La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à quinze heures.)
L'ordre du jour appelle la discussion du texte de la commission mixte paritaire sur les dispositions restant en discussion du projet de loi relatif à la lutte contre le trafic de produits dopants.
La parole est à M. Bernard Depierre, rapporteur de la commission mixte paritaire.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État chargé des sports, de la jeunesse et de la vie associative, monsieur le président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, mes chers collègues, nous examinons cet après-midi les conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi relatif à la lutte contre le trafic de produits dopants.
Je ne reviendrai pas longuement sur la présentation du projet de loi, sinon pour rappeler que ce texte, avant tout pragmatique, vise à instituer une nouvelle infraction pénale de détention de produits dopants et à compléter la liste des incriminations pénales en matière de trafic de ces produits. Ce faisant, il prend en compte la réalité internationale du dopage et met la France en conformité avec les dispositions internationales applicables.
La lecture par l'Assemblée nationale avait, pour l'essentiel, donné lieu à l'adoption d'amendements destinés à favoriser la lisibilité du texte sans en remettre en cause les principaux équilibres.
Le Sénat a quant à lui adopté onze des vingt et un articles du projet de loi sans modification et ajouté cinq articles nouveaux. Il a, pour l'essentiel, enrichi le texte proposé en habilitant l'Agence française de lutte contre le dopage à : effectuer un contrôle antidopage pendant la garde à vue d'un sportif soupçonné d'avoir commis un délit de détention, de pourvoyeur ou de trafic de produits dopants ; demander à une fédération sportive le déclassement d'un sportif non licencié en France ayant commis une infraction à la législation antidopage lors d'une compétition qu'elle a organisée ou autorisée ; et bénéficier des mêmes modalités, pour le calcul des charges sociales afférentes aux rémunérations de leurs préleveurs, que celles prévalant au ministère des sports avant la création de l'agence.
Par ailleurs, le Sénat a adopté un amendement prévoyant que des peines aggravées pourraient être appliquées s'agissant de délits de pourvoyeur ou de trafic commis par des personnes ayant autorité sur les sportifs.
Enfin, les compétences de l'AFLD ont été étendues aux compétitions organisées par la société hippique française.
L'ensemble de ces mesures me semblait aller dans le bon sens : enrichir la palette des outils à disposition pour lutter contre le dopage. La commission mixte paritaire a porté la même appréciation, puisqu'elle a fait sien le texte résultant des délibérations successives de l'Assemblée nationale et du Sénat, sans y apporter aucune modification. Le fait est assez rare pour être souligné. Il est révélateur du climat constructif dans lequel se sont déroulés les débats.
Le Sénat a plus particulièrement limité l'incrimination de détention prévue à l'article 1er du projet de loi aux substances et procédés « spécifiés » dans la liste élaborée par l'Agence mondiale antidopage, à savoir les produits les plus « dopants », tels les transfusions, les anabolisants, l'érythropoïétine, la cocaïne, etc. Cette modification est destinée à résoudre un problème d'application soulevé pendant les débats à l'Assemblée nationale : en effet, dans sa version initiale, le texte aurait pu permettre de poursuivre un sportif détenant de l'alcool à son domicile. La commission mixte paritaire a donc retenu la solution adoptée par le Sénat.
Au total, ce texte est donc équilibré et satisfaisant et je vous invite, bien sûr, à l'adopter.
Le seul point qui reste à trancher est celui de la mise en oeuvre du projet. Celle-ci devra être rapide, alors que d'importantes manifestations sportives sont prévues dans les prochains mois, en particulier les Jeux olympiques.
Grâce à l'adoption, au cours des vingt dernières années, de quatre lois visant à renforcer la lutte contre le dopage, la France dispose désormais d'un ensemble d'instruments qui lui permettent de figurer, derrière l'Australie, au nombre des pays les mieux préparés pour faire face à ce problème.
Et il est vrai que sur 2 000 contrôles réalisés chaque année, les contrôles positifs en matière de dopage ne sont plus que de l'ordre de 3 %, contre environ 15 % il y a encore quelques années. Cependant cela ne peut suffire. Si un travail sur la législation est nécessaire, il est également essentiel d'inciter tous les acteurs du mouvement sportif, à tous les niveaux – fédérations, ligues professionnelles, ligues régionales, comités, clubs –, et en particulier les médecins fédéraux, à renforcer les actions d'information et de prévention – bref, de pédagogie –, sans se limiter aux seules activités de contrôle. C'est ce combat de tous les jours qui permettra à la loi, dans sa lettre comme dans son esprit, de produire tous ses effets. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre.)
La parole est à M. Bernard Laporte, secrétaire d'État chargé des sports, de la jeunesse et de la vie associative.
Monsieur le président, monsieur le rapporteur de la commission mixte paritaire, mesdames et messieurs les députés, je serai bref puisque le texte voté au Sénat n'a pas été modifié par la CMP.
Le texte initial a été largement enrichi par les parlementaires : quarante et un amendements ont été adoptés, dont vingt-quatre présentés par les députés et dix-sept par les sénateurs. Ces amendements ont contribué à enrichir et à adapter notre texte afin de l'améliorer.
De même, des propositions convergentes de la majorité et de l'opposition ont conduit à modifier certaines dispositions du texte du Gouvernement tout en en préservant l'équilibre. C'est ainsi que l'infraction pénale de détention par le sportif – l'article 1er du projet de loi – a été limitée à la possession de substances lourdes : EPO, amphétamines, poches de sang, stéroïdes, anabolisants, etc.
Je vous avais dit ma satisfaction quant au texte issu des débats que nous avons eus le 30 avril dernier. J'ai également été convaincu par les amendements proposés par le Sénat qui, pour les plus importants, s'inspiraient des échanges que nous avions eus ici même.
La CMP n'ayant pas modifié ce texte, j'approuve totalement la version sur laquelle vous devez vous prononcer aujourd'hui.
Ce projet de loi permettra ainsi d'accroître notre efficacité en matière de lutte contre le dopage à l'occasion de toutes les compétitions sportives qui se dérouleront sur le sol français. La pénalisation de la détention, mais aussi de la production, du transport, de l'importation et de l'exportation de produits dopants donnera aux services de police judiciaire des moyens accrus pour démanteler les trafics.
En complément de la politique de prévention ambitieuse que nous avons menée et que j'entends bien poursuivre avec la même intensité – je rappelle que 13,7 des 21,1 millions d'euros qui constituent notre budget global en matière de dopage sont alloués à la politique de prévention –, ce projet de loi représente donc un apport déterminant dans le combat que nous livrons contre le dopage.
Je vous remercie encore pour la qualité des débats que nous avons eus dans cet hémicycle et que vous avez poursuivis lors des travaux de la commission mixte paritaire. Ces remerciements vous concernent particulièrement, monsieur le président Méhaignerie et vous, monsieur le rapporteur Depierre, pour le consensus que vous avez su faire naître, ici et en CMP. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre.)
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, chers collègues, lors de l'examen en première lecture de ce projet de loi, j'ai pu dire mes doutes et mes hésitations sur l'opportunité d'instaurer une forme de double peine à l'encontre des sportifs détenant des produits dopants. Ces doutes, je tiens aujourd'hui à les exprimer de façon encore plus franche – mais toujours constructive – que je ne l'avais fait il y a quelques semaines.
La semaine dernière s'est tenu un colloque parlementaire sur la lutte contre le dopage, à l'initiative de Jean-François Lamour et de moi-même et sous votre haut patronage, monsieur le secrétaire d'État. Il a réuni, outre des parlementaires – dont notre rapporteur –, trois anciens ministres, les plus hauts responsables du mouvement sportif, ainsi que des médecins, des avocats et des formateurs.
Tous ces spécialistes de la lutte antidopage ont insisté sur l'importance de la recherche, du suivi médical, de l'accès aux informations, de la prévention – notamment dans les clubs, mais aussi à travers l'éducation nationale – ou de l'insertion professionnelle des sportifs de haut niveau, auxquels on doit permettre de poursuivre des études ou de se libérer de l'angoisse liée à une deuxième activité professionnelle. Ils ont enfin souligné la nécessité d'un changement de comportement chez les sponsors et dans les médias, entrés dans le jeu dangereux d'une course sans limite à l'exclusivité. On a ainsi vu une revue professionnelle se féliciter, dans son éditorial, non pas des résultats sportifs ou de la bonne santé des footballeurs, mais du résultat économique des clubs professionnels de football.
Ce colloque a également été l'occasion d'insister sur la nécessité d'employer tous les moyens nécessaires pour lutter contre le trafic des produits dopants. En revanche, la double peine, pénale et sportive, proposée par votre projet de loi et défendue par un député de votre majorité – au nom du principe selon lequel il faut tout essayer – n'a pas suscité l'adhésion des participants. En effet tous savent combien la lutte antidopage exige d'abord et avant tout du travail dans la durée, notamment sur le plan éducatif.
Le recours à la pénalisation, peut-être rassurant pour le décideur politique, n'est-il pas une preuve d'inefficacité des politiques publiques ?
Vous avez évoqué, monsieur le rapporteur, la situation internationale. Grâce à l'Agence mondiale antidopage et au code mondial antidopage, nous parvenons bien évidemment à une homogénéité, mais chacun a son histoire. Si, en 1999, l'Italie et la France n'ont pas pris la même voie, c'est parce que la réalité n'était pas la même. L'Italie était obligée de recourir à la sanction pénale parce que le mouvement sportif italien n'agissait pas contre le dopage aux côtés du ministère. En France, dès 1998 et même avant, le mouvement sportif était prêt à collaborer à ce combat antidopage ; il s'est donc vu confier des responsabilités en matière de sanction sportive.
Ce régime de double peine interpelle aussi le partage des rôles entre le mouvement sportif et la justice. Qu'adviendra-t-il si la justice déclare un sportif coupable et que le mouvement sportif le considère innocent ou vice versa ? Inévitablement, la justice prévaudra. Le mouvement sportif, déjà fragilisé par les restrictions budgétaires que vous lui avez imposées, sera tout simplement dessaisi d'un de ses rôles essentiels : l'action pour la préservation de l'intégrité physique et psychique des athlètes. Avec cette décision – cette perte d'attributions qui succède à bien d'autres – c'est tout l'édifice du sport à la française que l'on fragilise.
J'appelle une nouvelle fois votre attention, monsieur le secrétaire d'État, sur la dangerosité de l'amendement déposé par M. le député Lefebvre, lors de l'examen du projet de loi de modernisation de l'économie, et que vous avez avec beaucoup de sagesse fait retirer, mais il ne faudrait pas, bien sûr, qu'il réapparaisse dans nos débats parlementaires, au risque de porter un coup à l'unité fédérale.
Je tiens donc solennellement à alerter des dangers que cette évolution fait courir à l'avenir du sport français. J'ai posé cette question en première lecture. Elle n'a pourtant qu'à peine effleuré les débats, les discussions au Sénat comme en CMP portant presque exclusivement sur les modalités de mise en oeuvre de ce qui est un véritable changement de culture de notre lutte antidopage et non sur le principe de ce changement. Je le regrette. Certes, je me réjouis que le Sénat et la CMP aient finalement accepté de réduire le périmètre de la liste des produits dopants dont la détention sera demain « pénalisable ». Le risque de voir des sportives ou des sportifs derrière les barreaux en est d'autant réduit. Néanmoins j'aurais aimé que l'on analyse tous les tenants et aboutissants de cet amendement et, par-là, les risques que l'on fera peser sur l'efficacité de la lutte antidopage.
En vertu de cet amendement, la détention de produits dopants à usage courant, comme par exemple la Ventoline, ne sera pas condamnable. Comment en serait-il autrement d'ailleurs ? La justice ne peut évidemment pas condamner une personne possédant des médicaments, même susceptibles d'être utilisés à des fins de dopage. Seul le mouvement sportif peut le faire dans le cadre particulier d'une activité sportive et en cas de détournement de son utilisation.
En revanche, la détention d'un autre produit, comme l'EPO, sera, elle, directement passible d'une double peine, sportive et judiciaire. Donc, pour une même infraction de dopage, les réponses judiciaires et les peines encourues pourront être très différentes pour un sportif. C'est absurde et cela démontre les incertitudes dans lesquelles votre projet de loi plonge la lutte antidopage.
La justice a évidemment une immense responsabilité en matière de dopage, notamment pour démanteler les trafics et les filières organisées. Veillons donc à lui donner toutes les armes pour mener à bien ce combat. En revanche pour traiter la tricherie sportive et combattre efficacement le dopage, le mouvement sportif reste le mieux armé.
Depuis des décennies dans ce pays, État et mouvement sportif travaillent main dans la main avec pour seul objectif que le sport soit accessible à toutes et tous, qu'il soit de haut niveau ou qu'il ait une mission de service public. Depuis 1998, cela s'est concrétisé dans la lutte antidopage, au niveau national, avec le rôle donné à l'Agence nationale contre le dopage, mais également international, ce dont je me félicite, grâce à la présence des États et du mouvement sportif au sein de l'Agence mondiale antidopage.
Nous avons besoin des deux acteurs que sont l'État et le mouvement sportif. Nous avons besoin d'un sport regroupé dans sa diversité dans les fédérations et le mouvement olympique. Il faut lui confier toutes les responsabilités nécessaires. Ne le dessaisissons donc pas de ses attributions, nous le regretterions toutes et tous. Or c'est ce qui risque d'arriver avec ce projet de loi élaboré dans la hâte. Nous espérons pouvoir légiférer de nouveau dans les prochains mois. Monsieur le secrétaire d'État, chers collègues, les députés de la Gauche démocrate et républicaine s'abstiendront sur ce projet de loi.
Je tiens cependant à conclure sur une note positive : je souhaite que nos équipes de France obtiennent de bons résultats aux Jeux olympiques de Pékin et, surtout, que ce soit de beaux Jeux olympiques, ce dont nous avons bien besoin après la semaine que nous venons de vivre !
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, au terme de notre parcours législatif, je tiens tout d'abord à me réjouir de l'aboutissement des travaux de la commission mixte paritaire. Cet heureux résultat confirme une prise de conscience : le dopage est un fléau universel, même s'il ne touche qu'une minorité de sportifs, car toutes les disciplines sportives sont susceptibles d'être atteintes.
Au cours de certaines compétitions sportives, des records de France, d'Europe ou du monde sont battus et, si une minorité de sportifs peut à bon droit éveiller les soupçons, de nombreux athlètes s'entraînent, luttent, pour la seule gloire du sport sans recourir à des stimulants artificiels. Les tricheurs font à leurs efforts et à leur courage une ombre imméritée. Je le répète, je souhaite que les manifestations sportives soient l'occasion de performances, peut-être moins spectaculaires, mais authentiques ; il en va tout à la fois des valeurs du sport, de l'exemplarité de l'effort et de la santé des athlètes. C'est pourquoi je me réjouis de l'adoption de ce texte qui confirmera la continuité d'une volonté politique qui, depuis 1965, a conduit les gouvernements successifs à mener une lutte sans relâche contre le dopage.
Le nouveau texte comble opportunément des lacunes de la législation actuelle, en créant notamment le délit de détention de produits dopants et en organisant la répression pénale du trafic de ces produits. La répression doit frapper à toutes les étapes de la filière, du producteur au consommateur final. Toutefois la répression n'est rien si elle n'est pas précédée par une action de prévention visant en particulier les jeunes sportifs que la quête du résultat peut rendre plus spécialement sensibles à la tentation de facilité représentée par le dopage.
Aujourd'hui, seul le vainqueur reçoit la consécration des médias, la recherche à tout prix de performances est la loi. On donne de la devise « plus vite, plus haut, plus fort » une interprétation qui exclut la vérité et la loyauté des comportements. Encouragée par certains, la perspective mythique de grands profits faciles peut conduire à l'aveuglement.
Lutter conte cette dérive est d'abord affaire d'éducation. Dans les centres de formation, dans les filières sport-études, dans les clubs et les associations sportives, il faut conduire une stratégie de dissuasion par l'information sur les risques pénaux des tricheurs et sur les risques sanitaires liés au dopage. Les jeunes doivent savoir que le dopage réduit l'espérance de vie et peut être cause de souffrances et de handicaps. Il convient aussi, et peut-être surtout, de développer une éducation positive aux vraies valeurs du sport que sont la solidarité, la loyauté et l'endurance.
Il est essentiel d'adapter continuellement nos outils de contrôle, pour faire face à un arsenal dopant qui se développe régulièrement à tel point que l'on se demande si nous n'avons pas toujours un temps de retard. Rappelez-vous ce laboratoire d'analyses antidopage qui, il y a quelques années, avait reçu, par la poste, une seringue contenant un produit inconnu, qui aurait été fourni par un laboratoire californien. Après diverses analyses, ce produit s'est révélé être un anabolisant de synthèse, jusqu'alors indétectable dans les urines. Depuis, on a découvert que certains athlètes de renommée internationale étaient en partenariat avec ce laboratoire californien ; ils ont reconnu qu'ils s'étaient effectivement dopés.
Certains experts considèrent même que le dopage pourrait emprunter les techniques de la thérapie génique et cellulaire. Un spécialiste de la thérapie génique est récemment parvenu à doubler la force musculaire d'un rat après lui avoir injecté un gène particulier. Il est absolument nécessaire de soutenir la recherche de techniques de détection, la découverte de nouveaux tests adaptés pour ne pas décrocher par rapport à l'inventivité mercantile des tricheurs et à leurs trouvailles de plus en plus inquiétantes et néfastes. C'est pourquoi je souhaite, notamment, que l'Agence française de lutte contre le dopage – l'AFLD – bénéficie de moyens financiers supplémentaires. Le développement de son efficacité dépend de l'État qui la finance à 94 %. L'accroissement des ressources ne suffit pas, il faut, en outre, inscrire l'action de l'Agence dans une vision globale de long terme et dans une politique cohérente. Cela relève, monsieur le secrétaire d'État, de votre responsabilité. Je vous y encourage fortement
J'aborderai maintenant plus précisément le fruit des travaux de la CMP.
