18 février derniers, dans les conclusions du Comité interministériel des villes.
Je voudrais ici mettre l'accent sur certains de ses aspects qui me paraissent les plus importants.
S'agissant de Pôle emploi, tout d'abord, la territorialisation est un sujet de réflexion ancien, qui a fait l'objet de plusieurs rapports, mais qui, avec la fusion, s'est trouvé réduit à la seule question du schéma d'implantation territoriale de l'opérateur.
Cet aspect étant aujourd'hui quasiment réglé, il est temps que Pôle emploi fasse un effort d'adaptation de ses modalités d'action à la diversité des territoires et des publics qui s'y trouvent ; je pense en particulier aux zones urbaines sensibles et aux jeunes qui y résident.
Cet effort passe nécessairement par le développement de partenariats opérationnels, qui, on doit le constater, ne sont pas si nombreux que cela à fonctionner aujourd'hui. Dans cette perspective, il semblerait souhaitable que l'opérateur Pôle emploi laisse plus de marges de manoeuvre à ses directeurs territoriaux et à ses directeurs d'agence pour conclure des partenariats avec les acteurs locaux et les financer. Cette double dimension de territorialisation et de déconcentration devrait en tout cas être discutée dans le cadre des négociations qui sont en cours sur la nouvelle convention tripartite 2012-2014.
S'agissant des partenaires de Pôle emploi, on constate que le partenariat renforcé avec les missions locales fonctionne plutôt bien, même s'il devrait faire l'objet d'un pilotage plus rigoureux en termes de flux et de financement de ces flux.
La récente mission de l'Inspection générale des affaires sociales (IGAS) sur l'accès à l'emploi des jeunes des quartiers prioritaires de la politique de la ville estime par ailleurs que ce partenariat renforcé reste encore trop inégalitaire et devrait permettre à l'avenir une réelle mise en commun des outils disponibles ainsi qu'un accès homogène aux offres d'emploi des deux réseaux.
Je me suis évidemment interrogé sur la mise en oeuvre du contrat d'autonomie, puisque c'est aujourd'hui le seul instrument de la politique de l'emploi qui soit dédié aux jeunes des quartiers. Il est évidemment trop tôt pour en faire un bilan complet et ceux qui voudraient le mettre à mal dès à présent, pour des raisons purement comptables, se trompent.
Les premiers éléments de bilan dont le Gouvernement a disposé l'ont néanmoins convaincu de prolonger le dispositif jusqu'en 2012. Un tel dispositif, certes coûteux, porte ses fruits, puisque le taux de sortie positive, que ce soit en emploi ou en formation qualifiante, est de 42 % pour des publics très éloignés à la fois de l'emploi et des structures traditionnelles d'insertion dans l'emploi – Pôle emploi ou missions locales – et très peu qualifiés. Si je reconnais qu'il peut y avoir débat sur la méthode utilisée et sur le coût, force est de constater que ces résultats sont aujourd'hui beaucoup plus probants qu'au début de l'expérimentation, qui a eu beaucoup de mal à démarrer et qui, dans certains départements, n'aurait pas démarré sans l'aide des missions locales. Quant à savoir s'il faudrait transférer les moyens du contrat d'autonomie sur un CIVIS renforcé, comme l'a proposé l'IGAS, il me semble préférable d'attendre l'évaluation complète du dispositif.
Je souhaiterais rappeler, de manière plus générale, qu'aujourd'hui, la situation de l'emploi dans les zones urbaines sensibles (ZUS) est catastrophique, notamment pour les jeunes. Le taux de chômage des 15-24 ans a en effet augmenté de manière continue depuis 2007, passant de 32,1 % au 31 décembre 2007 à 41 % au 31 décembre 2009 selon les données de l'Enquête emploi. Ce taux de chômage était 1,8 fois supérieur à la moyenne nationale en 2007 ; en 2009, le rapport est de 2,2. Les chiffres à paraître dans le prochain rapport de l'Observatoire national des zones urbaines sensibles devraient montrer une nouvelle aggravation.
Une prise de conscience est nécessaire pour que la problématique des zones urbaines sensibles pénètre chaque instrument de la politique de l'emploi – conventions avec Pôle emploi, objectifs de contrats aidés, alternance. Chaque outil, chaque partenariat doit comporter un volet « ZUS ».
Le dernier Comité interministériel des villes de février 2011 a produit à cet égard un certain nombre d'analyses et de propositions, dont les plus importantes sont reprises dans le rapport. Cela me semble fondamental.
Enfin, je voudrais conclure mon propos sur les services publics de l'emploi locaux (SPEL), qui ont été relancés au mois de février dernier par M. Xavier Bertrand. Celui-ci a souhaité mobiliser les sous-préfets pour qu'ils les animent et leur fixent des objectifs précis.
Il est difficile aujourd'hui de porter une appréciation définitive sur cette initiative. Certains la trouvent parfaitement inutile ; d'autres craignent qu'elle ne se traduise par un surcroît de complexité. Personnellement, je crois beaucoup à l'idée d'une reprise en main de la politique de l'emploi par ceux qui la font au quotidien sur le terrain. Pour avoir assisté la semaine dernière à une réunion d'un service public de l'emploi local, j'ai pu en mesurer l'utilité, au moins en tant qu'instance de dialogue et de coordination. Les plans d'action rédigés par ces services sont en train de remonter à la Délégation générale à l'emploi et à la formation professionnelle ; leur contenu – sans doute révélateur des situations rencontrées sur les territoires – et leurs orientations nous seront bientôt connus.
Comme l'a indiqué notre collègue Arnaud Richard, la mission « Travail et emploi » doit contribuer en 2012 à l'objectif de maîtrise des dépenses publiques réaffirmé par le Gouvernement. Pour la partie «Travail », les programmes 111 et 155, qui ne représentent qu'une faible part de la mission – soit 8 % des crédits – n'échappent pas à ce mouvement. La baisse est toutefois plus marquée sur le programme 111, avec moins 7 % en crédits de paiement, que sur le programme 155, dont les moyens sont en quasi-reconduction.
Toutefois, ces évolutions globales n'excluent pas un certain dynamisme des crédits sur les actions prioritaires.
On notera ainsi la hausse des crédits de l'action 03 du programme 111, qui prévoit 16,4 millions d'euros en autorisations d'engagement et 13,3 millions d'euros en crédits de paiement afin d'organiser une élection spécifique dans les entreprises de moins de onze salariés en vue d'y mesurer l'audience des organisations syndicales – je vous renvoie à notre débat sur la représentativité dans les très petites entreprises.
Au sein du programme 155, la baisse des dépenses de fonctionnement se poursuit, pour enregistrer une diminution de l'ordre de 30 % des dépenses de fonctionnement par agent entre 2005 et 2012.
La baisse des effectifs se poursuit également avec une diminution du plafond d'emplois de la mission « Travail et emploi » à hauteur de 169 équivalents temps plein, là aussi en application des engagements gouvernementaux de réduction de l'emploi public.
Dans ce contexte, on appréciera l'effort de revalorisation des crédits de l'action 04, qui regroupe les effectifs de la Direction générale du travail, les agents des services déconcentrés et ceux de l'inspection du travail. La hausse de ses crédits – de près de 6 % – devrait permettre un relèvement des effectifs à hauteur de 171 équivalents temps plein, ainsi que des mesures de revalorisation statutaire.
Cette dernière remarque me permet de faire le lien avec le thème de ce rapport pour avis, consacré à l'Inspection du travail.
Les contrôleurs et les inspecteurs du travail se sont en effet trouvés ces dernières années, grâce au plan de modernisation et de développement lancé par M. Gérard Larcher, à l'époque ministre du travail, à l'abri de l'évolution générale des effectifs dans la fonction publique, tout en devant néanmoins faire face à un processus très important de réforme de leur organisation et de leurs modes de travail. Les services de l'inspection ont en effet dû répondre à une demande sociale très forte liée non seulement aux conséquences de la crise, mais également à la faiblesse du taux de syndicalisation dans les entreprises. Ils ont été par ailleurs confrontés de plein fouet à la montée des risques psychosociaux. Ainsi, bien que les effectifs des agents de contrôle aient progressé depuis cinq ans, l'impression qui domine n'est pas celle d'un allégement de leurs tâches, loin de là. Je vous renvoie à nos rapports précédents sur la médecine du travail, notamment sur les risques psychosociaux et les troubles musculosquelettiques.
Le plan de modernisation est allé de pair avec des évolutions organisationnelles très importantes, puisque l'ensemble des corps d'inspection ont fusionné en 2009 avant d'être collectivement intégrés aux Directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (DIRECCTE) l'an dernier.
Le plan de modernisation a également introduit une programmation des contrôles en instaurant des priorités qui s'imposent, pour partie, à l'activité des agents de contrôle. Cette démarche contribue à la valorisation de l'action de l'inspection et à une meilleure évaluation de ses résultats. Elle implique cependant une évolution des pratiques administratives qui n'est pas toujours bien acceptée par un corps très soucieux de ses prérogatives.
Au regard de ce constat, le rapport formule un certain nombre de recommandations pour renforcer l'effectivité du droit du travail dont l'inspection du travail est garante. Je n'en citerai ici que quelques unes.
La première, qui me paraît capitale, vise à donner à tous les agents la possibilité de mettre à jour leurs connaissances dans de bonnes conditions sur l'ensemble du territoire. En première ligne face aux évolutions légales, réglementaires ou jurisprudentielles du droit, ceux-ci doivent disposer des informations pertinentes et avoir les moyens de se former, si nécessaire en réduisant les tâches administratives qui leur incombent. De même, pour limiter le flux des demandes individuelles qu'ils reçoivent, je propose de créer la fonction de « conciliateur du travail » – en parallèle de celle de conciliateur de justice – pour libérer les agents de contrôle de tâches qui ne sont pas au coeur de leur activité.
Il serait également essentiel de mieux coordonner les relations entre l'inspection du travail et les Parquets. Le suivi des procès-verbaux de l'inspection du travail doit en effet être amélioré et il serait nécessaire de sensibiliser les procureurs de la République à l'importance de ces procès-verbaux. En effet, ceux-ci ne représentent que 2 % des observations produites mais témoignent en général de situations graves, qu'il s'agisse d'un danger pour les salariés ou d'une volonté délibérée d'ignorer la loi de la part des employeurs. En outre, au-delà de la seule sanction du procès-verbal, une diversification des moyens d'action des agents serait utile, par le biais de contraventions ou par des décisions administratives, par exemple de suspension d'activité ou d'arrêt de machines, en cas de danger imminent. Ces dispositions existent déjà, mais il faudrait sans doute élargir leur champ.
