Consultez notre étude 2010 — 2011 sur les sanctions relatives à la présence des députés !

Séance en hémicycle du 26 janvier 2012 à 15h00

Résumé de la séance

Les mots clés de cette séance

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Sommaire

La séance

Source

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Mallot

La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Mallot

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion de la proposition de loi tendant à prévenir le surendettement (nos 4190, 4087).

Ce matin, l'Assemblée a entendu les orateurs inscrits dans la discussion générale.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Mallot

J'appelle maintenant les articles de la proposition de loi dans le texte dont l'Assemblée a été saisie initialement, puisque la commission n'a pas adopté de texte.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Mallot

La parole est à M. Jacques Desallangre, inscrit sur l'article 1er.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Desallangre

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme, des services, des professions libérales et de la consommation, monsieur le président de la commission des affaires économiques, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, je précise tout d'abord que je m'exprime ici à titre personnel, et non pas au nom du groupe GDR.

Je voterai cet article 1er, ainsi que votre proposition de loi, chers collègues du Nouveau Centre. Je suis l'auteur d'une proposition de loi sur le même sujet, que j'ai déposée en 2009. J'avais déposé la même lors des deux précédentes législatures. Moi aussi, voyez-vous, j'ai de la suite dans les idées.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Desallangre

Dans ma proposition de loi comme dans celle qui nous est aujourd'hui soumise, la rédaction de l'article 1er est strictement la même, au mot près. La philosophie qui nous a guidés est similaire : responsabiliser le prêteur pour juguler le fléau du surendettement. La différence entre nous est que je souhaitais encadrer le taux d'usure. Car nombre de crédits à la consommation, ou de crédits renouvelables, flirtent avec la légalité et s'approchent de l'usure. Ainsi, certains particuliers remboursent pendant des années les crédits, même modestes, qui leur furent consentis.

On l'a dit, et il faut le répéter, le nombre de situations de surendettement, avec la détresse qu'elles génèrent, ne cesse de s'accroître. Aujourd'hui, ce sont plus d'un million et demi de foyers qui sont touchés par ce fléau, signe évident de la pauvreté grandissante, du refus des banques d'assumer leurs responsabilités, et de l'insuffisance de la loi Lagarde.

Depuis la loi Neiertz de 1989, les réformes furent nombreuses mais insuffisantes. Aucune ne s'est attachée à la prévention. Elles se concentraient sur le volet curatif. Aucune n'a cherché à juguler une offre de crédits à la consommation prolifique et inconsistante. Certaines sociétés de crédit peu scrupuleuses offrent en effet, par le biais de publicités aguicheuses, des milliers d'euros sans réel contrôle de la capacité de remboursement de l'emprunteur et de l'encours des crédits déjà souscrits.

Il est temps de responsabiliser les organismes prêteurs, qui devraient dorénavant apporter la preuve de leurs démarches visant à s'informer de la situation de solvabilité de l'emprunteur. S'il s'avère que le prêteur a accordé un crédit alors que la solvabilité de l'emprunteur était manifestement insuffisante lors de la signature, le créancier ne pourra plus engager de procédure de recouvrement. Ce serait sans doute la plus efficace sanction, et la dissuasion la meilleure.

À cette proposition, chers collègues du Nouveau Centre, vos amis de l'UMP se sont évidemment opposés en commission, et je suis convaincu qu'ils en empêcheront l'adoption en séance publique. Le puissant lobby des organismes prêteurs est efficace, une fois encore.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Dionis du Séjour

Ce n'est pas sûr ! Notre collègue Serge Poignant, qui préside notre commission, a une fibre sociale.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Mallot

Sur le vote de l'article 1er, je suis saisi par le groupe Nouveau Centre d'une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.

La parole est à M. Jean-Christophe Lagarde.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Christophe Lagarde

Comme je le disais ce matin, l'article 1er fixe un principe qui a déjà été adopté par l'Assemblée nationale, et qui l'a été par cette majorité. Je crois que nous pouvons tous être d'accord pour dire qu'il y a coresponsabilité de l'emprunt. Cela signifie que lorsque vous prêtez de l'argent, vous devez vérifier la solvabilité de l'emprunteur, ne serait-ce, d'ailleurs – et nous l'avons dit ce matin, monsieur le secrétaire d'État –, que parce que chacun ne se rend pas forcément compte de sa situation d'endettement et des risques qu'il encourt. Le professionnel du crédit, ce n'est pas celui qui emprunte, mais celui qui prête. Il doit donc évidemment y avoir responsabilité de l'emprunteur et du prêteur.

Pour que cette responsabilité puisse être exercée, nous avons le choix, grosso modo, entre deux voies. La première, dont vous aurez compris, monsieur le secrétaire d'État, qu'elle ne correspond pas à notre vision, c'est que l'État fixe un seuil maximal d'endettement. Cela n'a pas de sens. Car ce seuil serait forcément exprimé en pourcentage. Le total des remboursements ne devrait pas excéder, mettons, 30 % des revenus, puisque c'est le chiffre communément admis dans l'esprit public. Du coup, celui qui gagne 1 200 euros par mois verrait son endettement limité à 30 %, et celui qui gagne 6 000 ou 7 000 euros verrait son endettement lui aussi limité à 30 %. Cela n'a pas de sens.

Cette solution aurait un second inconvénient. Je rappelais ce matin que 40 % des Français sont privés de crédit, alors qu'une partie d'entre eux ont parfaitement les moyens d'assumer le poids que représente le remboursement de petits crédits. Là encore, la fixation d'un seuil les en empêcherait.

Voilà pourquoi le Nouveau Centre préfère traduire la philosophie de la coresponsabilité de l'emprunt en retenant une autre solution, qui n'est pas non plus celle, pardonnez-moi ce recours à une expression anglaise, du credit scoring. En effet, situer l'emprunteur potentiel dans une certaine tranche statistique n'a pas de sens. Comme je le disais ce matin sur le mode humoristique, si je vous demandais de me prêter de l'argent tout de suite, vous tiendriez compte de ma capacité à rembourser, et non pas de ma qualité de parlementaire percevant une indemnité. Car après tout, je suis peut-être déjà perclus de dettes.

Debut de section - PermalienPhoto de Eric Berdoati

Ne vous en faites pas, monsieur Lagarde, nous vous prêterons l'argent dont vous avez besoin. (Sourires.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Christophe Lagarde

Vous devriez me prêter au moins votre attention, et en tout état de cause, votre voix, cher collègue, pour permettre cette avancée législative.

Il est normal, disais-je, que l'établissement bancaire vérifie la situation de la personne, plutôt que de la ranger dans une catégorie.

De plus, nous gagnerions en croissance, monsieur le secrétaire d'État, vous qui, dans les fonctions qui sont les vôtres, appartenez à cette grande famille de Bercy. Oui, nous gagnerions en croissance, parce que le nombre de personnes qui sont dans une situation de surendettement n'est pas compatible avec un objectif de croissance durable. Bercy nous dit parfois que si l'on supprimait la demande financée par le crédit des personnes surendettées, cela nous coûterait 0,3 point de croissance. Eh bien, non. Parce que ces personnes-là sont de toute façon durablement exclues de l'économie, de la consommation, et donc de la croissance. Les laisser dans la situation où elles sont, c'est, en plus, moralement inacceptable.

Au contraire, si ces personnes surendettées étaient pour ainsi dire remplacées par la moitié des 40 % de Français dont je parlais à l'instant, c'est-à-dire par ceux qui n'ont pas accès au crédit alors qu'ils pourraient y avoir accès, nous y gagnerions puisque nous augmenterions ainsi, au total, la part de la demande qui est alimentée par le crédit. Nous y gagnerions également sur le plan social.

Enfin, cette coresponsabilité de l'emprunt aurait, si elle était appliquée, un dernier avantage. Il s'agit de la baisse du coût du crédit. En effet, le coût des défauts de paiement n'est pas assumé par les organismes prêteurs, mais bien par les emprunteurs qui ne font pas défaut. Forcément ! Une certaine proportion – disons, entre 0,1 et 0,3 % – des remboursements dont ils s'acquittent est destinée à financer les pertes occasionnées par ceux qui ne remboursent pas.

Par conséquent, nous y gagnerions sur tous les tableaux si nous adoptions le dispositif proposé. Voilà la philosophie de cet article 1er.

Aujourd'hui, la jurisprudence considère, la plupart du temps, qu'il y a coresponsabilité de l'emprunt. Mais ce n'est pas aux juges de fixer cette coresponsabilité. C'est à nous de l'encadrer, de l'établir, et de donner ensuite – c'est l'objet de l'article 2 – aux organismes prêteurs les moyens de vérifier la solvabilité des emprunteurs.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Mallot

La parole est à M. Jean Dionis du Séjour, rapporteur de la commission des affaires économiques.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Dionis du Séjour

Certains collègues peuvent hésiter sur l'article 2. Mais il me semble que l'article 1er peut nous rassembler. Il pose le principe d'une responsabilité nouvelle, celle du prêteur. Elle est absolument centrale, car sans elle, les procédures de recouvrement ne seront pas abandonnées alors même qu'elles sont abusives. Et elles le sont quant l'organisme prêteur a soutenu financièrement, de manière abusive, un emprunteur qui était déjà surendetté.

Il me semble donc qu'au moins cet article 1er peut nous rassembler. C'est pourquoi j'appelle tous mes collègues à le voter. (Applaudissements sur les bancs du groupe NC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Mallot

La parole est à M. Serge Poignant, président de la commission des affaires économiques.

Debut de section - PermalienPhoto de Serge Poignant

Je rappelle, mais M. le rapporteur le sait bien, que la commission avait discuté – avant la réunion qu'elle a tenue en application de l'article 88 de notre règlement – à la fois de l'article 1er et de l'article 2. S'il est vrai que la prévention du surendettement est un objectif que nous pouvons tous partager, il n'empêche que la proposition de loi forme un tout : l'article 1er et l'article 2 sont liés, car à quoi bon faire une déclaration en posant un principe que l'on ne se donne pas, ensuite, les moyens de faire appliquer ?

C'est la raison pour laquelle la commission s'est prononcée contre l'article 1er comme elle s'est prononcée contre l'article 2. Je voulais simplement le rappeler à nos collègues.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Mallot

La parole est à M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme, des services, des professions libérales et de la consommation.

Debut de section - PermalienFrédéric Lefèbvre, secrétaire d'état chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme, des services, des professions libérales et de la consommation

J'ai bien écouté M. Lagarde. Or, à l'époque, en 2008, au moment de la loi LME, comme vous, monsieur Lagarde, j'étais dans cet hémicycle et, peu ou prou, j'ai fait la proposition que vous défendez dans l'article 1er aujourd'hui.

Debut de section - PermalienFrédéric Lefèbvre, secrétaire d'état chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme, des services, des professions libérales et de la consommation

J'ai proposé ce que vous avez appelé un système de coresponsabilité, c'est-à-dire un système qui impose au prêteur, à l'organisme bancaire, de vérifier la situation de l'emprunteur, et qui le sanctionne s'il ne l'a pas fait.

C'est ce que vous écrivez dans l'article 1er.

Vous avez eu l'honnêteté de reconnaître, cher Jean-Christophe Lagarde, que ce principe avait d'ores et déjà été adopté par le Parlement. En effet, comme vous l'avez d'ailleurs assez bien expliqué à l'instant, la loi Lagarde, qui a été discutée il y a quelque temps, a construit une réponse adaptée à la question du surendettement, avec le soutien de la majorité, dans cet hémicycle.

Je vous rappelle, ainsi qu'au rapporteur, que le texte dit « loi Lagarde » n'est en application que depuis un peu plus de six mois.

L'article 1er est déjà satisfait par la loi Lagarde. Mais peut-être pensez-vous que si une disposition est déjà dans la loi, il est possible de la voter une nouvelle fois ?

Il existe dans la loi Lagarde un dispositif de coresponsabilité qui prévoit un système de sanctions correspondant exactement à l'objectif que vous poursuivez.

Dorénavant, le prêteur a l'obligation de vérifier la solvabilité de l'emprunteur à l'ouverture d'un crédit et ce, tout au long de la vie du contrat pour les crédits renouvelables.

D'autre part, le préteur a l'obligation de consulter le fichier national des incidents de remboursement des crédits aux particuliers, le FICP, appelé par certains le fichier négatif, par rapport au fichier positif que vous défendez dans votre proposition de loi.

Il doit élaborer une fiche de dialogue et d'informations obligatoire, remplie à quatre mains, pour tout crédit, sur le lieu de vente ou à distance. Cette fiche comprend des informations relatives à l'endettement et aux revenus qui doivent aider le prêteur à apprécier la solvabilité de l'emprunteur.

Nouvel élément concret prévu dans la loi Lagarde : la remise de documents justificatifs devant corroborer les informations portées sur cette fiche de dialogue pour les crédits de plus de 3 000 euros.

Cher Jean-Christophe Lagarde, la loi prévoit également le renforcement des sanctions des prêteurs ou des intermédiaires qui ne respectent pas les obligations du code de la consommation.

Vous le voyez, il n'y a pas de désaccord de fond entre le Gouvernement et le Nouveau Centre sur l'article 1er qui, comme je l'ai dit, a été traduit dans la loi Lagarde.

En revanche, la difficulté concerne l'articulation que vous en faites ou que vous pensez en faire avec l'article 2 relatif à la consultation du fichier positif. (Murmures sur les bancs du groupe NC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Frédérique Massat

Ça rame ! Mais bien sûr, il faut gagner du temps !

Debut de section - PermalienFrédéric Lefèbvre, secrétaire d'état chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme, des services, des professions libérales et de la consommation

En effet, vous voulez créer l'obligation d'un fichier positif alors que la loi Lagarde inscrit aujourd'hui dans notre droit l'obligation de consulter le fichier négatif.

Je souhaiterais que l'on puisse, avec le rapporteur et peut-être vous, Jean-Christophe Lagarde, si le président en est d'accord, prendre le temps de discuter de cette question au cours d'une suspension de séance, car, contrairement au fichier positif introduit à l'article 2, sur ce sujet nous sommes globalement en accord les uns avec les autres.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Mallot

Monsieur le secrétaire d'État, demandez-vous une suspension de séance ?

Debut de section - PermalienFrédéric Lefèbvre, secrétaire d'état chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme, des services, des professions libérales et de la consommation

Je viens de la demander, monsieur le président. (Protestations sur les bancs du groupe NC.)

Je pense utile que nous puissions nous réunir avec la commission et le groupe Nouveau Centre pour évoquer la question de l'article 1er.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Mallot

Je n'avais pas saisi votre demande, monsieur le secrétaire d'État.

La suspension de séance est de droit.

Article 1er

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Mallot

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à quinze heures vingt, est reprise à quinze heures vingt-cinq.)

Article 1er

Debut de section - PermalienPhoto de Eric Berdoati

Je demande la parole pour une explication de vote sur l'article 1er.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Mallot

Je regrette, monsieur Berdoati, il n'y a pas d'explication de vote sur l'article.

Nous allons maintenant procéder au scrutin public sur l'article 1er.

(Il est procédé au scrutin.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Mallot

Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants 50

Nombre de suffrages exprimés 48

Majorité absolue 25

Pour l'adoption 30

Contre 18

(L'article 1er est adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Mallot

Sur le vote de l'article 2, je suis saisi par le groupe Nouveau Centre d'une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Mallot

La parole est à M. le rapporteur pour soutenir l'amendement n° 4 .

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Dionis du Séjour

La Poste est maintenant devenue un établissement bancaire banalisé. Il ne semble donc pas nécessaire de préciser « les services financiers de La Poste ».

Debut de section - PermalienFrédéric Lefèbvre, secrétaire d'état chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme, des services, des professions libérales et de la consommation

L'amendement n° 4 présenté par la commission tend à supprimer, à la première phrase de l'alinéa 5 de l'article 2, les mots « ainsi que les services financiers de La Poste ».

En soi, cet amendement ne suscite pas l'opposition du Gouvernement. En effet, les services financiers de La Poste n'existent plus, et la banque postale est un établissement de crédit comme les autres.

Cet amendement ne crée pas d'opposition, même si le Gouvernement est défavorable à l'ensemble du dispositif de l'article 2.

J'en profite pour rappeler à M. Jean Dionis du Séjour que si les personnes qui viennent en commission de surendettement et qui ont souscrit cinq à huit crédits, n'ont pas toutes été victimes d'un accident de la vie, il est important pour le législateur de se rendre dans ces commissions de surendettement afin de mesurer à quel point les accidents de la vie jouent un rôle. Par accidents de la vie, j'entends les accidents économiques, comme la perte de l'emploi et le chômage, mais également des accidents relevant de la sphère privée comme un divorce, le renoncement à un travail pour s'occuper d'un parent malade ou handicapé.

Monsieur le rapporteur, savez-vous à quel moment ces personnes ont contracté leurs nombreux crédits ? La plupart du temps, et vous l'avez reconnu, il s'agit de crédits renouvelables liés ou non à des cartes de fidélité qu'elles ont obtenues lorsque tout allait bien.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Desallangre

Pas seulement, également quand tout allait mal. Lorsque les gens sont pris à la gorge, on ne va tout de même pas les condamner !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Mallot

Veuillez poursuivre, monsieur le secrétaire d'État.

Debut de section - PermalienFrédéric Lefèbvre, secrétaire d'état chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme, des services, des professions libérales et de la consommation

J'écoute les arguments qui sont avancés, monsieur le président.

N'ayant pas eu l'occasion, en fin de séance ce matin, de répondre précisément à Jean Dionis du Séjour sur ce point, je tiens à le faire.

Dans la détresse, ces personnes ont recours aux lignes de crédit octroyée à un moment où elles n'étaient pas en difficulté. Dans ce cas, le fichier positif n'aurait aucun effet.

Debut de section - PermalienFrédéric Lefèbvre, secrétaire d'état chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme, des services, des professions libérales et de la consommation

Cela n'aurait pas d'intérêt parce que ces personnes sont d'ores et déjà en situation de surendettement.

La loi Lagarde a apporté la réponse au problème soulevé par Jean Dionis du Séjour et vous-même, monsieur Desallangre, en encadrant le crédit renouvelable.

Jean Dionis du Séjour, ainsi que M. Maurer ont évoqué une étude réalisée par l'association CRESUS – dont je tiens à saluer l'action au quotidien dans l'accompagnement et le conseil aux personnes surendettées. Cette étude sur les 47 000 dossiers qu'elle a eu à connaître en 2010-2011 montre que les ménages surendettés sont liés par plus de huit crédits dans 78 % des cas.

Debut de section - PermalienFrédéric Lefèbvre, secrétaire d'état chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme, des services, des professions libérales et de la consommation

Cela étant, je pense pour ma part qu'il faut relativiser les résultats de cette étude, qui ne porte que sur un quart des dossiers traités. Vous avez, vous-même, évoqué les chiffres de la Banque de France, qui travaille sur 218 102 dossiers déposés en commission de surendettement en 2010. Les éléments communiqués par la Banque de France montrent que la proportion des cas liés au crédit est en moyenne de 13 %.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Christophe Lagarde

Vous pouvez vous interrompre, monsieur le ministre, les députés UMP sont maintenant en nombre suffisant pour voter contre l'article ! (Sourires.)

Debut de section - PermalienFrédéric Lefèbvre, secrétaire d'état chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme, des services, des professions libérales et de la consommation

Vous avez tout à l'heure, cher Jean-Christophe Lagarde, évoqué un cas personnel.

Debut de section - PermalienFrédéric Lefèbvre, secrétaire d'état chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme, des services, des professions libérales et de la consommation

Vous avez montré le document qu'on a adressé à votre épouse et vous avez confirmé que la loi Lagarde avait bien été appliquée car on ne lui a adressé ce document que parce que vous aviez au préalable donné sa situation pour que l'organisme de crédit soit en mesure de vérifier.

Pour aller au bout de votre raisonnement, il faudrait que votre épouse demande le crédit. C'est à ce moment-là que nous pourrions vérifier si la loi Christine Lagarde, en application depuis six mois, est bien respectée et quels sont les dispositifs de contrôle qui sont mis en oeuvre. En tout état de cause, j'ai été interpellé par votre propos, monsieur Lagarde.

Debut de section - PermalienFrédéric Lefèbvre, secrétaire d'état chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme, des services, des professions libérales et de la consommation

Donnez-moi d'autres éléments d'information !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Mallot

Je ne suis pas sûr d'avoir tout à fait perçu l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° 4 (Rires sur les bancs du groupe NC.) Est-ce un avis favorable ou défavorable ?

Debut de section - PermalienFrédéric Lefèbvre, secrétaire d'état chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme, des services, des professions libérales et de la consommation

Je vais répéter ce que j'ai dit… (« Non ! » sur les bancs du groupe NC)…puisque M. le président m'y invite.

Debut de section - PermalienFrédéric Lefèbvre, secrétaire d'état chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme, des services, des professions libérales et de la consommation

Je pensais pourtant avoir été clair !

Dans l'absolu, le Gouvernement ne peut être hostile à l'amendement n° 4 (Exclamations et applaudissements sur les bancs du groupe NC) qui se borne à faire le constat d'une réalité. Cela dit, cet amendement s'inscrit dans un texte auquel le Gouvernement est défavorable !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Mallot

Vous êtes favorable à un amendement, mais défavorable au texte ! J'essaie de comprendre !

Debut de section - PermalienFrédéric Lefèbvre, secrétaire d'état chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme, des services, des professions libérales et de la consommation

Désolé, je vais devoir prendre encore un peu de temps (Exclamations sur les bancs du groupe NC.) pour expliquer ma position au président.

Sur le fond, l'amendement ne fait que constater une évidence, mais dans la mesure où il se rapporte à un texte auquel le Gouvernement n'est pas favorable, il ne peut être que défavorable à l'amendement ! (Exclamations sur les bancs du groupe NC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Mallot

Voilà qui est plus clair.

La parole est à M. Serge Poignant, président de la commission des affaires économiques.

Debut de section - PermalienPhoto de Serge Poignant

Si l'article 1er a recueilli un vote favorable, c'est parce qu'une vraie discussion a eu lieu en commission sur cet article, un certain nombre de nos amis partageant son objectif.

Nous en sommes maintenant à l'article 2. J'ai regretté que Jean Dionis du Séjour, avec qui le débat est toujours constructif, …

Debut de section - PermalienPhoto de Serge Poignant

…ait pu dire que notre discussion au sein de notre groupe de travail a été pathétique. Il n'en est rien, cher collègue. Vous n'étiez d'ailleurs pas présent, et je ne suis pas certain que cette absence ait été liée à des questions d'agenda.

Monsieur le secrétaire d'État, vous avez décidé de lancer ce groupe de travail qui a réuni la majorité et l'opposition. Après avoir entendu M. Constans et le vice-président de la CNIL, je puis vous dire que nous avons eu des éléments techniques à notre disposition et s'agissant des identifiants, nous n'avons pas trouvé mieux que le NIR. Mais le NIR n'étant pas parfait, car d'une grande complexité juridique, je demande à l'ensemble de nos collègues de participer au groupe de travail afin d'avancer sur cette question. C'est pourquoi, en l'état actuel, nous ne pouvons voter ni l'article 2 ni la proposition de loi.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Christophe Lagarde

Je souhaite défendre l'amendement n° 4 pour lequel le Gouvernement a émis un avis favorable, même si in fine, il est en désaccord avec la proposition de loi. Je tiens à préciser cela à l'intention de nos collègues qui n'ont pas pu suivre le début de nos débats…(Sourires.). Le ministre a, ensuite, tenu à les convaincre, en leur absence, puis en leur présence, du sens dans lequel voter…

Vous avez repris l'exemple que j'ai cité ce matin, monsieur le ministre. Ce n'est pas le courrier envoyé à mon épouse qui est important, mais les millions de courriers envoyés chaque jour avant et après la loi Lagarde dont vous dites – et c'est vrai – qu'elle est inefficiente.

Debut de section - PermalienFrédéric Lefèbvre, secrétaire d'état chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme, des services, des professions libérales et de la consommation

J'ai dit tout l'inverse.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Christophe Lagarde

Pourquoi est-elle inefficiente ?

Vous avez dit vous-même que tous les trois ans, l'organisme de crédit doit revérifier la situation par rapport à la déclaration initiale. Il arrive que six mois après avoir déposé un dossier ou souscrit un crédit, on devienne chômeur, qu'un an après, le conjoint décède ou que l'on divorce. Bref, la situation économique de la personne qui a souscrit un crédit revolving – mais qui peut en souscrire dix, dix fois 2 000 euros – a changé. Or la loi Christine Lagarde ne tient absolument pas compte de ces éléments. C'est moins mal qu'avant, mais pendant trois ans, il ne faut surtout pas être au chômage, ni divorcer ni perdre son conjoint ! Ce n'est qu'ainsi que vous avez une chance d'être un peu protégé. Mais si vous êtes en difficulté, que le fisc réclame les sommes que vous lui devez, et que votre bailleur engage une procédure d'expulsion, c'est alors que vous demandez un crédit. Et il vous est accordé, sans que l'on regarde votre capacité d'endettement.

La vérifier est justement l'objet de l'article 2. L'article 1er vient d'être voté. Vous prétendez qu'il ne sert à rien puisqu'il existait déjà. Permettez-moi de vous dire que l'article 1er comme la loi Christine Lagarde ne servent à rien si les moyens de vérifier le niveau d'endettement n'existent pas.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Christophe Lagarde

Ces moyens, nous les refusons depuis des années et ce qui fait que tous les systèmes seraient inefficients. Vous avez voulu comparer la loi Lagarde et la proposition de loi Lagarde-Dionis du Séjour. La seconde aurait le mérite d'être efficace. Et s'agissant de l'identifiant, mais nous y reviendrons, il est assez facile de régler le problème.

Debut de section - PermalienFrédéric Lefèbvre, secrétaire d'état chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme, des services, des professions libérales et de la consommation

Chacun doit être bien conscient que ce qui vient d'être dit ne correspond pas à la réalité sur la question des délais.

La vérification au bout de trois ans, qui figure dans le texte, c'est la remise à plat complète de la situation de l'emprunteur. Pour le reste, la vérification se fait tous les ans, c'est du reste ce que vous prévoyez dans le texte de l'article 2, sauf que cela se fait sur le fichier négatif alors que vous, vous proposez de le faire sur un fichier positif. Je ne reviendrai pas sur ce point car nous avons eu un long débat pour expliquer les raisons pour lesquelles, ce fichier pose problème en termes de libertés publiques. Un groupe de travail a été mis en place et j'ai noté avec satisfaction que vous vous étiez engagé à y participer. Nous allons travailler dans les semaines et les mois qui viennent.

Debut de section - PermalienFrédéric Lefèbvre, secrétaire d'état chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme, des services, des professions libérales et de la consommation

Il ne faut pas tromper les gens. La question des délais, c'est trois ans pour la remise à plat de la situation et une vérification chaque année. Et dans les deux cas, c'est la même chose.

Debut de section - PermalienPhoto de Eric Berdoati

J'ai bien entendu notre collègue Lagarde. Ce qu'il a décrit existe en effet. Mais il propose que les vingt-cinq millions de personnes qui ont un prêt en cours soient fichées pour pouvoir ensuite faire des croisements. Il aurait été préférable d'envisager une démarche différente.

À partir du moment où la personne demande à contracter un prêt, revolving ou autre, il faudrait pouvoir connaître la situation de cette personne dans toutes les banques. Cela éviterait de ficher l'ensemble des vingt-cinq millions de personnes qui sont titulaires d'un prêt.

Debut de section - PermalienPhoto de Eric Berdoati

Notre groupe est défavorable à un tel fichage.

(L'amendement n° 4 n'est pas adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Mallot

Je suis saisi d'un amendement n° 1 .

La parole est à Mme Frédérique Massat.

Debut de section - PermalienPhoto de Frédérique Massat

Monsieur le président, me permettez-vous de présenter en même temps l'amendement n° 2  ?

Debut de section - PermalienPhoto de Frédérique Massat

Ces deux amendements reposent sur la même philosophie et, comme vous le savez, monsieur le rapporteur, le sort qui leur sera réservé conditionnera notre vote final.

J'aimerais tout d'abord faire part de mon expérience dans ma circonscription. Les accidents de la vie ne sont seuls à entraîner des situations de surendettement. Aujourd'hui, les conditions de vie sont très difficiles. Dans ma permanence, je reçois, comme d'autres de mes collègues, des personnes qui sont en situation de surendettement alors même qu'elles travaillent et qu'elles vivent en couple, avec deux salaires. Pourquoi ? Parce que les salaires n'augmentent pas, que le coût de la vie est de plus en plus élevé et qu'à cela s'ajoute la spirale du crédit revolving.

Ces deux amendements ont pour objet de modifier les conditions d'accès au fameux répertoire national des crédits aux consommateurs dont nous débattons.

L'amendement n° 1 vise à remplacer les deux dernières phrases de l'alinéa 7 de l'article 2 par les phrases suivantes : « Ce fichier est indisponible aux établissements de crédit. L'emprunteur interroge la Banque de France sur son état d'endettement. ».

L'amendement n° 2 supprime l'alinéa 8.

Comme nous l'avons expliqué ce matin avec Jean Gaubert, le groupe SRC serait favorable à la création d'un répertoire national à la seule condition que ce soit l'emprunteur et non l'établissement de crédit qui puisse y avoir accès. Il en va du respect des libertés individuelles. Nous ne faisons pas particulièrement confiance aux établissements de crédit et préférons proposer un encadrement de ce dispositif.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Mallot

Quel est l'avis de la commission sur ces deux amendements ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Dionis du Séjour

Le président Poignant a rappelé que la commission était défavorable à l'article 2.

Nous sommes assez proches du groupe socialiste s'agissant de l'importance de la création d'un répertoire national des crédits aux consommateurs mais nous divergeons lorsqu'il estime qu'il faut en réserver l'accès à l'emprunteur.

Tout à l'heure, nous avons assisté à un moment important dans la vie de notre Parlement : notre assemblée a voté en faveur de la responsabilisation des prêteurs. Je suis sûr que l'ensemble des personnes qui travaillent sur les questions de surendettement seront sensibles à cette avancée.

Il faut toutefois bien voir, chers collègues du groupe socialiste, que pour que cette responsabilisation soit efficace juridiquement, les prêteurs doivent disposer d'un accès au fichier et aux informations incontestables qu'il contient indépendamment du prêteur.

Il importe également de se mettre à la place d'une personne surendettée. Très souvent, la détresse la pousse à cacher la vérité à ses interlocuteurs. Comment imaginer qu'elle ira dire à l'employé de l'établissement de crédit qu'elle a sept ou huit lignes de crédit ?

L'équilibre même du dispositif repose sur le libre accès au répertoire de l'emprunteur – nous en sommes bien d'accord – mais aussi du prêteur. Pour cette double raison, la commission a émis un avis défavorable sur ces amendements.

Maintenant que les rangs de la majorité sont plus denses, et que j'y vois des personnes qui ont une vraie fibre sociale – Catherine Vautrin, Michèle Alliot-Marie, Hervé Mariton, Christian Jacob…

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Dionis du Séjour

…j'exhorte mes collègues à faire bien attention à ce qui est en jeu dans cette proposition de loi. Ce débat, nous l'avons depuis dix ans : c'est une longue marche du Parlement français vers la création d'un dispositif de lutte contre le surendettement qui soit efficace socialement.

Debut de section - PermalienFrédéric Lefèbvre, secrétaire d'état chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme, des services, des professions libérales et de la consommation

Le Gouvernement est défavorable à ces deux amendements.

Votre assemblée a déjà adopté dans le cadre de la loi Lagarde le principe de coresponsabilité – à l'unanimité, si je me souviens bien. Celui-ci n'est pas directement lié au caractère positif ou négatif du fichier. Vous pouvez fort bien faire peser sur l'emprunteur la responsabilité de vérifier la situation du prêteur à partir d'un fichier négatif.

Si le Gouvernement est défavorable à l'article 2 et plus globalement à cette proposition de loi, c'est qu'elle organise un basculement vers un fichier positif alors même qu'un groupe de travail se consacre à ce dossier à travers des questions bien identifiées. Emmanuel Constans, auquel vous avez rendu hommage tout à l'heure, monsieur le rapporteur, a clairement montré qu'il existait des difficultés. Il faut les mettre à plat et poursuivre ce travail.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Christophe Lagarde

Chers collègues du groupe socialiste, vos amendements n'ont rien de véritablement choquant. Toutefois il ne sert à rien de laisser l'accès au fichier au seul emprunteur si l'on veut coresponsabiliser le prêteur. Il faudra bien qu'à un moment ou où un autre, l'emprunteur donne des informations sur son état d'endettement au prêteur. Le système que nous proposons est beaucoup simple.

En l'absence de fichier, il n'est pas possible de croiser les informations. C'est bien parce que depuis des années, la France refuse de se doter de ce fichier, qui existe dans de très nombreux pays européens, que nous ne sommes pas efficients et que l'endettement moyen par personne surendettée est en France deux fois supérieur à ce qu'il est ailleurs en Europe – 45 000 euros contre 20 000 euros. Les mêmes arguments ressortent à chaque débat et nous faisons du surplace.

Je comprends les positions des uns et des autres mais je tiens à préciser que la CNIL n'a jamais dit que ce fichier était dangereux. Elle se demande s'il est légitime de créer un fichier recensant des informations concernant 25 millions de personnes détentrices de crédits ou de cartes – même si elles ne l'utilisent pas – pour éviter que le surendettement ne s'étende chaque année à 200 000 nouveaux ménages et que la situation des personnes déjà surendettées ne s'aggrave.

Cette question-là, chers collègues, a déjà été tranchée par le Gouvernement.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Christophe Lagarde

Madame Lagarde, dans cet hémicycle, a affirmé que le débat était clos et qu'un tel fichier était nécessaire.

Dès lors, tout est question de volonté politique. Il y a largement matière à enrichir le texte à travers la navette grâce à la compétence de vos services, monsieur le secrétaire d'État, et aux apports du Sénat.

