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Séance en hémicycle du 18 mai 2010 à 21h30

Résumé de la séance

Les mots clés de cette séance

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La séance

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Debut de section - PermalienPhoto de Maurice Leroy

La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à vingt et une heures trente.)

Debut de section - PermalienPhoto de Maurice Leroy

L'ordre du jour appelle la discussion, en deuxième lecture, du projet de loi organique, adopté avec modifications par le Sénat, relatif à l'application de l'article 65 de la Constitution (nos 2457, 2511).

La parole est à Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d'État, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés.

Debut de section - PermalienMichèle Alliot-Marie, ministre d'état, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés

Monsieur le président, monsieur le rapporteur de la commission des lois, mesdames, messieurs les députés, j'ose à peine vous reparler de ce texte, que vous devez finir par bien connaître, compte tenu des nombreuses discussions auxquelles il a donné lieu déjà, tant en commission qu'en séance publique. (Sourires.)

Le projet de loi organique soumis à votre examen vise à mettre en oeuvre la modernisation du Conseil supérieur de la magistrature prévue par la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008. Adopté par votre Assemblée en première lecture le 23 février dernier, par le Sénat en deuxième lecture le 27 avril, il n'est pas sorti indemne, si je puis dire, du travail parlementaire, qui a permis de l'améliorer sur bien des points.

La réforme du Conseil supérieur de la magistrature vise à renforcer la confiance de nos concitoyens dans le fonctionnement de la justice et à adapter celui-ci aux enjeux d'une démocratie moderne.

À cet effet, le projet de loi organique apporte de nouvelles garanties d'indépendance à l'autorité judiciaire en modifiant les attributions et la composition du Conseil et, par ailleurs, rapproche la justice du citoyen en instituant une saisine directe du Conseil par le justiciable lorsque celui-ci a à se plaindre du comportement d'un magistrat.

Le Conseil supérieur de la magistrature évolue vers plus d'indépendance, d'ouverture et de transparence.

Premier principe, l'indépendance. La présidence des deux formations sera désormais assurée par le premier président de la Cour de cassation pour le siège et par le procureur général près la Cour de cassation pour le parquet. Ce n'est donc plus le Président de la République ni le ministre de la justice qui préside le Conseil supérieur de la magistrature.

Deuxième principe, l'ouverture. Nous vivons dans un monde où se refermer sur soi n'est plus possible. C'est pourquoi six personnalités qualifiées seront nommées par le Président de la République, le Président de l'Assemblée nationale et le Président du Sénat, selon les règles en vigueur aujourd'hui, c'est-à-dire après approbation par les commissions compétentes des assemblées. Je note également que le Conseil comprendra également un avocat, désigné par la profession elle-même.

Troisième principe, la transparence. Les attributions du Conseil en matière de nominations sont élargies. Toutes les nominations de magistrats dans les parquets feront désormais l'objet – c'est une avancée – d'un avis du Conseil, y compris les emplois pourvus en conseil des ministres, ce qui n'était pas le cas jusqu'à présent.

La seconde finalité du texte est de rapprocher la justice du citoyen, en instituant un mécanisme de saisine directe du Conseil supérieur de la magistrature par le justiciable afin de sanctionner les manquements éventuels aux obligations de comportement des magistrats. C'est une innovation importante dans notre droit.

Ce droit de saisine doit être à la fois accessible et encadré, de façon à prévenir les risques d'abus. L'effectivité du droit est garantie par des exigences de forme peu contraignantes. Pour éviter la déstabilisation de l'activité du juge, le projet de loi prévoit un filtrage à deux niveaux.

Un premier examen consiste à vérifier la qualité du requérant, l'objet de la plainte, le respect des délais. Pour éviter les saisines dilatoires ou les pressions, la plainte ne peut intervenir que lorsque le magistrat du siège n'est plus saisi de la procédure en cause, ou lorsque le magistrat du parquet n'est plus en charge du dossier, avec une exception pour les procédures susceptibles de durer très longtemps.

Dans un deuxième temps, il convient de s'assurer que la plainte vise un comportement susceptible de recevoir une qualification disciplinaire. Pour vérifier cette condition, des informations et des observations doivent être recueillies par la section compétente du Conseil auprès des chefs de cour, et ce dans un délai bref, à savoir deux mois, afin d'éviter de porter atteinte à la respectabilité d'un magistrat qui serait accusé à tort.

Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, la finalité première du Conseil supérieur de la magistrature est de garantir l'indépendance de la justice. Pour cela, il doit bénéficier de moyens adaptés à sa mission fondamentale pour notre démocratie. Il nous appartient d'assurer le strict respect des exigences constitutionnelles. Il nous revient aussi de garantir le bon fonctionnement du Conseil supérieur de la magistrature.

Préserver cet équilibre est la condition d'une justice irréprochable, proche du justiciable, en phase avec la société. Tels sont les enjeux projet de loi organique que j'ai l'honneur de vous soumettre ce soir en deuxième lecture. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Maurice Leroy

La parole est à M. Philippe Houillon, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Houillon

Monsieur le président, madame la ministre d'État, mes chers collègues, après avoir été adopté en première lecture par le Sénat le 15 octobre 2009, puis par l'Assemblée nationale le 23 février 2010, le projet de loi organique relatif à l'application de l'article 65 de la Constitution a été modifié, en deuxième lecture, par le Sénat, le 27 avril dernier.

Entre-temps, le projet de loi organique prorogeant le mandat des membres du Conseil supérieur de la magistrature a été adopté en termes conformes par les deux assemblées.

De nombreuses dispositions du présent projet ont également été adoptées en termes conformes par les deux assemblées. À ce stade de la navette, restent en discussion deux articles additionnels, entièrement nouveaux, introduits par le Sénat en deuxième lecture, et quatre autres articles.

Les deux articles additionnels – 9 bis et 13 A – introduits par le Sénat ont été adoptés sans modification par la commission des lois de l'Assemblée.

Le premier d'entre eux a pour objet d'abroger l'article 23-6 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique relative au Conseil constitutionnel, article qui a trait à la procédure applicable pour l'examen par la Cour de cassation des questions prioritaires de constitutionnalité qui lui ont été transmises ou dont elle est directement saisie.

Le second modifie la composition de la commission d'avancement, en remplaçant le premier président de la Cour de cassation par le doyen des présidents de chambre de celle-ci, et le procureur général près la Cour de cassation par le plus ancien des premiers avocats généraux près ladite Cour, dans le souci de préserver l'indépendance de la commission d'avancement par rapport aux formations du CSM chargées de se prononcer sur les nominations.

En revanche, trois des quatre articles modifiés par le Sénat l'ont à nouveau été par la commission des lois de l'Assemblée.