Enfin, il me paraît crucial que les agents de contrôle et les employeurs puissent entretenir des relations apaisées. Je considère que l'on n'atteindra cet objectif que si les différents protagonistes apprennent à mieux se connaître et se respecter. Aucune situation de crise, aucun sentiment de méfiance n'excuse en effet les actes d'incivilité, voire les agressions dont les agents de contrôle sont parfois victimes, sans parler d'actes plus graves comme ceux dont nous avons récemment entendu parler. Protectrice du salarié, l'inspection du travail est aussi un des éléments d'une concurrence saine et loyale entre les entreprises. C'est sur le fondement de cet équilibre que peuvent être menés des contrôles de façon pédagogique, et qu'une mission de conseil pourra être développée.
Je ferai pour ma part quatre observations.
Premièrement, dans la situation actuelle, il ne faut pas compter augmenter les crédits. On ne peut que mieux les gérer ; c'est le sens des amendements.
Deuxièmement, il serait opportun d'évaluer l'action des maisons de l'emploi. Certaines d'entre elles font un immense travail, alors que d'autres ne servent absolument à rien et interviennent en doublon avec Pôle emploi. Elles peuvent même, parfois, disposer des crédits des plans locaux pour l'insertion et l'emploi (PLIE).
Troisièmement, je souhaiterais que les rapporteurs travaillent, en vue du débat sur l'emploi, sur les moyens de redéployer des crédits de formation vers le financement de la formation dans le cadre de l'activité partielle, en particulier dans le secteur industriel. C'est ce qu'a fait l'Allemagne ; c'est aussi ce que nous avons fait au moment de la crise, mais avec cinq mois de retard.
Quatrièmement, je ne comprends pas pourquoi les crédits d'exonération des cotisations patronales dans les zones de rénovation rurale (ZRR) passent de 60 à 150 millions d'euros.
Mes questions s'adressent à Arnaud Richard, que je voudrais féliciter pour la qualité de son travail. Elles concernent la territorialisation des politiques de l'emploi.
Notre rapporteur écrit, notamment, que « la prise en compte de la dimension territoriale des politiques de l'emploi n'est pas récente », qu'il s'agit « de rapprocher le niveau de décision et d'action du terrain », et que « le territoire n'est pas seulement un lieu de mise en oeuvre de mesures, mais aussi un espace d'initiative et d'innovation, parfois tous azimuts ».
Il souligne aussi que « la multiplicité des intervenants de la politique de l'emploi – État, au niveau central et déconcentré, opérateurs de l'État, opérateurs privés, collectivités locales, milieu associatif, entreprises, etc. – ainsi que l'interférence d'objectifs parfois contradictoires avec celui d'une plus grande proximité entre les dispositifs de la politique de l'emploi et les publics cible auxquels ils s'adressent… ne confère pas toujours à la territorialisation une grande clarté ou une grande cohérence » Certes. Mais le problème majeur ne tient-il pas au gaspillage de l'argent public, au moment où nous cherchons à faire des économies dans les budgets de l'État ?
Ne pourrait-on pas imaginer de rationaliser ces politiques de l'emploi au niveau territorial, en gérant mieux cet argent public pour faire preuve d'une efficacité politique au moins égale, sinon supérieure ?
Alors que nous sommes plongés dans une crise qui a des conséquences terribles pour l'emploi puisque, toutes catégories confondues, le nombre des demandeurs d'emploi n'a jamais atteint un tel niveau dans notre pays, nous aurions pu nous attendre à ce que la priorité soit mise sur l'emploi. Or il n'en est rien : ce budget accuse une baisse historique de 1 387 millions d'euros, sans qu'aucune stratégie nouvelle ni aucun axe fort ne se dégagent.
Bien sûr, il faut sauver notre triple « A ». Reste que ce budget est injuste, inefficace et insincère.
Il est injuste parce qu'il met fin au dispositif d'allocation équivalent retraite et au dispositif d'allocation de fin de formation, qui s'adressent à des publics ayant des difficultés d'accès à l'emploi. Et comme environ 1 million de personnes vont prochainement se retrouver en fin de droits, l'extinction de ces deux dispositifs aggravera encore la situation.
Il est injuste encore parce qu'il réduit de 43 % le Fonds de solidarité qui finance, entre autres, l'allocation de solidarité spécifique (ASS). Les personnes ne pouvant plus bénéficier de l'allocation équivalent retraite vont basculer sur celle-ci ou, si elles ne peuvent y prétendre, se retrouver en fin de droits.
Enfin, il est injuste pour les seniors. Alors que le chômage de ceux-ci explose, le Plan seniors ne représente que 20 millions d'euros.
Il est inefficace parce qu'il ne répond à aucune stratégie. Pierre Méhaignerie a parlé du secteur industriel, qui rencontre en effet des difficultés. Mais il n'est pas le seul dans ce cas. Ainsi, pour la première fois depuis dix ans, le secteur associatif perd des emplois ; je pense en particulier à l'aide à domicile. Il conviendrait d'y réfléchir.
Arnaud Richard a ouvert le dossier de l'amélioration du service public de l'emploi. Tout le monde sait que Pôle emploi ne fonctionne pas de façon satisfaisante – le ministre s'est d'ailleurs invité hier à son conseil d'administration. De mon côté, j'ai cru comprendre que l'on attendait le nouveau directeur général. J'ai toujours défendu la territorialisation, mais il serait temps maintenant de passer à l'action. Comme pour les maisons de l'emploi, votre politique manque de lisibilité.
Paradoxalement, vous maintenez l'Établissement public d'insertion de la défense (EPIDe) dont le coût de revient est de 37 000 euros par jeune suivi, ce qui justifierait la création d'une mission d'information sur la façon dont il fonctionne. Le fait que son directeur général ait été limogé du jour au lendemain sans que l'on sache pourquoi prouve, s'il en était besoin, que cet établissement rencontre des difficultés. Il serait donc utile de se pencher sur la question. De la même façon, vous maintenez le contrat d'autonomie, dont l'efficacité n'est toujours pas établie.
Enfin, ce budget est insincère.
D'abord, il est prévu autant de contrats aidés que l'an passé, mais avec 135 millions d'euros en moins pour les réaliser. Il me semble même qu'au cours de l'année 2011, on avait rajouté de l'argent sur ces contrats.
Ensuite, il n'y aura pas de quoi financer l'allocation de solidarité spécifique pendant toute l'année.
Je remarque par ailleurs, et j'y reviendrai en séance, que la ponction du Fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels devient systématique, ce qui risque de lui créer des difficultés de trésorerie.
On ne sait pas non plus comment l'Association nationale pour la formation professionnelle des adultes (AFPA) finira l'année, financièrement parlant. De la même manière, Pôle emploi se voit contraint à une sorte de déficit récurrent.
Non seulement il n'y a pas suffisamment de crédits pour assurer les politiques indiquées, mais les déficits sont transférés sur les opérateurs satellites. C'est habile, par rapport à l'objectif de contenir le déficit de l'État, dans la mesure où ces déficits ne seront pas comptabilisés au plan européen. Reste que ces déficits cumulés, que l'on peut estimer entre 500 et 700 millions d'euros chaque année, seront bien là et viendront fragiliser les opérateurs.
Il est inquiétant de constater la forte baisse de ce budget 2012, avec lequel on ne sait pas comment on pourra préparer le second semestre, mais qu'il faudra bien préparer, quoi qu'il se passe au premier semestre.
En dernier lieu, on nous annonce que le budget que nous sommes en train de préparer est d'ores et déjà caduc. Devons-nous nous attendre à des baisses supplémentaires ?
On ne peut pas porter un jugement sur cette mission « Travail et emploi » en se basant seulement sur les chiffres. Il me semble en effet essentiel d'apprécier aussi les actions et les volontés. Je m'intéresserai plus particulièrement aux jeunes, notamment à ceux qui peuvent être accueillis par les missions locales.
Je constate que le Gouvernement, à travers ce budget, fait toujours des jeunes une priorité. Certes, les crédits des missions locales baissent très légèrement – de 0,2 % –, mais des moyens supplémentaires leur sont par ailleurs alloués au titre du Fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels : 30 millions d'euros ont en effet été débloqués par les partenaires sociaux dans le cadre de l'accord national interprofessionnel sur l'accompagnement des jeunes demandeurs d'emploi. Ainsi, globalement, l'action des missions locales auprès des jeunes se trouvera consolidée.
Il faut toutefois reconnaître, pour être objectif, que le nombre de bénéficiaires potentiels de l'allocation versée dans le cadre d'un CIVIS – 135 000 bénéficiaires en 2012, au lieu des 150 000 prévus – a été revu à la baisse. Je vous précise que le CIVIS permet de construire avec chaque jeune un parcours d'insertion, à la fois professionnel – orientation, qualification, acquisition d'expérience – et social, et surtout de le conduire vers un emploi durable. Plus d'un million de jeunes sont ainsi entrés dans ce dispositif l'année dernière et 300 000 environ en sont sortis avec un emploi durable.
Par ailleurs, à l'instar de notre collègue Jean-Patrick Gille, je déplore que l'on mette autant de moyens sur le contrat d'autonomie. À la différence du CIVIS qui fait intervenir les missions locales, le contrat d'autonomie fait intervenir des structures privées qui se voient confier l'accompagnement et l'insertion des jeunes dans l'emploi. Or je remarque qu'un emploi CIVIS revient globalement – d'après le tableau présenté par notre rapporteur – à quelques centaines d'euros, alors qu'un jeune accompagné dans le cadre du contrat d'autonomie peut coûter jusqu'à 8 500 euros, si la structure lui trouve un emploi. Voilà pourquoi je demande, comme nous l'avons déjà fait l'année dernière, que l'on procède à une évaluation complète du dispositif du contrat d'autonomie. J'admets que d'une région à l'autre, les résultats peuvent varier. Toujours est-il que nous avons là de quoi nous interroger.
Enfin, je voudrais dire un mot de l'accord cadre qui relie les missions locales et Pôle emploi, et qui a été renouvelé le 26 janvier 2010 pour une durée de cinq ans. Il s'agit, plus précisément, d'un accord de partenariat entre Pôle emploi, l'État, le Conseil national des missions locales, pour accueillir 150 000 jeunes en co-traitance, pour un budget de 34,5 millions d'euros. Cette démarche de partenariat va évidemment dans le bon sens, mais il se trouve que les objectifs sont largement dépassés et que le budget annuel, qui a été effectivement reconduit, est bien insuffisant. Je cite notre rapporteur Arnaud Richard : « Au 31 mai 2001, le taux de réalisation des objectifs d'entrées en co-traitance était déjà supérieur de huit points au rythme qui aurait dû être le sien : la projection au 31 décembre 2011 prévoit finalement 178 000 entrées, soit +18,7 % de l'objectif annuel. » Cela signifie que la contribution de Pôle emploi devient forfaitaire et que la charge supplémentaire reposera inévitablement sur les missions locales.
Je terminerai sur deux questions.