Je me plais d'abord à féliciter nos collègues sénateurs qui – une fois n'est pas coutume – ont su faire évoluer le texte d'une manière positive. Je pense, naturellement, à la limitation de bon sens de l'incrimination de la détention aux substances et procédés réellement dopants. Cela évitera une répression inutile du contenu des armoires à pharmacie familiales. Cette disposition tient compte de la différence évidente, en termes d'efficacité dopante et de dangers pour la santé, entre un médicament contre l'asthme et l'EPO.
L'autre grand pas effectué par nos amis sénateurs concerne les sportifs étrangers participant à une compétition organisée en France. Lorsque l'un d'eux sera contrôlé positif à cette occasion, l'AFLD disposera désormais de la faculté de demander à la fédération sportive dont relève la compétition l'annulation des résultats individuels du sportif reconnu coupable, ce qui entraînera, le cas échéant, le retrait des récompenses ainsi obtenues par fraude. Cette disposition nouvelle, introduite dans le projet de loi à l'initiative du rapporteur du Sénat, s'inscrit dans la perspective de la coordination internationale de la lutte contre le dopage, dont j'avais souligné la nécessité en première lecture. Je m'en réjouis.
Je comprends parfaitement qu'à l'approche des événements qui vont marquer l'actualité sportive de cet été – le Tour de France, les Jeux olympiques au cours desquels j'espère, à mon tour, que les Françaises et les Français obtiendront les meilleurs résultats, et je n'oublie pas les sportifs paralympiques puisque les Jeux paralympiques leur succéderont – le Gouvernement ait souhaité que la législation antidopage soit convenablement modernisée en temps opportun. Je regrette toutefois, monsieur le secrétaire d'État, qu'il n'ait pas saisi cette occasion pour introduire dans le droit français les innovations juridiques résultant de la modification du code mondial antidopage, qui entreront en vigueur le 1er janvier prochain.
J'ai déjà parlé du décalage entre l'ingéniosité des fraudeurs et la capacité technique des responsables de la lutte antidopage ; il me faut bien maintenant déplorer un autre décalage dans l'adaptation de notre droit aux engagements internationaux de la France. Que ce décalage se produise dans d'autres domaines que le sport n'est pas une consolation. J'ai en tout cas le sentiment que nous allons être appelés à légiférer à nouveau dans un proche avenir.
Pour autant, je salue dans ce projet de loi un texte équilibré, enrichi par le débat parlementaire, comme vous l'avez souligné, monsieur le secrétaire d'État, ce dont nous vous remercions, et qui accroît les moyens donnés à la lutte, que nous souhaitons tous la plus efficace possible, contre le fléau du dopage. C'est pourquoi le groupe Nouveau Centre votera le texte élaboré par la commission mixte paritaire. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, alors que l'Euro de football bat son plein, certes malgré l'élimination de l'équipe de France, et que les Jeux olympiques s'ouvriront dans un peu plus d'un mois à Pékin, le sport est plus que jamais au centre de l'actualité cet été. Or il est regrettable de constater que, à chaque nouvel exploit, la suspicion du dopage n'est jamais loin.
Ce projet de loi, comme nous avons pu le constater lors des discussions en première lecture dans cet hémicycle, permet de répondre aux lacunes des dispositions législatives actuelles. En effet, aujourd'hui, l'ensemble des procédés dopants utilisés ne tombe pas sous le joug de la loi actuelle, et il est impossible de procéder à des perquisitions, saisies ou gardes à vue, moyens indispensables pour démanteler les filières.
Dans cette optique, nous ne pouvons que nous réjouir du résultat auquel est parvenue la commission mixte paritaire qui a permis d'enrichir le texte sans pour autant dénaturer le coeur du projet. À plusieurs égards, ce projet de loi montre la volonté de la France d'avoir les moyens nécessaires pour lutter efficacement contre le dopage.
Tout d'abord, ce texte permet de renforcer les moyens d'action dans la lutte contre le trafic de produits dopants : l'Agence française de lutte contre le dopage verra ses pouvoirs renforcés, le travail des enquêteurs se trouvera facilité et les commissaires pourront contrôler un sportif soupçonné pendant sa garde à vue.
Il s'agit par ailleurs de tenir compte des dernières considérations jurisprudentielles et d'éviter toute insécurité juridique qui pourrait naître des divergences entre recours en matière civile et recours en matière pénale. C'est le sens de l'amendement n° 1 présenté par le Gouvernement.
L'adoption de ce projet de loi serait également un signe fort de la France en direction du monde sportif international. En effet, il permet, d'une part, de reconnaître explicitement l'Agence mondiale antidopage et, d'autre part, d'adopter le nouveau code mondial antidopage.
Enfin, ce sont les sportifs, au coeur de ce projet de loi, qui en seront les principaux bénéficiaires, car il leur assure une meilleure protection. Outre le fait que l'article 6 prévoit une peine allégée par rapport à celle qui serait appliquée à toute autre personne, et permet ainsi de souligner que les sportifs sont avant tout les premières victimes du dopage, il est important de noter le message clair envoyé à l'entourage du sportif, puisqu'un amendement proposé par le Sénat prévoit des peines aggravées lorsque les délits de pourvoyeur ou de trafic ont été commis par des personnes ayant de l'autorité sur les sportifs.
Redonner au sport ses lettres de noblesse, le soutenir dans sa fonction éducative et sociale auprès des jeunes en promouvant un sport propre, tels sont les objectifs de ce texte. C'est pourquoi, monsieur le secrétaire d'État, l'UMP votera les conclusions de la CMP. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre.)
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, tout d'abord, comment ne pas regretter que ce projet de loi ait été examiné dans des conditions déplorables, en urgence, alors qu'il aurait fallu du temps pour dialoguer avec le monde médical et le mouvement sportif ?
Nous n'avons malheureusement eu, avant la première lecture, qu'une demi-heure d'examen en commission et une courte séance pour l'examen dans l'hémicycle, la veille du pont du 1er mai. L'imminence du début du Tour de France ne justifie pas que l'on bâcle un travail de fond, qui n'aborde la lutte contre le dopage que sous l'aspect répressif.
En effet, le texte issu de la commission mixte paritaire que nous allons examiner pour la dernière fois aujourd'hui ne comporte aucune mesure nouvelle en matière d'éducation ou de prévention. Mme Marie-George Buffet a parfaitement développé et illustré ces sujets, je n'y reviens pas. Il ne contient rien non plus sur la formation de l'ensemble des acteurs du mouvement sportif ou sur le renforcement des moyens financiers indispensables pour une lutte plus efficace contre le dopage.
À l'image des projets de loi soumis depuis quelques mois, la répression est renforcée d'office sans discernement.
Certes, introduire une infraction pénale de détention de produits dopants peut aider les enquêteurs à démanteler une filière, mais prévoir un an d'emprisonnement pour un sportif, quel que soit le produit qu'il détient, est anormal. Même le mouvement sportif, qui est favorable à la lutte contre le dopage, est très réservé sur ce texte parce que l'infraction de détention de produits dopants risque de s'appliquer indifféremment, quel que soit le produit et quelle qu'en soit la quantité.
Un projet de loi sur un tel sujet aurait dû être l'occasion de prendre en compte la formation des responsables et des sportifs, la responsabilité des médecins, des soigneurs, et des responsables de centres de remise en forme des sportifs.
Il aurait dû aussi tenter de clarifier les règles d'utilisation des AUT, les autorisations d'usage à des fins thérapeutiques, qui sont, pour certains sportifs, le moyen de tricher en toute légalité. Cette utilisation devrait être beaucoup mieux encadrée pour s'assurer que les AUT ne sont accordées que dans des cas médicaux. Il faut, par ailleurs, multiplier les contrôles inopinés pour faire cesser l'hypocrisie dans laquelle nous nous trouvons actuellement, avec des sportifs qui ont les moyens de se doper tout en restant en dessous des seuils autorisés.
L'Agence mondiale antidopage a fait part de son intention de modifier le code mondial antidopage sur cette question des AUT avant les Jeux olympiques de Pékin. Alors pourquoi l'urgence si ce texte risque d'être obsolète quelques semaines après son adoption ?
Par ailleurs, force est de constater que les crédits budgétaires consacrés à la lutte contre le dopage diminuent d'année en année : 15 millions d'euros en 2008 contre 24 millions en 2002, soit moitié moins en euros constants. Pourtant, la lutte contre le dopage est un enjeu de santé publique, les crédits budgétaires doivent être alloués en conséquence, à la hauteur de la lutte qu'on entend mener.
Ce texte est donc de circonstance, concocté pour Le Tour de France. Il est imprécis et incomplet et ne répond en rien aux attentes du mouvement sportif. C'est un geste d'affichage politique, sans volonté de s'attaquer vraiment au problème, qui est pourtant un enjeu majeur de santé publique. C'est pourquoi le groupe SRC votera contre.
Je m'associe par contre à mes collègues pour souhaiter à nos sportifs et à nos sportives beaucoup de réussite à Pékin, sans dopage.
La discussion générale est close.
Nous en venons au texte de la commission mixte paritaire.
Conformément à l'article 113, alinéa 3 du règlement, je vais appeler l'Assemblée à statuer d'abord sur l'amendement dont je suis saisi par le Gouvernement.
Il s'agit de l'amendement n° 1, qui porte sur l'article 4.
La parole est à M. le secrétaire d'État, pour le soutenir.
Si je me permets de vous présenter un amendement après une CMP placée sous le signe du consensus, c'est exclusivement parce qu'il s'agit d'un sujet technique et non de niveau politique ou stratégique.
La prise en compte de l'arrêt Ravon dans notre texte s'est révélée complexe, tant au niveau de la lecture du texte au Conseil d'État que dans nos travaux conjoints.
La version que je vous propose ici résulte des dernières analyses des experts en droit de la Chancellerie. Elle permet d'éviter un risque d'insécurité juridique entre un éventuel recours selon les voies de procédure civile et le recours prévu selon les voies de la procédure pénale, l'hypothèse de deux décisions contradictoires pouvant se présenter.
Pour améliorer encore ce texte, dans l'esprit qui a caractérisé tous les débats, j'ai estimé que cet amendement technique venait parachever le travail des chambres. C'est pourquoi je vous demande de bien vouloir d'adopter.
Dans les explications de vote, la parole est à M. François Rochebloine.
Nous allons adopter ce projet, et je regrette très sincèrement que, pour un texte comme celui-ci, relatif à la lutte contre le dopage, sur laquelle nous sommes tous d'accord, il n'y ait pas unanimité.
Que nos collègues communistes, qui s'étaient abstenus en première lecture, s'abstiennent à nouveau, on peut encore le comprendre, mais que le groupe socialiste, qui s'était abstenu en première lecture et lors de la CMP, vote contre, c'est vraiment regrettable. Ce n'est pas une bonne image que nous donnons au mouvement sportif. Je le regrette profondément à quelques semaines du Tour de France et des Jeux olympiques. S'il est un domaine où l'on doit se rassembler, c'est bien celui-ci.
J'ai l'habitude de dire que la politique divise et que le sport rassemble. Je regrette que ce ne soit pas le cas aujourd'hui.
Nous sommes réunis pour trouver les chemins les plus efficaces afin de lutter contre le dopage, et nous avons le droit de penser que ce n'est pas le cas de ce projet de loi et de l'expliciter. C'est le débat démocratique et c'est ainsi que nous serons les plus constructifs.
On entend souvent dire dans le mouvement sportif, qu'on ne fait pas de politique, mais le sport est traversé d'enjeux politiques. Ainsi l'amendement de M. Lefebvre traduit vraiment une position politique qui peut faire mal au sport.
L'unité du mouvement sportif se construit. Elle se protège aussi par des décisions politiques.
Je mets aux voix l'ensemble du projet de loi, compte tenu du texte de la commission mixte paritaire modifié par l'amendement adopté par l'Assemblée.
(L'ensemble du projet de loi, ainsi modifié, est adopté.)
Vote sur l'ensemble
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à quinze heures quarante, est reprise à quinze heures quarante-cinq.)
L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi, adoptée par le Sénat, relative à l'organisation des transports scolaires en Île-de-France.
La parole est à M. Dominique Bussereau, secrétaire d'État chargé des transports.
Monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames et messieurs les députés, je remercie la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire et son rapporteur d'avoir travaillé sur cette proposition de loi visant à rationaliser l'organisation des transports scolaires dans la Région Île-de-France. Je remercie également le Parlement d'avoir proposé, en diligence, un texte de qualité et extrêmement consensuel.
Ce dossier est important, car les Français sont attachés au bon fonctionnement du réseau de transports scolaires, et un accident aussi terrible que celui d'Allinges vient rappeler à quel point nous sommes tous très sensibles à la question du transport de nos enfants. C'est pourquoi le Gouvernement, comme le Parlement, doit porter une attention particulière au transport scolaire, qui relève de la responsabilité des départements et des conseils généraux, pour le rendre le plus sûr et le plus efficace possible.
Nous y sommes d'autant plus attentifs que l'organisation des transports scolaires fait partie intégrante de notre politique d'aménagement du territoire et de développement durable. À une époque où le carburant est de plus en plus onéreux, nous devons éviter aux parents de coûteux déplacements quotidiens pour conduire leurs enfants à l'école. Quel que soit leur lieu de résidence en Île-de-France, les élèves doivent avoir accès, pour un coût modeste, à l'établissement qu'ils ont choisi.
Enfin, conformément à l'esprit du Grenelle de l'environnement, promouvoir les transports en commun, limiter l'usage de la voiture individuelle, c'est réduire substantiellement les rejets de gaz à effet de serre dans l'atmosphère. Notre objectif est d'habituer, dès son plus jeune âge, la génération future à recourir aux transports en commun. Il faut donc proposer aux familles des transports scolaires de qualité et sûrs.
La proposition de loi que vous présentez, monsieur le rapporteur, va tout à fait dans ce sens.
Votre rapport rappelle les raisons de cette initiative. La région Île-de-France bénéficie d'une organisation spécifique de ses transports scolaires, que le président de la commission des affaires économiques, maire d'une commune d'Île-de-France, connaît bien. Ce particularisme a été renforcé par la loi de décentralisation du 13 août 2004, relative aux libertés et responsabilités locales. Aux termes de cette loi en effet, le Syndicat des transports d'Île-de-France, le STIF, est responsable, depuis le 1er juillet 2005, de l'organisation et du financement des transports scolaires. La loi prévoyait toutefois une période transitoire de trois ans, pendant laquelle les 400 « organisateurs locaux » s'occupant jusque-là des quelque 1 300 circuits de ramassage scolaire pouvaient continuer à le faire. Or la plupart de ces organisateurs assurent aujourd'hui encore les transports scolaires d'Île-de-France.
Je pense que ces organisateurs locaux – essentiellement des communes ou des établissements publics de coopération intercommunale – présentent de réelles qualités, du fait de leur souplesse, de leur proximité, et de leur aptitude à adapter les circuits de ramassage aux besoins des familles. Cette proposition de loi a le mérite de prendre acte de ces avantages : comme l'a très bien expliqué son rapporteur au Sénat, Michel Houel, sénateur de Seine-et-Marne, elle vise à « rationaliser l'organisation des transports scolaires en offrant enfin aux parents d'élèves un véritable service de proximité. » Elle aménage donc la loi du 13 août 2004 pour conserver la souplesse d'un service de proximité.
L'article 1er autorise les départements de la région Île-de-France, auxquels le STIF voudrait déléguer une partie de sa compétence en matière d'organisation des transports scolaires, à subdéléguer à leur tour tout ou partie de cette compétence à d'autres personnes morales de droit public ou de droit privé. Cela permettra de gérer les services localement, en prenant en compte les attentes des usagers.
Il ne s'agit pas, bien sûr, de décharger le STIF de toute responsabilité en matière de transport scolaire. Il demeure à nos yeux l'autorité la plus compétente pour superviser et coordonner les services spéciaux scolaires et les transports réguliers relevant de sa responsabilité. Son intervention favorise de surcroît l'intégration tarifaire pour les usagers des services spéciaux scolaires. Il garde donc, et Mme Lepetit le sait bien, une compétence globale en matière d'organisation des transports scolaires de la région Île-de-France.
Néanmoins, le STIF doit pouvoir déléguer la gestion des circuits à des autorités organisatrices plus proches du terrain, en contact avec les parents d'élèves, afin de rendre le fonctionnement des transports scolaires le plus efficace possible.
En conséquence, la proposition de loi donne au STIF la possibilité de créer une structure administrative à trois niveaux : le STIF, le département, les organisateurs locaux. Une telle structure me paraît tout à fait adaptée aux spécificités de la région Île-de-France.
Cette proposition de loi prévoit, dans son article 2, de prolonger de trois ans la période de transition fixée par la loi du 13 août 2004. Sinon cette période viendrait à expiration le 30 juin prochain.
Cet allongement de la période de transition est absolument indispensable. En effet, en l'absence de prolongation, le STIF serait subrogé, dès le 1er juillet 2008, aux droits et obligations des organisateurs locaux. Il devrait donc reprendre à brûle-pourpoint, à quelques semaines de la rentrée scolaire, l'organisation, la gestion, le suivi quotidien des 1 300 circuits de transports scolaires de la région Île-de-France. Il aurait la charge de gérer les 150 contrats en cours d'exécution, d'en conclure environ 450 autres, d'encaisser la participation financière versée par les familles. Le STIF n'est évidemment pas en mesure de remplir toutes ces missions dans un laps de temps aussi court. Si l'on ne prolongeait pas cette durée de transition, on s'exposerait donc au risque de voir nombre de communes privées de ramassage scolaire à la rentrée. C'est pourquoi cet allongement de la période transitoire est nécessaire. Il garantit la continuité du service public et donne le temps de mettre en place les nouvelles délégations de compétence.
Dernier point, les articles 3 et 4 permettent de mettre à disposition les fonctionnaires de l'État pour assurer l'exercice des compétences déléguées par le STIF. Jusqu'à présent, le STIF n'était pas, du fait du statut général de la fonction publique, en mesure de transférer du personnel. Il pourra désormais le mettre à disposition du président du conseil général.
