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Séance en hémicycle du 26 mars 2009 à 15h00

Résumé de la séance

Les mots clés de cette séance

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La séance

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Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

L'ordre du jour appelle le débat sur le bilan de santé de la politique agricole commune.

Après les interventions du ministre, du président de la commission des affaires économiques et du président de la commission chargée des affaires européennes, chaque groupe disposera de vingt minutes pour poser des questions, à raison de deux minutes maximum par question.

En conclusion de la séance, chaque groupe disposera de cinq minutes pour l'orateur qu'il aura désigné.

La parole est à M. Michel Barnier, ministre de l'agriculture et de la pêche.

Debut de section - PermalienMichel Barnier, ministre de l'agriculture et de la pêche

Mesdames, messieurs les députés, je suis très heureux de m'exprimer aujourd'hui devant vous sur le bilan de santé de la politique agricole commune, dans le cadre des nouveaux pouvoirs attribués au Parlement par la Constitution : j'apprécie la culture du contrôle, de l'évaluation.

L'évolution de la politique agricole commune est un sujet important : c'est la première politique économique européenne. Je traiterai de l'évolution de cette politique dans le cadre de la métropole, mais je n'oublierai pas d'autres agricultures spécifiques, celles de nos départements d'outre-mer : j'y suis très attaché, car je suis le ministre des agricultures de France.

Au nom du Gouvernement, j'ai annoncé le 23 février dernier plusieurs décisions sur la révision de la PAC en 2010. Le sens de ces décisions n'est pas de prendre aux uns pour donner aux autres ! Elles donnent non seulement un cap à la PAC jusqu'en 2013, mais aussi des arguments à ceux qui la défendront, ici et ailleurs, pour qu'elle puisse durer au-delà de 2013.

Cette discussion était fixée dans l'agenda européen : c'est une sorte de rendez-vous à mi-parcours de la période 2007-2013. Nous n'avons pas voulu l'aborder en position défensive : le Président de la République nous a demandé d'anticiper ; c'est ce que nous avons fait en obtenant, le 20 novembre, lorsque j'ai eu l'honneur de présider le conseil des ministres européens, un accord à la quasi-unanimité sur le bilan de santé de la politique agricole commune. Il s'agit du premier accord à vingt-sept sur l'agriculture.

Comme le souhaitait le Président de la République, nous avons également ouvert une discussion – tôt, mais pas trop tôt – sur l'avenir de la politique agricole commune. J'ai alors pu vérifier que vingt-trois de nos partenaires s'accordaient sur la nécessité de préserver une politique agricole commune ambitieuse au-delà de 2013.

Je voudrais rappeler le point de départ de ces discussions. Nous nous sentions très éloignés des propositions faites par la Commission européenne en novembre 2007 : démantèlement des mécanismes d'intervention, découplage total des aides et, au fond, transformation progressive de la politique agricole commune en une simple politique de développement rural. Nous voulons au contraire, pour notre part, préserver une politique économique agricole.

L'accord finalement obtenu le 20 novembre est assez différent de cette première esquisse. Nous avons préservé les fondamentaux de la PAC – je pense à la régulation sur les marchés et aux mécanismes d'intervention pour les céréales et les produits laitiers. On mesure d'ailleurs toute leur utilité dans la dépression actuelle du marché laitier, puisque la Commission européenne utilise ces outils d'intervention pour la poudre de lait et le beurre.

Avec l'appui de l'Allemagne, nous avons prévu deux nouveaux rendez-vous de pilotage politique de la production laitière, au cours desquels toutes les questions pourront être posées. Je le disais avant-hier lors des questions au Gouvernement : pour ma part, je ne me résous pas à voir disparaître les quotas laitiers à l'horizon 2014, et je ne considère pas cette question comme taboue.

Cet accord prépare également l'avenir en ouvrant des voies nouvelles : il met en place des outils de couverture des risques climatiques et sanitaires et dégage des marges pour faire évoluer les aides.