L'année dernière, en tant que rapporteur pour avis des crédits relatifs à l'emploi, j'ai évoqué les mesures décidées par le Gouvernement en faveur de l'apprentissage. Où en sommes-nous, monsieur le rapporteur pour avis ? Avez-vous des chiffres à nous donner ? Combien de jeunes ont-ils été placés en apprentissage ? Comment juger de l'efficacité des nouvelles mesures ? Quels sont les objectifs en ce domaine ?
De la même façon, j'ai évoqué ici même la mise en place de plateformes régionales d'orientation des jeunes. Là encore, j'aimerais savoir où nous en sommes et si nous avons avancé. Orienter les jeunes au plus tôt, dès qu'ils quittent leur établissement scolaire, me semble être une priorité.
Il a fallu beaucoup d'enthousiasme à nos deux rapporteurs pour avis pour parvenir à présenter ce budget de l'emploi. Celui-ci baisse en effet de 12 %, au moment où l'on aurait précisément eu besoin, en raison de la crise, de le voir progresser. Et c'est un signal terrible que vous adressez aux chômeurs.
L'avenir est bien sombre. La révision générale des politiques publiques continue à frapper. Les antennes de Pôle emploi avaient un peu sorti la tête de l'eau, grâce aux 1 000 emplois du Plan de relance, mais vous les avez supprimés. Les services sont désespérés et les chômeurs sont persuadés d'y perdre leur temps car ils considèrent qu'il est impossible d'y trouver un emploi.
Les 200 maisons pour l'emploi ne sont pas mieux loties, et M. Borloo serait malheureux de voir la manière dont vous traitez ce dispositif. Comme le disait Pierre Méhaignerie, il y en a de bonnes et de moins bonnes. Malgré tout, dans l'ensemble, elles assurent un bon travail de proximité, regroupant, au niveau du terrain, tous les acteurs de l'emploi. J'en ai visité deux récemment et j'y ai senti de l'enthousiasme. Mais cet enthousiasme risque bien de faiblir puisque leurs crédits vont baisser de 34 %, c'est-à-dire de 22 millions d'euros. Il apparaît très clairement que vous avez décidé de supprimer les maisons pour l'emploi. Si vous pensez que Pôle emploi peut les remplacer utilement et définitivement, faites-le donc. Mais les résultats risquent bien de ne pas être satisfaisants.
La baisse du nombre des bénéficiaires de l'allocation versée dans le cadre du CIVIS – 135 000 au lieu de 150 000 – est un mauvais signal adressé aux jeunes, dont la situation de l'emploi n'a jamais été aussi dégradée.
De même, la suppression de l'allocation équivalent retraite (AER) constitue un mauvais coup.
Ainsi, les mauvaises nouvelles s'accumulent. Je ne sais pas si vous allez préserver le triple « A », mais je sais que les difficultés des chômeurs, qui n'ont jamais été aussi nombreux, vous considérablement augmenter. Ceux-ci ne peuvent voir dans ce budget qu'un signe négatif : l'emploi n'est plus une priorité du Gouvernement, quelles que soient vos affirmations et la manière dont vous tentez, les uns et les autres, de sauver les apparences.
Dans un contexte où nos concitoyens sont d'abord préoccupés par l'emploi, ce budget affiche une baisse sans précédent.
Je partage ce qui a été dit sur les contrats aidés et sur les CIVIS, qui auraient mérité d'être davantage soutenus.
Je m'interroge sur le rôle des DIRECCTE, qui doivent contractualiser avec plusieurs opérateurs extérieurs, dont l'Association de gestion du Fonds pour l'insertion professionnelle des personnes handicapées (AGEFIPH). J'aimerais savoir où en sont les contractualisations avec cette association. Avez-vous procédé à des évaluations ?
Enfin, je m'inquiète pour les services d'aide à domicile, qui perdent des emplois. La situation est devenue extrêmement grave, au point que certains d'entre eux déposent leur bilan.
Sur ces quelques points, j'aimerais, messieurs les rapporteurs pour avis, que vous m'apportiez des réponses, ou tout au moins des précisions.
On peut regretter que le niveau des crédits de la mission « Travail et emploi » n'ait pas pu être stabilisé, même si sa baisse s'explique en partie par la fin du Plan de relance.
Il est important de relever les points positifs. Nous devons nous réjouir que les crédits affectés au financement du nouveau contrat de sécurisation professionnelle soient supérieurs aux crédits consacrés, l'an passé, aux conventions de reclassement personnalisé (CRP) et aux contrats de transition professionnelle (CTP).
En revanche, je m'interroge sur le bien-fondé de l'augmentation du budget des zones de revitalisation rurale – d'autant plus que nous sommes en période de sortie du système et que, l'an dernier, nous avions dû nous battre pour maintenir certaines exonérations, en particulier au bénéfice des maisons familiales rurales dans les territoires ruraux. J'avoue avoir un peu de mal à comprendre.
S'agissant des maisons de l'emploi, il va falloir trancher. Si elles sont inutiles, nous devons les supprimer. Si elles ne le sont pas, nous devons les doter. Cela suppose d'apprécier leurs compétences, le nombre de personnes qui y travaillent et les résultats qu'elles obtiennent sur le terrain. L'an dernier, nous avions déjà diminué assez considérablement leur dotation ; nous recommençons cette année. Autant décider de leur sort une fois pour toutes. Personnellement, je pense qu'elles ont un rôle à jouer, dans la mesure où elles restent dans leurs compétences et ne viennent pas se superposer à d'autres systèmes.
S'agissant du Fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels, j'exprimerai un regret, qui ne vous étonnera pas. Avec la loi de 2009, nous avions pensé sécuriser les fonds de la formation professionnelle. Créé dans le cadre de cette loi, sur une idée des partenaires sociaux, le fonds paritaire présentait l'intérêt de s'adresser également aux demandeurs d'emploi – c'était la première fois que la formation professionnelle allait vers eux. Il faudra s'assurer de l'efficacité du fonds et de l'effectivité des formations dispensées. Mais pourquoi le ponctionner de 300 millions d'euros ? C'est la deuxième fois que cela lui arrive, et c'est pour moi un mauvais signe : son prédécesseur, le Fonds unique de péréquation (FUP) a été prélevé six fois de suite ! J'ajoute que son financement est décidé par les partenaires sociaux et que c'est grâce à eux qu'un tel prélèvement est possible. Ils ont pris leurs responsabilités et je ne suis pas certain qu'ils se sentent payés de retour.
Je ne suis pas non plus certain de la bonne affectation des financements de l'année dernière en direction de l'AFPA et de Pôle emploi – notamment pour le transfert des psychologues de l'AFPA vers Pôle emploi. Pourrait-on me répondre sur ce point ?
Je tiens par ailleurs à saluer le travail des deux rapporteurs pour avis. Arnaud Richard a tout particulièrement insisté sur la territorialisation des politiques de l'emploi, dont la nécessité m'apparaît évidente. C'est au niveau des territoires et des bassins d'emploi que se jouent les politiques de l'emploi. Il faut donc y développer les services publics de l'emploi locaux.
Je terminerai sur les propositions faites par Francis Vercamer pour améliorer le fonctionnement de l'inspection du travail et la situation de ses fonctionnaires. Ces agents, qui ne travaillent pas toujours dans des situations faciles, ont en effet besoin d'être mieux reconnus et davantage respectés. Certaines de leurs missions pourraient être assurées par des conciliateurs, ce qui allégerait leurs charges. Je remarque d'ailleurs que, depuis la loi du 28 juillet 2011, les contrats d'apprentissage n'ont plus besoin de passer par les DIRECCTE pour être validés et qu'ils relèvent de la responsabilité des organismes consulaires.
Réduire le nombre de chômeurs suppose une croissance effective, que nous sommes loin de connaître aujourd'hui, malgré les promesses du Président de la République qui voulait aller chercher la croissance avec les dents !
L'emploi demeure la première préoccupation des Français. Pourtant, ce budget n'est pas à la hauteur. De fait, il relève du bricolage comptable. La politique de l'emploi du Gouvernement n'y apparaît pas clairement. Ce dernier affirme que l'emploi reste prioritaire, mais c'est faux. S'il ne pouvait être question d'en augmenter les crédits de manière inconsidérée, on aurait au moins pu faire en sorte de les maintenir. Or ce n'est pas le cas.
Pôle emploi devait être le remède miracle et le bras armé de l'État en matière d'emploi et de formation professionnelle. La fusion devait régler tous les problèmes. Cela ne s'est pas produit. Il suffit en effet de se rendre dans une antenne de Pôle emploi pour s'en convaincre.
Les maisons de l'emploi ont également suscité bien des interventions. Plutôt que de baisser leurs crédits d'année en année, le Gouvernement devrait avoir le courage de les supprimer. Ce serait plus clair et moins onéreux.
Je remarque en tout cas que, d'un côté, on prône la territorialisation des politiques de l'emploi et que, de l'autre, on fait en sorte que Pôle emploi en devienne le seul acteur, organisé d'une manière très centralisée et parfaitement inefficace. C'est incohérent.
L'AFPA, malgré ses défauts, représentait vraiment le service public de la formation. Son démantèlement est total. Cette fois-ci, le Gouvernement, qui a pour philosophie de se passer, à terme, de tout service public, a agi de façon cohérente.
Le Fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels constitue un échec patent. En effet, il permet au Gouvernement de financer ses politiques de droit commun avec les financements des partenaires sociaux, alors qu'il était là pour pallier les incohérences et l'inefficacité de la formation professionnelle. Je remarque qu'en ce domaine aussi, il conviendrait de faire un effort de lisibilité, d'autant que les sommes qui sont en jeu sont énormes.
Je terminerai sur les contrats d'autonomie, qui sont ciblés sur les jeunes des quartiers prioritaires. Vous considérez, monsieur Arnaud Richard, qu'il est encore trop tôt pour en évaluer le dispositif. Mais nous savons déjà qu'il est parfaitement inefficace, en raison de la situation désespérée de ces quartiers, qui sont complètement abandonnés. C'est sans doute parce que vous n'avez pas de politique alternative que vous mettez en avant ce dispositif. Reste que ce n'est pas sérieux.
En conclusion, je dirai que les politiques de l'emploi sont beaucoup trop centralisées, étouffées par la technocratie – c'est notamment ce qui est arrivé aux maisons de l'emploi – et inefficaces. Elles ne permettront pas de régler le problème du chômage.
Je remercie MM. les rapporteurs pour avis pour la qualité de leur travail. J'apprécie, en particulier, l'idée de Francis Vercamer visant à favoriser une médiation du travail et l'attention que Arnaud Richard nous invite à porter sur les quartiers difficiles, lieux dans lesquels notre pacte social est le plus fragilisé.
