La commission a examiné pour avis l'article 11 du projet de loi portant diverses dispositions d'adaptation de la législation au droit de l'Union européenne en matière de santé, de travail et de communications électroniques (n° 2789) sur le rapport de Mme Laure de La Raudière, rapporteur pour avis.
Le projet de loi portant diverses dispositions d'adaptation de la législation au droit de l'Union européenne en matière de santé, de travail et de communications électroniques a été renvoyé pour examen au fond à la Commission des affaires sociales. La Commission des affaires économiques s'est saisie pour avis de son article 11, qui habilite notamment le Gouvernement à transposer par voie d'ordonnance le troisième « paquet télécoms ».
Je tiens à insister sur l'importance du sujet.
L'essentiel des modifications à apporter à la législation française est technique. Les deux directives à transposer ne représentent pas une mutation majeure du cadre réglementaire européen. Leur précision laisse peu de marge de manoeuvre – voire aucune – aux États membres. C'est pourquoi le Gouvernement a fait le choix d'une transposition par voie d'ordonnance.
Mme Laure de La Raudière, rapporteur pour avis, détaillera dans un instant les dispositions qu'entend prendre le Gouvernement dans le cadre de cette transposition et son exposé devrait, me semble-t-il, accréditer cette analyse.
Pour autant, le nombre de modifications qu'il est nécessaire d'apporter au code des postes et des communications électroniques, ainsi que l'habilitation du Gouvernement à effectuer des modifications complémentaires à la stricte transposition rendent nécessaires une complète transparence du processus d'élaboration de l'ordonnance.
Cette volonté est sans doute partagée par tous les membres de la Commission. La présence ce soir du ministre chargé de l'industrie, de l'énergie et de l'économie numérique témoigne d'ailleurs du souci du Gouvernement d'associer la représentation nationale au travail de transposition.
Peut-être l'engagement du ministre à transmettre aux membres de la Commission un projet d'ordonnance finalisé avant l'examen du texte en séance publique et à tenir compte des remarques que nous pourrions lui adresser sur cette base serait-il à même de lever toutes les inquiétudes qui pourraient subsister.
Je signale que quatre amendements ont été déposés sur le projet de loi : un du Gouvernement, deux du groupe SRC et un du groupe UMP. Les débats devraient donc être relativement brefs.
Je voudrais être certain, monsieur le ministre, d'avoir bien compris que, comme vous me l'avez indiqué par lettre à la suite des débats que nous avons eus dans l'hémicycle, le Gouvernement accepte qu'une partie de la transposition des directives relatives au marché intérieur de l'électricité soit débattue dans le cadre d'une loi normale, le reste étant transposé par ordonnance.
Je vais donner lecture, à l'intention des membres de la Commission, des deux derniers paragraphes de la lettre que j'ai adressée à M. Brottes après l'échange que nous avions eu dans l'hémicycle :
« Je m'engage à ce que les services compétents de mon département ministériel viennent vous présenter le détail de ce projet d'ordonnance dès que vous en ferez la demande. Je m'engage également à ce que ce texte fasse l'objet d'un débat contradictoire avec la Commission des affaires économiques si son nouveau président le sollicite. »
Monsieur le président, vous avez déclaré en séance que vous le solliciteriez.
Je poursuivais ainsi :
« Par ailleurs, je souhaiterais que la finalisation de ce projet puisse se faire en totale concertation avec les commissions parlementaires compétentes et, le cas échéant, dans ce cadre, amendée par les parlementaires, notamment sur les sujets que vous avez ciblés : prérogatives nouvelles de la CRE [Commission de régulation de l'énergie] relatives à la certification de l'indépendance des réseaux de transport, ainsi que les sanctions afférentes, le plan décennal d'investissement, ses conditions d'élaboration et le contrôle de son exécution par la CRE, les conditions de fixation des tarifs de transport et de distribution pour le gaz et l'électricité. »
L'adverbe « notamment » ouvre à d'autres membres de la Commission la possibilité d'aborder d'autres sujets que ceux, du reste cruciaux, que j'ai énumérés.
Je vous solliciterai en effet, monsieur le ministre, afin que nous ayons un débat contradictoire en Commission sur le projet d'ordonnance. Sur la base des différentes positions exprimées, un groupe de travail pourrait alors formuler des propositions sur la rédaction du texte. Il n'est pas certain, en effet, qu'une commission parlementaire puisse à proprement parler amender un projet d'ordonnance.
M. Brottes craignait que l'ordonnance puisse être adoptée sans avoir fait l'objet d'un débat contradictoire…
Je lui ai donc confirmé que ce débat pourrait avoir lieu, même s'il n'est pas certain qu'il puisse donner lieu à des amendements au sens formel du terme. C'est en effet l'habilitation du Gouvernement à prendre cette ordonnance, et non l'ordonnance proprement dite, qui fera l'objet du projet de loi soumis au Parlement.
Accepteriez-vous qu'un groupe de travail se réunisse pour évoquer le texte de l'ordonnance ?
Avec grand plaisir. En tout état de cause, le projet d'ordonnance vous sera présenté par anticipation et, lors de l'examen du projet de loi d'habilitation en séance publique, M. Brottes et son groupe pourront, s'ils le souhaitent, présenter des amendements.
Certains sujets méritent d'être traités dans le cadre d'une loi ordinaire, et non d'être adoptés par ordonnance. De fait, la procédure d'habilitation – dont tous les gouvernements ont malheureusement été coutumiers – laisse au Parlement une marge de manoeuvre quasi nulle. En l'occurrence, certains points de la transposition devraient donc être sortis du cadre de l'habilitation et traités au moyen d'un véhicule législatif plus classique, qui permettrait un débat. Cela s'est déjà fait à l'occasion d'autres ordonnances.
Si M. Brottes et son groupe ont des propositions d'amendement à formuler, le Gouvernement est prêt à les étudier et à les discuter lors de la présentation du projet d'ordonnance devant votre commission ou de la discussion du projet de loi d'habilitation en séance publique.
Monsieur Brottes, hors de toute considération politique, j'entends bien que vous souhaitez exprimer vos préoccupations et présenter vos analyses dans l'hémicycle et les voir consignées au compte rendu officiel. Or c'est bien ce que vous permettra le débat sur le projet de loi d'habilitation.
Je propose, monsieur le ministre, que nous poursuivions ce dialogue avec votre cabinet, afin de trouver la meilleure solution possible.
Je ne doute pas que nous y parvenions.
L'article examiné aujourd'hui par votre Commission vise à autoriser le Gouvernement à transposer par voie d'ordonnance la directive dite du troisième « paquet télécoms ».Permettez-moi de rappeler brièvement les conditions de cette transposition.
Entré en vigueur depuis 2002, le « paquet télécoms » est le cadre réglementaire communautaire qui définit le régime juridique applicable au secteur des communications électroniques. Les directives « Mieux légiférer » et la directive « Droits des citoyens », adoptées le 25 novembre 2009, forment le nouveau « paquet télécoms ». Comme vous le savez, elles doivent être transposées en droit national le 25 mai 2011 au plus tard. En cas de non-respect de cette échéance, notre pays pourrait faire l'objet d'un recours en manquement introduit par la Commission européenne.