Ce texte, j'espère que nous l'adopterons sous cette législature et avec cette majorité. Il me fait penser à la taxation sur les transactions financières ou encore à la règle d'or : tout le monde sait que nous devons y venir. Nous avons peut-être raison trop tôt. Mais cela fait huit ans que cela dure : à raison de 200 000 nouveaux ménages en situation de surendettement chaque année, cela fait 1,6 million de familles. Or on pouvait l'éviter dans un cas sur trois. (Applaudissements sur les bancs du groupe NC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Frédérique Massat

Monsieur le rapporteur – je m'adresse à vous car il ne semble pas y avoir de discussion possible avec M. le secrétaire d'État qui est opposé à tout –, je tiens à souligner que nos amendements visent à responsabiliser l'emprunteur. Nous considérons que si celui-ci ne souhaite pas faire part de son état d'endettement, cela relève de sa seule responsabilité. L'établissement de crédit pourra en tirer toutes les conséquences qui s'imposent.

Pour votre part, vous faites fi de cette responsabilité, puisque vous donnez aux établissements de crédit libre accès au fichier.

(L'amendement n° 1 n'est pas adopté.)

(L'amendement n° 2 n'est pas adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Mallot

La parole est à Mme Frédérique Massat, pour défendre l'amendement n° 3 .

Debut de section - PermalienPhoto de Frédérique Massat

Cet amendement est secondaire par rapport aux précédents.

À la suite des propositions du rapport Constans, il vise à instituer un comité de surveillance, instance de régulation et d'échanges qui serait composée du ministre en charge de l'économie ou de son représentant, du Gouverneur de la Banque de France, d'un représentant de la CNIL, de deux députés et de deux sénateurs, de représentants des associations de consommateurs agréées, d'un représentant du secteur bancaire et de deux personnalités qualifiées désignées par le ministre chargé de l'économie. Il se réunirait chaque trimestre.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Dionis du Séjour

La commission a donné un avis favorable. Il est logique de donner une gouvernance au répertoire. La proposition socialiste s'inscrit dans la droite ligne du rapport Constans.

Debut de section - PermalienFrédéric Lefèbvre, secrétaire d'état chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme, des services, des professions libérales et de la consommation

Le Gouvernement est défavorable à cet amendement pour une raison simple : il est opposé à la création non pas du comité de surveillance en lui-même mais du fichier positif qu'il serait chargé de surveiller.

Nous avons déjà dit qu'il ne serait pas raisonnable de créer un tel fichier à l'occasion de cette proposition de loi alors même qu'un groupe de travail se consacre à ce sujet.

Il ne s'agit pas de questions de principe, monsieur Lagarde, vous qui parlez de retour en arrière et de régression. Il s'agit de difficultés concrètes. Le groupe de travail, auquel participe le président Poignant, des députés de tous les groupes de cet hémicycle, se penche sur des questions pratiques qui ont permis de mettre en évidence de graves problèmes, la proportionnalité ou de la durée de cinq ans, pour n'en citer que quelques-uns.

De surcroît, vous ne précisez pas dans le texte quel identifiant serait utilisé. Le dispositif ne serait pas applicable.

Debut de section - PermalienFrédéric Lefèbvre, secrétaire d'état chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme, des services, des professions libérales et de la consommation

Oui, vous avez parlé du fichier national des comptes bancaires et assimilés, justement parce que vous avez eu l'honnêteté de dire que le dispositif proposé dans le texte n'était pas complet. Le groupe de travail a été unanime – je parle sous le contrôle du président Poignant – pour dire qu'il était impossible de retenir le FICOBA. Ce serait faire courir de vrais risques à nos compatriotes en matière de libertés publiques puisque le FICOBA a donné lieu de manière récurrente à des incidents liés à des problèmes d'homonymie : des personnes se retrouvent pénalisées du seul fait qu'elles portent le même nom qu'une personne visée car le fichier n'est pas suffisamment précis. Le rapport du comité de préfiguration présidé par Emmanuel Constans a écarté cette solution.

Debut de section - PermalienFrédéric Lefèbvre, secrétaire d'état chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme, des services, des professions libérales et de la consommation

Je suis donc opposé à cet amendement comme je suis opposé à cette proposition de loi. Il faut attendre qu'un travail de fond soit effectué pour lever tous les obstacles juridiques et pratiques.

Debut de section - PermalienPhoto de Serge Poignant

Cet amendement a été examiné dans le cadre de l'article 88, il n'a donc pas fait l'objet d'une discussion en commission. Mme Massat l'a dit elle-même : il est secondaire par rapport aux deux précédents.

Nous venons de débattre du contenu de cette proposition de loi – et je rappelle à mon collègue Lagarde qu'effectivement tout le monde a jugé que le FICOBA ne convenait pas, et que le NIR pose des problèmes. Il y a un groupe de travail ; pour ma part, en tant que président de la commission, je demande que ce groupe de travail poursuive sa mission, et donc, dans cet esprit, le rejet de cet amendement.

(L'amendement n° 3 n'est pas adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Mallot

Nous allons maintenant procéder au scrutin public sur l'article 2.

(Il est procédé au scrutin.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Mallot

Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants 73

Nombre de suffrages exprimés 73

Majorité absolue 37

Pour l'adoption 22

Contre 51

(L'article 2 n'est pas adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Mallot

Nous avons achevé l'examen des articles de la proposition de loi.

Sur le vote de l'ensemble de la proposition de loi, je suis saisi par le groupe UMP d'une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Mallot

Dans les explications de vote, la parole est à M. Jean-Christophe Lagarde.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Christophe Lagarde

Vous comprendrez, comme je le disais lors de la présentation de cette proposition de loi, la déception du groupe Nouveau Centre qui voit, une fois de plus, la troisième dans cet hémicycle depuis huit ans, la sixième même si l'on compte nos tentatives par voie d'amendement, voit rejeter ce principe.

Notre plus grande déception ne vient pas du vote, annoncé par avance, de la majorité ; notre plus grande déception vient du revirement du Gouvernement. Mme Lagarde avait admis, ici même, il y a de cela deux ans, la nécessité de créer ce répertoire national des crédits, pour aider une large part de celles et ceux qui entrent dans le surendettement, en leur évitant ce sort, ou à tout le moins en réduisant les sommes en jeu.

Aujourd'hui, monsieur le secrétaire d'État, vous nous dites que vous avez réfléchi, que le Gouvernement n'y est plus favorable, en prenant notamment prétexte de problèmes pour choisir un identifiant. Vous dites que vous allez mettre en place un groupe de travail. Mais ce groupe de travail n'a pas existé depuis deux ans ! La commission Constans, elle, a existé. Vous avez raison : il y a un débat sur l'identifiant. Mais il ne faut pas faire croire à l'opinion publique, aux gens qui nous écoutent, que c'est à cause de cela que nous hésiterions. Pas du tout ! Le choix de l'identifiant relève du domaine réglementaire : c'est donc à vous qu'il reviendra de choisir quel sera l'identifiant utilisé si ce fichier est créé.

Il n'est donc vraiment pas logique de refuser de créer le fichier sous le prétexte de la difficulté à choisir un identifiant, quand ce choix relève de votre seule responsabilité !

Vous m'appelez à prendre les miennes : je les prends, et je propose d'utiliser le fichier FICOBA. Vous m'objectez alors que la commission Constans s'est prononcée contre, à l'unanimité. Tiens donc ! Dans la commission Constans, les banques, et particulièrement le Crédit agricole et la BNP, qui ne veulent pas de ce fichier, ont fait en permanence du lobbying pour empêcher sa création, parce qu'elles espèrent ainsi préserver un avantage commercial sur leurs concurrents ; ce sont elles qui ont inventé l'histoire du NIR. Quand la CNIL nous a auditionnés, Jean Dionis du Séjour et moi-même, nos interlocuteurs ne nous ont jamais dit que le FICOBA était dangereux ! Ils ont au contraire indiqué qu'il leur apparaissait bizarre, étrange disait-on ce matin dans l'hémicycle, d'aller chercher un numéro de sécurité sociale, c'est-à-dire un numéro relevant de la sphère sociale, pour créer un fichier relevant du monde bancaire.

Quant au fichier FICOBA, avec lequel vous cherchez à faire peur, nous y figurons tous aujourd'hui ! Nous sommes tous fichés, nous avons tous un numéro FICOBA, puisque nous sommes tous ici titulaires d'un compte bancaire. Il est utilisé tous les jours par les huissiers de justice, qui exécutent des décisions de justice. Et vous nous dites qu'il est dangereux, qu'il pose des problèmes ? Les banques l'utilisent tous les jours pour échanger des informations sur des incidents de paiement. Et vous nous dites qu'il est dangereux ? Mais alors il faut le supprimer immédiatement ! L'argument tombe de lui-même, cela n'a pas de sens.

Le taux d'incidents, c'est 7 ‰ ! Et ces incidents se règlent très rapidement. Le vrai problème n'est pas là ; le vrai problème, c'est qu'il faut une volonté politique. Les acteurs du crédit que sont les deux grandes banques que je citais, la BNP et le Crédit agricole, ne veulent pas de ce fichier. C'est curieux, d'ailleurs : elles l'utilisent partout en Europe – là où elles veulent rentrer sur des marchés ! Mais, sur le marché qu'elles veulent considérer comme captif, elles le refusent.

La conséquence est simple. J'ai vécu le parcours des différentes propositions de loi au cours des dix dernières années. On nous a d'abord parlé de déficit d'information. Pouvez-vous, mes chers collègues, me dire que les gens qui viennent vous voir dans vos permanences sont entrés dans le surendettement seulement parce qu'ils n'étaient pas bien informés ? Vous savez bien que ce n'est pas vrai. Le Gouvernement nous a dit ensuite qu'il acceptait le principe de coresponsabilité. Mais que nous dit M. le secrétaire d'État d'aujourd'hui ? Pour vous, monsieur le secrétaire d'État, la coresponsabilité, c'est seulement que, lorsque quelqu'un demandera le renouvellement d'un crédit, on regardera si la personne n'a pas déjà eu un incident de paiement. Oh, c'est bien ! Mais très franchement, attendre que quelqu'un ait fait une sortie de route pour lui dire de ralentir, cela me paraît un peu, un tout petit peu décalé ! Quand vous figurez au fichier des incidents de paiement, c'est que vous avez déjà dérapé, que vous avez déjà versé dans le fossé.

J'ai donc de profonds regrets. Mais, au besoin, nous y reviendrons. Je le disais, j'aurais souhaité que ce soit cette majorité qui le fasse : cela aurait été, je crois, tout à son honneur d'adopter ce principe de coresponsabilité, et de se donner les moyens de le mettre en place.

Savez-vous qu'aujourd'hui, certains organismes bancaires, qui ont sept ou huit organismes de crédit, ne sont même pas capables de savoir si le client à qui l'une de leurs filiales prête est déjà endetté auprès de l'une des autres filiales ?

On pouvait se donner les moyens d'agir. Vous allez, malheureusement, refuser de le faire, et ainsi rendre impossible la vérification réelle de l'endettement de nos concitoyens. Naturellement, le groupe Nouveau Centre le regrette, et il ouvrira à nouveau, au cours de la prochaine législature, ce même débat.

J'espère que cela se fera avec la même majorité, qui aura évolué, parce que je crains qu'une autre majorité ne fixe un jour un seuil maximal d'endettement, ce qui serait aussi problématique que la situation que nous connaissons aujourd'hui. (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe NC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Mallot

Pour le groupe GDR, la parole est à Mme Marie-Hélène Amiable.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Hélène Amiable

Roland Muzeau a expliqué ce matin pourquoi notre groupe votera contre cette proposition de loi, et Jacques Desallangre a donné sa position. Le surendettement est une question difficile et douloureuse ; pour la résoudre, il faut agir dans deux directions. D'abord, il faut responsabiliser les banques, les recentrer sur leurs missions d'intérêt général, et leur interdire les pratiques prédatrices trop fréquentes aujourd'hui. Ensuite, il faut réduire les inégalités en relevant le niveau des salaires et des pensions.

Si l'on peut louer les intentions de ses auteurs, cette proposition de loi ne règle pas la question. Avec le fichier que vous proposez, l'organisme prêteur ne s'appuiera pas plus, pour ouvrir un crédit à la consommation, sur les revenus effectifs du ménage ; il se donnera bonne conscience en constatant l'absence d'inscription au fichier.

Le fichier positif ne créera pas de droit supplémentaire, mais pénalisera des milliers de familles qui ne peuvent accéder à un crédit à un taux raisonnable. C'est le taux de ces crédits qui constitue, selon nous, le coeur du problème : sur ce point, ni l'UMP ni le Nouveau Centre n'ont agi au cours de cette législature.

Pour toutes ces raisons, le groupe GDR s'opposera à cette proposition de loi.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Mallot

Pour le groupe UMP, la parole est à M. Éric Berdoati.

Debut de section - PermalienPhoto de Eric Berdoati

Nous avons déjà passé beaucoup de temps sur ce dossier ; j'exprimerai donc rapidement la position qui est celle du groupe UMP depuis le début : le problème, c'est celui de la création d'un fichier qui comprendrait 25 millions de personnes. Je ne reviens pas sur les arguments échangés, même si nos avis divergent. Bien évidemment, le groupe UMP est défavorable à l'adoption de cette proposition de loi. (Exclamations sur les bancs du groupe NC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Dionis du Séjour

Contrairement à ce que disait Mme Lagarde l'année dernière !

(Mme Catherine Vautrin remplace M. Jean Mallot au fauteuil de la présidence.)

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

Pour le groupe SRC, la parole est à Mme Frédérique Massat.

Debut de section - PermalienPhoto de Frédérique Massat

En préambule, je souhaite vous dire, monsieur le secrétaire d'État, qu'il est inacceptable que, pour les propositions de loi de la majorité, c'est-à-dire des groupes UMP et Nouveau Centre, nous votions les amendements, et l'ensemble du texte le jour de la discussion, alors que les textes de l'opposition, c'est-à-dire les groupes socialiste et communiste, les votes sont systématiquement réservés, à la demande du Gouvernement.

Debut de section - PermalienPhoto de Frédérique Massat

Absolument : l'hémicycle est vide, nous parlons dans le vide, nos amendements ne sont pas discutés, et on ne nous répond même pas. (Vives exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Jacob

Aujourd'hui ce sont vos bancs qui sont vides ! Vous êtes deux !

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

Un peu de calme, mes chers collègues. Madame Massat, nous en sommes aux explications de vote sur le texte.

Debut de section - PermalienPhoto de Frédérique Massat

Alors, monsieur le secrétaire d'État, permettez-moi de vous dire qu'au même titre que vous sur ces bancs, nous sommes des représentants de la nation ! Aujourd'hui, vous regrettez quelque peu, je crois, de ne pas avoir demandé la réserve des votes, qui aurait pu vous éviter des votes contraires à ce que vous auriez souhaité, du moins sur l'article 1er.

Nous souhaiterions pour notre part que tous les représentants de la nation soient traités de la même façon. Nous sommes tous députés, et méritons que nos textes soient examinés dans les mêmes conditions. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Sur ce texte, nous l'avons dit à M. le rapporteur, nous l'avons dit au groupe Nouveau Centre : nous avons proposé une ouverture ; nous étions prêts à voter ce texte si nos amendements concernant l'accès à ce fichier par les seuls particuliers emprunteurs étaient acceptés. Ils ne l'ont pas été. (Mêmes mouvements.) Vous ne serez donc pas surpris de ce que je vais dire.

Nous étions d'accord sur l'article 1er, qui était d'ailleurs une proposition de Ségolène Royal. (Vives exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Eh oui ! Ségolène Royal avait, en son temps, fait cette proposition. Mais nous avons aussi répété, quand nous avons pris la parole dans cet hémicycle, qu'effectivement…

Debut de section - PermalienPhoto de Frédérique Massat

Merci, madame la présidente. Non, nous avons dit que nous aurions pu le voter si l'accès du fichier était réservé au seul emprunteur. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Nous ne voterons donc pas ce texte.

Mais je souhaite dire quand même que le surendettement, c'est aussi un effet d'une politique globale : on ne peut pas l'envisager comme un simple problème de création de fichier, positif ou pas. Cela ne suffit pas ! C'est pourquoi nous avons fait, au cours de cette mandature, de nombreuses propositions : je ne vais pas les rappeler, mais je vous dirai, monsieur le secrétaire d'État, que la majorité sénatoriale s'est saisie de votre texte relatif aux droits, à la protection et à l'information des consommateurs.

La majorité sénatoriale a voté, dans ce texte – qui nous reviendra peut-être un jour en deuxième lecture – des mesures concernant le surendettement : création d'un crédit bancaire pour les populations les plus défavorisées ; encadrement et baisse du taux de l'usure ; plafonnement des taux d'intérêt variables pour les particuliers ; protection des consommateurs contre les emprunts toxiques fondés sur les risques d'échange par nature aujourd'hui imprévisibles ; et surtout, le Sénat a souhaité interdire qu'un crédit renouvelable soit associé à une carte ouvrant droit à des avantages commerciaux ou promotionnels, ou à une carte de paiement.

Ces mesures figurent aujourd'hui dans ce texte, qui sera peut-être inscrit à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale. Mes chers collègues, je vous invite donc à vous rapprocher de ces propositions ; nous débattrons peut-être de ces mesures dans cet hémicycle avant la fin de la législature. En attendant, nous regrettons fortement que le Nouveau Centre n'ait pas fait preuve d'ouverture à notre égard, et nous voterons contre ce texte.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

Nous allons maintenant procéder au scrutin public sur l'ensemble de la proposition de loi.

(Il est procédé au scrutin.)

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants 79

Nombre de suffrages exprimés 79

Majorité absolue 40

Pour l'adoption 22

Contre 57

(La proposition de loi n'est pas adoptée.)

Vote sur l'ensemble

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Mallot

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures quinze, est reprise à seize heures vingt, sous la présidence de M. Jean Mallot.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Mallot

L'ordre du jour appelle la discussion, sur le rapport de la commission mixte paritaire, de la proposition de loi relative aux recherches impliquant la personne humaine (n° 4170.)

La parole est à M. Olivier Jardé, rapporteur de la commission mixte paritaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Olivier Jardé

Monsieur le président, madame la secrétaire d'État chargée de la santé, mes chers collèges, j'ai l'honneur de vous présenter les conclusions de la CMP qui s'est réunie la semaine dernière pour parvenir à un texte commun entre l'Assemblée et le Sénat.

Le processus législatif a été long puisque la proposition de loi a été déposée le 9 janvier 2009. Mais ce laps de temps a finalement été fructueux puisque le texte a été fortement enrichi. Ainsi, nous sommes passés de quatre à quinze articles, lesquels sont parfaitement justifiés.

Je dois reconnaître qu'au départ le texte proposé par l'Assemblée nationale et celui issu du Sénat étaient fort éloignés l'un de l'autre. Mais ces trois ans ont été très productifs et ont permis une démarche constructive. Mon homologue au Sénat, Jean-Pierre Godefroy, a été aussi soucieux que moi de s'inscrire dans ce cadre.

Je veux également associer à cette démarche transcourants le professeur Touraine avec qui j'ai travaillé avec beaucoup de plaisir. Les clivages habituels entre la gauche et la droite ont complètement volé en éclats, ce qui a permis d'aboutir à un texte souhaité par les chercheurs mais aussi les associations de malades.

J'ai la ferme conviction que cette proposition de loi marquera une étape très importante dans l'évolution du droit de la recherche. Ce droit est issu de la loi fondatrice de Claude Huriet du 20 décembre 1988. Mais cette loi avait été modifiée par de nombreux textes, si bien que nous étions parvenus à un millefeuille, un texte difficile à appliquer, voire complètement déconnecté de la recherche actuelle.

Notre proposition de loi étend le champ d'application de la loi Huriet et en met certains aspects à jour. Toutefois, elle ne cherche pas à déplacer l'équilibre qui avait été obtenu en 1988, à savoir promouvoir la recherche sans laquelle il n'y a pas de progrès pour l'homme tout en protégeant les personnes qui se prêtent à ces recherches. Cet équilibre a été maintenu, ce qui est une excellente chose.

La loi devait évoluer parce que la science a évolué. En vingt-quatre ans, la science a changé et la recherche observationnelle est devenue une réalité qui permet des avancées. Cette observation sur des groupes importants permet de sérier complètement nos indications. En pédiatrie, peut-on faire vivre un enfant qui naîtra alors que la mère était à cinq mois et demi de grossesse sans altérer son quotient intellectuel à vingt ans ? Je pense également aux malades du coeur à qui l'on pose des stents. Les problèmes de rethrombose sont-ils liés à des habitudes alimentaires, à des habitudes de vie ?

La recherche observationnelle est importante. Suivre des cohortes pendant de longues périodes est tout à fait primordial. Le développement de ces recherches est tout à fait récent ; elles étaient jusqu'à présent ignorées de la loi. Il n'y avait aucun contrôle par un comité d'éthique, aucun guide de bonne pratique par l'AFSSAPS. Il y avait donc là un vide juridique qu'il fallait combler. Contrairement à certaines idées reçues, ce vide juridique était mal vécu par les chercheurs qui sont demandeurs d'un cadre légal plus solide. La raison en est simple : les grandes revues scientifiques internationales n'acceptent de publier les résultats d'une étude que si celle-ci a été contrôlée par un comité d'éthique. Le professeur Touraine, le professeur Thuillier et moi-même avons tous rencontré le même problème de chefs de clinique qui n'arrivaient pas à faire des publications internationales à cause de ce vide juridique.

Cela illustre l'une de mes convictions les plus profondes, à savoir qu'il n'y a pas de contradiction entre l'intérêt des chercheurs et la protection des personnes. Notre mission n'est pas de privilégier les uns au détriment des autres. Elle consiste à organiser leurs rapports dans l'intérêt de tous.

Si je disais à l'instant que le droit en vigueur méritait une refonte d'ensemble, c'est aussi parce que les nombreuses retouches dont la loi Huriet a fait l'objet au cours de la dernière décennie en ont fait un véritable millefeuille, les textes étant parfois complètement contradictoires. Personnellement, je suis totalement responsable puisque j'ai voté en 2004 la loi relative à la santé publique et la loi relative à la bioéthique, ces deux textes étant contradictoires. Je m'en suis rendu compte plus tard. À force de légiférer, on a parfois du mal à en voir tous les impacts.

Voilà les raisons qui m'ont conduit à présenter cette proposition de loi, qui remet sur le métier tout notre droit. Je dis « tout notre droit », parce que notre texte offre à l'ensemble des recherches sur la personne un cadre légal commun, avec un socle de procédures et de garanties communes à toutes les personnes, à tous les chercheurs, et à toutes les instances de contrôle.

Le principe est de considérer qu'il y a trois niveaux de recherche : le niveau de recherche avec risques, base de la loi Huriet, la recherche en soins courants ou avec risques minimes, enfin la recherche observationnelle. Dans cette logique, il n'y aura plus de différence procédurale d'une recherche à une autre qu'en fonction du risque et des contraintes que chacune présente. D'où un niveau équivalent qui correspond au niveau de l'acceptabilité de ce type de recherche.

Si j'insiste sur le fait que notre texte ne traite que de la recherche impliquant la personne humaine, c'est parce que j'ai tenu à ce que cette recherche fasse l'objet d'un travail législatif spécifique. Ce n'est pas une loi d'éthique, mais une loi totalement organisationnelle de la recherche médicale. La recherche ne doit pas être traitée au détour d'un texte sur les droits des malades, comme en 2002 avec la loi Kouchner sur la santé publique, ou en 2004 avec la loi relative à la bioéthique. On pourrait citer aussi les directives européennes de 2001, la loi de 2006 de programme sur la recherche et la loi de 2008 sur le médicament.

Venons-en au résultat des travaux de la CMP qui s'est tenue la semaine dernière. Sur les quinze articles que compte le texte, six avaient déjà été adoptés dans les mêmes termes par les deux assemblées.

Six modifications introduites par le Sénat m'ont semblé tout à fait utiles. Il s'agit de dispositions précisant le contenu du répertoire des recherches, renforçant les garanties des personnes hors d'état de consentir à une recherche, précisant les conditions de prise en charge de certains produits par l'assurance maladie, étoffant l'information des comités de protection des personnes sur les recherches entreprises hors de l'Union européenne demandée par les chercheurs, enfin améliorant le contrôle des fichiers informatiques.

Restaient quatre points de divergence tout à fait importants entre le texte du Sénat et celui de l'Assemblée, et qui ont nécessité toutes ces navettes et des discussions certes assez productives, mais parfois difficiles.

Le premier concernait les formalités de recueil du consentement des personnes aux recherches. Nous avons trois niveaux de recherche et j'ai proposé, ainsi que Jean-Louis Touraine, trois niveaux de consentement, alors que le Sénat n'en souhaitait que deux. La CMP a choisi de reprendre la gradation très claire des formalités de recueil du consentement en fonction du degré de risque, qui découle de la convention d'Oviedo : consentement écrit pour les recherches avec risque, consentement « libre et éclairé » pour les recherches avec risques minimes, et délivrance d'une information pour le stade 3. Je salue d'ailleurs la présence du professeur Lemaire, lequel m'a bien aidé dans la compréhension de cette convention.

Le deuxième point touchait au mode de désignation des comités de protection des personnes. Le texte du Sénat retenait le principe du tirage au sort. Or nous avons 40 CPP de niveau, il faut bien l'admettre, inégal. Le texte de l'Assemblée, lui, s'en tenait au système actuel dans lequel le promoteur d'une recherche s'adresse au comité de son choix. Les deux systèmes avaient chacun des avantages et des inconvénients. Ainsi, le Sénat préférait le tirage au sort par souci d'éviter les conflits d'intérêts, voire le « copinage » ; à l'inverse, le point de vue de l'Assemblée reposait sur le constat que les CPP actuels ont des pratiques encore trop hétérogènes pour que n'importe lequel d'entre eux puisse examiner un projet de recherche avec le même degré d'expertise.

Là aussi, les travaux de la CMP ont été fructueux. Elle propose de laisser deux ans à la commission nationale de recherche pour harmoniser les pratiques des CPP. Le tirage au sort est tout à fait envisageable mais il convient pour cela d'avoir des CPP de même niveau. La commission nationale permettra d'harmoniser ces CPP avant la date butoir du 1er juillet 2014.

Le troisième point de divergence concernait le statut de ladite commission nationale. Le texte de l'Assemblée visait à la rattacher au ministère de la santé. Cette proposition a finalement été acceptée par le Sénat qui a abandonné la notion d'un rapprochement avec la Haute autorité de santé dont les missions ne prévoient aucun travail de recherche mais d'accréditation.

Le quatrième et dernier point de divergence touchait à la dose maximale. Supprimer les phases 1 reviendrait à supprimer la recherche française puisqu'on s'interdirait de passer aux phases 2 et 3 qui seront effectuées à Shanghai ou en Europe de l'Est. Jean-Pierre Godefroy s'est rangé à notre idée : nous avons donc supprimé l'amendement de suppression des phases 1. La CMP a jugé préférable de s'en tenir au dispositif réglementaire actuel qui encadre strictement ces essais sans les rendre impossibles.

Voici, monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, le résultat des travaux de cette CMP dont je vous demande d'adopter les conclusions. Elles ont fait l'unanimité des quatre groupes – j'y insiste car ce n'est pas toujours le cas : j'ai ainsi pu travailler aussi bien avec Cécile Dumoulin qu'avec Jean-Louis Touraine et Jacqueline Fraysse. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Mallot

La parole est à Mme Nora Berra, secrétaire d'État chargée de la santé.

Debut de section - PermalienNora Berra, secrétaire d'état chargée de la santé

Monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames et messieurs les députés, je tiens tout d'abord à saluer le travail du Parlement et de la CMP qui ont permis, après de longs débats constructifs, d'aboutir à un texte qui s'est considérablement enrichi et qui est devenu consensuel.

Cette proposition de loi déposée à l'initiative du député Olivier Jardé est ambitieuse. Elle vise à moderniser la législation concernant la recherche sur la personne et à harmoniser des textes qui manquaient parfois de cohérence.

Il s'agit de ne pas pénaliser la recherche clinique, de favoriser une recherche de qualité, tout en s'assurant de la protection de la personne qui s'y prête.

Il est logique qu'un tel enjeu ait fait l'objet de nombreuses discussions parfois passionnées au sein des deux assemblées. Mais ces débats ont abouti à une proposition de texte équilibré. Il s'agit avant tout de donner un socle commun à toutes les recherches impliquant la personne humaine en créant trois catégories de recherches dans un cadre unique avec un socle réglementaire commun dont le pivot est l'avis obligatoire demandé à un comité de protection des personnes.

Au sein de l'ensemble « Recherches sur la personne », le texte identifie trois grandes catégories : les recherches interventionnelles, les recherches qui ne comportent que des risques minimes et les recherches non interventionnelles que l'on appelle aussi recherches observationnelles.

Dans chacune de ces catégories, vous avez voulu adapter la contrainte réglementaire aux risques encourus par les personnes qui se prêtent à la recherche de façon souple et graduelle.

Les recherches interventionnelles, celles qui portent notamment sur les médicaments innovants, continuent bien évidemment de bénéficier de l'encadrement le plus exigeant : elles sont étroitement contrôlées par l'Agence nationale de sécurité du médicament, en conformité avec la directive européenne de 2001 et soumises à l'avis du CPP.

Les recherches dites « à risques minimes » correspondent à l'ancienne catégorie de recherches « portant sur les soins courants » introduite en 2004 et qui s'est révélée difficile à mettre en place. Son cadre est mieux précisé et les procédures simplifiées. Seul l'avis du CPP sera requis. Le consentement « libre et éclairé » doit être écrit mais le CPP pourra autoriser une dérogation dans certains cas particuliers.

Les recherches observationnelles ou non interventionnelles entrent maintenant dans le périmètre de la loi. Elles devront obligatoirement obtenir un avis favorable du CPP avant de pouvoir débuter, ce qui n'était pas le cas jusqu'à présent. L'existence désormais acquise de ce guichet unique va considérablement simplifier et clarifier cette catégorie de recherches.

En particulier, les CPP vérifieront que la protection des données individuelles sera bien respectée, évitant ainsi toute redondance en soumettant ces projets de recherches au comité consultatif de la commission nationale de l'informatique et des libertés, la CNIL. Pour ce type de recherche, le consentement n'est pas nécessaire mais il existe une faculté d'opposition.

Il convient de souligner une autre avancée majeure de la proposition de loi. L'imbroglio de la recherche sur l'échantillon biologique né de l'insuffisante coordination en 2004 entre les dispositions de la loi bioéthique et celles de la loi de santé publique est enfin dénoué. La gestion des collections de produits biologiques conservés au laboratoire sera assurée par le ministère de la recherche et celle de l'obtention des prélèvements sur la personne et de leur consentement par les CPP.

La possibilité de réaliser des recherches génétiques sur des échantillons prélevés autrefois sur des patients décédés et qui n'avaient pu consentir à la recherche présente, constitue une autre source permanente d'incompréhension et d'irritation de la part des chercheurs. Là aussi vous avez procédé de manière pragmatique en proposant que le protocole soit soumis à un CPP, suivant d'ailleurs les recommandations d'un rapport du Conseil d'État.

Il s'agit là d'avancées propres à simplifier le déroulement de la recherche tout en augmentant la sécurité des personnes qui s'y prêtent.

Autre point majeur : une commission nationale des recherches impliquant la personne humaine a été créée par ce texte. Cette commission impliquant des personnes issues des CPP et de personnalités qualifiées sera chargée de la coordination, de l'harmonisation et de l'évaluation des comités de protection des personnes, ce qui représente incontestablement une avancée. La commission devra désigner les comités chargés d'examiner les projets de recherche. Elle devra par ailleurs remettre chaque année au ministre de la santé des recommandations concernant les conséquences, en matière d'organisation des soins, des résultats des recherches qui présentent un intérêt majeur pour la santé publique.

Enfin, la désignation sur un mode aléatoire d'un CPP a été souhaitée alors qu'actuellement le promoteur soumet son projet à l'avis d'un CPP qu'il choisit parmi les CPP existants au sein de l'interrégion d'exercice de l'investigateur principal.

Le CPP sera maintenant désigné par la commission nationale de manière aléatoire au moment du dépôt du dossier par le promoteur. Il s'agissait de renforcer l'indépendance des CPP. Il conviendra toutefois, pour ne pas pénaliser la recherche, de veiller à ce que ce processus n'allonge pas les délais de réponse d'un CPP lors de la soumission d'un projet.

Debut de section - PermalienNora Berra, secrétaire d'état chargée de la santé

En effet.

Devant l'aboutissement d'une telle révision en profondeur des textes en vigueur, je ne doute pas que la recherche clinique s'en trouvera facilitée et la notoriété de la France dans ce domaine renforcée tout en préservant les droits des patients qui se prêtent à cette recherche.

Je vous renouvelle mes remerciements pour avoir mené à leur terme, dans les deux chambres, des travaux délicats concernant un domaine sensible. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Mallot

Dans la discussion générale, la parole est à M. Jean-Luc Préel, pour le groupe Nouveau Centre.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Luc Préel

Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, monsieur l'excellent rapporteur, chers collègues, nous nous apprêtons à voter une proposition de loi qui réforme en profondeur le monde de la recherche française en donnant un socle juridique commun à toute recherche sur l'être humain. Il aura fallu trois ans pour aller au bout du processus législatif.

Si le dispositif juridique encadrant les recherches biomédicales, issu de la loi Huriet-Sérusclat de 1988, a constitué une avancée importante, la réglementation actuelle résulte de l'empilement de textes, de grande qualité certes, mais qui se sont ajoutés depuis une dizaine d'années au socle que constitue la loi précitée.

Je fais ici référence à la directive européenne de 2001, à la loi relative aux droits des malades de 2002, à la loi de santé publique de 2004, à la loi de bioéthique de 2004, à celle relative à la protection des personnes physiques à l'égard des traitements de données à caractère personnel de 2004, et enfin à la loi de programme pour la recherche de 2006. Cet empilement rend la situation délicate.

Il résulte donc de ces adaptations progressives, beaucoup de confusion et de complexité qui ne favorisent pas la recherche clinique et surtout qui ne permettent pas de disposer d'un véritable cadre réglementaire, notamment pour les recherches observationnelles.

