Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire
La commission du développement durable et de l'aménagement du territoire a examiné le rapport d'information de la mission d'information sur les modes de financement et de gouvernance des associations de protection de la nature et de l'environnement (M. Jean-Marie Sermier et Mme Geneviève Gaillard, rapporteurs).
Nous allons procéder à l'examen des conclusions de la mission d'information sur le financement et la gouvernance des organisations de protection de l'environnement. Je remercie les rapporteurs d'avoir prévu et distribué une synthèse de leurs dix-huit recommandations sur le contrôle, la transparence, le financement et toutes les problématiques auxquelles sont confrontées les associations aujourd'hui.
Geneviève Gaillard et moi avons travaillé à un rythme relativement soutenu pour ce rapport d'information. Son principe a été décidé à l'été dernier, nous avons commencé nos auditions le 5 octobre pour les achever le 22 décembre. Entre-temps, nous avons rencontré près de vingt-cinq spécialistes du monde associatif dans le secteur de la protection de l'environnement : les principales associations et fondations bien sûr, mais aussi les hauts fonctionnaires en charge du dossier au ministère de l'environnement et des observateurs, des auditeurs, des organismes de contrôle.
En préalable à notre propos, je tiens à dire que nous avons abordé la mission qui nous a été confiée avec la plus grande humilité. Un sondage vieux de quelques mois a indiqué que les associations bénéficient de la confiance de 83% des Français sur la question de la biodiversité, contre 68% pour les collectivités locales et seulement 32% pour le Gouvernement. Je ne doute pas que les chiffres nationaux vont s'améliorer rapidement puisque notre commission a lancé récemment une mission d'information sur la biodiversité : mission brillamment rapportée par Geneviève Gaillard et tout aussi brillamment présidée par le Président Grouard. Mais enfin, les faits sont là : en matière environnementale, les associations ont une cote d'amour qui ne doit rien au hasard et qui mérite le respect.
Nous nous sommes intéressés aux conditions de gouvernance et de financement de ces associations et fondations. L'ensemble du secteur associatif avait été étudié, de façon très approfondie, par notre collègue Pierre Morange au nom de la commission des affaires sociales il y a deux ans. Nous nous référons souvent à ses travaux, dont nous partageons les conclusions. Cette base nous a permis de travailler davantage à la spécificité des associations environnementales.
Il y a une particularité des organisations environnementales ; elle résulte de notre vote : c'est leur participation, en vertu de la loi Grenelle II, à la décision publique. Nous avons créé un nouveau droit, il crée à son tour de nouvelles obligations en termes d'exemplarité et de représentativité. Notre collègue Bertrand Pancher a déjà réfléchi à la question dans son rapport au nom du COMOP 24 du « Grenelle de l'environnement ».
Les organisations environnementales vont avoir un poids, plus que les associations actives dans d'autres domaines, plus même que dans les ministères qui agréent eux aussi des associations. Nous reviendrons à cette question de l'agrément environnemental qui a pour le secteur une importance capitale.
Nous avons en particulier cherché à nous assurer que la parole des organisations reflétait bien l'intérêt général, que leur organisation respectait les principes de l'intérêt général, et que leur financement ne les mettait pas en porte-à-faux par rapport à l'intérêt général.
Nous avons mis le doigt sur des situations assez étonnantes. Ainsi, nous avons rencontré une fondation de protection de l'environnement – celle de Nicolas Hulot – dont EDF et L'Oréal sont des administrateurs et des financeurs importants. Peut-on, dans ces conditions, tenir un discours neutre sur les choix énergétiques et sur les pratiques de vivisection dans l'industrie des cosmétiques ? Nous avons appris que Yann Arthus-Bertrand, président de la fondation Goodplanet, soutient l'organisation de la coupe du monde de football de 2022 au Qatar, gâchis énergétique plusieurs fois évoqué en ces lieux. Le Qatar a par ailleurs financé la traduction en arabe de son film Home. Est-ce une bonne politique ?
Je ne vous le cache pas : autant Geneviève et moi avons relativement peu à dire sur les associations, qui représentent leurs adhérents et qui sont une expression de la démocratie, autant nous sommes plus circonspects sur le poids médiatique acquis par les fondations qui ne représentent souvent qu'une dizaine de personnes et leurs amis.
Je voudrais conclure cette brève présentation en disant un mot des financements. Le budget total des associations dans notre pays, c'est 60 milliards d'euros. C'est un chiffre impressionnant. La protection de l'environnement, là-dedans, pèse très peu : c'est un secteur qui est héritier des sociétés savantes de zoologie, mais qui s'est orienté récemment, dans les années 1970, vers le grand public et vers l'appel à la générosité des particuliers. Il apparaît à peine dans les organisations d'associations qui organisent un contrôle entre elles – le Comité de la Charte – et qui planifient les opérations de collecte – France Générosités.
Mais de l'avis général, parce que les problèmes environnementaux sont majeurs et médiatisés, c'est un secteur qui a une marge de progression importante. Les dons qu'il reçoit augmentent plus vite que la moyenne des associations : + 14 % entre 2008 et 2009 contre + 2 %. Il y a donc beaucoup d'argent en jeu. Nous formulons des propositions pour éviter l'irruption de margoulins. Il n'y a pas besoin de rappeler le désastre de l'ARC. Nous souhaitons éviter que des scandales ne ruinent la cause de l'environnement dans l'opinion.
Nous avons pris soin de regrouper les dix-huit propositions que contient le rapport à la fin de celui-ci. Je vais céder la parole à ma collègue Geneviève Gaillard pour qu'elle vous expose la démarche qui a été la nôtre, et qui tranche, je crois, car nous concluons à l'absence de nécessité d'une loi. C'est pour moi l'occasion de la remercier directement, et au compte-rendu, du travail que nous avons effectué ensemble. Il a été long et passionnant. Nous n'avons pas toujours été d'accord dans nos approches, mais nous avons su mettre en avant nos convergences.
