Je voudrais d'abord saluer le caractère exemplaire du travail parlementaire qui nous réunit ce soir.
Au moment où tout le monde parle de la nécessité de renforcer le travail d'évaluation et de contrôle du Parlement, je rappelle que cette proposition de loi a été déposée à la suite des travaux de la mission d'information mise en place par la commission des lois dès le début de cette législature sur le problème fondamental de l'exécution des décisions de la justice pénale. On ne peut lutter efficacement et durablement contre la délinquance, et donc contre la récidive, si l'on ne consacre pas toute l'énergie nécessaire à faire en sorte que les décisions de justice soient effectivement et rapidement appliquées.
Cette proposition de loi a été examinée dans des délais rapides. Adoptée en première lecture à l'Assemblée le 17 janvier, elle a été votée au Sénat le 15 avril et nous la retrouvons en deuxième lecture aujourd'hui, le 19 juin. Mais l'urgence des situations auxquelles nous avions à répondre justifie pleinement un tel calendrier.
Nous avons essayé de parvenir à un texte le plus abouti qui soit et en même temps susceptible de recueillir le plus large consensus. À ce propos, je salue l'unanimité qui s'est manifestée sur ce texte en commission, pour les deux lectures, et en séance pour la première lecture, unanimité qui, je l'espère, se retrouvera également ce soir.
Il s'agit d'un texte concret et pragmatique, porteur d'avancées importantes pour les victimes et pour l'effectivité des décisions de justice. Je voudrais rendre hommage à la qualité du travail de notre rapporteur, Étienne Blanc, qui s'est attaché au caractère concret et efficace de l'ensemble des dispositions du texte tout au long du processus législatif.
Les quatre principales dispositions représentent toutes des avancées.
La première, relative au paiement des amendes forfaitaires majorées, met fin à une situation quelque peu absurde. L'administration peut en effet accorder des remises pour des impositions ou des amendes fiscales : toutes les semaines, les services du Trésor public sont amenés à négocier avec nos concitoyens qui éprouvent des difficultés pour payer une taxe d'habitation par exemple un plan d'apurement pour payer en deux ou trois fois, la pénalité de 10 % étant même levée si les engagements sont respectés. En revanche, aucune remise gracieuse, partielle ou totale, n'était jusqu'à présent possible en matière d'amendes forfaitaires. Dès que le délai de quarante-cinq jours était expiré, le montant de l'amende était donc multiplié par trois, et l'on pouvait aboutir à des sommes sans aucun rapport avec les capacités de paiement de la personne, au point que la variable d'ajustement était l'inscription en non-valeur de l'amende.
Une telle situation n'était pas acceptable. La proposition de loi y remédie. Les finances de l'État y gagneront, de même que le sens de l'amende et le système sera plus efficace et plus pragmatique.
Une deuxième disposition impose aux huissiers de justice de procéder aux significations dans un délai maximal de quarante-cinq jours.
Nous nous sommes aperçus, lors des travaux de la mission, que l'un des cas où les peines, y compris des peines de prison fermes, étaient mal, ou très tardivement, exécutées, c'était lorsque la personne ne s'était pas déplacée à l'audience. En effet, pour que la peine puisse ensuite être exécutée, la signification, s'il s'agit d'une peine de prison, doit être faite directement à la personne. Cela implique qu'un huissier retrouve cette personne et puisse certifier qu'il l'a informée de la décision. Mais, disons-le, pour nombre de professionnels, cet acte n'était sans doute pas la priorité.
Une telle situation n'était pas acceptable. La proposition de loi impose aux huissiers un délai maximal de quarante-cinq jours, délai qui peut éventuellement être prolongé. À défaut, le parquet qui aura directement conscience de l'absence de signification pourra alors faire réaliser la signification soit directement par la police, soit, et c'est clairement l'objectif de cette mesure, par les huissiers que nous souhaitons voir se remobiliser sur les significations pénales pour atteindre l'objectif souhaité par la commission des lois, c'est-à-dire l'exécution à 100 % des décisions de la justice.
Le troisième type de dispositions, sur lequel Mme la secrétaire d'État a insisté à juste titre, concerne la mise en place d'une assistance au recouvrement des dommages et intérêts pour les victimes d'infractions.
Notre système avait un mode de fonctionnement qui frôlait l'iniquité, voire l'injustice. Lorsqu'une victime obtient une décision de justice, que l'auteur, identifié, a été condamné, la décision de justice devient définitive. Or, jusqu'à présent, c'était à la victime d'opérer des démarches, le cas échéant à ses frais, pour mettre à exécution la décision en matière de paiement de dommages et intérêts. Nous remettons les choses dans le bon sens : la victime n'aura plus à effectuer les démarches, elle pourra s'adresser dans les deux mois au fonds de garantie qui existe déjà, et dont chacun salue le sérieux et le professionnalisme.
Ce fonds de garantie pourra lui verser, soit une avance, plafonnée à 3 000 euros, soit l'intégralité des dommages et intérêts, si ceux-ci sont inférieurs à 1 000 euros. Ce fonds sera subrogé dans les droits de la victime, et se chargera des démarches de recouvrement.
Pour la commission des lois, ce dispositif comporte deux éléments aussi importants l'un que l'autre. Le premier, c'est que la victime soit rapidement indemnisée des dommages et intérêts que le tribunal lui a accordés. Le second, tout aussi important à nos yeux, c'est que le fonds de garantie ait tous les moyens juridiques pour obtenir le paiement par l'auteur des infractions.