Tout cela a pour conséquence directe de bloquer les chercheurs, sans pour autant améliorer la protection des patients, et ce, alors même que notre pays souhaite renforcer son attractivité en matière de recherche biomédicale. De plus, il me semble que la recherche, en cette période de crise, est un facteur de développement et de création d'emploi à forte valeur ajoutée.

Il y avait donc urgence à légiférer dans ce contexte et plus particulièrement au regard de trois enjeux majeurs. Le premier, vous l'aurez tous compris, consistait à simplifier la réglementation de la recherche. Le deuxième visait à réaliser cette simplification sans diminuer la protection des patients, voire en l'augmentant. Enfin, le troisième enjeu était de rassembler toutes les catégories de recherches sur la personne sous une ombrelle commune, en leur donnant un socle réglementaire unique.

Les principales dispositions du texte permettent de simplifier les procédures d'encadrement de la recherche tout en augmentant la protection des personnes qui s'y prêtent. La présente proposition de loi répond donc à ces enjeux et propose des avancées majeures en créant un cadre juridique commun pour l'ensemble des recherches sur la personne.

La première avancée est l'adaptation des procédures et de la contrainte réglementaire au niveau de risque encouru par la personne qui se prête à la recherche. À cette fin, il est proposé une classification de la recherche impliquant la personne qui va comporter trois grandes catégories de recherches en fonction des risques encourus : les recherches interventionnelles, les recherches à risque négligeable, des recherches à risque minime, les recherches non interventionnelles, dites aussi observationnelles. La remise à plat des dispositions concernant la recherche à risque minime et de celles sur la recherche non interventionnelle comble un grand vide juridique.

La deuxième avancée est l'extension du périmètre de la loi aux recherches non interventionnelles. Ce faisant, le niveau de protection des personnes qui s'y prêtent est augmenté, parce que ces recherches devront désormais recueillir l'avis favorable d'un comité de protection des personnes.

De plus, le rôle de police sanitaire de l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé sera étendu à ces recherches, jusqu'ici hors de son périmètre d'intervention.

Dans le même temps, les dispositions réglementaires qui seront appliquées à ces recherches seront simplifiées. Demain, un seul guichet sera nécessaire pour faire autoriser ces recherches – quand il y en a jusqu'à cinq aujourd'hui ! C'est un progrès considérable.

La troisième avancée réside dans la création d'une Commission nationale de coordination des comités de protection des personnes, destinée à remédier à leur trop grande hétérogénéité, que l'on constate aujourd'hui. Cette même commission est d'ailleurs rattachée au ministère de la santé, déjà tutelle naturelle des comités.

Mais l'évolution la plus spectaculaire sera sans doute le rôle crucial confié aux comités de protection des personnes, pierre angulaire de tout le dispositif de protection. Grâce à l'élargissement de leur champ d'action aux recherches non interventionnelles et aux nouvelles missions qui leur sont dévolues, ces comités vont voir leur activité évoluer en profondeur.

Toutefois, lors de l'examen de ce texte par nos deux chambres, quelques points de désaccord subsistaient, points sur lesquels je reviendrai avant de préciser les compromis qui ont construit le texte qui nous est présenté aujourd'hui.

En premier lieu, le Sénat avait souhaité que le comité de protection des personnes, chargé de se prononcer sur un projet de recherche, ne soit plus choisi par le promoteur de la recherche, mais tiré au sort par l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé.

Si nous trouvions initialement dommageable que les spécialistes, disposant de l'expertise la plus approfondie dans le domaine et concernés par la recherche en question, puissent être écartés de la procédure d'autorisation, nous avons toutefois, en commission mixte paritaire, consenti cette procédure afin que tout risque de conflit d'intérêts soit écarté.

De la sorte, l'indépendance de la commission nationale des recherches étant assurée, cette dernière n'est, de fait, plus rattachée à la Haute autorité de santé.

Ainsi, tout projet de recherche doit désormais passer devant un comité de protection des personnes.

En deuxième lieu, les comités de protection des personnes seront désormais dotés d'une tête de réseau nationale : la commission nationale des recherches impliquant la personne humaine. Pour plus de clarté et de cohérence, cette dernière sera chargée d'harmoniser les pratiques des comités. Aussi, la désignation par tirage au sort des CPP entrera en vigueur à l'échéance d'un délai de deux ans, au plus tard au 1er juillet 2014. La Commission sera également en charge d'examiner en appel les demandes d'autorisation qui ont fait l'objet d'une décision défavorable d'un CPP.

Cette commission sera composée de vingt et un membres : sept membres issus de la société civile et sept scientifiques issus des CPP, ainsi que sept personnalités qualifiées. Toutefois leur pratique devra être harmonisée.

Enfin et surtout, en troisième lieu, un accord a pu être trouvé sur les niveaux de recherche et les niveaux de protection y afférent, et ce, au regard de la formulation qui prévaut dans la loi Kouchner de 2004, reprise depuis par la Convention d'Oviedo.

En effet, on distingue, depuis 2004, trois catégories de recherche : les recherches dites « biomédicales » ou « interventionnelles », les recherches visant à évaluer les soins courants, que l'on appelle désormais « recherches à risques et contraintes minimes », et les recherches observationnelles.

Sur la base de ces trois types de recherche qui n'impliquent pas, vous l'aurez compris, le même niveau de risque pour le sujet, notre proposition de loi visait à établir une gradation des procédures de protection des personnes, en les proportionnant au degré de risques et de contraintes qu'elles comportent : consentement écrit pour les recherches interventionnelles, consentement libre et éclairé pour les recherches à risques et contraintes minimes, simple information et droit d'opposition pour les recherches observationnelles.

Alors que le Sénat proposait de ne distinguer que deux catégories de recherches et revenait sur les règles de forme applicables au recueil du consentement de la personne, un accord a été trouvé pour revenir à la version initiale du texte.

Enfin, deux autres points importants ont fait l'objet d'un accord entre nos deux chambres : les recherches dénuées de risques effectuées sur les enfants malades pour lesquelles le consentement d'un parent seulement sera exigé, dès lors que celui-ci est détenteur de l'autorité parentale ; le test de la dose maximum tolérée pour un médicament sans lien avec la pathologie de la personne à laquelle il est administré a été rétabli, écartant à terme le risque de nuire aux essais cliniques de phase 1 en France.

Le groupe Nouveau Centre se félicite que des compromis aient pu être trouvés à l'occasion de la commission mixte paritaire, sur un texte d'une importance majeure.

Au nom de mon groupe et à titre personnel, je tiens à rendre un hommage appuyé à Olivier Jardé, notre rapporteur, qui n'a cessé de défendre avec passion et conviction ce texte et par là même les intérêts de la recherche française.

Je vous invite donc mes chers collègues, à adopter cette proposition de loi qui, demain, organisera la recherche, tout en améliorant la sécurité des patients, dans le droit-fil de la loi Huriet-Sérusclat – tous deux étant des précurseurs – loi qui, en son temps, avait posé pour la première fois ces deux exigences parfaitement complémentaires qui ne doivent pas être dissociées.

La question qui nous est posée n'est rien moins que de décider quel doit être l'équilibre entre le développement de la recherche appliquée en médecine et la protection des personnes qui s'y prêtent.

La recherche médicale est porteuse d'un mieux-être individuel et collectif que nous mesurons à l'aune de l'espérance de vie que nous gagnons chaque année. Entraver la recherche, c'est risquer de ralentir ce progrès social ou de ne pouvoir faire face aux nouvelles menaces sanitaires. (Applaudissements sur les bancs des groupes NC et UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Hélène Amiable

Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, par les temps qui courent, l'examen d'un texte hors procédure accélérée est devenu tellement rare que la chose mérite d'être soulignée. Nous nous réjouissons d'autant plus que cette procédure « normale », propre à assurer la sérénité des débats et l'approfondissement des sujets, a permis d'améliorer considérablement ce texte par rapport à sa version initiale.

Ainsi, nous évitons de revenir sur la loi Huriet-Sérusclat, comme le souhaitait notre collègue Olivier Jardé. Le texte initial aurait certes rendu la recherche plus facile, mais au détriment de la protection des personnes et au prix d'un assouplissement des règles éthiques, ce qui n'est pas souhaitable, compte tenu du sujet.

Nous sommes néanmoins quelque peu réservés en ce qui concerne l'article 2, qui confie à l'assurance maladie la prise en charge des coûts des recherches réputées non commerciales, mais prévoit que les promoteurs reprennent ces recherches dès lors qu'apparaissent des perspectives d'exploitation commerciale des molécules faisant l'objet de la recherche, moyennant le remboursement des dépenses engagées par l'assurance maladie.

En dépit d'un amendement, déposé à l'initiative du sénateur Autain, visant à préciser les sanctions encourues par les promoteurs qui ne rembourseraient pas ces dépenses, nous réfutons la logique et la philosophie du mécanisme qui revient à socialiser les recherches non rentables et à privatiser les autres… Un tel dispositif risque de ne pas pousser les promoteurs à investir dans leur secteur de recherche, alors même qu'ils engrangeront les bénéfices des recherches commerciales.

Nous regrettons par ailleurs que la commission mixte paritaire soit revenue sur le rattachement de la commission nationale des recherches impliquant la personne humaine à la Haute autorité de santé, que nous jugions pertinent, mais cela ne prêtera pas à conséquence sur notre position finale.

Au-delà de ces remarques, comme l'a déjà souligné ma collègue Jacqueline Fraysse, ce texte nous donne satisfaction, notamment sur deux sujets majeurs à nos yeux.

En premier lieu, la protection des personnes participant à une recherche est renforcée par l'obligation inscrite dans la loi de recueillir leur consentement par écrit pour les recherches interventionnelles. Nous serons néanmoins attentifs aux mesures réglementaires visant les procédures dérogatoires de recueil du consentement pour les recherches non interventionnelles.

En second lieu, l'attribution aléatoire des protocoles aux comités de protection des personnes est d'une importance cruciale pour éviter le compérage. Le fait qu'il soit assorti de la possibilité de faire appel d'une décision ménage une certaine souplesse à la procédure, ce qui est appréciable.

Au regard du travail accompli par nos deux assemblées dans une ambiance pour une fois sereine, et considérant l'équilibre du texte qui nous est aujourd'hui soumis, les députés communistes, républicains et du parti de gauche voteront ce texte.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Sébastien Vialatte

Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, la proposition de loi de notre collègue Olivier Jardé a pour objectif de moderniser et de simplifier le cadre juridique des recherches sur la personne. En effet, la législation sur ce sujet était devenue complexe et incomplète : elle ne favorisait pas la recherche clinique, ne permettait pas de disposer d'un véritable cadre réglementaire protecteur, notamment pour les recherches observationnelles.

Après deux lectures dans chaque assemblée, ce texte, longuement mûri, va enfin pouvoir être définitivement adopté grâce à l'accord qui a pu être trouvé avec le Sénat. Nous allons donc pouvoir créer un meilleur encadrement des recherches sur la personne.

Ce meilleur encadrement passe d'abord par la définition d'un socle réglementaire commun aux recherches sur la personne. Le régime applicable aux recherches biomédicales est ainsi étendu aux recherches peu et non interventionnelles.

Cela signifie qu'un promoteur, c'est-à-dire un responsable de recherche, sera désigné dans tous les cas. Et surtout, le comité de protection des personnes devra donner son autorisation avant le lancement de toute recherche, quelle que soit sa catégorie.

Ensuite, la proposition de loi définit trois catégories de recherches en fonction des risques encourus par la personne, ce qui rend le dispositif plus clair et plus simple.

Les recherches interventionnelles comportant une intervention non justifiée par la prise en charge médicale habituelle de la personne remplacent les recherches biomédicales en reprenant leurs règles.

Les recherches comportant un risque négligeable prennent la place des recherches visant à évaluer les soins courants. Le compromis qui a été trouvé avec le Sénat sur le point du consentement prévoit qu'il doit être libre, éclairé et exprès.

Enfin, les recherches observationnelles bénéficient d'une véritable reconnaissance.

Cette nouvelle distinction en trois catégories de recherches est un vrai progrès, car la France était le seul pays à ne reconnaître que la recherche biomédicale, à la différence de ses partenaires européens et des États-unis. Grâce à cette nouvelle définition, la France pourra reprendre sa place dans la compétition internationale.

Enfin, cette proposition de loi améliore la protection des personnes, notamment grâce à l'avis obligatoire du comité de protection des personnes dans tous les cas.

Le promoteur n'est plus libre de solliciter l'autorisation auprès du CPP de son choix, ce comité étant désigné de manière aléatoire par une nouvelle instance, la commission nationale des recherches impliquant la personne humaine. Cette dernière, en cas d'avis défavorable du CPP, aura néanmoins la possibilité de désigner un second comité. De surcroît, le comité pourra saisir la future Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé en cas de « doute sérieux sur la qualification d'une recherche », ce qui constitue un garde-fou supplémentaire.

Nous allons simplifier également les règles encadrant la préparation et la conservation d'échantillons biologiques humains dans le cadre des recherches. En effet, lorsqu'un projet de recherche utilise des échantillons biologiques d'origine humaine, l'échantillon est déclaré au sein du protocole de recherche et c'est l'ensemble qui est soumis au contrôle du comité de protection des personnes.

Pour toutes ces raisons, et parce que le texte équilibré que nous examinons aujourd'hui recueille un large consensus autour de cette question importante et sensible de la protection des personnes dans le cadre des recherches qui les impliquent, tout en favorisant la recherche française, le groupe UMP soutient cette proposition. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Louis Touraine

Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, chers collègues, ce texte sur la recherche a mobilisé de nombreuses énergies pendant environ trois ans, ce qui a eu pour conséquence d'accroître le nombre d'articles et, surtout, d'amplifier le contenu de ce texte qui régit la recherche.

Pendant toute cette période, des péripéties ont eu lieu. Le texte a été un temps évoqué au sein de la loi HPST, puis au sein de la loi bioéthique. Il est bon que nous puissions en débattre définitivement aujourd'hui, après des navettes répétées entre l'Assemblée nationale et le Sénat et après une CMP fructueuse qui a permis d'améliorer ce texte.

Je tiens à mon tour à saluer l'engagement permanent, complet et efficace d'Olivier Jardé, qui a su écouter les différentes propositions, les différentes remarques pour amender, améliorer, peaufiner un texte qui est devenu équilibré.

Cela a permis de surmonter quelques différences entre les groupes politiques, et, à mon groupe, de passer de l'abstention du fait de certaines imprécisions à un avis favorable, le texte d'aujourd'hui nous apparaissant équilibré et complet.

Cela a permis surtout de surmonter les différences entre l'Assemblée nationale et le Sénat et à la commission mixte paritaire de proposer un texte qui peut être adopté de façon consensuelle.

L'enjeu, la difficulté, la contrainte de notre réflexion aujourd'hui, c'est la voie étroite qui existe entre la protection des personnes et la nécessaire recherche, qu'elle soit interventionnelle ou observationnelle, qu'elle aboutisse à l'accroissement des connaissances ou à l'innovation thérapeutique.

Déjà en avril 2010, j'évoquais, d'un côté, la recherche et ses impératifs de liberté, de l'autre, la personne humaine et son indispensable protection. Que l'on néglige l'un, la recherche, et toute innovation, tout progrès thérapeutique s'arrêteront dans le pays. Que l'on sous-estime l'autre, la protection de la personne, saine ou malade, et des accidents surviendront, affectant la santé de nos compatriotes et pesant sur nos consciences.

Il est donc important de se pencher sur la protection de la personne, protection de son intégrité et de sa santé physique et mentale, protection également du respect des droits, des libertés, des prérogatives de chacun. Pour autant, il ne faut pas que cela soit un facteur inhibiteur pour l'innovation.

Grâce à ce texte, qui a su concilier ces deux impératifs, nous allons pouvoir entreprendre sereinement la recherche dans les années à venir dans notre pays.

Il a fallu tenir compte de beaucoup d'éléments. Depuis la loi innovante, presque révolutionnaire, d'Huriet et Sérusclat, qui, il y a presque un quart de siècle, avait pu régir pour la première fois la recherche dans notre pays, le sujet a grandement évolué. De nombreuses nouveautés, au niveau tant français qu'européen et international, se sont imposées à nous, qui ont joué sur la compétitivité et ont fait que la législation serait un millefeuille difficile à appliquer si elle n'était pas l'objet de cette révision. Plus qu'un toilettage, plus même qu'une actualisation authentique, il a fallu une refonte véritable du texte, pour tenir compte de tous ces facteurs nationaux et internationaux.

Ainsi, on a notamment étendu le champ d'application au-delà des recherches interventionnelles, comme Olivier Jardé et plusieurs intervenants l'ont souligné, à tout ce vaste domaine de la recherche observationnelle. Cela est important car, en définitive, cela permet de recueillir des données personnelles, parfois tout à fait confidentielles, qui doivent être, elles aussi, régies par un texte législatif.

On a également reconnu que, pour chacun des trois degrés, intervention avec risque, intervention avec risque infime ou très modéré, ou observation simple, on devait appliquer des précautions d'un niveau différent. L'information, le consentement, l'acceptation sont recueillis dans des conditions d'autant plus importantes que le niveau de risque est plus élevé. Il faut donc adapter toutes ces mesures à l'un ou l'autre de ces trois degrés, qui ne peuvent d'ailleurs pas être définis par le seul promoteur pour qu'il n'y ait pas de sous-estimation du degré de risque potentiel.

Nous pourrons donc désormais affronter de façon sereine la compétitivité internationale. Celle-ci est aujourd'hui sévère et ne se limite pas seulement aux pays déjà très développés mais s'étend à beaucoup de pays émergents. Si l'on doit prendre conscience des impératifs de cette compétitivité, pour autant, on ne doit pas se montrer laxiste sous prétexte qu'il nous faut pouvoir avancer vite. Mais nous ne pouvons pas non plus ignorer le fait que, si nous restons immobiles, nous serons, dans ce domaine de la progression médicale, très rapidement dépassés par d'autres pays.

Il faut aussi tenir compte de l'évolution de l'éthique au fil des années, qui inclut désormais, plus que par le passé, des préoccupations sur les conflits d'intérêt. On l'a vu lors du drame du Médiator et de plusieurs autres affaires. Cela est maintenant pris en compte dans nos textes.

Il a fallu également reconnaître davantage que dans le passé l'impératif de la démocratie sanitaire et le rôle des comités de protection des personnes. Il est bien que, après le débat complémentaire avec le Sénat, nous ayons trouvé cette formule, qui permet petit à petit de solliciter la totalité des comités de protection des personnes par un tirage au sort, mais en laissant un certain délai, deux ans, pour compléter l'homogénéisation, l'harmonisation, la capacité d'expertise dans tous les domaines des différents comités de protection des personnes dans tout le pays.

Un autre sujet a été débattu, celui de la phase 1, ce moment où, pour la première fois, une nouvelle molécule, un nouveau produit est introduit chez l'humain après avoir été testé d'abord in vitro, puis chez l'animal d'expérience. Ce moment peut être crucial, inquiétant, s'il n'est pas bien contrôlé. Pour autant, il est inévitable. Vouloir le supprimer comme certains en avaient la tentation nous obligeait à reconnaître une incapacité d'innovation et cela aurait été extraordinairement préjudiciable.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Louis Touraine

Cette phase où l'on commence par des doses faibles, puis où on les augmente pour voir la dose tolérable chez un sujet, qu'il soit sain ou affecté par des maladies, a été acceptée par tous, dans des conditions bien définies.

Enfin, nous avons trouvé des solutions pour que les personnes qui ne sont pas affiliées à la sécurité sociale puissent, notamment dans les recherches observationnelles, être impliquées comme cela est souhaitable.

Au total, de nombreuses avancées ont été obtenues depuis la première mouture, qui permettent une modernisation indubitable de la loi Huriet et Sérusclat. C'est avec un sentiment un peu solennel de responsabilité que mon groupe exprimera un avis favorable, avec la conscience que, grâce à ce texte, le progrès continuera et s'amplifiera, que l'innovation thérapeutique n'aura pas de limitation excessive mais qu'elle sera contrôlée et que les risques éventuels seront réduits.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Bapt

Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, monsieur le rapporteur, chers collègues, le groupe SRC s'associera bien entendu au vote de cette proposition de loi. Dans le prolongement de ce qui a été dit précédemment, je voudrais souligner que M. Jardé a, sur une longue distance – il est vrai que, pour une fois, l'urgence n'était pas déclarée sur ce texte – développé beaucoup de travail et de diplomatie à la fois pour aboutir à un texte consensuel, au terme des allers et retours avec le Sénat.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Bapt

Permettez-moi d'associer à cette remarque, M. Jardé ne m'en voudra pas, M. Touraine qui a joué presque un rôle de co-rapporteur.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Bapt

Je souhaite revenir sur un point que j'avais soulevé et qui avait suscité quelques interrogations au cours de la dernière réunion de CMP au Sénat. Je veux parler de l'inclusion en phase 1 de lots témoins sains dans les études cliniques.

Le Sénat avait voté un article 4 sexies, devenu après les allers et retours l'article 4 septies, qui précisait que le test de la dose maximale tolérée d'un médicament est interdit lorsqu'il est sans lien avec la pathologie du malade auquel il est administré ou qu'il n'est pas susceptible de lui apporter un bénéfice quelconque.

Je dois dire que cet article était assez étonnant dans la mesure où le test de la dose maximale tolérée peut mettre en jeu, comme la dose létale chez l'animal, la santé du patient. Néanmoins, il a permis de mettre à jour cette réalité selon laquelle il arrive que des témoins sains soient inclus dans des études en phase 1, ce qui n'avait pas été très bien discerné par certains de nos collègues, semble-t-il.

Si, bien entendu, on n'exerce pas sur les lots témoins la progressivité des doses jusqu'à la dose maximale supposée tolérée, il n'empêche que, dans un certain nombre de cas, M. Touraine vient de l'évoquer, il faut penser à la protection du patient.

Malheureusement, lorsque des effets indésirables graves se révèlent après l'essai clinique – et en principe ces effets sont inconnus avant la phase 1 chez l'homme puisqu'il s'agit d'innovation – la protection du patient pèche, une fois de plus, du fait des difficultés que peut rencontrer un patient pour faire reconnaître, notamment lorsque le laboratoire refuse de mettre en jeu son assurance souscrite spécifiquement pour le déroulement de cette étude, la responsabilité de son produit dans ces effets indésirables graves.

J'avais été saisi il y a quelques mois de cas particuliers concernant des effets survenus après une étude de phase 1 d'un produit qui s'appelle le Terutroban et qui était testé pour ses effets cardiovasculaires et cardiaques éventuels. Il s'agit d'un antiagrégant plaquettaire, un inhibiteur spécifique des récepteurs TP, thromboxane prostaglandine, ayant un effet antithrombotique au moins aussi important que le clopidogrel et l'aspirine mais également des effets antivasoconstrictif, antiprolifératif et antiathéroscléreux qui en font l'originalité.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Mallot

Pensez au compte rendu, mon cher collègue. (Sourires.)

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Bapt

Quand on entend présenter de cette manière une innovation médicamenteuse qui aurait une originalité exceptionnelle, on pense tout naturellement à un certain laboratoire.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Bapt

Eh oui, il s'agissait du laboratoire Servier en l'occurrence.

Malheureusement, la patiente sur laquelle a été appelée mon attention a développé, peu de mois après le test, une sclérose latérale amyotrophique. J'ai appris aujourd'hui qu'elle était décédée. Dans le lot témoin ayant participé à cette étude en phase 1, deux autres cas de sclérose latérale amyotrophique sont survenus.

Le laboratoire saisi a donné à cette malheureuse victime la réponse suivante à la demande d'indemnisation et de réparation – une sclérose latérale amyotrophique place en effet le patient dans une situation incommensurablement tragique : les données disponibles « ne nous permettent pas de conclure à une possible relation entre votre participation à l'étude et l'apparition de l'atteinte neurologique dont vous souffrez. Les conditions de mise en oeuvre de la police d'assurance souscrite aux fins de couvrir notre responsabilité en qualité de sponsor ne nous semblent pas remplies, et ne permettent donc pas d'accéder à votre demande. »

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Bapt

La porte s'est fermée. Une démarche judiciaire a été engagée, la patiente est décédée, et il faudra certainement encore des années et des années pour que la procédure aboutisse.

Voilà pourquoi je souhaitais, madame la secrétaire d'État, plaider, une fois de plus, pour qu'on améliore le sort des victimes, pour qu'on inverse la charge de la preuve et qu'on fasse preuve de plus d'humanité – il ne s'agissait que de la prise en compte de trois cas par une assurance de laboratoire – afin que l'aide, à défaut d'être spontanée, soit assurée par la solidarité car ces victimes ont droit à indemnisation et réparation.

Certes, ces considérations vont au-delà du texte que nous allons voter mais je crois qu'il était important, une fois de plus, de rappeler le sort des victimes d'accidents médicamenteux autres que ceux causés par le Mediator.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Mallot

Nous en venons au texte de la commission mixte paritaire.

Conformément à l'article 113, alinéa 3, du règlement, je vais appeler l'Assemblée à statuer d'abord sur les amendements dont je suis saisi.

La parole est à Mme la secrétaire d'État, pour défendre l'amendement n° 1 rectifié .

Debut de section - PermalienNora Berra, secrétaire d'état chargée de la santé

C'est un amendement de coordination.

(L'amendement n° 1 rectifié , accepté par la commission, est adopté.)

Debut de section - PermalienNora Berra, secrétaire d'état chargée de la santé

En effet.

(L'amendement n° 2 , accepté par la commission, est adopté.)

Debut de section - PermalienNora Berra, secrétaire d'état chargée de la santé

C'est un amendement rédactionnel.

(L'amendement n° 3 , accepté par la commission, est adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Mallot

La parole est à Mme la secrétaire d'État, pour défendre l'amendement n° 4 .

Debut de section - PermalienNora Berra, secrétaire d'état chargée de la santé

C'est la correction d'une erreur matérielle.

(L'amendement n° 4 , accepté par la commission, est adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Mallot

La parole est à Mme la secrétaire d'État, pour défendre l'amendement n° 5 .

Debut de section - PermalienNora Berra, secrétaire d'état chargée de la santé

C'est un amendement de coordination.

(L'amendement n° 5 , accepté par la commission, est adopté.)

Debut de section - PermalienNora Berra, secrétaire d'état chargée de la santé

C'est un amendement rédactionnel.

(L'amendement n° 6 , accepté par la commission, est adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Mallot

Je constate qu'il n'y a pas de demande d'explication de vote.

Je mets aux voix l'ensemble de la proposition de loi, compte tenu du texte de la commission mixte paritaire, modifié par les amendements adoptés par l'Assemblée.

(L'ensemble de la proposition de loi est adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Mallot

Je constate que le vote est acquis à l'unanimité. (Applaudissements.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Mallot

L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi de Mme Valérie Boyer et M. Jean-Luc Préel portant réforme de la biologie médicale (n°s 3989, 4178).

La parole est à M. Jean-Luc Préel, rapporteur de la commission des affaires sociales.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Luc Préel

Monsieur le président, madame la secrétaire d'État chargée de la santé, mes chers collègues, nous sommes réunis pour examiner la proposition de loi relative à la réforme de la biologie médicale.

Nombreux sont les obstacles et les contretemps qui ont retardé sa mise en oeuvre. Pourtant, celle-ci est urgente pour mettre un terme à l'instabilité juridique.

La biologie est indispensable dans le système de santé. Elle joue un rôle majeur pour le diagnostic des pathologies ainsi que pour certains traitements.

La réflexion a débuté en 2006, trente ans après l'entrée en vigueur de la loi du 11 juillet 1975, avec un rapport de l'IGAS suivi de l'excellent rapport de Michel Ballereau, qui a mené une concertation approfondie pendant plus de deux ans. Ces deux rapports concluaient à l'urgence de modifier la législation. En effet, la pratique de la biologie a beaucoup évolué. Des restructurations sont en cours, conduisant à un risque de financiarisation et de disparition de la biologie de proximité. Il est surtout important d'assurer la qualité des analyses biomédicales.

Deux problèmes majeurs doivent être résolus, la détention du capital pour permettre aux professionnels qui le souhaitent de rester propriétaires de leur outil de travail et la qualité des analyses avec donc obligation d'une accréditation, tout en maintenant une biologie de proximité, ce qui n'est pas contradictoire avec la qualité.

L'article 69 de la loi HPST, en juillet 2009, a donc autorisé le Gouvernement à réformer la biologie médicale par ordonnance, en se fondant sur le rapport Ballereau. Cette ordonnance a été publiée le 13 janvier 2010.

Dans le cadre de la loi bioéthique, un amendement a rejeté l'ordonnance en raison d'un problème de nomination des PU-PH ne disposant pas du diplôme de biologiste. Plusieurs points de l'ordonnance méritaient, en outre, d'être revus ou ajustés.

À l'occasion de la proposition de loi Fourcade modifiant certains articles de la loi HPST, nous avons procédé à ces ajustements demandés par les professionnels. Il s'agissait d'abord de renforcer le caractère médical de la biologie. Il s'agissait ensuite de permettre aux infirmières d'effectuer des prélèvements dans leurs cabinets ou au domicile des patients, ce qui semblait effectivement indispensable. Il s'agissait enfin de repousser la date butoir de l'accréditation à 2018 pour laisser un délai suffisant. En effet, la norme choisie, ISO 15189, est contraignante. De plus, le taux de 80 % a été validé, car un certain nombre de processus sont difficiles à accréditer.

Pour les PU-PH, une solution a été trouvée. Le recrutement dans une discipline biologique d'un praticien non titulaire du diplôme d'études spécialisées de biologie est possible à condition qu'il soit médecin ou pharmacien ayant exercé dans un laboratoire médical pendant plus de trois ans dans des domaines tels que la biochimie, la biologie moléculaire, l'hématologie, l'infectiologie ou la virologie.

Pour le capital, afin de garantir l'indépendance de la profession et son caractère libéral et de lutter contre la financiarisation de la biologie médicale, la proposition encadre l'usage des sociétés de participations financées pour investir dans un laboratoire de biologie médicale. Désormais, seules les personnes qui exercent effectivement dans une société d'exercice libéral seront autorisées à utiliser une société de participations financières pour détenir des parts de cette société. En résumé, aussi bien les biologistes exerçant hors de la société d'exercice libéral que les non biologistes auront pour seule possibilité d'investir directement dans la société d'exercice libéral et non plus de passer par une société de participations financières.

Par ailleurs, il sera interdit, pour des personnes physiques ou morales biologistes ou des sociétés de participation financière, de détenir plus de 50 % du capital d'une société d'exercice libéral. Ainsi, le biologiste qui le souhaite pourra rester propriétaire de son outil de travail.

Ces modifications ont été votées avec la proposition de loi Fourcade, en juillet 2011. Malheureusement, le Conseil constitutionnel, considérant qu'il s'agissait d'un cavalier législatif, a censuré ces dispositions. Nous en étions revenus à l'ordonnance et aux problèmes qu'elle posait. L'instabilité juridique était préjudiciable à tous. C'est pourquoi nous avons déposé cette proposition de loi, qui reprend, sans modification, les dispositions votées dans la proposition de loi Fourcade.

L'article 6 ratifie l'ordonnance et met ainsi fin à l'insécurité juridique qui menace les professionnels et acte une réforme ambitieuse et attendue.

L'article 4 rétablit l'interdiction des ristournes, revenant, en réécrivant l'article L. 6211-21, sur le vote de la loi de financement de la sécurité sociale de 2012. Les examens de biologie médicale sont en effet des actes médicaux, soumis au tarif fixé par la sécurité sociale. Dès lors, le principe des ristournes est difficilement concevable.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Luc Préel

Les établissements de santé sont toutefois encouragés à coopérer entre eux pour rationaliser leurs investissements en se partageant la phase analytique de certains examens rares.

L'article 7 permet de lutter contre la financiarisation du secteur en limitant les spéculations qui menacent l'avenir de la biologie médicale de proximité.

Finalement, la proposition de loi est le fruit d'une longue négociation avec les professionnels qui, dans l'ensemble, sont satisfaits par l'économie générale du texte. Il s'agit d'un compromis.

Des modifications pourraient certes être apportées. Certains souhaitent une accréditation totale et immédiate, d'autres préféreraient une certification par la Haute autorité de santé. Certains souhaiteraient l'interdiction totale des ristournes, d'autres désirent, au contraire, qu'elles soient possibles, permettant à certains laboratoires d'étendre leurs parts de marché ou de réaliser des économies pour les budgets hospitaliers ou pour les caisses d'assurance maladie. Certains voudraient que les infirmières ne puissent effectuer que des prélèvements, mais qu'en serait-il dès lors de l'accréditation du transport ? La proposition de loi leur ouvre la phase pré-analytique, mais elles ne sont pas demandeuses et souhaitent pouvoir effectuer les prélèvements et voir préciser les conditions de transport. Revenir sur la disposition de la proposition de loi pourrait conduire à leur interdire de faire tout prélèvement dans la mesure où les conditions de transport, qui font partie de la phase pré-analytique, ne seraient pas précisées. Certains voudraient rouvrir l'accès au capital. Nombreux sont ceux qui souhaitent au contraire le limiter aux biologistes. Certains voudraient interdire toute nomination de PU-PH à un praticien non titulaire du diplôme de biologie.

Ce texte, tout le monde le reconnaît, est donc l'objet d'un compromis. Il mettra fin à une insécurité juridique préjudiciable à tous.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Luc Préel

Il est très important de le voter sans modification en dehors de deux améliorations mineures apportées en commission.

Il est souhaitable que le Sénat le vote ensuite rapidement conforme. Sinon, il ne pourrait guère être repris avant une bonne année pour ne pas dire plus, et l'ordonnance s'appliquerait intégralement sans les améliorations que nous apportons.

La commission a voté cette proposition de loi que j'ai l'honneur et le plaisir de vous présenter. Je vous invite à confirmer ce vote positif. (Applaudissements sur les bancs des groupes NC et UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Mallot

La parole est à Mme la secrétaire d'État chargée de la santé.