Même si je comprends la logique de la procédure budgétaire, je regrette une nouvelle fois que nous évoquions la politique du travail et de l'emploi à travers l'examen de cette seule mission – nos collègues de l'opposition ayant beau jeu d'en pointer les limites – alors qu'une telle politique ne s'y réduit évidemment pas, les deux programmes que nous examinons étant même à cet égard relativement marginaux.
Avec des mines faussement scandalisées, d'aucuns mentionnent les diminutions de crédits de quelques millions ici ou là alors que notre avenir se joue peut-être ce soir, à l'issue de la réunion des dirigeants des pays de la zone euro, où ce sont des milliards qui sont en jeu. Monsieur Issindou, oui, la politique du Gouvernement vise à maintenir le triple « A » et heureusement que tel est le cas, sinon tout ce que nous pourrions proposer dans le cadre de cette commission volerait en éclat en trois secondes et toute politique de l'emploi serait anéantie. Ne pas « piquer » trop de pouvoir d'achat à nos compatriotes et d'argent à nos entreprises via des impôts supplémentaires proposés par des programmes irréalistes, c'est cela qui importe ! En tant qu'élu local, je sais fort bien que ce sont d'abord les entreprises qui créent des emplois et que les emplois publics et aidés, Dieu merci, sont « marginalissimes ».
Je note, de plus, que notre aimable débat, semblable à tous les autres en pareille occurrence, s'inscrit dans une crise pourtant inédite.
Enfin, quelle est la politique de l'emploi des gouvernements socialistes, par exemple en Espagne, pendant cette période de crise, d'ailleurs autrement plus violente chez eux ? Ils appliquent les mêmes recettes que les nôtres mais avec beaucoup plus de vigueur. Regardez également l'action du gouvernement socialiste grec à l'endroit des retraités, des fonctionnaires territoriaux et des personnes qui bénéficient du salaire minimum !
Décidément, il est assez pénible de recevoir des leçons !
Je suis étonnée de l'intervention de Dominique Dord pour lequel tout semble aller bien et ne peut être fait autrement. Pourtant, les chiffres du chômage sont mauvais et ils ne feront qu'empirer compte tenu de l'inquiétante situation que nous connaissons. D'ores et déjà, ils ont en effet augmenté massivement pour les seniors, lesquels sont en outre confrontés à la fin de l'allocation équivalent retraite (AER) – d'où la réapparition de la pauvreté parmi les personnes âgées de plus de 50 ans. Il en va de même s'agissant du chômage des femmes – compte tenu de la diminution des emplois dans les secteurs associatif et public – et de celui des jeunes, les embauches relevant quant à elles de plus en plus de CDD d'au plus un mois – période qui n'ouvre aucun droit pour les salariés –ainsi que de l'intérim : ces travailleurs-là, nous le savons, se retrouvent immédiatement licenciés dès que des difficultés surviennent, et tel est le cas dans nombre d'entreprises industrielles. Dans ces conditions, nous étions en droit d'attendre que le budget que nous examinons comprenne des mesures permettant d'atténuer les difficultés que ces personnes ne manqueront pas de rencontrer et c'est l'inverse qui se produit.
Les discours sur le caractère encore plus désastreux de la situation à l'étranger afin que les Français se contentent du sort qui leur est fait ne convainquent personne. Des choix doivent être opérés et ce sont eux qui nous séparent : faut-il continuer à s'en prendre à ceux qui connaissent des difficultés et qui éprouvent le plus grand mal à boucler leur budget dès le 15 du mois ou faut-il aller chercher de nouvelles recettes chez ceux qui sont les plus fortunés ? Le budget qui nous est soumis est une vraie catastrophe !
Enfin, je rappelle que ces derniers jours une prise d'otages a eu lieu à Pôle emploi où un chômeur a également menacé de se suicider. Certains demandeurs d'emploi sont en effet si épuisés et désespérés qu'ils n'ont plus d'autres solutions que de s'en prendre aux personnels ou à eux-mêmes – nous constatons aussi dans nos permanences respectives combien nombre d'entre eux sont au bord de la crise de nerfs. Or, ce budget ne fera qu'aggraver la situation au lieu de proposer des solutions. J'ajoute que les salariés de Pôle emploi sont eux aussi en souffrance, faute de pouvoir proposer des solutions durables aux chômeurs qui se présentent, et qu'ils sont soumis à une précarisation de leur emploi telle qu'ils savent pouvoir se retrouver, un jour, de l'autre côté de la barrière.
Je félicite MM. les rapporteurs pour leur travail.
Dès le début de la crise, en 2008, le Gouvernement a mis en place des mesures exemplaires pour préserver l'emploi. Dans mon département des Ardennes – auquel près de 500 millions d'euros ont été accordés –, des entreprises ont été sauvées grâce aux contrats de transition professionnelle, aux mesures en faveur du chômage partiel ou à l'aide à l'investissement pour les collectivités afin de soutenir le secteur du bâtiment et des travaux publics. Je ne me souviens pas que nos collègues socialistes aient alors fait l'éloge d'une telle politique et que les collectivités territoriales qu'ils dirigent aient soutenu de tels programmes. C'est facile, après, de dire qu'il fallait faire ceci ou cela ! les membres de l'opposition ne sont pas crédibles !
Par ailleurs, nos concitoyens éprouvent de plus en plus de difficultés à se repérer dans le maquis des politiques territoriales – même si la création de Pôle emploi et, auparavant, des maisons de l'emploi, était indispensable tant il importait de réunir l'Agence nationale pour l'emploi et les ASSEDIC en liant les problématiques de la recherche d'emploi et de l'indemnisation du chômage. Quid, de la même manière, des missions locales, des directions départementales de l'emploi et de la formation professionnelle devenues les DIRECCTE ? Les Français ont le plus grand mal à se retrouver dans un tel foisonnement alors que les maisons de l'emploi visent pourtant à favoriser une meilleure lisibilité de ces outils en regroupant l'ensemble des acteurs.
Dans les Ardennes, la maison de l'emploi comprend les Plans locaux pour l'insertion et l'emploi (PLIE), un centre Ressources – qui semble donner satisfaction –, une cellule dédiée aux contrats de transition professionnelle jusqu'à la mise en place des contrats de sécurisation professionnelle (CSP). Il semble que les résultats obtenus soient en l'occurrence importants, mais j'ai néanmoins eu du mal à obtenir des indications concrètes.
Parce que les maisons de l'emploi fonctionnent correctement – même si ce n'est certes pas le cas de toutes –, je soutiens l'amendement de M. le rapporteur Richard visant à accroître leurs dotations. Il me paraît sévère, de surcroît, de les sanctionner globalement sans les avoir évaluées ; nous devons donc prendre le temps d'examiner les situations au cas par cas afin de continuer à financer celles dont les résultats sont bons et d'interrompre le financement des autres. Contrairement à nos collègues de gauche, je ne pense pas qu'il convienne de les fermer toutes.
En tant que rapporteur spécial de la Commission des finances pour le programme 103, je tiens à présenter trois remarques.
Il faudrait savoir si nous sommes ou non en train de sortir de la crise. Selon nos deux rapporteurs, en effet, « le pic de la crise est passé » – j'entends même dire depuis six mois que nous sommes en sortie de crise. Pourtant, on ne cesse de parler de récession faute de croissance. J'ajoute que la lisibilité de ce budget est obérée par le rajout puis la suppression du Plan de relance.
En outre, non seulement l'allocation de transition de solidarité (ATS) n'est pas budgétée mais, de plus, elle ne pourra pallier la suppression de l'allocation équivalent retraite tant en ce qui concerne le public éligible – moins nombreux – que le montant.
Enfin, le prélèvement sur le Fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels (FPSPP) est peut-être sympathique mais, du point de vue budgétaire et de la lisibilité, c'est une escroquerie : vous demandez en effet aux partenaires sociaux de prélever des cotisations obligatoires et de les ponctionner pour budgéter des missions qui relèvent de l'État. Je note d'ailleurs qu'un tel processus est en train de se généraliser : on crée des fonds alimentés par des cotisations volontaires qui s'apparentent tout de même à des impôts et on les ponctionne pour boucher des trous parce que l'État ne remplit plus ses engagements budgétaires ! Cela soulève un véritable problème constitutionnel.
Sans mauvais jeu de mot, je dirai que ce budget est à contre-emploi. La crise économique et sociale que nous connaissons depuis 2008 non seulement se poursuit mais, de plus, elle s'aggrave. Comme l'a dit Martine Billard, le nombre de seniors au chômage s'accroît – 20 % en un an –, de même que celui des chômeurs de longue durée. Face à un tel chômage de masse, les pouvoirs publics devraient « mettre le paquet » en faveur de la politique de l'emploi et du retour à un emploi durable de qualité. Il y a six mois, plusieurs d'entre nous ont souligné le fait que les contrats aidés ne pouvaient faire l'objet d'une politique fluctuante tant en ce qui concerne leur nombre que leur qualité. Même si nous avons été partiellement entendus, nous avons encore besoin de lisibilité et de continuité.
Avec Michel Heinrich, nous travaillons à la rédaction d'un rapport qui sera rendu au mois de décembre dans lequel nous formulerons un certain nombre de propositions s'agissant de ces sujets particulièrement importants que sont Pôle emploi et l'accompagnement des chômeurs. Les Britanniques, qui se montrent parfois plus pragmatiques que nous, ont ainsi recruté massivement des conseillers au début de la crise – même si nombre d'entre eux, depuis, on été remerciés – et nous aurions été bien inspirés d'en faire de même.
Je ne reviens pas sur la baisse de 34 % des crédits dédiés aux maisons de l'emploi, après les saignées que nous avons connues précédemment, sinon pour souligner l'absence de continuité et de cohérence en matière de territorialisation des politiques.
S'agissant de la pénibilité au travail et des risques psychosociaux – je pourrais aussi évoquer la récente réforme de la médecine du travail – nous avons tous formulé un certain nombre de propositions parmi lesquelles – ce fut relativement consensuel – le renforcement des moyens financiers et humains de l'Agence nationale pour l'amélioration des conditions de travail (ANACT), dont nous savons que les interventions sont utiles. M. Poisson et moi-même ayant eu naguère l'occasion de déposer des amendements afin de doubler le budget de cet opérateur – il s'élève actuellement à environ 10 millions – et obtenir ainsi une amélioration concrète des conditions de travail, que proposez-vous quant à vous pour renforcer ce service public ?
La croissance sera sans doute plus faible que prévu. Dans le cas où elle ne serait que de 0,9 % et sachant que 150 000 personnes arrivent chaque année sur le marché de l'emploi, non seulement nous ne créerons pas d'emplois mais, de plus, nous en perdrons. Comme l'a dit Régis Juanico, votre politique ne permet pas de combattre le chômage – il est d'ailleurs assez paradoxal que vous abandonniez le Plan de relance alors que nous aurions plus que jamais besoin d'une stratégie contra-cyclique.