Il s'agit tout d'abord de l'article 4, qui adapte le régime actuel des incompatibilités afin de prendre en considération la présence d'un avocat ès qualités au sein du CSM. Alors que le Sénat avait rétabli, pour celui-ci, l'interdiction de plaider, la commission est revenue à la rédaction initiale du projet, qui lui laisse la faculté d'exercer pleinement sa profession.

Il semble en effet paradoxal, et peu conforme à l'esprit au nom duquel on a fait d'un avocat un membre de droit du CSM, de priver l'avocat désigné ès qualités comme membre du Conseil de la possibilité effective d'exercer la profession en vertu de laquelle il a vocation à y siéger.

D'autre part, le raisonnement privant l'avocat de la possibilité de participer à l'élaboration des décisions de justice devrait conduire, mutatis mutandis, à interdire aux magistrats membres du CSM de prendre part à une formation de jugement ou à l'instruction d'une affaire, et, a fortiori, aux magistrats du parquet membres du CSM d'exercer l'action publique.

Nous avons été saisis, au titre de l'article 88 du règlement, d'un amendement de notre collègue Vallini qui propose une solution intermédiaire. Il n'a pas été défendu en commission, mais il le sera certainement en séance. (M. André Vallini approuve.) La commission l'a derechef rejeté – je m'en expliquerai tout à l'heure – ; néanmoins, l'idée pourra nous être utile lors de nos discussions avec nos collègues sénateurs en commission mixte paritaire.

Deuxièmement, le Sénat avait introduit en première lecture un article 6 bis, qui énumérait les exigences s'imposant aux membres du CSM et consacrait la règle de déport du membre dont la participation est susceptible de jeter le doute sur l'impartialité de la décision rendue par le CSM. En deuxième lecture, le Sénat a ajouté aux obligations déontologiques un mécanisme de sanction collégial qui obéit à une règle de majorité exigeante : la suspension temporaire ou la démission d'office pourra être prononcée à l'encontre d'un membre ayant manqué à ses obligations déontologiques par la formation plénière du CSM, saisie par le président de l'une des formations et se prononçant à la majorité de ses membres.

Tout en approuvant ce système de décision collégiale, la commission a souhaité revoir l'échelle des sanctions applicables, en substituant l'avertissement à la suspension temporaire.

En deuxième lecture, le Sénat a d'autre part prévu que, dans l'hypothèse où le président d'une formation du CSM estimerait nécessaire de trancher la question du déport de l'un des membres de la formation à l'occasion d'une affaire, le déport éventuel serait décidé par la formation en question, à la majorité de ses membres.

Cette modification conduit à ne plus réserver la décision de se déporter au magistrat dont la participation serait susceptible d'entacher l'impartialité du jugement prononcé, et à transformer ainsi le déport en une forme d'exclusion temporaire. Pour cette raison, la commission propose de conserver une règle de déport semblable à celle qui s'applique dans toute juridiction.

Troisièmement, le Sénat a souhaité rétablir en deuxième lecture l'article 7 bis relatif à l'autonomie financière du CSM, qu'il avait introduit en première lecture et que l'Assemblée nationale avait supprimé. L'Assemblée avait en effet estimé que ce dispositif pourrait être contre-productif : il contraindrait à faire figurer le CSM dans un programme distinct, et cette modification de l'architecture budgétaire ne lui serait pas favorable.

A l'appui du rétablissement de cet article, le rapporteur de la commission des lois du Sénat, notre collègue Lecerf, a fait valoir que la fongibilité des crédits au sein d'un même programme pourrait elle-même n'être pas toujours profitable au CSM. Il a en outre avancé que le directeur des services judiciaires, chargé d'établir les propositions de nomination sur lesquelles le CSM doit rendre un avis, est également le responsable du programme.

En réponse à cette dernière préoccupation, votre commission vous propose de faire figurer dans l'article 7 bis une disposition confiant au président de la formation plénière du CSM la fonction d'ordonnateur de ses crédits, à l'instar de ce que prévoit, pour le Conseil constitutionnel, l'article 16 de l'ordonnance n° 58-1067. Une telle disposition, qui n'interfère pas avec les choix d'architecture budgétaire du Gouvernement, manifesterait et assurerait concrètement de manière tout aussi efficace le fonctionnement autonome de l'institution.

Telles sont, monsieur le président, madame la ministre d'État, mes chers collègues, les observations dont je souhaitais vous faire part. Je vous invite naturellement, mes chers collègues, à voter le texte tel qu'il ressort des travaux de votre commission des lois. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Maurice Leroy

Dans la discussion générale, la parole est à M. André Vallini.

Debut de section - PermalienPhoto de André Vallini

Madame la ministre d'État, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, si je précise d'emblée que nous voterons de nouveau contre ce projet de loi organique, je tiens aussi à reconnaître une nouvelle fois l'avancée importante qu'il contient : la possibilité accordée au justiciable de saisir le Conseil supérieur de la magistrature d'une plainte contre le comportement fautif d'un magistrat.

Cette solution est bien meilleure que celle que nous avions imaginée et préconisée dans le rapport de la commission d'enquête sur l'affaire d'Outreau, et qui consistait à passer par le filtre du médiateur de la République, ce qui n'était pas vraiment satisfaisant. Je vous en donne acte, madame la ministre d'État.

Debut de section - PermalienPhoto de André Vallini

J'en viens au coeur du problème que pose le texte : la composition du CSM.

D'abord, si le Président de la République ne préside plus le CSM et si le garde des sceaux n'en est plus le vice-président, il s'agit surtout d'une disposition symbolique. En effet, l'exécutif entend manifestement garder la main sur le CSM. Or, point n'est besoin pour cela que le garde des sceaux ou le Président de la République le préside ; il suffit d'en contrôler à la fois les finances et le secrétaire général, ce qui sera le cas, d'abord parce que le Président de la République conserve le droit de nommer le secrétaire général sans l'avis préalable du Conseil – ce à quoi s'opposait l'un de mes amendements, déposé en commission des lois –, ensuite parce que le CSM ne dispose d'aucune autonomie financière.

Sur ce dernier point, et contrairement à ce qu'a soutenu le rapporteur, la disposition initialement proposée par le Sénat, supprimée par notre Assemblée, puis réintroduite par les sénateurs, doit être maintenue pour garantir les crédits nécessaires au fonctionnement autonome du CSM.

S'agissant toujours de la composition du CSM, si ce texte fait progresser la parité entre les femmes et les hommes puisqu'il dispose que « les nominations des personnalités qualifiées concourent à une représentation équilibrée des hommes et des femmes », il ne permettra pas un pluralisme pourtant indispensable, les nominations par le Président de la République et les présidents des deux assemblées étant de facto soumises au fait majoritaire.