Debut de section - PermalienNora Berra, secrétaire d'état chargée de la santé

Monsieur le président, mesdames, messieurs, la biologie médicale est devenue, à la suite d'une évolution profonde de la connaissance scientifique, un élément crucial du parcours de soins, déterminant pour le diagnostic de la majorité des pathologies et pour le suivi des pathologies et de leur thérapeutique. Le Gouvernement a donc souhaité, trente-trois ans après la dernière réforme de la biologie médicale, entreprendre une réforme en profondeur destinée à préparer l'avenir de cette spécialité médicale.

Les défis sont immenses, tant pour les soins que pour la recherche, mais les contraintes sont grandes, je le sais, pour l'organisation, l'acquisition d'équipements de plus en plus coûteux et la qualité du service rendu.

Ces défis ont été le facteur déclenchant de l'ordonnance Ballereau du 13 janvier 2010 et de tout le travail de concertation qu'a nécessité l'élaboration de ce texte. Il s'agissait de se donner les moyens de moderniser 1'évolution de la biologie, de s'adapter aux progrès de la technologie, et de respecter des critères de qualité, et ce pour rendre un service optimal aux patients.

Un grand travail a été réalisé tant par les acteurs de la biologie que par les parlementaires, mais certains aménagements étaient nécessaires, repris dans la proposition de loi Fourcade puis dans la loi de financement de la sécurité sociale de 2012. Les corrections demandées notamment par les syndicats de biologistes avaient ainsi pu être adoptées par l'Assemblée nationale et le Sénat, mais le Conseil constitutionnel a censuré ces dispositions, pour des questions de forme et non de fond.

Dans ce contexte, la présente proposition de loi déposée par Valérie Boyer devrait permettre de valider ces dispositions, et je remercie son rapporteur, Jean-Luc Préel, ainsi que la commission pour leur travail.

Tout en s'adaptant à l'évolution des connaissances et des technologies, cette proposition de loi a pour objectif de renforcer le caractère médical de la profession, en intégrant notamment le biologiste dans un dialogue avec les cliniciens sur les examens réalisés en fonction des éléments cliniques.

En réaffirmant l'aspect médical de la profession de biologiste, la proposition de loi devra par ailleurs protéger les biologistes médicaux français du risque de financiarisation de leur profession et renforcer le lien entre le biologiste et le patient.

Le risque de financiarisation devrait être largement atténué par les règles régissant les participations au capital des sociétés ainsi que par le fait que le droit de vote est réservé aux biologistes exerçant leur profession au sein de ces sociétés.

Le lien avec le patient devra être optimisé en valorisant les interactions entre le biologiste et le médecin prescripteur mais aussi en permettant à des infirmières d'effectuer des prélèvements et de les conditionner à leur cabinet à proximité du domicile des patients.

La nécessité pour les laboratoires d'être évalués sur le plan de la qualité sera objectivée par un processus d'accréditation. Ce processus est contraignant et coûteux, j'en suis bien consciente, mais il est incontournable.

Afin de s'assurer d'une mise en oeuvre satisfaisante du processus d'accréditation sans pour autant nuire à des laboratoires de moyenne importance, j'ai tenu à faire en sorte que la date butoir pour obtenir cette accréditation soit repoussée à 2018. Il s'agit de permettre aux laboratoires de se réorganiser et, surtout, d'acquérir le matériel nécessaire et de mettre en place les processus visant à se conformer aux exigences liées à cette accréditation.

Je suis consciente que la durée nécessaire pour la restructuration de certains laboratoires de biologie médicale sera plus longue que prévu, et ce décalage dans le temps est donc indispensable. L'accréditation est un enjeu important pour le système de santé au-delà même de la biologie médicale. Si l'on ne peut pas garantir la qualité d'un résultat, il ne faut pas faire l'examen et encore moins rendre le résultat aux cliniciens. Les patients admettent de moins en moins les erreurs évitables et ils ont raison.

Autre point important, celui qui consiste à pouvoir ajuster les prix aux tarifs des examens de biologie médicale dans le cadre de conventions entre les laboratoires de biologie médicale, les établissements de santé, les caisses d'assurance maladie ou d'autres laboratoires. Cette disposition a été adoptée par le Parlement dans la loi de financement de la sécurité sociale pour 2012, et il paraît difficile de revenir sur une mesure validée par le législateur il y a quelques semaines et qui a un impact financier considérable.

Enfin, certains aménagements du texte ont été nécessaires, mais ils n'en remettent pas l'esprit en cause.

Cette réforme de la biologie est très attendue, et depuis longtemps, par les professionnels. Elle devrait contribuer à renforcer la qualité de l'offre de soins, la rendre accessible à tous et répondre aux besoins des patients comme des professionnels de santé. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Mallot

Dans la discussion générale, la parole est à M. Philippe Vigier.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Vigier

Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, la proposition de loi que le groupe Nouveau Centre vous propose aujourd'hui, par la voix de son rapporteur Jean-Luc Préel, est le fruit, cela a été dit, de différents textes qui se sont succédé depuis 2008. Le Gouvernement s'est en effet attelé dès cette date à la nécessaire réforme de la biologie médicale.

C'est l'aboutissement d'un parcours chaotique : il aura fallu de près de quatre années pour que cette réforme voie enfin le jour. Mais, dirons-nous, seul le résultat compte !

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Vigier

Cette proposition de loi permettra d'accompagner les évolutions de la profession et la dotera d'un cadre juridique, mettant ainsi fin à une succession d'occasions manquées depuis l'ordonnance du 13 janvier 2010. Occasions manquées ou pire encore, puisque certains, lors de l'examen de la loi de bioéthique, ont jugé bon de balayer d'un revers de main cette ordonnance au motif que le texte interdisait à d'éminents professeurs de continuer d'occuper une chaire, faute d'avoir fait des études menant directement à la biologie.

Pourtant, mes chers collègues, il y a urgence : trente-trois ans après la dernière réforme, avec la loi du 11 juillet 1975, et vingt ans après l'instauration des sociétés d'exercice libéral, la biologie médicale a connu un formidable essor, la profession a considérablement évolué. Nous sommes passés en quelques années de la manipulation des tubes à essai à la biologie moléculaire et aux nanotechnologies. Ce métier s'est ainsi affirmé dans la chaîne de soins. La biologie médicale est même aujourd'hui devenue un élément central du parcours de soins des patients, déterminante pour l'élaboration de 60 % des diagnostics, le suivi des pathologies et, naturellement, la thérapeutique.

Cette évolution, chacun l'a bien compris, a rendu obsolète la loi du 11 juillet 1975. La structure des laboratoires français de biologie médicale n'a pas progressé aussi vite que l'évolution des connaissances scientifiques l'aurait exigé. Certains laboratoires ont en effet une activité trop faible pour être en mesure de s'adapter aux techniques d'analyses les plus modernes tout en dégageant le temps nécessaire à la prestation intellectuelle, partie intégrante de l'examen de biologie médicale.

Enfin, mes chers collègues, l'autorisation d'ouvrir un laboratoire est subordonnée à des normes inadaptées, avec une liste d'équipements obsolète et l'exigence que les locaux soient d'un seul tenant, alors qu'en revanche la présence effective du biologiste dans ces locaux n'est même pas imposée. En réalité, la réglementation est fondée sur des obligations de moyens et non de résultats.

Ces normes dépassées constituent un frein au progrès technique et aux évolutions organisationnelles. La biologie médicale est restée au ban de la modernisation de notre système de soins, alors même qu'elle est devenue une spécialité incontournable. Une réforme structurelle, globale et profonde s'imposait donc pour accompagner les mutations de cette discipline.

Pour avoir été l'un des parlementaires qui ont beaucoup travaillé sur l'ordonnance Ballereau, je crois pouvoir dire qu'elle a résulté de la plus large concertation et que c'est précisément aux objectifs que je viens de citer qu'elle entendait répondre, puisqu'elle permettait d'assurer une meilleure qualité des analyses biomédicales tout en accompagnant la restructuration du secteur.

Je souhaite tout de même préciser que la problématique de la qualité n'est pas arrivée en 2011. C'est en 1976 que la Société française de biologie clinique a été créée, portée sur les fonts baptismaux par de jeunes internes.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Vigier

Je faisais partie des quatre qui ont lancé en France le contrôle national de qualité, lequel a prouvé son succès puisqu'il a été copié par les autres pays de l'Union européenne.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Vigier

C'est ce même texte qui donne corps à l'essentiel de la réforme en réécrivant le livre du code de la santé publique consacré à la biologie médicale.

L'ordonnance harmonise les dispositions applicables aux laboratoires publics et privés, et approfondit la médicalisation de la biologie, en renforçant le dialogue, comme l'a souligné Jean-Luc Préel, entre le biologiste médical et le médecin clinicien.

Elle établit également la responsabilité du biologiste sur toute la chaîne de production de l'examen et définit le statut et les responsabilités du « biologiste-responsable » d'un laboratoire.

Elle rend obligatoire l'accréditation des laboratoires, seule modalité envisageable pour prouver la qualité des examens de biologie médicale. Ce sera ainsi la seule discipline médicale dans laquelle existe une accréditation. De même, il n'en existe pas dans les pays qui nous entourent.

Cette ordonnance permet une répartition territoriale équilibrée des laboratoires afin de garantir la pluralité et la proximité de l'offre de soins. Il était même prévu que des laboratoires appartenant à trois territoires de santé contigus puissent travailler dans une même organisation de soins, pour éviter les grandes chaînes de laboratoires.

Enfin, et surtout, l'ordonnance renforce l'organisation territoriale de la biologie médicale et fixe des règles prudentielles qui favorisent une organisation « multi-sites » des laboratoires garantissant l'accès à la biologie médicale sur l'ensemble du territoire.

Un certain nombre de questions restaient toutefois en suspens. Tout d'abord, l'exigence d'accréditation de 100 % des actes d'ici à 2016 est en pratique irréalisable, madame la secrétaire d'État, en particulier en milieu hospitalier.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Vigier

Je vous invite à vous rendre dans les laboratoires qui ont entrepris la démarche d'accréditation, comme c'est mon cas depuis trois ans, et vous constaterez que c'était totalement irréalisable !

Le deuxième problème posé par cette ordonnance, c'est l'impossibilité pour les infirmières d'effectuer des prélèvements à domicile, dans la phase pré-analytique. Or il existe des territoires ruraux, en Rhône-Alpes comme en Auvergne ou dans la région Centre, où il ne se trouve pas un laboratoire d'analyses médicales à soixante kilomètres à la ronde.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Vigier

Ce ne sont donc pas 5 % des prélèvements qui sont réalisés par les infirmiers, mais de 90 à 100 % !

Un autre problème tient à la pratique des ristournes. Il y a trente ans, les ristournes, les dessous-de-table existaient dans la profession, vous le savez. Un acte médical est-il négociable ? Pourra-t-on demain, par exemple dans le cadre de dépistages, dire au professionnel : « Si je vous demande cinquante radiologies, à combien me faites-vous la radiologie ? » En médecine préventive, c'est comme cela. Dans ma commune, j'ai une entreprise industrielle qui appelle, du fait des activités de ses salariés, une médecine préventive extrêmement exigeante.

Puisque l'ordonnance avait été supprimée lors des discussions sur la loi de bioéthique, dans les conditions que j'ai précisées, c'est donc à l'occasion de la révision de la loi « Hôpital, patients, santé et territoires » par la loi Fourcade que l'Assemblée nationale a essayé de la réintroduire, en y apportant les modifications nécessaires. Or, comme vous l'avez rappelé, madame la secrétaire d'État, ces nouvelles dispositions ont été censurées par le Conseil constitutionnel, au motif qu'il s'agissait de cavaliers législatifs.

J'en viens aux dispositions du présent texte. Il s'agit d'une proposition de loi enrichie de toutes les étapes précédentes. C'est, comme l'a très bien dit Jean-Luc Préel, un texte de compromis, les uns et les autres ont été écoutés. Il permet d'éviter de renvoyer une fois de plus la réforme de la biologie médiale aux calendes grecques.

Outre la ratification de l'ordonnance, en son article 6, qui permet d'assurer une meilleure qualité et une plus grande proximité des analyses biomédicales, il renforce le caractère médical de l'examen en en précisant la définition, qui exclura les actes d'anatomie et de cytopathologie, en encadrant juridiquement la phase pré-analytique afin de permettre l'intervention des infirmiers libéraux – on ne leur demandera pas de procéder à la centrifugation des tubes ni de placer ceux-ci dans des boîtes réfrigérées –, en permettant aux établissements de transfusion sanguine de disposer de sites localisés sur plus de trois territoires de santé, en rétablissant l'interdiction des ristournes, et, enfin, en permettant et en encadrant, dans les centres hospitaliers et universitaires, le recrutement dans une discipline biologique de professeurs des universités non titulaires du DES de biologie médicale à condition qu'ils soient médecins ou pharmaciens ayant exercé dans un laboratoire médical.

Vous l'aurez compris, mes chers collègues, ce texte assurera également aux patients une plus grande qualité, par l'accréditation de 80 % des prestations en 2018. C'est un délai raisonnable et suffisant pour atteindre un objectif très ambitieux.

Ce texte permettra également d'assurer la transmission entre biologistes. L'accès des jeunes à la profession est à l'heure actuelle impossible. Il est donc important que ces jeunes puissent être associés au capital des sociétés.

C'est pourquoi il est temps d'adopter des mécanismes destinés à éviter une financiarisation qui menace l'exercice libéral de la profession. Voulons-nous d'une biologie à l'allemande ou à la belge, avec des doctor tests, avec des machines, madame la secrétaire d'État, qui ne sont même pas calibrées trois fois par jour comme elles le sont dans un laboratoire d'analyse médicale ? Voulez-vous cette médecine-là ou bien celle que nous pratiquons en France, la meilleure en Europe et dans le monde en termes de qualité ?

Mes chers collègues, il est temps d'adopter ce texte, en l'état, sans improvisation de dernière seconde avec des amendements qui en bouleverseraient l'équilibre général, car je crois que la profession attend avec impatience une sécurisation juridique, un cadre que nous aurons mis plus de quatre ans à fixer. (Applaudissements sur les bancs des groupes NC et UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Hélène Amiable

Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, monsieur le rapporteur, chers collègues, nous rediscutons aujourd'hui, au pas de charge, d'un texte caractéristique de l'obstination aveugle du Gouvernement depuis près de quatre ans. Le rapport Ballereau qui préconisait cette réforme date en effet de 2008, et les tribulations d'une ordonnance devenue proposition de loi après être passée par le texte « Hôpital, santé, patients, territoires », la loi Fourcade et le Conseil constitutionnel, relèvent du fiasco législatif, un fiasco qui suscite l'amertume de toute la profession.

Une amertume d'ailleurs bipolaire, une sorte de bataille des anciens contre les modernes, des praticiens contre les industriels, des hospitaliers et des libéraux aspirant à l'indépendance contre les oligarques financiers.

Contre toute attente, alors que, dans notre pays et en Europe, s'élèvent un nombre toujours plus important de voix contre la mainmise de la finance sur un nombre croissant de secteurs, notamment ceux d'entre eux qui appartiennent de droit à l'ensemble de nos concitoyens, tels que celui de la santé, par le truchement de la sécurité sociale, cette proposition de loi fait le jeu de la finance.

L'enjeu d'une telle réforme réside en toute logique dans la réaffirmation de l'indépendance des professionnels, dans la préservation du maillage territorial, dans la garantie d'un égal accès aux soins de qualité sur tout le territoire, et dans la protection du secteur de la biologie médicale contre les assauts d'investisseurs peu scrupuleux pour qui santé publique rime avec investissements juteux et sécurité sanitaire avec potentiel de croissance.

Or ce texte, sorte de confession de l'absence de volonté politique de la majorité, entérine une situation préjudiciable aux professionnels et aux usagers, et confine la biologie médicale à son potentiel de rentabilité financière, avant toute considération de santé.

Depuis plusieurs années, nous assistons à la mutation de ce secteur médical en un véritable marché de la biologie médicale et nous ne cessons de le dénoncer. Une mutation qui s'explique par plusieurs facteurs intimement liés.

D'un côté, des fonds d'investissements, tels que Duke Street ou Capio, ou des groupements, tels que Labco, parviennent à détourner les règles d'acquisition du capital des laboratoires grâce à une multiplicité de statuts juridiques permettant les participations croisées.

Leurs pratiques d'investissement agressives poussent les biologistes, jusqu'alors indépendants, à vendre à prix d'or leur outil de travail, alimentant une bulle spéculative des prix de rachat des parts de capital. La rédaction du nouvel article L. 6223-6-1 du code de la santé publique, qui vise à remédier au problème de la situation ultraminoritaire dans les laboratoires constitués en sociétés d'exercice libéral a d'ailleurs fait réagir des groupes tels que Labco, lequel y voit une disposition qui, je cite, « vise à mettre un terme à la consolidation du secteur avec le support de capitaux tiers » et nous appelle à le supprimer au nom de la réduction des coûts de notre biologie et de sa nécessaire mutation en un secteur industriel permettant des économies d'échelle. Cette mue est présentée par ceux qui veulent en tirer profit comme incontournable en raison de l'accréditation dont doivent désormais se prévaloir les laborantins et qui ne serait accessible qu'avec le support de capitaux tiers.

Cette stratégie d'accréditation couplée au benchmarking est caractéristique de l'approche technocratique du développement de tous les secteurs de l'économie au niveau européen, qui favorise des évolutions poussant des pans entiers de l'économie à des modernisations à marches forcées, avec leur lot d'économies d'échelle, de licenciements, de dépossession des travailleurs de leur outil de travail. On ne pourrait en trouver meilleur exemple que la stratégie de ces investisseurs qui, sous prétexte de réduire les coûts pour notre système de santé et d'assurer une meilleure qualité de service pour les usagers, sont en réalité vent debout contre toute norme législative ou réglementaire qui viendrait entraver le mouvement de concentration capitalistique dont ils tirent d'alléchants profits. Or cette activité spéculative se fait au détriment de l'indépendance déontologique des biologistes, pourtant constitutive de cette profession médicale.

Coté laborantins, du fait de l'existence même de cette bulle spéculative, les biologistes seniors encore propriétaires de leurs laboratoires concentrent un capital survalorisé qui place les jeunes biologistes dans une position intenable de subordination et de soumission aux pressions financières des actionnaires majoritaires. Dans ces conditions, reprendre la direction d'un laboratoire devient quasiment impossible, et en ouvrir un, impensable.

Une telle situation n'est pas sans incidence sur les biologistes, qui non contents de voir leur indépendance professionnelle assujettie aux intérêts économiques et financiers, ressentent comme une humiliation le traitement qui leur est réservé par le législateur alors même que leur rôle dans la médecine moderne et la recherche médicale est reconnu par tous !

Le résultat de cette évolution ubuesque est sans appel : des laboratoires indépendants et de proximité disparaissent tous les jours, notamment dans les territoires ruraux, au profit d'une concentration de l'activité sur des plateaux techniques éloignés des bassins de population, mettant à mal un maillage territorial pourtant exemplaire et qui donne toute satisfaction non seulement aux usagers mais également en termes de qualité du service médical rendu. La concentration que subit le secteur accentue donc le phénomène d'inégalité d'accès aux soins. Non seulement la situation des laboratoires de biologie médicale et des professionnels qui y exercent est désormais préoccupante dans le public et catastrophique dans le privé, mais surtout cette situation engage la santé publique et la sécurité sanitaire des patients, dont la prise en charge pâtit de la logique de profit immédiat qui préside aux stratégies des investisseurs en pleine prédation du secteur. Le jugement de la Cour de justice européenne du 16 décembre 2010 ne dit pas autre chose en soulignant que l'indépendance professionnelle des biologistes médicaux est assujettie aux intérêts économiques, et ce au détriment de la santé des Français, les jeunes biologistes ne pouvant plus, dans les faits, créer de nouveaux laboratoires ni s'associer pour préserver leur indépendance, seule garante de l'éthique médicale.

Dans un tel contexte, un nouveau cadre législatif est indispensable. Celui-ci devrait garantir la pérennité de la profession, son indépendance et son recentrage sur le soin et non plus sur la valorisation des capitaux. La possession de leur outil de travail par les laborantins doit leur être assurée, le libre choix quant aux investissements nécessaires au strict respect des impératifs de sécurité sanitaire et de santé publique doit leur revenir et ne pas être laissés à l'appréciation intéressée des investisseurs et des spéculateurs de tout poil qui ne voient dans la santé qu'un terrain propice à la rentabilité financière à court terme.

Le sort que vous réserverez aux amendements que nous avons déposés visant à ramener cette réforme de la biologie médicale sur les véritables enjeux de santé conditionnera le vote des députés communistes, républicains et du parti de gauche. Pour nous, la cause est entendue : les soins et la santé de nos concitoyens ne doivent pas être au service de la finance !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marie Rolland

Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, la proposition de loi que nous examinons cet après-midi a pour objectif d'achever le chantier législatif de la réforme de la biologie médicale, entamé en février 2009 avec l'examen du projet de loi « Hôpital, patients, santé et territoires », dit HPST, dont j'ai été le rapporteur à l'Assemblée nationale. En effet, son article 20, devenu l'article 69 du texte final, a permis au Gouvernement de réformer, par voie d'ordonnance, les conditions de création, d'organisation et de fonctionnement des laboratoires de biologie médicale. Les débats parlementaires avaient toutefois porté largement sur le fond de la réforme puisque l'ensemble du texte a fait l'objet de plus de cent heures de débats.

La proposition de loi que nous examinons aujourd'hui est le fruit, j'y insiste, de longs travaux et de longues négociations, qui ont permis d'aboutir à un bon compromis. Il est urgent désormais de faire adopter ce texte fort attendu par les professionnels du secteur qui ont besoin d'un cadre juridique stable pour appuyer les mutations de leur métier. En effet, la biologie, comme l'ensemble des autres disciplines médicales, a bénéficié très largement des progrès techniques. On est ainsi passé en quelques années de la manipulation des tubes à essai à des techniques très sophistiquées, reproductibles aisément, conduisant à une mécanisation et à une automatisation exigeant souvent de grands volumes de prélèvements, et les résultats sont obtenus plus rapidement, à un moindre coût, sur des prélèvements de faible volume et avec une meilleure précision.

La biologie médicale est un élément primordial du parcours de soins, tant sur le plan diagnostic que sur celui du suivi des traitements. Il est donc essentiel de pouvoir garantir à tous les Français l'accès à une biologie médicale de qualité dans tous les laboratoires, en ville, à la campagne comme à l'hôpital. C'est pour cela que le Gouvernement avait souhaité, en 2008, soit trente-trois ans après la réforme de la biologie médicale établie par la loi du 11 juillet 1975, entreprendre une nouvelle réforme destinée à préparer l'avenir de cette discipline afin que celle-ci s'adapte aux évolutions mais aussi aux besoins des patients. Son objectif, tel qu'il a été défini par Roselyne Bachelot, alors ministre de la santé, était « de permettre à chacun d'avoir accès à une biologie médicale de qualité prouvée, payée à son juste prix, dans un cadre européen ». Cette réforme était issue de plusieurs constats : un rapport de l'Inspection générale des affaires sociales avait montré, en 2006, que la qualité moyenne des laboratoires de biologie médicale était bonne mais avec quelques insuffisances, plus particulièrement dans des laboratoires à faible activité ; par ailleurs, ce rapport indiquait aussi que la structure des laboratoires français de biologie médicale n'avait pas progressé aussi vite que l'évolution des connaissances scientifiques et des technologies l'aurait exigé et que certains avaient une activité trop faible pour être capables de s'adapter aux techniques d'analyse les plus modernes.

Face à ces constats, une réforme structurelle et profonde du secteur était donc nécessaire. C'est à cette fin qu'il avait été demandé par la ministre de la santé à Michel Ballereau de lui faire des propositions. Elles ont servi de base à la rédaction de l'ordonnance du 13 janvier 2010 relative à la biologie médicale. La réforme ainsi proposée, aujourd'hui reprise dans le texte qui nous est soumis, place le patient au coeur de nos préoccupations. Elle a été construite avec les professionnels et s'appuie sur deux mesures principales qui ont pour objectif de créer une biologie médicale efficiente, de qualité prouvée et, je le redis, mise au service du patient.

Tout d'abord, la médicalisation. Il est important de s'appuyer sur les acquis et de considérer la biologie médicale non pas comme une discipline uniquement technique, mais comme une discipline médicale exercée par des médecins biologistes et des pharmaciens biologistes au bénéfice des patients. Il faut donc renforcer le caractère médical de la discipline, et c'est le biologiste médical qui sera le garant de la qualité de l'examen dans son ensemble. Les compétences de ces professionnels de santé, fondées sur plus de dix ans de formation initiale et sur une formation continue obligatoire, doivent être valorisées et mieux utilisées pour améliorer la pertinence du diagnostic et du suivi. Je souligne que la biologie médicale ne doit plus être considérée comme un service mais comme une prestation médicale.

C'est pourquoi la proposition de loi, que j'ai cosignée, prévoit notamment que les ristournes seront désormais interdites. Ces remises sont fréquemment accordées par les laboratoires de biologie médicale aux établissements de santé en fonction du volume, mais il paraît difficilement concevable d'admettre que les laboratoires soient invités à se livrer à une guerre commerciale à coups de rabais sur la nomenclature de l'assurance maladie. En revanche, il convient d'encourager les coopérations entre établissements de santé qui, dans le domaine de la biologie comme dans d'autres, doivent permettre de maintenir sur l'ensemble du territoire une offre de qualité et de rationaliser les investissements.

L'autre mesure, c'est l'accréditation. La réforme de la biologie médicale proposée marque le passage d'obligations de moyens à des obligations de résultats tournées vers le patient. En effet, la régulation du système de santé repose principalement sur la qualité. Il s'agit de passer d'un système de normes réglementaires telles que la taille des locaux ou les quotas de personnels, à un système qui repose sur l'accréditation, véritable monitoring permanent, qui vérifie notamment la qualité de l'accueil, la qualité des résultats, la qualification permanente du personnel et la prise en compte des erreurs constatées. La certification, non adaptée à un domaine comportant une part technique importante, a été écartée. Elle n'apporterait pas les garanties nécessaires au patient. L'accréditation deviendra donc obligatoire pour tous les laboratoires de biologie médicale sur la totalité des examens. Une période transitoire est mise en place pour les laboratoires existant actuellement : la date buttoir de l'entrée en vigueur de l'obligation d'accréditation de 80 % des actes a été fixée au 1er janvier 2018 et celle de l'entrée dans la démarche d'accréditation au 1er novembre 2014. Il est ainsi proposé, notre rapporteur l'a rappelé, de repousser les délais initialement prévus par l'ordonnance portant réforme de la biologie médicale, ce qui me semble une mesure de bon sens. C'était une demande des professionnels, surtout ceux exerçant dans les petits laboratoires, pour qui ces délais apparaissaient comme étant trop courts pour atteindre les normes de qualité imposées pour l'accréditation. Il est important, dans un souci de préservation d'une biologie de proximité, d'assouplir le calendrier initial.

La démarche d'accréditation s'inscrit dans une logique suivie depuis de nombreuses années, depuis le guide de bonne exécution des analyses jusqu'à l'évolution des systèmes mis en place par les professionnels eux-mêmes. Grâce à l'accréditation obligatoire, la qualité technique mais aussi médicale sera reconnue et prouvée sur l'ensemble de l'acte, du prélèvement au rendu du résultat interprété. Toutefois, la santé n'est ni une science exacte ni un produit industriel. C'est pourquoi, alors que toute la profession aura à s'adapter à cette méthode, il est tout aussi crucial que l'accréditation, dans le complet respect des normes, s'adapte à la santé. On ne saurait accréditer un laboratoire de biologie médicale comme un laboratoire de recherche en métallurgie. Les incertitudes vont être définies, avec les professionnels que sont les pharmaciens et les médecins biologistes, de façon adaptée aux besoins. Ainsi, il s'agit de parvenir à garantir un niveau de qualité satisfaisant pour tous les examens sans fixer des objectifs qui seraient, de fait, inapplicables dans la pratique quotidienne de chaque laboratoire.

Certaines difficultés étant apparues dans la mise en application de l'ordonnance de janvier 2010, c'est la raison pour laquelle, à l'occasion de la discussion de la proposition de loi Fourcade du 13 juillet 2011, le rapporteur du texte, Valérie Boyer, avait intégré un article portant ratification de l'ordonnance, assortie de modifications attendues par les biologistes, notamment la réintégration des cabinets infirmiers dans les lieux de prélèvement pré-analytique autorisés et le report de la date d'accréditation par le COFRAC. Ce texte répondait également au risque de financiarisation grandissante de la profession de biologiste, risque qui a été souligné sur tous les bancs de cette assemblée. 25 % du capital des laboratoires de biologie médicale français est déjà détenu par des investisseurs financiers. Il s'agit donc de limiter la financiarisation du réseau des laboratoires de biologie médicale et de préserver l'indépendance de la profession. Ainsi, la proposition de loi Fourcade prévoyait-elle de soustraire les sociétés d'exercice libéral – les SEL – des biologistes médicaux du champ du 1er alinéa de l'article 5-1 de la loi du 31 décembre 1990, ce qui interdisait de fait la détention d'actions par des actionnaires non-biologistes susceptible leur assurer une position dominante dans la société. Cette proposition de loi avait été adoptée par les deux chambres.

Toutefois, le 4 août dernier, le Conseil constitutionnel, saisi par des députés socialistes, a censuré ces articles pour de pures raisons de forme. Il s'agit d'une annulation qui porte sur la seule procédure législative et non sur le fond des articles.

C'est pour cela que nous nous retrouvons ce soir afin d'étudier de nouveau un texte qui reprend l'ensemble de ces mesures et qui, je l'espère, sera rapidement adopté par les deux chambres afin que la biologie médicale soit enfin réformée. Je vous remercie.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Lemorton

Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, il semblerait qu'il soit nécessaire de rappeler à la majorité que la biologie médicale est une spécialité à part entière, une spécialité indispensable et incontournable dans le domaine de la santé.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Lemorton

Il faut aussi rappeler, quand on nous oppose l'argument de l'Europe, que la santé reste du domaine de l'État et que celui-ci aurait pu user de son droit de subsidiarité pour refuser la financiarisation massive qui nous a été imposée par la Commission européenne.

La même problématique s'est présentée quand nous avons discuté du médicament, il y a quelques semaines. Nous avions convenu – M. Bertrand nous avait d'ailleurs rejoints sur ce point – qu'il fallait certes améliorer le système de sécurité sanitaire du médicament dans le respect de la transposition des directives européennes, mais que, pour autant, nous ne pouvions pas tout accepter sous prétexte d'harmonisation européenne car il en allait de la santé de nos concitoyens.

Constatant que la mainmise actuelle des groupes financiers donne un coup d'arrêt aux laboratoires de proximité et donc aux soins de proximité, nous ne pouvons que nous interroger sur la volonté du Gouvernement de conserver notre système de soins. Sans entrer dans le détail, je signale que l'un de ces groupes financiers est une succursale de la Générale de Santé qui a aussi fait une OPA sur des cliniques privées.

Le groupe socialiste, radical et citoyen que je représente s'était déjà exprimé sur le sujet en février et mars 2009 : lors du débat sur l'article 20 du titre II de la loi HPST, nous avions évoqué la question des laboratoires de biologie médicale et leur financiarisation.

Ce titre II, pour ceux qui l'auraient oublié, était intitulé « Accès de tous à des soins de qualité ». Le moins que l'on puisse dire, trois ans après, c'est que l'ambition affichée dans ce titre est bien loin de la réalité constatée sur le terrain. Si Mme Bachelot et ses successeurs avaient respecté l'engagement pris en mars 2009, quand à l'unanimité, gauche et droite confondues, nous avions voté la suppression de l'alinéa 7 de l'article 20 de la loi HPST, nous n'en serions peut-être pas là aujourd'hui.

Cet engagement était de consacrer un vrai temps de débat parlementaire à cette question. Tous les parlementaires présents ce jour-là étaient en attente d'un projet de loi permettant de discuter sereinement et en détail des sujets concernant l'avenir de la biologie médicale. Nous sommes bien loin du compte aujourd'hui.

En mars 2009, Mme Gallez, députée UMP, affirmait : « Les biologistes ne souhaitent pas que soient prises par ordonnance des mesures aussi importantes. » M. Mallié, député UMP, était surpris « qu'à l'heure où le Parlement est censé avoir plus de compétences », le Gouvernement décide d'agir par ordonnance. M. Tian, un autre député de l'UMP, se faisait porte-parole des « professionnels, très inquiets à l'idée que le Gouvernement prenne des ordonnances. »

Même les parlementaires de la majorité devraient aujourd'hui s'insurger face à ces pratiques et au non-respect manifeste de la représentation nationale dont témoigne la parution de cette ordonnance, moins d'un an après, révélant l'importance que la majorité en place accorde à la santé.

Au nom de mon groupe, je m'inquiète de voir le Gouvernement faire preuve d'un certain dédain à l'égard de ce qui est une spécialité médicale à part entière. Contrairement à ce que vous semblez penser, la biologie médicale est un vrai sujet et ne consiste pas seulement en dosages de cholestérol, de glycémie, de triglycérides ou de numération de formule sanguine.

Outre le suivi de maladies chroniques, cette spécialité médicale permet d'établir des diagnostics en urgence et de sauver des vies. Allez demander aux urgentistes des hôpitaux l'importance de la biologie, 24 heures sur 24, quand il faut orienter un patient vers telle spécialité ou telle autre, quand il faut très vite les analyses toxicologiques d'un patient arrivé inconscient aux urgences. À ce moment-là, chaque minute passée peut être une minute perdue.

Malgré l'importance de cette profession, malgré les engagements pris, vous nous obligez aujourd'hui à légiférer dans l'urgence, le couteau sous la gorge, sans prendre le temps des discussions ou des analyses nécessaires.

Comment voulez-vous, madame la secrétaire d'État, que l'on puisse ensuite vous croire quand vous nous jurez, la main sur le coeur, de prendre toutes les dispositions qui s'imposent pour améliorer la sécurité sanitaire et pour redonner confiance aux Français dans leur système de soins ?