En un mot, nous avons conservé ce qui fait une politique commune en Europe : une gouvernance et des outils de régulation. C'était essentiel dans la perspective de 2013, dont chacun connaît les enjeux, les risques et les difficultés. Nous aurons à en reparler. Mais je veux d'ores et déjà vous dire qu'à partir de 2010, le débat budgétaire et politique pour l'Europe sera extrêmement difficile, notamment en ce qui concerne la politique agricole commune.

Par cette réforme, j'ai voulu que nous nous donnions toutes les chances de préserver cette grande politique agricole en lui donnant de la légitimité, d'abord dans le monde agricole, dans toute la société ensuite.

Pouvions-nous encore défendre la politique de 1992, avec ses références historiques, ses sédimentations successives, ses écarts d'aides dans notre propre pays ? Je rappelle que ces aides s'échelonnent, suivant les exploitations, de cinquante à cinq cents euros par hectare !

Nous sommes le pays dans lequel les décisions, quel que soit le gouvernement qui les ait prises, ont consisté à préserver les acquis. Aujourd'hui, il aurait sans doute été plus facile, pour le ministre qui s'exprime devant vous, de ne rien faire. Mais c'eût été irresponsable. Pour reprendre un mot d'une personnalité politique pour laquelle j'ai toujours eu de l'admiration, Pierre Mendès France, je pense que notre devoir est de ne pas sacrifier l'avenir au présent.

Debut de section - PermalienMichel Barnier, ministre de l'agriculture et de la pêche

Et il s'agit ici d'un avenir proche : trois ans, plutôt que quinze. C'est l'avenir de la politique agricole tout entière qui est en jeu ; toutes les filières sont donc intéressées, y compris celles des grandes cultures qui devront continuer à être soutenues.

La profession agricole sait qu'il faut bouger. Monsieur le président Ollier, vous avez reçu en commission le président Lemétayer : c'est, je crois, ce qu'il vous a dit.

Debut de section - PermalienMichel Barnier, ministre de l'agriculture et de la pêche

Les Assises de l'agriculture ont permis de tenir un très grand nombre de débats, département par département : j'ai écouté très attentivement ce qui s'y est dit sur les évolutions souhaitables de la PAC.

Cette adaptation sert également une vision de l'agriculture : depuis deux ans, j'ai voulu travailler à faire de l'agriculture française une agriculture de production économiquement performante et écologiquement responsable.

À long terme, il s'agit de produire plus pour répondre aux besoins d'une planète qui comptera 9 milliards d'habitants : les experts agricoles nous disent qu'il faudra doubler la production agricole à des fins alimentaires. Il faudra aussi, bien sûr, produire mieux, pour répondre aux exigences d'une planète dont les ressources naturelles et la biodiversité s'appauvrissent, car elles ne se renouvellent pas assez vite.

Pour répondre à cette double urgence, nous avons voulu construire une agriculture durable. Je vous ai transmis un document annoncé par le Président de la République lui-même dans le Maine-et-Loire, intitulé Objectif Terres 2020. J'y ai rassemblé tous les engagements que nous avons pris lors du Grenelle de l'environnement, et qui participent à la construction de ce nouveau modèle agricole français.

Le rythme de ce plan n'est pas celui, conventionnel, des échéances ministérielles ou électorales. L'honneur d'un ministre est aussi d'inscrire son action dans la durée, de ne pas faire de coups, encore moins de l'esbroufe.

Je ne prétends pas brusquer l'histoire : le temps est nécessaire aux évolutions humaines et sociales. L'intérêt des agricultrices et des agriculteurs, comme des entreprises agro-alimentaires, est d'inscrire leur action dans le grand défi du développement durable.

C'est dans ce contexte que j'ai annoncé, au nom du Gouvernement, les décisions du bilan de santé de la PAC, sur lesquelles je voudrais rapidement revenir.

Il s'agit de réorienter des aides pour environ 1,4 milliard d'euros, soit 18 % de ce que reçoit la ferme France au titre des aides européennes directes. Personne ne peut être surpris de ces décisions, qui traduisent fidèlement les annonces faites par le Président de la République à Rennes, au salon d'élevage Space, au mois de septembre 2007 ; j'en ai aussi à plusieurs reprises annoncé la teneur devant votre commission – je parle ici sous le contrôle de M. le président Ollier.