Mais il y a plus grave : les magistrats seront désormais minoritaires au sein du CSM. Ainsi, cette nouvelle composition du CSM, qui aurait pu représenter un progrès historique en accordant une garantie supplémentaire à l'indépendance des magistrats, constitue au contraire une marque de défiance à leur égard.

Dans l'Union européenne, tous les homologues du CSM sont majoritairement composés de magistrats, à deux exceptions près : la Belgique et la Slovaquie. Du moins ces deux pays pratiquent-ils la parité, ce qui ne sera pas le cas en France. Cette mise en minorité des magistrats va donc nous marginaliser par rapport à nos voisins européens. Je rappelle que la charte européenne sur le statut des juges, le comité consultatif des juges européens et l'association européenne des magistrats recommandent au moins la parité dans les organes de régulation de la magistrature. Le choix qui a été fait est révélateur de la défiance, voire de l'hostilité du pouvoir actuel à l'égard de la magistrature, qui sera minoritaire dans sa propre instance de régulation.

Debut de section - PermalienMichèle Alliot-Marie, ministre d'état, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés

Ce n'est pas exact, et vous le savez bien.

Debut de section - PermalienPhoto de André Vallini

L'autre grand défaut de ce texte découle lui aussi de la réforme constitutionnelle de 2008 : je veux parler du rôle que joue le CSM dans la nomination des magistrats du parquet.

En effet, cette réforme aurait pu et dû prévoir que les magistrats du parquet seraient nommés, comme les magistrats du siège, par le seul CSM. Tel n'est pas le cas, puisque la formation du CSM compétente à l'égard des magistrats du parquet ne donnera qu'un avis simple sur leur nomination.

Or il est aujourd'hui évident que ces nominations devraient présenter les mêmes garanties que celles des magistrats du siège, afin de soustraire la carrière des procureurs à la tutelle politique et, partant, de lever les soupçons qui pèsent parfois sur leurs décisions.

Dans l'affaire dite Medvedyev, désormais bien connue, la décision en appel rendue par la Cour européenne des droits de l'homme le 29 mars dernier, sans confirmer sa jurisprudence du 10 juillet 2008, qui déniait au parquet français la qualité d'autorité judiciaire, a toutefois rappelé clairement et fermement que le magistrat doit « présenter les garanties requises d'indépendance à l'égard de l'exécutif et des parties, ce qui exclut notamment qu'il puisse agir par la suite contre le requérant dans la procédure pénale, à l'instar du ministère public ».

Cette décision a déjà des conséquences : la semaine dernière, le tribunal correctionnel d'Épinal a remis en liberté cinq suspects en attendant de se prononcer sur la nullité de leurs gardes à vue ordonnées par le procureur, au motif que ce dernier n'est pas un magistrat indépendant.

Pour rassurer mes collègues qu'inquiéterait une indépendance totale du procureur, je répète, une fois de plus dans cet hémicycle, que son indépendance statutaire n'équivaudrait pas à une indépendance fonctionnelle, que je désapprouverais car elle serait contraire à la nécessité d'une politique pénale impulsée par le Gouvernement, sous le contrôle du Parlement, et que les procureurs doivent appliquer.

Mes chers collègues, j'ai commencé par saluer l'avancée importante que constitue la saisine du CSM par les justiciables.

Debut de section - PermalienPhoto de André Vallini

Pourtant, et plus généralement, que restera-t-il de cette législature en matière de justice, à l'heure où l'on apprend que votre réforme de la procédure pénale serait reportée sine die ? Des tribunaux fermés par dizaines, des parquets caporalisés, une loi pénitentiaire décevante et deux lois de régression historiques : les peines planchers et la rétention de sûreté.

Debut de section - PermalienPhoto de André Vallini

Rien à ce jour qui ait fait progresser l'accès à la justice, son indépendance, son humanité. Triste bilan, pauvre justice ! (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienMichèle Alliot-Marie, ministre d'état, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés

Il a lu un texte qui n'était pas de lui !

Debut de section - PermalienMichèle Alliot-Marie, ministre d'état, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés

C'est ce que je vais faire !

Debut de section - PermalienPhoto de André Vallini

Il ne s'agit pas de votre bilan, mais de celui de Mme Dati !

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Paul

Monsieur le président, madame la ministre d'État, mes chers collègues, au lendemain de l'affaire dite d'Outreau, diverses propositions ont été formulées, qui visaient à éviter que ne se reproduisent les dysfonctionnements de la justice relevés à l'époque. La commission d'enquête avait notamment proposé de rénover le Conseil supérieur de la magistrature.

Il y a plus longtemps encore, en 1998, Mme Guigou, alors garde des sceaux, nous avait invités à voter une réforme du CSM, ce que nous avions fait. Finalement, en raison d'une inertie toute intentionnelle, le projet de loi organique n'a jamais pu être examiné par le Congrès.

La loi constitutionnelle de 2008, que ce projet de loi organique met en musique, organise la refonte du CSM. Souhaitée et réclamée, sera-t-elle pour autant conforme aux espoirs que nous avons placés en elle ? Nous ne le pensons pas. Sera-t-elle propre à dissiper le scepticisme croissant que notre justice inspire à nos concitoyens, lesquels ont le sentiment que la justice n'est pas la même pour tous, qu'elle est complaisante à l'égard de certains intérêts particuliers et trop souvent dépendante du pouvoir politique ? Nous craignons que non.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Paul

D'abord, cette refonte n'est pas en mesure de garantir l'indépendance de l'appareil judiciaire à l'égard du pouvoir politique. Pourtant, le CSM est au coeur de la question de l'indépendance de la justice. En effet, c'est cette institution qui pourrait réaliser cette indépendance avec le plus d'efficience et préserver, pour reprendre les termes de Montesquieu, la justice des influences, de la « puissance exécutrice du pouvoir ». (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Qui aurait peur d'une justice indépendante ? Certainement pas les magistrats, non plus que les justiciables, qui conviennent qu'il ne peut y avoir d'impartialité, de sérénité, d'objectivité sans indépendance des juges, dont le devoir est de protéger les droits fondamentaux des citoyens.

Le Président de la République a annoncé qu'il souhaitait reporter sine die une grande part de sa réforme de la procédure pénale, au premier rang de laquelle la disparition du juge d'instruction, qui devait transférer ses pouvoirs au parquet, subordonné au ministère de la justice. Nous nous en réjouissons, tant cette réforme mettait à mal l'indépendance de la justice.