Face à la dégradation effarante de la situation sur le terrain, à la déconstruction progressive des laboratoires de proximité, à la mort pure et simple des petits laboratoires et aux coûts exorbitants de l'accréditation, nous ne pouvons que nous abstenir ou nous dépêcher de voter pour ce texte mi-figue, mi-raisin afin de sauver ce qui peut encore l'être avant la fin de la législature.

Nous apprécions assez peu ce chantage, mais l'intérêt de la population sur un sujet aussi important que la santé nous pousse à agir d'une façon réfléchie sans être pour autant déraisonnée.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Lemorton

Nous convenons qu'il était important de veiller à ce que des normes de sécurité soient respectées dans les laboratoires de biologie médicale en faisant évoluer les pratiques et en veillant à ce que le patient soit au coeur des préoccupations. Le moins que l'on puisse dire, c'est que l'on est bien loin du compte !

Si l'ordonnance du 13 janvier 2010, relative à la biologie médicale, pensait innover, la profession a longtemps attendu sa ratification. Rappelons les méandres suivis par cette ordonnance et par cette réforme annoncées en grandes pompes pour mieux nous perdre.

Souvenons-nous qu'un amendement de suppression de cette ordonnance avait été adopté lors de l'examen du projet de loi de bioéthique. D'ailleurs, nous retrouvons trace de cette ordonnance dans tous les textes relatifs de près ou de loin à la santé : la loi HPST ; la loi de bioéthique ; la proposition de loi Fourcade que nous nous sommes d'ailleurs étonnés de ne pas voir resurgir à la faveur de l'examen de la loi renforçant la sécurité sanitaire des médicaments et des produits de santé. Pourquoi pas ? Après tout, vous nous avez habitués à tout depuis près de cinq ans.

Souvenez-vous aussi de la proposition de loi n° 2948, relative aux activités immobilières des établissements d'enseignement supérieur et conditions d'emploi du personnel, et qui tentait déjà de faire passer une partie des réformes portant sur la biologie médicale, notamment ce qui concerne la nomination de praticiens universitaires-praticiens hospitaliers. La commission des affaires économiques s'était déclarée incompétente sur le sujet tandis que la commission des affaires sociales n'avait même pas été saisie pour avis. C'est dire le peu de cas que vous faites de ce sujet, contrairement à ce que vous prétendez !

Mme Roselyne Bachelot avait argué, en 2009, lorsqu'elle était encore ministre de la santé, que cette ordonnance était nécessaire dans le contexte de la santé européenne en construction. Elle a toutefois oublié que la santé est juridiquement un domaine traité par subsidiarité au sein de l'Europe. Or ce texte a signé la mort sur ordonnance, si je puis me permettre ce jeu de mots, des laboratoires de proximité, en permettant l'arrivée sur le marché des groupes financiers qui appelaient de manière forcenée sur nos postes fixes à l'Assemblée nationale.

Il semblerait que pour la majorité en place, la santé n'est ni plus ni moins qu'un bien marchand qui se doit d'être rentable. Vous n'en êtes pas à votre premier forfait en la matière. Dois-je vous rappeler que la loi HPST a fait disparaître le mot hôpital de notre législation, en découpant les missions du service public de santé en rondelles distribuées aux établissements privés à but lucratif ?

Le problème qui se pose est celui du statut de la santé au niveau européen. La plainte d'un grand groupe financier a permis à l'Europe de considérer qu'il fallait ouvrir le capital des sociétés d'exercice libéral gérant des laboratoires d'analyses médicales. Dans le cadre du débat autour du médicament, les mêmes questions se sont posées. L'Europe persiste à considérer la santé comme un bien marchand ordinaire quand nous, socialistes, élus de gauche, souhaitons en faire un sujet prioritaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Lemorton

Nous rappelons donc encore une fois le Gouvernement à ses devoirs, à savoir la protection de la santé publique, et à son droit de subsidiarité.

Si la proposition de loi dont nous discutons ratifie cette ordonnance, elle n'en reste pas moins lacunaire et erronée sur certains aspects. Nous y reviendrons.

La mainmise des groupes financiers sur les laboratoires de biologie médicale est inquiétante pour les jeunes praticiens, les futurs biologistes, et même pour les plus expérimentés.

Dans le cadre de la loi de modernisation de l'économie du 4 août 2008, nous avions débattu de la question de l'ouverture du capital des sociétés d'exercice libéral ayant pour objet l'exercice d'une profession de santé. Nous avions tranché en affirmant que ce capital ne pouvait être détenu au-delà de 25 % par des non-professionnels. Ce n'est donc pas une faveur que nous demandons au Gouvernement, mais le respect des décisions et du rôle du Parlement.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Lemorton

Il paraît invraisemblable qu'un membre du Gouvernement se permette de bafouer à ce point la légitimité de la représentation nationale.

S'il est devenu normal pour les membres de la majorité au pouvoir d'introduire la finance partout, dans tous les domaines et sur tous les sujets, nous, élus de gauche, sommes profondément choqués que la rentabilité et la financiarisation deviennent le leitmotiv, au détriment de la sécurité sanitaire.

En effet, des perspectives de rentabilité à court terme attirent des fonds spécialisés – pour ne pas dire spéculatifs – qui n'hésitent pas à lever des sommes extrêmement importantes pour financer des réseaux de laboratoires. Les montants investis étant énormes, je vous pose la question madame la secrétaire d'État : que se passera-t-il quand ces groupes financiers voudront amortir leur investissement ? Que se passera-t-il quand ces groupes financiers voudront rentabiliser les prix de rachat très élevés de ces laboratoires ?

Puisqu'il semblerait que vous n'ayez aucune visibilité sur ce sujet, madame la secrétaire d'État, je vais vous le dire : nous allons assister à une course au plus grand nombre d'actes ou d'analyses pour rendre le secteur rentable et intéressant en termes de profits. Nous serons alors retombés dans un autre monopole, bien plus dangereux celui-là. Ce jour-là, ils vous imposeront la cotation du B vers le haut. Peut-être nous l'imposeront-ils à nous, car qui sait ce qui se passera dans les mois à venir ?

Sauf que nous, parlementaires de l'opposition, nous ne voyons pas les choses comme cela. Nous souhaitons que le patient soit la vraie préoccupation des laboratoires de biologie médicale. Nous souhaitons que les personnes en charge des dossiers de ces patients soient des professionnels de santé qualifiés, ayant de vraies considérations de santé publique. En d'autres termes, nous souhaitons laisser les biologistes faire ce pour quoi ils ont été formés.

Comment imaginer qu'un biologiste puisse avoir l'esprit tranquille quand il ne fait que signer des résultats obtenus sur des sites éloignés sur lesquels il n'a pas de visibilité réelle ?

Un autre de vos sujets obsessionnels se retrouve dans ce texte : des praticiens non qualifiés pourraient être nommés dans nos CHU pour dispenser des cours et bénéficier de postes qui ne leur reviennent pas. Je ne comprends pas que la nomination dans les hôpitaux ne soit pas réservée aux titulaires des diplômes d'études spécialisées en biologie médicale. À chaque professionnel sa formation et donc son domaine de compétences.

Si je suis votre raisonnement, il suffira de trois années passées dans un laboratoire de biologie médicale pour devenir PU-PH en biologie médicale. Retournons le raisonnement. Pourquoi un biologiste médical ayant passé trois ans en pneumologie ou en cardiologie ne deviendrait-il pas PU-PH en pneumologie ou en cardiologie ?

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Lemorton

Sauf à considérer que la biologie n'est pas une vraie spécialité, vous ne pouvez me répondre que ce n'est pas pareil. C.Q.F.D.

Venons-en à l'obligation d'accréditation sous la norme ISO 15189. Ce n'est pas moi qui vais vous dire que le renforcement de la sécurité sanitaire ne doit pas être de mise, mais cette qualité doit être garantie partout. Les normes d'accréditation doivent donc être harmonisées en ville, à l'hôpital et dans les cabinets d'infirmiers.

Avec un coût de l'accréditation estimé entre 400 et 500 millions d'euros par an, les petits laboratoires sont obligés de se jeter dans les bras des plus grands, le plus souvent détenus par des groupes financiers.

Signalons que Comité français d'accréditation, organe rendu nécessaire par la réglementation européenne, a un statut pour le moins étrange. Cette association de loi 1901 est l'unique instance nationale d'accréditation, mais elle n'a pas de statut public. L'accréditation est reconnue de puissance publique et est définie sur le site du COFRAC comme un service public. Sommes-nous donc dans le cadre d'une délégation de service public ?

Mais ce ne sont pas les seules questions que nous nous posons, au sein de l'opposition. Pourquoi les médecins biologistes ne peuvent-ils pas bénéficier de cotations de consultations ? Je prendrai pour exemple la situation des médecins qui exercent en biologie et médecine de la reproduction : ils étaient jusqu'alors agréés par l'Agence de biomédecine, mais celle-ci ne délivrera plus d'agréments eu égard aux changements législatifs survenus dans le cadre de la loi de bioéthique.

Par ailleurs, l'absence de qualification des médecins en biologie et médecine de la reproduction pose un certain nombre de problèmes, notamment dans les hôpitaux, les caisses d'assurance maladie ne reconnaissant pour le remboursement que les actes en rapport avec la qualification ordinale. Ainsi, savez-vous que, pour un couple qui se présente en vue d'une procréation médicalement assistée, il y a une consultation préalable qui peut durer longtemps, très longtemps, mais pour laquelle aucun acte et aucune rémunération ne sont prévus ?

Les minutes s'égrenant, trop rapidement, je vais conclure mon propos, avec beaucoup d'amertume. Les citoyens nous ont confié le mandat de législateur pour voter des lois qui décident de leur avenir, un avenir à regarder avec d'autant plus d'attention qu'il s'agit de la santé. Je ne trouve pas de mots assez forts pour qualifier la manière dont a été traité ce sujet dont je pense, madame la ministre, vous avoir convaincu qu'il était de la plus haute importance.

Malheureusement, nous sommes aujourd'hui au pied du mur, car voter contre cette loi serait laisser la financiarisation galopante s'approprier ce secteur.

Le sort réservé aux amendements présentés par mon groupe conditionnera notre vote. Nous serons en outre très vigilants quant au retour des ristournes et à l'ouverture du capital : si nous devions revenir sur ces deux sujets, il ne faudrait pas vous étonner de notre vote. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Discussion générale

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Mallot

À la demande de Mme la secrétaire d'État, la séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-huit heures quinze, est reprise à dix-huit heures vingt-cinq.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Mallot

J'appelle maintenant, dans le texte de la commission, les articles de la proposition de loi.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Mallot

Je suis saisi de deux amendements, nos 2 et 11 , pouvant être soumis à une discussion commune.

La parole est à M. Jacques Desallangre pour présenter l'amendement n° 2 .

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Desallangre

La rédaction actuelle de l'article 3 permet la réalisation, en dehors d'un laboratoire ou d'un établissement de santé, de l'ensemble de la phase pré-analytique d'un examen, c'est-à-dire non seulement du prélèvement d'un échantillon biologique, mais aussi du recueil des éléments cliniques pertinents, du transport ainsi que de la préparation du prélèvement en vue des analyses. Du point de vue de la santé publique et de la sécurité sanitaire, cela n'est pas souhaitable.

En outre, cette rédaction est contradictoire avec les dispositions sur l'accréditation. Les professionnels de santé autres que ceux exerçant dans un laboratoire de biologie médicale ne sont pas soumis à la même procédure d'accréditation que les biologistes. Comment, dans ces conditions, garantir le respect des normes imposées ? Les professionnels autorisés à effectuer l'ensemble de la phase pré-analytique seront-ils tenus de solliciter une accréditation ?

Notre rapporteur lui-même souligne que « la qualité de l'analyse du prélèvement jusqu'au résultat est en effet plus facile à garantir lorsque le prélèvement est effectué dans le laboratoire car la chaîne est alors mieux maîtrisée. » CQFD.

S'il est utile, notamment pour des raisons de proximité géographique des patients, de permettre aux infirmières ou aux médecins de continuer à réaliser des prélèvements à domicile, une rédaction aussi large ne paraît pas opportune.

Le présent amendement propose donc de restreindre le champ de l'examen de biologie médicale réalisable en dehors du laboratoire de biologie médicale au seul prélèvement des échantillons biologiques. Il renvoie par ailleurs à un décret le soin de définir les lieux dans lesquels pourront se faire ces prélèvements, ainsi que les catégories de professionnels de santé habilités à les réaliser.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Mallot

La parole est à Mme Catherine Lemorton, pour soutenir l'amendement n° 11 .

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Lemorton

Cet amendement, comme celui que vient de défendre mon collègue Desallangre, met en évidence le manque de précision de ce texte, qui confond la phase pré-analytique et le prélèvement. Celui-ci est une partie de celle-là, qui comprend également le transport – lequel sera certainement nécessaire, puisqu'il y aura des multi-sites – et la préparation. Mais certains collègues ici présents sont biologistes, ils en parleraient mieux que moi.

Je ne développerai pas longuement l'exposé des motifs de mon amendement, puisque M. Desallangre a dit l'essentiel, mais je crois que la rédaction de l'article doit être très précise, afin que la question des responsabilités reçoive une réponse claire. Une infirmière qui fait une prise de sang va-t-elle aller jusqu'au bout de la phase pré-analytique ? Évidemment non. Lorsqu'un échantillon urinaire devra être transporté sur soixante ou soixante-dix kilomètres – car, à force, c'est ce qui va arriver, avec la disparition des laboratoires de proximité –, dans quelles conditions ce transport s'effectuera-t-il, et à qui incombera la responsabilité si les choses ne se passent pas bien ?

Voilà pourquoi ces deux amendements sont très importants. Il faut que la loi soit beaucoup plus précise, ne serait-ce que pour préciser les responsabilités de chacun.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Mallot

Quel est l'avis de la commission sur les amendements nos 2 et 11  ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Luc Préel

La commission a donné un avis défavorable à ces deux amendements. Je comprends très bien le souci de mes collègues de voir préciser les notions de prélèvement et de phase pré-analytique. Il faut se souvenir qu'à l'origine les infirmières avaient eu l'impression que, aux termes de l'ordonnance Ballereau, elles n'avaient pas le droit, en toute rigueur, d'effectuer des prélèvements. C'est pourquoi il a été précisé qu'elles pourraient le faire, soit au domicile des patients, soit à leur cabinet. Cela me paraît souhaitable, car si elles ne pouvaient pas le faire, cela poserait de vrais problèmes.

Certes, comme vient de le dire Catherine Lemorton, la phase pré-analytique se définit de manière plus complexe, puisqu'elle comprend le prélèvement, le transport, la centrifugation, etc. Mais si on limitait l'accréditation des infirmières aux seuls prélèvements, cela risquerait de les empêcher, en fait, d'effectuer ces prélèvements, puisqu'elles ne pourraient assurer le transport.

Ces amendements ne prévoyant pas le transport et l'éventuelle préparation des prélèvements, ils rendent impossible, dans de nombreux cas, l'intervention des infirmiers libéraux. Cela serait particulièrement préjudiciable aux assurés qui ne peuvent se déplacer, et à ceux qui habitent dans des territoires ruraux ou montagneux.

La rédaction de la proposition de loi prend en compte l'ensemble de la phase pré-analytique en la mettant sous le contrôle et la responsabilité du laboratoire d'analyses. L'infirmier qui effectuera le prélèvement et le transport devra le faire – cette précision est très importante – selon des normes fixées par le laboratoire, dans le respect de la procédure d'accréditation. Les procédures applicables sont fixées par convention entre le représentant légal du laboratoire et le professionnel de santé qui effectue la phase pré-analytique.

Par conséquent, si le texte n'est peut-être pas parfait, il permet de résoudre le problème. Je suis donc défavorable à ces deux amendements.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Mallot

Quel est l'avis du Gouvernement sur ces deux amendements ?

Debut de section - PermalienNora Berra, secrétaire d'état chargée de la santé

Avis défavorable. Ce qu'a dit Mme Lemorton sur la phase pré-analytique est tout à fait juste. Simplement, je me rallie à l'avis du rapporteur, en ajoutant que les professionnels, dans leur exercice, sont tout à fait responsables de ce qu'ils réalisent. Il est très important que le prélèvement puisse s'effectuer partout, en tout lieu, dès lors que le professionnel est habilité à faire ce pour quoi il est responsable.

Il faut aussi rappeler que le professionnel de santé exerce dans le cadre d'une convention qu'il a conclue avec le laboratoire et qui fixe des procédures. Cette convention est prévue par l'article L. 6211-14 du code de la santé publique. La qualité des pratiques est garantie par cette convention, qui définit des conditions de réalisation de la phase pré-analytique dans son ensemble.

Voilà les raisons pour lesquelles je suis défavorable à ces deux amendements.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Sébastien Vialatte

Je pense que Mme Lemorton et Mme Vasseur – dont je regrette qu'elle ne soit pas là pour défendre son amendement n° 21 – ont parfaitement raison : on ne peut pas confondre prélèvement et phase pré-analytique. Et l'on ne peut pas faire assumer au biologiste la totalité de la responsabilité de la phase pré-analytique, tout en confiant celle-ci à quelqu'un d'autre.

D'autant plus que les professionnels savent bien que la source d'erreur majeure ne se situe pas dans la phase analytique. Dans les laboratoires d'analyses médicales, nos automates sont parfaitement calibrés, leur contrôle est parfaitement effectué. Toutes les erreurs, ou presque, proviennent de la phase pré-analytique. Il est donc tout à fait anormal de confier au biologiste la totalité de la responsabilité de cette phase, qui est réalisée par un autre professionnel.

Je suis donc tout à fait favorable à ces amendements. Encore une fois, si la rédaction actuelle du texte est maintenue, les biologistes vont endosser une responsabilité qui n'est pas la leur s'ils n'ont pas eux-mêmes effectué cette phase pré-analytique.

J'ajoute d'ailleurs que j'avais déposé un amendement similaire en première lecture. Il n'avait pas été adopté. Je suis très heureux de constater que dans tous les groupes de notre assemblée, un certain nombre de gens ont compris ce qu'était la biologie médicale.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Lemorton

Quand il s'agit d'être précis, on n'est jamais assez redondant. Vous dites tout et son contraire dans le même alinéa. En effet, le texte proposé pour l'article L. 6211-13 dispose que la phase pré-analytique peut être réalisée « en tout lieu, par un professionnel de santé habilité à réaliser cette phase ». Or, dans la phase pré-analytique, le « professionnel de santé » dont il est question ici est évidemment le biologiste,…

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Lemorton

…puisqu'il est responsable de cette phase du début à la fin, jusqu'à la centrifugation, ou la mise en culture, lorsque l'on fait de la bactériologie. Or, le même alinéa prévoit que « la phase pré-analytique doit être réalisée sous la responsabilité du professionnel concerné », c'est-à-dire le même qui, de toute façon, ne gérera pas tout, ne contrôlera pas tout.

À mon avis, si le texte n'est pas amendé dans le sens que nous proposons, on verra apparaître beaucoup de contentieux entre les professionnels de santé. Ce n'est peut-être pas le moment d'en créer, d'en inscrire dans la loi, d'une certaine façon, alors que l'on va sans doute commencer à parler de transferts de compétences, de délégations de tâches. Je crois qu'il faut être très précis. Et c'est le moment, justement, de l'être.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Vigier

J'irai dans le même sens que M. Vialatte et Mme Lemorton. Le prélèvement peut être fait par une infirmière. Vous aurez d'ailleurs observé que le texte initial prévoyait que la phase pré-analytique pouvait être réalisée dans un établissement de santé, voire au domicile du patient. Si je pousse le raisonnement à l'extrême, la phase pré-analytique est préparée chez le patient. Or, vous n'allez pas vous déplacer chez celui-ci avec une centrifugeuse et des bacs réfrigérés ! Le prélèvement, c'est l'acte médical effectué par l'infirmière, mais tout ce qui entoure cette phase-là doit être sous la responsabilité du professionnel. Or, celui qui garantit l'acte, du prélèvement, de son transport et ensuite de son acheminement et de son traitement, c'est le biologiste.

Vous aurez pu observer, madame la ministre, que ces amendements recueillent un avis favorable sur tous les bancs, à ceci près qu'ils n'emploient pas tout à fait les mêmes mots – l'amendement n° 2 parle du « prélèvement d'un examen de biologie médicale » alors que l'amendement n° 11 parle seulement du « prélèvement ». Quoi qu'il en soit, la sagesse veut que l'un de ces amendements soit adopté, ce qui permettra définitivement d'éviter un phénomène de « boîte aux lettres ». Si le texte était maintenu en l'état, on pourrait en effet imaginer que, dans certains centres de prélèvement, la phase pré-analytique soit réalisée dans des conditions d'insécurité biologique totale. Au contraire, si l'on veut de la sécurité, il faut que l'infirmière ou l'infirmier, voire le médecin, fasse son prélèvement, tout le reste étant sous la responsabilité du biologiste, celui-ci étant dorénavant responsable, d'après le texte dont nous sommes en train de discuter.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Luc Préel

J'ai bien entendu les arguments des biologistes ici présents. Ils connaissent très bien la phase pré-analytique. J'ai cru comprendre, quand même, monsieur Vialatte, de quoi il s'agissait.

Mais j'ai essayé d'expliquer où se trouvait la difficulté : si on limite l'accréditation des infirmières au seul prélèvement, un problème se posera en ce qui concerne le transport, qui fait partie de la phase pré-analytique. C'est pourquoi le texte prévoit – les infirmières ne demandant évidemment pas à se charger de la centrifugation et du reste – que l'infirmier qui assurera le prélèvement et le transport devra le faire selon des normes fixées par le laboratoire, dans le respect de la procédure d'accréditation.

Je reconnais que la rédaction actuelle n'est pas parfaite, sans aller jusqu'à dire qu'elle est confuse, car elle permet d'étendre la phase pré-analytique. Ces précisions étant faites, normalement, l'accréditation de l'infirmière est possible. Si l'on n'autorise l'infirmière qu'à faire le prélèvement, il risque d'y avoir un problème pour le transport.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Sébastien Vialatte

Je prends l'exemple d'une analyse très spécialisée, envoyée dans un laboratoire, à Lyon ou à Paris. Une infirmière va faire le prélèvement et traiter la phase pré-analytique en engageant la responsabilité du biologiste. L'examen va être transmis à un autre laboratoire, qui va se charger de la phase analytique. Et la responsabilité est endossée par le biologiste ! Autrement dit, nous ne contrôlons plus la phase pré-analytique, nous ne contrôlons pas la phase analytique, et nous sommes responsables du résultat ! Ce n'est pas possible. Ce n'est tout simplement pas possible. On ne peut pas nous demander d'endosser la responsabilité d'actes que nous n'aurons faits, ni au début, ni à la fin.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Vigier

Lorsque nous sommes en phase d'accréditation, madame la secrétaire d'État, nous devons même avoir des sondes pour vérifier que la température du prélèvement a bien été prise au départ et sera préservée pendant le transport. Allez-vous demander à l'infirmière de surveiller cela ? Non, c'est le rôle du biologiste.

Debut de section - PermalienNora Berra, secrétaire d'état chargée de la santé

Je veux bien, madame, messieurs les députés, que vous me rapportiez des cas particuliers.

Debut de section - PermalienNora Berra, secrétaire d'état chargée de la santé

Mais il ne me semble pas opportun d'inscrire dans la loi l'impossibilité pour les infirmières de procéder ne serait-ce qu'au transport, ce qui facilite la prise en charge des patients. À mon avis, je vous le dis comme je le pense, cela introduirait de la rigidité dans l'exercice des professionnels de santé. Il y a des patients qui vivent dans des zones un peu reculées. Si une infirmière est prête à transporter jusqu'à un laboratoire un prélèvement qu'elle aura fait auprès d'une personne âgée, c'est là une souplesse qu'il faut maintenir.

Debut de section - PermalienNora Berra, secrétaire d'état chargée de la santé

Parce que ce qui m'importe, quand même, c'est que les patients soient pris en charge dans les meilleures conditions possibles. Introduire dans la loi une rigidité qui empêcherait les infirmières de transporter ne serait-ce que les tubes, je crois que ce n'est pas souhaitable.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Lemorton

Madame la secrétaire d'État, je ne peux pas vous laisser dire que les exemples que nous citons sont des cas isolés. Des prélèvements urinaires en vue d'un examen cytobactériologique, il s'en fait plusieurs milliers chaque jour en France. Si l'infirmière a effectué le transport dans de mauvaises conditions et que le résultat de l'examen est erroné – par exemple un « faux positif » dans la recherche d'une escherichia choli –, on diagnostiquera à tort une infection urinaire. Je suis désolée, madame la secrétaire d'État, les exemples que nous vous donnons ne sont pas des cas isolés.

Debut de section - PermalienNora Berra, secrétaire d'état chargée de la santé

Puisque pharmaciens et biologistes représentent aujourd'hui l'hémicycle et sont les porte-parole d'une corporation, si j'ai bien compris,…

Debut de section - PermalienNora Berra, secrétaire d'état chargée de la santé

En effet, monsieur Lagarde. Pardon.

Je veux dire simplement qu'il y a des conventions entre les laboratoires de biologie médicale et les professionnels paramédicaux, en particulier les infirmières. Tout cela se fait dans le respect de certaines procédures, qui auront été précisées avec les professionnels. De ce point de vue, je ne pense pas qu'il y ait de crainte à avoir.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Mallot

Merci, madame la secrétaire d'État. Dans cet hémicycle, il n'y a pas de professionnels de santé. Il y a des députés de la nation, qui légifèrent en conscience, je l'espère.

(L'amendement n° 2 est adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Mallot

En conséquence, l'amendement n° 11 tombe, ainsi que l'amendement n° 12 .

(L'article 3, amendé, est adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Mallot

La parole est à M. Jacques Lamblin, inscrit sur l'article.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Lamblin

Je souhaite commenter le premier amendement proposé par le Gouvernement, qui me semble très important.

En effet, il confirme deux textes votés récemment – le dernier l'a été il y a à peine deux mois, dans la loi de financement de la sécurité sociale –, prévoyant qu'il est possible pour un hôpital d'obtenir un tarif négocié de la part d'un laboratoire.

C'est important pour les hôpitaux, mais aussi les laboratoires. Il n'y a rien de choquant, à mes yeux, à ce qu'un laboratoire accorde un tarif négocié à un client important tel qu'un hôpital, dans la mesure où s'assurer cette clientèle lui permet de garantir son flux d'analyses et donc son chiffre d'affaires et de s'organiser en conséquence. Dans ces conditions, il n'est pas choquant qu'il accorde une « ristourne », pour employer le mot juste.

De plus, pour l'hôpital, il est important de garantir que les urgences soient traitées dans ces conditions et le cahier des charges doit prévoir la prise en compte de l'ensemble des analyses.

Cette considération devrait éloigner le risque des géants de l'analyse qui voudraient capter tous les marchés sur l'ensemble du pays.

Du côté de l'hôpital, c'est encore plus important. Je suis président d'un conseil de surveillance, après avoir été président du conseil d'administration d'un hôpital qui emploie 700 personnes.

Le chiffre d'affaires de cet hôpital s'élève à environ 35 millions d'euros. Les ristournes que nous obtenions de la part d'un laboratoire local en matière d'analyses représentaient environ 600 000 euros.

Si votre article 4 est appliqué, nous n'aurons plus le droit de bénéficier de ces ristournes. Sachez, et vous le savez, que, dans les règles du jeu actuelles, le déficit maximum d'un hôpital est de 3 %, soit environ 1 million d'euros pour l'hôpital dont je vous parle.

Sans ces ristournes, notre déficit est déjà presque entièrement engagé. Beaucoup d'hôpitaux, même de cette taille, sont à la limite de l'équilibre financier. Supprimer cette possibilité, pour les hôpitaux, d'équilibrer leurs comptes est très grave et peut être lourd de conséquences.

Il nous restera une autre option : supprimer une vingtaine d'emplois ou un service, la maternité ou la chirurgie peut-être, pour arriver à l'équilibre…

Il est très important de conserver la possibilité d'obtenir des tarifs négociés de la part des laboratoires privés.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Mallot

Je suis saisi d'un amendement n° 23 .

La parole est à Mme la secrétaire d'État pour le soutenir.

Debut de section - PermalienNora Berra, secrétaire d'état chargée de la santé

Le présent amendement a pour objet de revenir à la rédaction de la disposition adoptée par le Parlement dans la loi de financement de la sécurité sociale pour 2012. Il semble incohérent de revenir sur cette disposition qui a été validée par le législateur il y a quelques semaines.

La rédaction de l'article 4, en effet, n'autorise l'ajustement des prix par rapport aux tarifs de la nomenclature qu'entre les seuls établissements de santé, et supprime la possibilité d'ajuster les prix entre les laboratoires de biologie médicale réalisant les examens et les établissements de santé. Or c'était précisément l'objectif poursuivi par le législateur lorsqu'il a voté l'article 58 de la LFSS pour 2012.

La suppression de cette possibilité d'ajustement des tarifs représenterait, comme M. le député l'a très bien expliqué, une augmentation de dépenses pour l'hôpital, de 48,7 millions d'euros en moyenne pour les hôpitaux concernés, dans un contexte où ils sont fortement sollicités pour améliorer leur situation financière.

Cela représenterait ainsi près de 50 millions d'euros de déficit supplémentaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Luc Préel

La commission n'a pas étudié cet amendement du Gouvernement arrivé à la dernière minute.

En revanche, nous avions donné un avis défavorable à un amendement identique de M. Bur. En effet, lors de la proposition de loi Fourcade, nous étions arrivés à un accord, après avoir discuté avec l'ensemble des partenaires, pour supprimer ce que l'on appelle les ristournes.

Normalement, le prix d'un prélèvement est fixé par la sécurité sociale. Dans le cadre d'une médicalisation, ces tarifs devraient donc s'appliquer à tout le monde.

Madame la secrétaire d'État, il se trouve que nous avions voté cette proposition au mois de juillet 2011. Et la proposition de loi que nous examinons reprend exactement le texte intégral de la proposition de loi Fourcade votée par l'Assemblée.

Je retourne donc votre argument : n'est-il pas inconséquent de voter différemment en juillet et en décembre ? Je vous propose de revenir au vote du mois de juillet.

Le texte voté en CMP et que nous nous reprenons intégralement dans cette proposition de loi, précise que la coopération a lieu entre les établissements, contrairement à ce que vous affirmez, madame la secrétaire d'État.

Nous reprenons aujourd'hui le texte de la proposition de loi Fourcade qui a été voté par l'Assemblée et le Sénat, ce qui paraît justifié.

Il n'apparaît pas souhaitable d'accorder la possibilité de ristournes. Certes, cela donne un peu d'air à la caisse d'assurance maladie et aux hôpitaux. Mais il ne paraît pas souhaitable de revenir sur un tarif identique pour tous.

Cependant, le texte prévoit la possibilité d'obtenir des accords, dans le cas de coopérations avec les hôpitaux et dans le cas de conventions passées entre laboratoires et hôpitaux. Cela permet de résoudre le problème pour l'ensemble des laboratoires de notre pays.

En conséquence, la commission est défavorable à cet amendement du Gouvernement comme elle l'a été à l'amendement de M. Bur.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Lemorton

Monsieur le président, au nom de mon groupe, je demande une suspension de séance pour discuter de l'amendement du Gouvernement.

Article 4

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Mallot

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-huit heures cinquante, est reprise à dix-huit heures cinquante-cinq.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Mallot

La séance est reprise.

La parole est à Mme Catherine Lemorton.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Lemorton

Légiférons dans le bon sens. Nous sommes d'accord avec le rapporteur : conservons le texte de la commission.

Il est question d'économies ; or des évaluations ont été faites sur celles que permet déjà ce texte. Sous le contrôle de Gérard Bapt, je prendrai l'exemple de la région Midi-Pyrénées. Avec les groupements de coopération prévus par le texte, dans le seul département de l'Ariège, où il y a peu d'habitants, la coopération entre les hôpitaux de Foix-Pamiers, Saint-Girons et Lavelanet représente un gain potentiel de 843 000 euros. Ce n'est pas rien.

Toujours sur la base de l'article 4 du texte de la commission, la coopération dans le département de l'Aveyron représente une économie potentielle de 2,63 millions d'euros. Et cette disposition permet de maintenir une biologie en milieu hospitalier dans ces coopérations sanitaires au niveau territorial.

Supprimer l'article 4 relèverait d'une logique marchande et d'un monde de ristournes. À quand les soldes en biologie du 1er au 31 janvier, annoncées par les préfectures ? Ce serait une bonne idée, n'est-ce pas, monsieur Lagarde ?

Je citerai un autre exemple de coopération, celui de Toulouse, qui représente 771 000 euros d'économies.

C'est pourquoi je pense qu'il faut rester en l'état car les ristournes, c'est la mort annoncée des laboratoires de biologie à l'intérieur du secteur hospitalier qui, je le rappelle, assure, dans le cadre de ses missions de service public, un service vingt-quatre heures sur vingt-quatre.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marie Rolland

Madame la secrétaire d'État, nous avons besoin d'être éclairés et rassurés. Le texte de la proposition de loi Préel, que nous sommes un certain nombre, à l'UMP, à avoir cosigné, nous semblait écarter le risque de voir apparaître – ce que nous craignons tous, et qui a été évoqué sur tous les bancs de l'Assemblée –une période de dumping, qui durera plusieurs années, avec des prix cassés, ce qui permettra à quelques gros laboratoires de détenir, dans quelques années, la totalité de la biologie médicale française, avec tous les risques que cela comporte. Dans un certain nombre d'autres domaines, nous avons laissé se créer dans notre pays des monopoles et nous le regrettons aujourd'hui.

L'article 4 tel qu'il est rédigé dans la proposition de loi nous semblait régler ce problème dans la mesure où il permet d'utiliser la boîte à outils qu'est la loi HPST et de favoriser les coopérations locales, départementales, voire plus larges.

Je suis curieux de savoir comment vous pouvez expliquer que le simple fait de remplacer le mot « entre » par le mot « avec » règlera la difficulté que je soulève et écartera tout risque de monopolisation de la biologie française par de grands groupes français et, pourquoi pas, étrangers ?