Debut de section - PermalienMichel Barnier, ministre de l'agriculture et de la pêche

Nous nous donnons quatre objectifs : l'emploi, le développement durable, l'élevage à l'herbe et la gestion des risques.

Nous voulons d'abord consolider l'emploi agricole, et ce sur l'ensemble du territoire – nos agricultures sont en effet riches de productions très diverses. C'est pour cette raison que nous n'avons pas fait le choix d'un système d'aide unique à l'hectare. Certains plaidaient en ce sens ; j'ai étudié objectivement cette proposition : c'était l'idée de la convergence ou de la régionalisation. J'ajoute, pour l'information de chacun, que plus de la moitié des États membres de l'Union pratiquent aujourd'hui ce système : c'est le cas des douze pays entrés dans l'Union depuis 2004, de l'Allemagne ou encore du Danemark. Mais un tel schéma aurait fragilisé certaines filières, et détruit des emplois en favorisant la concentration des exploitations ; il aurait rendu plus difficile l'installation des jeunes, que je veux au contraire faciliter.

Pour aider l'emploi sur tous les territoires, nous avons décidé de soutenir la production ovine et caprine, le lait en montagne ainsi que des productions spécifiques à certains territoires ou encore soumises à des distorsions de concurrence – je pense aux légumes de plein champ qui entrent dans les rotations sur les exploitations de grandes cultures. Mais nous allons conditionner ce soutien à une structuration des filières, afin d'en faire un levier de performance pour l'avenir.

Au titre de l'emploi encore, nous allons revaloriser l'indemnité compensatoire de handicaps naturels sur les vingt-cinq premiers hectares. Nous avons enfin fait le choix de privilégier les entreprises qui ont su se diversifier et créer de la valeur. Ainsi les aides seront-elles renforcées sur les cinquante premiers hectares et les prélèvements atténués pour les exploitations mixtes comprenant des céréales et des productions animales.

Deuxième objectif : instaurer un nouveau mode de soutien pour l'élevage à l'herbe. Il s'agit d'une orientation forte, définie par le Président de la République. Les surfaces herbagères, qui couvrent plus de 45 % de notre territoire, sont un atout pour notre pays. Le soutien que nous créons au sein du premier pilier répond à une logique économique. Nous multiplions quasiment par quatre le soutien aux surfaces en herbe. Ainsi, 700 millions d'euros dans le premier pilier viendront s'ajouter à la prime herbagère agro-environnementale – la PHAE –, que nous conservons dans le second pilier. Au total, ce sont près d'1 milliard d'euros que nous consacrerons à l'herbe en 2010 et au-delà. Dans le même temps, nous découplons les aides animales, y compris la PMTVA, à hauteur de 25 %. Chacun le voit bien, cette décision engage dans la durée une prise en compte économique de ce mode de production herbager. C'est une orientation lourde, qui comble ce que certains avaient appelé le « trou de l'herbe ».

Troisième objectif : accompagner un mode de développement durable de l'agriculture. C'est la traduction de notre engagement volontariste dans le Grenelle de l'environnement, que les agriculteurs et le ministre de l'agriculture n'ont pas subi. En effet, que ce soit dans le domaine des phytosanitaires dans ceux de l'agronomie, de l'eau, des sols, du « bio », de la certification ou de la valorisation énergétique, nous avons pris des initiatives, que vous retrouverez dans le plan Terre 2000 que je viens d'évoquer.

Nous encouragerons, au titre de cette politique, la production de protéines végétales et l'agriculture biologique ; nous y consacrerons plus de 100 millions d'euros. Nous accompagnerons également l'agriculture pour qu'elle relève les nouveaux défis que sont la gestion de l'eau, la performance énergétique et la biodiversité.