De surcroît, monsieur Dord, d'autres pays obtiennent de meilleurs résultats que les nôtres. Les Allemands, par exemple, partagent le travail en jouant sur le chômage partiel – indemnisations à 70 % du salaire – dont le taux, durant la crise, s'est élevé jusqu'à 4 % contre 1 % chez nous. C'est dire s'ils ont tenu à attendre que l'orage passe dans de meilleures conditions et combien ils ont ainsi préparé l'avenir ! On ne peut pas en dire autant de ce budget, puisqu'il n'anticipe en rien les futures mutations économiques. Par exemple, les crédits affectés à la gestion provisionnelle des emplois et des compétences (GPEC) diminuent de 36 % alors que les salariés et les entreprises ont intérêt à s'adapter à la crise. En fait, il s'agit d'un budget purement comptable qui se contente de réduire les coûts. À ce propos, je ne sais pas si vous raisonnez en fonction du maintien du triple « A » mais je sais, en revanche, que moins nous créerons de richesses, plus les agences de notation nous noterons mal. En fait, nous aurions besoin d'une politique plus volontariste pour que les chômeurs retrouvent du travail, que les cotisations augmentent et que les budgets soient un peu moins déficitaires.
Je rappelle également que c'est cette majorité qui, pendant des années, a remis en cause une politique de la ville jugée inefficace. Or, aujourd'hui, le taux de chômage des jeunes entre 15 et 24 ans s'aggrave dans les quartiers défavorisés. Pourquoi une telle situation ? Parce que les crédits diminuent, et pas seulement ceux de la mission « Travail et emploi » mais également les crédits des contrats urbains de cohésion sociale (CUCS) et du Fonds social européen (FSE) ; les emplois aidés font quant à eux l'objet d'une politique de stop and go et des maisons de l'emploi disparaissent dans les quartiers difficiles – même si d'autres sont créées ailleurs.
Enfin, ce budget est emblématique de l'échec de votre politique de flexibilité. Aujourd'hui, deux tiers des embauches concernent des salariés intérimaires et plus de 60 % du tiers restant se font en CDD. Plus personne ne peut donc s'inscrire dans une perspective de moyen ou de long terme, investir et créer de l'activité en acquérant des biens, à commencer par un logement. Nous sommes dans une crise systémique, et ce n'est pas en laissant tomber certains dispositifs que nous parviendrons à en sortir.
Je ne reviendrai pas sur les propos responsables de Dominique Dord, lequel a répondu comme il le fallait à Michel Issindou sans jamais prétendre que tout allait bien.
C'est la croissance qui créé les emplois et celle-ci ne dépend pas uniquement des politiques que droite et gauche peuvent mettre en oeuvre. Je ne dis pas que notre discussion ne sert à rien, mais les actions que nous pouvons entreprendre ne peuvent être que modestes car nous ne maîtrisons pas totalement l'ensemble des leviers.
Je souscris aux propos de Gérard Cherpion et de Bérengère Poletti quant aux maisons de l'emploi : toutes ne doivent pas être systématiquement supprimées et nous devons conserver celles qui fonctionnent. Il serait donc utile de réaliser une évaluation de leur action afin d'encourager plus encore celles qui rendent vraiment des services et supprimer celles qui font, si j'ose dire, double emploi.
Enfin, je ne jetterai pas la pierre aux employés de Pôle emploi, mais je note que lorsqu'un chef d'entreprise cherche à embaucher, personne ne lui est présenté comme j'ai pu le constater au cours d'une visite avec le sous-préfet à La Tour du Pin, dans ma circonscription. Sans doute, au-delà du budget qui nous préoccupe aujourd'hui, existe-t-il un problème d'adéquation entre la formation et les emplois proposés.
Je souhaite que MM. les rapporteurs pour avis se penchent sur la situation des salariés de Pôle emploi. Si la fusion de l'UNEDIC et de l'ANPE a entraîné une modification profonde des statuts des personnels dont les partenaires sociaux ont pris acte, il n'en demeure pas moins que la question des retraites complémentaires n'est toujours pas réglée. Le directeur général de Pôle emploi, dans un premier temps, avait plus ou moins acté la possibilité pour les salariés de se tourner vers l'IRCANTEC ; puis, la situation s'est retournée et ce serait maintenant plutôt vers l'AGIRC-ARRCO qu'ils devraient se diriger. Un transfert de soulte de Pôle emploi vers les caisses de retraite complémentaires sera vraisemblablement nécessaire mais, compte tenu de sa situation, je ne suis pas certain que cela soit possible. Je mets donc en garde le directeur de Pôle emploi quant au principe d'un transfert de charges vers l'IRCANTEC – dont je suis membre du conseil d'administration – qui mettrait cette caisse en grande difficulté.
L'allocation équivalent retraite – j'avais été en 2002 l'un des rapporteurs du texte instaurant cette allocation – est donc supprimée comme, semble-t-il, les allocations spéciales du Fonds national de l'emploi depuis le mois de septembre. Je le regrette d'autant plus que nous entrons dans une période de très grande turbulence sur le front de l'emploi et qu'au-delà de la question de la pénibilité – dont il faudra parler lors d'une réforme des retraites à venir –, nous devrons mettre en place des mesures d'âge afin d'accompagner des personnes qui ont travaillé, en particulier dans l'industrie, qui sont âgées de plus de 57 ans et qui, suite à un « tuilage » technique, pourraient bénéficier de ressources dont le montant reste à déterminer – de même que la forme de leur versement – avant de pouvoir faire valoir leurs droits à la retraite. Les tensions, en effet, seront très dures dans les secteurs industriels et, plus particulièrement, dans ceux de l'automobile – voyez l'annonce de PSA ce matin –, des équipementiers automobiles et du textile. Dans les trois mois à venir, ce sera terrifiant. On peut dire ce que l'on veut mais il ne sera pas possible d'accompagner des seniors vers l'emploi quand celui-ci fait défaut, non plus d'ailleurs que vers la formation.
Je comprends que nos collègues socialistes s'émeuvent d'une diminution des crédits parce qu'ils n'envisagent les créations d'emplois que dans le secteur public ou dans le cadre de contrats aidés. En tant que chef d'entreprise, je puis témoigner que l'on n'embauche pas un salarié parce qu'il bénéficie d'un emploi aidé mais parce qu'il faut faire face à un besoin d'activité. On se heurte alors à des demandes d'emplois dans des domaines où ils font défaut alors que dans certains secteurs, notamment hospitalier, nous manquons de professionnels – je songe, par exemple, aux infirmières. Le problème de l'adéquation entre formation et emploi, comme l'a souligné Georges Colombier, est en effet fondamental.
L'emploi, je le répète, ne se décrète pas et est directement lié à l'activité, les emplois aidés visant quant à eux seulement à passer un cap en cas de difficultés ponctuelles et conjoncturelles.
Certains territoires sont favorables à la création d'activités, d'autres non. Sans doute serait-il utile, un jour, de juger de leurs gouvernances et des comportements qui y ont cours. Pourquoi la situation est-elle favorable, par exemple, dans le Choletais ou en Vendée alors qu'ils ne bénéficient pas d'infrastructures ou d'autres éléments particulièrement remarquables ?
De plus, s'agissant de l'inspection du travail, je vous rappelle que la « judiciarisation » est déjà grande : le code du travail ne compte pas moins de près de 10 000 articles ! Les auditions de la mission d'information sur la compétitivité de notre économie ont d'ailleurs montré combien les normes et, en conséquence, les rigidités se multiplient en empêchant les adaptations des entreprises. Je crois quant à moi qu'il est préférable de multiplier les médiations plutôt que les sanctions.
Comme l'a dit Bérengère Poletti, il conviendra en effet de réfléchir au foisonnement des structures, lequel ne favorise pas toujours l'efficacité. Nous avons d'ailleurs demandé au Gouvernement – et je souhaiterais que les rapporteurs pour avis en fassent autant – une évaluation des maisons de l'emploi. Une mission d'information suivie d'un débat en séance publique ayant également eu lieu, quelle est la situation aujourd'hui ? Si certaines structures sont efficaces, d'autres ne le sont pas, et je crains que les préfets n'appliquent une baisse uniforme des crédits quelle que soit la qualité du travail accompli.
Je suis d'accord avec Christian Eckert : prenons garde à cette pratique déresponsabilisante visant à transférer des crédits de certains secteurs pour financer des crédits d'État.
Enfin, comme l'Allemagne, veillons à maintenir notre propre potentiel de matière grise dans l'industrie et à financer les indemnités chômage. Certains crédits de formation n'étant pas nécessaires en 2012 compte tenu de priorités plus criantes, nous devrons en user pour financer le chômage partiel et la formation. Je souhaite que les rapporteurs pour avis interrogent le Gouvernement à ce propos afin de ne pas attendre cinq mois alors que des salariés, comme nous venons de le voir avec PSA ou Renault, sont mis en chômage partiel.
Que l'opposition regrette la fin du Plan de relance peut être considéré comme un satisfecit donné a posteriori à l'action gouvernementale, ce dont je me félicite.
Le redéploiement des crédits de la formation vers le temps partiel et l'industrie me semble une question essentielle qui mérite d'être traitée.
S'agissant des zones de revitalisation rurales, la différence de montant inscrit dans le bleu budgétaire – 151 millions d'euros en 2012 contre 60 l'année dernière – s'explique par un rattrapage rendu nécessaire par une mesure d'économie que nous n'avions pas votée lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2011.
Je suis d'accord avec Paul Jeanneteau : il faut accroître la cohérence et la lisibilité de la politique de l'emploi sur notre territoire. Je ne sais si l'on peut évoquer un gaspillage d'argent mais si chacun conserve sa propre légitimité dans ce domaine – régions, AFPA, État, Pôle emploi –, l'installation des services publics de l'emploi locaux (SPEL) autour des sous-préfets me semble utile comme le montreront les résultats que nous obtiendrons dans les mois et les années à venir. Les préfets et les sous-préfets demeureront ainsi sous tension.
S'agissant de la baisse de l'allocation spéciale du Fonds national de l'emploi et de la « réduction de voilure » des mesures d'aides à l'anticipation et à l'accompagnement des mutations économiques, les prévisions à partir desquelles le Gouvernement a bâti son budget ont peut-être été trop optimistes, les crédits dédiés à la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences ne finançant que le stock pour 2012. Sans doute sera-t-il utile d'interpeller le Gouvernement à ce propos en séance publique.
Le plan de contrats de professionnalisation seniors a quant à lui été créé au cours de 2011 et connaît une montée en charge, le budget prévoyant un calibrage en fonction des besoins.
Le coût de la scolarité d'un élève dans un EPIDe est en effet important mais il inclut la charge immobilière liée aux internats – ce qui ne permet pas de le comparer avec d'autres dispositifs.