Je vais à mon tour remercier Jean-Marie Sermier. Nous avons bien travaillé malgré des approches initiales différentes, mais la discussion a permis d'aboutir à ce rapport qui nous rassemble.
Nous avons effectivement été humbles dans notre regard sur le fonctionnement des associations, mais nous avons surtout été respectueux de cette grande liberté républicaine, le droit d'association de la loi de 1901. Il n'a jamais été question de la restreindre car les associations créent du lien sur notre territoire, et nous savons à quel point c'est essentiel dans nos collectivités et pour nos concitoyens. C'est une représentation de la démocratie qu'il n'est pas question d'enfermer pour que s'expriment seulement les opinions qui confortent les nôtres. Les associations critiquent le politique : c'est légitime, c'est souvent mérité, reconnaissons-le.
Nous avons axé notre travail sur les questions de gestion, de gouvernance et de financement. Nos auditions et nos recherches nous permettent de tordre le cou à une rumeur. La loi de 1901 pose une liberté pratiquement totale, mais les associations sont contrôlées, très contrôlées, excessivement contrôlées parfois : parce qu'elles reçoivent des dons du public, parce qu'elles reçoivent des subventions, parce qu'elles candidatent à des marchés, parce qu'elles emploient des salariés, parce qu'elles sont agréées, parce qu'elles sont reconnues d'utilité publique, parce qu'elles doivent avoir un commissaire aux comptes.
Des contrôles, il y en a beaucoup, presque trop. Les fonctionnaires et les autorités qui en ont la charge reçoivent tellement de documents sur les comptes et les activités que le classement vertical succède à la lecture diagonale. En fait, tout le monde peut savoir exactement ce que fait et comment dépense une association de taille importante. Mais c'est un travail prenant et peu de gens sont prêts à l'assumer.
Il était hors de question pour nous d'en rajouter. Nous avons préféré appeler à la responsabilité des acteurs. Personne ne contrôle mieux les associations que les membres qui assistent aux assemblées générales. Jean-Marie a parlé des fondations, c'est vrai qu'elles posent un problème : elles n'ont pas d'adhérent. Leur action est légitime, elles font beaucoup pour la promotion de l'environnement. Mais on ne peut se satisfaire d'un conseil d'administration coopté dans lequel les représentants de droit de l'Etat ont parfois l'attitude des muets du sérail et ne réclament surtout aucune responsabilité supplémentaire.
Nos recommandations tiennent, chacun choisira le mot qui lui convient le mieux, à l'éthique, à la morale et à la vertu. Notre enquête n'a révélé aucune faute, mais elle nous a placés face à des conflits d'intérêt dont la persistance est préjudiciable à la bonne réputation des organisations associatives. Des guides de bonnes pratiques existent. C'est à chacun de s'y référer, pour un secteur plus juste.
Les associations et les fondations bénéficient d'un régime fiscal particulièrement favorable qui se justifie par leur engagement désintéressé. Parce qu'elles doivent diversifier leurs ressources financières et ne plus dépendre de subventions, beaucoup se lancent dans des activités économiques. Attention ! Il ne s'agit pas de créer des entreprises libérées du droit des sociétés. Une activité économique complémentaire, c'est légitime ; une activité économique à titre principal, c'est un dévoiement de la loi de 1901.
Il aurait été possible de durcir les contrôles a priori et a posteriori. Jean-Marie Sermier et moi n'y sommes pas favorables : d'abord parce que ce n'est pas efficace, ensuite parce que ça revient à tuer les petites structures, sans expertise technique, qui font la richesse du tissu associatif. Une convention d'objectif, c'est bien pour tracer la dépense publique, mais ça représente 500 euros de frais pour l'association. Les petites renoncent avant même de demander. Ce n'est pas le modèle que nous voulons.
Je vais conclure sur l'agrément environnemental qui est décerné par les autorités, ministère ou préfecture suivant la taille. C'est un outil fantastique, qui permet au public d'identifier immédiatement la crédibilité d'une association, et à l'Etat de vérifier sa bonne gestion. Cet agrément a permis de structurer le secteur associatif de l'environnement. Il est aujourd'hui critiqué, notamment parce qu'il est dans la pratique acquis une fois pour toutes.
Les décrets prévus par la loi Grenelle II devraient le réformer pour introduire une clause de revoyure. C'est une bonne chose. Ce sera aussi la base de la représentativité qui appellera des organisations à participer à la décision publique dans des instances consultatives de façon systématique.
Le gouvernement s'oriente sur une représentativité fondée sur le nombre d'adhérents et de donateurs. En tant que démocrate, je suis d'accord avec ce principe. Mais je trouve dommage qu'il vienne à exclure des associations de taille modeste qui détiennent une expertise appréciable dans un domaine précis. Je pense à des sociétés savantes. Je pense aussi à cette association de protection du loup, de l'ours et du lynx que nous avons entendue : en toute logique, elle compte peu de membres qui, pour des raisons évidentes, se concentrent dans les Alpes et les Pyrénées. Cette association ne rassemblera jamais des dizaines de milliers de personnes, mais c'est un acteur majeur. Il faut que le décret reconnaisse cette dimension d'expertise à côté de la force du nombre. Évitons un regroupement forcé des associations, chacune a son objectif et sa légitimité : il n'est pas question d'en faire un ensemble unique pour des raisons de commodité.
Enfin, je précise que notre rapporteur n'a pas abordé les associations de riverains, dont nous jugeons qu'elles poursuivent un objectif extérieur à la protection environnementale.
Nous sommes maintenant prêts à répondre à vos questions.
Il sera nécessaire d'être prêts, car votre présentation suscite l'intérêt des membres de la commission.
Nous avons consulté les conclusions que nous ont remises les rapporteurs. Je les remercie évidemment pour leur excellent travail.
Avez-vous le sentiment qu'il existe aujourd'hui des associations de protection de la nature et de l'environnement qui ne sont pas indépendantes au regard des financements qu'elles mobilisent ?