Quatrième objectif : instaurer des outils de couverture des risques climatiques et sanitaires. Depuis deux ans que j'ai l'honneur d'être ministre de l'agriculture et de la pêche, j'ai pu constater que, chaque semaine, nous affrontons des crises, derrière lesquelles il y a des hommes et des femmes qui souffrent. Or les exploitations agricoles sont les plus vulnérables et les moins bien protégées. Ainsi que l'ont souhaité le Président de la République et le Premier ministre, le bilan de santé nous permettra de financer dans la PAC les premiers outils de couverture des risques climatiques et sanitaires, en mobilisant 140 millions d'euros. Nous ouvrons ainsi la voie à la création, en 2013, de dispositifs plus larges prenant en compte les risques économiques. C'est d'ailleurs pour anticiper cette échéance que le Président de la République m'a demandé, ainsi qu'au ministre de l'économie, d'engager, dès 2010, une expérimentation élargie des assurances contre les aléas économiques.

Pour atteindre ces objectifs, nous mobiliserons plusieurs outils du bilan de santé de la PAC, de manière juste et efficace. Nous allons ainsi prélever, à partir de 2010 – et je parle bien des aides qui seront versées le 1er décembre 2010 –, 8 % sur toutes les aides, dont 3 % au titre de la modulation, 14 % sur les aides grandes cultures et 12 % sur les aides animales, que nous allons découpler en 2010, essentiellement pour financer le soutien à l'herbe.

Cette politique de l'herbe, qui représente 50 % de la réorientation, est financée de façon équilibrée par les exploitations céréalières et les éleveurs. Au total, moins de la moitié des 700 millions d'euros seront payés par les exploitations céréalières spécialisées, le reste étant financé par des exploitations mixtes ou des éleveurs de viande bovine ou laitiers spécialisés. Je précise que, derrière ces prélèvements, dont je sais qu'ils représentent des efforts pour certains, il y a des retours pour beaucoup d'exploitations, y compris celles de grandes cultures – je pense notamment au plan protéines, aux légumes de plein champ et au système d'assurance.

Ces décisions dessinent une PAC plus solidaire, comprenant des aides mieux équilibrées. Elles conduisent à une convergence de leurs taux et de leurs niveaux : à partir de 2010, plus d'une exploitation sur deux aura un montant moyen d'aides compris entre 200 et 350 euros par hectare. Cette réduction des écarts était indispensable. Nous franchissons une première étape, tout en gardant des soutiens différenciés pour répondre à la diversité de nos agricultures. Nous contribuons ainsi à construire une politique agricole plus légitime pour le monde agricole lui-même et pour la société tout entière.

J'entends bien les questions des agriculteurs ; je ne sous-estime pas l'impact des décisions sur certaines exploitations. Mais nous travaillons – et j'aurai l'occasion de le confirmer en répondant à vos questions – à l'élaboration de mesures d'accompagnement d'un certain nombre de ces exploitations, notamment dans les zones intermédiaires.

Ces mesures ne relèvent pas d'un « plan Barnier », comme je l'entends dire : elles ont été prises, en accord avec le Président de la République, par le Gouvernement. Celui-ci est déterminé, mais il n'est pas rigide s'agissant de leur mise en oeuvre.

Ces décisions préparent également l'avenir. Elles nous engagent sur la voie d'une sortie progressive des références historiques. Elles préfigurent de nouveaux modes de soutien pour notre agriculture qu'il s'agisse des productions animales ou de la couverture des risques. Elles prennent en compte la diversité de nos agricultures. Elles lient l'attribution des soutiens à une contractualisation des débouchés, à des démarches de qualité ou encore à l'amélioration des performances techniques.

Une telle réorientation participe à une meilleure légitimation de la PAC, en rééquilibrant les aides au regard des revenus et en augmentant le soutien aux systèmes de production durables.

Nous préparons les orientations françaises de la PAC de 2013. Nous avons déjà franchi une étape, mais nous devons être vigilants dans la préparation des suivantes. Les délais ne sont pas très longs : 2010, c'est demain. Après les élections européennes et le renouvellement de la Commission, nous n'aurons pas longtemps à attendre avant que soient présentées les orientations budgétaires pour la période 2013-2020.