Nous aurons l'occasion de reparler du prélèvement de 300 millions sur le Fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels dans le cadre de la discussion d'un amendement de nos collègues socialistes à l'article 63 mais, même s'il n'est pas facile d'avoir une vision très précise de ses conséquences puisque ce fonds est plutôt géré dans le cadre d'une enveloppe prévisionnelle et non en autorisations d'engagement et en crédits de paiement, il n'en sera pas pour autant mis à mal. Sachant, de surcroît, que 176 millions d'euros seulement ont été décaissés à ce jour, nous ne sommes pas confrontés à un problème majeur de trésorerie. Enfin, nulle inquiétude particulière à nourrir non plus en ce qui concerne l'AFPA puisque ce prélèvement abondera en partie ses crédits de fonctionnement et ses autres missions.
De manière générale, la reconduction des financements des contrats aidés est actée – Régis Juanico a lui-même salué les abondements qui ont eu cours – même si la politique de stop and go, très mal vécue, n'est en effet pas supportable. Au total, ce sont 420 000 contrats de ce type qui ont été financés cette année alors que la loi de finances initiale pour 2011 en programmait 340 000. Je ne peux pas toutefois m'engager, vous le comprendrez, sur les collectifs budgétaires éventuels en fonction de l'évolution de la situation économique.
S'agissant de la formation en alternance, je répondrai à Bernard Perrut en séance, les chiffres dont je dispose ici ne me semblant pas assez pertinents puisqu'ils remontent à 2010. Je ne peux que saluer ses propos – et ceux du président du Conseil national des missions locales qu'il est – quant au budget qui a été alloué à ces missions. De plus, un travail important a été accompli avec Pôle emploi en matière d'accompagnement renforcé.
Ce n'est pas le budget du CIVIS qui diminue, monsieur Issindou, mais l'allocation délivrée, laquelle n'est prévue que pour 135 000 allocataires potentiels.
S'agissant des maisons de l'emploi, un débat ayant eu lieu en séance et la Commission ayant rédigé des rapports d'information, la balle est maintenant dans le camp du Gouvernement. Leur évaluation, quant à elle, est à la discrétion du préfet de région – ce qui n'est pas un exercice facile. Globalement, nous avons toutefois le sentiment qu'elles fonctionnent plutôt bien et avec Francis Vercamer nous proposerons un amendement visant à accroître les crédits dont elles disposeront.
Les propos de Monique Iborra sont un peu excessifs. L'AFPA totalement démantelée ? Il faut être sérieux ! Le budget est bel et bien là, et un abondement de l'association à hauteur de 75 millions par le Fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels, est prévu. De la même manière, il n'est pas possible de parler d'un abandon des quartiers difficiles de la politique de la ville après ce que nous avons fait avec l'Agence nationale de rénovation urbaine et la dotation de solidarité urbaine. Les contrats aidés, quant à eux, ne sont pas abandonnés non plus, mais il est difficile de savoir s'ils profitent massivement ou non aux quartiers qui connaissent le plus de difficultés. J'ajoute que la clause d'insertion dans les marchés publics sur les sites de l'Agence nationale de rénovation urbaine fonctionne plutôt bien.
La politique de l'emploi, comme l'a rappelé Dominique Dord, ne se résume pas à la mission « Travail et Emploi ». Comme il l'a également précisé, en matière de politique sociale de l'emploi, certains gouvernements européens ont pris des dispositions autrement plus drastiques que les nôtres.
Je me permets de rappeler à Martine Billard l'existence des minima sociaux et de la renvoyer au rapport de Christophe Sirugue sur les crédits du programme « Solidarité ».
Comme l'a dit Bérengère Poletti, l'action du Gouvernement a été particulièrement intense en 2008 et 2009 – nos collègues socialistes, d'ailleurs, le reconnaissent.
S'agissant du prélèvement sur le fonds paritaire, je suis d'accord avec Christian Eckert : ce n'est pas une pratique très heureuse mais s'il a une solution pour trouver 300 millions d'euros ailleurs, nous serons preneurs.
Nous étions plusieurs, monsieur Juanico, à souhaiter une augmentation de l'enveloppe des contrats aidés et nous avons été plutôt entendus cette année.
En ce qui concerne Pôle emploi, la diminution du portefeuille des agents me semble constituer une piste intéressante mais elle ne pourra être discutée que dans le cadre de la convention tripartite. J'ajoute que la distinction qui serait opérée entre conseillers – certains devant suivre 60, d'autres 180 chômeurs – n'est guère populaire au sein de cette structure.
Si je ne crois pas, monsieur Liebgott, que les quartiers sensibles ne profitent pas suffisamment de la politique de l'emploi, je ne suis en revanche pas certain que le ciblage effectué soit à la hauteur des besoins. Nous devrons travailler sur ce sujet dans le cadre de la convention tripartite avec Pôle emploi même si ce dernier, très centralisé, n'est en l'état pas très favorable à cet exercice. Quoi qu'il en soit, nous devrons faire le maximum pour que les contrats aidés profitent aux publics qui rencontrent le plus de difficultés. Nous aurons l'occasion d'en reparler prochainement en séance.
En effet, monsieur Colombier : c'est la croissance qui crée les emplois et pas uniquement les milliards d'euros de ce budget.
Enfin, sur la question du régime de retraite complémentaire des agents de Pôle Emploi, je répondrai à Pascal Terrasse par écrit ou en séance publique.
Monsieur le président Méhaignerie a évoqué la « judiciarisation » des conflits du travail ; or, les inspecteurs du travail ne font pas la loi : ils se contentent d'appliquer un code du travail que nous rédigeons. De plus, seuls 2 % de leurs observations font l'objet de procès-verbaux transmis au Parquet, le reste relevant du conseil et des rappels des droits et devoirs des chefs d'entreprise, en particulier afin de sécuriser les relations de travail. Une action en justice n'intervient qu'en cas d'acte grave, de risque imminent pour le salarié, qu'il s'agisse de sa santé ou de son intégrité physique, ou par exemple en cas de travail illégal. Non seulement le nombre de procès-verbaux est très limité mais, de plus, les procureurs, malheureusement, n'y donnent pas toujours suite. J'ai d'ailleurs proposé dans mon rapport que soit instaurée une gradation des propositions de l'inspecteur du travail – par exemple, la création d'une amende administrative qui permettrait de « dépénaliser » certaines actions.
Les crédits de l'Association nationale pour l'amélioration des conditions de travail, monsieur Juanico, diminuent de 200 000 euros, soit 2 % seulement de sa subvention annuelle. Par rapport à une baisse budgétaire globale de 12 %, vous conviendrez que les efforts sont maintenus. Avec l'inspection du travail et la médecine du travail – financée directement par les entreprises –, l'agence nationale constitue en effet l'un des éléments d'un ensemble permettant d'améliorer les conditions de travail, la santé et la sécurité des salariés. Il n'est pas possible de parler de désengagement de l'État alors qu'un travail important a été accompli, notamment en ce qui concerne les services de santé au travail, les effectifs de l'inspection du travail ayant quant à eux fortement augmenté à la suite du plan mis en place par M. Gérard Larcher. De l'articulation de l'ensemble de ces moyens dépendra leur efficience. J'ajoute que l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (ANSES) est financée en grande partie par d'autres crédits, la baisse de sa subvention au titre de la mission « Travail et Emploi » n'étant que de 2 %.
Je remercie Gérard Cherpion et Dominique Dord pour leurs remarques.
Il est vrai, monsieur le président, que je suis favorable à la mise en place d'un conciliateur du travail, à l'instar du conciliateur de justice, un bénévole qui veillerait à atténuer les conflits plutôt qu'il soit fait appel de façon systématique à l'inspection du travail dont l'intervention contribue parfois à envenimer les relations au sein des entreprises. Un conciliateur, qui dépendrait de cette institution – pourquoi pas d'anciens conseillers prud'homaux, par exemple ? –, contribuerait peut-être à un meilleur règlement des conflits.
Arnaud Richard a évoqué la difficulté qu'il y aurait à aborder la question de la différenciation entre agents de Pôle emploi au sein de la convention tripartite. Sans doute un problème est-il en effet susceptible de se poser dans telle ou telle agence mais ce ne sera pas le cas dans nombre de territoires comme, par exemple, à Gennevilliers, Villeneuve-La-Garenne et Colombes, où les agents de Pôle emploi gèrent chacun un portefeuille situé entre 150 et 250 demandeurs d'emploi, dont quasiment tous sont assez voire fort éloignés de l'emploi, ce qui implique des approches plus complexes que celles que les agents ont les moyens de mener. Le problème n'est donc pas celui de la différenciation : il faut parvenir à alléger la charge de travail de ces agents afin qu'ils soient plus efficaces.
Enfin, les territoires dont je vous parle sont en zones urbaines sensibles et, comme tels, connaissent toutes les difficultés afférentes – la situation s'y est d'ailleurs aggravée depuis trois ou quatre ans alors qu'elle s'était améliorée auparavant.
Martine Billard évoquait une prise d'otage et une tentative de suicide au sein d'une agence de Pôle emploi ; mes collaborateurs ont quant à eux été appelés d'urgence par le commissariat de police parce qu'un demandeur d'emploi menaçait de se jeter du haut d'un pont autoroutier. Ces situations sont inextricables ! Il faut donner plus de moyens là où les problèmes sont les plus délicats.
Je suis d'accord. Notre objectif est bien de permettre une allocation des moyens là où ils sont le plus nécessaires.
Nous en venons à la discussion des amendements.
Article 32 : État B - Mission « Travail et emploi »
La Commission examine les amendements AS 12 de M. Arnaud Richard, rapporteur pour avis, AS 1 de M. Francis Vercamer et AS 8 de M. Jean-Patrick Gille, qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
Le Gouvernement veut réduire à nouveau d'une manière drastique le financement des maisons de l'emploi avec une baisse des crédits de paiement de 38 %. Je propose de rétablir une partie de leur dotation de 2011, à hauteur de 22 millions d'euros, gagée sur une suppression identique des crédits du programme support 155 de la mission.
L'amendement de Francis Vercamer a le même objectif mais le gage sur les diminutions de crédits de l'aide à la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences, ce qui ne me semble pas le plus approprié car je ne vois pas comment nous pourrions assumer le financement du stock.
L'amendement AS 8, enfin, propose un abondement de 10 millions d'euros qui ne me paraît pas à la hauteur des enjeux. Peut-être serait-il possible de trouver une bonne moyenne ?
Ou les maisons de l'emploi sont utiles ou elles ne le sont pas, mais ce ne serait pas une bonne solution que de les tuer à petit feu. Un effort significatif en leur direction a été accompli l'année dernière, lequel me paraît devoir être maintenu de façon à ce qu'elles puissent au moins avoir une vision de moyen terme – leurs personnels, en effet, sont inquiets. Une évaluation devrait permettre de mettre en évidence celles qui sont les plus efficientes mais, en l'occurrence, la dotation budgétaire doit être maintenue.