Cette disposition ne modifie pas les droits des fonctionnaires des services transférés par le STIF au titre de la compétence des transports scolaires. Ces agents pourront choisir, dès la parution du décret de transfert définitif des services, d'être intégrés dans la fonction publique territoriale ou de rester dans la fonction publique d'État. Dans ce dernier cas, ils seront placés en situation de détachement sans limitation de durée.
En conclusion, monsieur le président, monsieur le rapporteur, cette proposition de loi apporte des réponses intelligentes aux difficultés du STIF. Elle doit permettre, de l'avis général, un meilleur fonctionnement des transports scolaires en Île-de-France. Ce texte a d'ailleurs été voté à l'unanimité au Sénat.
C'est pourquoi le Gouvernement donne son aval à cette réorganisation des transports scolaires en Île-de-France, et remercie les auteurs de cette proposition de loi, ainsi que la commission des affaires économiques, qui l'a examinée avec diligence. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
La parole est à M. Franck Riester, rapporteur de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, monsieur le président de la commission, mes chers collègues, l'Assemblée nationale est saisie d'une proposition de loi relative à l'organisation des transports scolaires en Île-de-France adoptée par le Sénat le 12 juin 2008. Cette proposition de loi vise à aménager l'organisation des transports scolaires en Île-de-France, telle que l'a prévue la loi n° 2004-809 du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales.
Je tiens à rappeler, en premier lieu, que les termes de « transports scolaires » désignent le transport des élèves, que ceux-ci utilisent des lignes régulières de chemin de fer ou de bus, ou des circuits spéciaux d'autocars, et le transport des élèves et des étudiants handicapés.
Comme vous le savez, la question de l'organisation des transports scolaires est particulièrement sensible en Île-de-France, parce que c'est la région la plus peuplée, mais aussi parce qu'elle connaît des situations très variées en termes de densité de population, de distance entre le domicile et l'établissement scolaire et de temps de parcours.
C'est pourquoi le législateur lui a réservé un traitement spécifique, différent des autres régions. En effet, c'est au Syndicat des transports d'Île-de-France, le STIF, qu'il incombe, depuis le 1er juillet 2005, en application de la loi précitée, d'organiser et de financer les transports scolaires de la région Île-de-France.
Cependant, une période transitoire de trois ans était prévue, jusqu'au 1er juillet 2008. Pendant cette période, l'organisation des transports scolaires continuait de relever, comme auparavant, d' « organisateurs locaux », pour l'essentiel des communes et des établissements publics de coopération intercommunale. Cette disposition visait à permettre au STIF d'organiser des délégations de compétences avec les collectivités locales ou leurs groupements. L'objectif était, dans les faits, de conclure des conventions, avec les départements de la grande couronne – Essonne, Seine-et-Marne, Val-d'Oise, Yvelines – et avec des établissements publics de coopération intercommunale dans la petite couronne : Hauts-de-Seine, Seine-Saint-Denis, Val-de-Marne.
Or le STIF n'a conclu aucune convention pendant cette période transitoire. Nous nous trouvons donc dans une situation d'urgence puisque cette période transitoire prend fin ce 1er juillet, et que le Syndicat des transports d'Île-de-France se heurte à trois problèmes : l'impossibilité de subdéléguer ses compétences, ce qui interdit aux départements eux-mêmes, délégataires de ces dernières, de les déléguer aux « organisateurs locaux » ; l'impossibilité de conclure des conventions de compétences, comme de transférer des personnels, du fait des règles contraignantes du statut général de la fonction publique ; l'impossibilité enfin de procéder au renouvellement des contrats conclus avec les « organisateurs locaux », contrats qui arrivent à échéance le 1er juillet 2008.
Étant donné que, lors de la période précédente, les départements d'Île-de-France ont largement délégué l'activité de transport scolaire à ces « organisateurs locaux », au nombre de 400 environ, pour l'essentiel des communes et des établissements publics de coopération intercommunale, ce sont ces « organisateurs locaux » qui assument aujourd'hui dans les faits le transport scolaire en Île de France.
La proposition de loi soumise à l'Assemblée nationale n'a d'autre objet que de lever ces diverses difficultés.
La première difficulté réside dans l'impossibilité pour le STIF, en l'absence de textes explicites, de subdéléguer ses compétences. Les collectivités territoriales et leurs groupements délégataires des compétences du STIF ne sont pas autorisés à déléguer à leur tour tout ou partie de celles-ci. Cela est regrettable, car les services doivent être gérés localement, au plus près des demandes des usagers, comme vous l'avez fait observer, monsieur le secrétaire d'État, afin de permettre une grande souplesse des solutions.
Il apparaît que l'organisation des transports scolaires doit être différenciée, selon qu'il s'agit de la grande couronne, où le niveau départemental apparaît le plus adapté, ou de la petite couronne où l'organisation du transport scolaire paraît devoir relever plutôt des communes ou de leurs groupements.
La proposition de loi adoptée par le Sénat tend ainsi à reconnaître une structure à trois niveaux, permettant de prendre en compte notamment les besoins de la grande couronne : une compétence générale est reconnue au STIF en matière de politique tarifaire et de fonctionnement global des services ; les départements peuvent recevoir délégation de tout ou partie des compétences du STIF, comme cela est déjà le cas, à l'exception des questions tarifaires, afin de coordonner l'offre de services sur un territoire pertinent, de mutualiser les moyens et d'optimiser l'achat d'offres de transport ; enfin les départements délégataires peuvent désormais, avec la proposition de loi, subdéléguer tout ou partie de ces compétences à des communes, à des établissements publics à caractère intercommunal, ou à d'autres personnes morales de droit public ou privé.
Une autre difficulté lourde à laquelle se retrouve confronté le STIF consiste dans l'impossibilité de bénéficier de délégations de compétences dans le cadre du statut général de la fonction publique. De ce fait, le syndicat ne dispose pas du personnel d'État qui devait lui être transféré, la loi du 13 août 2004 n'ayant pas été réellement mise en oeuvre sur ce plan. Il ne peut, en toute hypothèse, mettre des fonctionnaires à disposition des départements, ni les placer en position de détachement, tant qu'ils n'ont pas fait usage de leur droit d'option ou s'ils ont choisi de rester fonctionnaires d'État.
La proposition de loi vise ainsi à mettre ces personnes à disposition des conseils généraux ou à les placer en détachement, de manière à demeurer à proximité des familles utilisant les services de transport scolaire.
Il faut noter, enfin, qu'à défaut de la conclusion d'une délégation de compétence, le STIF serait automatiquement subrogé, à compter du 1er juillet 2008, dans les droits et obligations des organisateurs locaux, ce qui excéderait largement ses moyens d'action.
Il est donc indispensable que soit prévue la prolongation de la période transitoire de trois années organisée initialement par la loi du 13 août 2004 et assurer ainsi la continuité du service de transport scolaire en Île-de-France. Je tiens d'ailleurs à souligner, à cet égard, que le Sénat, sur proposition de M. Michel Houel, son rapporteur pour ce texte, a étendu de deux à trois ans cette période supplémentaire. Ce service de transport scolaire sera ensuite assumé, avec sa nouvelle organisation, à trois niveaux : ceux du STIF, des départements et des organisateurs locaux, dont les communes et les EPCI. Pendant cette nouvelle période provisoire seraient conclues deux conventions types : l'une pour les circuits spéciaux de transports scolaires et l'autre pour le transport des élèves et étudiants handicapés.
Ainsi, pour remédier à des impossibilités juridiques immédiates, le Sénat a adopté cette proposition de loi. Je souhaite comme la commission que, sur cette question très technique, mais qui rencontre un large consensus au sein de l'Assemblée, une solution claire soit très rapidement adoptée, car il est ici question d'une activité essentielle pour la vie des habitants et des familles de l'Île-de-France. Comme la commission, donc, je souhaite que le texte soit adopté par un vote conforme. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, le texte que nous examinons aujourd'hui concerne l'organisation et la gestion du transport de milliers de jeunes franciliens qui se rendent quotidiennement dans leurs établissements d'enseignement.
Au-delà de la situation particulière de l'Île de France et des dispositions législatives dont nous allons discuter ensemble, je tiens à manifester mon attachement à ce service public qui exerce une véritable mission d'intérêt général. Il est en effet primordial que chaque jeune scolarisé dans nos écoles puisse se rendre dans l'établissement de son choix pour un coût modeste, quel que soit son lieu d'habitation. Il me paraît donc important d'exiger que ce service soit le plus efficace possible et c'est notre travail que de veiller à l'adapter lorsque les circonstances le commandent, ce qui est le cas aujourd'hui. Il y a en effet urgence à prendre les mesures nécessaires avant le 1er juillet 2008, afin que le transport scolaire en Île-de-France soit garanti à la saison prochaine.
Rappelons dès maintenant que le terme de « transport scolaire » recouvre deux missions : la première est relative aux transports organisés pour les élèves des écoles primaires, des collèges et des lycées et la seconde consiste à organiser également le transport des élèves et des étudiants handicapés.
La proposition de loi que nous examinons ne se limite donc pas à la desserte des établissements scolaires pour les élèves, mais participe également à un objectif capital qui a été réaffirmé lors de la conférence nationale sur le handicap organisée par Valérie Létard : la scolarisation de tous les élèves handicapés.
En Île-de-France, la faculté ouverte jusqu'en 2005 aux départements de déléguer les services de transport scolaire à des organisateurs locaux leur a permis de se décharger de la responsabilité de l'organisation des transports scolaires. Aussi compte-t-on principalement aujourd'hui, parmi les 400 organisateurs locaux qui bénéficiaient d'une délégation du département, des communes et des établissements publics de coopération intercommunale.
Désormais, depuis le 1er juillet 2005, le Syndicat des transports d'Île-de-France, déjà en charge de l'ensemble des transports publics en Île-de-France, est devenu responsable de l'organisation et du fonctionnement des transports dans les huit départements franciliens. Il n'a pas repris directement à sa charge l'ensemble du transport scolaire à la date du 1er juillet 2005, par l'effet de plusieurs dérogations permettant de passer une convention pour une gestion en régie ou d'organiser la délégation de certaines tâches à des collectivités territoriales ou à des groupements de collectivités sur des périmètres définis. En effet, la loi du 13 août 2004, qui a transféré la compétence au STIF en matière de transport scolaire, a prévu, dans son article 41, que l'organisation des services de transport scolaire pourra continuer à être assurée par les personnes morales de droit public ou de droit privé qui exercent cette responsabilité pour une période transitoire de trois ans, afin de laisser au STIF le temps de se donner les moyens d'assurer cette mission.
Ainsi, cette loi pose aujourd'hui, comme vous l'avez rappelé, monsieur le rapporteur, deux problèmes qui justifient l'intervention du législateur : d'abord les départements délégataires de compétences du STIF ne sont pas en mesure de déléguer à leur tour celles-ci aux organisateurs locaux ; ensuite, la période prévue de trois ans est transitoire et, à l'issue de ce délai, à défaut de convention entre le STIF et les collectivités territoriales et leurs groupements, la responsabilité de l'organisation et du fonctionnement des transports scolaires revient au STIF.
Or, aujourd'hui, à quelques jours de la fin de cette période transitoire, le STIF n'est toujours pas en mesure de supporter cette charge. Si on lui transférait la gestion du transport scolaire, il devrait en effet reprendre directement l'organisation, la gestion et le suivi quotidien d'environ 1 300 circuits spéciaux scolaires et la gestion et l'application de quelque 600 contrats de transport. En outre, le syndicat serait conduit à mettre en concurrence les 300 contrats concernant les circuits spéciaux scolaires qui prennent fin le 30 juin 2008. Il serait enfin contraint de mettre en place environ 70 régisseurs locaux, afin de percevoir la participation financière acquittée par les familles.
Le groupe Nouveau Centre votera donc cette proposition de loi qui permettra d'éviter une situation quelque peu chaotique à la prochaine rentrée scolaire. Nous souhaiterions néanmoins ne pas devoir nous retrouver dans deux ans sur les bancs de l'Assemblée pour décider d'une nouvelle prolongation de la période transitoire. Nous espérons donc que le STIF prendra les mesures nécessaires pour que cela ne se produise pas. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, nous allons légiférer sur la proposition de loi relative à l'organisation des transports scolaires en Île-de-France. Ce sujet dépasse les logiques partisanes, car chacun est désireux d'organiser au mieux les transports scolaires. La politique des transports se décline selon divers axes et l'organisation des transports scolaires en constitue un élément important, car il s'agit de former les citoyens les plus jeunes aux transports collectifs, qu'ils auront souvent à utiliser durant leur vie entière.
Dans notre pays, où le pétrole est cher, il est de notre responsabilité de proposer aux parents un service de qualité en leur offrant une solution de substitution à la voiture individuelle pour conduire leurs enfants à l'école. C'est l'occasion de faire évoluer les habitudes. Le transport scolaire véhicule une idée majeure de notre pacte républicain, en ce qu'il offre à tous ceux qui étudient la possibilité de se rendre sur leurs lieux de cours le plus facilement possible et au moindre coût.
En Île-de-France, le budget global du transport des populations scolaires et des étudiants avoisine 450 millions d'euros, répartis entre le STIF, les départements, les communes, la région et les familles, pour près de 43 000 élèves qui utilisent environ 1 000 circuits spéciaux mis en place par 400 organisateurs locaux, essentiellement en grande couronne.
Avant 2005, l'Île-de-France se singularisait en matière d'organisation des transports scolaires. Hormis cette région, en effet, la loi du 30 décembre 1982 prévoit que les transports scolaires sont organisés par les départements, directement ou par le biais de conventions conclues avec des entreprises publiques ou privées, à l'exclusion des liaisons d'intérêt régional ou national. Depuis le 1er juillet 2005, la responsabilité de l'organisation du transport scolaire en Île-de-France est du ressort du STIF.
Comme il a été dit, la loi du 13 août 2004 n'a pas été aménagée comme elle aurait dû l'être et le STIF doit faire face à des difficultés que la présente proposition de loi vise à réduire. En effet, comme l'a rappelé le rapporteur, il ne peut pas subdéléguer ses compétences, il ne peut pas conclure de conventions de compétences, ni transférer les personnels et il n'est pas en mesure de renouveler les contrats passés avec les organisateurs locaux et qui arrivent à échéance le 1er juillet 2008, date à laquelle il serait, le cas échéant, subrogé dans les droits et obligations de l'organisateur pour l'exécution des contrats en cours.
Pendant la période transitoire de trois ans prévue par la loi, la plupart des organisateurs locaux ont poursuivi leur activité et personne n'a cherché de solution à ces problèmes. Leur expérience dans la mise en place des transports scolaires a cependant fait ses preuves et ces acteurs savent répondre aux besoins ressentis sur le terrain par les utilisateurs, en particulier pour l'élaboration des parcours de transport qui exige une connaissance précise du terrain et se révèle complexe eu exigeante.
L'objet de la proposition de loi consiste donc à faire en sorte que les départements de la région d'Île-de-France auxquels le STIF souhaite déléguer une partie de sa compétence d'organisation des transports scolaires soient, eux aussi, en mesure de le faire pour tout ou partie à d'autres personnes morales de droit public ou de droit privé, suivant un principe bien connu d'intervention au plus près des citoyens, afin de répondre le plus précisément possible à leurs attentes.
Le STIF disposant d'une compétence globale, une organisation tripartite reposant sur trois niveaux – ceux du STIF, du département et des organisateurs locaux – semble convenir à la région Île-de-France, en raison de la structuration des réseaux de transport et des intervenants nombreux qui y sont présents. Cette organisation nous semble bonne.
Le Sénat, qui a examiné la proposition de loi le 12 juin dernier, a entériné une prolongation pour une durée de trois ans de la période transitoire qui vient à expiration le 30 juin prochain. Cette prolongation est tout à fait nécessaire pour garantir la continuité du service public, car, à défaut, le STIF serait subrogé dès le 1er juillet prochain aux droits et aux obligations des organisateurs locaux et il lui incomberait par conséquent d'assumer et de superviser le fonctionnement de tous les circuits spéciaux. Nous sommes en juin et la rentrée scolaire a lieu en septembre : peut-on raisonnablement prétendre que le STIF serait en mesure d'assurer toutes ces missions d'ici là ? En un mot, si cette proposition de loi n'était pas adoptée avant l'été, le risque serait d'hypothéquer sérieusement les transports scolaires en Île-de-France pour la rentrée de septembre 2008.
Il apparaît donc nécessaire de conférer de la souplesse au STIF en matière d'organisation des transports scolaires dans la grande couronne, partant du constat que, dans d'autres domaines, notamment dans celui du transport des personnes handicapées, le STIF a déjà délégué ses compétences tout en gardant le contrôle de la réalisation des missions qu'il délègue.
Afin de rendre effective cette nouvelle organisation, il convient aussi de s'appuyer sur un relais humain. La mise à disposition auprès des départements des personnels de l'État qui ont été transférés au STIF semble donc indispensable. Les droits des fonctionnaires des services ou parties de services qui ont vocation à être transférés ne seront aucunement remis en cause. Ces fonctionnaires auront la possibilité de choisir leur avenir, ce qui devrait les rassurer.
L'objectif qui doit nous guider est d'offrir aux élèves un service de proximité de qualité en rationalisant l'organisation des transports en Île-de-France.
Mes chers collègues, nous ne pouvons qu'accepter de voter cette proposition de loi qui a bénéficié au Sénat d'un large consensus politique. Le groupe UMP souscrit donc pleinement à cette nouvelle organisation des transports scolaires en Île-de-France et soutient tout naturellement cette proposition de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, le texte dont nous avons à débattre aujourd'hui a pour vocation d'éviter que les transports scolaires en région Île-de-France ne se trouvent dans l'impasse. Il propose un certain nombre de solutions, essentiellement juridiques, afin que puissent continuer de fonctionner ces services, menacés d'être paralysés, ou en tout cas fragilisés, compte tenu de la législation actuellement en vigueur. Il tend ainsi à réparer une erreur que le gouvernement Raffarin et sa majorité ont commise en 2004, à l'occasion du débat sur la décentralisation, et ce malgré nos avertissements.