En ce qui concerne le comportement purement commercial de certaines organisations, la commission a reçu il y a peu le directeur du WWF France. Nous avons eu un échange intéressant. Cette structure finance des acquisitions de zones humides et leur gestion. Considérez-vous que cette pratique relève d'une activité entreprenariale ?
Une de vos propositions laisse entendre que les associations qui gèrent des réserves naturelles ne sont pas correctement indemnisées par l'État. Pouvez-vous me confirmer cette lecture ?
Vous soutenez le partenariat avec les entreprises polluantes : cela me surprend. Je ne m'oppose pas à ce que des sociétés financent des associations, mais j'aimerais que leurs efforts en matière écologique soient pris en compte. Il serait bon que votre douzième proposition soit un peu tempérée.
En tant que membres de cette commission, nous connaissons tous les principales associations de protection de l'environnement. Beaucoup d'entre nous en ont également été membres.
Je suis assez frappé de lire vos recommandations. Vous affirmez d'abord votre volonté de ne rien changer, mais les dix-huit propositions qui suivent ainsi que votre propos introductif laissent entendre que des évolutions sont nécessaires. Peut-être faut-il faire évoluer les règles du jeu autrement que par des modifications législatives ? Votre quatrième proposition suggère, par exemple, d'éviter que le financement d'une structure repose sur un donateur prépondérant. On ne peut que vous suivre. Ne pourrait-on pas fixer un plafond aux participations ? Cela permettrait d'avoir une structure de gouvernance assise sur des collèges diversifiés.
Votre septième proposition fait état d'un niveau « raisonnable » des frais de fonctionnement. Pouvez-vous préciser cette estimation ?
L'éthique me paraît fondamentale. Les associations de riverains ne sont que des regroupements d'intérêts personnels sous le label environnemental. Le problème est celui du régime déclaratif de la loi de 1901. Je suis frappé de voir qu'une association peut se limiter à trois personnes et que rien n'interdit aux membres d'une même famille d'occuper tous les postes. Quand il y a un financement public intégral, on peut légitimement se poser des questions. Nous avons entendu récemment Mme Nicole Notat sur la question de la notation éthique ; est-ce un dispositif qui pourrait être étendu au secteur associatif ?
Enfin, la presse s'est fait l'écho d'associations qui débouchent sur des candidatures électorales en contradiction avec la législation en vigueur sur le financement des campagnes. C'est une manière de communiquer qui a été employée avec succès lors des dernières élections européennes et régionales. Je m'interroge sur la légitimité d'une éventuelle incompatibilité entre candidature politique et présidence – ou direction générale – d'une grande organisation environnementale.
Je formulerai quelques observations sur les propos que je viens d'entendre. Les ONG environnementales sont de plus en plus influentes, c'est un fait. Elles constituent un pivot de la société civile ; elles jouent un rôle de contre-pouvoir appuyé sur la presse et sur internet ; leur influence dépasse parfois celle des parlementaires eux-mêmes dans les processus normatifs. Nos débats sur le Grenelle de l'environnement l'ont suffisamment montré.
Ces ONG exigent – et c'est légitime – une transparence accrue des entreprises et des pouvoirs publics. Il est tout aussi légitime d'attendre de leur part le même degré de transparence. Tzvetan Todorov le disait déjà : « Donner des leçons de morale n'a jamais été une preuve de vertu ». Les comportements moralisateurs s'arrêtent ainsi au seuil des portes de ces associations, et il n'est pas toujours facile d'en connaître les statuts, la gouvernance et les sources de financement. Par leurs salariés et leurs activités, certaines sont d'ailleurs de véritables entreprises dans les revenus peuvent surprendre. Le baromètre mis en place en 2008 par la fondation Prometheus pour mesurer la transparence associative montre l'étendue des efforts qu'il reste à consentir.
Il ne s'agit pas pour moi de jeter la pierre aux ONG françaises, qui sont encore jeunes, mais une réflexion sur leurs modes de gouvernance et de financement est indispensable. Qui représente qui ? Qui finance qui ? Ces questions ne concernent d'ailleurs pas seulement les associations. Je serais très désireux de connaître le montant des subventions annuelles qui leur sont versées par l'État et par les collectivités territoriales. Ce sont des chiffres parfois entourés de mystère. Je lirai donc avec intérêt le rapport de nos deux collègues.
La question de l'indépendance a été notre principal centre d'intérêt quand nous avons commencé notre mission. Il convient en effet de s'assurer que les associations – et les fondations – ne sont pas contrôlées par des forces politiques ou économiques dans notre pays, en Europe et dans le monde. Greenpeace a par exemple un fonctionnement international qui mérite d'être connu pour analyser ses prises de position.
Aujourd'hui, on peut affirmer que les associations sont bien indépendantes. Mais on sait aussi que certaines limites floues sont faciles à franchir. J'ai cité tout à l'heure l'exemple précis d'une fondation dont le président s'exprime en faveur d'un pays alors que ce pays agit au profit dudit président. Toutefois, nos travaux n'ont pas permis de déceler des cas de dépendance flagrante.
Notre travail nous permet de tordre le cou à des rumeurs. Le résultat de nos investigations est que, clairement, l'indépendance des associations environnementales ne fait pas de doute.
M. Jean-Marie Sermier, rapporteur. La limite peut cependant être franchie rapidement. Les propositions que nous faisons visent à l'empêcher.
Nous ne considérons pas que les acquisitions foncières au bénéfice d'une réserve faunistique ou floristique entre dans le champ des activités entreprenariales, bien au contraire. Nous évoquions plutôt les ventes d'objets à la marque des associations qui capitalisent sur une image forte auprès du grand public. Les prestations de services progressent aussi fortement. Il faut s'assurer que cette activité commerciale n'occupe pas la majeure partie de l'activité, profitant de la bonne image d'un président ou d'une cause sensible aux coeurs de nos compatriotes.