Ces nouvelles directives ne modifient pas profondément les principes généraux du cadre juridique de 2002, même si plusieurs avancées peuvent être notées : une régulation soucieuse de préserver l'avenir et de favoriser l'harmonisation des pratiques des régulateurs ; des dispositions destinées à promouvoir une gestion du spectre plus souple et plus efficace, pour mieux prendre en compte sa rareté ; une protection renforcée en faveur des consommateurs et du respect de leur vie privée.
Je vous confirme que le Gouvernement souhaite que la transposition se fasse par voie d'ordonnance, et cela pour trois raisons principales.
D'abord, l'obligation de respecter l'échéance de transposition nous laisse un délai très bref et expose notre pays à des sanctions significatives, en particulier financières, en cas de retard dans la transposition au-delà du 25 mai 2011.
Ensuite, ce « paquet » s'inscrit dans la continuité du précédent. Les règles et principes majeurs applicables au secteur des communications électroniques, adoptés dans les directives de 2002 et transposés par la loi du 9 juillet 2004 relative aux communications électroniques, restent valides et n'appellent pas de changement particulier.
Enfin, pour cette transposition, la marge de manoeuvre laissée aux États membres est extrêmement faible.
Les dispositions des directives ont de surcroît un caractère technique prononcé.
Tout cela ne laisserait que peu de place à un débat parlementaire.
L'article 11 compte dix alinéas. Les alinéas 2 et 3 portent sur la codification des directives dans le code des postes et des communications électroniques. Les cinq alinéas suivants visent à amender ce code sur trois points techniques : favoriser un meilleur usage des fréquences, garantir la sécurité des réseaux et corriger certaines rédactions du code. Le Gouvernement a déposé un amendement modifiant les alinéas 5 à 7, concernant la sécurité des réseaux.
Le « paquet télécoms » comporte d'abord une mesure importante prise par la Commission européenne pour encadrer la suspension de l'accès à l'Internet, qui ne nécessite pas de transposition spécifique. Cette disposition, l'une de celles qui ont été le plus discutées au niveau européen, limite la capacité des États membres de suspendre ou de restreindre l'accès à l'Internet eu égard aux enjeux.
Certaines des autres mesures prévues visent à garantir la neutralité des réseaux, la protection des consommateurs et la protection de la vie privée. D'autres encore sont consacrées au renforcement des pouvoirs des régulateurs, à la gestion du spectre hertzien et au service universel. Nous n'entrerons pas dans le détail de toutes ces dispositions, que vous pourrez consulter en consultant les directives.
Le Gouvernement a soumis à consultation publique depuis mai 2010 un avant-projet d'ordonnance. Des tableaux de concordance ont été transmis, ainsi qu'une fiche sur les principaux points restant en débat. Ces documents seront intégrés dans le rapport qui vous sera transmis à la fin de la semaine ou au début de la semaine prochaine, soit avant l'examen par la Commission des affaires sociales, saisie au fond.
Il ne me semble pas illogique que la transposition se fasse par ordonnance. En effet, les sujets traités sont majoritairement techniques, les deux directives transposées comportent un très grand nombre de modifications – elles comptent respectivement 33 et 26 pages – et elles ne modifient pas l'architecture de la réglementation. L'essentiel de la transposition consiste donc à répliquer en droit français les nouvelles dispositions de droit européen, ce qui justifie précisément le recours à l'ordonnance.
Les auditions réalisées dans le cadre de la mission d'information sur la neutralité de l'Internet et des réseaux, que j'ai l'honneur de coprésider avec Mme Corinne Erhel, ont fourni l'occasion d'interroger les acteurs concernés. Si certains demandent des mesures complémentaires, notamment en matière de neutralité, il n'a pas été fait état de difficultés majeures liées à la transposition du « paquet ». Il faut cependant constater que le projet d'ordonnance n'est pas stabilisé à ce jour. Si cette situation est acceptable à ce stade de l'étude en commission, je demande que vous vous engagiez, monsieur le ministre, à ce que les arbitrages interministériels aient lieu avant l'examen de l'habilitation en séance publique. Les députés doivent pouvoir connaître avec précision les décisions prises, concernant notamment les différentes mesures encore en discussion en matière de neutralité des réseaux.
La rédaction initiale des alinéas 4 à 8 de l'article d'habilitation avait suscité beaucoup d'inquiétudes. Je vous remercie donc, monsieur le ministre, de nous proposer, comme vous vous y étiez engagé, un amendement tendant à préciser le champ de l'habilitation.
Le recours à une ordonnance supprimant une partie du débat politique sur les articles de loi, je voudrais évoquer certains points et vous poser quelques questions.
En matière de neutralité, la rédaction permettant d'étendre le pouvoir de règlement des différends de l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (ARCEP), en particulier aux différends entre opérateurs et fournisseurs de services, a été modifiée pour des raisons techniques par rapport à l'avant-projet. Nous avons besoin, sur ce point essentiel, d'une rédaction stabilisée, négocié avec le Parlement.
D'autre part, des mesures complémentaires pourront être proposées en séance publique en vue de garantir la neutralité, issues de la mission d'information sur la neutralité de l'Internet et des réseaux, en particulier afin de préciser certains aspects définis « en creux » dans le « paquet télécoms » – je pense notamment à tout ce qui touche à la non-discrimination dans les réseaux.
En matière de régulation, il semblerait que les analyses du Gouvernement et de l'ARCEP divergent sur la possibilité et l'obligation d'étendre le pouvoir d'astreinte de l'ARCEP. Pourriez-vous nous apporter quelques explications sur ce point, sinon ce soir, du moins avant l'examen du texte en séance publique ?
Enfin, je préciserai que mon rapport comportera une annexe présentant l'avant-projet d'ordonnance et un tableau comparatif des dispositions du « paquet télécoms » et de l'avant-projet d'ordonnance.
Je n'insisterai pas sur l'importance de la neutralité du Net ni sur notre attachement à cette neutralité. La France n'est pas en retard en la matière et le Gouvernement a contribué à ouvrir un débat sur ce sujet, avec le lancement d'une consultation publique, des auditions menées en début d'année et un rapport remis au Parlement cet été.
Pour l'instant, le Gouvernement a choisi de s'en tenir aux dispositions du « paquet télécoms » avant de procéder à une éventuelle évolution de la doctrine.
D'abord, ce nouveau « paquet » apporte de nouveaux outils, notamment un accroissement de la transparence vis-à-vis des utilisateurs sur les pratiques des opérateurs, ainsi qu'un pouvoir renforcé de l'ARCEP pour traiter des différends entre un opérateur, comme Orange, et un fournisseur de services, comme Google, et pour assurer aux utilisateurs une qualité standard minimale. L'ARCEP prévoit d'ailleurs d'engager dans les mois qui viennent des travaux approfondis avec les acteurs du secteur.