Pour autant, avec ce seul texte relatif au CSM, le doute sur l'indépendance de la justice demeure. Or, si le doute existe, la confiance des citoyens en la justice en tant qu'institution ne pourra être restaurée. C'est la justice qui dit le droit : elle restitue, ordonne, empêche, répare et participe au sentiment de sécurité ou d'insécurité de nos concitoyens. C'est justement parce que les juges détiennent individuellement et collectivement une partie du pouvoir régalien de l'État qu'ils ont besoin non seulement de moyens pour l'assumer, mais aussi d'une profonde transformation de leur statut et d'une organisation judiciaire qui parie sur leur liberté au lieu de craindre qu'ils n'en abusent.

À notre sens, l'indépendance de la justice doit être placée sous l'autorité d'un CSM indépendant et pluraliste chargé de gérer le corps judiciaire.

Ce n'est pas vers quoi tend la réforme constitutionnelle ni, par conséquent, ce projet de loi organique. Nous le regrettons. Certes, l'élargissement de la composition du Conseil, qui comptera désormais des membres n'ayant pas qualité de magistrat, permettra une gestion plus ouverte de la gestion du corps judiciaire. Considérant que l'indépendance de la magistrature ne peut être assurée par les seuls magistrats sans risque de corporatisme, nous militons de longue date pour un élargissement à des représentants désignés par les trois pouvoirs, exécutif, législatif et judiciaire.

Nous avons toujours plaidé en faveur d'un CSM garant de l'indépendance des magistrats, fondé sur une double légitimité : un président élu par ses membres et des personnalités désignées par l'Assemblée nationale en dehors de ses membres, à la proportionnelle des groupes, pour refléter leur diversité. Cela permettrait d'asseoir la légitimité publique de l'institution dans l'opinion, ce que ne garantit aucunement la désignation des membres par les hautes autorités de l'État telle qu'elle est actuellement prévue. Le mode de désignation que vous nous proposez pour les personnalités extérieures ignore la représentation nationale et fait fi du pluralisme, au mépris de l'équilibre démocratique. Sous prétexte de lutter contre le corporatisme, vous politisez cette institution en la soumettant au fait majoritaire. Six personnalités seront nommées par le pouvoir politique : deux par le Président de la République, deux par le président de l'Assemblée nationale, deux par celui du Sénat.

Comment pouvez-vous prétendre que le choix opéré par les présidents de l'Assemblée nationale et du Sénat ou par le Président de la République sera dénué de toute intention politique ? Le risque de politisation des nominations est réel, car le dispositif des trois cinquièmes rend leur contrôle inaccessible à l'opposition, sans compter que le garde des sceaux aura, sauf en matière disciplinaire, le droit de participer aux formations du CSM. Ne serait-ce pas pour s'assurer de la politisation excessive de ses membres ?

En outre, pour être vraiment indépendant, le CSM doit exercer pleinement et sans réserve le pouvoir de nomination, d'affectation, de mutation, de promotion de tous les magistrats, y compris ceux du parquet. Or le texte n'impose pas l'avis conforme du CSM, qui constitue pourtant l'une des garanties de l'autonomie des parquets et de la protection de leur statut juridique.

L'avis que donnera désormais le CSM sur la nomination des procureurs généraux près les cours d'appel ne constitue pas une avancée significative, compte tenu de la possibilité pour l'exécutif de passer outre ce simple avis, comme il l'a déjà fait à plusieurs reprises s'agissant des procureurs.

C'est un fait : la Chancellerie conserve la haute main sur la nomination des magistrats du parquet. On ne peut prétendre vouloir garantir l'indépendance de la justice et, dans le même temps, se réserver le droit de faire pression sur ces magistrats en influant sur le déroulement de leur carrière ou en continuant à leur donner des instructions.

Finalement, le seul point de cette réforme qui puisse nous satisfaire et recueillir notre assentiment est la saisine du Conseil supérieur de la magistrature par les justiciables, qui se voient ouvrir la possibilité de déposer une plainte à l'encontre d'un magistrat.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Paul

En effet, le principe d'un contrôle minutieux et exigeant du travail quotidien des magistrats est la contrepartie justifiée des missions et des pouvoirs confiés au Conseil. Cette saisine directe du CSM est une avancée indéniable, renforcée par notre assemblée qui en a amélioré les modalités en permettant au justiciable auteur d'une plainte d'être entendu par la commission d'admission des requêtes.

Le professeur Gicquel a cependant indiqué, à propos de ce type de saisine, qu'il fallait trouver un point d'équilibre afin de ne pas déstabiliser l'institution judiciaire ni livrer les magistrats à la vindicte populaire. Il est à craindre, malheureusement, que la nouvelle procédure ne soit instrumentalisée pour déstabiliser l'institution judiciaire avec, notamment, l'immixtion possible de l'exécutif dans cette procédure.

Pour terminer, je citerai brièvement, mais avec détermination, nos autres points de désaccord.

Nous regrettons que la possibilité soit laissée à l'avocat membre du CSM d'exercer sa profession pendant la durée de son mandat. Nous sommes en effet convaincus de la nécessité du contraire pour garantir la légitimité, la transparence et l'impartialité de ses décisions.

Nous critiquons également le fait que la désignation du secrétaire général du CSM soit laissée au Président de la République, sur proposition conjointe du premier président de la Cour de cassation et du procureur général près ladite Cour.

En tout état de cause, ce qui nous détermine, c'est l'indépendance de la justice à l'égard de l'exécutif. C'est pourquoi nous sommes attachés à l'indépendance du CSM qui décide de l'avancement et de la discipline de près de 8 000 magistrats.

Nous voterons donc contre ce projet de loi organique.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Hunault

Monsieur le président, madame la ministre d'État, le Nouveau Centre votera ce projet de loi organique, qui constitue pour nous un progrès. Ceux qui m'ont précédé à cette tribune, même s'ils appartiennent à l'opposition, ont bien dû reconnaître l'avancée que représente la saisine du CSM par les justiciables, et André Vallini a bien voulu rappeler que les travaux de la commission d'enquête sur l'affaire d'Outreau, qu'il présida et dont Philippe Houillon fut le rapporteur, n'ont pu parvenir à de tels résultats.

Les progrès accomplis sont d'autant plus considérables que la question de la responsabilité des magistrats est extrêmement difficile, car ceux-ci rendent la justice dans des conditions parfois très complexes. Il fallait trouver un juste milieu : permettre aux justiciables de saisir le CSM tout en établissant certaines conditions – vous avez rappelé à cet égard les filtrages opérés, madame la ministre d'État. Je crois que la solution à laquelle la révision constitutionnelle a abouti est meilleure que celle que nous avions nous-mêmes préconisée à l'issue des travaux de la commission d'enquête. C'est pourquoi je veux vous assurer du soutien du groupe Nouveau Centre.

Sur la composition du CSM, notre excellent rapporteur a rappelé nos divers points de désaccord avec le Sénat, et je le rejoins.