En ce qui concerne l'opportunité de légiférer, nous jugeons qu'il est surtout nécessaire que le droit positif – qui sera encore renforcé par les décrets d'application du Grenelle II – soit parfaitement connu et respecté. Des observateurs doivent s'assurer que c'est le cas. Une nouvelle loi ne ferait que compliquer la théorie sans rien apporter à la pratique.
Il y a eu une remarque sur les frais de fonctionnement. Chez certaines ONG, ils dépassent 50 %, voire 60 %. C'est beaucoup. Par ailleurs, quand on agrège les documents de fédérations comme France Nature Environnement, on passe de 3 000 associations au fonctionnement relativement modeste à un total national de plus d'un demi-million d'adhérents et de plusieurs milliers de collaborateurs. Nous faisons d'ailleurs une recommandation en faveur de la consolidation de ces données.
A propos du contrôle des comptes des associations, on voit apparaître des formes nouvelles de surveillance par des cabinets d'audit, par des fondations privées ou encore par des mécanismes de suivi par des pairs. Nous avons constaté que les associations sont volontaires pour s'engager dans ces démarches novatrices qui tirent le niveau général de transparence vers le haut.
Yanick Paternotte souhaitait une limitation de la quote-part budgétaire que peut amener un financeur unique. Les nouveaux textes issus du Grenelle II devraient limiter à 50 % la part de financement public des associations agréées. J'ajoute que les dotations octroyées par l'État sont non seulement publiques, mais de surcroît commentées tous les ans par notre collègue Philippe Plisson à l'occasion de son rapport pour avis sur le projet de loi de finances. L'apport étatique au secteur de l'environnement reste faible comparé à d'autres domaines associatifs, le social et le caritatif par exemple.
Je confirme que les versements publics sont tout à fait connus et identifiés. Il faut cependant leur adjoindre les réductions fiscales dont bénéficient les particuliers quand ils donnent aux associations, et qui représentent un milliard et demi d'euros chaque année. Ainsi, quand Greenpeace dit ne rien devoir aux pouvoirs publics parce que cette association ne sollicite aucune subvention, la majeure partie de leurs dons est néanmoins concernée par ce dispositif fiscal. Je signale au passage que nous étions circonspects d'apprendre que Greenpeace considère automatiquement ses donateurs comme des adhérents, d'où un chiffre annoncé de 140 000 membres. Il n'est guère étonnant, dans ces conditions, que la dernière assemblée générale ait rassemblé moins d'une centaine de personnes.
Le problème se pose avec une plus grande acuité encore pour les fondations, qui mènent des combats justes, mais dans lesquelles aucun adhérent ne vient exercer un contrôle démocratique. Il est vrai que de nombreux donateurs soutiennent la cause environnementale en général sans ressentir l'envie de participer au fonctionnement d'une association en particulier. C'est aussi une difficulté, y compris d'ailleurs pour les associations qui souhaiteraient compter sur des membres plus actifs. Les combats menés gardent toute leur valeur, mais une clarification serait nécessaire pour que les citoyens sachent ce pour quoi ils donnent.
Les rapporteurs viennent de répondre à une partie de mes interrogations sur les fondations. Je reste très circonspecte à leur sujet.
Avec la baisse des subventions des collectivités, les associations se tournent vers des activités économiques : n'y a-t-il pas une contradiction avec leur objet non lucratif ?
Quant aux financements étatiques, les associations bénéficiaires ne mènent-elles pas des actions redondantes ? Ne serait-il pas possible d'optimiser les dotations pour les orienter vers des domaines autonomes ?
Je suis agréablement surpris de ce rapport et de la qualité du travail parlementaire que conduit notre commission. Ce travail est tout à fait central.
J'ai bien entendu les présentations de nos rapporteurs. Je suis satisfait qu'ils distinguent les petites associations, actives sur nos territoires, et les grosses structures dont les budgets et les objectifs sont très différents. Ensuite, il faut faire la part des choses entre les associations et les fondations. Les chiffres que vous avez mentionnés sont importants : soixante milliards d'euros. Vous avez aussi signalé que ces associations ont la confiance des Français ; en témoigne la présence de leurs dirigeants au sommet des palmarès de popularité que publie régulièrement la presse.
Il me semble que nous, élus de la nation, avons une responsabilité morale et politique majeure. C'est bien de porter des combats avec ses moyens ; encore faut-ils que ces moyens soient assumés. Quand Veolia et EDF financent Nicolas Hulot, que sait-on de leurs actions et que pensent les Français d'un tel mécénat d'entreprise ? La législation actuelle lui est très favorable après la loi TEPA : la défiscalisation peut atteindre 66 %. C'est considérable, d'autant plus que le sujet tient aujourd'hui une place importante pour l'opinion et qu'il détermine en partie l'agenda politique national. Vous auriez d'ailleurs pu auditionner sur ce point M. Alain Lambert qui avait, il y a quelques années, commandé un rapport à l'inspection générale des finances fortement critique.
En tout cas, je ne crois pas que ces éléments permettent de conclure à l'opportunité de laisser la législation en l'état. Je soutiens les propositions que vous formulez, mais c'est soit trop, soit pas assez. Je demande, M. le Président, la création d'une commission d'enquête sur les activités et les financements des associations et des fondations de grande dimension. Il y a là tous les prémices d'un scandale majeur qui ne manquera pas d'éclater dans les années à venir.
Il faut rendre hommage aux associations et à leur bénévolat exceptionnel. Je me réjouis que le rapport le fasse et qu'il échappe à la tentation du « jeu de massacre ». Les associations ne sont jamais qu'à l'image des partis politiques avant la réglementation : sans finances publiques, chacun tente de se débrouiller seul. Certaines reposent entièrement sur des bénévoles ; d'autres sollicitent des entreprises et on voit bien les limites de cette stratégie ; d'autres enfin utilisent des moyens plus obscurs qu'il faut clarifier.
Je trouve les propositions très intéressantes. Il y a un besoin de renforcement du financement public car les associations n'ont pas toujours les moyens de mener leurs actions. Quand on compare les moyens de l'environnement avec les ressources des organisations de chasse et d'agriculture, le différentiel est patent. A la création des associations familiales, celles-ci recevaient un millième du montant total des allocations familiales soit approximativement vingt-cinq millions d'euros annuels ; France Nature Environnement, ce n'est que sept millions d'euros. Je pense stratégique d'inscrire ce financement dans la loi.