Ensuite, la Commission européenne nous a indiqué qu'elle devrait communiquer au printemps sur le sujet. Nous avons donc tout intérêt à travailler ensemble sur celui-ci. S'il est pleinement légitime que le Parlement s'intéresse à la neutralité du Net, il me semble que nous devrions attendre un peu avant de débattre à nouveau ici de toute évolution doctrinale.
J'aurai la semaine prochaine une réunion de travail avec l'ARCEP, ce qui me permettra de vous apporter toutes les précisions nécessaires avant l'examen du texte en séance publique, selon le souhait de votre rapporteure.
Le projet de loi que nous examinons vise à accorder une habilitation au Gouvernement afin qu'il puisse légiférer par voie d'ordonnance dans des domaines très variés, comme l'indique le titre même de ce texte.
Au nom du groupe socialiste, et comme l'a fait tout à l'heure M. François Brottes, je tiens à exprimer notre désaccord sur la procédure d'examen du projet de loi, qui regroupe des sujets très différents.
La Commission des affaires économiques n'est saisie que pour avis d'un sujet qui est une composante essentielle du secteur des technologies de l'information et de la communication. Nous ne pourrons que « discuter » de cette question, et non pas en « débattre » à proprement parler car, compte tenu de l'objet réel du projet de loi, le Parlement ne peut amender sur le fond la transposition, mais seulement modifier le périmètre des habilitations accordées au Gouvernement. Celui-ci nous opposera, comme vous l'avez rappelé, monsieur le ministre, l'impérieuse nécessité d'éviter que la Commission européenne n'engage contre la France un recours en manquement si notre pays ne transposait pas la directive dans les délais, soit avant le 25 mai 2011, ce qui nous exposerait à des sanctions pécuniaires. Face à l'inflation législative, nous sommes en droit de regretter que la surcharge du calendrier législatif puisse être invoquée pour justifier un recours aux ordonnances, ce dont ne peuvent se satisfaire des parlementaires, quel que soit leur bord.
La transposition par voie législative, en procédure accélérée, du « paquet télécoms », qui a été possible en 2004, ne l'est plus en 2010. Pourtant, la modification des textes européens intervenue en 2009 traite de sujets qui concernent directement nos concitoyens : il est en effet question de service universel, de traitement des données à caractère personnel et de protection de la vie privée. Notre Commission risque ainsi d'être privée de débats sur des points qui ont des échos importants, notamment sur le plan international.
Pour ce qui est de la neutralité des réseaux, il semblerait que vous souhaitiez procéder à une transposition a minima, alors même que la mission d'information, comme l'a rappelé Mme de La Raudière, montre bien que les différents acteurs ont des approches différentes de la neutralité et des apports du « paquet télécoms ». Le Gouvernement souhaitera-t-il rouvrir ce débat une fois la transposition effectuée a minima ? Il me semble que vous avez déjà répondu sur ce point. Cette question complexe touche cependant au fondement même de l'Internet, avec des implications sociétales, économiques et techniques. Un vrai débat parlementaire sur ce sujet, certes complexe, mais essentiel, serait un moment propice de discussion, car une prise de conscience s'impose.
Il semble également qu'il ait été décidé d'exclure de cette transposition les dispositions relatives à l'inclusion de l'accès Internet à haut débit dans le champ du service universel, à l'heure où le cadre de déploiement du très haut débit soulève encore de nombreuses questions.
Nous avons été nombreux, comme l'a rappelé Mme de La Raudière, à nous inquiéter des alinéas 5, 6 et 7 de l'article 11. Il semblerait en effet que vous souhaitiez légiférer par voie d'ordonnance sur des sujets touchant aux télécommunications, mais en dépassant le cadre de la transposition proprement dite des directives. Autoriser le Gouvernement à prendre par voie d'ordonnance « toutes dispositions de nature législative » propres à « renforcer la lutte contre les faits susceptibles de porter atteinte à la vie privée et au secret des correspondances dans le domaine des communications électroniques » est une habilitation très large et peut-être imprécise. Vous semblez disposé, monsieur le ministre, à améliorer cette rédaction, car vous avez déposé un amendement de précision. Néanmoins, si nous comprenons la nécessité d'assurer la sécurité des infrastructures de communications électroniques, nous ne comprenons pas pourquoi de telles mesures pourraient être prises hors des procédures législatives habituelles. Au risque de me répéter, je rappellerai que la sécurité des réseaux est un sujet crucial, mais qu'une grande prudence s'impose.
L'article 11 habilite le Gouvernement à transposer le « paquet télécoms » par voie d'ordonnance. Le recours aux ordonnances ne pose pas de problème lorsqu'il est justifié et que le travail est mené correctement, ce qui est en l'occurrence le cas.
Dans le cas dont nous débattons, le recours à des ordonnances est justifié par le caractère technique des dispositions. À quoi sert un débat dans l'hémicycle lorsque moins de cinq députés comprennent exactement de quoi il est question ? En effet, les aspects techniques des télécoms et des réseaux ne sont pas une question simple et de nombreux parlementaires ont du mal à en saisir le détail.
Le recours aux ordonnances ne me dérange pas non plus quand il est mené en collaboration avec le Parlement et que les projets d'ordonnance sont connus assez longtemps à l'avance. Sur le « paquet télécoms », entre toute la littérature publiée lors de l'examen du texte par le Parlement européen et les documents produits par l'ARCEP depuis plusieurs mois, tout est dit : il suffit de se procurer la documentation et de la lire. Je fais toute confiance au Gouvernement, et particulièrement au ministre chargé du dossier, pour associer les parlementaires spécialistes du sujet à la rédaction des ordonnances.
Sur le fond, nous nous acheminons vers une transposition a minima, qui colle au texte des directives. C'est à mes yeux une bonne option car, sur un sujet qui avance tellement vite, il ne faut pas chercher à être trop ambitieux, sous peine d'être pris à contre-pied par les évolutions en cours à Bruxelles.
Je conclurai en rappelant qu'une ordonnance doit être explicitement ratifiée, les parlementaires ayant à cette occasion un pouvoir d'amendement. Au lieu de se plaindre d'un recours aux ordonnances, mieux vaudrait travailler pour être prêt au moment de la ratification et exercer un contrôle « à la sortie », choses que nous ne faisons pas assez – voire pas du tout – en ce qui concerne les ordonnances.
Je crois utile de rappeler à mes jeunes collègues, notamment à M. Tardy, que nous sommes les représentants du peuple et que c'est à nous qu'il revient de donner au Gouvernement l'autorisation de prendre certaines mesures. Le caractère technique d'un texte ou le fait que nous soyons pressés ne saurait justifier que nous ne prenions pas le temps d'en débattre.
En outre, il est ici question de biens publics : les fréquences sont un bien rare et nous sommes, en qualité de représentants du peuple, garants de leur bon usage.