S'agissant des personnalités qualifiées, j'estime que, dès lors qu'un avocat doit figurer parmi elles, il serait absurde de l'empêcher de plaider pendant toute la durée de son mandat au sein du CSM.

Mais je voudrais aussi réagir à l'appréciation implacable que notre collègue et ami André Vallini,…

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Hunault

…connu pour sa connaissance de la justice, a portée sur le bilan de la majorité.

Je lui dirai, tout d'abord, que le temps du bilan n'est pas arrivé. Il nous reste encore deux ans de législature et nous pouvons être fiers du travail considérable déjà accompli, travail auquel les députés du Nouveau Centre ont apporté leur concours. Jamais, depuis dix ans, les crédits de la justice n'ont connu une augmentation aussi régulière : 5 % par an, soit mieux qu'entre 1997 et 2002. La réforme de la carte judiciaire, qu'aucun gouvernement n'avait auparavant eu le courage de présenter au Parlement, a été accompagnée de mesures de restructuration sans précédent, ayant pour seul objectif de rendre la justice plus efficace. Des maisons de la justice et du droit ont été créées. Je peux témoigner de cette évolution puisque, dans l'arrondissement de Châteaubriant où le tribunal d'instance a été supprimé, une maison de la justice et du droit a vu le jour – vous l'avez vous-même inaugurée, madame la garde des sceaux. Nous avons renforcé les effectifs des personnels judiciaires : jamais l'État n'a recruté autant de magistrats que sous cette majorité. Vous avez également créé 400 postes au sein des greffes pour que la justice soit rendue dans de meilleures conditions.

Monsieur Vallini, vous avez osé évoquer la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme dans la fameuse affaire Medvedyev. Vous nous aviez déjà « fait le coup » au mois de février, lors de la précédente lecture du texte. Mais, entre-temps, la Cour a rendu son arrêt et, contre toute attente, elle n'a pas confirmé sa première décision. Comparer la situation de la justice française avec la situation de la justice dans certains des quarante-sept États du Conseil de l'Europe, institution à l'assemblée parlementaire de laquelle j'ai l'honneur de siéger encore pour quelques jours, c'est faire injure à la qualité de nos magistrats et à leur souci d'indépendance.

Il y a bel et bien un débat entre nous à propos de l'indépendance des magistrats. Nous sommes, sur les bancs de la majorité, favorables à ce qu'il existe un lien entre la Chancellerie et les magistrats du parquet, afin que l'ordre public soit respecté de la même façon à Lille, à Marseille ou à Nantes. Cela s'appelle une politique pénale, et nous l'assumons : nous sommes là pour soutenir Mme la garde des sceaux dans sa mise en oeuvre.

De grâce, ne caricaturons pas la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme ! Il faut avoir à l'esprit qu'elle s'applique à de nouvelles démocraties, où l'État de droit est en construction et dont la magistrature n'a rien de commun avec la nôtre. Vous avez fait une interprétation abusive de l'arrêt, monsieur Vallini.

Madame la garde des sceaux, l'embarras de l'opposition est visible. La réforme que nous proposons est une bonne réforme : indépendance renforcée du Conseil supérieur de la magistrature ; saisine du Conseil par les justiciables, avancée considérable que vous me permettrez de rapprocher d'autres droits nouveaux établis sous cette législature grâce à la réforme de la Constitution ; création du défenseur des droits ; instauration de la question prioritaire de constitutionnalité – autre droit fondamental que les citoyens se sont déjà approprié.

Madame la garde des sceaux, le texte que vous nous proposez contribue à réconcilier les justiciables avec la justice. Il ne méritait pas ce que nous avons entendu de la part de l'opposition. Pour ma part, je vous apporte, au nom de mes collègues, l'entier soutien du groupe Nouveau Centre, et vous remercie. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Sébastien Huyghe

Monsieur le président, madame la ministre d'État, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, permettez-moi au préalable de m'associer, ainsi que l'ensemble du groupe UMP, au satisfecit délivré par mon collègue Michel Hunault à l'action de la majorité et du Gouvernement en matière de justice, à un peu plus de la moitié de la législature. Nous sommes très heureux d'y avoir contribué, notamment par la révision en profondeur de la Constitution, révision qui, de l'avis d'une majorité de nos concitoyens, a permis des avancées majeures en leur faveur.

Le projet de loi organique que nous examinons est inspiré par la volonté de donner au Conseil supérieur de la magistrature une composition et des attributions adaptées à l'évolution des institutions et de la société, conformément à l'esprit de la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008.

Si la nouvelle rédaction de l'article 65 de la Constitution prévoit des modifications extrêmement détaillées, le projet de loi organique apporte des précisions supplémentaires concernant la composition et le régime des incompatibilités, les règles de fonctionnement du Conseil supérieur de la magistrature, ainsi que des règles relatives à la matière disciplinaire. Enfin, il précise les conditions de la mise en oeuvre de la saisine du CSM par le justiciable, disposition fondamentale qui permettra de rapprocher le citoyen et la justice.

La plupart des dispositions ont été adoptées en termes identiques par les deux assemblées. C'est notamment le cas de la composition du CSM et de ses règles d'organisation et de fonctionnement.

Le Sénat a apporté un certain nombre de modifications au texte voté par l'Assemblée nationale.

Tout d'abord, il a introduit deux nouvelles dispositions qui ont fait l'objet d'une adoption conforme par notre commission des lois.

La première consiste à abroger la disposition selon laquelle les questions prioritaires de constitutionnalité sont transmises par les juridictions de première instance à une formation spéciale de la Cour de cassation, présidée par son Premier président. Le Sénat a souhaité que le soin de trancher ces questions soit laissé aux formations de droit commun de la Cour. L'objectif est de ne pas imposer des charges trop lourdes au Premier président de la Cour de cassation. Les formations de droit commun de la Cour de cassation peuvent se voir confier le soin de se prononcer sur le renvoi au Conseil constitutionnel des questions prioritaires de constitutionnalité, à l'instar de ce qui existe pour le Conseil d'État.

La seconde consiste à remplacer, au sein de la commission d'avancement, le Premier président de la Cour de cassation par le doyen des présidents de chambre de ladite Cour et le procureur général près la Cour de cassation par le plus ancien des premiers avocats généraux. Cette disposition, animée par le même souci de ne pas surcharger le Premier président, s'explique aussi par la volonté de préserver l'indépendance de la commission d'avancement par rapport aux formations du CSM chargées de se prononcer sur les nominations. Dans la mesure où le Premier président et le procureur général sont appelés à présider les formations du CSM compétentes pour les nominations de magistrats, il semble en effet préférable qu'ils ne conservent pas leur place dans la commission d'avancement.