Enfin, je ne vois pas d'inconvénient à gager ces crédits sur le programme 155, qui sont globalement maintenus pour 2012. Je suis donc prêt à cosigner l'amendement AS 12 et à retirer le mien.
Si vous pensez que 10 millions ne sont pas suffisants, nous sommes évidemment prêts à définir avec vous une somme plus élevée !
Néanmoins, avant d'évaluer les maisons de l'emploi, encore faut-il établir des critères. Qui est aujourd'hui capable de le faire alors qu'avec la création de Pôle emploi leurs missions ont considérablement changé ? Je rappelle que les maisons de l'emploi telles que M. Borloo les avait conçues étaient des structures légères qui se voulaient efficaces sur un territoire donné. Vous connaissez le cahier des charges qui leur a été imposé par la Délégation générale à l'emploi et à la formation professionnelle (DGEFP), lequel les dénature complètement. Si de telles évaluations devaient reposer sur les seuls préfets sur prescription de l'administration centrale, les territoires auraient du souci à se faire. En fait, le Gouvernement veut supprimer les maisons de l'emploi et il aurait tout intérêt à le dire clairement.
Les maisons de l'emploi ont été voulues par M. Jean-Louis Borloo afin de mettre en place des structures territoriales de coordination des actions déjà existantes. Cet objectif correspond moins aux réalités d'aujourd'hui, notamment depuis la création de Pôle emploi par le regroupement des ASSEDIC et de l'ANPE. Il faut donc resserrer les missions des maisons de l'emploi afin qu'elles jouent un rôle complémentaire et non pas redondant. C'est pourquoi, il y a deux ans, un nouveau cahier des charges leur a été assigné, assez différent de celui d'origine. Il en résulte notamment une diminution de leurs besoins. Pour autant, il ne serait pas justifié de réduire brutalement leurs crédits sans connaître leur avenir. Nous devrons, à ce sujet, avoir une discussion avec le Gouvernement en séance publique. Quant au montant que nous entendons leur réallouer, entre 10 et 22 millions d'euros, essayons de trouver un terrain d'entente. Les maisons de l'emploi sont très efficaces à certains endroits, moins à d'autres. Il ne faut donc plus différer l'indispensable débat sur leur avenir.
Une discussion est en effet indispensable avec le Gouvernement. J'espère que celui-ci possède quelques éclairages sur l'efficacité des maisons de l'emploi. En attendant, demandons un maintien des crédits, que pourrait suivre une modulation de ceux-ci, y compris à la baisse si nécessaire.
J'ai moi-même constaté la complexité et la technocratie du nouveau cahier des charges des maisons de l'emploi. Je note aussi que, en dépit de la baisse de leurs crédits, la représentation nationale, de droite comme de gauche, les soutient. Or, soit le système fonctionne, soit il ne fonctionne pas. Mis en place antérieurement à la création de Pôle emploi, il a fait preuve d'un certain dynamisme dans de nombreux territoires. Les acteurs concernés en sont plutôt satisfaits. Peut-être une mission de l'Inspection générale des affaires sociales ou d'un autre organisme de contrôle, pourrait-elle aider à élaborer des critères plus précis d'efficacité. Dans ces conditions, il me semble que notre Commission pourrait adopter une position unanime quant aux crédits pour 2012 en votant un amendement d'abondement se situant entre 10 et 22 millions d'euros, à 15 millions d'euros par exemple. Cela montrerait au Gouvernement notre souci de discuter avec lui de la situation et des perspectives des maisons de l'emploi.
Pourquoi alors ne pas adopter l'amendement AS 12 du rapporteur pour avis, visant à augmenter de 22 millions d'euros les crédits correspondant à la participation de l'État au financement des maisons de l'emploi ?
Prenons garde, nous sommes dans une situation financière qui ne permet pas tout ! Nous désirons avant tout un débat public avec le Gouvernement.
Cela dit, des économies doivent certes être réalisées mais pas sans avoir d'abord fixé les critères d'efficacité des maisons de l'emploi afin de savoir si leur action est complémentaire ou non de celle de Pôle emploi. Ont-elles resserré le lien entre celui-ci, les élus et les entreprises ? Parviennent-elles à développer les bourses et les stages ? Orientent-elles des salariés au titre de la validation des acquis de l'expérience (VAE) ?
Je tiens aussi à préciser que les maisons de l'emploi ne s'adressent à nous, élus nationaux, que pour évoquer leurs problèmes budgétaires.
Le reste du temps elles nous ignorent, sauf, bien sûr, si nous cumulons notre mandat de parlementaire avec celui d'élu local, de préférence présidant l'une de ces maisons de l'emploi.
C'est donc bien une question de critères d'efficacité locale.
Je propose que nous votions l'amendement du rapporteur pour avis, tel qu'Arnaud Richard a accepté de le corriger en fixant l'augmentation à 15 millions d'euros. Cela permettra d'engager avec le Gouvernement le débat que nous souhaitons et que nous avions déjà réclamé il y a deux ans.
Il s'agit là d'un amendement d'appel. Faute de quoi, il n'est pas certain que le débat que nous souhaitons se tienne.
La Commission adopte l'amendement AS 12 corrigé, à l'unanimité.
En conséquence, les amendements AS 1 et AS 8 deviennent sans objet.
La Commission examine l'amendement AS 4 de M. Jean-Patrick Gille.
Tout comme l'histoire des emplois aidés, celle de l'allocation équivalent retraite (AER) relève du roman feuilleton : on la crée, on la supprime, on y revient. Elle fut ainsi supprimée le 1er janvier de cette année puis rétablie en juillet sous une autre appellation, allocation transitoire de solidarité (ATS).
Par cet amendement, qui vise à augmenter de 50 millions d'euros les crédits d'indemnisation des demandeurs d'emploi, nous souhaitons la rétablir. Cette allocation, se substituant à d'autres allocations comme le revenu de solidarité active (RSA), représente un enjeu financier qui implique différentes collectivités territoriales. Il faut aussi rappeler qu'elle s'adresse largement à des personnes qui, bénéficiant du nombre requis de trimestres de cotisations, ne travailleront plus jamais.
Avis défavorable.
Je comprends l'intention de l'amendement. Mais l'exposé des motifs met à mal le statut d'auto-entrepreneur. Le gouvernement a annoncé le remplacement de l'AER par l'ATS, qui s'adressera aux chômeurs nés entre juillet 1951 et décembre 1953, coûtera entre 30 et 40 millions d'euros et devrait bénéficier à 11 000 personnes. Toutefois la ligne budgétaire correspondante n'apparaît pas dans le bleu. Le Gouvernement devra donc nous fournir les explications nécessaires lors de la discussion en séance publique. En attendant, il n'est pas question de rétablir l'AER.
Chaque année, j'ai réclamé, et nous avons obtenu, le rétablissement de l'AER. Maintenant le Gouvernement annonce un nouveau dispositif mais sans en prévoir les moyens budgétaires. Je comprends donc bien les motifs de cet amendement, que je ne voterai pas aujourd'hui mais que je voterai en séance publique si le Gouvernement ne fournit pas les explications attendues et n'inscrit pas les crédits afférents dans le budget de 2012.
Cette question a déjà été soulevée lors du débat sur la réforme des retraites. Le ministre nous avait alors indiqué qu'un dispositif pérenne serait mis en place pour cette catégorie de personnes, oubliée par le projet de réforme. Mais ce qu'on nous propose ici ne correspond pas à la promesse faite : une partie de la catégorie visée va se trouver dans un interstice de la loi et sera ainsi confrontée à des difficultés sociales et financières.
Le Gouvernement avait, en effet, pris l'engagement de discuter de ce dossier avec les partenaires sociaux. Devant dégager une formule de cofinancement, les discussions ont à peine eu lieu. Nous voilà donc en face d'une situation où certaines personnes seront oubliées. J'invite donc mes collègues à voter cet amendement, même si sa forme est imparfaite, afin de pouvoir, en séance publique, interroger clairement le gouvernement.
La Commission rejette l'amendement AS 4.
Elle est ensuite saisie de l'amendement AS 5 de M. Jean-Patrick Gille.
L'allocation de fin de formation fut remplacée par une autre, en cours d'extinction, et le Gouvernement en lance une troisième qui ne fonctionne pas vraiment. Nous proposons donc, selon la même logique que précédemment, de prolonger, via une augmentation de 40 millions d'euros des crédits destinés à l'indemnisation des demandeurs d'emploi, l'allocation intermédiaire qu'est l'aide en faveur des demandeurs d'emploi en formation (AFDEF). Dans le contexte actuel, ce n'est vraiment pas le moment de réduire l'indemnisation des personnes en fin de droits engagées dans un processus de formation.
Avis défavorable.
L'amendement AS 5 est rejeté.
La Commission en vient à l'amendement AS 6 de M. Jean-Patrick Gille.
L'État se désengage actuellement de l'Association nationale pour la formation professionnelle des adultes (AFPA), conduisant celle-ci à de graves difficultés financières. En outre, la présentation de ses crédits est éclatée entre plusieurs lignes budgétaires, ce qui les rend difficilement lisibles, d'autant qu'une partie du financement provient maintenant du Fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels (FPSPP), dont ce n'était pas la destination. Par ailleurs, une subvention de 20 millions d'euros semble ainsi avoir été comptabilisée deux fois par le rapporteur.
Je souhaite, d'une part, obtenir une clarification sur le financement de l'agence, et, d'autre part, « limiter la casse » par cet amendement qui tend à maintenir la subvention de l'État à cet organisme.
L'ensemble des financements destinés à l'AFPA figurent désormais dans le programme 103 « Accompagnement des mutations économiques et développement de l'emploi ». La subvention de fonctionnement ne sera pas versée directement par l'État mais proviendra du prélèvement opéré sur le fonds paritaire. Sur les 300 millions d'euros de celui-ci, 75 millions sont fléchés en direction de l'agence, dont 54 millions au titre de la politique de certification et 21 millions au titre du fonctionnement.
La Commission rejette l'amendement AS 6.
Puis elle est saisie de l'amendement AS 7 de M. Jean-Patrick Gille.
Cet amendement vise à augmenter de 5 millions d'euros les crédits destinés aux contrats aidés outre-mer, prévus par le programme 102, en diminuant corrélativement les crédits affectés au développement du régime des auto-entrepreneurs prévu au programme 103.
Progressant de 7%, le taux de chômage dans les départements d'outre-mer augmente plus fortement que la moyenne nationale. À la Réunion, il frôle les 40 % de la population active et celui des jeunes de 15 à 24 ans atteint les 60 %, selon les statistiques de l'INSEE publiées ce matin même. Imagine-t-on les conséquences de tels taux transposés dans un département de l'hexagone ! Le Gouvernement doit donc agir massivement en faveur des dispositifs d'aide à l'emploi outre-mer.