Madame la rapporteure pour avis, même s'il est vrai qu'une directive est un texte qui s'impose aux États membres de l'Union européenne, nous conservons une marge de manoeuvre pour fixer l'emplacement des curseurs lors de sa transposition dans le droit positif de notre pays – faute de quoi nous ne serions qu'une chambre d'enregistrement. Je formulerai donc trois demandes.
Tout d'abord, quelles sont, point par point, les modifications par rapport à l'état précédent du droit ? Pourriez-vous présenter un tableau comparatif par sujet ?
En deuxième lieu, où était-il possible de placer les curseurs, et où le Gouvernement les a-t-il placés ?
Quelle est, enfin, la compatibilité de la directive avec la loi HADOPI ?
On ne peut que se réjouir du souhait de la France de transposer la directive dans les délais, même si l'on peut aussi regretter que Bruxelles produise parfois, comme c'est ici le cas, des directives très techniques et très précises qui laissent très peu de marge de manoeuvre aux États.
Le caractère global de la directive dont il est ici question, qui traite de diverses matières, ne permet pas une grande lisibilité. Notre Commission, qui n'est saisie que d'un article du projet de loi, aurait pu l'être de l'ensemble du texte, car il est question de la directive « Services » et de la directive « Reconnaissance des qualifications professionnelles », qui l'intéressent directement.
Ma question portera sur la sécurité. Alors que des données personnelles de plus en plus nombreuses sont stockées sur les outils électroniques que nous utilisons, il est très facile aujourd'hui de prendre le contrôle de ces appareils. Le texte aborde-t-il ce problème et quelles mesures le Gouvernement entend-il prendre pour protéger réellement les données personnelles ?
Je comprends les remarques sur la transposition par voie d'ordonnance. Toutefois, étant donné la complexité des dispositions concernées et la nécessité de procéder à une transcription mot à mot pour la plupart des thèmes, le recours à cette procédure ne me semble pas injustifié. Nous sommes, en outre, tenus par un délai : la transposition doit être achevée avant le 25 mai 2011.
Mon rapport comportera deux comparatifs, l'un sur les deuxième et troisième « paquet télécoms », l'autre sur les dispositions de la directive et leur traduction dans le projet d'ordonnance. Je veillerai à préciser les marges de manoeuvre à notre disposition – nous en avons dans certains domaines, mais pas dans d'autres.
J'ajoute, monsieur Brottes, que ces dispositions sont tout à fait « HADOPI-compatibles ».
Le « paquet télécoms » comprend des dispositions permettant de soumettre l'exploitation des réseaux à des mesures spécifiques de sécurité. Voilà qui répond, en partie, à la question de Daniel Fasquelle sur la sécurité.
Je précise que c'est l'utilisateur final qui donne l'autorisation à un ordinateur distant de prendre la main sur son propre ordinateur, et l'utilisation des données personnelles doit, de plus en plus, se faire de manière explicite – c'est peut-être par ce biais que l'on peut aller vers une plus grande sécurité.
Je comprends très bien ce que vous pouvez éprouver à l'égard de cette transposition, mais il faut avoir conscience que l'adoption des directives est de plus en plus souvent un processus extrêmement long, exigeant d'âpres négociations entre les États, mais aussi, depuis l'entrée en vigueur du traité de Lisbonne, entre ces derniers et le Parlement européen, c'est-à-dire des représentants des nations. Les délais d'adoption des directives sont donc longs, alors que ces textes, créateurs de droits nouveaux, suscitent de fortes attentes dans l'opinion publique. Nous devons en outre respecter des délais relativement courts pour transposer ces directives qui s'imposent à nous, même si nous disposons de certaines marges de manoeuvre.
Le « paquet télécoms » comporte effectivement des dispositions destinées à renforcer la sécurité des équipements, tels que les téléphones. Il est notamment prévu de renforcer l'accord préalable des utilisateurs en ce qui concerne les communications non sollicitées et les informations stockées. Certains éléments répondent donc aux préoccupations exprimées par M. Fasquelle. Nous aurons l'occasion d'y revenir à propos de l'ordonnance.
La Commission en vient à l'examen de l'article 11 du projet de loi n° 2789 et des amendements dont elle est saisie.
Article 11 :
La Commission examine d'abord l'amendement CE 2 de Mme Corinne Erhel.
N'étant pas d'accord avec la transposition par voie d'ordonnance, nous proposons de supprimer purement et simplement l'article 11.
Un rapport du service juridique du Sénat constatait déjà, en 2008, une banalisation du recours aux ordonnances : 29 lois d'habilitation ont été adoptées de 1984 à 2004, contre 38 de 2004 à 2007. L'augmentation devient donc exponentielle.
J'entends bien les arguments concernant ce projet de loi en particulier, mais il me semble que des sujets d'une telle importance mériteraient un débat de fond.
L'avis du Gouvernement est également défavorable.
La Commission rejette l'amendement.
Elle examine ensuite les amendements CE 3 de Mme Corinne Erhel et CE 1 rectifié du Gouvernement.
La rédaction initiale du projet de loi nous paraît beaucoup trop imprécise et trop large. On pourrait en effet penser qu'elle laisse au Gouvernement la possibilité de contrevenir à certains principes, tels que le respect de la vie privée et le secret de la correspondance. L'amendement CE 3 tend en conséquence à supprimer les alinéas 5 à 7.
Afin de répondre aux craintes exprimées par Mme Erhel et par d'autres parlementaires, l'amendement CE 1 rectifié vise à modifier la rédaction de ces alinéas en restreignant plus explicitement le champ de l'habilitation.
Il est ainsi précisé que les infractions et les peines concernées sont celles prévues par l'article 226-3 du code pénal. Il s'agit de renforcer les peines pour défaut d'autorisation et de publicité de matériels très sensibles – en matière de brouillage et d'interception, par exemple –, de créer une sanction pénale en cas de non-respect des conditions fixées par l'autorisation, et d'habiliter les agents des services de l'État à contrôler l'application de la loi. Compte tenu de l'arrivée de nouveaux équipements, de plus en plus interconnectés à Internet et parfois vulnérables, il paraît nécessaire et urgent de renforcer le dispositif en vigueur.
Une seconde modification rédactionnelle précise que l'article L. 33-1 du code des postes et des communications électroniques sera complété et adapté pour prescrire des mesures exceptionnelles de sécurité aux opérateurs. Nous devons, en effet, nous protéger contre des attaques susceptibles de rendre indisponibles des systèmes d'information vitaux pour la nation et de mettre en cause notre sécurité. Nous avons pu constater la nécessité d'une telle évolution à l'occasion du dernier exercice qui a été réalisé en juin dernier au plan national et lors des trois derniers exercices internationaux menés depuis le mois de septembre.
Cet amendement permettra de rassurer tous les parlementaires qui s'inquiètent du champ de l'habilitation. Dans ces conditions, Mme Erhel pourrait retirer le sien.
J'ignore si nous avons besoin d'être rassurés, monsieur le ministre, mais je sais en revanche que nous avons besoin d'être éclairés sur certains points.