Si ces modifications apparaissent opportunes, d'autres appellent de notre part un certain nombre d'observations.

Le Sénat avait introduit en première lecture un article relatif à l'autonomie financière du CSM. Cet article, supprimé par notre assemblée, a été rétabli par les sénateurs. Sans que nous soyons opposés à cette idée, et bien que nous souscrivions au souci de doter le CSM d'un budget suffisant, il est apparu aux membres de la commission des lois de notre assemblée que cette mesure risquait de pénaliser l'institution. Néanmoins, le souci d'assurer le fonctionnement autonome du CSM a conduit la commission à adopter un amendement de son rapporteur visant à confier au président de la formation plénière du CSM la fonction d'ordonnateur de ses crédits, comme c'est le cas notamment pour le Conseil constitutionnel.

Ensuite, le Sénat a voté en première lecture une extension du champ des incompatibilités pour l'avocat, en lui interdisant d'exercer son activité de conseil pour une partie engagée dans une procédure ou de plaider devant les tribunaux. Avec le soutien du Gouvernement, l'Assemblée nationale a supprimé cette extension du champ des incompatibilités. Le Sénat l'a rétablie en deuxième lecture, mais en la limitant à une interdiction de plaider.

La disposition introduite par le Sénat semble paradoxale. Dans la mesure où le constituant a voulu qu'un avocat soit membre du CSM, il apparaît contradictoire de lui faire perdre dès sa désignation sa capacité à exercer sa profession. Par ailleurs, les sanctions en cas de manquement aux obligations déontologiques apportent des garanties suffisantes. Il n'y a donc pas lieu de craindre les quelques cas où l'avocat aurait à plaider devant des magistrats dont il a eu à connaître du dossier.

Enfin, le Sénat a prévu en deuxième lecture d'imposer des règles de déontologie plus strictes, par la sanction des obligations déontologiques et par la mise en oeuvre de la règle du déport. En première lecture, il avait ajouté les exigences d'indépendance, d'impartialité et d'intégrité qui s'imposent aux membres du CSM et consacré la règle du déport du membre sur l'impartialité duquel existe un doute. Ce même article confie au président de chacune des formations du CSM le soin de veiller au respect de ces obligations par des mesures appropriées.

L'Assemblée nationale a supprimé cette dernière disposition, mais a accueilli favorablement le principe de l'article en ajoutant l'exigence de dignité.

En deuxième lecture, le Sénat a tenu compte des critiques adressées à sa position et proposé un mécanisme de sanction collégial, selon une règle de majorité exigeante. Ainsi, la suspension temporaire ou la démission d'office pourra être prononcée par la formation plénière du CSM, saisie par le président d'une des formations et se prononçant à la majorité de ses membres, à l'encontre d'un membre ayant manqué à ses obligations déontologiques.

La commission des lois de notre Assemblée a proposé de revoir l'échelle des sanctions applicables, en substituant à la suspension temporaire l'avertissement. Cela permettra entre autres d'éviter une rupture dans l'exercice des fonctions de membre du CSM.

Par ailleurs, le Sénat a prévu que, dans le cas où le président d'une formation du CSM l'estime nécessaire, la question du déport d'un des membres de la formation sera discutée et tranchée à la majorité de ses membres. Cependant, cette modification peut être assimilée à une mesure d'exclusion temporaire, inadaptée à cette institution. Il convient donc de supprimer cette mesure et de conserver la règle de déport qui s'applique dans toute juridiction.

Madame la ministre d'État, mes chers collègues, la réforme du CSM est à n'en pas douter un élément majeur et nécessaire de la révision constitutionnelle de juillet 2008. C'est pourquoi le groupe UMP votera ce texte avec enthousiasme. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Maurice Leroy

La discussion générale est close.

La parole est à Mme la ministre d'État.

Debut de section - PermalienMichèle Alliot-Marie, ministre d'état, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés

Monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames et messieurs les députés, je tiens à remercier les différents orateurs de leurs interventions, même si, bien entendu, je ne peux être d'accord avec toutes leurs analyses.

Monsieur Vallini, vous nous avez donné acte des progrès apportés par ce texte, je vous en remercie. Connaissant à la fois votre expérience et votre modération, j'ai cependant été un peu étonnée et déçue de votre suspicion, dont je constate chaque jour le caractère absolument infondé, concernant les rapports pouvant exister entre l'exécutif et les magistrats.

Vous ne pouvez pas arguer du fait que le secrétaire général du Conseil supérieur de la magistrature est nommé par décret du Président de la République pour dire qu'il y a une volonté de mainmise de l'exécutif sur la magistrature. Vous savez aussi bien que moi que le Président de la République nomme aux emplois publics en signant les arrêtés ou les décrets de nomination, et que cela vaut aussi pour l'ensemble des magistrats.

De plus, le secrétaire général du Conseil supérieur de la magistrature n'a aucun rôle décisionnaire : il organise le travail du Conseil, prépare les dossier, mais n'intervient en aucun cas. J'ai déjà assisté à un certain nombre de séances, je vois comment les choses se passent : du fait de la nature même de ses fonctions, il ne saurait y avoir de suspicion.

N'oubliez pas, enfin, que le secrétaire général sera nommé sur proposition conjointe des chefs de la Cour de cassation. On peut toujours trouver des arguments, encore faut-il qu'ils correspondent à une certaine réalité !

Vous avez souligné ensuite que des personnalités extérieures seront nommées, comme dans de nombreux autres organismes, sur proposition non seulement du Président de la République, mais également des présidents des deux assemblées. Le fait que ces nominations soient désormais soumises au vote des commissions compétentes du Parlement est une grande avancée démocratique, que la France peut s'enorgueillir d'être l'un des premiers pays à avoir réalisée. Vous regrettez que le résultat du vote soit lié au fait majoritaire, mais la démocratie, c'est aussi qu'il y ait une majorité et une opposition. Je crois savoir que des expériences ont déjà eu lieu en la matière et qu'il y a eu quasi-unanimité pour rejeter une proposition, mais également, me semble-t-il, pour approuver des nominations. Ayez donc un peu plus confiance dans la majorité ! J'observe au passage que M. Paul allait plus loin encore que vous, puisqu'il voulait que ces personnalités soient élues, ce qui, pour le coup, aurait encore accentué le lien avec le fait majoritaire.

En la matière, il faut être serein, regarder la réalité et, surtout, éviter de jeter la suspicion sur la justice et sur les magistrats. Nous sommes ici entre nous, nous savons quels peuvent être, parfois, les excès du débat politique, mais c'est aussi la confiance de nos concitoyens dans la justice qui est en jeu, et nous devons faire attention à nos propos.