Vous avez peu insisté sur le statut du bénévole responsable. Il pourrait prendre pour modèle celui des sapeurs-pompiers volontaires pour permettre de siéger dans des organismes représentatifs.
Il y a la question du défraiement des bénévoles associatifs, avec une rémunération dans certains conseils d'administration. Je suis frappé de constater que le représentant d'une association de locataire est défrayé pour siéger dans les instances d'un organisme HLM. Qu'en est-il des bénévoles environnementaux ? Il ne faut pas s'étonner de ne rencontrer que des personnes âgées retraitées.
Il faut aussi envisager la formation du bénévole pour mieux structurer les actions.
J'ai apprécié ce rapport qui a le grand avantage d'exister. La diffusion de l'information qu'il contient doit être la plus large possible. Mais je suis plus réticent en ce qui concerne vos conclusions. Ainsi, quand vous parlez d'indépendance, qui en est juge ? De quel droit interdirait-on à M. Hulot de présenter sa candidature à l'élection présidentielle au motif qu'il anime une fondation environnementale ? Il appartient simplement aux Français de juger de son indépendance vis-à-vis d'intérêts extérieurs.
Vous évoquez la dimension commerciale. Tant mieux si une association, dans le prolongement de son activité, parvient à labelliser des produits qui lui assureront des revenus permettant de développer son activité ! Si d'aventure elle débordait hors de son objet social, il appartiendrait aux tribunaux de faire évoluer son régime fiscal.
Je ne me sens pas la capacité de juger ; en revanche, je sollicite la plus grande transparence. L'opinion est seule juge, non pas tel ou tel tribunal parlementaire dirigé par Jean Lassalle. La loi de 1901 instaure la liberté. La moralité doit l'encadrer ; il ne revient pas à une cour de l'ériger.
Pour en revenir au rapport, je le considère fondamental. Il devrait être mené chaque année pour permettre à chacun d'être informé du paysage associatif et de ses pratiques.
La distinction entre associations et fondations est fondamentale. Je suis d'accord avec les rapporteurs qui, en ce qui concerne les associations, refusent de « jeter le bébé avec l'eau du bain » et s'élèvent contre la rumeur, même si des dysfonctionnements peuvent exister.
Le cas des fondations est plus intéressant : elles disposent de moyens, elles ont une aura médiatique, elles ont une crédibilité qui interroge. Leur représentativité se limite à leur conseil d'administration composé en tiers, comme le rappelle votre rapport : des représentants de l'État, les fondateurs et des personnalités qualifiées. Mais comme ce troisième tiers est désigné par le deuxième, l'équilibre est déstabilisé. Je considère que c'est parfaitement anormal.
Qui contrôle, en outre, les conflits d'intérêt ? Les exemples cités par les rapporteurs sont très parlants. Quelle sanction reçoivent-ils ? Est-ce le retrait de la reconnaissance d'utilité publique ? Est-ce un avertissement ? Quel est l'organe compétent ? J'ai le sentiment que l'administration laisse filer et qu'il n'y a pas de suivi de l'utilité publique, donc que les fondations peuvent basculer vers l'intérêt privé sans subir la moindre conséquence.
Jean-Paul Chanteguet a déjà exprimé son étonnement en ce qui concerne votre position sur les partenariats. Je crois qu'ils devraient être assis sur la responsabilité environnementale et sociale, car trop de sociétés se dédouanent de leur responsabilité sociale par du mécénat écologique.
Je voudrais d'abord corriger une affirmation inexacte sur les associations de chasse : elles ne touchent rien de l'État ; c'est même une des rares activités dont l'exercice est assujetti au paiement d'une redevance annuelle. Même si les fédérations de chasseurs sont des associations de protection de la nature, elles ne reçoivent aucune subvention.
Je suis choqué par le principe de la réduction fiscale dont bénéficient les dons aux associations. Quand on veut faire un cadeau, on le fait avec son argent et pas avec celui des autres – en l'occurrence avec les deniers publics. L'État n'a pas à sponsoriser. Ce devrait être une question de moralité.
Je souhaite vous interroger sur les associations environnementales dont l'unique but est de déférer les arrêtés municipaux et préfectoraux devant les tribunaux. C'est le cas de l'ASPAS, spécialisée dans la protection des animaux, qui saisit tous les ans les juridictions administratives de la presque centaine d'arrêtés qui dressent la liste des espèces nuisibles. Cette structure vit des dommages et intérêts qu'elle amasse, qui sont sa ressource principale. Je trouve cela choquant.
Enfin, je suis confronté à une forme de « racket » dans mes fonctions d'élu local. Il y a sur mon territoire des amphibiens protégés, et des friches industrielles que nous voulons réhabiliter. Chaque fois qu'une autorisation est requise auprès de la DREAL, celle-ci prend l'attache d'une association spécialisée qui établit un rapport d'analyse. Et chaque fois que nous souhaitons une dérogation, nous devons nous aussi solliciter cette même association, à titre onéreux évidemment, sans quoi notre dossier n'a aucune chance de recevoir l'aval de la DREAL. C'est proprement scandaleux.
Je suis surpris par la recommandation n° 12 qui prend le parti des partenariats avec les entreprises les plus polluantes. On met le doigt sur la question des conflits d'intérêt.
Les maires sont souvent confrontés à des associations de riverains qui se forment pour protéger leurs résidences secondaires d'un quelconque voisinage. Leur lien avec l'intérêt général ne me paraît pas évident.
Comment s'est effectué le choix des associations auditionnées ? Je m'étonne de l'absence des associations de pêcheurs et de chasseurs, dont l'action en faveur de la protection de la nature n'est plus à démontrer.