Vous le savez, le recours à de grandes entreprises internationales – dont je ne citerai pas les noms – qui assurent la rapidité du transport des colis pourrait également s'envisager pour les prélèvements biologiques.

Je souhaite que vous rassuriez l'ensemble des professionnels de santé qui s'interrogent. Aujourd'hui, disent-ils, c'est la biologie. Pourquoi pas, demain, la radiologie, la cardiologie, bref tous les examens complémentaires ?

J'attends votre réponse, madame la secrétaire d'État.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Leteurtre

Mon intervention va dans le sens de celle de Jean-Marie Rolland.

Je suis pourtant très sensible aux problèmes hospitaliers. Et lorsque l'on nous dit que cette disposition pourrait entraîner un surcoût de 48 millions d'euros, cela interpelle. Mais cela peut être temporaire. On peut être aujourd'hui sensible à cet argument ; mais à terme, comme le dit fort justement mon collègue Jean-Marie Rolland, l'on peut craindre l'installation de groupes monopolistiques – la probabilité est grande –, ce qui risque d'être très coûteux pour la société et les hôpitaux.

L'amendement revient sur un accord, un équilibre – qui a certes ses fragilités et ses insuffisances – auquel on était parvenu. Le problème n'est-il pas résolu par les conventions qui permettent des aménagements entre un établissement public et les laboratoires ? C'est un moyen pour essayer de ne pas perdre les avantages au plan financier, tout en luttant contre un grand danger, à savoir l'apparition de monopoles.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Desallangre

Notre groupe n'est pas opposé aux ristournes entre établissements de santé publique, assurance maladie, laboratoires de biologie dans le cadre de conventions et dans le but de réduire nos dépenses d'assurance maladie.

En revanche, nous sommes opposés à la pratique des ristournes commerciales entre laboratoires de biologie médicale, ce qui relève de la concurrence déloyale et dévalorise les actes de biologie médicale dans une logique de profit.

Au nom de mon groupe, je voterai contre l'amendement du Gouvernement.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Bapt

Indépendamment des propos de nos collègues, se pose le problème de la continuité des soins.

En urgence, il peut être capital de disposer d'une kaliémie ou d'une gazométrie pour ne pas faire de geste contraire à l'intérêt du patient dans une situation donnée.

Or quelle assurance aurons-nous si les services hospitaliers disparaissent progressivement et n'assurent plus le service vingt-quatre heures sur vingt-quatre ? Quelle assurance aurons-nous de la part du groupe privé qu'il sera en mesure de répondre dans ces conditions-là à l'impératif de soins ?

Debut de section - PermalienNora Berra, secrétaire d'état chargée de la santé

J'ai bien entendu vos interrogations légitimes sur le risque de financiarisation de la biologie médicale ; c'est notre crainte à tous.

Puisque le principal objectif est la continuité des soins et la prise en charge des patients dans les meilleures conditions possibles, je vous propose que les conventions puissent garantir la prise en charge dans des conditions d'urgence. Je vous suggère donc de revenir à la rédaction de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2012 : « sous réserve des accords ou conventions susceptibles d'être passés avec des régimes ou des organismes d'assurance maladie ou des établissements de santé ou des groupements de coopération sanitaire …et sous réserve des contrats de coopération mentionnés à l'article L. 6212-6 et » – précisons-le – « garantissant la prise en charge des urgences, les examens de biologie médicale sont facturés au tarif de la nomenclature des actes… »

Si vous êtes d'accord avec cette rédaction, le Gouvernement pourrait déposer un amendement regroupant ces nouveaux éléments. Vous seriez ainsi rassurés sur ces questions.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Mallot

Devant la difficulté de rectifier ou de sous-amender un amendement de suppression, je suppose, madame la secrétaire d'État, que vous nous proposez implicitement un nouvel amendement. (Sourires.) Je vous demanderai de nous le parvenir afin que nous puissions le diffuser.

La parole est à M. le rapporteur, probablement pour commenter l'amendement dont nous ne disposons pas.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Luc Préel

Si je comprends bien, madame la secrétaire d'État, vous retirez votre amendement de suppression. C'est un progrès.

Debut de section - PermalienNora Berra, secrétaire d'état chargée de la santé

Sous certaines conditions.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Luc Préel

Ou vous le retirez ou vous ne le retirez pas. Si vous ne le retirez pas, nous passons au vote et l'affaire sera réglée, du moins je l'espère.

Tout le monde est conscient de l'insécurité juridique dans laquelle nous nous trouvons. Aujourd'hui, nous ne savons plus très bien où nous en sommes après l'ordonnance Ballereau. Tout le monde souhaite sortir de cette insécurité juridique.

Catherine Lemorton a fait remarquer que nous avions le couteau sur la gorge car nous arrivons en fin de législature.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Luc Préel

Hélas pour certains ! (Sourires.)

Il est donc primordial que le vote soit conforme entre l'Assemblée et le Sénat.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Luc Préel

Sans vote conforme, nous sommes repartis pour plusieurs mois, voire plusieurs années d'insécurité juridique. Pour avoir reçu l'ensemble des biologistes, j'ai pu dire tout à l'heure que le texte était un compromis. Si l'on veut revenir sur ce compromis, on fera peut-être plaisir à quelques-uns, mais on mécontentera les autres. Pour aboutir à un vote conforme, il faut en rester au texte tel qu'il est proposé, même si cela ne fait pas plaisir à tout le monde.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Luc Préel

Je suis donc défavorable à l'amendement de suppression du Gouvernement et je serai également défavorable à son nouvel amendement, car je souhaite que l'on en revienne à la proposition de loi Fourcade votée par l'Assemblée au mois de juillet dernier.

Debut de section - PermalienNora Berra, secrétaire d'état chargée de la santé

Dans ces conditions, je maintiens l'amendement de suppression parce que la rédaction que vous proposez, monsieur le rapporteur, ne me satisfait pas. Pour rassurer la représentation nationale, j'ai proposé d'inclure une mesure d'urgence dans le cadre des conventions et des accords.

Debut de section - PermalienNora Berra, secrétaire d'état chargée de la santé

Dans un deuxième temps, je définirai la notion de « prise en charge d'urgence » dans les décrets d'application afin d'avoir un vote conforme.

(L'amendement n° 23 n'est pas adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Mallot

Je suis saisi d'un amendement n° 3 .

La parole est à M. Jacques Desallangre.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Luc Préel

La commission a donné un avis défavorable. Si nous sommes d'accord avec l'interdiction des ristournes, il faut cependant permettre des coopérations entre laboratoires pour les analyses qui nécessitent des équipements très lourds.

(L'amendement n° 3 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Mallot

Je suis saisi d'un amendement n° 1 .

La parole est à M. Jean-Jacques Gaultier.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Gaultier

À l'alinéa 2, après le mot « santé », insérer les mots : « et des laboratoires ».

Conformément à l'esprit de l'ordonnance Ballereau, il s'agit de considérer les laboratoires de la même façon, qu'ils soient hospitaliers ou non hospitaliers. Il serait anormal que seul un laboratoire hospitalier parfois éloigné, voire très éloigné, puisse pratiquer des remises alors qu'un laboratoire extra-hospitalier situé sur place, parfois même en face de l'hôpital, ne le pourrait pas.

Il s'agit de privilégier l'intérêt médical du patient, la réponse de proximité, la prise en charge des urgences et non pas de suivre une éventuelle remise même si elle était pratiquée par un laboratoire hospitalier. Je ne reviendrai pas sur l'impact financier pour sauver nos établissements publics et sur ce que cela représente en termes d'emplois d'infirmières ou même de praticiens hospitaliers.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Luc Préel

La commission a donné un avis défavorable. Je comprends le souci de notre collègue, mais je pense que la précision qu'il souhaite apporter est inutile. Les acteurs privés peuvent participer à un groupement de coopération sanitaire. Des conventions peuvent être passées entre un laboratoire et les établissements hospitaliers. J'espère que Mme la secrétaire d'État nous confirmera qu'un laboratoire privé n'est pas forcément exclu de ces coopérations.

Debut de section - PermalienNora Berra, secrétaire d'état chargée de la santé

Par souci de cohérence, je suis favorable à l'amendement.

(L'amendement n° 1 n'est pas adopté.)

(L'article 4 est adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Mallot

L'article 5 fait l'objet de plusieurs amendements.

La parole est à Mme Catherine Lemorton, pour défendre l'amendement n° 13 .

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Lemorton

Cet amendement vise à préciser que l'avis de la commission doit être « favorable ». Si l'avis rendu sur le recrutement de praticiens peut être indifféremment défavorable ou favorable, à quoi servirait donc cette commission ? Essayons d'être cohérents dans l'écriture de la loi.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Luc Préel

Avis défavorable.

Nous comprenons la préoccupation de Catherine Lemorton. N'oublions pas toutefois que l'ordonnance Ballereau a connu quelques vicissitudes, notamment à la faveur d'un amendement à la loi bioéthique cosigné par Jean-Sébastien Vialatte et Olivier Jardé. Des discussions s'en sont suivies, et aujourd'hui nous pouvons dire que la procédure est bien encadrée.

Il ne s'agit pas de rendre impossible la nomination des professeurs d'université-praticiens hospitaliers. Le ministre devra évidemment tenir compte de manière scrupuleuse de l'avis de la commission, car celle-ci ne servirait à rien sinon. Il nous semble inutile de préciser que l'avis doit être favorable.

Debut de section - PermalienNora Berra, secrétaire d'état chargée de la santé

Avis défavorable également.

La commission donne un avis consultatif, qui peut être favorable ou défavorable. Il appartient au ministre de conserver sa liberté de décision car il peut aussi se déterminer en tenant compte d'éléments supplémentaires.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Lemorton

Nous avons tous entendu les mêmes syndicats lors des auditions. Je vous rappelle qu'on nous a cité le cas d'un informaticien qui avait été nommé à la tête d'un service de biologie médicale : ce n'est pas sérieux ! Si la commission est composée de spécialistes, elle donnera forcément un avis défavorable à un tel recrutement. D'où l'importance de la précision introduite par notre amendement.

Des internes en biologie nous ont même rapporté que leur chef de service s'était déclaré incompétent pour répondre à leurs questions…

Comme je le disais à la tribune, nous avons ici la confirmation que vous considérez la biologie médicale comme une sous-spécialité. Au fond, on peut même nommer un informaticien à la tête d'un service. C'est arrivé.

(L'amendement n° 13 n'est pas adopté.)

(L'article 5 est adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Mallot

L'article 6 fait l'objet de plusieurs amendements.

La parole est à M. Jacques Desallangre, pour défendre l'amendement n° 5 .

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Desallangre

Cet amendement d'appel propose d'instaurer un mécanisme d'association des biologistes au capital des sociétés dans lesquelles ils exercent en l'assortissant d'une clause de préemption en leur faveur de telle sorte qu'ils puissent reprendre possession de leur outil de travail.

Un tel dispositif va bien plus loin que les maigres garanties contenues dans votre proposition de loi qui prétend lutter contre le statut d'associé ultra-minoritaire, mais qui ne s'appliquera qu'aux sociétés créées après la promulgation de la loi Fourcade, ce qui limite fortement la portée de votre garde-fou.

Le mécanisme que nous proposons permettrait en outre d'endiguer les opérations de concentration des groupes tels que Labco ou les acquisitions spéculatives des fonds d'investissement tels que Capio ou Duke Street.

Ce faisant, les biologistes préserveraient l'indépendance professionnelle reconnue aux médecins et aux pharmaciens dans le code de déontologie qui leur est applicable.

L'indépendance professionnelle est seule garante de la qualité des analyses et du respect des principes de santé publique et de sécurité sanitaire, principes qui ne sont pas réputés appartenir à l'ADN des spéculateurs en tous genres et des groupes qui ne jurent que par la nécessaire industrialisation du secteur.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Luc Préel

Par cet amendement, vous proposez de créer pour une période de cinq ans un droit de préemption sur les actions ou les parts d'un laboratoire pour les biologistes qui y exercent ainsi qu'un droit de priorité en cas de cession de ces actions ou parts.

Cela nous expose clairement à un contentieux européen car la participation d'autres biologistes qui n'exerceraient pas dans la société en question est rendue très difficile pour ne pas dire impossible.

Enfin, vous ne prévoyez aucune disposition transitoire, ce qui pourrait déstabiliser les laboratoires existants.

Au mieux, cette précision est inutile, au pire, elle risque de créer un grand nombre de contentieux au niveau européen, donc de détruire la législation protectrice que nous essayons de mettre en place. Il nous semble plus judicieux de nous en tenir au texte proposé. La commission a donc rejeté cet amendement.

Debut de section - PermalienNora Berra, secrétaire d'état chargée de la santé

Avis défavorable.

Nous sommes d'accord avec l'esprit de votre amendement mais sa rédaction aboutit à complexifier le dispositif proposé à l'article 6, qui nous semble suffisant pour atteindre les objectifs que vous poursuivez.

(L'amendement n° 5 n'est pas adopté.)

(L'amendement n° 14 est retiré.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Mallot

Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 6 et 15 .

La parole est à M. Jacques Desallangre, pour défendre l'amendement n° 6 .

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Desallangre

Le 13° de l'article 6 limite le recours au statut d'associé ultra-minoritaire, garantissant un exercice indépendant et libéral pour les jeunes praticiens. Cette disposition s'inscrit dans la continuité des démarches entreprises par la majorité des syndicats de biologistes médicaux en faveur d'une indépendance capitalistique des professionnels de biologie face à la recrudescence de l'activité des réseaux financiers.

La portée de ce dispositif se trouve toutefois largement restreinte par la rédaction actuelle du dernier alinéa du 13° qui en limite le périmètre aux laboratoires nouvellement créés. Or ceux-ci sont très peu nombreux : la grande majorité des professionnels travaillent dans des structures existantes. Le mécanisme ne trouve donc d'application que pour un nombre réduit d'acteurs.

Dans le respect des dispositions de l'article L. 6213-7, qui réaffirment les impératifs d'indépendance professionnelle reconnus pour les biologistes médicaux, cette restriction doit être levée pour s'appliquer à tous les laboratoires et à l'ensemble des biologistes médicaux actuellement en exercice, sans risque de rupture d'égalité devant la loi.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Mallot

La parole est à Mme Catherine Lemorton, pour défendre l'amendement n° 15 .

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Luc Préel

Ces amendements reviennent à supprimer toute disposition transitoire avant le passage à l'obligation pour un laboratoire d'avoir plus de la moitié de son capital détenu par des biologistes exerçant en son sein.

J'ai le sentiment que de telles modifications déstabiliseraient de nombreux laboratoires, notamment ceux-ci qui sont structurés en réseaux régionaux. De plus les associés de certains laboratoires qui ne détiennent que des petites parts devraient racheter en un temps record d'autre parts, sans avoir forcément les moyens de le faire.

Il est nécessaire de prévoir cette période transitoire.

Avis défavorable.

Debut de section - PermalienNora Berra, secrétaire d'état chargée de la santé

Défavorable également.

(Les amendements identiques nos 6 et 15 ne sont pas adoptés.)

(L'article 6 est adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Mallot

Je suis saisi d'un amendement n° 7 , portant article additionnel après l'article 7.

La parole est à Mme Jeanny Marc.

Debut de section - PermalienPhoto de Jeanny Marc

Cet amendement vise à préserver l'activité pérenne des laboratoires grâce à des garanties liées aux actes pratiqués et à prévenir les conséquences du dispositif mis en place sur l'emploi en outre-mer.

En effet, l'entrée en vigueur à partir du 1er novembre 2018 de l'obligation de l'accréditation pour l'exercice de la biologie imposera aux laboratoires des contraintes administratives, financières et techniques si lourdes que peu d'établissements de taille moyenne seront en mesure de poursuivre leurs activités alors qu'ils sont déjà exposés à des problèmes liés aux trajets et à la fourniture de matériels adaptés.

Pour une structure moyenne, l'obtention de l'accréditation coûterait entre 100 000 et 200 000 euros, auxquels viendront s'ajouter 50 000 euros pour le suivi.

Nous demandons au Gouvernement de veiller à ce que l'application de cette loi en outre-mer se fasse sans nuire à la qualité des services offerts aux patients.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Luc Préel

L'un des objectifs majeurs de ce texte est d'assurer la qualité des examens biologiques. Pour ce faire est prévue une accréditation.

Comme elle est coûteuse et complexe, chacun l'aura compris, il est prévu de repousser l'entrée en vigueur de son obligation à 2018 : il reste donc encore six ans.

Il a été également prévu qu'elle porte non sur 100 % des actes de biologie médicale mais sur 80 %, puisque certains examens et certaines procédures sont un peu compliqués à accréditer.

Il ne semble pas souhaitable de prévoir une dérogation pour les départements d'outre-mer car nous estimons que leurs habitants ont aussi le droit à la qualité. Avis défavorable.

Debut de section - PermalienNora Berra, secrétaire d'état chargée de la santé

Avis défavorable.

L'ordonnance 2010-49 du 13 janvier 2010 s'applique aux laboratoires de biologie médicale des départements d'outre-mer. Il était indispensable de poursuivre les concertations avec les professionnels du secteur des autres territoires pour sa mise en oeuvre.

Debut de section - PermalienPhoto de Jeanny Marc

Notre démarche ne vise pas à demander une dérogation. Nous souhaitons que le Gouvernement veille à ce que la procédure d'accréditation se déroule sans perte d'emplois ni diminution de la qualité des services rendus aux patients.

Debut de section - PermalienNora Berra, secrétaire d'état chargée de la santé

Que Mme la députée soit rassurée : nous veillerons à tout cela.

(L'amendement n° 7 n'est pas adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Mallot

Dans les explications de vote, la parole est à M. Jacques Desallangre.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Desallangre

Nous regrettons que ce débat n'ait pas permis de faire évoluer ce texte dans un sens plus conforme aux principes de santé publique et aux impératifs de sécurité sanitaire.

En dépit d'un fragile garde-fou concernant la détention du capital, dont le champ est du reste considérablement restreint, rien dans cette proposition de loi ne permet de mettre un terme à l'emprise des groupes qui poussent à la concentration ni à la stratégie spéculative des fonds d'investissement qui opèrent dans la seule perspective d'une rentabilité financière à court terme.

Ce texte, qui ne fera que retarder la dépossession des laborantins de leur outil de travail, ne résoudra en rien les problèmes déjà pointés : risque de disparition à court terme des laboratoires de proximité, mise à mal du maillage territorial, approfondissement des inégalités d'accès aux soins, accentuation des facteurs concourant à l'extension des déserts médicaux. La santé publique et la sécurité sanitaire s'en trouveront fragilisées.

L'indépendance des professionnels qui exercent dans les laboratoires est menacée et, à terme, la profession même.

Un nouveau cadre législatif aurait dû garantir la pérennité de la profession, son indépendance et son recentrage sur le soin plutôt que sur la valorisation du capital. Il n'en est rien et nous le déplorons.

Aujourd'hui, plutôt que de clarifier les relations entre la finance et le secteur de la biologie médicale, ce texte entérine la situation actuell, qui voit le soin mis au service de la finance. Nous ne pouvons le tolérer, c'est pourquoi les députés communistes, républicains et du parti de gauche voteront contre ce texte.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Mallot

Pour le groupe SRC, la parole est à Mme Catherine Lemorton.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Lemorton

Je l'ai dit tout à l'heure : depuis trois ans que la question nous est posée, nous aurions pu travailler autrement, beaucoup mieux, en réfléchissant, en prenant notre temps. Aujourd'hui, comme M. le rapporteur l'a dit – faisant écho à mes propres paroles – nous avons le couteau sous la gorge. Nous devons stopper cette financiarisation qui avance à grands pas au sein des laboratoires.

Nous avions le choix entre l'abstention et le vote favorable ; dans la mesure où l'article 4 n'a pas été supprimé, car – disons-le comme cela – le Nouveau Centre a voté comme nous, nous voterons pour cette proposition de loi, afin d'arrêter cette financiarisation rapide du monde de la biologie.

Mais j'attends un changement de gouvernement pour que soit rendu, très rapidement, un rapport qui nous dira jusqu'où l'application de cette loi va nous mener.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Mallot

Pour le groupe Nouveau Centre, la parole est à M. Philippe Vigier.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Vigier

Comme l'a très bien dit le rapporteur dans sa grande sagesse, ce texte est un compromis. Il était attendu depuis longtemps ; chacun sait les atermoiements que nous avons vus depuis quatre années. Nous sommes arrivés à un équilibre ; la financiarisation de cette profession sera enfin endiguée, alors qu'elle était déjà là, et que ne pas légiférer produisait des effets pervers en la laissant avancer.

Nous sommes le seul pays d'Europe qui mettra en place l'accréditation. Avec deux années supplémentaires et un objectif d'accréditation de 80 % des actes de biologie médicale, les laboratoires pourront se conformer plus facilement à leurs obligations. Dans la rédaction initiale du texte, les infirmières ne participaient pas au prélèvement, ce qui posait problème : cette difficulté est levée. La phase pré-analytique a été encadrée. Le problème des ristournes en milieu hospitalier a été traité, avec sagesse me semble-t-il.

Nous avons donc un texte équilibré. De grâce, n'y touchons plus, car il faudra encore une navette avec le Sénat ; or, un outil législatif adapté doit permettre à cette profession de retrouver sa sérénité.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Mallot

Pour le groupe UMP, la parole est à M. Jean-Marie Rolland.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marie Rolland

Ce texte est un compromis, auquel nous sommes arrivés après une longue négociation – chacun a rappelé l'ancienneté de ce dossier. C'est, je crois, un bon compromis, qui garantit à l'ensemble de nos compatriotes une biologie médicale de qualité. La biologie a su s'adapter à l'évolution technologique extraordinaire de ces dernières années. Sa médicalisation, et l'accréditation, me semblent des éléments extrêmement importants, qu'il est nécessaire de souligner.

Je voudrais saluer le travail des uns et des autres, et notamment de M. le rapporteur, qui a su avec beaucoup de diplomatie faire coïncider l'ensemble des desiderata, et surtout nous rappeler, jour après jour, qu'il était nécessaire d'obtenir un vote conforme dans l'autre chambre du Parlement, de manière à ce que nous puissions sortir d'une instabilité juridique tout à fait dommageable pour l'ensemble de la biologie médicale française.

Le groupe UMP votera donc ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Mallot

Je mets aux voix l'ensemble de la proposition de loi.

(L'ensemble de la proposition de loi est adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Mallot

L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi de M. Philippe Vigier visant à garantir un accès aux soins égal sur l'ensemble du territoire. (nos 3914, 4188)

La parole est à M. Philippe Vigier, rapporteur de la commission des affaires sociales.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Vigier

Monsieur le président, madame la secrétaire d'État chargée de la santé, mes chers collègues, s'il est un sujet qui est sur toutes les lèvres, non pas depuis quelques jours, mais depuis de longues années, c'est bien celui de la désertification médicale. Nous vivons un paradoxe : alors que notre pays compte un peu plus de 200 000 médecins, dont 108 000 médecins généralistes, ils sont de plus en plus mal répartis sur l'ensemble du territoire.

Cette profession évolue : le besoin d'équipements s'accroît, le travail en réseau aussi ; la féminisation se renforce ; l'installation dans le secteur privé diminue très fortement : il y a trente ans, un médecin sur deux s'installait dans le secteur privé quand aujourd'hui, c'est moins de 9 %. L'âge moyen d'installation des médecins se situe maintenant entre trente-neuf et quarante ans. Bref, la situation que nous vivons est préoccupante.

Chacun le sait, nous devons relever un défi : garantir un égal accès aux soins sur l'ensemble du territoire. Qui n'a pas à la bouche les mots de justice et d'équité ? L'accès aux soins, c'est la rencontre de la justice et de l'équité. Les Françaises et les Français, en versant leurs cotisations à la sécurité sociale, participent tous au maintien du système de soins.

Ce constat, partagé, appelle à mes yeux plusieurs réflexions. Des mesures incitatives ont été prises. Je rappelle à nos collègues socialistes, même s'ils ne sont pas très nombreux, qu'on ne peut pas dire que rien n'a été fait ces dernières années ! Des bourses ont été mises en place ; les maisons médicales commencent à émerger ; certaines collectivités ont investi pour proposer à des professionnels de santé de s'installer ; il y a eu ces fameux contrats d'installation pour les jeunes médecins qui, pour l'instant, n'ont pas rencontré le succès escompté. Mon propre département a été cité pour les riches initiatives qu'il a prises.

Pourtant la désertification s'intensifie. Faut-il prendre cette question à bras-le-corps maintenant ? Est-ce trop tôt ? Est-ce trop tard ? On a entendu l'autre jour que ce texte arrivait quatre mois avant les élections, « comme par hasard ». Je suis pour ma part très à l'aise, je l'ai dit en commission : je me suis emparé de ce sujet dès 2004. Je suis également élu régional, et la loi a donné aux régions compétence en matière de formation sanitaire et sociale : or ce qui est vrai pour les professions médicales l'est aussi pour les professions paramédicales.

À mes yeux, la désertification médicale n'est pas une fatalité. C'est une conséquence des mesures inconséquentes prises à un moment ou à un autre. Je pense ainsi à la grande invention de la fermeture du numerus clausus : moins de praticiens, moins de prescriptions ! Continuons donc, on a vu où cela nous a menés ! Avec le MICA, on a même incité les médecins, dans les années 1997-1998, à partir plus tôt que l'âge normal de la retraite. Partir plus tôt ! On en mesure aujourd'hui les conséquences.

Évidemment, il y a le problème de la liberté d'installation. Ce texte, oui ou non, entrave-t-il, voire jette-t-il à terre la liberté d'installation ?

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Vigier

Ceux qui disent « oui » le disent de façon un peu rapide, et pourtant ils connaissent très bien la question. Jamais je n'ai entendu qui que ce soit protester parce que les pharmaciens ne peuvent pas s'installer là où ils veulent, parce que des seuils, 2 500 habitants, voire 5 000 en Alsace-Moselle, sont définis. Pourtant, est-ce une profession libérale ? La réponse est oui.

Pour les notaires, c'est la même chose ; pour les huissiers de justice, c'est la même chose.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Vigier

Les avocats peuvent s'installer là où ils veulent, mais on en voit aussi les conséquences là où il existe des surconcentrations d'avocats, et où certains sont à la recherche de clients du matin au soir.

Cette proposition de loi traite de cinq questions.

L'internat des régions, qui existait jusqu'aux années 2000, que beaucoup d'entre nous ont passé, et qui apportait une vraie satisfaction territoriale, a été supprimé tout à coup, pour être remplacé par un internat national classant – c'est une question que Jean-Marie Le Guen connaît bien. Le choix s'opère alors en fonction du territoire où l'on préfère suivre son cursus d'internat. Pourtant, un sondage paru la semaine dernière – qui ne concerne pas uniquement la médecine – disait que 70 % des gens qui ont grandi et qui ont été formés dans une région y résident. Or l'internat régional est le meilleur moyen de fidéliser un homme, une femme qui a souhaité embrasser la profession médicale et en faire sa carrière.

Il faut ensuite adapter le numerus clausus aux régions. Là où il y a le moins de médecins, on l'augmente ; et chacun a bien compris la suite.

Il y a également le stage pratique. Rappelez-vous, les généralistes faisaient sept ans d'études ; maintenant, ils en font neuf, six plus trois, avec l'internat de médecine générale. Cela va dans le sens d'une meilleure formation, c'est parfait. Ensuite, ils passent six mois chez un médecin référent, dans un centre de santé ou une maison médicale. Je propose que ce stage dure désormais une année, uniquement avec cette volonté de fidéliser les futurs médecins sur un territoire. On me dit que ce n'est pas possible en raison du manque de structures d'accueil. Mais c'est faux ! Je vous fais la démonstration quand vous voulez – pas ici, car le temps nous manque. Si vous avez lu le texte de près, vous aurez en effet constaté que ces internes peuvent être accueillis dans tous les centres hospitaliers généraux, toutes les maisons de santé pluridisciplinaires, tous les cabinets médicaux. Il y a des médecins prêts à les accueillir demain matin !

La quatrième disposition que je propose est de limiter la liberté d'installation. Il faut le faire, comme Christian Paul l'avait dit dans son rapport en 2008. À l'époque, une longue discussion avait eu lieu : non-conventionnement ou interdiction d'installation ? Nous avons préféré aller vers le non-conventionnement, on aurait pu choisir d'aller vers l'interdiction d'installation.

Madame la secrétaire d'État, la région Centre, chère à mon coeur, est dernière de la classe : avec la proposition que je vous fais, il n'y a qu'en s'installant dans la ville de Tours qu'un médecin se verrait refuser le conventionnement ; partout ailleurs, dans les six départements de cette région de 420 kilomètres de long, il s'installera où il voudra. La coercition annoncée n'est donc pas au rendez-vous.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Vigier

Ma dernière proposition est qu'un interne, à l'issue de sa formation, c'est-à-dire vers vingt-huit à trente ans, passe trois années dans la région où il a été formé. Rien de plus.

Pourquoi ? Cela ne vient pas du ciel. Je vous l'ai dit tout à l'heure : les jeunes médecins mettent aujourd'hui plus de dix ans à trouver un port d'attache, un endroit où ils s'installent. Est-ce absurde, au cours de ces dix années, d'en consacrer trois à ce territoire, sans aucun frais à engager puisqu'une maison médicale est susceptible de l'accueillir ? Or cette disposition a été repoussée.

Les lignes de fracture entre nos familles politiques ont été, je dois le dire, quelque peu gommées au cours de cette discussion. Même si je regrette que les élus socialistes n'aient pas cosigné cette proposition de loi, beaucoup d'élus UMP l'ont cosignée ; d'autres l'ont combattue. Certains élus socialistes l'ont combattue, d'autres l'ont soutenue.

Ce n'est donc pas la fin du libéral. On me dit – je l'ai entendu en commission – que ce texte est démagogique. Mais j'espère que vous avez lu, quand même, ce qu'écrivait en 2007 l'Académie de médecine ! Sinon, je vous invite à lire ses conclusions, de même que je vous invite à lire ce qu'écrit le Haut conseil pour l'avenir de l'assurance maladie, ou encore la Cour des comptes.

À tous ces arguments, on me répond : il ne faut pas bouger, restons-en au statu quo. Continuons, bravez gens, dormez, dormez ! Dans cinq ans, dans quel état nous réveillerons-nous ?

Les décisions d'aujourd'hui ne seront évidemment pas appliquées avant dix ans : pour assouplir le système, par voie d'amendement, pour faire en sorte qu'on ne change pas la règle du jeu pour les internes d'aujourd'hui – je le leur ai d'ailleurs dit –, j'ai même proposé que l'application de la règle des trois années de pratique médicale dans la région où ils avaient été formés n'intervienne pas avant 2020.

Chacun est donc placé face à ses responsabilités. Je n'aurai pas la violence de rappeler que François Hollande, au mois d'octobre 2010, se déclarait prêt à interdire certaines installations en zone trop pourvue de médecins ; en avril 2011, le parti socialiste plaidait dans son programme pour que les diplômés de médecine exercent quelques années dans une zone sous-dense ; en juin 2011, j'ai soumis cette proposition de loi, mais malheureusement aucun élu socialiste ne l'a cosignée !

Je dis d'ailleurs à mon collègue du groupe GDR que j'ai, pour ma part, cosigné certaines propositions de loi communistes, par exemple celle qui portait sur l'instauration d'une taxe Tobin.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Vigier

En juillet 2011, j'ai repris cette proposition de loi sous forme d'amendements, dans le cadre de la loi Hôpital, patients, santé, territoire : nos collègues socialistes nous ont aidés à cette occasion, puisque certains de ces amendements ont été votés.

Pour terminer, je voudrais dire que ce texte est le fruit d'un travail non pas de quelques semaines, mais de longs mois. J'ai réalisé de nombreuses auditions – certes, je n'ai pas rencontré le Conseil national de l'ordre, qui est de toute façon pour l'immobilisme total, mais j'ai auditionné des conseils de l'ordre, des syndicats, les représentants des internes. Ayant moi-même été, il y a de nombreuses années, président d'une fédération d'internes de France, je connais un petit peu leurs anxiétés, leur inquiétude. Ils sont inquiets, les jeunes ! Mettre dix à douze ans pour s'installer, cela traduit un vrai malaise, et il faudra bien un jour aborder le problème de la rémunération des médecins, sous une forme ou sous une autre.

Je regrette, monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, que vous ayez balayé d'un revers de main l'ensemble de ces propositions, alors que sur une ou deux au moins, on pouvait vraiment aller de l'avant : l'internat régional ; le numerus clausus adapté aux régions ; une année de stage. On le sait, une année de stage auprès d'un médecin généraliste, à la découverte de ce métier, ou avec des médecins spécialistes, constituerait certainement un passeport pour que ces jeunes en proie au doute, et aux côtés desquels nous devons être, puissent trouver les conditions de leur épanouissement dans cette activité si difficile qu'est la médecine, mais si indispensable pour chacune et chacun de nos concitoyens. (Applaudissements sur les bancs du groupe NC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Mallot

La parole est à Mme Nora Berra, secrétaire d'État chargée de la santé.

Debut de section - PermalienNora Berra, secrétaire d'état chargée de la santé

Monsieur le président, monsieur le rapporteur, messieurs les députés, la proposition de loi déposée par M. le député Philippe Vigier a pour objectif de promouvoir la médecine de proximité. C'est un sujet majeur sur lequel, avec Xavier Bertrand, je suis particulièrement engagée. Le Président de la République a fixé le cap que nous devons tenir, celui du soutien à la médecine de proximité. Depuis le début du quinquennat, c'est avec une idée très claire que le Gouvernement a accompagné l'évolution de notre système de soins. Les professionnels de proximité sont en première ligne pour préserver l'excellence d'un système auquel les Français sont légitimement attachés.

C'est dans cet esprit qu'un effort sans précédent a été engagé en direction des professionnels de santé. Nos engagements en direction des médecins ont été tenus. En particulier, l'acte de médecine générale a été revalorisé à 23 euros.

Nous voulons encore amplifier nos efforts. Les contrats d'engagement de service public visent déjà à inciter 400 étudiants en médecine à partir exercer dans des zones sous-dotées avec le versement d'une allocation brute mensuelle de 1 200 euros jusqu'à la fin de leurs études.