Afin de mieux comprendre les enjeux, un petit retour en arrière s'impose.
Vous savez bien, mesdames, messieurs les députés – M. le secrétaire d'État l'a dit tout à l'heure à sa manière – que les transports publics de personnes relèvent d'une organisation différente en Île-de-France de celle existant dans les autres régions. Lorsque je parle de transports publics de personnes, il s'agit bien sûr de tous les services de transports collectifs offerts à la population, c'est-à-dire le bus, le car, le tramway et le métro, ainsi que des liaisons interurbaines, qui désenclavent nos zones rurales ou peu accessibles.
Parmi les transports publics de personnes, figurent les services scolaires qui, chaque jour, transportent les enfants de leur domicile à leur établissement scolaire et, bien sûr, inversement. En Île-de-France, c'est le STIF – le syndicat des transports d'Île-de-France – qui organise les transports en commun sur l'ensemble du territoire régional. Instance partenariale qui réunit la région et les départements, dont la Ville de Paris, cette structure permet le dialogue et la concertation entre les différentes collectivités d'une part, et entre ces collectivités et les opérateurs d'autre part, ce qui, contrairement aux allégations répétées du chef de l'État et du secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement, témoigne d'une gouvernance à la fois ouverte et active.
Je rappelle tout de même que plus de 12 millions d'usagers utilisent chaque jour en Île-de-France les transports en commun, soit plus de la moitié des voyageurs recensés sur l'ensemble du territoire. Aussi, est-il nécessaire que la gestion des grands axes régionaux se fasse au niveau du STIF. C'est pourquoi, à l'occasion du débat sur la décentralisation, en 2004, les collègues de mon groupe et moi-même avions fait savoir que si le niveau régional était adapté pour définir les grandes dessertes du territoire, les services de proximité tels que le transport scolaire, eux, avaient tout à gagner à être organisés au plus près du terrain.
C'est dans ce sens que nous avions prôné la création d'un STIF beaucoup plus décentralisé, à la fois dans sa composition – nous avions demandé que communes et structures intercommunales puissent faire entendre leur voix au sein du STIF – et dans son fonctionnement puisque nous avions suggéré de faciliter les délégations de compétence du STIF vers le niveau local.
Nous n'avons pas été entendus, et le STIF décentralisé, issu de la loi du 13 août 2004, relative aux libertés et responsabilités locales, se révèle être un STIF à compétence globale : il a en charge tous les services, y compris les services scolaires de proximité en matière tant d'organisation que de financement. N'aurait-il pas été plus simple de confier l'organisation de ces derniers aux départements, à l'image de ce qui se passe ailleurs qu'en Île-de-France ?
J'avais demandé avec mes collègues, à l'occasion de ce débat, que les départements franciliens continuent d'organiser les transports scolaires en lien avec le STIF, et ce pour trois raisons.
D'abord ils savent le faire et le font bien, ce qui permet de répondre au mieux aux attentes des usagers et de garantir une meilleure qualité du service rendu. Le Gouvernement avait rejeté cette proposition. Cependant, il avait opté pour une période de transition de trois ans, laissant ainsi perdurer le statu quo. Celle-ci ayant débuté à l'entrée en vigueur du décret d'application portant décentralisation du STIF, va se finir le 1er juillet 2008, autant dire demain.
Ensuite il y a donc urgence : urgence à réparer une erreur du passé, qui risque, si l'on ne fait rien, de paralyser le transport des enfants dans notre région. En effet, le STIF est aujourd'hui dans l'incapacité d'assumer cette nouvelle responsabilité liée à sa compétence globale.
En outre, si le gouvernement Raffarin et sa majorité ont décidé de lui confier la compétence des transports scolaires, ils n'ont prévu aucun transfert de personnels des services de l'État, aucun moyen humain et logistique, alors que de tels moyens sont pourtant indispensables pour la gestion des transports des effectifs scolaires. Depuis 2002, l'État transfère des responsabilités aux collectivités en ne leur apportant pas les compensations nécessaires et suffisantes. C'est l'un des nombreux exemples du désengagement de l'État.
Comment, dès lors, d'ici le 1er juillet, réorganiser les transports scolaires à l'échelle du STIF, comme la loi le commande, dans des délais intenables et sans aucun moyen, ni humain ni logistique ? C'est pour tenter de trouver une réponse à cette question que nous sommes ici aujourd'hui.
Le texte qui nous est proposé consiste donc à trouver une solution pour surmonter ces difficultés. Il s'agit bien évidemment de ne pas placer le STIF face à des responsabilités qu'il serait de toute façon dans l'impossibilité d'assumer, et, surtout, de ne pas mettre en péril le transport des enfants ; nous sommes tous extrêmement sensibles à cette question.
Une solution, certes compliquée, nous est aujourd'hui proposée : conserver la compétence des transports scolaires au STIF, mais en lui permettant de la déléguer aux départements qui, eux-mêmes, pourront à leur tour la déléguer à des opérateurs de proximité. Tel est l'objet de l'article 1er de la proposition de loi, qui permet donc des délégations de compétences en cascade. Et après, certains diront que la gestion des transports en Île-de-France est compliquée !
L'article 2 du texte prolonge de trois ans la période de transition, permettant ainsi le maintien du statu quo jusqu'au 1er juillet 2011.
Les articles 3 et 4 prévoient que soient mis à disposition des départements qui auront reçu délégation de compétence du STIF les personnels des services déconcentrés de l'État, sur proposition de la direction du STIF.
Ainsi, mes chers collègues, cette proposition de loi répare une nouvelle erreur commise par la majorité. En effet ce n'est pas la première, notamment en matière de transports.
Il est regrettable de constater que, depuis quelques années, les transports en commun ne sont pas considérés comme une vraie priorité gouvernementale. Les budgets sont, chaque année, toujours décevants, car insuffisants au regard des besoins. L'exemple de la région Île-de-France est sur ce point extrêmement significatif : l'État n'a pas honoré le dernier contrat de plan ; il a diminué sa participation dans le contrat de projets et il laisse le réseau francilien se dégrader, faute d'investissements financiers suffisant. Et que dire du Grenelle de l'environnement ? Celui-ci, malheureusement, n'ouvre aucune perspective, notamment financière, pour la région francilienne.
Vous le savez, monsieur le secrétaire d'État – et vous n'êtes visiblement pas le seul au Gouvernement à vous en préoccuper –, les collectivités franciliennes ont, depuis deux ans, augmenté leur participation financière de 60 %, alors que l'État, depuis huit ans, a diminué la sienne chaque année, ce qui aboutit à une baisse de 48 % de son financement pour les transports en Île-de-France.
De surcroît, la question du versement transport, qui est une vraie question, sur laquelle nous pourrions discuter – en tout cas, pour ma part, je le souhaite –, n'est pas abordée dans le projet de loi du Grenelle. Je n'hésite à qualifier de scandaleux le fait que la majorité ait voté un amendement à la loi sur la modernisation de l'économie – la loi que l'Assemblée a votée avant-hier – qui réduit l'assiette du versement transport. Cela signifie que les entreprises assujetties qui étaient jusqu'à présent celles qui employaient plus de neuf salariés, seront dorénavant celles qui emploient plus de dix salariés. Est-ce raisonnable au moment où le débat sur les transports publics dans notre pays, plus particulièrement en Île-de-France, est posé dans toute son amplitude ?
Compte tenu de l'adoption de cet amendement, il semblerait qu'il y ait un manque à gagner de 5 % à 10 %. alors que nous sommes en quête de financements. J'estime que le Gouvernement et sa majorité vont à l'encontre de l'histoire.
Je profite de l'occasion qui m'est donnée pour dire un mot, un peu plus sur le fond,…
…concernant les transports publics en Île-de-France.
Monsieur le secrétaire d'État, mesdames, messieurs les députés, nous savons que la mobilité sociale est l'une des clefs de la recherche d'emploi et du désenclavement des populations ; nous savons que les transports collectifs répondent aux attentes de nos concitoyens, d'autant que le prix de l'essence augmente ; nous savons que la question environnementale doit être au coeur de nos actions. C'est pourquoi, des élus franciliens ont rappelé ce matin à l'État ses responsabilités, ses manquements et ses contradictions, à l'occasion de la réunion de mobilisation pour les transports en Île-de-France organisée par Jean-Paul Huchon, président de la région et du STIF. Monsieur le secrétaire d'État, je ne vous étonnerai pas si je vous dis que vous nous avez manqué.
La discussion générale est close.
La parole est à M. le secrétaire d'État.
Monsieur le président, puisque j'ai eu la chance d'entendre Mme Lepetit dire que je lui avais manqué, je ne vais pas manquer de lui répondre. (Sourires.)
Tout d'abord, je tiens à dire à la représentation nationale que le gouvernement de Jean-Pierre Raffarin s'est enorgueilli d'avoir enfin fait la décentralisation du STIF, ce qu'aucun de ses prédécesseurs n'avait accompli. C'est moi, dans des fonctions ministérielles semblables à celles que j'exerce aujourd'hui, qui ai préparé la loi de 2004,…
…un peu contre l'avis de la technostructure, qui n'avait pas envie que le STIF échappe au contrôle de l'État ; et je suis heureux qu'il soit maintenant géré par les élus d'Île-de-France,…
…en espérant qu'ils gèrent bien et qu'ils n'en fassent pas un outil politique. Il faut que le STIF reste un outil républicain.
S'agissant des priorités en matière de transport public que vous avez évoquées, madame Lepetit, je vous rappelle que ce secteur est l'une de nos priorités dans le Grenelle de l'environnement. Entre le réchauffement climatique et l'augmentation du coût de l'essence, il n'y a pas place pour d'autres priorités pour les élus ici présents, dans leurs responsabilités d'élus locaux, pour l'État, pour les régions et pour les départements, que de développer le transport public.
Nous avons d'abord privilégié les 1 500 kilomètres de transport en site propre – bus, métro et tramway – dans les métropoles ou les grandes villes de province, comme les avait fléchés votre collègue Michel Destot, député-maire de Grenoble, en sa qualité de président du GART. Nous avons fléché également, avec ma collègue Fadela Amara, 500 kilomètres spécifiquement destinés à la desserte des quartiers sensibles ; cela fera demain l'objet d'un débat interne au Gouvernement, dans le cadre du comité interministériel pour la ville, qui se tiendra à Meaux. En effet, très souvent, quartier sensible signifie quartier pauvre – M. Perruchot a connu cela dans sa ville de Blois – mais aussi quartier mal desservi, éloigné, sans liaison avec l'université ni avec le centre-ville. Cela pose beaucoup de problèmes localement.
Vous savez, madame Lepetit, qu'il y aura également une enveloppe conséquente pour l'Île-de-France : la SNCF a lancé la semaine dernière une tangentielle importante au Nord de Paris ; le Président de la République a décidé d'accélérer les investissements sur la ligne A du RER pour multiplier les véhicules à double étage.
À ce propos, on nous dit maintenant que ce type de véhicules a l'inconvénient de se remplir et de se vider plus lentement. On le savait, mais il faut aussi penser au confort des utilisateurs !
L'État va donc augmenter fortement ses investissements sur la ligne A du RER, par le biais de la RATP – qui est, je vous le rappelle, une entreprise publique de l'État –, et le président de la SNCF a décidé de faire un gros effort sur la ligne D du RER, ligne sur laquelle il y a besoin d'investir, puisqu'il a annoncé un plan de 200 millions d'euros.
J'ajoute, s'agissant d'un quartier qui vous est cher et qui se situe dans votre circonscription, que le Gouvernement a bien conscience des efforts que nous devons accomplir sur la ligne 13, pour tous les Parisiens et pour route l'Île-de-France. Il envisage en outre l'allongement de la ligne 14 vers le Nord. Nous prenons bien en compte la difficulté que posent les axes Nord-Sud dans Paris, en particulier la ligne 13, qui passe à quelques encablures de l'Assemblée nationale.
Mesdames, messieurs les députés, je vais conclure en vous rappelant que le Premier ministre a annoncé devant vous la mise en place d'une réflexion avec les syndicats professionnels et patronaux sur une aide aux transports, principalement aux transports publics à destination de nos concitoyens. La lettre du Premier ministre a été adressée à tous les intéressés.
Enfin, je profite de l'occasion pour évoquer un tout autre sujet, et informer la représentation nationale que, à la suite de la catastrophe survenue en Haute-Savoie, au cours de laquelle de nombreux enfants ont été tués ou gravement blessés, une circulaire a été adressée à tous les préfets, cette semaine. Signée par Mme Michèle Alliot-Marie, M. Xavier Darcos, M. Jean-Louis Borloo et moi-même, elle demande aux préfets de bien vérifier, avec les départements qui sont en charge des transports scolaires, l'organisation des lignes et l'utilisation des passages à niveau par les bus de ramassage scolaire, quitte à effectuer des changements d'itinéraires pour la rentrée prochaine, en cas d'interrogation sur la dangerosité de tel ou tel passage à niveau.
Avant la fin du mois, nous allons proposer au Premier ministre un programme de suppression accélérée des passages à niveaux et, le 24 juin prochain, nous organiserons une opération de sécurité sur les passages à niveau en Île-de-France. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre.)
J'appelle maintenant les articles de la proposition de loi dans le texte du Sénat.
Les articles 1er à 4 ne faisant l'objet d'aucun amendement, je les mets aux voix successivement.
(Ces articles, successivement mis aux voix, sont adoptés.)
Je mets aux voix l'ensemble de la proposition de loi.
(L'ensemble de la proposition de loi est adopté.)
L'ordre du jour appelle la discussion, en deuxième lecture, du projet de loi (n° 945, n° 962), modifié par le Sénat, portant diverses dispositions d'adaptation du droit des sociétés au droit communautaire.
La parole est à Mme Fadela Amara, secrétaire d'État chargée de la politique de la ville.
Monsieur le Président, madame la rapporteure, mesdames et messieurs les députés, j'ai l'honneur, au nom du Gouvernement, de vous présenter ce projet de loi portant adaptation de notre droit des sociétés.
Adopté en première lecture par le Sénat le 3 juin, ce texte revient devant votre assemblée en seconde lecture. En mai dernier, en première lecture, il vous avait été présenté par Mme Rachida Dati. La garde des sceaux étant, à l'instant même, retenue au Sénat par le débat sur la réforme de nos institutions, l'honneur me revient de vous présenter ce texte aujourd'hui.
Certains reprochent à l'Union européenne de ne pas s'occuper du quotidien des citoyens, des problèmes concrets que rencontrent nos entreprises en proie à une concurrence internationale très forte. Ce projet de loi démontre le contraire. Il offre à nos entreprises de nouveaux instruments juridiques qu'elles pourront mettre en oeuvre d'une manière concrète, selon leurs besoins et leurs projets.
Madame la députée Arlette Grosskost, votre excellent rapport a mis en évidence toutes les avancées de ce projet de loi. Grâce à ce texte, nous donnons aux sociétés françaises qui désirent grandir et se renforcer avec des alliés européens, la possibilité de réaliser des fusions transfrontalières simplement et selon des règles souples.
En outre, et je tiens à le souligner, cette avancée importante, issue des négociations communautaires, ne se fait pas au détriment des principes auxquels nous sommes attachés : les droits des salariés et des actionnaires minoritaires sont entièrement préservés ; un double contrôle de légalité des fusions est instauré, afin que leur sécurité juridique soit garantie. En première lecture, votre assemblée a proposé d'étendre ce contrôle aux greffiers, un excellent compromis que le Sénat a souhaité maintenir.
Avec la création d'un nouveau type de société, la société coopérative européenne, nous offrons aux coopérateurs la possibilité de répondre à leurs ambitions internationales. Il s'agit d'un instrument juridique simple : une telle société pourra être créée ex nihilo, par une fusion ou par la transformation d'une coopérative existante. Cette forme sociale couvre tout le champ du secteur coopératif. Elle s'adresse aux plus petites des structures qui désire s'allier avec des coopératives voisines ; elle intéresse également les plus grandes sociétés coopératives, soucieuses de renforcer leur caractère multinational.
La société coopérative européenne est moderne dans sa conception, et dotée de véritables règles de gouvernance. Elle peut ainsi opter pour une structure à directoire et conseil de surveillance – et non plus seulement pour un conseil d'administration –, et disposer d'un directeur général responsable de sa gestion courante.
Enfin, toujours avec une approche très concrète, nous renforçons la sécurité des créanciers ou des associés, notamment en cas de transfert de siège. Lorsqu'il y aura un risque d'atteinte à notre intérêt public, le procureur de la République pourra s'opposer au transfert de siège ou à une fusion de coopératives.
Dans le même esprit et avec la même ambition, ce projet de loi complète notre dispositif de transparence des sociétés, en tenant compte des apports du droit communautaire. Nous renforçons notre dispositif de transparence du contrôle interne, ainsi que les modalités d'organisation des travaux des conseils d'administration et de surveillance. Nous imposons une information des actionnaires sur les pratiques de gouvernement d'entreprise mises en place par les sociétés. Il en résultera une meilleure information et davantage de transparence. Cela permettra aux actionnaires de mieux connaître le fonctionnement de leur société. Ils seront ainsi davantage en mesure d'évaluer la portée de leurs engagements.
Enfin, et toujours dans un souci de simplification du droit applicable, le projet de loi apporte deux améliorations très attendues des professionnels.
La première, en droit des fusions, donne la possibilité aux actionnaires de décider à l'unanimité de ne pas faire procéder à un rapport sur la fusion par un expert indépendant. Cette mesure transpose, avec une année d'avance, de nouvelles prescriptions imposées par la troisième directive sur les fusions internes.
La seconde amélioration supprime l'intervention du commissaire aux apports, lorsqu'une société, dont les actions sont déjà intégralement détenues par une autre société, fusionne avec cette dernière.
Monsieur le président, madame la rapporteure, mesdames et messieurs les députés, au terme des travaux de qualité conduits avec votre commission des lois et avec votre rapporteur, le projet de loi a été amélioré et enrichi. Nous aboutissons à un texte équilibré qui apportera à nos entreprises les instruments modernes qu'elles attendent. Il est un parfait exemple des réponses concrètes, simples, et pratiques que nous sommes capables, tous ensembles, d'apporter aujourd'hui à nos entreprises, en France et en Europe. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre.)