Comme Bertrand Pancher, je rends hommage à l'action des associations. Mais j'ai des difficultés avec les fondations, que j'illustrerai avec un exemple récent. Je note que nos rapporteurs ne souhaitent pas provoquer une inflation législative, ce qui est louable, mais le droit des fondations d'entreprise appelle clarification.
L'environnement est un terrain privilégié pour le mélange des genres entre philanthropie et marketing d'entreprise. Il y a bientôt un an, j'ai suivi le cheminement de la proposition de loi rapportée par Mme Claude Greff sur la mise en place du service civique. Majorité et opposition se sont entendues pour exclure les fondations d'entreprise du dispositif : il est impossible de justifier que le nettoyage de plages mazoutées incombe à des jeunes effectuant leur service civique qui arborent le logo d'une entreprise pétrolière. Ca n'a d'ailleurs pas de lien avec la structure de capital, puisque les mêmes objections sont portées à l'encontre d'entreprises publiques.
Plus largement, je suis choqué par les campagnes de communication publique cofinancées par le ministère de l'écologie et des entreprises comme GDF Suez. On est, de mon point de vue, dans la confusion des genres. Une loi pourrait prouver son utilité.
Je félicite moi aussi les rapporteurs pour leur travail. Notre intérêt est évident, nos discussions en sont la preuve.
Votre huitième recommandation demande le financement intégral par la puissance publique des associations qui gèrent des réserves naturelles. Je rappelle que la taxe départementale sur les espaces naturels sensibles (TDENS) peut justement aider à financer les acteurs. Dans mon département, elle rapporte 1,2 million chaque année : c'est efficace et apprécié. Les moyens juridiques existent, ce n'est pas toujours le cas de la volonté politique des conseils généraux.
Les partenariats avec les entreprises ne me dérangent absolument pas. Nous sommes dans la logique de la liberté associative. Il faut simplement que cela soit dit et connu de l'opinion publique. Le grand public apprécie les associations et les fondations environnementales ; il peut comprendre comment elles sont financées.
Une réflexion sur l'indépendance et la moralité des associations est impérative. Geneviève Gaillard a mentionné mes travaux sur la gestion budgétaire du ministère de l'environnement. J'ai été étonné des sommes accordées et je me suis demandé l'indépendance était assurée par rapport aux pouvoirs publics. Peut-on être sûr que les crédits de l'État ne subissent pas une modulation en fonction du degré de complaisance, et que la parole associative est libre de se faire contestataire ?
Nous avons un vrai problème avec les ONG qui prennent toujours plus de place dans nos délibérations.
J'aurais aimé que la recommandation d'une plus grande traçabilité des dons inclue la proposition d'une diffusion de l'identité des principaux financeurs. Pour contextualiser le propos associatif, savoir qui paie est une nécessité. Lorsque la commission auditionne les dirigeants de ces organisations, j'aimerais que nous disposions de leurs données financières et comptables. Je suis fatigué des leçons de morale qui s'adressent tous les jours aux élus – et c'est normal – mais puisque ces associations ont décidé de faire de la politique, elles doivent aussi justifier publiquement de leurs ressources.
Je voulais insister sur la transparence, mais tous l'ont fait avant moi. Le don peut avoir une conviction pour origine, mais les motivations fiscales jouent aussi leur rôle. Je souhaite une plus grande séparation entre la notion de don et celle d'adhésion.
En ce qui concerne la TDENS, certains départements la mettent correctement en oeuvre et il faut les saluer. D'autres sont moins performants. D'autres enfin la tiennent pour une ligne de trésorerie. Un contrôle est nécessaire sur son affectation, ou peut-être faut-il un ajustement de la réglementation.
Enfin, les collectivités locales versent souvent aux associations une subvention annuelle de fonctionnement. Les décisions en matière d'urbanisme conduisent à les solliciter comme membres des comités de pilotage. Et elles candidatent enfin aux appels à projet des inventaires faunistique et floristique. Autour de la table, on retrouve donc d'un côté les salariés de l'association qui restituent le compte-rendu de l'inventaire, et de l'autre côté le président de l'association qui vote au même titre que les élus. Je ne remets pas en cause la compétence de ces organisations, qui est réelle, mais je souhaite qu'elles soient astreintes aux règles d'indépendance qui ont été édictées à destination des élus.
Il faut souligner combien la vie associative est importante pour notre démocratie. Dans le domaine environnemental, les associations apportent un angle d'analyse différent et un approfondissement. Elles ont favorisé des prises de conscience qui ne seraient pas venues aussi rapidement en leur absence.
Cela n'empêche pas les difficultés, qui peuvent aller jusqu'à l'instrumentalisation – consciente – des grandes associations environnementales. En premier lieu, elles sont utilisées comme filtre démocratique : au lieu de solliciter le peuple, on considère que la parole des associations vaut expression de la parole démocratique. C'est un faux-semblant qui arrange, évidemment, ceux qui craignent le peuple.
Je vois une seconde instrumentalisation, qui consiste à limiter les politiques publiques dans le domaine de la recherche. L'expertise des associations – qui est réelle, en témoigne la présence parfois en leur sein de scientifiques de très haut niveau – est utilisée en substitution d'une expertise publique qui disparaît faute de moyens.
Enfin, je considère que ces associations sont le moyen, pour le système capitaliste, de masquer les effets dévastateurs de son fonctionnement sur les équilibres naturels. Ce tour de passe-passe se manifeste par le « capitalisme vert » et par l'hypocrisie des grandes entreprises polluantes qui, avec force mécénats et fondations, tentent de dissimuler les dommages que causent leurs activités.
L'identification de la parole environnementale aux grandes ONG environnementales nuit enfin aux associations généralistes qui poursuivent un objectif pédagogique d'éducation populaire. Elles n'obtiennent plus de financement public car tous les fonds sont dirigés vers les structures médiatiques. Je n'ai pas été choqué par la demande de Jean Lassalle : il faut que cette commission dispose d'un guide des financements de ces associations et de ces fondations.