Avis défavorable.
Les moyens afférents aux dispositifs spécifiques pour l'emploi outre-mer sont intégralement reconduits pour 2012. Seuls diminuent les crédits affectés au congé de solidarité, qui ne compte plus de nouvelles entrées depuis le 1er janvier 2008. Dans un contexte budgétaire particulièrement contraint, saluons plutôt le maintien de la dotation.
L'amendement AS 7 est rejeté.
La Commission examine l'amendement AS 13 de M. Arnaud Richard, rapporteur pour avis.
Alors que 150 000 jeunes doivent être accueillis dans le programme CIVIS, et vraisemblablement beaucoup plus si l'on en croit les missions locales, il ne serait pas logique de revoir à la baisse la prévision du nombre de bénéficiaires potentiels de l'allocation CIVIS en calibrant celle-ci sur la base d'un nombre de 135 000 bénéficiaires, contre 150 000 l'an passé. L'allocation joue un rôle très important dans le parcours d'insertion des jeunes, en termes de mobilité comme de logement, pour un montant total, relativement modeste, de 5 millions d'euros.
Nous soutenons cet amendement. Mais il me semble qu'il ne faut pas se référer au chiffre de 150 000 bénéficiaires, puisque c'est une allocation dont le montant est déterminé au cas par cas.
La Commission adopte l'amendement AS 13.
Elle examine ensuite l'amendement AS 9 de M. Jean-Patrick Gille.
Il s'agit ici d'abonder la dotation destinée aux missions locales. Une aide supplémentaire de 50 millions d'euros leur avait été octroyée dans le cadre du Plan de relance. Celle-ci ayant été supprimée l'année dernière, le montant de la subvention retrouve son niveau d'il y a trois ou quatre ans, en dépit du glissement vieillesse technicité (GVT) que connaissent aussi les missions locales.
Avis défavorable. Je salue toutefois votre regard favorable rétrospectif sur le Plan de relance…
Les moyens alloués aux missions locales sont reconduits pour 2012. Celles-ci devraient en outre bénéficier d'un abondement supplémentaire décidé par les partenaires sociaux dans le cadre de l'accord national interprofessionnel du 7 avril 2011. Un nouvel apport de l'État ne me paraît donc pas justifié. Les missions locales ne le réclament d'ailleurs pas.
Je suis toujours surpris que ceux qui négocient des conventions collectives demandent ensuite à l'État de financer ce qu'ils ont accordé.
J'ai connu des cas où, lors de la discussion de conventions collectives pour le passage aux 35 heures, la quasi-totalité des élus avait quitté la salle … De fait, l'équilibre n'est pas toujours assuré entre le secteur productif, à qui on demande des efforts, et les secteurs qui s'octroient des conventions collectives très généreuses.
La Commission rejette l'amendement AS 9.
Elle en vient à l'amendement AS 10 de M. Jean-Patrick Gille.
L'amendement vise à abonder de 15 millions d'euros l'aide au départ en formation des demandeurs d'emplois handicapés.
Avis défavorable.
Les mesures en faveur de l'emploi des personnes handicapées augmentent déjà de 4,6 %, conformément aux engagements pris dans le cadre de la Conférence nationale du handicap. Il me paraît difficile d'aller plus loin.
L'amendement AS 10 est rejeté.
La Commission en vient à l'amendement AS 3 de M. Jean-Patrick Gille.
Le nombre des chômeurs âgés de plus de 45 ans a augmenté de 15 % en un an. Or la somme budgétée à leur intention permet de couvrir seulement 10 000 embauches. C'est pourquoi nous proposons d'augmenter de 30 millions d'euros les crédits en faveur des contrats de professionnalisation senior.
La Commission rejette l'amendement AS 3.
Puis elle examine l'amendement AS 2 de M. Jean-Patrick Gille.
La maintenance des locaux de l'Agence nationale pour la formation professionnelle des adultes (AFPA) appelle un effort supplémentaire de 10 millions d'euros. D'une façon plus générale, il faudra discuter de la question du patrimoine de l'association. Le transfert de celui-ci ayant été invalidé par le Conseil constitutionnel, l'agence ne peut, pour son fonctionnement, garantir ses emprunts sur des locaux qui ne lui appartiennent pas. La question traîne depuis plusieurs années.
Avis défavorable.
Les crédits sont maintenus à leur niveau de 2011 et, dans l'actuel contexte économique et social, la question du patrimoine de l'AFPA ne constitue pas une priorité budgétaire.
L'amendement AS 2 est rejeté.
Selon l'avis favorable des deux rapporteurs pour avis, la Commission émet un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « Travail et emploi » pour 2012, ainsi modifiés tels qu'ils figurent à l'article 32.
Articles non rattachés
Article 62 : Adaptation des dispositions relatives au financement du contrat unique d'insertion (CUI) pour les ateliers et chantiers d'insertion
La Commission émet un avis favorable à l'adoption de l'article 62 sans modification.
Article 63 : Prélèvement sur le Fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels (FPSPP)
La Commission examine l'amendement AS 11 de M. Jean-Patrick Gille.
Notre amendement vise à supprimer le prélèvement opéré par l'État sur le FPSPP car, au-delà des questions de comptabilité et de trésorerie, on peut s'interroger sur l'utilité d'un tel fonds. Les objectifs ayant justifié sa création sont-ils atteints ? De même que les partenaires sociaux, nous pensons que non.
Cela étant, en deux ans, l'État a ponctionné 600 millions d'euros sur les crédits du fonds. Et si la trésorerie de celui-ci n'en est pas vraiment affectée, il s'agit néanmoins d'un véritable « racket » de la part de l'État. De fait, les appels à projets risquent de ne pas déboucher et l'utilisation des sommes ponctionnées manque de transparence. Dans ces conditions, un rapport annuel au Parlement ne devrait-il pas nous tenir informés du financement des projets ?
Pouvez-vous, monsieur le rapporteur pour avis, nous indiquer sur quelles formations ont débouché les différents appels à projets et, donc, quelle est l'utilité du FPSPP en dehors de l'alimentation des politiques de droit commun de l'État ?
Avis défavorable.
J'entends bien les critiques sur le risque financier qui pèserait sur le FPSPP mais on peut en discuter en ayant à l'esprit la manière dont le fonds gère sa trésorerie : le rythme de décaissement est faible et aucun déficit ne devrait résulter du prélèvement opéré par l'État. Ainsi, au 31 août 2011, au titre des trois conventions conclues avec l'État de 2009 à 2011, sur le montant total des engagements effectivement constatés, soit environ 1 milliard d'euros, 176 millions seulement avaient été décaissés. Parler de « racket » est pour le moins excessif, alors que les sommes prélevées sont intégralement affectées à des dépenses relevant du champ de la formation professionnelle. Enfin, en supprimant le prélèvement de l'État, on supprimerait 300 millions d'euros de la mission « Travail et emploi » : comment alors financerait-on la rémunération des stagiaires de la formation professionnelle ? Avez-vous des propositions alternatives à formuler ? Il est vrai que, comme l'a également montré un rapport de M. Gérard Cherpion, la gestion de la trésorerie du FPSPP n'est pas facile à suivre.
Le FPSPP devait remplacer le Fonds unique de péréquation (FUP) afin de couvrir un champ beaucoup plus vaste. Alimenté par une collecte opérée par les organismes paritaires collecteurs agréés (OPCA), il devait être abondé par l'État, le taux de contribution des entreprises se situant entre 5% et 13% de la participation légale des employeurs au développement de la formation professionnelle. Ainsi s'agissait-il de constituer un fonds d'un peu moins d'1 milliard d'euros.
Le temps nécessaire à la mise en place des mécanismes ayant décalé les décaissements, on aurait pu comprendre que l'État effectue, exceptionnellement, une sorte d'emprunt sur la trésorerie de l'organisme. Or il s'agit en réalité d'une ponction, et d'une ponction devenue annuelle. Du coup, un peu choqués du procédé, les partenaires sociaux veulent réduire le taux plafond de leur cotisation, de 13 à 10%.
Les recettes du fonds s'élèvent à 650 millions d'euros. Sachant que 300 à 400 millions sont affectés à la péréquation du financement des contrats et des périodes de professionnalisation, si l'État opère un prélèvement de 300 millions, que restera-t-il pour les actions du FPSPP ? De fait, en fin d'année, le fonds enregistra un déficit, de l'ordre de 200 à 300 millions d'euros ! On pourrait croire qu'il n'a été institué que pour alimenter le budget de l'État de 300 millions supplémentaires. D'où notre interrogation sur son utilité réelle.
La vérité est que nous n'avons pas vraiment réglé le financement d'ensemble de la formation professionnelle. De multiples organismes interviennent dans ce domaine et des prélèvements sont opérés dans tous les sens. Ainsi, de nombreux partenaires, privés et publics, dont les collectivités territoriales, mènent des actions de formation ou contribuent à leur financement.
Le FPSPP avait été créé pour ceux qui, éloignés de l'emploi, éprouvent le plus de mal à trouver des financements. A priori, il me paraît donc plutôt malsain que l'État vienne prélever des sommes originellement destinées à ceux qui ont le plus besoin de formation professionnelle.
Pour autant, on peut comprendre que, les crédits n'étant pas consommés et les besoins de financement étant criants, une ponction soit opérée sur de l'argent qui dort.
Je souhaiterais donc que, dans le cadre de la semaine de contrôle, on interroge le Gouvernement sur la réalité de l'utilisation des crédits du fonds. Celui-ci est-il utile ou n'est-il qu'un instrument pour débudgétiser une partie des dépenses de l'État ?
Il ne s'agit que de 300 millions d'euros, somme qui est à rapprocher des 30 milliards de la formation professionnelle. Toutefois, il faut se souvenir des raisons qui ont conduit à la création de ce fonds : il s'agissait de soutenir les personnes les plus éloignées de l'emploi. Je regrette donc que l'État effectue un prélèvement sur une trésorerie déjà engagée en fonction de projets retenus car une telle opération peut mettre le système en péril.
Je rappelle également que les partenaires sociaux ont accompli un effort sensible ; or je crains qu'ils ne soient tentés, l'année prochaine, de réduire leur contribution, mettant de la sorte le fonds en danger.
En revanche, je n'approuve pas les termes de l'exposé des motifs de l'amendement.
Avis défavorable, d'autant plus que l'exposé des motifs n'offre aucune solution alternative pour dégager 300 millions d'euros en faveur de la mission.
Je partage les conclusions du rapporteur pour avis, d'autant qu'il va falloir savoir comment on affronte l'année 2012 en matière de financement du chômage partiel et de la formation professionnelle.
La Commission rejette l'amendement AS 11.
Puis elle émet un avis favorable à l'adoption de l'article 63 sans modification.
La séance est levée à douze heures quarante.