La parole est à Mme Arlette Grosskost, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.
, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République. Monsieur le président,madame la secrétaire d'État, chers collègues, le 3 juin 2008, le Sénat a achevé sa première lecture du projet de loi portant diverses dispositions d'adaptation du droit des sociétés au droit communautaire, que notre assemblée avait elle-même examiné le 6 mai dernier.
Bien que l'urgence ait été déclarée sur le texte, le Gouvernement a décidé de permettre la poursuite de la navette parlementaire, afin de laisser les députés se prononcer sur les apports effectués par les sénateurs. Naturellement, nous sommes très sensibles à cette marque de considération, cette deuxième lecture offrant l'opportunité, à tous ceux de nos collègues qui le souhaitent, de s'exprimer sur le texte.
En première lecture, dans cet hémicycle, un climat très consensuel et constructif a régné sur tous les bancs ; les débats ont permis d'enrichir substantiellement le projet initial du Gouvernement. C'est ainsi que le régime juridique des fusions transfrontalières, découlant des prescriptions de la directive éponyme du 26 octobre 2005, a été précisé, notamment s'agissant de la date d'effet des opérations.
Le texte a également été complété sur des aspects essentiels. Ainsi, nous avons tenu à ce que le contrôle de légalité puisse être réalisé aussi bien par les greffiers des tribunaux – auprès desquels les sociétés issues de telles fusions seront immatriculées –, que par les notaires.
À cet égard, je me permets de rappeler que, dans un premier temps, Mme le garde des sceaux s'était montrée hostile à l'ouverture du contrôle de légalité à d'autres intervenants, notamment aux greffiers. Pour étayer sa position, elle avait évoqué la nécessité de maintenir un parallélisme des formes avec la constitution de la société européenne. Or Mme Noëlle Lenoir, chargée d'un rapport sur ladite société européenne, estime que réserver le contrôle de légalité aux seuls notaires apparaît comme un frein à l'attirance des sociétés européennes pour la France, en raison d'un manque de souplesse et de célérité.
Plus généralement, afin de rendre la société européenne plus efficiente – tout particulièrement dans les secteurs de la finance et des assurances où le besoin s'exprime –, il conviendra impérativement, dans un texte futur, de garantir un minimum de cohérence entre le dispositif de la société européenne et celui de la directive « Fusion transfrontalière », objet de mon rapport. Ces efforts de cohérence devront porter notamment sur le transfert du siège social, le droit d'opposition par le procureur de la République, diverses dispositions en matière sociale, sans oublier – bien évidemment – l'adjonction des greffiers pour le contrôle de légalité.
Notre assemblée a tenu à accorder une protection juridique accrue aux membres d'un groupe spécial de négociation ou d'un comité de société issue d'une fusion transfrontalière. Nous nous sommes également attachés à répondre au mieux aux besoins des principaux intéressés, dans un but de simplification, notamment en instaurant une clause passerelle évitant le recours au groupe spécial de négociation, lorsque le régime de participation le plus favorable s'applique.
Dans le même ordre d'idées, notre assemblée s'est évertuée à rendre le statut de la société coopérative européenne – la fameuse SEC –, introduit par le projet de loi dans la loi du 10 septembre 1947 portant statut de la coopération, le plus cohérent possible. Dans cette optique, nous nous sommes inspirés de dispositions en vigueur pour les sociétés commerciales pour apporter des clarifications, notamment en ce qui concerne la composition des organes sociaux des SEC.
Un premier article additionnel a permis d'étendre les possibilités d'unions mixtes aux sociétés coopératives de consommation, par analogie avec le régime juridique des coopératives de commerçants-détaillants.
Un deuxième article additionnel exonère les coopératives de l'obligation de fixer, dans leurs statuts, le montant maximal de leur capital autorisé, afin de remédier à l'insécurité juridique créée par un arrêt rendu le 6 février 2007 par la Cour de cassation.
Au passage, vous me permettrez une petite digression nécessaire : je suggère au Gouvernement de porter une attention toute particulière au devenir du statut coopératif, car une plainte a été déposée devant la Commission européenne en 2004, au motif que le régime fiscal français ne serait pas conforme au droit communautaire et constitutif d'une aide illégale. Vous aurez parfaitement compris que la remise en cause de ce régime fiscal des coopératives, pourtant juste contrepartie des contraintes et restrictions spécifiques inhérentes au statut, aurait des répercussions considérables sur ce secteur majeur de notre économie. Rappelons qu'il compte 21 000 entreprises, 900 000 employés et pèse 200 milliards d'euros de chiffre d'affaires. Je referme la parenthèse pour revenir au texte en débat.
Enfin, notre assemblée a habilité le Gouvernement – à sa demande – à transposer, par voie d'ordonnance, la directive du 17 mai 2006 sur le contrôle légal des comptes annuels et consolidés, en raison de l'imminence de la date limite fixée par le texte communautaire, à savoir le 29 juin 2008.
En adoptant, lui aussi dans un climat quasi-consensuel, vingt et un articles et trois suppressions d'articles conformes, le Sénat n'a pas bouleversé l'économie générale du texte que nous avions voté. Quatre articles additionnels ont été ajoutés au projet de loi. Pour le reste, les sénateurs ont surtout apporté des précisions ou des clarifications utiles et bienvenues.
Passons en revue les modifications apportées par le Sénat.
Premier point : elles consistent à encadrer la vérification des actes et formalités préalables, ainsi que le contrôle de légalité des fusions transfrontalières, dans un délai fixé par décret en Conseil d'État.
À ce sujet, Mme la garde des sceaux a indiqué, lors de la séance du 3 juin 2008, que le délai en question devrait se situer aux alentours de quinze jours, ce qui est une excellente chose.
Elles consistent par ailleurs à préciser les effets juridiques à l'égard de la société issue d'une fusion transfrontalière des décisions prises par les associés des sociétés préexistantes, s'agissant notamment des procédures de fixation et de modification éventuelle des rapports d'échange de titres ou d'indemnisation des associés minoritaires ; à expliciter les protections des salariés quant aux licenciements ou aux sanctions qui leur seraient applicables du fait de leur intervention dans une prise de décision concernant le processus de participation ; à prévoir une rédaction globale plus cohérente de l'article L. 236-10 du code de commerce, s'agissant des modalités d'établissement du rapport écrit des commissaires à la fusion ; à élargir aux sociétés en commandite par actions les exigences de transparence en matière de gouvernance qui sont posées à l'article L. 225-68 du code de commerce pour les sociétés anonymes ayant un directoire et un conseil de surveillance ; à permettre aux statuts d'une coopérative agricole d'autoriser l'admission de toute personne physique ou morale intéressée comme associé non-coopérateur, sous réserve, évidemment, d'une acceptation par le conseil d'administration ; enfin, à aligner le régime de dévolution de l'actif net d'une société coopérative agricole en liquidation sur le régime applicable aux autres coopératives françaises, en vertu de l'article 19 de la loi du 10 septembre 1947, ainsi qu'aux sociétés coopératives européennes.
Globalement, la première lecture du Sénat a amélioré la rédaction d'ensemble des dispositions prévues par le texte. Personnellement, je ne décèle aucun motif de désaccord avec les modifications apportées par les sénateurs, et je tiens à préciser que la commission des lois n'a apporté aucune modification au texte du Sénat.
Eu égard à la nécessité de transposer rapidement les directives du 26 octobre 2005 et du 17 mai 2006, la commission des lois a jugé souhaitable que nous adoptions les douze articles restant en discussion par un vote conforme. C'est pour cette raison qu'elle n'a adopté aucun amendement et qu'elle vous invite, mes chers collègues, à faire de même. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, nous examinons, en deuxième lecture, un texte d'importance pour l'avenir de nos économies européennes, pour l'avenir de nos entreprises et l'approfondissement du marché intérieur.
Le présent projet a pour objet l'adaptation du droit français à plusieurs dispositions adoptées par le Parlement européen et le Conseil européen, avec la transposition de deux textes : la directive du 26 octobre 2005 relative aux fusions transfrontalières des sociétés de capitaux et la directive du 14 juin 2006 modifiant les quatrième et septième directives comptables. Le projet de loi procède également à la modification de certaines dispositions du code de commerce relatives aux fusions nationales et à la société européenne. Enfin, il propose des mesures d'adaptation permettant l'application du règlement du 22 juillet 2003 relatif au statut de la société coopérative européenne.
Comme vient de l'affirmer Mme la rapporteure, les modifications du Sénat n'ont aucunement bouleversé le texte, mais ont permis au contraire d'y apporter des précisions et des améliorations. Pour le Nouveau Centre, la transposition des directives européennes est essentielle, parce qu'elle marque la volonté française d'aller plus loin dans l'intégration européenne, d'adapter son droit et de s'engager sur la voie de l'harmonisation. Avec la présidence française de l'Union européenne, notre pays doit se montrer exemplaire et honorer ses engagements, notamment en transposant des directives essentielles.
En fait, ce projet de loi est un témoignage de l'importance de l'intégration juridique communautaire. Il vise à adapter nos droits des sociétés au grand marché européen que nous avons construit, afin d'en prendre pleinement la mesure et d'en tirer tous les avantages possibles. Le droit des sociétés constitue en effet un domaine dans lequel les traités européens ont doté les institutions communautaires de compétences fortes. Le lien entre le marché unique et le droit des sociétés est clair. L'achèvement du marché intérieur et l'amélioration de la situation économique et sociale dans l'ensemble de la Communauté qui en découle impliquent non seulement que les obstacles aux échanges commerciaux soient éliminés, mais aussi que les structures de production soient adaptées à la dimension communautaire du marché.
Or le cadre juridique dans lequel les entreprises évoluent au sein de la Communauté reste principalement fondé, aujourd'hui encore, sur les législations nationales, et cette situation entrave considérablement le regroupement de sociétés appartenant à différents États membres. En effet, l'achèvement du marché intérieur européen et la poursuite des objectifs de Lisbonne, notamment en matière de croissance économique et d'innovation, nécessitent une profonde harmonisation de nos systèmes juridiques en matière commerciale : comment garantir la liberté de circulation des biens, des services, des capitaux et des personnes, si les conditions qui sont offertes à ceux-ci sont différentes d'un territoire à l'autre ?
Ce projet de loi s'inscrit dans une bonne dynamique pour mettre fin à ces difficultés. La mondialisation accentue l'internationalisation des sociétés ; elle accentue aussi la nécessité de mieux répartir leur production, d'adapter leur structure à l'environnement social et économique. L'INSEE évalue d'ailleurs à plus de 1,3 million le nombre de sociétés commerciales dans notre pays, lesquelles s'internationalisent à mesure que se généralisent les échanges dans l'Union européenne.
Aujourd'hui, les sociétés transfrontalières sont communes, mais le droit n'a pas suffisamment accompagné cette évolution. Ainsi, le législateur et le gouvernement français se trouvent face à un nouveau défi : donner à ces sociétés les moyens juridiques de s'adapter à la compétition internationale. En faisant évoluer son droit, la France deviendra plus attractive pour les sociétés transfrontalières et appuiera le développement des entrepreneurs français.
Sur le projet de loi modifié, les objectifs restent les mêmes. Mme la rapporteure les a rappelés : harmoniser et simplifier la réalisation de fusions de sociétés transfrontalières au sein de l'Union européenne ; adapter la législation pour simplifier la gouvernance de sociétés implantées dans différents États membres ; renforcer et garantir le respect de la participation des salariés ; permettre aux coopératives nationales ayant des filiales dans plusieurs États membres de se constituer sous une forme sociale unique de coopérative européenne ; enfin, renforcer les obligations de transparence des entreprises avec la modification de directives comptables antérieures.
Les principales dispositions de ce projet de loi visent à transposer la directive relative aux fusions transfrontalières des sociétés de capitaux. Or ces fusions relèvent du droit national : chaque société participant à la fusion transfrontalière doit se conformer aux dispositions et aux formalités de la législation de l'État membre dont elle relève, législation qui serait donc applicable à une fusion nationale.
Ce système est complexe, et il n'est pas satisfaisant. C'est pourquoi il convient de créer des conditions pour faciliter ces fusions, et permettre aux sociétés européennes souhaitant combiner leurs forces et faire appel à des capitaux de le faire d'abord au sein de l'Union européenne. Pour une plus grande sécurité juridique, les opérations de fusion seront soumises à un double niveau de contrôle. D'abord, le greffier du tribunal de commerce devra délivrer l'attestation de conformité des opérations de fusion. Ensuite interviendra un contrôle de légalité de la fusion ou de la constitution de la nouvelle société, ainsi qu'un contrôle du respect, par toutes les sociétés qui fusionnent, des modalités relatives à la participation des salariés.
Le texte confie ce contrôle soit au notaire, soit au greffier du tribunal de commerce. Il appartiendra à l'entreprise de choisir. Je partage les doutes de mes collègues quant à la possibilité pour le notaire de délivrer le certificat de légalité qui garantit et sécurise l'opération de fusion. S'agissant des formalités liées aux opérations qui concernent les sociétés, c'est en effet le droit commun qui s'applique : il revient donc au greffier du tribunal enregistrant l'immatriculation de la société issue de la fusion de procéder à la délivrance de cet acte. De plus, le greffier étant déjà saisi pour la délivrance de l'attestation de conformité des opérations de fusion, on ne voit pas bien quel serait l'apport du notaire dans la deuxième phase.
Je salue néanmoins les modifications apportées afin de renforcer la participation des salariés aux conseils d'administration et aux conseils de surveillance, et leur droit à consultation préalable en cas de fusion transfrontalière. Car dans notre droit, et c'est parfois regrettable, les salariés et leurs organisations représentatives ne sont pas pris en compte en amont des fusions, des acquisitions et de toutes autres opérations qui affectent la bonne marche des entreprises. Au moins peut-on espérer que la fusion transfrontalière bénéficiera aux salariés du côté français par la négociation prévue. D'ailleurs, les ajouts au code du travail visent précisément à rendre pleinement effectives les protections offertes aux membres d'un groupe spécial de négociation et des comités européens. De même, l'amélioration des règles de gouvernance des sociétés cotées en droit communautaire permettra à notre législation de s'adapter : c'est une autre avancée majeure.
Ces dispositifs d'amélioration de la transparence sont nécessaires, compte tenu du contexte économique actuel. Ils s'inscrivent dans la droite ligne des exigences formulées par les ministres de l'économie et des finances du G7 envers les grands groupes financiers. Le Sénat a d'ailleurs, et c'est une très bonne chose, élargi aux sociétés en commandite par action l'application du régime de transparence.
Enfin, je tiens à souligner l'apport important des coopératives françaises dans l'économie française et européenne. En effet, madame la secrétaire d'État, vous faisiez, comme Mme la rapporteure, état de chiffres probants : la coopération représente dans notre pays 21 000 entreprises, 900 000 emplois et 200 milliards d'euros et, au niveau européen, 280 000 entreprises, 60 millions de sociétaires et près de 5 millions d'emplois. Avec ce projet de loi, nous offrons les outils permettant aux coopératives un épanouissement et un développement européens. Elles bénéficieront d'un statut unique pour la société mère et les filiales dans l'Union européenne. Les différentes législations nationales gardent cependant la possibilité de conserver des spécificités propres à chaque secteur d'activité de la coopération.
Vous avez rappelé, madame la secrétaire d'État, la triple ambition du projet : moderniser, simplifier et sécuriser les fusions. Je crois que la sécurité juridique, l'information des salariés, le droit des actionnaires minoritaires, le gouvernement d'entreprise – autant d'objectifs qui sont aussi les nôtres – sont réunis dans ce projet de loi modifié par le Sénat. Dans une économie mondialisée et tous les jours plus concurrentielle, il convient de se doter des meilleurs atouts. Ce projet de loi constitue une formidable opportunité pour notre pays comme pour nos partenaires européens de relever le défi du développement économique, de stimuler les emplois et surtout d'impulser un nouveau souffle à la construction européenne. C'est pourquoi le groupe Nouveau Centre y apportera son soutien.
Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, le 3 juin dernier, le Sénat a achevé l'examen en première lecture du projet de loi portant diverses dispositions d'adaptation du droit des sociétés au droit communautaire, que notre assemblée avait elle-même examiné le 6 mai dernier.
Je tiens tout d'abord à féliciter Mme la rapporteure pour l'excellent travail qu'elle a pu mener tout au long de l'examen de ce texte ardu pour beaucoup d'entre nous. Celui-ci porte sur la transposition de directives européennes, qui permettront, en premier lieu, la fusion entre sociétés françaises et sociétés des autres États membres : c'est l'objet de la transposition en droit français de la directive du 26 octobre 2005 relative aux fusions transfrontalières des sociétés de capitaux.
Ces directives permettent par ailleurs aux sociétés coopératives françaises d'adopter le nouveau statut de société coopérative européenne. Les coopératives d'entreprises permettent à des entrepreneurs individuels et à des petites et moyennes entreprises de se fédérer tout en restant indépendants. Ce nouveau statut permet aux coopératives d'entreprises d'être reconnues dans l'ensemble des États de l'Union, et ainsi de pouvoir s'y développer.
Je n'entrerai pas dans le détail des articles de ce projet de loi, me contentant de saluer l'effort du Gouvernement et de la majorité en matière de transposition de directives européennes. La France, en effet, a transposé 98,8 % des directives européennes émises au premier semestre 2007 : un record depuis que la Commission européenne mesure les efforts des États membres en matière de transposition et d'application du droit communautaire. Si l'on passe sous silence notre retard dans le domaine des OGM, notre pays, souvent pointé du doigt pour ses retards dans la transposition des directives et des décisions cadres européennes, se donne un objectif ambitieux : quarante-deux directives devront être transposées d'ici au mois d'octobre, dont dix nécessiteront l'adoption de mesures législatives.
Permettez-moi, mes chers collègues, de vous livrer quelques remarques générales sur ce projet de loi. Tout d'abord, il présente un réel intérêt en matière de simplification de la vie des sociétés au sein du marché commun, en particulier pour la réalisation de fusions transfrontalières.