Nous avons déjà parlé de l'arrêt Medvedyev. Je rappelle que le second arrêt de la Cour européenne des droits de l'homme souligne la nécessité de garantir l'indépendance des magistrats à l'égard de l'exécutif, certes, mais aussi des parties, ce à quoi vous ne pensez pas suffisamment. Ce qui est condamné en réalité, c'est le statut du juge d'instruction, car ce dernier se trouve être à la fois celui qui mène l'enquête sur une partie et celui qui sera amené à porter un jugement, alors qu'il faudrait faire une distinction. C'est exactement le sens de la réforme de la procédure pénale que je suis en train de mener, et qui n'est pas renvoyée aux calendes grecques, contrairement à ce que vous pensez – vous en aurez bientôt la preuve.

Ce qu'il faut, c'est renforcer la crédibilité de la justice et la confiance que nos concitoyens en elle. C'est bien mon intention, et c'est à quoi nous sommes en train de travailler.

Monsieur Paul, je vous dirai la même chose qu'à M. Vallini, mais plus fortement. En matière de justice, il faut éviter les fantasmes, éviter de porter le soupçon, surtout lorsqu'il est totalement injustifié, sur une institution qui est au coeur du fonctionnement de la démocratie et de la cohésion nationale.

On peut faire des effets de manche pour des raisons politiques, et je peux le comprendre, mais, de grâce, faites attention à ce que vous dites. Quand vous parlez de l'indépendance de la justice à l'égard de l'exécutif, qu'est-ce que cela signifie ? Je ne vais pas donner des instructions pour que les juges tranchent dans telle ou telle direction ou agissent de telle ou telle façon !

L'exécutif est probablement le pouvoir dont l'action est la plus encadrée et la plus surveillée. Si vous craignez que des gens essaient d'influencer les magistrats, parlons du rôle des médias, de la médiatisation que vous avez évoquée, je pense, dans les travaux de la commission d'enquête sur l'affaire d'Outreau, parlons aussi de certaines influences qui peuvent intervenir localement, du simple fait que les gens se connaissent et se croisent. Le risque de pression ne provient pas de l'exécutif, il a des origines bien plus variées, que vous seriez bien plus fondé à dénoncer.

La réforme que je conduis a justement pour but de donner toutes les garanties nécessaires, allant parfois au-delà de ce qui serait peut-être nécessaire. Certains ont même critiqué des dispositions qui ont été introduites non parce qu'il existe un quelconque risque, mais pour garantir qu'il n'y aura jamais de risque. Cette réforme est nécessaire, de plus en plus de personnes le disent, et, parce qu'elle est nécessaire, elle aura lieu.

J'ai noté néanmoins que vous étiez défavorable, au nom de ce fameux risque d'influence, à ce que des instructions puissent être données par le ministre. Le jour où il n'y aurait plus d'instructions générales, monsieur Paul, vous n'auriez plus un droit pénal appliqué de la même façon sur tout le territoire ; on ne serait plus jugé de la même façon dans le Nord et dans le Midi. De la même façon, le jour où il n'y aurait plus d'instructions individuelles, un appel des jugements rendus dans l'affaire Fofana ne serait plus possible, et cela signifierait aussi que, par exemple, à la suite d'un accident d'avion tel que celui des Comores, plusieurs juridictions seraient saisies sur le territoire, avec des délais différents et des indemnisations établies sur des régimes différents. Je pourrais multiplier les exemples. Je crois là aussi qu'il faut être raisonnable et penser à ce rôle de la justice.

Monsieur Hunault, je voudrais vous remercier d'avoir souligné les avancées de ce texte et montré à juste titre que celles-ci allaient toutes dans le sens des réformes constitutionnelles menées depuis 2007, qui tendent justement à faire en sorte que les citoyens s'approprient davantage la possibilité d'agir pour qu'un droit juste soit applicable. La question prioritaire de constitutionnalité, ou encore le défenseur des droits, dont nous aurons à parler prochainement, rejoignent cette même idée de faire du citoyen un acteur de la démocratie dans le domaine de la justice.

Monsieur Huyghe, vous êtes également allé dans ce sens. Je vous remercie d'avoir rappelé le bilan accompli depuis trois ans, faisant fond sur celui des années précédentes, pour renforcer les moyens permettant à notre justice de jouer totalement son rôle au sein des institutions de la République.

Vous avez évoqué les moyens à donner au CSM ainsi que son autonomie financière. Le problème n'est pas l'autonomie financière du CSM : je pense que nous sommes parvenus à un bon équilibre. Ce que j'ai toujours dit, c'est qu'une petite institution qui essaiera de défendre seule son budget face à un ministère tel que Bercy sera forcément moins écoutée qu'un ministre qui défend l'ensemble d'un budget, ce qui lui garantit, quelles que soient les difficultés conjoncturelles, les moyens de mener à bien les missions qui lui sont confiées par la Constitution et la loi organique.

Comme je l'ai dit dans mon propos introductif, des suggestions intéressantes ont été apportées. Le texte que nous avons aujourd'hui constitue, je le crois, un bon équilibre global tout en permettant des avancées très importantes. Je remercie les parlementaires d'y avoir contribué, élaborant un texte qui répond, je l'espère, à notre volonté commune de faire progresser la démocratie en France. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Maurice Leroy

J'appelle maintenant, dans le texte de la commission, les articles du projet de loi organique sur lesquels les deux assemblées du Parlement n'ont pu parvenir à un texte identique.

Debut de section - PermalienPhoto de Maurice Leroy

À l'article 4, je suis saisi d'un amendement n° 1 .

La parole est à M. André Vallini.

Debut de section - PermalienPhoto de André Vallini

Cet amendement porte sur l'article relatif à l'avocat, ce fameux avocat qui siégera au CSM. Je continue à me poser beaucoup de questions à ce sujet. J'ai rencontré la semaine dernière le président du Conseil national des barreaux, M. Wickers, qui défend avec enthousiasme cet aspect de la réforme et a pour cela des arguments assez convaincants, mais je reste perplexe ; je pense que nous allons vers davantage de problèmes que de satisfactions.

Cela dit, puisque vous tenez tellement à ce qu'un avocat siège au CSM, il faut que cela pose le moins de problèmes pratiques possible tout au long des quatre ans qu'il siégera dans cette institution importante. Un régime d'incompatibilités doit être prévu – nous en avons déjà longuement discuté – ainsi que les cas où il devra se déporter.

Je propose d'aller plus loin encore qu'en première lecture, en lui interdisant expressément, non seulement de siéger, mais aussi de participer à des actes préparatoires s'ils concernent des magistrats devant lesquels il aurait été amené à plaider depuis sa nomination au CSM.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Houillon

C'est le point qui a fait débat avec nos collègues sénateurs. Alors que les choses paraissent assez simples – le constituant a souhaité qu'il y ait un avocat parmi les membres du CSM –, on en arrive à ce raisonnement paradoxal : c'est parce qu'il est avocat qu'il devient membre du CSM, mais c'est parce qu'il est membre du CSM qu'il n'est plus avocat. Je ne suis pas sûr que ce soit un raisonnement d'une rectitude absolue.