Le programme « 250 maisons de santé » en zone rurale ou dans les quartiers en difficulté répond aussi à cette exigence. À ce jour 231 maisons de santé ont été réalisées en application de ce programme. Cette formule apporte une réponse réelle aux besoins des patients et à l'aspiration des médecins pour l'exercice collectif.

Si le Gouvernement est déterminé à renforcer les incitations à l'installation, il ne fera pas le choix de recourir à des mesures coercitives, méthodes qui ne fonctionnent pas et qui sont, en général, contre-productives.

La loi Fourcade, adoptée au mois de juillet dernier, a permis d'apporter plusieurs réponses, en encourageant le développement des maisons de santé par la stabilisation de leur cadre juridique.

Cette loi prévoyait d'autres dispositions favorisant l'exercice libéral. C'est le cas, en particulier, de la disposition relative à la responsabilité civile professionnelle, qui avait été censurée par le Conseil constitutionnel le 4 août dernier. C'est une question très sensible pour la sérénité du travail quotidien des professionnels de santé. Après une phase de concertation approfondie, nous sommes parvenus à un dispositif innovant et équilibré, entré en vigueur avec la loi de finances pour 2012. Il prend la forme d'un fonds de mutualisation permettant, contre le versement d'une cotisation modique pour tous les professionnels, de couvrir les risques de dommages les plus élevés, qui n'étaient pas correctement pris en charge jusqu'ici.

Notre volonté de favoriser la médecine de proximité n'avance pas que par la loi ; il y a aussi la voie conventionnelle. C'est par cette méthode que nous sommes parvenus à un accord permettant de sauvegarder la retraite supplémentaire des médecins, avec des efforts partagés par tous pour garantir la pérennité du système. La signature d'une nouvelle convention avec les principaux syndicats de médecins, le 21 juillet dernier, illustre aussi cette méthode. L'introduction de la rémunération à la performance constitue un vecteur majeur de soutien à la modernisation de l'exercice médical.

Le volet démographique de cette convention contribuera également à répondre à l'inégale répartition des médecins sur le territoire.

La formation des professionnels de santé constitue un autre volet pour soutenir l'exercice médical de proximité. Elle vient précisément de faire l'objet d'une réforme profonde avec la publication, le 1er janvier dernier, des décrets relatifs au développement professionnel continu.

Pour toutes ces raisons, bien que partageant les objectifs que se propose d'atteindre cette proposition de loi, le Gouvernement est défavorable à ce texte. Les mesures fortes que nous avons mises en place depuis cinq ans sont déjà en train de produire leurs premiers effets et nous souhaitons préserver la logique d'incitation et de confiance envers les professionnels qui caractérise notre approche de la médecine de proximité.

En commission vous avez introduit de nouvelles dispositions.

S'agissant de la mesure en faveur du cumul emploi-retraite des médecins exerçant en zone sous-dense, le Gouvernement étant favorable par principe aux mesures qui favorisent le développement de l'offre de soins dans ces zones, le recours des médecins au cumul emploi-retraite est d'ores et déjà favorisé.

Les médecins dont le revenu annuel est inférieur à 11 000 euros sont d'ores et déjà dispensés de la cotisation du régime ASV, afin de ne pas pénaliser la reprise d'activité à temps très partiel.

Depuis le 1er janvier 2011, la cotisation du régime ASV, qui était la seule cotisation forfaitaire, est désormais proportionnelle aux revenus pour les médecins en cumul. Ces cotisations peuvent d'ailleurs être établies sur la base du revenu estimé par le médecin, ce qui permet de tenir compte de la diminution de l'activité. Grâce à ce dispositif, ce sont 5 800 médecins qui ont choisi le cumul emploi-retraite. Ils étaient 3 800 en 2010.

Le Gouvernement est ainsi défavorable à cette proposition d'exonération d'une partie des cotisations d'assurance vieillesse de base. Il existe un principe commun à l'ensemble des régimes de retraite : les assurés en cumul emploi-retraite sont redevables de cotisations, sauf à remettre en cause le principe lui-même de la retraite par répartition.

Un mot s'agissant de l'obligation de ne pas transmettre à leurs parents les données recueillis auprès des mineures accueillies dans les plannings familiaux. Outre qu'elle est difficilement applicable, cette anonymisation, qui serait rendue obligatoire, du recours des mineures à la contraception, n'est pas souhaitable sur le fond.

S'il faut garantir la possibilité d'un accès anonyme et gratuit des mineures à la contraception comme le font les centres de planning familiaux, il faut aussi veiller à ne pas court-circuiter le rôle des parents et la possibilité de dialogue au moment où l'adolescent en a sans doute le plus besoin. Si ce n'est pas facile, les parents sont là pour accompagner leurs enfants dans leur devenir adulte, qu'il s'agisse de sexualité ou de tout autre sujet pouvant les mettre en difficulté.

Les textes sur le fonctionnement des plannings familiaux invitent d'ailleurs au dialogue avec les parents, mais assurent confidentialité et anonymat lorsqu'ils sont souhaités par le mineur. Or cet amendement met systématiquement les parents de côté, ce qui n'est pas souhaitable. C'est un signal contradictoire qui déresponsabilise les parents tout en livrant à eux-mêmes des adolescents qui auraient pu parler avec leurs parents.

Enfin le développement de la télémédecine est un aspect important qu'il faut porter car le soutien à la médecine de proximité implique un concours résolu à la modernisation des pratiques et au développement des nouveaux outils.

Debut de section - PermalienNora Berra, secrétaire d'état chargée de la santé

Cela passe notamment par le développement de la télémédecine, comme le prévoient la loi HPST et ses textes d'application. C'est avec cet objectif que le Gouvernement a engagé, au mois de juin dernier, une stratégie nationale e-santé. Un comité de pilotage s'est d'ailleurs tenu très récemment pour faire le point sur les avancées enregistrées dans la conduite du projet de déploiement de la télémédecine et sur les mesures à mettre en place pour passer de la phase d'expérimentation à la phase de déploiement sur l'ensemble des régions. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Mallot

Nous abordons maintenant la discussion générale. L'ordre des orateurs a été quelque peu modifié, mais cela a été fait dans le respect de notre règlement et avec l'accord des députés concernés.

La parole est à M. Jean-Marie Le Guen, pour dix minutes.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marie Le Guen

Je remercie M. Leteurtre d'avoir bien voulu me laisser intervenir avant lui. Je remercie M. Vigier pour avoir fait inscrire ce débat à l'ordre du jour, et pour certaines de ses propositions, qui méritaient d'être étudiées.

En faisant ces propositions, il ne fait que souligner un sujet majeur : nous qui sommes déjà en campagne, ne voyons-nous pas, quelle que soit notre sensibilité politique, nos concitoyens nous interroger sur le problème de l'accès territorial aux soins ? Cette question est essentielle et elle sera encore plus angoissante dans les mois et les années qui viennent en raison de l'absence totale de réponses et de l'évolution de la démographie médicale.

Madame la secrétaire d'État, personne ici n'est dupe : les politiques qui ont été déconstruites à mesure qu'elles étaient mises en oeuvre par ce Gouvernement et cette majorité ne sont absolument pas à la hauteur des angoisses que ressent la population, ni de ce que nous dit une analyse objective. C'est pourquoi, mes chers collègues, vous avez raison de poser le problème de l'accès aux soins de proximité, de premier recours. Cette question est terrible, surtout lorsque l'on voit l'évolution de la démographie médicale. Des médecins de soixante-cinq, soixante-six ans sont dans un tel état de harassement – de burnout comme disent les Anglo-Saxons – qu'ils viennent voir les élus pour leur demander de trouver quelqu'un pour les remplacer. Ils nous disent qu'ils ne peuvent pas abandonner les amis, les familles qu'ils soignent, mais qu'ils n'en peuvent plus et qu'il voudraient partir à la retraite.

Vous avez tenté, avec la loi HPST, la voie de l'intervention contraignante. Ce n'était pas l'expérience politique ni l'expérience sociale qui vous guidait. Vous avez décidé, pour des raisons électoralistes, de reculer et vous avez mis en place un système fondé sur l'incitation financière. Or je suis persuadé que ni la contrainte ni l'incitation financière ne sont les bons moyens pour y parvenir. Ce que veut la plupart des médecins, c'est que soient mises en place de nouvelles formes d'exercice de la médecine,…

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marie Le Guen

…des formes regroupées, coopérées, rémunérées autrement et pas seulement dans cette logique sans grandeur du paiement à l'acte.

Mais ces questions nous divisent depuis des années. Chaque fois que nous proposions d'avancer sur le terrain du paiement en partie forfaitaire, nous étions accusés de tous les maux et de vouloir mettre à bas la médecine libérale. En réalité, vous avez commencé à tourner casaque, si j'ose m'exprimer ainsi, mais avec beaucoup trop de modestie. La convention médicale dont vous parlez vise à aboutir à 10 % de financement forfaitaire dans les cinq ans qui viennent. Ce n'est pas à la hauteur des problèmes.

De la même façon, il faut aller vers des coopérations professionnelles. Or, en la matière, rien n'est mis en place. Quant au rapport Berland, il a peut-être maintenant huit ans. Aujourd'hui, où est le courage politique d'aborder ces questions ?

Bien sûr, vous mettez en place quelques maisons de santé, très souvent payées, et de façon parfois injuste, par les collectivités territoriales.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marie Le Guen

Est-ce que cela répond au problème d'un point de vue quantitatif et est-ce une politique que vous encouragez véritablement ? Disons-le très clairement : il faut les moyens d'une restructuration, il faut une volonté politique qui donne plus de place au paiement forfaitaire, il faut une politique qui mette en place les coopérations professionnelles, il faut enfin ne pas attendre que les professionnels le fassent, eux qui, par nature, ne sont pas des entrepreneurs de la médecine ou de la santé. La plupart d'entre eux ont les bras qui tombent devant l'immensité de la tâche administrative, technique, financière que demande la mise en oeuvre de ces projets.

C'est pourquoi nous proposons des plans d'accompagnement à l'installation des jeunes médecins, mais pas simplement du point de vue financier. En effet, ce ne sont pas seulement des incitations financières qu'ils nous demandent ni un attachement à tel ou tel territoire dont la plupart sont issus. Ce qu'ils veulent, c'est simplement pouvoir exercer leur travail de médecin.

Lorsque l'on agit par la contrainte ou l'incitation financière, on ne pense pas à la nécessité de transformer complètement la notion d'exercice médical. C'est pourquoi ces réponses ne sont pas adaptées aux problèmes posés.

Nous avons apprécié votre travail, monsieur le rapporteur, et la façon dont vous avez démontré que cette question n'était toujours pas prise en compte et que cette majorité n'avait pas de solution à proposer. Ces critiques, bien au-delà de l'opposition, d'ailleurs, sont partagées par un nombre important de députés de la majorité, qui se sont rassemblés sur les orientations de votre texte. Il eût donc été utile de discuter, par exemple, de l'internat régional. Bien sûr que la notion de stage, en médecine générale, en dehors des CHU, est une question qui se pose. J'en discutais avec l'un des doyens d'une des facultés les plus « scientifiques », doyen qui, lui-même, a totalement conscience du fait qu'on ne peut pas former les médecins généralistes de demain seulement dans des services de neurochirurgie ! Qui ne le comprend ?

Si vous avez touché du bout du doigt la réforme de l'enseignement supérieur des professions de santé, son fonctionnement provoque un gâchis humain considérable.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marie Le Guen

Qui ne connaît des jeunes de très bon niveau – certains auraient mérité d'être médecins – qui, au bout de deux ans, trois ans d'études se sont retrouvés sans diplôme, quasiment à la rue, après avoir considérablement travaillé ? Mesure-t-on vraiment le gâchis que cela représente ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marie Le Guen

Ces questions auraient tout de même mérité d'être prises en compte par la majorité depuis cinq ans, voire dix ans qu'elles se posent avec une particulière acuité. Comment se fait-il qu'à aucun moment on n'ait été capable de tirer les conséquences de cette situation ?

Il faut changer la forme de l'exercice de la profession, aller au-delà de la seule reconnaissance de la médecine générale comme discipline enseignée – car c'est la gauche qui l'a proposée, même si cette idée a été mise en place progressivement dans les années qui ont suivi.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marie Le Guen

Car ce n'est pas suffisant : il faut repenser les études médicales en n'opposant pas les uns aux autres.

C'est pourquoi les mesures que vous préconisez – je ne fais pas allusion ici aux dispositions contraignantes relatives à l'installation mais plutôt à celles concernant l'enseignement – sont sans doute assez judicieuses, mais elles doivent être prises dans un contexte beaucoup plus large.

À l'évidence, a contrario, nous avons besoin qu'une partie des étudiants en médecine soient de futurs chercheurs extraordinairement affûtés. Et il est clair que dans les parcours professionnels, quand on est à bac plus six, on voit se dessiner des perspectives de carrière différentes. Certains – d'ailleurs de plus en plus nombreux – vont être absorbés par la recherche la plus intensive quand d'autres vont se tourner vers la politique de santé publique.

Voilà pourquoi nous avons beaucoup apprécié, cher collègue, que vous posiez ces questions, voilà pourquoi nous avons dialogué avec vous, voilà pourquoi nous n'avons pas approuvé vos mesures, voilà pourquoi nous condamnons la politique menée depuis cinq ans, voilà pourquoi nous sommes gravement inquiets sur l'avenir de l'accès aux soins, voilà pourquoi nous en faisons un point important de notre programme pour l'élection présidentielle, voilà pourquoi, enfin, il est temps qu'advienne une véritable alternative, une véritable alternance.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Desallangre

Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, l'accès égal aux soins est un sujet majeur qui nous préoccupe depuis longtemps. Aujourd'hui, pour diverses raisons qui tiennent le plus souvent à de trop modestes revenus ou à une pénurie de professionnels de santé sur leur lieu d'habitation, près de 30 % de la population renoncent aux soins de santé ou les retardent. Dans certains départements, l'Aveyron par exemple, il faut parcourir en moyenne un trajet de quarante-cinq minutes en voiture avant de trouver un médecin.

La médecine libérale est en crise. Seulement 10 % des étudiants en médecine s'installent à la sortie de leurs études contre 45 % il y a quinze ans. Les médecins libéraux faisant valoir leur droit à la retraite ne sont donc pas remplacés et des cantons entiers sont peu à peu menacés de désertification médicale.

Le Gouvernement et la majorité savent sans doute que la moitié des jeunes médecins qui terminent leurs études préférèrent exercer en contrat salarié et dans des structures collectives. Exactement ce que sont nos centres de santé qui non seulement répondent aux besoins de la population, y compris à ceux des plus démunis car les tarifs pratiqués sont ceux du secteur 1, mais correspondent aux souhaits des jeunes médecins qui veulent exercer en équipe avec un plateau technique et dans un cadre sécurisé.

Mais vous vous obstinez à les fermer, obnubilés que vous êtes par le dogme de la médecine libérale et par l'image d'Épinal du notable libéral de province battant nuit et jour la campagne, armé de son stéthoscope et de son tensiomètre. Cette médecine-là est dépassée, c'est un fait. Vous préférez privilégier les maisons de santé, d'exercice libéral, souvent financées avec de l'argent public mais sans l'obligation de pratiquer le tiers-payant, d'appliquer les tarifs conventionnels ou même de plafonner les dépassements d'honoraires. Vous avez d'ailleurs sans cesse repoussé nos amendements sur ce point.

Dans ces conditions, vous êtes bien mal placés pour vous poser en défenseurs de l'égalité d'accès aux soins.

La question de la répartition des professionnels de santé sur le territoire a été traitée avec la même insuffisance par votre majorité. Après avoir, pendant des années, diminué de façon drastique le nombre de médecins formés, vous avez augmenté au compte-gouttes le numerus clausus et refusé de dégager des moyens supplémentaires pour la formation des médecins généralistes au niveau requis par la gravité de la situation, et pour leur affectation là où leur présence est indispensable.

Dès 2002, vous avez remis en cause l'obligation pour les médecins libéraux de participer à la permanence des soins, et vous n'avez jamais appliqué les quelques mesures figurant dans la loi HPST comme, par exemple, le contrat santé solidarité en direction des médecins qui exercent dans des zones surdotées. Vous avez fini par supprimer cette disposition à la faveur de l'examen de la loi Fourcade au printemps dernier. Un sort identique a été réservé à l'obligation de déclarer ses dates de congés à l'Ordre national des médecins au prétexte ahurissant que cela serait humiliant pour la profession médicale – impossible, dans ces conditions, d'organiser les remplacements et les soins en leur absence.

À ces choix clientélistes s'ajoute votre politique d'aménagement du territoire qui, depuis des années, non seulement accompagne la désindustrialisation mais conduit à la fermeture des services publics – écoles, bureaux de poste, tribunaux, lignes de transports, gares – qui progressivement sont tous mis à mal. Et je ne reviendrai pas sur le non-remplacement d'un fonctionnaire sur deux partant à la retraite.

Si l'on ajoute le véritable jeu de massacre auquel vous vous êtes livrés en fermant maternités, hôpitaux de proximité et services d'urgences, il ne faut pas s'étonner que, dans certains territoires, les médecins libéraux ne s'installent pas. Car pour travailler sérieusement et assurer la sécurité de leurs patients, ces mêmes médecins ont impérativement besoin de plateaux techniques de proximité et de structures d'accueil et de soins.

C'est dans ce contexte que, soudain, à quelques semaines de la fin de la législature et à quelques mois de la présidentielle, on nous présente un texte censé résoudre le problème sérieux et réel des déserts médicaux. La ficelle est un peu grosse pour masquer son caractère électoraliste et son contenu inapplicable.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Desallangre

Vous avez tout de même disposé d'un peu de temps, mes chers collègues…

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Lefrand

Notre collègue Vigier ne mérite pas cela !

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Vigier

Vous oubliez, monsieur Desallangre, qu'il s'agit d'une proposition de loi et non d'un projet de loi !

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Desallangre

Vous proposez en effet un stage de douze mois – qui vient s'ajouter à une formation déjà très longue – dans un hôpital de proximité ou une maison de santé en zone déficitaire, là ou précisément il n'y en a plus.

Vous instaurez soudain un internat régional sans aucune concertation avec les intéressés pour en évaluer la faisabilité et les conséquences qui effectivement mériteraient d'être étudiées. Mais alors pourquoi ne l'avez-vous pas fait plus tôt ? Je le répète : vous avez eu le temps.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Desallangre

Je vous le souhaite mais j'en doute.

Quant aux mesures coercitives que vous avez choisi d'éviter jusqu'alors, je doute de leur mise en oeuvre, d'autant qu'elles semblent ne s'appliquer qu'aux généralistes, ce qui crée une grave inégalité de traitement avec les autres spécialités. Bref, ce texte est un affichage à visée publicitaire et pourtant il traite d'un sujet douloureux.

Pensez-vous sérieusement pouvoir garantir un égal accès aux soins sur tout le territoire, comme l'annonce le titre du texte, répondre à un enjeu social et de santé publique devenu crucial en faisant simplement travailler des médecins retraités, par exemple ? Des médecins qui percevront leur retraite en continuant à être rémunérés par la sécurité sociale, sans verser à leur tour de cotisations ! Je trouve cela affligeant.

Ce texte est insuffisant par manque de volonté. Il est évident que, dans ces conditions, les députés communistes, républicains et du parti de gauche voteront contre.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Lefrand

Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, si l'évolution des pratiques professionnelles des médecins est inéluctable, la direction à prendre est avant tout entre leurs mains. Cette direction peut soit les conduire dans le mur, soit, au contraire, les amener à une révolution de leurs pratiques, un exercice renouvelé de leur métier et la prise de conscience du rôle fondamental de la santé dans l'économie de demain pour notre pays.

Ils sont aujourd'hui à la croisée des chemins. Deux populations de professionnels se côtoient sur le territoire sanitaire. Les premiers, formés dans les années 1970-1980, se voyaient comme les descendants des médecins en cours d'exercice. Le mode d'exercice libéral apparaissait à beaucoup comme évident : l'exercice solitaire, fondé sur le principe de l'art médical associé à une science porteuse d'avenir, et le paiement à l'acte comme unique ou majeur mode de rémunération. Ils ne s'interrogeaient guère alors sur le nombre d'heures de travail, ils assuraient la responsabilité de leurs actes sans véritable inquiétude juridico-médicale. Leurs revenus suivaient la même courbe que leur activité et leur avenir semblait tracé.

Cette pratique médicale traditionnelle est aujourd'hui en crise. L'exercice libéral est rejeté par neuf médecins sur dix, la pratique en groupe plébiscitée, le mode de vie modifié. Pourquoi cette évolution ?

Une intéressante étude sociologique menée par une chargée de recherche au CNRS nous présente le nouveau médecin. Il s'agit d'une femme dans la majorité des cas, vivant en couple, avec des enfants. Mariée à un cadre supérieur, le revenu médical est souvent le second du ménage. Nos jeunes confrères sont le plus souvent des enfants de fonctionnaires, enseignants ou cadres de la fonction publique, et ont toujours vécu en ville.

La mixité sociale chez les étudiants en médecine n'existe plus, la formation initiale est déficiente, la sélection basée sur l'hypermnésie. Ainsi, un des précieux leviers sur lesquels nous avons à agir est la formation initiale et la sélection de ceux qui s'occuperont de notre santé à nous dans les années à venir.

Ensuite, les jeunes confrères ne connaissent pas le monde libéral.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Lefrand

Ils ne l'ont rencontré ni chez eux ni à la faculté. Comment pourraient-ils être intéressés par ce qu'ils ne connaissent pas ? Le paiement à l'acte n'a plus désormais le sens que les médecins connaissaient. Les jeunes médecins veulent travailler autrement, sans courir après des rémunérations plus importantes. De même, ils veulent aujourd'hui davantage travailler en coopération avec les différents professionnels de santé.

Les récentes évolutions législatives vont rendre plus pertinentes les actions menées par les pharmaciens, infirmières, masseurs kinésithérapeutes ou psychologues. Mais les praticiens de la précédente génération n'ont pas été formés à cela.

Comment alors faire évoluer les mentalités, comment permettre à chacun de trouver sa place dans un système renouvelé ?

Les professionnels de santé veulent également pouvoir faire évoluer leur pratique, modifier leur exercice professionnel. La formation continue est, dans ce cadre, un élément important à réformer. Cette modification, fondamentale, doit redonner beaucoup plus de responsabilité aux professionnels. Cela leur redonnera du pouvoir et, surtout, libérera la prise d'initiatives professionnelles et interprofessionnelles.

La qualité de vie personnelle, que les professionnels de santé ont trop longtemps négligée dans leur exercice traditionnel, est devenue incontournable pour la nouvelle génération. Une nouvelle organisation des soins et des services de santé est donc impérative, mais l'exercice professionnel en lui-même, nous l'avons tous souligné, doit être amélioré, tenant compte de l'impérieuse nécessité d'améliorer l'attractivité de l'exercice libéral et de développer de nouvelles formes d'organisation.

Pour cela, il faut créer les conditions institutionnelles favorables au développement de nouvelles formes d'organisation économique des soins et des services de santé ambulatoire, à l'initiative et sous la responsabilité des professionnels eux-mêmes. En contrepartie, les professionnels de santé vont devoir eux aussi accepter de se remettre en cause, réfléchir à de nouvelles responsabilités assumées en commun, faute de quoi, une nouvelle fois, les décisions seront prises sans eux, sinon contre eux, par le simple choix de technocrates, validées par des politiques qui n'assument parfois pas leurs idées et manquent de volonté.

Mais la proposition de loi et les amendements de notre rapporteur ne règlent pas ces problèmes globaux et traitent malheureusement trop ce dossier par le petit bout de la lorgnette. C'est pourquoi le groupe UMP s'y opposera. Je suggérerai néanmoins quelques pistes sur lesquelles nous pourrons travailler ensemble.

En premier lieu, il me semble réducteur de limiter le problème à l'installation. Formation, organisation, coopération, travail sur l'interprofessionnalité doivent être développés.

Deuxièmement, le texte ne vise que l'exercice libéral, dont se détournent aujourd'hui 90 % des étudiants. De nouvelles mesures coercitives, ne nous y trompons pas, feront purement et simplement disparaître la médecine libérale.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Lefrand

Au contraire des médecins, aujourd'hui, les avocats se détournent de l'exercice salarié pour aller vers l'exercice libéral. Cette évolution de l'exercice libéral vers le salariat n'est donc pas inéluctable pour différents types de professions.

Par ailleurs, la proposition de loi ne distingue pas entre médecine générale et médecine spécialisée. Contrairement à notre collègue qui s'est exprimé tout à l'heure, j'ai cru comprendre que cette proposition de loi s'adressait à l'ensemble des internes. À cet égard, l'article 2 me paraît totalement irréaliste. Il est écrit que tout interne en troisième année d'internat devra aller pendant un an dans une zone déficitaire où nous n'avons le plus souvent ni hôpital ni maison de santé.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Lefrand

Sauf à proposer, comme vous l'avez fait, monsieur le rapporteur, qu'une région entière soit considérée comme zone déficitaire. Auquel cas la proposition de loi n'a plus lieu d'être.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Lefrand

Les articles 5 et suivants, quant à eux, tels qu'ils étaient initialement rédigés, remettaient en cause les dispositifs conventionnels déjà applicables aux infirmiers libéraux, ainsi que les négociations en cours, Mme la secrétaire d'État l'a rappelé, avec les masseurs-kinésithérapeutes et les sages-femmes. Un consensus a été trouvé sur des méthodes de zonage assorties d'aides financières ; or ces aides disparaîtraient si le texte était adopté dans sa version initiale.

Le risque majeur reste cependant, à nos yeux, celui d'une disparition complète de la médecine libérale. La Fédération hospitalière de France s'est d'ailleurs exprimée en ce sens il y a quelques jours en proposant d'intégrer les médecins libéraux, et notamment généralistes, dans les structures hospitalières. Le projet du parti socialiste propose, lui aussi, un maillage du territoire « hospitalo-centré », la médecine ambulatoire étant appelée à s'organiser comme elle le peut autour des hôpitaux.

Pour nous, ce n'est pas la bonne solution. La disparition de la médecine libérale, qu'impliquerait votre proposition, aurait pour conséquence l'institution d'une médecine salariée, voire fonctionnarisée, avec un temps de travail divisé parfois par deux. Si les maisons de santé ont du mal à recruter des praticiens libéraux, elles n'en ont aucun à trouver des médecins salariés. Nous pensons qu'il faut réfléchir à une organisation globale de la santé, pas seulement des soins, en traitant, par exemple, de médecine préventive.

Beaucoup a certes été fait par notre majorité – législatif et exécutif confondus –, mais les résultats ne sont pas encore parfaitement nets. Nous rencontrons toujours des difficultés juridiques et financières pour créer des maisons de santé. Celles-ci doivent être vraiment interprofessionnelles et intégrer la télémédecine – vous l'avez rappelé, madame la secrétaire d'État – sur laquelle nous avons beaucoup légiféré, mais qui peine à se mettre en place, pour des raisons financières notamment. Nous avons de même beaucoup travaillé pour inciter à l'installation dans les zones défavorisées : reste maintenant – nous nous retrouvons sur ce point, monsieur le rapporteur – à élaguer le maquis touffu des propositions sur les aides existantes, à mieux les expliciter et à mieux les mettre en oeuvre.

Il faudrait enfin réfléchir à accélérer la mixité des rémunérations. Contrairement à ce qu'a dit notre collègue Le Guen, elle existe. Nous l'avons mise en place, il faut maintenant la faire vivre.

Il manque à cette proposition de loi un volet organisationnel très important, concernant notamment les relations entre la médecine ambulatoire et la médecine hospitalière, mais aussi la répartition des tâches entre professions de santé, qu'il serait possible d'améliorer avec de nouveaux modes d'exercice collectif. Une meilleure organisation des soins permettrait de doubler le temps médical disponible. Il faut réorganiser l'exercice en direction d'un temps médical prépondérant, transférer les tâches administratives et paramédicales vers d'autres professionnels. Nous manquons surtout de temps médical, pas de médecins, s'ils sont intelligemment orientés dans leur travail princeps.

Nous devons aussi revoir la formation. Les conseils nationaux professionnels, mis en place par la loi HPST et fédérés au sein de la Fédération des spécialités médicales, doivent repenser la formation initiale. Il n'y a plus assez de mixité sociale dans le recrutement des étudiants en médecine.

Nous préférerions, pour notre part, libérer les initiatives de terrain, foisonnantes, mais trop souvent bridées, et écouter les propositions, nombreuses, de l'ensemble des professionnels de santé, médecins ou non. Beaucoup d'expérimentations de terrain, nous le voyons tous dans nos territoires, ont été conduites, qui ne sont ni assez connues ni assez reconnues ni assez valorisées.

En conclusion, mes chers collègues, le renouveau de l'organisation de la santé passe par trois choix politiques.

En premier lieu, il faut regagner la confiance des professionnels médicaux et de santé. Ce sont ces professionnels qui ont encore la confiance des usagers et de leurs familles, dans un monde où la défiance est généralisée. Les nombreuses réformes trop technocratiques du système de santé depuis trente ans ont progressivement érodé la confiance de ces professionnels dans la politique, car ils ont pris conscience de l'écart grandissant entre cette succession ou ces théories de réformes et leurs pratiques professionnelles de terrain.

En deuxième lieu, nous ne pouvons éviter de nous fonder sur l'émergence d'un paradigme interprofessionnel de la santé. Des initiatives sont en cours pour accélérer cette émergence entre grandes organisations professionnelles, réseaux de recherche et établissements d'enseignement supérieur. Ces initiatives doivent permettre de ramener à sa juste place le modèle d'organisation institutionnelle de la santé, dont on ne peut dorénavant ignorer les limites dans les agences régionales de santé, et d'ouvrir enfin la voie à un modèle évolutif d'organisation interprofessionnelle de la santé.

Pour cela, en troisième lieu, il nous faut établir une grande gouvernance politique du système de santé.

La dispersion, le morcellement, la fragmentation des institutions de la santé, en particulier la dispersion des agences de l'État, la guerre larvée entre les caisses d'assurance maladie et les administrations centrales et régionales, 1'émergence d'autres formes d'assurance, notamment en ambulatoire, les difficultés de positionnement des collectivités territoriales et des partenaires sociaux, tout concourt au développement de l'insécurité institutionnelle.

Nous préférons, pour notre part, l'incitation à la coercition, la confiance à la stigmatisation, le développement de la pratique interprofessionnelle au communautarisme des professions de santé.

En conséquence, nous serons contraints, monsieur le rapporteur, et j'en suis désolé, de rejeter les amendements que vous nous proposez, qui posent, tout le monde l'a dit, de bonnes questions, mais qui, à notre avis, n'apportent pas de réponses satisfaisantes, équilibrées et pérennes.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Leteurtre

Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, le texte de la proposition de loi de notre collègue Philippe Vigier est certes polémique, mais il a le mérite de poser clairement les enjeux du débat sur les conséquences de l'évolution de la démographie médicale, et je pense que c'est le temps politique.

Que l'on soit pour ou contre ce texte n'y change rien : il y a dans notre pays un problème de répartition des médecins sur le territoire et une baisse constante du pourcentage de jeunes médecins s'installant en secteur libéral. C'est un problème général puisqu'il touche aussi bien les territoires urbains que les zones rurales. Ce problème est non seulement interrégional, mais aussi infrarégional.

Depuis plus d'une dizaine d'années, des mesures incitatives à l'installation des médecins en zones sous-densifiées ont été expérimentées.

Ces mesures ont montré leurs limites puisqu'elles n'ont pas permis de régler le problème. Elles ne l'ont pas réglé, tout simplement parce qu'elles ne font que pallier le constat, sans rien résoudre sur le fond. N'ayons pas peur des mots : il y a aujourd'hui une réelle désaffection pour l'exercice de la médecine libérale.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Leteurtre

On a proposé de nombreuses explications, toutes aussi valables les unes que les autres : féminisation de la profession, refus de l'isolement dans la pratique médicale, désir d'une organisation de vie professionnelle plus régulée par le salariat.

On nous dit que ce n'est pas le moment de légiférer sur le sujet parce que des expérimentations sont en cours. C'est vrai, mais il y a vingt ans qu'on nous dit cela ! On ne nous a pas dit la même chose quand il s'est agi de supprimer, dans la loi HPST et la proposition de loi Fourcade, les timides dispositions qu'elles contenaient pour tenter d'enrayer le phénomène.

Alors oui, c'est vrai, il y a des expériences intéressantes, comme les PSLA, les pôles de santé libéraux et ambulatoires. Reste à savoir s'il n'y a pas, dans les actuels développements de ce mode d'exercice, un simple effet d'aubaine.

On le voit bien en regardant de plus près les statistiques. Les regroupements intraprofessionnels sont largement dominants par rapport aux regroupements interprofessionnels en ambulatoire. Il existe, par contre, de belles réussites avec les réseaux de santé et les pôles de santé pluridisciplinaires qui organisent, dans un bassin de vie, des cabinets médicaux et paramédicaux sur la base du volontariat.

Pour autant, on le voit bien, tout cela n'est pas suffisant, car la pérennité de ces expérimentations et leur développement ne sont pas assurés.

J'ai bien entendu, lors des débats en commission, l'argument qui consiste à dire que le moment est mal choisi et qu'il faut une réforme plus en profondeur. Que n'avez-vous donc déposé des amendements qui auraient amélioré le texte et posé les jalons d'une réforme viable et constructive sur le sujet !

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Leteurtre

Je suis également frappé, dans le concert des critiques qui ont été formulées, par l'absence de toute remise en cause de l'organisation actuelle des soins primaires.

Certes, la loi HPST a fait du médecin généraliste la porte d'entrée dans notre système de soins. Mais nous pourrions réfléchir à de nouvelles voies pour pallier nos déficits en offre de soins primaires, puisque c'est bien de cela qu'il s'agit : permettre à chaque Français d'être soigné en quelque lieu que se trouve sa résidence.