Par le passé, 1'absence d'harmonisation législative rendait de telles fusions juridiquement complexes et économiquement coûteuses. Celles-ci seront désormais simplifiées. Imaginez une société française qui souhaite fusionner avec deux sociétés, l'une allemande et l'autre belge : elle doit se mettre en conformité avec l'ensemble des lois applicables à toutes les sociétés participantes. Une vraie gageure ! La transposition de la directive du 26 octobre 2005 va résoudre ces problèmes en combinant les règles régissant les conflits de lois et en harmonisant les règles matérielles.
Un autre intérêt de ce projet de loi est la pérennisation des bénéfices et avantages des administrateurs représentant les salariés en cas de fusion transfrontalière. Ainsi, les administrateurs salariés ne seront pas pénalisés si leur société française fusionne avec une autre société, par exemple allemande : ils conserveront leur système de participation dans la société absorbante ou résultant de la fusion.
Ce projet de loi adapte par ailleurs notre droit à la réalité économique des sociétés coopératives françaises, sans bouleverser pour autant les grands principes de la coopération tels qu'ils résultent de la loi de 1947.
Partant du constat que le statut coopératif représente en Europe 300 000 entreprises et 2,3 millions de salariés, dont 700 000 en France, il est normal que la forme de coopérative européenne se développe et qu'elle reçoive des aides pour cela.
Enfin, ce projet de loi renforce la transparence des sociétés commerciales. Transposant ainsi la directive du 14 juin 2006, il dispose que le rapport annuel, rédigé par le président du conseil d'une société commerciale, qui retrace le mode de gouvernance d'entreprise et les procédures de contrôle interne, devra être approuvé par le conseil d'administration afin d'engager sa responsabilité.
L'idée est de renforcer la confiance du public envers l'information financière fournie par les sociétés de capitaux, tout en évitant de leur imposer de nouvelles obligations administratives.
Je rappelle que la directive du 14 juin 2006 a prévu une responsabilité collective des membres des organes d'administration, de gestion et de surveillance, en ce qui concerne l'établissement et la publication des comptes annuels et consolidés, sous la vigilance du commissaire aux comptes.
Le Sénat a apporté plusieurs clarifications nécessaires à la bonne application de ce texte. J'en donnerai deux exemples, après l'excellente démonstration de Mme la rapporteure. Tout d'abord, il a prévu un encadrement de la vérification des actes et formalités préalables ainsi que le contrôle de légalité des fusions transfrontalières dans un délai fixé par décret en Conseil d'État ; celui-ci devrait être d'environ quinze jours. Par ailleurs, il a élargi aux sociétés en commandite par actions les exigences de transparence en matière de gouvernance prévues par l'article L. 225-68 du code de commerce pour les sociétés anonymes à directoire et conseil de surveillance.
Chers collègues, je ne vois dans ce texte que du bon sens, de la simplification, une chance pour nos PME et un renforcement de la transparence financière. C'est pourquoi le groupe UMP votera ce projet de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
(M. Jean-Marie Le Guen remplace M. Marc Laffineur au fauteuil de la présidence.)
M. le président.
Monsieur le président, madame la rapporteure, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, nous examinons donc en seconde lecture un projet de loi relatif à l'adaptation du droit des sociétés au droit communautaire. Si ce texte est empreint d'une certaine technicité, son application a des conséquences plus importantes qu'il n'y paraît à première vue. Il vise notre droit des sociétés, notre droit du travail ainsi que l'organisation de notre modèle économique. Et lorsque ce modèle s'applique à des activités exercées par-delà nos frontières, c'est bien d'une certaine forme d'internationalisation de notre économie qu'il est question.
Le texte qui nous revient du Sénat est plutôt meilleur dans la forme, et c'est à l'aune de cette problématique qu'il nous faut en mesurer la portée.
Parmi les dispositions votées au Sénat, nous ne pouvons que nous féliciter a priori de celles tendant à renforcer les droits des salariés appartenant au « groupe spécial de négociation » et ceux des actionnaires minoritaires. Cette rectification s'imposait sans doute par souci de parallélisme ; elle procède néanmoins d'un esprit trop rare par les temps qui courent, alors que les droits élémentaires des salariés sont souvent rognés.
S'agissant des dispositions visant à renforcer les droits des salariés, l'article 5 est réécrit dans le sens d'une meilleure protection des salariés membres du groupe spécial de négociation. Il prévoit ainsi une extension des protections reconnues aux salariés protégés en matière de licenciement et, d'une façon générale, aux membres du groupe spécial de négociation et aux représentants au comité de la société issue de la fusion ou de la société coopérative européenne.
Il prévoit encore une extension des mécanismes protecteurs applicables aux salariés protégés en cas de rupture d'un contrat de travail à durée déterminée. Il prévoit une protection similaire en cas d'interruption ou de non-renouvellement d'une mission de travail temporaire. Il prévoit également l'autorisation préalable de l'inspecteur du travail en cas de transfert d'un salarié siégeant dans le groupe spécial de négociation ou au comité de la société issue de la fusion trans-frontalière ou de la société coopérative européenne, ainsi que l'autorisation administrative préalable au licenciement d'un salarié membre de ce même groupe.
Dans la mesure où le droit du travail a été renforcé par les deux assemblées – droit européen oblige – il eût été utile de préciser que le temps de travail généré par la participation au groupe spécial de négociation est bien le travail « effectif » tel que l'entend notre législation. Peut-être pourrez-vous nous le confirmer, madame la secrétaire d'État, car cette précision ne figure pas dans le texte et n'a pas été mentionnée au cours des débats.
Ces textes, s'ils sont applicables à notre droit national, ont vocation à s'appliquer aussi demain à des salariés transfrontaliers. En toute logique sociale, la protection de leurs droits ne saurait, ici comme de l'autre côté de la frontière, être inférieure au niveau de protection dont les uns et les autres peuvent bénéficier.
L'harmonisation sociale à l'échelle européenne doit être inspirée par le respect des droits les plus protecteurs. L'exemple qui nous est donné d'harmoniser les processus de fusions transfrontalières devrait inspirer la France à la veille de sa présidence de l'Union.
Quant à l'article 5 bis nouveau, introduit par notre assemblée à l'initiative de sa commission des lois, avec l'avis favorable du Gouvernement, il tend à prévoir des coordinations dans plusieurs articles du code du travail, afin d'assurer une protection effective des salariés membres du groupe spécial de négociation.
De l'aveu même du rapporteur au Sénat, cet article complète les dispositions des articles 6 et 7 du présent projet de loi, qui ne comportaient que des mesures de protection en cas de licenciement des salariés. Il complète également les omissions de la loi du 30 janvier 2008, relative à la mise en oeuvre des dispositions communautaires, concernant le statut de la société coopérative européenne et la protection des travailleurs salariés en cas d'insolvabilité de l'employeur. Ces propos, comme les nouvelles dispositions proposées, illustrent la façon dont le Parlement doit désormais légiférer.
Pour adapter et réformer, nous devons prendre le temps nécessaire pour l'écoute et l'écriture. Quelle protection apportons-nous aux salariés si les textes que nous votons sont imprécis et qu'il leur faut recourir au juge pour faire reconnaître les droits que nous sommes censés leur donner ?
Je m'associe, madame la rapporteure, à vos propos concernant le maintien du statut de nos sociétés coopératives et leur spécificité fiscale. Elles participent en effet, dans tous les domaines, au développement d'entreprises souvent identifiées au territoire sur lequel elles sont installées, et leur mode de gouvernance justifie, selon nous, que leur singularité soit préservée. Nous soutiendrons toute initiative en ce sens.
Les associés minoritaires ressortent de la seconde lecture avec des droits renforcés, puisque le Sénat à totalement réécrit l'article L. 236-10 du code de commerce. L'unanimité requise, le rappel des règles et la recherche du meilleur équilibre dans le rapport d'échange constituent une harmonisation par le haut.
Restent le contexte économique défavorable dans lequel cette loi sera mise en oeuvre et la position de la Commission européenne face à des opérations de restructuration.
Faut-il faciliter de telles opérations, qui consisteront demain à rechercher une législation fiscale ou sociale dont le premier objectif sera le dumping ? J'ai à l'esprit l'exemple d'une PME de ma région, qui emploie quatre-vingts salariés. Ses dirigeants ont étudié la façon de réaliser le même chiffre d'affaires en se tournant vers L'Europe de l'Est : il suffisait de racheter une entreprise produisant les mêmes volumes et de fusionner. Le résultat serait sans appel : demain, en France, cinq salariés suffiraient. Fort heureusement, il s'agit d'une SCOP, dont les dirigeants n'ont pris la mesure de la situation que pour la déplorer.
Si le danger existait déjà, il risque donc d'être encore plus grand demain.
Enfin, dans les domaines industriels des services ou des nouvelles technologies, l'Europe a besoin de se doter de groupes puissants pour répondre aux économies émergentes. Cette loi devrait faciliter la constitution de ces groupes. Pour autant, il ne faudrait pas que le zèle de la Commission européenne n'aboutisse à l'exigence de cessions de filiales à des capitaux extra-européens, ou autres fonds de pension, au motif de concentration. L'exemple d'EADS est là pour nous le rappeler !
Cela étant, le contexte économique est mauvais et la politique de déréglementation dangereuse. La France est en danger, et il est paradoxal de constater que c'est précisément ce moment que nous choisissons pour créer les instruments juridiques d'une délocalisation à l'échelle européenne, qui laisse en outre en l'état les disparités fiscales et le risque de dumping qui l'accompagne.
En réalité, ce texte n'apporte aucun des éléments que nos concitoyens sont en droit d'attendre en matière de régulation de l'économie. Leur pouvoir d'achat n'en sortira pas renforcé, quand ce n'est pas leur emploi qui sera menacé.
Pour toutes ces raisons, le groupe socialiste s'abstiendra sur ce texte.
La discussion générale est close.
La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Je vous remercie, madame la rapporteure, pour vos propos auxquels je suis très sensible. Sachez que le Gouvernement est très attaché au statut des coopératives, comme le montre le texte dont nous débattons aujourd'hui. Il s'opposera fermement à toute atteinte au principe de la coopération en défendant les valeurs du monde coopératif et veillera à ce que ce statut soit préservé.
N'oublions pas qu'un Français sur quatre est lié au secteur coopératif, via sa banque ou son assurance. Notre pays n'est pas le seul en Europe à être attaché à ce secteur : de nombreux États européens – notamment l'Allemagne et l'Espagne – nous soutiendrons dans cette démarche. Le Gouvernement, très attaché aux prérogatives du Parlement, a considéré que s'il y avait urgence à transposer les textes qui sont soumis à votre assemblée à la veille de la présidence française, cette urgence ne devait pas nous priver d'un débat toujours riche et constructif.
Comme vous l'avez souligné très justement, toutes les améliorations apportées par votre assemblée en première lecture, avec le soutien du Gouvernement, ont été reprises par le Sénat. L'objectif que nous partageons tous est de travailler au mieux, dans l'intérêt de notre économie, de nos entreprises et de nos concitoyens.
Concernant la société européenne et la nécessaire cohérence de ce régime avec le présent texte, je peux vous indiquer que le Gouvernement partage votre préoccupation et qu'il veillera à y répondre dans les meilleurs délais.
Monsieur Perruchot, vous avez souligné la nécessité d'assurer une bonne transposition des directives européennes, à la veille de la présidence française du Conseil de l'Union, ainsi que des avancées qui seront rendues possibles par les projets dont nous débattons aujourd'hui. Le Gouvernement partage votre préoccupation. Sachez que nous avons entrepris un effort sans précédent pour que tous les textes communautaires soient transposés avant le début de notre présidence. Ainsi, le présent texte contribuera à atteindre cet objectif, au plus grand bénéfice des acteurs économiques.
Monsieur le député Gérard Gaudron, vous avez souligné l'importance des dispositions que nous avons transposées pour les petites entreprises. C'est effectivement l'un des objectifs que nous nous sommes fixés, car ces entreprises constituent le terreau de notre économie. La simplification des règles que vous avez évoquées en matière de fusions transfrontalières va dans le même sens.
En ce qui concerne l'emploi et les droits des salariés, vous avez eu raison de souligner que ce texte préserve entièrement ces droits, car, nous en sommes parfaitement conscients, la simplification ne doit pas se faire au détriment de la sécurité.
Monsieur le député Jean-Michel Clément, vous avez insisté sur l'importance que revêt un tel texte pour les salariés et pour la protection de l'emploi. Soyez assuré que le Gouvernement considère également cela comme essentiel.
J'appelle maintenant, dans le texte du Sénat, les articles du projet de loi sur lesquels les deux assemblées du Parlement n'ont pu parvenir à un texte identique.
Les articles 1er, 5, 5 bis, 10, 15, 22 quater, 22 quinquies, 23, 24, 24 bis, 25 bis et 26 ne font l'objet d'aucun amendement.
Je vais les mettre aux voix successivement.
Mesdames et messieurs les députés, je tenais à vous remercier d'avoir adopté une très bonne loi, qui va nous permettre d'offrir aux entreprises et à tous les acteurs économiques les meilleurs instruments pour se développer, tant en France qu'à l'international. Peut-être ces avancées ne sont-elles pas spectaculaires d'un point de vue médiatique, mais elles sont essentielles pour notre économie, car elles vont nous aider à soutenir la croissance et l'emploi. Nous venons d'apporter, ensemble, une nouvelle pierre à l'édifice voulu, pour notre économie, par le Président de la République et le Gouvernement. Soyez-en remerciés. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, ma collègue Rachida Dati m'a priée de l'excuser auprès de vous. Vous le savez, elle est actuellement retenue par le débat sur la réforme des institutions, en cours d'examen au Sénat.
La proposition de loi que vous examinez aujourd'hui en deuxième lecture a été adoptée à l'unanimité par votre assemblée en première lecture le 17 janvier dernier. Le président de la commission des lois, Jean-Luc Warsmann, et M. le député Étienne Blanc ont pris l'initiative de ce texte, qui fait suite à un rapport très approfondi de la mission d'information de votre commission des lois sur l'exécution des décisions pénales.
C'est un sujet qui vous est cher, monsieur le président Warsmann. Vous avez inspiré les dispositions de la loi du 9 mars 2004 qui avaient déjà considérablement amélioré le recouvrement des amendes et la mise à exécution des décisions pénales. Je vous rends hommage pour votre investissement personnel en faveur d'une réelle effectivité des décisions de justice. Vous avez cosigné cette proposition de loi avec Étienne Blanc, qui en est le rapporteur et qui était également celui de la mission d'information. Chaque fois, monsieur le député, vous avez réalisé un travail considérable et d'une très grande qualité. Permettez-moi de saluer ce travail, qui fait honneur au Parlement.
Je remercie également la commission des lois dans son ensemble pour son initiative et pour la richesse de son dialogue permanent avec le Gouvernement.
Cette proposition de loi permet de donner suite immédiatement à une partie de ses vingt-neuf propositions se rapportant à l'exécution des peines. Rachida Dati s'était engagée à ce que ce texte poursuive rapidement son cheminement législatif. Cet engagement a été tenu. Il vous appartient aujourd'hui de décider si, après cinq mois de travaux parlementaires extrêmement constructifs, le texte peut être adopté définitivement. Le Gouvernement souhaite qu'il fasse l'objet d'un vote conforme de votre assemblée.
Le texte a été enrichi par le Sénat. Je me contenterai de souligner des points ressortissant à deux volets.
Ce texte améliore l'indemnisation des victimes. Il crée un service d'assistance au recouvrement des victimes d'infractions, le SARVI. Il est destiné aux victimes qui ne sont pas dédommagées par la commission d'indemnisation. Chaque année, elles sont environ 75 000 à devoir assurer seules le recouvrement des dommages et intérêts qui leur sont accordés par une décision pénale. Grâce à ce service créé par votre proposition de loi, ces personnes n'auront plus à accomplir elles-mêmes les démarches pour réclamer leur dû, mais s'adresseront au fonds de garantie des victimes d'infractions pénales. Obliger une personne condamnée à dédommager sa victime fait pleinement partie de la peine.
Le fonds de garantie se substituera à la victime. Il remplira ainsi une double mission d'intérêt général : assurer l'entier respect des décisions pénales et améliorer notablement le traitement des victimes.
Le Sénat a apporté deux séries de modifications au dispositif, les unes en faveur des victimes, les autres pour mieux tenir compte de la situation du condamné.
Pour les victimes, le Sénat assouplit les règles d'action de deux manières : il permet qu'une victime qui n'a pas obtenu gain de cause devant la commission d'indemnisation puisse solliciter l'aide au recouvrement du SARVI même si le délai pour agir est dépassé. Le Sénat a également instauré, en faveur de toutes les victimes, un recours contre la décision du fonds de garantie, quand il constate qu'elles sont hors délai pour demander l'aide au recouvrement.
Pour mieux tenir compte de la situation des auteurs, le Sénat a étendu le délai de paiement volontaire des dommages et intérêts à la victime. Car il est dans l'intérêt de tout le monde d'encourager un paiement volontaire dans des délais raisonnables.
Le Sénat a également souhaité tenir compte des décisions qui laissent au condamné un délai pour payer la victime, suivant un échéancier établi en fonction de ses moyens. Dans ce cas, le condamné ne sera pas tenu de payer des frais de service au fonds de garantie. Il serait en effet illogique de faire payer plus un condamné qui respecte le calendrier de paiement qui lui a été fixé.
Ces améliorations apportées par la Haute Assemblée méritent d'être approuvées.
La proposition de loi vise aussi à améliorer l'indemnisation des propriétaires de véhicules incendiés volontairement par des tiers. Votre commission des lois avait souhaité que ces victimes puissent bénéficier de la solidarité nationale. Ces infractions placent en effet les propriétaires de véhicules détruits dans des situations parfois très difficiles. Les incidences familiales et financières peuvent avoir une ampleur sans proportion avec la valeur du véhicule détruit. Le Sénat a reconnu le préjudice particulier subi par ces victimes.