C'est pourquoi le Président de la République a eu raison de nous demander de préparer un projet de loi de modernisation de l'agriculture et de réfléchir dès maintenant à ce que nous souhaitons et à ce que nous voulons dire à nos partenaires européens au sujet du projet agricole européen pour cette période. Encore une fois, les délais étant très brefs, mieux vaut que nous ayons les idées claires dès le mois de janvier, car c'est à ce moment-là que nous devrons convaincre nos partenaires.

Parmi les propositions qui figureront dans ce projet de loi d'orientation agricole, figurera, tout d'abord, la préférence communautaire, qui n'est pas un gros mot. Nous n'avons pas à nous excuser de préférer l'Europe : les Américains ne s'excusent pas de préférer l'Amérique !

Debut de section - PermalienMichel Barnier, ministre de l'agriculture et de la pêche

En tout état de cause, son approche devra être renouvelée, notamment pour prendre en compte la sécurité sanitaire des produits importés, en veillant à ce que ceux-ci respectent les mêmes normes que celles que nous imposons à nos propres producteurs, et ce afin de protéger les consommateurs.

Deuxième orientation : la gestion des marchés doit davantage responsabiliser les agriculteurs et les filières. Ma conviction, vous la connaissez : les marchés seuls ne peuvent pas gouverner l'agriculture mondiale et européenne. Je ne crois pas à la seule loi du marché pour ce qui concerne l'agriculture et l'alimentation. Le Président de la République a demandé la création, avant la fin de l'année, d'un groupe international de scientifiques, sur le modèle du Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat, pour établir un diagnostic sur le fonctionnement des marchés de matières premières agricoles et sur l'évolution de la sécurité alimentaire.

Troisième orientation : l'organisation de nos filières doit être améliorée pour gagner de la valeur et de l'efficacité commerciale sur des marchés plus ouverts et plus concurrentiels.

Tel est le travail auquel le Gouvernement et le Parlement vont s'atteler afin d'adapter notre cadre législatif national et de nous doter d'outils qui nous permettront d'être beaucoup plus réactifs dans un environnement très volatil. Notre responsabilité était de ne pas subir et d'anticiper.

En conclusion de cette intervention qui sera peut-être, pour moi, l'une des dernières en tant que ministre de l'agriculture et de la pêche, je veux vous dire qu'il y a deux ans, lorsque j'ai pris mes fonctions dans ce ministère – et c'est un grand honneur de le diriger, ainsi que je l'ai exprimé ce matin devant ses cadres –, je m'étais fixé quelques objectifs.

Ce ministère doit sans cesse gérer des crises ; Pierre Méhaignerie et Jean-Pierre Soisson pourraient en témoigner. Or, derrière ces crises, il y a des hommes et des femmes qui souffrent. Il nous faut être à leurs côtés, et c'est pourquoi j'ai souhaité bâtir un système d'assurance et de prévention.

Par ailleurs, j'ai tenté de tracer quatre lignes d'horizon, de manière à mettre en perspective le travail des agriculteurs, des viticulteurs, des éleveurs et des pêcheurs. J'ai tout d'abord voulu faire en sorte que la politique agricole commune soit plus juste et mieux équilibrée, afin qu'elle ait davantage de chance de perdurer après 2013.

J'ai ensuite souhaité, parce que c'est ma conviction, encourager le développement durable. Les agriculteurs n'ont attendu ni Jean-Louis Borloo ni Michel Barnier pour s'engager dans cette voie, mais le Grenelle de l'environnement nous a permis de donner une impulsion en faveur de ce nouveau modèle de développement agricole durable.

J'ai également voulu bâtir une grande politique de l'alimentation, et je prends le risque d'exprimer devant vous le voeu que mon successeur porte le titre de ministre de l'alimentation, de l'agriculture et de la pêche. En tout cas, le ministère a été réorganisé à cette fin.

Enfin, il m'a paru important d'insister sur la solidarité internationale. L'Europe n'est pas une forteresse, même si elle doit se protéger. Nous ne pouvons pas ignorer ce qui se passe dans le reste du monde, où 900 millions d'êtres humains sont en train de mourir de faim, faute de bénéficier de productions agricoles vivrières nationales. J'ai donc formulé des propositions très claires, s'agissant, par exemple, d'Haïti, où je me suis rendu il y a trois semaines, ou de l'Afrique, afin d'aider ces pays à reconstruire ensemble, en les mutualisant sur des bases régionales, leurs productions agricoles, leur protection et la gestion des risques.