Nous avons veillé à lever tous les secrets pour que le fonds de garantie puisse, dans les meilleurs délais, connaître le type de revenus dont peut bénéficier l'auteur de l'infraction, revenus du travail, revenus de prestations sociales. Ensuite, le fonds fera son travail en matière de recouvrement. Que l'auteur de l'infraction mette six mois, un, deux ou trois ans, à payer les dommages et intérêts, peu importe. Il est vital que, dans les délais les plus brefs après le jugement, l'auteur de l'infraction soit amené à payer et à réparer les dégâts qu'il a causés. C'est un moyen très pédagogique et efficace pour lutter contre la récidive.
La quatrième mesure concerne les propriétaires de véhicules brûlés par un incendie volontaire et qui ne sont pas assurés. De tels cas existent hélas ! dans pratiquement tous les départements de France. Je reçois parfois dans ma permanence de député des personnes qui sont dans cette situation, qui vivent souvent dans des quartiers où la sécurité n'est pas spécialement assurée et qui connaissent des conditions de vie et de travail précaires.
Il est important de pouvoir indemniser tous ceux dont la voiture a brûlé : celui qui est sous contrat d'intérim et qui a besoin de sa voiture pour aller travailler, parce que sa mission risque de prendre fin le jour où il découvre sa voiture brûlée ; le demandeur d'emploi, qui, sans véhicule, risque de perdre toutes ses chances de trouver du travail, surtout si son quartier n'est pas bien desservi par les transports en commun ; ou bien, plus socialement inadmissible encore, la personne qui a emprunté pour acheter son véhicule, parce que ses mensualités courent toujours et qu'il n'a plus de voiture pour aller travailler. Cette mesure s'adresse particulièrement à ceux de nos compatriotes qui sont les plus modestes, à ceux qui veulent travailler pour s'en sortir. Ils méritent largement toute notre attention.
Le système proposé par la commission des lois vise à faire en sorte que ces propriétaires, modestes et de bonne foi, de véhicules qui, souvent, n'ont pas une valeur vénale très importante mais une valeur d'usage vitale, puissent bénéficier, grâce au fonds de garantie, d'une indemnisation allant jusqu'à 4 000 euros, même si les auteurs de l'infraction ne sont pas encore trouvés.
Cela permettra d'abord de réparer des injustices sociales pour ceux de nos compatriotes qui veulent travailler pour s'en sortir, ensuite d'améliorer la répression de ce genre d'actes. En effet, les informations que nous avons pu recueillir sur le terrain montrent que, assez souvent, six mois, un ou deux ans après les incendies de véhicules, l'auteur est identifié à l'occasion d'une garde à vue pour une autre affaire au cours de laquelle il avoue les incendies de véhicules. Nous comptons sur le sérieux du fonds de garantie pour qu'il tente de recouvrer auprès de l'auteur de l'infraction le montant des dégâts qu'il aura versé. Nos concitoyens seront sans doute heureux d'entendre ce message.
Je finirai mon intervention par deux remarques.
La première porte sur la date d'entrée en vigueur de ce texte. L'article 11 prévoit, pour les articles 1er à 3, une application à compter du premier jour du troisième mois suivant la date de publication de la loi. Nous allons nous employer à voter ce texte ce soir. Je serais très reconnaissant au Gouvernement – et je vous demande, madame la secrétaire d'État, d'être notre interprète – de veiller à ce que ce texte soit publié le 30 juin au plus tard, afin que ces nouveaux droits pour les victimes puissent devenir effectifs le plus tôt possible, c'est-à-dire le 1er septembre prochain.
Ma seconde remarque a trait au suivi de cette proposition de loi. Nous allons évidemment poursuivre notre travail dans le cadre de la mission d'information sur les exécutions des décisions de justice mais également sur cette loi puisque, dans l'année qui vient, nous en évaluerons le fonctionnement. Nous avons plusieurs priorités : veiller à ce que ces nouveaux droits pour les victimes sont effectifs et que les délais d'indemnisation ne soient pas trop longs et vérifier la portée d'une nuance qui a été introduite par le Sénat. Nous avions prévu une disposition qui permettait d'indemniser non seulement les incendies mais également les dégradations de véhicules. Le Sénat a restreint légèrement la portée de ce dispositif. Il faudra que nous veillions à ce que cette restriction n'ait pas de conséquences inéquitables, auquel cas il faudrait redéfinir la portée législative du dispositif pour l'élargir quelque peu.
En conclusion, je pense que ce texte constitue une avancée considérable, conforme à la volonté du Président de la République de renforcer les droits des victimes. Avec le fonds de garantie, nous nous appuyons sur un service qui saura gérer ce travail de recouvrement dans les meilleures conditions. Je souhaite évidemment que ce fonds de garantie se saisisse des moyens juridiques nouveaux que nous lui donnons pour améliorer son taux de recouvrement sur les indemnités et les dommages et intérêts qu'il versait déjà. Les chiffres de 2006 faisaient état de 240 millions d'euros versés à des victimes. Nous comptons sur l'amélioration du recouvrement auprès des auteurs d'infractions sur l'ensemble des infractions que gère le fonds pour financer la plus grande partie de ce dispositif. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre.)