Il a toutefois adopté des amendements qui recentrent mieux le texte sur ses objectifs. Il a, d'une part, exigé que le véhicule ait été détruit par incendie : il ne suffit pas qu'il ait été seulement dégradé ou détérioré, ce qui couvrirait un champ trop large. Le Sénat a, d'autre part, soumis l'indemnisation de la victime à la condition que le véhicule soit en règle du point de vue administratif : il serait en effet anormal que la solidarité nationale joue en faveur du propriétaire d'un véhicule en infraction. L'évolution du texte voulue par le Sénat paraît donc parfaitement justifiée.
Le second volet de la proposition de loi améliore l'exécution des décisions pénales. L'intérêt de vos initiatives parlementaires depuis plusieurs années aura été de mettre au coeur des préoccupations judiciaires la phase trop longtemps négligée de l'exécution des décisions pénales. L'action de la justice ne s'achève pas avec l'audience. L'exécution des peines contribue à lutter contre le sentiment d'impunité et contre la récidive qu'il engendre.
Le Sénat a apporté quelques modifications au texte adopté par votre assemblée, pour lui assurer une plus grande efficacité. Il s'agit, pour l'essentiel, de prendre en considération des situations particulières dans lesquelles peuvent se trouver les huissiers chargés de citer un prévenu en justice ou de lui signifier un jugement pénal.
Votre assemblée a voulu qu'un délai de signification de quarante-cinq jours soit fixé. Le Sénat a souhaité que le parquet puisse, par dérogation, le porter à trois mois.
Cette souplesse évitera que l'huissier ne soit dessaisi trop tôt lorsque la signification ne peut pas être réalisée temporairement. C'est le cas, par exemple, en période de vacances estivales.
Des modalités simplifiées de citation en justice ou de signification des jugements ont également été introduites par le Sénat. Elles permettent de tenir compte d'hypothèses variées : les mentions propres aux personnes morales, les notifications aux personnes détenues, la convocation de personnes résidant sur le territoire de l'Union européenne. Dans tous les cas, ces précisions permettront des gains de temps et faciliteront la signification des actes de justice aux personnes concernées. Les préoccupations du Sénat ont rejoint les vôtres, le Gouvernement s'en félicite et vous propose de les approuver.
Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, les insuffisances constatées par votre mission d'information trouvent, dans ce texte, des réponses concrètes et immédiates. Ce texte constitue une pierre importante apportée à l'édifice que le Gouvernement et le Parlement contribuent à bâtir ensemble : celui d'une justice à l'efficacité reconnue. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
La parole est à M. Étienne Blanc, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.
Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, nous examinons, en deuxième lecture, la proposition de loi créant de nouveaux droits pour les victimes et améliorant l'exécution des peines.
Il est utile de rappeler que cette proposition de loi, qui fait suite à la mission d'information sur l'exécution des peines mise en place par la commission des lois, en reprend les propositions essentielles.
Le texte s'articule autour de trois axes : il améliore les droits des victimes d'infraction et facilite leur indemnisation avec, notamment, l'intervention du fonds de garantie ; il encourage la présence des prévenus à l'audience – l'une des difficultés de notre système judiciaire réside dans le fait que certains prévenus ne se rendent pas à l'audience et que nous avons ensuite bien du mal à exécuter les décisions qui sont prononcées à leur encontre ; enfin, il améliore l'exécution des peines d'amende et de suspension et de retrait du permis de conduire, par toute une série de petites mesures qui fluidifieront le système.
Le Sénat n'a pas apporté de modifications considérables au texte adopté par notre assemblée, quatre articles sur onze ayant été adoptés conformes. Pour le reste, il a procédé à des modifications de pure forme, superficielles.
Il a toutefois modifié les dispositions que nous avions adoptées sur trois points essentiels.
Les articles 1er et 2 créaient un dispositif d'aide au recouvrement des dommages et intérêts pour les victimes d'infraction : il s'agissait de faire en sorte que la charge du recouvrement pèse moins sur la partie civile et que celle-ci soit accompagnée, notamment par le fonds de garantie, pour qu'elle n'ait pas à effectuer certaines formalités.
Le Sénat a modifié ce dispositif sur deux points. Un apport bienvenu consiste à prévoir que, si la victime a saisi à tort la commission d'indemnisation des victimes d'infraction, alors qu'elle ne remplit pas les conditions pour bénéficier d'une indemnisation, le délai butoir de un an permettant la saisine du fonds de garantie ne commencera à courir qu'à compter du jour où il aura été informé du rejet de sa demande par la CIVI. C'est donc un droit nouveau qui est accordé aux victimes. Cette clarification nécessaire est la bienvenue.
Par ailleurs, le Sénat a décidé d'allonger de un mois le délai dans lequel la victime pourra saisir le fonds, et de un mois supplémentaire le délai permettant au fonds de garantie d'indemniser la victime. Nous avions prévu que, entre la saisine du fonds de garantie et l'indemnisation, devait s'écouler un délai de deux mois. Le Sénat a ajouté deux fois un mois – un mois pour saisir et un mois pour indemniser –, aboutissant à un délai total de quatre mois.
À titre personnel, mais cela a été également dit par les membres de la commission des lois, je regrette cet allongement des délais. En effet, une victime d'infraction a besoin d'abord d'avoir l'assurance d'être indemnisée, ce qui n'est pas garanti aujourd'hui dans notre pays, ensuite d'être correctement indemnisée, enfin, si possible, d'être indemnisée rapidement. Un préjudice considéré comme bénin par certains peut être très grave pour des familles.
Le fait de passer de deux à quatre mois justifiait-il que nous déposions des amendements pour revenir au texte initial ? Nous avons considéré que ce texte contenait des droits nouveaux pour les victimes et qu'il convenait de l'adopter le plus rapidement possible. C'est la raison pour laquelle la commission des lois vous propose d'accepter ce délai supplémentaire inscrit dans le texte par le Sénat.
La deuxième modification porte sur l'article 3. Le Sénat a voulu encadrer un peu mieux le dispositif afin d'éviter au maximum les fraudes. À cette fin, il a ajouté deux mesures au texte que nous avions adopté :
D'une part, le propriétaire du véhicule incendié devra justifier qu'il avait satisfait aux obligations légales en matière d'assurance, mais également de contrôle technique. Il n'y aura pas d'indemnité versée par le fonds de garantie si les preuves d'assurance et de contrôle technique ne sont pas apportées. L'objectif visé par le Sénat est d'éviter que des épaves puissent faire l'objet d'une demande d'indemnités à la suite d'un incendie.
D'autre part, ne pourront être indemnisés que des faits survenus sur le territoire national.
La troisième modification concerne l'article 6, lequel article améliore le régime de signification des décisions pénales par les huissiers de justice.
Lorsqu'un huissier a des difficultés à signifier la décision que lui a envoyée le parquet, il est fréquent qu'il conserve le dossier par-devers lui, deux, trois ou quatre mois. Cela ralentit d'autant le suivi de la procédure, en tout cas cela interrompt sa fluidité.
Le dispositif n'a pas été substantiellement modifié par le Sénat. Il a simplement été prévu que lorsqu'un huissier justifierait de difficultés particulières, en période de vacances ou parce que la famille n'est pas à son domicile, pour des raisons de déplacement ou autres, l'huissier en charge de la signification pourrait solliciter auprès du parquet un délai supplémentaire. Nous avons considéré que cela ne modifiait pas substantiellement le texte adopté par notre assemblée et que le délai butoir de quarante-cinq jours que nous avions retenu pouvait paraître excessif. C'est la raison pour laquelle la commission des lois propose d'adopter cet article sans modification.
Ces quelques observations faites, je vous propose, au nom de la commission des lois, d'adopter cette proposition de loi telle qu'elle nous a été transmise par le Sénat. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
La parole est à M. Jean-Luc Warsmann, président de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.
Je voudrais d'abord saluer le caractère exemplaire du travail parlementaire qui nous réunit ce soir.
Au moment où tout le monde parle de la nécessité de renforcer le travail d'évaluation et de contrôle du Parlement, je rappelle que cette proposition de loi a été déposée à la suite des travaux de la mission d'information mise en place par la commission des lois dès le début de cette législature sur le problème fondamental de l'exécution des décisions de la justice pénale. On ne peut lutter efficacement et durablement contre la délinquance, et donc contre la récidive, si l'on ne consacre pas toute l'énergie nécessaire à faire en sorte que les décisions de justice soient effectivement et rapidement appliquées.
Cette proposition de loi a été examinée dans des délais rapides. Adoptée en première lecture à l'Assemblée le 17 janvier, elle a été votée au Sénat le 15 avril et nous la retrouvons en deuxième lecture aujourd'hui, le 19 juin. Mais l'urgence des situations auxquelles nous avions à répondre justifie pleinement un tel calendrier.
Nous avons essayé de parvenir à un texte le plus abouti qui soit et en même temps susceptible de recueillir le plus large consensus. À ce propos, je salue l'unanimité qui s'est manifestée sur ce texte en commission, pour les deux lectures, et en séance pour la première lecture, unanimité qui, je l'espère, se retrouvera également ce soir.
Il s'agit d'un texte concret et pragmatique, porteur d'avancées importantes pour les victimes et pour l'effectivité des décisions de justice. Je voudrais rendre hommage à la qualité du travail de notre rapporteur, Étienne Blanc, qui s'est attaché au caractère concret et efficace de l'ensemble des dispositions du texte tout au long du processus législatif.
Les quatre principales dispositions représentent toutes des avancées.
La première, relative au paiement des amendes forfaitaires majorées, met fin à une situation quelque peu absurde. L'administration peut en effet accorder des remises pour des impositions ou des amendes fiscales : toutes les semaines, les services du Trésor public sont amenés à négocier avec nos concitoyens qui éprouvent des difficultés pour payer une taxe d'habitation par exemple un plan d'apurement pour payer en deux ou trois fois, la pénalité de 10 % étant même levée si les engagements sont respectés. En revanche, aucune remise gracieuse, partielle ou totale, n'était jusqu'à présent possible en matière d'amendes forfaitaires. Dès que le délai de quarante-cinq jours était expiré, le montant de l'amende était donc multiplié par trois, et l'on pouvait aboutir à des sommes sans aucun rapport avec les capacités de paiement de la personne, au point que la variable d'ajustement était l'inscription en non-valeur de l'amende.
Une telle situation n'était pas acceptable. La proposition de loi y remédie. Les finances de l'État y gagneront, de même que le sens de l'amende et le système sera plus efficace et plus pragmatique.
Une deuxième disposition impose aux huissiers de justice de procéder aux significations dans un délai maximal de quarante-cinq jours.
Nous nous sommes aperçus, lors des travaux de la mission, que l'un des cas où les peines, y compris des peines de prison fermes, étaient mal, ou très tardivement, exécutées, c'était lorsque la personne ne s'était pas déplacée à l'audience. En effet, pour que la peine puisse ensuite être exécutée, la signification, s'il s'agit d'une peine de prison, doit être faite directement à la personne. Cela implique qu'un huissier retrouve cette personne et puisse certifier qu'il l'a informée de la décision. Mais, disons-le, pour nombre de professionnels, cet acte n'était sans doute pas la priorité.
Une telle situation n'était pas acceptable. La proposition de loi impose aux huissiers un délai maximal de quarante-cinq jours, délai qui peut éventuellement être prolongé. À défaut, le parquet qui aura directement conscience de l'absence de signification pourra alors faire réaliser la signification soit directement par la police, soit, et c'est clairement l'objectif de cette mesure, par les huissiers que nous souhaitons voir se remobiliser sur les significations pénales pour atteindre l'objectif souhaité par la commission des lois, c'est-à-dire l'exécution à 100 % des décisions de la justice.
Le troisième type de dispositions, sur lequel Mme la secrétaire d'État a insisté à juste titre, concerne la mise en place d'une assistance au recouvrement des dommages et intérêts pour les victimes d'infractions.
Notre système avait un mode de fonctionnement qui frôlait l'iniquité, voire l'injustice. Lorsqu'une victime obtient une décision de justice, que l'auteur, identifié, a été condamné, la décision de justice devient définitive. Or, jusqu'à présent, c'était à la victime d'opérer des démarches, le cas échéant à ses frais, pour mettre à exécution la décision en matière de paiement de dommages et intérêts. Nous remettons les choses dans le bon sens : la victime n'aura plus à effectuer les démarches, elle pourra s'adresser dans les deux mois au fonds de garantie qui existe déjà, et dont chacun salue le sérieux et le professionnalisme.
Ce fonds de garantie pourra lui verser, soit une avance, plafonnée à 3 000 euros, soit l'intégralité des dommages et intérêts, si ceux-ci sont inférieurs à 1 000 euros. Ce fonds sera subrogé dans les droits de la victime, et se chargera des démarches de recouvrement.
Pour la commission des lois, ce dispositif comporte deux éléments aussi importants l'un que l'autre. Le premier, c'est que la victime soit rapidement indemnisée des dommages et intérêts que le tribunal lui a accordés. Le second, tout aussi important à nos yeux, c'est que le fonds de garantie ait tous les moyens juridiques pour obtenir le paiement par l'auteur des infractions.
Nous avons veillé à lever tous les secrets pour que le fonds de garantie puisse, dans les meilleurs délais, connaître le type de revenus dont peut bénéficier l'auteur de l'infraction, revenus du travail, revenus de prestations sociales. Ensuite, le fonds fera son travail en matière de recouvrement. Que l'auteur de l'infraction mette six mois, un, deux ou trois ans, à payer les dommages et intérêts, peu importe. Il est vital que, dans les délais les plus brefs après le jugement, l'auteur de l'infraction soit amené à payer et à réparer les dégâts qu'il a causés. C'est un moyen très pédagogique et efficace pour lutter contre la récidive.
La quatrième mesure concerne les propriétaires de véhicules brûlés par un incendie volontaire et qui ne sont pas assurés. De tels cas existent hélas ! dans pratiquement tous les départements de France. Je reçois parfois dans ma permanence de député des personnes qui sont dans cette situation, qui vivent souvent dans des quartiers où la sécurité n'est pas spécialement assurée et qui connaissent des conditions de vie et de travail précaires.
Il est important de pouvoir indemniser tous ceux dont la voiture a brûlé : celui qui est sous contrat d'intérim et qui a besoin de sa voiture pour aller travailler, parce que sa mission risque de prendre fin le jour où il découvre sa voiture brûlée ; le demandeur d'emploi, qui, sans véhicule, risque de perdre toutes ses chances de trouver du travail, surtout si son quartier n'est pas bien desservi par les transports en commun ; ou bien, plus socialement inadmissible encore, la personne qui a emprunté pour acheter son véhicule, parce que ses mensualités courent toujours et qu'il n'a plus de voiture pour aller travailler. Cette mesure s'adresse particulièrement à ceux de nos compatriotes qui sont les plus modestes, à ceux qui veulent travailler pour s'en sortir. Ils méritent largement toute notre attention.
Le système proposé par la commission des lois vise à faire en sorte que ces propriétaires, modestes et de bonne foi, de véhicules qui, souvent, n'ont pas une valeur vénale très importante mais une valeur d'usage vitale, puissent bénéficier, grâce au fonds de garantie, d'une indemnisation allant jusqu'à 4 000 euros, même si les auteurs de l'infraction ne sont pas encore trouvés.
Cela permettra d'abord de réparer des injustices sociales pour ceux de nos compatriotes qui veulent travailler pour s'en sortir, ensuite d'améliorer la répression de ce genre d'actes. En effet, les informations que nous avons pu recueillir sur le terrain montrent que, assez souvent, six mois, un ou deux ans après les incendies de véhicules, l'auteur est identifié à l'occasion d'une garde à vue pour une autre affaire au cours de laquelle il avoue les incendies de véhicules. Nous comptons sur le sérieux du fonds de garantie pour qu'il tente de recouvrer auprès de l'auteur de l'infraction le montant des dégâts qu'il aura versé. Nos concitoyens seront sans doute heureux d'entendre ce message.
Je finirai mon intervention par deux remarques.
La première porte sur la date d'entrée en vigueur de ce texte. L'article 11 prévoit, pour les articles 1er à 3, une application à compter du premier jour du troisième mois suivant la date de publication de la loi. Nous allons nous employer à voter ce texte ce soir. Je serais très reconnaissant au Gouvernement – et je vous demande, madame la secrétaire d'État, d'être notre interprète – de veiller à ce que ce texte soit publié le 30 juin au plus tard, afin que ces nouveaux droits pour les victimes puissent devenir effectifs le plus tôt possible, c'est-à-dire le 1er septembre prochain.
Ma seconde remarque a trait au suivi de cette proposition de loi. Nous allons évidemment poursuivre notre travail dans le cadre de la mission d'information sur les exécutions des décisions de justice mais également sur cette loi puisque, dans l'année qui vient, nous en évaluerons le fonctionnement. Nous avons plusieurs priorités : veiller à ce que ces nouveaux droits pour les victimes sont effectifs et que les délais d'indemnisation ne soient pas trop longs et vérifier la portée d'une nuance qui a été introduite par le Sénat. Nous avions prévu une disposition qui permettait d'indemniser non seulement les incendies mais également les dégradations de véhicules. Le Sénat a restreint légèrement la portée de ce dispositif. Il faudra que nous veillions à ce que cette restriction n'ait pas de conséquences inéquitables, auquel cas il faudrait redéfinir la portée législative du dispositif pour l'élargir quelque peu.
En conclusion, je pense que ce texte constitue une avancée considérable, conforme à la volonté du Président de la République de renforcer les droits des victimes. Avec le fonds de garantie, nous nous appuyons sur un service qui saura gérer ce travail de recouvrement dans les meilleures conditions. Je souhaite évidemment que ce fonds de garantie se saisisse des moyens juridiques nouveaux que nous lui donnons pour améliorer son taux de recouvrement sur les indemnités et les dommages et intérêts qu'il versait déjà. Les chiffres de 2006 faisaient état de 240 millions d'euros versés à des victimes. Nous comptons sur l'amélioration du recouvrement auprès des auteurs d'infractions sur l'ensemble des infractions que gère le fonds pour financer la plus grande partie de ce dispositif. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre.)
Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, la proposition de loi qui nous est soumise aujourd'hui constitue une étape importante dans l'amélioration de l'exécution des peines et l'indemnisation des victimes. Cette proposition est évidemment la bienvenue parce que le sort des victimes a souvent été négligé. Il convient donc de remercier vivement Jean-Luc Warsman et Etienne Blanc pour leur initiative et de saluer le soutien que le Gouvernement lui a apporté.
Ce texte est essentiel en ce qu'il permettra de renforcer la confiance des Français en notre justice. Il en va de l'équilibre de notre société. Il faut en effet se montrer dissuasif pour prévenir les crimes : ne pas appliquer les décisions de justice, c'est développer le sentiment d'impunité, et donc la récidive.
Ce texte permettra en outre de mettre fin au scandale des victimes jamais indemnisées d'incendies de voiture : un grand nombre de dégradations volontaires de véhicules, notamment par incendie, touche le plus généralement des personnes modestes pour lesquelles le véhicule, même s'il a une valeur réduite, est parfois le moyen indispensable d'aller travailler ou de rechercher un emploi.
Le premier dispositif de ce texte vise à créer de nouveaux droits pour les victimes d'infraction. Tout d'abord, il confie au Fonds de garanties des victimes des actes de terrorisme et autres infractions le soin de recouvrer, en lieu et place de la victime, le montant des dommages et intérêts alloués par le tribunal. Il en résultera que chaque victime, si elle n'a pas été indemnisée par l'auteur de l'infraction dans le mois qui suit le jugement, pourra désormais demander gratuitement à un fonds de garantie une avance pouvant aller jusqu'à 3 000 euros sur les dommages et intérêts et la participation aux frais de défense que le tribunal lui aura attribués, le fonds pouvant ensuite se retourner contre l'auteur de l'infraction. Ce nouveau dispositif d'aide au recouvrement des dommages et intérêts devrait permettre de faire passer le nombre de dossiers pris en charge par le fonds de garantie de 15 000 à 35 000 victimes.
Concernant les véhicules incendiés, cette proposition de loi vise à assouplir le dispositif : d'une part, la condition de « situation matérielle ou psychologique grave » causée par l'infraction ne serait plus exigée ; d'autre part, le plafond de ressources mensuelles que la victime ne doit pas dépasser afin de pouvoir prétendre à une indemnisation serait relevé de 50 % et s'élèverait à près de 2 000 euros.
Le deuxième dispositif porte sur l'amélioration de la signification des décisions pénales. Le présent texte prévoit un délai de quarante-cinq jours fixé aux huissiers pour signifier les décisions pénales. A l'expiration de ce délai, le ministère public pourra recourir aux services de police ou de gendarmerie pour procéder à cette signification. Le Sénat a estimé que ce délai pourrait être trop court et il l'a porté à trois mois.
Ce dispositif vise également à accroître les moyens à disposition des huissiers pour signifier une décision en leur permettant de convoquer les destinataires à leur étude par simple lettre, par un avis de passage laissé dans la boîte des intéressés ou à leur domicile.
Pour faciliter et encourager la présence des prévenus à l'audience – puisque l'on a observé que le taux d'exécution des peines d'emprisonnement pouvait varier de 90 % à 50 % selon que le jugement était rendu ou non en présence de l'auteur –, la proposition de loi prévoit une majoration du droit fixe de procédure. Son montant passera de 90 à 180 euros si le condamné n'a pas comparu personnellement à l'audience.
Le troisième dispositif tend à améliorer l'exécution des peines d'amendes, le dispositif de suspension ou de retrait du permis de conduire. Le Trésor public pourra accorder des remises totales ou partielles pour le paiement des amendes. L'idée est simple : il apparaît qu'une décision partiellement exécutée est préférable à une décision non exécutée.
Le texte prévoit également d'élargir l'accès au fichier national des permis de conduire aux autorités judiciaires et à l'ensemble des services qui pourraient être concernés. Cela permettra de faciliter l'exécution des peines de suspension ou de retrait de permis et de simplifier la procédure pour les bureaux de l'exécution des peines.
On le voit bien, il s'agit d'un ensemble de mesures qui restaurent l'impérieuse nécessité de respecter les victimes. J'ai toujours, pour ma part, le souvenir de cette belle exigence de saint Augustin : « Que sont les royaumes sans justice, sinon de vastes brigandages ? » Il ne faut pas que les victimes, surtout si elles sont de condition modeste, puissent ainsi désespérer de notre justice.
C'est tout le mérite de ce texte et, au nom de mon groupe, je remercie à nouveau le président Warsmann, notre excellent rapporteur Etienne Blanc, les membres de la mission d'information qui ont réalisé un travail remarquable, et le Gouvernement qui a soutenu ce travail. Naturellement, mon groupe s'associe à la demande du président de faire en sorte que le texte soit appliqué le plus rapidement possible. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Nous examinons en seconde lecture une proposition de loi dont le premier signataire est le président de la commission des lois, M. Warsmann, et le rapporteur notre collègue Etienne Blanc, tous deux coauteurs d'un rapport d'information voté à l'unanimité – « Juger, et après ? » – et dont est issu ce texte.
« Juger et après » ? Un vaste programme qui impliquerait que l'on s'attache aussi et avant tout à obtenir les jugements les meilleurs possible avant de s'interroger sur cet « après » qui nous interpelle tous, car lui seul donne son sens à la peine. Parmi les quarante-neuf propositions du rapport figuraient huit souhaits concernant l'accélération du cours de la justice et une dizaine concernant la prise en charge des victimes. La plupart des souhaits exprimés – il s'agissait de souhaits plutôt que de recommandations – ne relevant pas de la loi, nous considérons, madame la secrétaire d'État, que la balle est en quelque sorte dans votre camp et qu'il reste encore beaucoup de chemin à parcourir.
Ne vous le cachez pas, la justice a besoin de moyens et nous ne comptons pas invoquer la question des victimes en vain. En effet, nous ne sommes pas ici pour sans cesse rechercher des solutions palliatives. Tant que la justice sera une honte pour la République, avec un budget ridicule qui nous place au mieux au vingt-troisième rang européen par tête d'habitant, nous serons soumis à cette tâche ingrate. Les auteurs de la proposition de loi qui nous est soumise l'ont sans doute compris comme nous tous, ce qui explique la modestie de leur texte. Nous mettons ce fait sur le compte de leur lucidité et nous leur en savons gré.
Modestes, les propositions le sont par leur contenu, mais non par leur annonce. Renforcer le droit des victimes à l'indemnisation ce n'est pas rien. Et même si cela se réduit finalement à un coup de pouce à l'aide au recouvrement, cela vaut la peine qu'on s'y arrête. Nous avons voté en première lecture déjà la mesure la plus significative : celle qui étend l'indemnisation des victimes de destruction volontaire et malveillante de leur automobile ou de leur moto, sans qu'il leur soit demandé de rapporter la preuve de la « gêne » occasionnée par la nécessité de remplacer le véhicule trop souvent indispensable pour se déplacer ou pour aller travailler. Quand on gagne une fois et demie le SMIC, il me semble que la gêne peut être présumée ! Depuis les émeutes de 2005, les socialistes réclamaient une telle mesure. Nous sommes exaucés ; mieux vaut tard que jamais ! Mais qu'il nous soit permis de rappeler que ce n'est pas parce que l'on gagne un peu plus que le SMIC et demi que l'on est riche.
Bien sûr, nous aurions aimé aller plus loin. Notre collègue Delphine Batho a proposé par deux fois, en première lecture, un amendement visant à faciliter l'indemnisation des collectivités locales, parfois lourdement pénalisées par la destruction de biens collectifs lors d'une émeute non maîtrisée – un phénomène récurrent, presque un fait de société. Elle proposait, et les socialistes avec elle, la création d'un fonds spécial d'indemnisation financé par l'État et les collectivités qui ont intérêt à mutualiser leurs risques et les assurances.
Le parallélisme avec la situation des individus avant la création du Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d'autres infractions – le FGTI –, que nous devons à Robert Badinter et que la droite de l'époque n'a pas su apprécier à sa juste valeur, est pourtant évident. L'idée était la même : prendre en considération la nécessité pour des communes de reconstruire des bâtiments, de racheter des véhicules dans l'intérêt de tous. J'ajouterai que, comme cela se passait pour les particuliers, l'État ne prend pas en charge les dégâts causés aux collectivités et les assurances, si elles existent, sont d'autant hors de portée des budgets communaux que les collectivités les plus exposées sont aussi souvent celles qui sont les moins riches. Dans ce cas, comme dans bien d'autres, la solidarité des territoires n'est pas au rendez-vous et votre refus perdure. Nous savons, en effet, que plus le risque est grand, plus la cotisation est lourde. Nous le regrettons, mais nous y reviendrons.
Toujours avec le souci de venir en aide aux victimes, j'avoue mal comprendre le Sénat qui a augmenté de un à deux mois le délai maximum pour le versement de l'avance sur indemnisation – je dis bien de l'avance sur indemnisation. J'espère que le souhait d'accélérer nos travaux et de délester un ordre du jour pléthorique ne se réalisera pas aux dépens de victimes dont la situation peut dépendre de cette avance ! Accélérer les procédures d'exécution, c'est évidemment indispensable, souvent même dans l'intérêt des victimes dont les droits ont été reconnus au bout de longs, voire de trop longs mois
Même si beaucoup de dispositions ont déjà été votées conformes ou presque au Sénat, permettez-moi de m'arrêter sur quelques points encore en discussion.
L'accélération du degré de diligence des huissiers de justice agissant en matière pénale, par exemple, est hautement souhaitable. Vous-mêmes, monsieur le rapporteur, monsieur le président de la commission, avez évoqué la question dans votre rapport d'information. Vous posiez toutefois une condition préalable à la réduction des délais observés par les huissiers : la revalorisation de leurs services – souhait n° 5. N'est-il pas hasardeux de réclamer toujours plus d'effort sans contrepartie ? Avons-nous raison de vous faire confiance pour obtenir ce que vous-même avait estimé nécessaire ? Je l'espère.
Mais je ne comprends pas comment notre commission des lois a pu accepter la possibilité, laissée par le Sénat au procureur, de doubler ab initio, au feeling pourrait-on dire, les délais préfixes de quarante-cinq jours. Où est la logique ? Car enfin, il s'agit la plupart du temps de victimes !
Le système voté à l'Assemblée avait son sens me semble t-il : l'huissier a quarante-cinq jours pour agir et si une difficulté se présente, il en réfère au procureur qui avise. Dans le système nouveau, le procureur peut donner des délais supplémentaires à l'huissier, sans que l'on sache sur quels critères, et si cela n'est toujours pas suffisant, il peut en donner d'autres. Voila qui ruine complètement le mécanisme que nous avions voté en première lecture et qui mérite explication. J'espère que l'absence de la revalorisation évoquée plus haut n'explique pas cela.
Enfin, je dois avouer que la disposition que vous mettez en place pour éviter de trop nombreux déplacements aux huissiers – objectif louable – nous laisse perplexes. Même amélioré en affichage et en clarté par le Sénat, il reste que nous nous apprêtons à créer une présomption de connaissance « irréfragable » du contenu de l'exploit d'huissier, dès lors qu'une lettre simple a été adressée et que le récépissé a été renvoyé.
Je terminerai sur une note un peu ironique : le Trésor pourra accorder des remises sur les amendes forfaitaires majorées, mais seulement « en cas d'impossibilité de payer par suite de gêne ou d'indigence » selon l'expression du rapporteur au Sénat, M. Zocchetto. Quelle générosité ! Il faut bien comprendre que les amendes forfaitaires, applicables généralement en matière de contravention routière, ne sont majorées qu'en cas de non-paiement, lequel trouve souvent son origine dans l'impossibilité de payer. Mais la preuve de la gêne ou de l'indigence sera difficile matériellement et moralement à apporter. Allez donc démontrer que vous êtes un pauvre ! Certains ne le feront pas par fierté ; d'autres en profiteront.
Je pense que l'effort devrait porter sur le recouvrement des contraventions dont le taux oscille entre 31 % et 35 % – là est le laxisme de l'État –, mais qui suppose la mise en place d'un système informatique qui marche ! Pour le reste, il suffirait d'autoriser le Trésor, comme il sait le faire, à juger des cas où les remises et délais sont justifiés.
Nous touchons là à une question plus large qui est un véritable problème en France. Le président Warsmann l'a dit et redit, notre collègue Delphine Batho y a insisté au mois de janvier dernier : la justice doit maintenant entrer dans le XXIe siècle. Et la question va au-delà des fichiers des contraventions. Il s'agit d'une priorité nécessitant la mise en oeuvre des moyens matériels adéquats. Si l'on veut améliorer concrètement l'exécution des décisions de justice, réduire les délais, mettre en oeuvre le dossier unique, on ne peut se passer de l'informatique et d'une informatique autrement lourde. Or, nous sommes face à une administration pourvue d'un système totalement obsolète. Les études et les investissements doivent être au rendez-vous. C'est dans cet espoir que nous voterons symboliquement aujourd'hui un texte qui a comme mérite de poser les vrais problèmes et d'en résoudre quelques uns. Certes, le Gouvernement propose et le Parlement dispose, mais si nous votons ce texte, madame la secrétaire d'État, c'est parce que nous avons de très bonnes raisons de le faire. (Applaudissements sur tous les bancs.)
J'appelle maintenant, dans le texte du Sénat, les articles de la proposition de loi sur lesquels les deux assemblées du Parlement n'ont pu parvenir à un texte identique.
Les articles 1er et 2 ne faisant l'objet d'aucun amendement, je vais les mettre aux voix successivement.
(Ces articles, successivement mis aux voix, sont adoptés.)
Pourquoi limiter ainsi l'indemnisation aux seuls incendies, aux seuls cas de destruction dont on ne sait si elle doit être totale ou non ? Tout à l'heure, j'ai entendu le rapporteur regretter cette légèreté, voire cette mesquinerie – je ne sais quel mot employer !
Nous voulons croire que, si un véhicule est détérioré, qu'il soit totalement cassé ou simplement endommagé, l'indemnisation se fera sans réserve, au vu de la preuve de sa situation matérielle. Laisser place à une interprétation quelconque serait mal venu, puisque ce texte vise à réparer un préjudice subi par une victime, sans prévoir de gradation dans le préjudice. Celui-ci doit donc être indemnisé dans tous les cas, quel que soit l'état de dégradation du bien.
J'aurais aimé que ce point soit précisé. Madame la secrétaire d'État, pouvez-vous nous confirmer que nos concitoyens qui, demain, formuleront une demande sur la base de la proposition de loi ne se verront pas opposer une fin de non-recevoir, dès lors qu'ils auront été victimes d'un préjudice autre que l'incendie ou la destruction ? J'insiste pour qu'aucune gradation n'intervienne dans le cadre du dispositif d'indemnisation.
Nous nous sommes nous aussi interrogés sur la restriction apportée par le Sénat.
Cela étant, le dispositif que nous adoptons est totalement nouveau, et son champ d'application entraînera des coûts et des dépenses importantes. Je comprends par conséquent que la Haute assemblée ait cherché à sérier les sujets et à faire en sorte que les dépenses soient cantonnées au strict minimum. C'est du moins ce qu'il ressort de la lecture des débats qui y ont eu lieu au Sénat, et qui ont abouti à cette modification.
Par ailleurs, l'essentiel des préjudices est causé par des incendies. Le texte apporte donc une réponse à la majorité des cas difficiles, comme l'ont indiqué tout à l'heure Mme la secrétaire d'État et M. le président de la commission. Il traite le problème des véhicules incendiés qui interdisent au membre d'une famille d'aller travailler et de gagner sa vie, c'est-à-dire, je le répète, l'essentiel des cas.
Enfin, le texte sera évalué, puisqu'il met en place un dispositif très novateur, qui mérite observation. Le Sénat a d'ailleurs prévu que nous puissions revenir devant les Assemblées pour présenter le bilan de son application. À cette occasion, nous verrons ce qu'il en est, et peut-être étendrons-nous le champ d'application du texte aux véhicules détériorés par d'autres causes que l'incendie.
Les articles 5, 6, 6 bis, 7, 11A, 11B et 11 ne font l'objet d'aucun amendement.
Je les mets successivement aux voix.
(Ces articles, successivement mis aux voix, sont adoptés.)
La parole est à Mme la secrétaire d'État chargée de la politique de la ville.
Monsieur le président, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, mesdames et messieurs les députés, je me réjouis du débat que nous venons d'avoir. Vous avez contribué aujourd'hui à faire progresser la qualité de notre justice. Les victimes ont été entendues. Ce texte leur confère des droits nouveaux, qui vont considérablement améliorer leur indemnisation.
Je salue de nouveau le travail réalisé par la commission des lois et par son rapporteur. L'Assemblée nationale est partie d'un constat, afin d'améliorer notre droit : la justice sera mieux comprise et plus respectée si ses décisions sont exécutées. Votre proposition de loi a cerné avec pragmatisme les moyens concrets de progresser en ce sens : organiser une notification rapide des jugements, permettre un dédommagement effectif des victimes, assurer une bonne exécution de la peine dans les meilleurs délais.
Notre débat et l'adoption du texte montrent toute l'importance du dialogue entre le Gouvernement et le Parlement. Le premier s'emploiera à mettre rapidement en oeuvre la loi que le second vient de voter. Au nom du Gouvernement, je m'engage à répondre à votre demande, monsieur le président de la commission des lois, et à faire le nécessaire pour que le texte soit publié avant le 30 juin prochain. De ce fait, le dispositif d'indemnisation entrera en vigueur le 1er septembre, ainsi que vous l'avez souhaité. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Je mets aux voix l'ensemble de la proposition de loi.
(L'ensemble de la proposition de loi est adopté.)
Prochaine séance, mardi 24 juin, à neuf heures trente :
Questions orales sans débat.
La séance est levée.
(La séance est levée à dix-huit heures cinq.)
Le Directeur du service du compte rendu intégral de l'Assemblée nationale,
Claude Azéma