Votre commission des lois, quant à elle, s'en est tenue à un principe qui lui paraît logique : l'avocat membre du CSM est avocat. Ce sera probablement un sujet de discussion avec les sénateurs en commission mixte paritaire, puisqu'ils ont rétabli leur rédaction et que nous l'avons à nouveau supprimée.

L'amendement de M. Vallini a le mérite d'être nouveau, et son auteur celui d'avoir essayé de trouver une solution un tant soit peu transactionnelle. C'est en réalité le président Wickers qui l'a rédigé ; il me l'a également envoyé. Il s'interrogeait notamment sur la question de savoir s'il devait s'agir d'un avocat à titre plein et entier ou non. M. Vallini a un peu modifié son texte : il n'a retenu qu'un paragraphe sur les deux. C'est dire si les choses ne sont pas simples !

L'avocat membre du CSM qui se rend à une audience pour déposer un dossier sans le plaider, comme cela se produit tous les jours, n'aurait plus le droit, aux termes de cet amendement, de statuer sur des questions disciplinaires ou d'avancement concernant des magistrats qu'il ne connaît pourtant pas. En revanche, le membre du parquet, voire l'assesseur ou le président de chambre, qui aura travaillé quatre ou cinq ans avec les mêmes magistrats, qui aura noué des sympathies avec eux ou nourri des inimitiés à leur encontre, aura, quant à lui, le droit de connaître de ces questions. Je crois donc qu'il y a une limite à cet exercice intellectuel.

Cela étant, comme je l'ai dit en présentant mon rapport, une discussion aura lieu en CMP. Votre solution, monsieur Vallini, pourra sans doute être exposée à ce moment-là. En l'état, la commission souhaite le maintien de son propre texte.

Debut de section - PermalienMichèle Alliot-Marie, ministre d'état, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés

Les exigences de déport prévues par l'amendement sont pleinement satisfaites par l'obligation faite à toute membre du Conseil de se déporter lorsque « sa présence ou sa participation pourrait entacher d'un doute l'impartialité de la décision rendue ». Nous avons là tous les éléments nous permettant de répondre au risque possible. Cette règle s'applique à l'ensemble des membres du Conseil ; a contrario, si nous ajoutions une précision supplémentaire pour un seul de ses membres, l'avocat, nous ferions porter sur celui-ci un soupçon particulier en raison de son caractère d'avocat. La rédaction ne me paraît donc pas convenir et, à moins que M. Vallini accepte de retirer son amendement – quitte à ce qu'une autre rédaction soit trouvée en CMP –, j'y donnerai un avis défavorable.

Le texte a bien prévu, par une mesure générale, la réponse à toute suspicion en la matière. On nous accuse si souvent de produire des textes particuliers quand il existe des textes généraux répondant à la question ! Il est de bonne politique législative de s'en remettre au texte général.

Debut de section - PermalienPhoto de Maurice Leroy

À l'article 7 bis, je suis saisi d'un amendement n° 2 .

La parole est à M. André Vallini.

Debut de section - PermalienPhoto de André Vallini

Je vais à nouveau me faire le porte-parole des sénateurs UMP, qui ont parfois de bonnes idées et sont parfois indisciplinés – au bon sens du terme – à l'égard du Gouvernement, bien plus que les très obéissants députés UMP.

Je suis d'accord avec les sénateurs de toutes tendances – la mesure a été adoptée à l'unanimité au Sénat – pour considérer qu'il faut absolument garantir l'autonomie financière du CSM. Tel est l'objet de cet amendement. Le CSM doit disposer de l'autonomie financière afin d'être, sinon totalement indépendant – ce serait trop beau –, du moins plus indépendant que ce n'est le cas dans le texte du Gouvernement.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Houillon

Je m'en suis tout à l'heure expliqué à la tribune : la commission est défavorable à cet amendement. Toutefois, je rappelle que, pour satisfaire à cette idée, elle a adopté un amendement prévoyant que le président du CSM serait dorénavant ordonnateur des crédits de cette institution. Nous partagions en effet ce souci, mais nous avons considéré que la solution du Sénat était moins avantageuse ou, en tout cas, plus risquée pour le CSM. Avec le texte voté en commission, je pense que l'équilibre est tout à fait satisfaisant.

Debut de section - PermalienMichèle Alliot-Marie, ministre d'état, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés

Les dispositions actuelles garantissent l'autonomie financière du CSM, et ce encore plus, sans doute, avec l'amendement de la commission. Comme je l'ai dit en réponse aux interventions de la discussion générale, le fait que ces crédits soient inscrits au programme 166 permet de mieux assurer la défense de ces moyens, dans un cadre plus large et sous le contrôle du Parlement : la discussion de la loi de finances permettra à celui-ci de garantir que les moyens sont bien attribués, ce qui ne serait pas forcément le cas avec un budget sorti de ce cadre, qui devrait être négocié chaque année par je ne sais qui – le président du CSM ? – avec le ministre du budget.

(L'amendement n° 2 n'est pas adopté.)

(L'article 7 bis est adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Maurice Leroy

La parole est à M. Daniel Paul, pour une explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Paul

Ce ne sera pas tout à fait une explication de vote, monsieur le président.

Debut de section - PermalienPhoto de Maurice Leroy

Il vaudrait mieux que c'en soit une, car c'est ce qui me permet de vous donner la parole ! Je me permets de vous le dire avec beaucoup de courtoisie… (Sourires.)

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Paul

Ce sera donc pour confirmer notre vote négatif sur cette loi.

Je rassure par ailleurs Mme la ministre d'État. En aucun cas, ce que j'ai déclaré à la tribune ne constituait une remise en cause de la nécessité d'une politique pénale, qui est dans le rôle de l'État, ni des instructions générales. Ce n'est pas ce que visait mon propos, et je ne comprends donc pas très bien cette critique émise par elle.

Debut de section - PermalienPhoto de Maurice Leroy

Je mets aux voix l'ensemble du projet de loi organique.

(L'ensemble du projet de loi organique est adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Maurice Leroy

Prochaine séance, 19 mai 2010, à quinze heures :

Questions au Gouvernement ;

Débat sur la politique de la ville ;

Débat sur l'évolution de la politique immobilière de l'État.

La séance est levée.

(La séance est levée à vingt-deux heures quarante-cinq.)

Le Directeur du service du compte rendu de la séance de l'Assemblée nationale,

Claude Azéma