Dans le dernier alinéa de votre amendement, je comprends assez bien la référence à « l'établissement et l'exploitation des réseaux ouverts au public », qui renvoie à une question de nature technologique, mais je m'interroge sur la notion de « fourniture au public de services de communications électroniques ». Ira-t-on jusqu'à contrôler le contenu des données ? La notion de fourniture de services de communications électroniques n'ayant pas de définition consacrée, quel sera le périmètre retenu ?
La réponse à votre première question est très clairement non. Il s'agit des activités des opérateurs telles qu'elles sont définies à l'article L. 32 du code des postes et des communications électroniques.
Je suis défavorable à l'amendement CE 3.
Nous avions demandé au Gouvernement de préciser le champ de l'habilitation, car la rédaction initiale du projet de loi était effectivement trop large. Ce que nous propose le Gouvernement dans son amendement, auquel je suis favorable, est très précis : il s'agit de permettre à l'Agence nationale de la sécurité des systèmes d'information (ANSSI) de réaliser ses missions. Lors de l'audition à laquelle nous avons procédé avec Mme Erhel, l'ANSSI a d'ailleurs précisé quels étaient les cas de figure envisagés.
La Commission rejette l'amendement CE 3.
Puis elle adopte l'amendement CE 1 rectifié.
La Commission émet ensuite avis favorable à l'adoption de l'article 11 modifié.
Après l'article 11 :
La Commission est saisie de l'amendement CE 4 rectifié de M. Lionel Tardy, qui fait l'objet d'un sous-amendement de la rapporteure pour avis.
Sans action de notre part, les noms de domaine en « .fr » ne seront plus protégés à compter du 1er juillet 2011. Le 6 octobre dernier, le Conseil constitutionnel a, en effet, censuré l'article L. 45 du code des postes et des communications électroniques, et donné au législateur jusqu'au 1er juillet pour adopter une nouvelle rédaction.
Cette décision s'explique par des raisons essentiellement formelles : le législateur a renvoyé au pouvoir réglementaire des dispositions qui auraient dû figurer dans la loi. Puisque le texte dont nous sommes aujourd'hui saisis comporte un chapitre consacré aux communications électroniques, il peut sans difficulté abriter une disposition relative aux noms de domaines sur Internet. Tel est l'objet de mon amendement, qui vise à corriger l'article L. 45 a minima, en y insérant des dispositions relatives à la protection de la liberté d'expression et de la dignité des personnes, dont l'absence avait conduit à la censure du Conseil constitutionnel.
Cet amendement a été rédigé à l'issue d'une large concertation avec l'ensemble des acteurs concernés. J'ai souhaité le déposer dès le début du processus législatif afin que nous ayons le temps d'en débattre sereinement et de l'améliorer si besoin est.
La question est importante. Cela étant, l'amendement de M. Tardy comporte des dispositions allant au-delà de ce qui était prévu à l'origine. Mon sous-amendement tend à nous en tenir à l'aspect technique du problème : avant la fin du mois de juin, nous devons faire « remonter » au niveau législatif des dispositions initialement renvoyées au pouvoir réglementaire.
Avis favorable à l'amendement CE 4 rectifié, sous réserve de l'adoption du sous-amendement de la rapporteure pour avis.
Le Conseil constitutionnel nous a rappelé notre devoir de légiférer dans le respect de la Constitution – ce qui démontre, au demeurant, que nous gagnerions à solliciter systématiquement le Conseil.
En ce qui nous concerne, nous nous abstiendrons sur cet amendement, long de trois pages, car nous le découvrons à l'instant. Or nous aurions besoin de temps pour l'étudier. Il y a certes une carence à traiter, mais nous devons analyser en détail l'impact de ce qui nous est proposé. Il semble que le ministre ait eu connaissance de l'amendement au préalable, mais ce n'est pas notre cas – nous n'avons pas participé à cette « coproduction législative » qui se limite visiblement à la majorité.
La Commission adopte le sous-amendement de la rapporteure pour avis.
Elle adopte ensuite l'amendement CE 4 rectifié sous-amendé.
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Puis la commission a auditionné M. Éric Besson, ministre auprès de la ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, chargé de l'industrie, de l'énergie et de l'économie numérique, sur les modalités d'attribution des fréquences 4G.
Plusieurs membres de notre Commission avaient demandé à notre ancien président de procéder à une audition sur les modalités d'attribution des fréquences 4G. Merci, monsieur le ministre, d'avoir accepté de répondre à nos questions sur ce sujet.
La décision à venir sera cruciale. Les fréquences libérées par l'extinction de la télévision analogique, que l'on qualifie de « dividende numérique », présentent d'excellentes propriétés de transmission. Elles permettront le déploiement de réseaux mobiles de nouvelle génération assurant l'accès au très haut débit, et elles auront un impact significatif en matière d'aménagement du territoire et de concurrence. Afin que la Commission dispose de tous les éclairages nécessaires, nous procéderons bientôt à une audition de l'Autorité de régulation des télécommunications (ARCEP) sur ce point.
Avant de vous laisser décrire la procédure retenue et les enjeux liés à l'attribution des fréquences 4G, j'aimerais vous demander s'il subsiste des divergences, en particulier avec l'ARCEP, sur les modalités d'attribution des fréquences. Pouvez-vous, par ailleurs, garantir que le Gouvernement donnera leur plein effet aux dispositions relatives à l'aménagement du territoire que nous avons adoptées l'année dernière, dans le cadre de la loi dite « Pintat » ? C'est un sujet auquel nous sommes très attachés. Le cas échéant, comment le Gouvernement compte-t-il procéder ?
Dans un an, jour pour jour, la France passera définitivement de la télévision analogique à la télévision numérique. Cette évolution permettra de réduire la quantité de fréquences nécessaires à la diffusion des programmes télévisuels, ce qui libérera des fréquences – c'est ce qu'il est convenu d'appeler le « dividende numérique ».
Le 23 décembre dernier, le Premier ministre a décidé d'affecter une partie de ces fréquences, situées dans la bande des 800 mégahertz, au service des communications électroniques. Je me réjouis que cette décision ait bel et bien été mise en oeuvre : elle rendra possible le lancement, sur l'ensemble du territoire, de services mobiles d'accès à Internet à très haut débit, autrement appelés services de quatrième génération, ou 4G. En outre, l'attribution de ces nouvelles bandes permettra très vraisemblablement aux opérateurs de faire face à l'augmentation du trafic sur les réseaux mobiles existants.
En 2009, le Premier avait annoncé une stratégie d'ensemble pour l'attribution des fréquences à destination des réseaux mobiles. À cette occasion, il avait demandé à l'ARCEP de lancer une consultation sur les appels à candidatures visant à attribuer 30 mégahertz de la bande des 800 mégahertz et 190 mégahertz de la bande des 2,6 gigahertz. L'ARCEP a lancé cette consultation au mois de juillet de l'année dernière et prépare aujourd'hui une proposition de procédure pour chacune de ces deux bandes sur la base des réponses qu'elle a reçues. Elle adressera sa proposition au Gouvernement qui, conformément aux dispositions du code des postes et des communications électroniques, fixera sur cette base les modalités de la procédure d'attribution des fréquences. Comme vous le savez, la procédure reposera sur des enchères.