Nous avons tous compris les effets pervers du financement public sur les associations. Je pense qu'il est temps de faire du ménage dans le secteur environnemental. Toutes les associations sont différentes. Une mission parlementaire transversale devrait établir une typologie du paysage associatif, qui est pour l'heure totalement désorganisé.
Je lance l'idée d'un plafonnement des financements publics. Il faudrait aussi identifier les objectifs, les actions, la gouvernance. On diminuerait l'acuité des problèmes. La transparence permettrait de donner aux petites associations les moyens d'exister, car je ne crois pas que les grosses en aient le plus besoin. Cette classification devrait venir de nous, le Parlement, car les associations sont un des ciments de notre société. Il est temps d'y mettre de l'ordre.
Avant de donner la parole à nos rapporteurs pour conclure cette réunion, je voudrais saluer la qualité des interventions et du débat. Je sens qu'il existe une convergence dans les propos de chacun et j'aimerais exposer ce que je ressens comme les principaux points de convergence.
Tout le monde reconnaît l'importance du tissu associatif dans notre pays, au-delà de la seule sphère environnementale. Les élus locaux savent quel travail exceptionnel il accomplit, travail sans lequel nous aurions d'ailleurs bien du mal à fonctionner au quotidien.
Beaucoup de ce qui a été dit pose la question du « passager clandestin », c'est-à-dire du détournement d'un système par quelques acteurs vers d'autres fins que les siennes. J'ai bien ressenti un doute sur la nécessité de légiférer ou pas, et la volonté d'inviter une inflation législative.
Il y a une distinction entre les petites associations, qui oeuvrent au quotidien en s'appuyant sur des bénévoles, et de grandes associations, qui disposent de personnels salariés et d'une envergure au moins nationale. Les problématiques sont très différentes. Vous avez établi une seconde différence entre les associations et les fondations.
La commission s'est accordée sur le besoin d'une transparence accrue, qui est d'ailleurs rappelé dans le rapport sur la base d'éléments précis. Les problèmes du financement et de la fiscalité lui sont liés, je pense. Enfin, nous sommes tous d'accord pour prévenir les conflits d'intérêt.
Je pense que ce débat appelle d'autres développements. Nos rapporteurs, qui ont fourni un travail remarquable et qui connaissent bien le sujet, pourraient prolonger leurs investigations pour fournir des éléments d'appréciation à la commission sur les interrogations que la discussion a suscitées et sur les propositions qu'ils ont formulées. Le règlement le permet. Ces informations complémentaires collectées, nous nous réunirions pour refaire un point.
Il y a une possibilité alternative, c'est la saisine du comité d'évaluation et de contrôle qui est placé auprès de la présidence de l'Assemblée nationale. Le sujet serait abordé de manière beaucoup plus large, avec la transversalité qui nous fait défaut puisque nous sommes limités au secteur de l'environnement. En tant que président de commission, je peux suggérer ce thème de travail au Président de l'Assemblée.
Quel est le sentiment de nos rapporteurs ? Ont-ils la volonté de poursuivre leur mission ?
Avant la réponse de nos rapporteurs, je tiens à exprimer mon soutien à votre très juste analyse. La gravité de certains faits qui ont été portés à ma connaissance me conduit toutefois à demander, dès maintenant, la constitution d'une commission d'enquête parlementaire. J'adhère parfaitement à tout le reste de votre intervention.
Indépendamment du fond, nous avons abordé le secteur associatif environnemental alors que les problématiques soulevées concernent la totalité du tissu associatif. Du point de vue de la méthode, il me semblerait dommageable que les investigations se concentrent sur une petite partie seulement du dispositif. On pourrait évoquer par exemple les masses financières qui sont brassées par le secteur sportif. Les clubs gèrent des millions d'euros alors qu'ils ont une structure juridique associative, à l'exception des grands clubs professionnels qui se rencontrent dans quelques sports bien déterminés. C'est aussi un sujet, y compris au plan local, avec toute la logique du sponsoring.
Je ne voudrais pas que le débat se trouve polarisé sur les seules structures environnementales. Nos débats ont des conséquences sur la perception des sujets de société par nos concitoyens. On ne peut pas laisser entendre qu'il y a des moutons noirs dans un secteur et pas dans les autres. C'est pourquoi l'approche transversale s'impose de mon point vue, et le comité d'évaluation et de contrôle est tout désigné pour la mettre en oeuvre.
Je pense que nous ne pourrons pas répondre à toutes les questions, mais je voudrais dire ma surprise devant certains propos qui ont été tenus au cours du débat. On pourrait croire que les associations de protection de l'environnement, qui ne sont pas très nombreuses, seraient totalement opaques et que leur gouvernance serait insatisfaisante. Nous prouvons le contraire. Il suffit d'aller sur leurs sites internet : vous saurez tout. Les associations sont conscientes des efforts à consentir pour améliorer la situation.
Il faut faire attention dans les comparaisons. Les associations environnementales ont la particularité de « gêner » les élus, parce qu'elles ne vont pas toujours dans le même sens. Un club sportif arrange toujours la municipalité ; une association qui attaque ses décisions ne l'arrange pas. Je répète tout de même que les associations – je parle bien des associations et pas des fondations – ont une gouvernance claire, que les comptes sont publics et à la disposition de tous les citoyens. Un commissaire aux comptes est même obligatoire à partir d'un certain montant de subventions.
Il est possible qu'une petite structure à l'action locale déroge à ce schéma. Mais pour ce qui est des grandes associations, j'ai pu constater tout au long de nos travaux qu'elles sont dans une logique de transparence. Je ne serai pas en tant que rapporteur le « fossoyeur » des associations de protection de l'environnement, qui sont utiles.
Sur les fondations en revanche, nous avons une véritable réflexion à entamer. C'est un autre sujet. Mais nous nous sommes là aussi cantonnés aux fondations environnementales. De même, nous n'avons pas abordé le secteur de la protection des animaux, ni le statut des bénévoles. Ce n'est pas la mission qui nous a été confiée.