Nous ne sommes pas les premiers pays confrontés à une pénurie de médecins libéraux. L'une des voies choisies pour y faire face a été, dans la plupart des cas, le transfert de compétences entre professionnels de santé. Pourquoi ? La principale demande du médecin généraliste libéral, c'est de disposer d'un maximum de temps médical. On sait bien que le simple suivi des pathologies chroniques, hormis dans leurs phases aiguës, est chronophage, tout comme la « bobologie » qui envahit les cabinets médicaux.

On sait aussi que notre pays souffre d'un cruel retard dans l'éducation thérapeutique du patient qui, pourtant, est essentielle pour éviter les épisodes aigus et les ré-hospitalisations

Je crois que, pour donner au médecin généraliste de l'intérêt à son métier, il faut revoir les modes de coopération entre les professionnels de santé. C'est le levier indispensable à la réorganisation des soins primaires.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Leteurtre

Il ne suffit pas de s'arc-bouter sur le sacro-saint principe du statut libéral de l'exercice de la médecine. Devant la réalité de la démographie médicale, il faut aller au-delà et repenser globalement la médecine ambulatoire de proximité.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Leteurtre

Certaines professions paramédicales ont accepté une régulation de leur installation. Les médecins libéraux y échapperont sans doute aujourd'hui. Mais sûrement pas demain s'ils n'acceptent pas de discuter, non pas tant de leur statut que de l'organisation des soins autour du patient et à son seul service. C'est tout de même cela, l'éthique de la profession !

On ne peut pas faire aux jeunes médecins le procès de ne pas avoir le même sens de la responsabilité individuelle que leurs aînés : ils l'assument avec générosité, technicité et efficience.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Leteurtre

Mais sont-ils vraiment préparés à un exercice de leur profession aussi éloigné de leurs bases théoriques hospitalo-universitaires ?

Force est de reconnaître que les universitaires, formateurs techniques remarquables, ont souvent failli vis-à-vis de leurs responsabilités en matière de santé publique et d'organisation sanitaire, notamment en ne délivrant pas toujours un enseignement adapté à l'exercice de la médecine de proximité.

Trop souvent, les étudiants apprennent à décliner une batterie d'examens systématiques avant même tout examen clinique et tout interrogatoire. Au nom du principe de précaution et de la jurisprudence, quelle céphalée ne va pas déclencher une série de scanners, d'IRM et autres examens tous plus sophistiqués les uns que les autres ?

Par contre, rarement sont réaffirmées l'importance et la force du dialogue singulier qui oriente tellement la démarche diagnostique et thérapeutique, et qui, avec un peu de bon sens et d'expérience, soulage tant d'angoisses.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Leteurtre

Il n'est pas étonnant qu'ensuite l'exercice lointain, éloigné des gros plateaux techniques, sans aucune collégialité, soit délaissé par les jeunes médecins qui sont réellement inquiets d'être à distance du confort technique rassurant, car ils n'y ont pas été préparés.

Rappelons encore que les modalités de sélection en fin de première année privilégient trop largement les seules connaissances scientifiques au détriment des sciences humaines.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Leteurtre

Voilà tout l'intérêt de la proposition de loi de notre collègue Vigier : ouvrir un débat sur la médecine de proximité et l'organisation des soins primaires. Ceux qui refusent cette discussion ont vingt ans de retard !

La proposition de loi comporte plusieurs mesures que je rappellerai brièvement.

Tout d'abord, le renforcement des critères de démographie médicale dans la détermination du numerus clausus.

Ensuite, l'obligation d'installation pour les jeunes médecins, pendant un délai de trois ans, dans un secteur géographique souffrant d'un nombre insuffisant de médecins, pour répondre aux besoins de la population en termes d'accès aux soins. Il n'y a rien de choquant à ceque ceux qui ont été formés durant plusieurs années par la collectivité lui rendent un « service civique ».

Enfin, il est proposé de substituer à l'examen national classant un internat régional voire interrégional. On sait bien que ceux qui s'éloignent de leur région pour leur spécialité ne reviennent que rarement s'y installer. Une telle proposition avait d'ailleurs fait l'objet d'une discussion dans cet hémicycle lors de l'examen de la proposition de loi Fourcade. Son adoption avait alors échoué à une voix près.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Leteurtre

Le système actuel entretient et aggrave la fracture médicale et les inégalités d'accès aux soins quand, en parallèle, les professionnels de santé restent peu enclins à contribuer de leur seul fait au rééquilibrage de la démographie médicale.

Voici les principales dispositions du texte, qui entendent apporter des réponses aux problèmes de la démographie médicale là où les politiques incitatives ont échoué ou sont insuffisantes.

Comme ce texte a le mérite de le montrer, il faut que tous les acteurs, en premier lieu nos concitoyens, sachent que nous sommes bien conscients des risques d'inégalité face à la maladie et à l'accès aux soins que représente la pénurie de médecins généralistes libéraux.

Mais il faut aussi afficher notre ferme volonté et notre détermination à proposer des mesures viables qui ne soient pas des mesurettes, quitte à froisser des corporatismes persistants.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Leteurtre

C'est le grand mérite de Philippe Vigier d'avoir, au terme d'un long travail de préparation…

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Leteurtre

…élaboré ces propositions avec courage et cohérence, en faisant le choix, ce qui devrait sembler naturel, de mettre le citoyen et le malade au centre du dispositif.

Mes chers collègues, c'est à votre responsabilité de législateurs que j'en appelle aujourd'hui pour discuter de cette proposition de loi dans un climat serein et apaisé – sur ce point, je crois il n'y a pas de problème –, pour laisser au moins à ce texte l'occasion d'engager le dialogue, afin que cette initiative parlementaire ne soit ni vaine pour nos concitoyens, ni bafouée. Si toutes les dispositions ne vous semblent pas devoir être retenues, gardez-en au moins quelques-unes, comme l'internat régional ou interrégional qui est peut-être moins sujet à polémique.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrice Martin-Lalande

Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, je voudrais prendre plusieurs exemples pour développer l'idée que seule l'innovation permettra de surmonter la mutation de la démographie médicale à laquelle nous sommes confrontés.

J'ai co-signé la proposition de loi de Philippe Vigier pour que le débat ait lieu et je ne le regrette pas ce soir, même si le nombre de participants est très raisonnablement contenu. (Sourires.)

Comme je l'ai souligné ici même hier, nous avons un problème de financement public pour pérenniser un certain nombre d'innovations qui ont fait leurs preuves, qui permettent de faire réaliser à la sécurité sociale des économies substantielles et d'assurer un meilleur service rendu en zones rurales.

Je prendrai deux exemples.

Le premier, que j'ai déjà évoqué hier, me semble tout à fait emblématique. L'établissement d'hébergement de personnes âgées de Châteauvieux dans ma circonscription, en Loir-et-Cher, a, depuis trois ans, réussi à économiser 850 000 euros par an.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrice Martin-Lalande

Et cela, en évitant un millier de journées d'hospitalisation chaque année et en pratiquant une médication très réduite, tout simplement en ayant recours à un médecin qui intervient quotidiennement dans l'établissement. Épaulé par tout le personnel, le médecin prend dès le départ chaque problème de santé des soixante-dix personnes très lourdement dépendantes.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrice Martin-Lalande

Quand on arrête un incendie dès la première minute, un verre d'eau suffit, quand on attend deux ou trois jours le passage du généraliste, la seule solution, bien souvent, c'est l'hospitalisation.

Cette innovation permet d'apporter deux réponses intéressantes à notre problème de démographie médicale en zone rurale.

D'une part, elle permet aux généralistes d'avoir un peu moins de charges de travail, car en général, les généralistes sont débordés et ils passent dans les maisons de retraite quand ils le peuvent. Le temps ainsi libéré pour les généralistes est réutilisable pour s'occuper des problèmes de santé des autres habitants dans les communes rurales.

D'autre part, le fait d'éviter un millier de journées d'hospitalisation, ce qui représente quand même trois lits toute l'année qui sont économisés dans l'hôpital le plus proche, augmente la possibilité de répondre aux autres besoins de la population en zone rurale.

La difficulté, que j'ai déjà évoquée hier, c'est que pour pérenniser ces 850 000 euros d'économies chaque année, il faut faire des travaux d'investissements. Or il manque dans le plan de financement de cet établissement 1,4 million d'euros et cet établissement à but non lucratif, qui appartient à la Société philanthropique de France, risque de devoir remettre les soixante-dix personnes dont il s'occupe dans le circuit où un millier d'hospitalisations seront nécessaires chaque année. Pour ne pas avoir 1,4 million d'euros disponibles, on risque de générer à nouveau chaque année 850 000 euros de dépenses supplémentaires. Il y a quelque chose de paradoxal dans cette impossibilité de repositionner les tuyaux de financement pour valoriser les économies dont on a besoin et mieux répondre aux besoins de nos aînés, notamment en zone rurale.

Le second exemple d'innovation qui a besoin d'être financée pour pouvoir continuer à apporter une réponse intéressante en zone rurale, c'est celle qui se déroule dans la vallée du Cher, dans ma circonscription, à Saint-Georges-sur-Cher, Saint-Aignan-sur-Cher et Soings-en-Sologne. Dans le cadre d'une plateforme alternative d'innovation en santé, une nouvelle organisation du travail des médecins, un partage des secrétariats et une autre répartition des tâches administratives ont permis à ces médecins de libérer une heure à une heure trente par jour, qu'ils réutilisent pour mieux prendre en charge les soins et la prévention.

Le problème, c'est que l'ARS, qui, jusqu'à présent, avait soutenu l'expérience, demande à la communauté de communes de prendre le relais. Cela représente une somme de 80 000 euros chaque année, très lourde pour la communauté de communes en question. Là aussi, il faut qu'on repositionne les tuyaux de financement pour que les économies faites par la sécurité sociale, et qui sont bonnes pour tout le monde, soient en partie réutilisées pour pérenniser cette façon de fonctionner et non pas remises en cause par le transfert sur les communautés de communes.

J'évoquerai un dernier point. Sauf erreur de ma part, pour qu'une maison de santé puisse bénéficier du fonds de compensation de la TVA, la loi exige qu'elle soit construite sur une commune classée non déficitaire. Dans certaines zones rurales, positionner la maison de santé sur une commune non déficitaire et non dans la commune centre elle-même déficitaire est une mauvaise chose parce que la commune est mal située, que les transports ne sont pas adaptés, parce qu'elle n'est pas le lieu de passage des malades. Il faudrait qu'on revoie cette disposition pour ne pas artificiellement délocaliser, pour une raison fiscale, une maison de santé alors que le bon sens voudrait qu'elle se trouve dans une commune chef-lieu.

Telle est la contribution que je voulais apporter à ce débat dont je me réjouis qu'il ait lieu. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Mallot

J'appelle maintenant, dans le texte de la commission, les articles de la proposition de loi.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Mallot

La commission a supprimé l'article 1er.

Je suis saisi d'un amendement, n° 5 , qui tend à le rétablir.

La parole est à M. le rapporteur.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Vigier

Comme un orateur l'a excellemment dit, lorsqu'on fixe un numerus clausus, il faut le faire en évaluant de la façon la plus précise les besoins d'un territoire. Il ne s'agit donc pas de « tenir compte » de ces besoins mais bien d'arrêter le numerus clausus « en fonction » de ces besoins.

J'ai beaucoup entendu parler de coercition. Tenir compte, cela laisse beaucoup de possibilités d'interprétation. En revanche, on sera beaucoup plus efficace si le numerus clausus est fixé en fonction même de l'état du terrain et du nombre de médecins et surtout de ce que l'on sait faire maintenant, c'est-à-dire des perspectives à cinq et dix ans. En région Centre, nous avons expérimenté une nouvelle formule : nous avons écrit aux médecins en leur demandant quand ils comptaient partir, ce qui nous permet d'avoir une vision précise de la situation future, territoire de santé par territoire de santé.

Debut de section - PermalienNora Berra, secrétaire d'état chargée de la santé

L'avis du Gouvernement est défavorable.

Je crois que l'objectif qui est visé par M. Vigier dans cet amendement n° 5 est partagé. Nous sommes d'accord en effet pour adapter le numerus clausus en fonction de l'évolution des besoins de santé de la population et de la démographie médicale. Mais le dispositif est en vigueur, puisque c'est exactement l'objet et le travail de l'Observatoire national de la démographie des professions de santé. Donc je considère qu'il n'est pas utile de l'écrire dans la loi.

(L'amendement n° 5 n'est pas adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Mallot

La commission a supprimé l'article 2.

Je suis saisi d'un amendement, n° 6 , qui tend à le rétablir.

La parole est à M. le rapporteur.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Vigier

Cet amendement, comme le précédent, j'aurais dû le rappeler, a reçu, une fois n'est pas coutume, un avis favorable de la commission, madame la secrétaire d'État.

J'avais proposé que les stages pratiques soient réalisés pendant une année et cet amendement a pour but de bien labelliser les types d'établissement dans lesquels ces stages pratiques pourraient être réalisés.

Initialement, il était indiqué que ces stages pourraient être effectués au sein d'une maison de santé pluridisciplinaire ou d'un établissement hospitalier. Au vu des remarques formulées par un certain nombre de collègues, j'ai souhaité compléter la liste des structures susceptibles d'accueillir les jeunes médecins en incluant la notion de cabinet médical, un cabinet médical de groupe par exemple avec un médecin référent, ou même un pôle de santé, de manière que les structures d'accueil soient nombreuses et permettent d'accueillir tous les étudiants. Mon raisonnement fonctionne, au moins sur la région Centre, cher collègue Lefrand, même pour les spécialistes. Spécialité par spécialité, j'ai vérifié, au vu du nombre d'internes formés à Tours et du nombre d'internes par spécialité, que les structures d'accueil étaient à la hauteur des besoins de stages.

Debut de section - PermalienNora Berra, secrétaire d'état chargée de la santé

L'avis du Gouvernement est défavorable.

Systématiser une offre de terrains de stages dans les lieux d'exercice de médecine générale ne me paraît pas opportun.

D'abord, ce serait très délicat à mettre en place.

Surtout, on ne peut pas proposer un stage de médecine générale à tous les praticiens alors qu'ils s'orientent vers des spécialités beaucoup plus spécifiques. Je crois qu'il faut respecter les filières universitaires de spécialisation.

Debut de section - PermalienNora Berra, secrétaire d'état chargée de la santé

Par ailleurs, généraliser ce genre de stages impliquerait de multiplier le nombre de maîtres de stage. C'est un dispositif qui est en place, qui monte en puissance, mais qui aujourd'hui ne nous permet pas mécaniquement d'accueillir tous les étudiants.

(L'amendement n° 6 n'est pas adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Mallot

La commission a supprimé l'article 3.

Je suis saisi d'un amendement, n° 7 , qui tend à le rétablir.

La parole est à M. le rapporteur.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Vigier

Cet amendement revient sur le problème de l'internat classant national.

Comme l'a rappelé très justement Claude Leteurtre, cette idée d'internat régional a été repoussée, à une voix près, il y a deux ans dans cet hémicycle – je crois que le vote était onze pour, onze contre, avec la voix du président qui était déterminante.

Ce concours régional a déjà fonctionné dans ce pays pendant trente ans et se passait très bien. Si pendant trente ans, cela n'avait pas marché, les conséquences auraient été désastreuses. Or, il y a dix ans, le pourcentage des médecins qui s'installaient dans le privé était encore de 22 %, contre 9 % aujourd'hui, et les disparités géographiques étaient bien moins importantes qu'elles ne le sont aujourd'hui.

Dans le texte que j'ai proposé, il était prévu des dispositifs complémentaires. Ainsi, dans le cadre d'un internat régional, il était possible, notamment dans les spécialités, mon cher Lefrand, en quatrième ou cinquième année d'internat, d'avoir des échanges entre régions, voire avec d'autres pays de l'Union – vous le voyez, j'avais quand même ouvert grand les bras pour faire en sorte que cet internat régional ne sclérose pas les internes dans une région donnée. J'avais même proposé qu'ils puissent passer des concours dans trois régions, ce qui était d'ailleurs le cas auparavant.

Revenir à cet internat régional permettrait, une fois de plus, de fidéliser ces garçons et ces filles au territoire dans lequel ils sont formés. Je l'ai dit tout à l'heure, 70 % de ceux qui ont été formés dans une région y résident, que ce soit en Normandie ou ailleurs.

L'internat régional permettrait d'autre part d'adapter plus précisément le numerus clausus aux besoins d'une région. Les échanges avec les autres régions seraient encore possibles.

Enfin, il n'y a qu'une année où les étudiants sont traités de la même manière dans toutes les facultés de médecine de France. À Tours, par exemple, jusqu'en 2009, si vous étiez classé 3500e et aviez un poste d'IMG en Limousin, vous pouviez refuser et redoubler. En Auvergne, ce n'était pas possible. Et on nous explique ensuite que le traitement des étudiants est le même dans toutes les régions !

C'est la raison pour laquelle j'ai proposé un internat régional.

Debut de section - PermalienNora Berra, secrétaire d'état chargée de la santé

Défavorable.

Les épreuves classantes nationales permettent de former des internes dans les spécialités et les régions en fonction des besoins de soins. Depuis 2010, l'organisation du troisième cycle a été entièrement réformée et la filiarisation a été mise en place, fondée sur l'affectation de postes d'internes en fonction des besoins exprimés par les régions. Elle n'a encore pas pu produire totalement ses effets puisque les premiers diplômés sortiront entre 2013 et 2015. Il semble de toute évidence exclu de modifier dès à présent le cadre de pilotage des flux d'internes.

Par ailleurs, le fait de déplacer la gestion des flux du niveau national au niveau régional aurait pour effet pervers de fixer les flux d'internes en fonction du numerus clausus pratiqué dans la région cinq ans avant.

Enfin, pour sédentariser les internes dans leur région de formation, il existe le contrat d'engagement de service public, sans compter qu'après leurs études, les internes peuvent être sédentarisés grâce aux postes d'assistants.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Leteurtre

On ne peut pas dire, madame la secrétaire d'État, que l'examen classant national actuel soit satisfaisant et que les filières ne posent aucun problème. Lorsque, dans un CHU, il y a plus de demandes qu'il n'y a de postes, on est dans l'impossibilité totale de résoudre le problème, à moins de créer des postes en surnombre. C'est tout de même l'évolution actuelle. Je ne veux pas faire le procès de l'examen classant national tel qu'il est actuellement, mais il souffre de grands dysfonctionnements.

Il y avait auparavant un internat des hôpitaux périphériques, qui a été absorbé par les CHU. On a dit à ces hôpitaux périphériques qu'on leur enverrait des internes pendant un an. Moralité, on les a désertifiés. Après, ils n'avaient plus de médecin. Seule parade qu'on ait trouvée, on a fait venir des médecins étrangers, et on a amplifié le système. Maintenant, globalement, il n'est plus possible d'avoir des stages internés corrects dans les hôpitaux périphériques. Ils sont captés par les CHU.

Le seul moyen de lutter contre une telle situation, c'est de faire des internats soit régionaux soit interrégionaux. Il est dommage qu'on ne réfléchisse pas à cette solution parce que c'est une piste importante, mais il est vrai que le lobby universitaire n'y est pas favorable.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Lefrand

Vous l'avez parfaitement résumé dans votre dernière phrase, monsieur Leteurtre, il faut réfléchir au sujet. Nous sommes d'accord. Nous ne sommes pas a priori défavorables à l'internat régional ou interrégional, c'est un sujet qui mérite réflexion et débat, mais la réponse n'est pas aussi évidente que cela et elle ne doit pas porter uniquement sur ce point.

Je pense notamment au mode de sélection des internes. Aujourd'hui, nous formons des internes en spécialité qui sont sélectionnés le plus souvent par la frustration, parce qu'ils choisissent des spécialités en fonction des places disponibles et non pas de leur choix. Le fait de travailler en régional ou en interrégional peut être intéressant mais il faut réfléchir à d'autres solutions, notamment une sélection fondée davantage sur la motivation, avec peut-être des entretiens, ou une autre forme de réflexion après validation des acquis des premier et second cycles.

En tout cas, la proposition que vous nous présentez est insuffisante et incomplète. C'est pourquoi nous voterons contre.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Vigier

M. Lefrand, c'est formidable, m'a donné un élément de réponse extraordinaire. Auparavant, on choisissait trois régions dans lesquelles on se présentait au concours d'internat. Il vient de nous expliquer, et j'ai des exemples jusque dans ma famille, ma propre fille pour la citer, que des jeunes choisissent telle spécialité plutôt qu'une autre parce qu'une région leur plaît davantage. C'est ainsi que cela se passe, il faut le reconnaître. En plus, comme je l'ai souligné tout à l'heure, le redoublement n'était pas autorisé partout.

L'intérêt de ma proposition, madame la secrétaire d'État, c'est que vous pouvez modifier chaque année le nombre de postes d'internes par région, voire interrégion, et par spécialité, comme c'était le cas auparavant. Le ministre de la santé et le ministre de l'éducation nationale annonçaient chaque année que, dans telle académie, telle faculté de médecine, il y aurait tant d'internes, dont tant dans telle spécialité. C'est le fruit de l'expérience, cela a fonctionné pendant vingt-cinq ans.

Nous avons fait trois choses formidables. J'ai évoqué le MICA, mais je suis très heureux également que les médecins généralistes soient encore mieux formés. La durée de leur formation est passée de sept à neuf ans, vous le savez. Étaient-ils de mauvais médecins quand ils allaient sur le terrain au bout de sept ans ? Je n'en suis pas persuadé. En plus, comme l'a très bien souligné l'un de mes collègues, ils allaient auparavant, dans le cadre de l'externat, dans les petits hôpitaux.

Dans la ville de Châteaudun, qui est au coeur de ma conscription, sur onze généralistes, six sont venus y faire leur externat pendant une année. Ils ont découvert la région, l'ont trouvée attractive, y ont fait leur vie pour la plupart et s'y sont installés. Certes, ce ne sont pas les charmes de la Sologne de Patrice Martin-Lalande, mais c'est tout de même plutôt chouette, c'est la Beauce.

(L'amendement n° 7 n'est pas adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Mallot

La commission a supprimé l'article 4.

Je suis saisi d'un amendement n° 8 , tendant à le rétablir.

La parole est à M. le rapporteur.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Vigier

Lorsque j'ai rencontré les internes pour leur présenter le texte, j'ai bien senti que cela leur posait un problème. On leur demande de travailler trois ans dans la région dans laquelle ils sont formés, mais ils ne veulent pas que l'on change la règle du jeu en cours de route. C'est la raison pour laquelle cet amendement précise que l'obligation de passer trois années dans la région dans laquelle ils ont été formés ne s'appliquera qu'à partir de 2020.

Debut de section - PermalienNora Berra, secrétaire d'état chargée de la santé

Défavorable.

Nous ne sommes pas favorables à des mesures d'obligation, vous l'avez compris. Nous préférons des incitations qui respectent la liberté d'exercice et d'installation. Je ne reviens pas sur les différents dispositifs que j'ai évoqués dans la discussion générale.

(L'amendement n° 8 n'est pas adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Mallot

La commission a supprimé l'article 5.

Je suis saisi d'un amendement n° 9 tendant à le rétablir.

La parole est à M. le rapporteur.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Vigier

Cet amendement vise à rétablir le dispositif d'autorisation de l'ARS, le conventionnement étant refusé dans les zones surdenses. Regardez vos régions, mes chers collègues, y compris cette très belle région de Normandie, monsieur Lefrand, dans laquelle la tête d'épingle se vérifie quasiment partout.

Debut de section - PermalienNora Berra, secrétaire d'état chargée de la santé

Défavorable.

Obtenir une autorisation systématique pour un exercice regroupé va à l'encontre même de la liberté d'exercice. On arrive à un phénomène contre-productif, qui remet en cause la liberté d'installation. Il ne faut pas freiner les initiatives individuelles des médecins qui s'orientent vers un exercice regroupé, que ce soit en zone dotée ou sous-dotée. C'est un mode d'exercice qui répond à une évolution des pratiques et ne mérite pas une autorisation préalable.

(L'amendement n° 9 n'est pas adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Mallot

La commission a supprimé l'article 6.

Je suis saisi d'un amendement n° 10 rectifié tendant à le rétablir.

La parole est à M. le rapporteur.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Vigier

C'est le même amendement, pour les chirurgiens dentistes. Nous n'en avons parlé que brièvement. La désertification est pire que pour les médecins.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Vigier

Quand vous allez de Chartres à Orléans, soixante-dix-huit kilomètres, il n'y a pas un dentiste.

(L'amendement n° 10 rectifié , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Mallot

La commission a supprimé l'article 7.

Je suis saisi d'un amendement n° 11 tendant à le rétablir.

La parole est à M. le rapporteur.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Vigier

C'est la même chose pour les sages-femmes.

(L'amendement n° 11 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Mallot

La commission a supprimé l'article 8.

Je suis saisi d'un amendement n° 12 tendant à le rétablir.

La parole est à M. le rapporteur.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Vigier

Il y a eu une démarche très active des infirmiers et j'espère que ce seront les pionniers puisque, par voie de conventionnement, ils veulent réguler l'installation. Je leur dis bravo. Je ne suis pas persuadé qu'on arrive au même résultat pour toutes les spécialités médicales.

Debut de section - PermalienNora Berra, secrétaire d'état chargée de la santé

Je souhaiterais, monsieur le rapporteur, que vous retiriez cet amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Mallot

La commission a supprimé l'article 9.

Je suis saisi d'un amendement n° 13 tendant à le rétablir.

La parole est à M. le rapporteur.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Vigier

Je le retire également parce que la voie du conventionnement est en cours pour les masseurs-kinésithérapeutes.

(L'amendement n° 13 est retiré.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Mallot

La commission a supprimé l'article 10.

Je suis saisi d'un amendement n° 14 tendant à le rétablir.

La parole est à M. le rapporteur.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Vigier

Cet amendement n'a plus de sens dans la mesure où les autres n'ont pas été votés. Je le retire.

(L'amendement n° 14 est retiré.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Mallot

Je suis saisi d'un amendement n° 4 portant article additionnel après l'article 10.

La parole est à M. le rapporteur.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Vigier

Je pense qu'à un moment ou à un autre, il faudra faire évoluer les possibilités offertes à un certain nombre des professions de santé. Sinon, les difficultés s'accroîtront.

Cet amendement, que j'ai déposé avec ma collègue Bérengère Poletti, offre aux agences régionales de santé situées dans une région connaissant un taux élevé de recours à l'IVG et des difficultés pour organiser leur prise en charge la possibilité de donner pendant deux ans à des sages-femmes volontaires l'autorisation de pratiquer des IVG par voie médicamenteuse.

Il y a quelques années, les sages-femmes avaient vu leurs compétences s'élargir en milieu hospitalier. Vu les véritables drames humains vécus par certaines jeunes filles, cet amendement me semble aller dans le bon sens.

Debut de section - PermalienNora Berra, secrétaire d'état chargée de la santé

Défavorable.

Il convient d'abord d'organiser et de déployer les nouvelles compétences confiées récemment aux sages-femmes avant d'envisager de nouvelles missions.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Vigier

Dans la loi Fourcade, on avait fait adopter un tel dispositif. En tout cas, je maintiens cet amendement et je propose qu'il soit adopté.

(L'amendement n° 4 n'est pas adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Mallot

La commission a supprimé l'article 11.

Je suis saisi d'un amendement n° 15 tendant à le rétablir.

La parole est à M. le rapporteur.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Vigier

J'ai peur que cet amendement n'ait perdu un peu de sa force du fait du sort qui a été réservé aux précédents.

Je pars du principe que, lorsque l'on légifère, il faut toujours évaluer. Je donne d'ailleurs rendez-vous à tous ceux qui ont coupé cette proposition de loi en tranches fines en en supprimant les principaux dispositifs.

Il me semble que notre honorable assemblée serait allée de l'avant si elle avait donné suite au moins à mes propositions d'internat régional et de stage d'une année dans des structures adaptées.

La question restera de toute façon saillante. Je suis très surpris et déçu que nos collègues du parti socialiste aient quitté l'hémicycle,…

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Vigier

…alors qu'il s'agit d'un véritable enjeu de santé publique. Je suis persuadé que nous en reparlerons dans très peu de temps.

(L'amendement n° 15 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Mallot

Nous avons achevé la discussion des articles de la proposition de loi.

La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Debut de section - PermalienNora Berra, secrétaire d'état chargée de la santé

Je demande une suspension de séance de cinq minutes, monsieur le président.

Article 13

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Mallot

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à vingt et une heures, est reprise à vingt et une heures dix.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Mallot

Dans les explications de vote, la parole est à M. le rapporteur.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Vigier

Nous arrivons, madame la secrétaire d'État, à l'épilogue de notre discussion. Si ma proposition de loi a au moins eu l'intérêt de faire avancer le débat, il me semble que, quand on est en charge de l'action publique, on ne doit pas rester au stade du débat : il faut aussi savoir décider, aller de l'avant. En l'occurrence, nos compatriotes sauront que nous n'avons pas su franchir ce pas.

Je suis un peu peiné que le mot « coercition » ait été employé, tant j'ai essayé de minorer celle-ci le plus possible. Je rappelle que la loi Bachelot, un projet du Gouvernement, comportait une disposition selon laquelle tout médecin ne pouvant être présent tel week-end ou partant en vacances devait le déclarer. Je suis de ceux, avec Claude Leteurtre, qui se sont battus pour faire sauter cette disposition qui était autrement plus coercitive que de dire à un jeune : « Tu n'iras pas simplement t'installer à Tours, tu peux s'installer à Saint-Avertin, c'est-à-dire à trois kilomètres. »

Je le dis avec passion, pratiquant la biologie médicale au quotidien et travaillant avec une soixantaine de généralistes, ce qui me donne, me semble-t-il, une certaine expérience, enrichie, comme je l'ai rappelé tout à l'heure, par le contexte familial qui est le mien. Je suis convaincu que nous avons fait ce soir une erreur en rejetant l'internat régional. De même, j'ai soutenu les maisons médicales, qui sont une très bonne chose – je porte très fortement celle de Châteaudun –, et je regrette également le rejet de la possibilité d'une année offerte aux internes pour découvrir le métier. Comme l'a très bien dit Claude Leteurtre, entre la formation théorique, même avec le volet hospitalier, et la formation pratique sur le terrain, il existe un fossé, une appréhension ; ces médecins éprouvent une crainte à l'idée de s'installer dans le privé.

Enfin, je ne voudrais pas que, demain, la médecine soit telle que nous la voyons dans la commune de la Ferté-Bernard, où la mairie vient d'embaucher deux médecins généralistes. Est-ce le rôle du maire d'embaucher un médecin et de l'avoir pour salarié ? Je ne le crois pas.

Nos collègues du parti socialiste sont partis ; il est vrai qu'ils ont prétendu qu'il s'agissait uniquement d'un texte électoraliste. M. Le Guen a pourtant dit, avec force arguments, qu'il existait un enjeu majeur de santé publique. À quelques semaines d'une échéance si importante, cet enjeu majeur aurait mérité qu'au moins un orateur de l'opposition fût présent.

Monsieur le président, je ne participerai pas au vote. Chacun comprend que ce texte a été complètement dénaturé. Des articles y ont été introduits d'une manière quelque peu particulière. La dignité veut donc que je ne prenne pas part au vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Mallot

Je mets aux voix l'ensemble de la proposition de loi.

(L'ensemble de la proposition de loi n'est pas adopté.)

Debut de section - PermalienNora Berra, secrétaire d'état chargée de la santé

Cette proposition de loi part d'un bon sentiment, car la question des déserts médicaux est cruciale, et je remercie Philippe Vigier de nous avoir donné l'occasion d'évoquer ce sujet si sensible aux Français. Je crois qu'il est bon de discuter de sujets si importants à l'approche d'une élection présidentielle, en particulier parce que 70 % des Français considèrent que la santé fait partie des enjeux de cette échéance électorale.

Le Gouvernement est plus que jamais mobilisé sur la question de la médecine de proximité. Il l'est sur la question de la formation des médecins, sur la généralisation des stages, pour le médecin libéral, en deuxième cycle, sur les stages d'internat en libéral, six mois ou un an, un dispositif qui fonctionne, sur les contrats d'engagement de service public, qui permettront à l'avenir que de nombreux médecins s'installent dans les zones sous-médicalisées.

En ce qui concerne les professionnels en exercice, le Gouvernement est plus que jamais mobilisé sur les maisons de santé, qui font l'unanimité, sur l'incitation à l'installation, sur la valorisation des consultations, évoquée tout à l'heure, sur le nouveau statut juridique, une avancée majeure que vous avez adoptée dans le cadre de la PPL Fourcade… Cette multitude de dispositifs concourt à attirer davantage de médecins vers les zones qui en ont besoin.

Je suis surprise de voir combien, sur un sujet qui devrait intéresser toute la classe politique, le parti socialiste brille par son absence.

Debut de section - PermalienNora Berra, secrétaire d'état chargée de la santé

Je tiens à dire aussi combien je m'étonne de voir le parti socialiste proposer aujourd'hui des mesures qui non seulement sont déjà appliquées, mais auxquelles il s'était farouchement opposé quand nous les avons mises en place ! Je parle, dans le cas de la proposition Fourcade, du vote contre la création des SISA – les sociétés interprofessionnelles en soins ambulatoires –, qui permet le regroupement de l'exercice médical et paramédical. De même, il a voté contre le contrat d'engagement de service public alors qu'il nous parle aujourd'hui de mesures incitatives auprès des jeunes médecins pour qu'ils s'installent dans les zones sous-denses. Je tiens à souligner qu'il y a un paradoxe flagrant entre les bonnes intentions et l'action qu'il a menée aujourd'hui, en opposition totale et en contradiction avec ce qu'il scande dans un débat qui intéresse et qui concerne l'ensemble des Français.

Je remercie Philippe Vigier de nous avoir donné l'occasion de débattre d'une question qui nous mobilise, et il y a une vraie volonté gouvernementale de travailler sur ces sujets.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Mallot

Prochaine séance, mardi 31 janvier 2011 à neuf heures trente :

Questions orales sans débat.

La séance est levée.

(La séance est levée à vingt et une heures quinze.)

Le Directeur du service du compte rendu de la séance de l'Assemblée nationale,

Nicolas Véron