Nous avons trois objectifs en la matière : un objectif, prioritaire, d'aménagement numérique du territoire, fixé par la loi relative à la lutte contre la fracture numérique, dite loi « Pintat », à propos du dividende numérique, c'est-à-dire la bande des 800 mégahertz ; un objectif de consolidation et de développement de la concurrence sur le marché mobile ; un objectif de valorisation du patrimoine immatériel de l'État et de préservation de ses intérêts financiers et budgétaires.
L'aménagement du territoire, qui tient à coeur à beaucoup d'entre vous, j'en suis bien conscient, sera un objectif prioritaire. Des obligations de couverture nationale, mais aussi départementale, seront imposées, et une zone de déploiement prioritaire, correspondant aux zones les moins denses du territoire, sera identifiée ; la couverture de cette zone sera encadrée afin de veiller à ce qu'elle soit accélérée – c'est la première fois que nous irons aussi loin dans ce domaine. Conformément aux dispositions de la loi « Pintat », la commission du dividende numérique sera consultée sur la procédure d'attribution des fréquences de la bande des 800 mégahertz.
Le deuxième objectif, qui concerne la concurrence, ne sera pas oublié pour autant. Je souhaite, tout d'abord, que la procédure d'attribution laisse ouverte la possibilité – je dis bien : la possibilité – pour chacun des quatre opérateurs de réseaux d'accéder à cette bande de fréquence. Je privilégie donc un découpage en quatre lots, avec possibilité de cumul. Je souhaite également que les lots aient des tailles relativement proches : deux lots de 5 mégahertz et deux autres de 10 mégahertz. L'existence d'un seul lot de 15 mégahertz pourrait conduire un seul acteur à dominer durablement le marché. Je souhaite, par ailleurs, qu'une obligation de faire droit aux demandes d'itinérance soit imposée à tout acteur qui cumulerait des lots. Je souhaite enfin que la procédure d'attribution comporte un critère valorisant l'accueil d'opérateurs mobiles virtuels, c'est-à-dire les mobile virtual network operators (MVNO).
Le troisième objectif, qui consiste à valoriser le patrimoine immatériel de l'État, est tout aussi important. Les fréquences dites « basses » sont, en effet, particulièrement rares. Le Gouvernement souhaite que la procédure soit fructueuse et conduise à l'attribution de l'ensemble des lots. D'où l'importance de définir soigneusement les conditions. Les procédures d'enchères seront lancées au début de l'année 2011, puis les autorisations d'utilisation des bandes de fréquences 800 mégahertz et 2,6 gigahertz pourraient être attribuées d'ici à l'été 2011. Les premiers services de quatrième génération pourraient alors être lancés à partir de la fin 2012 ou au début de l'année 2013.
Le calendrier retenu est relativement rapide, voire très rapide, à l'échelle des réseaux concernés.
Merci, monsieur le ministre, d'être venu devant nous pour faire le point sur l'attribution des fréquences 4G.
Il importe, à nos yeux, que la question de l'aménagement numérique du territoire soit prise en compte, et cela sous plusieurs angles : celui de la couverture géographique, tout d'abord, avec la fixation d'objectifs au plan national, mais aussi au plan départemental ; ensuite, celui de la fourniture du très haut débit mobile dans les zones « reculées », qui ne bénéficieront pas du très haut débit par le fil avant longtemps, ce qui nécessitera certainement des bandes de fréquences suffisamment larges.
J'aimerais savoir quelles seront les possibilités de mutualisation des lots, en particulier dans les zones non denses, dans la perspective d'un service à très haut débit mobile.
Une autre question concerne le calendrier retenu : les opérateurs commenceront à déployer la 4G dans les zones denses. Comment pourra-t-on les contraindre à éviter un délai trop important entre la couverture des zones denses et celle des zones rurales ?
J'ai pris bonne note de votre souhait de favoriser la concurrence, notamment en favorisant l'ouverture aux opérateurs mobiles virtuels. Un tel souhait avait déjà été formulé dans le cadre de l'attribution des fréquences 3G, mais il n'a pas été réalisé, les opérateurs n'ayant pas repris cet objectif lorsqu'ils ont souscrit aux enchères. Comment s'assurer que l'on n'aboutira pas au même résultat dans le cadre de la 4G?
Merci, monsieur le ministre, d'avoir accepté cette audition.
Si je puis m'exprimer en ces termes, nous sommes à la dernière station avant l'autoroute : il n'y aura plus d'autre dividende avant longtemps une fois que celui-ci aura été distribué.
Pour le haut débit et le très haut débit, il existe des solutions reposant sur la fibre. On nous dit que nous nous heurtons à un mur insurmontable en matière d'investissement, mais je constate que d'autres pays se lancent avec volontarisme, comme l'Australie. On nous dit également qu'il est possible de fournir du haut débit par satellite – je précise, sur ce point, que c'est du haut débit et non du très haut débit qu'il s'agit, contrairement à ce que vous indiqué à propos du dividende numérique.
Je vous remercie d'avoir entendu le souhait formulé à l'unanimité par la commission du dividende numérique, présidée par le sénateur Bruno Retailleau, et dont je fais partie avec Laure de La Raudière : nous demandions que l'objectif d'aménagement du territoire soit pris en compte.
Je le répète, nous sommes à la dernière station avant l'autoroute. Si nous ne donnons pas maintenant une chance aux territoires alimentés en 512 Ko, aucune solution ne se présentera pour eux pendant très longtemps.
Nous avons été entendus, mais chacun sait que le diable se niche dans les détails. Nous nous interrogeons en particulier sur la conciliation entre la largeur des bandes et la pratique des enchères. L'État est poussé à chercher à maximiser son profit, ce que je ne conteste pas en soi – je ne vois pas d'objection, dans l'intérêt de la nation, à ce qu'un bien public rare soit mis à disposition à son juste prix. Mais il reste que les opérateurs seront prêts à payer cher si le dispositif rapporte vite. Or, où cela se produira-t-il, sinon dans les zones denses ? Il faudra donc imposer une obligation de couverture des zones prioritaires, lesquelles seront définies par département, si j'ai bien compris, dans le cadre d'un calendrier leur donnant la priorité. Si tel n'est pas le cas, les opérateurs prétendront que l'objectif est trop difficile à atteindre. Chacun se souvient de l'échec du WiMax et de celui de la boucle locale radio.
Le régulateur ne parvient pas à faire respecter ses exigences quand on ne lui en donne pas les moyens : rien ne bouge en l'absence de sanctions. Il faudra donc que les zones prioritaires fassent l'objet d'un calendrier lui aussi prioritaire, et que des sanctions soient prévues.
J'en viens à la répartition par lots que vous envisagez d'instaurer afin de stimuler la concurrence : celle-ci est beaucoup plus stimulable dans les zones denses que dans les zones qui ne le sont pas, et plus on découpera les lots, moins on aura de chances de desservir largement le territoire.