En ce qui concerne les partenariats avec les entreprises les plus polluantes, je signale que c'est la seule façon de faire progresser la cause de l'environnement. On ne peut promouvoir les bonnes pratiques qu'auprès de ceux qui en ont de mauvaises. N'accepter de travailler qu'avec les sociétés parfaitement vertueuses reviendrait à promouvoir les droits de l'homme en Scandinavie, pays où les standards sont déjà très élevés. Je conçois que certains puissent être interloqués en première analyse, mais cette approche s'impose par la stricte analyse logique.
Il y a eu des remarques sur la part de financement public. Je rappelle que les associations exercent des missions qui leur sont demandées par les collectivités territoriales et par l'État. Il n'y a quasiment plus de subventions de fonctionnement ; ce sont les projets conduits qui font l'objet d'une rétribution. Parfois, la dotation publique ne suffit pas et il faut chercher l'argent ailleurs : de là naissent les partenariats et les activités commerciales.
Le cas des associations de locataires, pour lesquelles la participation à des réunions est indemnisée, a été abordé. Il ne s'applique pas aux associations environnementales. Celles-ci sont exemplaires puisque leurs dirigeants refusent d'admettre que les fonctions qu'ils accomplissent bénévolement puissent faire l'objet d'une rémunération, alors que la pratique en est ailleurs généralisée. Seuls les défraiements sont acceptés.
Il faut donc prendre garde aux opinions exprimées. On ne peut condamner tout un secteur sur des préjugés.
Je vous remercie de la variété des questions posées. Nous avons compris que des interrogations existent, mais le problème ne réside pas dans les associations locales même si elles perturbent parfois l'action de l'élu local. Elles font avancer leurs idées ; ce sont les règles du jeu démocratique.
Les problèmes que nous avons identifiés concernent les fondations et quelques rares associations internationales. Nous avons alors des difficultés pour bien comprendre les relations en termes de gouvernance et de financement. Le directeur de Greenpeace nous les a expliquées en détaillant les organes internationaux et la répartition des droits de vote : la France occupe ainsi un siège parmi vingt-huit même si elle représente plus dans la structure des financements.
Nous n'avons décelé ni prise illégale d'intérêt ni collusion qui mériteraient d'être immédiatement communiquées. Mais tout le monde sent combien la limite est floue. L'image médiatique d'une marque ou d'une personnalité permet à des acteurs économiques étrangers de peser sur des décisions nationales stratégiques : non pas le tracé d'une déviation départementale, mais la réglementation des organismes génétiquement modifiés, des ondes ou encore du nucléaire. Il faut faire attention et délivrer un cadre pour que le public soit informé.
Aujourd'hui, toutes les fondations et toutes les associations respectent leurs obligations légales. Une brève recherche sur internet permet de connaître l'essentiel. Ce n'est peut-être pas suffisant dans la mesure où tout le monde ne fait pas les deux clics nécessaires. Les donateurs refusent de s'investir en profondeur : ils se soucient de l'ours blanc ou du tigre du Bengale, mais pas forcément des modalités de fonctionnement des organisations qu'ils financent. Il faudra trouver des solutions pour préciser la légitimité de prises de position effectuées dans les médias.
En ce qui concerne les partenariats, je souscris pleinement aux propos de Geneviève Gaillard. Les entreprises qui polluent doivent pouvoir financer des associations environnementales. Chaque fois que RFF trace une nouvelle ligne, il crée un fonds spécifique à l'environnement pour compenser la dégradation des milieux qui en découle. On ne peut pas le lui reprocher.
Ce débat nous a fait sentir que le sujet n'est pas totalement épuisé. J'ai entendu la sollicitation du président. Nous serions heureux de continuer notre démarche si la commission le souhaite.
Je mets maintenant aux voix la question de la publication de ce rapport, après avoir remercié nos rapporteurs pour la qualité du travail qu'ils ont accompli et qu'ils vont poursuivre.
La Commission autorise à l'unanimité le dépôt du rapport d'information en vue de sa publication.
Membres présents ou excusés
Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire
Réunion du mercredi 2 février 2011 à 9 h 30
Présents. - M. Yves Albarello, M. Jérôme Bignon, M. Philippe Boënnec, M. Jean-Claude Bouchet, M. Christophe Bouillon, Mme Françoise Branget, M. Jean-Paul Chanteguet, M. André Chassaigne, M. Frédéric Cuvillier, Mme Claude Darciaux, M. Marc-Philippe Daubresse, M. Stéphane Demilly, M. David Douillet, M. Raymond Durand, M. Paul Durieu, Mme Odette Duriez, M. Philippe Duron, M. Albert Facon, M. Daniel Fidelin, Mme Geneviève Gaillard, M. Alain Gest, M. Jean-Pierre Giran, M. François-Michel Gonnot, M. Didier Gonzales, M. François Grosdidier, M. Serge Grouard, M. Michel Havard, M. Armand Jung, M. Jacques Kossowski, Mme Fabienne Labrette-Ménager, M. Pierre Lang, M. Jean Lassalle, M. Jacques Le Nay, Mme Annick Lepetit, M. Bernard Lesterlin, M. Jean-Pierre Marcon, Mme Christine Marin, M. Gérard Menuel, M. Philippe Meunier, M. Bertrand Pancher, M. Yanick Paternotte, Mme Marie-Françoise Pérol-Dumont, M. Philippe Plisson, Mme Sophie Primas, M. Christophe Priou, Mme Catherine Quéré, Mme Marie-Line Reynaud, M. René Rouquet, M. Martial Saddier, M. Jean-Marie Sermier, M. Philippe Tourtelier
Excusés. - M. Jean-Yves Besselat, M. Maxime Bono, M. Christophe Caresche, M. Lucien Degauchy, M. Olivier Dosne, M. André Flajolet, M. Joël Giraud, M. Antoine Herth, Mme Conchita Lacuey, M. Philippe Martin, M. Max Roustan, M. André Vézinhet
Assistaient également à la réunion. - M. Francis Saint-Léger, M. Michel Zumkeller