Nous nous interrogeons sur plusieurs points. D'abord, les bandes de fréquences risquent de ne pas être suffisamment larges pour que l'on puisse atteindre la totalité du territoire. Ensuite, les enchères pourraient conduire à donner la priorité aux zones denses, car ce sont elles qui rapporteront de l'argent. Enfin, les zones prioritaires risquent, en dernier lieu, de ne pas faire l'objet d'un calendrier prioritaire.
On ne peut que souscrire à l'objectif d'aménagement du territoire : les fractures concernant le fixe et le mobile sont de plus en plus insupportables pour nos concitoyens, et la fracture sociale s'accentue.
De même que François Brottes, je m'interroge sur la conciliation entre les attentes financières concernant les enchères – il a été question de 2 milliards d'euros – et la possibilité de motiver suffisamment les opérateurs : il faudra leur imposer des obligations extrêmement fortes en matière d'aménagement du territoire sur le plan départemental, en adoptant une approche aussi fine que possible. Quelle action comptez-vous engager, très concrètement, en faveur des zones qui ont les attentes les plus importantes ?
Il est effectivement primordial de veiller à éviter les disparités entre les territoires dans le cadre de l'attribution des licences. À cet égard, la fixation d'un objectif national ne suffira pas pour éviter la constitution d'une nouvelle fracture numérique. L'ARCEP évoque l'objectif de 90 % de la population couverte par département. Est-ce également le vôtre ?
Envisagez-vous un calendrier de déploiement dans les zones rurales qui soit clair et assorti de mesures précises de coercition ? L'expérience a montré que les territoires ruraux bénéficiaient souvent de certaines technologies avec des années de retard malgré l'établissement de ratios départementaux. Dans mon département de la Lozère, par exemple, la couverture des réseaux 3G ne sera pas équivalente à celle de la 2G avant 2013, en dépit des engagements pris.
Vous avez indiqué, monsieur le ministre, votre souhait de soutenir les opérateurs de réseaux mobiles virtuels, qui représentent près de 6 % du marché. Pour cela, un des critères d'attribution des fréquences aux quatre principaux opérateurs sera l'obligation d'accueillir ces opérateurs sur les infrastructures 4G. Pourriez-vous préciser quelles seront les modalités d'accueil ? Quels moyens comptez-vous mettre en oeuvre pour inciter les quatre opérateurs historiques à accueillir les MVNO ?
En ce qui concerne les obligations de couverture au niveau national et au niveau départemental, pourriez-vous préciser le calendrier prévu ? Je rappelle qu'il existe toujours des inégalités entre les territoires en matière d'émission et de réception des appels – je pense notamment à mon département de l'Aveyron.
La 4G constitue un atout supplémentaire pour notre territoire : cette offre technique améliorera les performances ainsi que la couverture. Couplée à d'autres dispositifs et à d'autres supports, tels que la fibre optique, le satellite et les réseaux existants, elle permettra une amélioration du service fourni à nos concitoyens.
Je souscris aux objectifs que vous avez évoqués : mieux couvrir le territoire afin de limiter les zones « blanches » et les zones « grises » ; accroître la concurrence ; valoriser le patrimoine immatériel de l'État.
Vous plaidez pour un découpage des fréquences en quatre lots au lieu de deux. Pour le marché, il est sain, en effet, qu'il y ait plus d'offres et plus de concurrence, mais j'ai une interrogation – pour ne pas dire une crainte – : les opérateurs ne semblent pas pressés d'investir dans la 4G ; ils rentabilisent, pour le moment, l'offre commerciale de la 3G. Ne craignez-vous pas que les recettes attendues ne soient pas au rendez-vous si tous les opérateurs sont servis, c'est-à-dire si la concurrence est moins âpre ?
Ma première question porte sur le découpage des fréquences en quatre lots – deux de 5 mégahertz et deux autres de 10 mégahertz. D'après les spécialistes, cette solution interdirait aux nouveaux entrants de concourir : ces quatre lots seront réservés aux quatre opérateurs déjà installés. Est-ce bien votre intention ?
Évoquant l'aménagement numérique du territoire, vous avez indiqué que des obligations de couverture seront imposées aux opérateurs à l'échelon national, mais aussi à l'échelon départemental, ce qui constituerait une première. Quelles sont les modalités que vous comptez retenir ?
Vous avez par ailleurs précisé que la procédure d'attribution devrait valoriser l'accueil des opérateurs mobiles virtuels. Comment allez-vous procéder ?
En dernier lieu, comment comptez-vous concilier la volonté affichée de maximiser le produit tiré de la vente des fréquences et les obligations que vous envisagez d'imposer aux opérateurs en matière de concurrence et de couverture ?
Contrairement à ce que souhaite l'ARCEP, il semble que les opérateurs ne voudraient pas être contraints de mutualiser leurs réseaux dans les zones moins denses. Quelles précisions pouvez-vous nous apporter à ce sujet ?
Selon les informations dont nous disposons, Bercy souhaite que 90 % de la population soient couverts par trois réseaux, les 10 % restants ne l'étant que par un seul. Qu'en pensez-vous ?
En ce qui concerne les enchères, je rejoins en partie François Brottes : les obligations de concurrence et de couverture sont autant de contraintes qui pourraient inciter les candidats à vouloir payer moins cher, ce qui ne fait pas l'affaire de Bercy. Ne pensez-vous pas, toutefois, que ce serait un mauvais calcul que de renoncer à ces contraintes ? Le Gouvernement sera en effet obligé de financer, d'une manière ou d'une autre, ce qu'il renoncera à imposer en matière d'aménagement du territoire dans le cadre des licences.
Vous avez évoqué la TNT, monsieur le ministre. Un an avant l'extinction de l'analogique, nous avons bien des inquiétudes dans le département de l'Ariège : notre taux de couverture sera loin de l'objectif de 60 %, voire de 70 %, qui a été fixé.
S'agissant de la 4G, un taux de couverture de 90 % de la population signifierait l'exclusion de deux millions de foyers, en particulier dans les zones non denses telles que les territoires ruraux et les zones de montagne. Pour beaucoup, il n'y aurait donc pas d'égalité d'accès au réseau. À quel niveau souhaitez-vous fixer le taux minimum de couverture par département ? Je précise, au demeurant, qu'il n'est pas équivalent de raisonner en termes de territoire et de population.
En matière de mutualisation, on assiste à une certaine résistance des opérateurs, en particulier dans les zones moins denses : ils menaceraient de ne pas répondre à l'appel d'offre. Comment comptez-vous réagir ?
Mesdames et messieurs les députés, les précisions que vous me demandez portent sur des détails qui sont d'autant moins fixés que je ne dispose pas encore de la proposition que l'ARCEP doit faire parvenir au Gouvernement. Faute de pouvoir vous présenter aujourd'hui l'appel d'offre, je ne peux que m'en tenir à des principes généraux et à des précisions sur un certain nombre d'objectifs centraux.
Madame Massat, monsieur Reynier, il est en effet possible que les opérateurs ne soient guère pressés : ils doivent faire face à des engagements financiers et à la gestion de leur trésorerie. Ils n'avaient pas non plus forcément programmé de tels investissements pour l'année 2011. Par ailleurs, pour des raisons d'aménagement du territoire et de valorisation du patrimoine immatériel de l'État, les objectifs de l'État sont quelque peu différents des leurs.
Cependant, nous ne sommes pas particulièrement soucieux. Ce n'est pas avant plusieurs décennies que des bandes hertziennes aussi basses, donc aussi intéressantes, pourront être de nouveau proposées aux opérateurs. Nous faisons donc le pari qu'ils ne laisseront pas passer une telle occasion d'un placement hautement rentable à terme.
Il nous faut néanmoins veiller à ce que l'appel d'offre soit fructueux. À cette fin, et pour éviter la concrétisation du risque que vous signalez, les obligations imposées aux opérateurs doivent être à la fois crédibles et ambitieuses, mais aussi raisonnables.
Le premier objectif du Gouvernement, je le répète, est l'aménagement du territoire. C'est volontairement que je n'ai placé qu'au troisième rang la valorisation du patrimoine de l'État.
Je ne peux pas vous communiquer ce soir les chiffres de la couverture minimale que nous voulons imposer : nous ne disposons que d'hypothèses de travail. Cependant, vous serez surpris par le niveau d'ambition, aussi bien nationale que départementale, de l'appel d'offre, ainsi que par les échéances fixées.
Parmi nos objectifs figure aussi la couverture renforcée d'une zone dite prioritaire. Si, par le passé, il a déjà été imposé aux opérateurs, avant de leur ouvrir l'accès à des fréquences, un engagement de couverture d'une part minimale de la population nationale – ce fut le cas pour le GSM ou la téléphonie mobile 3G –, les deux autres critères, une couverture minimale de la population départementale et l'équipement de zones prioritaires, sont vraiment inédits. Ils permettront une couverture satisfaisante de chaque département et garantiront que le opérateurs ne choisiront pas de ne couvrir en téléphonie mobile 4G que les zones urbaines très denses, bien plus intéressantes pour eux que les zones rurales.
Plus encore, la zone dite prioritaire correspond aux 20 % de la population présents dans les zones les moins denses du territoire. Les opérateurs, monsieur Brottes, devront la couvrir en priorité et de manière satisfaisante. On peut penser qu'autrement, eu égard à sa moindre rentabilité, ils ne l'auraient couverte qu'insuffisamment ou tardivement. Lorsque vous pourrez juger sur pièces, vous constaterez que rarement les exigences d'aménagement du territoire formulées auprès des opérateurs auront été aussi fortes.
Monsieur le président, madame la rapporteure pour avis, monsieur Tardy, les conditions de la mutualisation sont encore en négociation avec l'ARCEP. Ce point est inscrit – parmi d'autres – à l'ordre du jour de la séance de travail prévue avec elle la semaine prochaine.
Le Gouvernement propose de fixer pour les petits lots un niveau cible de la population nationale plus faible que celui proposé par l'ARCEP, mais sans obligation de mutualisation des blocs de 10 mégahertz. L'ARCEP souhaiterait quant à elle un niveau cible plus élevé, proche de celui imposé pour les lots de 10 mégahertz, et assorti, pour permettre aux opérateurs d'atteindre ce niveau, d'une obligation de mutualisation de réseau et de fréquences sur près de 70 % du territoire.
Or les avantages d'une telle mutualisation sont contrebalancés par des inconvénients que j'aurai l'occasion de vous détailler et dont nous discutons avec l'ARCEP.
Pour faire court, je dirai que nos objectifs et ceux de l'ARCEP sont les mêmes. C'est sur les meilleurs moyens de les atteindre que portent nos discussions.
Vous avez été plusieurs à le souligner, les candidats pressentis pour l'appel d'offre sont plus nombreux – quatre au lieu de deux – que lors des procédures précédentes. Au lieu des critères relatifs aux opérateurs virtuels, les MVNO, qui y figuraient, l'appel d'offre comportera une dimension incitative. Prendre des engagements en faveur des MVNO permettra à l'offre d'être mieux notée et ainsi de gagner un bon lot de fréquences. Ont été définis un engagement simple, mais aussi un engagement fort, de niveau 3, portant à la fois sur les tarifs et la technique. Plus l'engagement sera fort, plus il améliorera la valorisation de l'offre du candidat.
J'ai été un peu surpris des remarques défavorables à l'organisation en petits lots. Si le Gouvernement avait décidé d'attribuer les fréquences en un seul bloc, vous auriez considéré, à juste titre, cette procédure, dont le résultat n'aurait profité qu'à un seul opérateur, comme défavorable à la fois à la concurrence, à la baisse des tarifs et à l'amélioration de la couverture du territoire.
Au contraire, diviser l'offre en quatre lots permet théoriquement à chaque opérateur, s'il le souhaite et si son offre est de qualité, de remporter l'un d'entre eux. Cependant, il n'est pas question qu'un lot soit réservé à chacun des quatre opérateurs en place. À l'issue des enchères, compte tenu de la qualité des offres, les quatre lots pourront se trouver attribués à deux ou trois opérateurs seulement.
Telles sont, monsieur le président, les précisions qu'à ce stade je peux donner à la Commission sur l'état d'esprit du Gouvernement. Une fois que la proposition de l'ARCEP nous aura été remise, nous lancerons la procédure d'appel d'offre. Je serai alors à votre disposition pour en discuter avec vous.
Merci beaucoup, monsieur le ministre, d'avoir répondu de façon détaillée à toutes nos questions et d'avoir précisé les objectifs visés. Vos réponses satisferont, je pense, l'ensemble de nos collègues.
Membres présents ou excusés
Commission des affaires économiques
Réunion du mardi 30 novembre 2010 à 21 heures
Présents. - M. François Brottes, Mme Catherine Coutelle, Mme Corinne Erhel, M. Claude Gatignol, M. Jean Grellier, M. Louis Guédon, M. Antoine Herth, M. Sébastien Huyghe, Mme Laure de La Raudière, M. Jean-Yves Le Bouillonnec, Mme Annick Le Loch, Mme Marie-Lou Marcel, Mme Frédérique Massat, M. Daniel Paul, M. Serge Poignant, Mme Josette Pons, M. Jean Proriol, M. François Pupponi, M. Franck Reynier, M. Francis Saint-Léger, M. Lionel Tardy, M. Alfred Trassy-Paillogues, M. Jean-Michel Villaumé
Excusés. - M. Gabriel Biancheri, M. Jean-Michel Couve, Mme Geneviève Fioraso, M. Jean-Yves Le Déaut, M. Michel Lejeune, M. Jean-Claude Lenoir, M. François Loos, Mme Anny Poursinoff
Assistait également à la réunion. - Mme Marie-Noëlle Battistel