De tels objectifs exigeaient que le ministère soit rénové ; c'est ce à quoi je me suis attaché. Ce matin, lorsque j'ai réuni l'ensemble des directeurs départementaux et régionaux du ministère pour les remercier, j'ai été très touché de l'accueil qu'ils m'ont réservé. Je pense qu'ils ont bien compris quelle était la morale de l'action que j'ai menée pour bâtir un grand ministère de l'alimentation, de l'agriculture et de la pêche, au service des objectifs que je viens de rappeler devant vous. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP, NC et SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Ollier

Tout d'abord, monsieur le président, je vous remercie d'avoir inscrit ce débat sur le bilan de santé de la politique agricole commune à l'ordre du jour de cette première semaine consacrée au contrôle du Gouvernement.

Monsieur le ministre, la commission des affaires économiques se préoccupe depuis longtemps de ce sujet. Avec Pierre Lequiller, l'excellent président de la commission des affaires européennes, nous avons ainsi créé un groupe de travail. Celui-ci a rédigé une proposition de résolution, adoptée à l'unanimité de nos deux commissions, que nous avons défendue à Bruxelles, suscitant d'ailleurs quelques réactions à cette occasion. Je tiens à vous remercier de nous avoir associés à toutes les phases de la discussion, notamment avec la Commission et le Parlement européen. Cette forme de partenariat interactif, qui nous a été extrêmement utile, est tout à l'honneur du Gouvernement et du Parlement.

C'est l'avenir de la PAC – notre seule véritable politique commune, du reste – qui se joue à travers ce bilan de santé, car c'est sur la base de ce qui se décide aujourd'hui que se déroulera, en 2013, le débat non seulement sur la politique agricole, mais aussi sur les perspectives financières de l'Union, ce qui n'est pas rien.

Rappelons, à ce propos, qu'un bon nombre d'États européens, ce n'est pas un mystère, veulent se débarrasser de la PAC et de la charge budgétaire qu'elle représente, à la fois en la réduisant à une simple politique d'accompagnement social de l'agriculture et en plaidant en faveur de sa renationalisation, ce qui la condamnerait à coup sûr.

Vous avez su lutter contre cette tendance afin de permettre à la France de brillamment réussir à transformer, à l'occasion de sa présidence, ce qui se présentait comme un simple approfondissement de la réforme de 2003 dans ses aspects les plus libéraux en une tentative de sauver la PAC en l'orientant résolument vers un modèle d'agriculture moderne, à la fois compétitif et durable.

Puisque vous nous avez annoncé il y a quelques instants votre prochain départ du Gouvernement, je tiens à vous rendre hommage, monsieur le ministre, et à saluer le courage dont vous avez fait preuve pour défendre les intérêts de la France au niveau de la Commission européenne et du parlement européen. Vous avez su rallier à notre position bon nombre de nos partenaires européens – en obtenant d'eux, sinon une conversion, du moins l'assurance de rester neutres – et je pense que la majorité doit vous remercier pour tout ce que vous avez fait.

La question de l'autosuffisance alimentaire, les émeutes de la faim survenues à la fin de l'année 2008, le Grenelle de l'environnement, tout cela doit nous faire prendre conscience de la nécessité de changer de culture – sans jeu de mots ! – et de méthodes de travail, bref de modifier notre approche sur l'ensemble de ces problèmes, en y intégrant notamment la dimension de l'agriculture durable.

Le président Lemétayer l'a dit très clairement devant notre commission : le résultat des travaux engagés est à la hauteur de ses ambitions. Parmi les orientations décidées par le Gouvernement, je saluerai notamment les efforts en faveur de l'amélioration de la gestion des risques, enjeu majeur de l'agriculture de demain. J'approuve également le rééquilibrage des aides, qui permettra de créer au profit de certaines filières auparavant délaissées – je pense ici à la filière ovine et plus généralement à l'élevage à l'herbe, dont l'ancien député de montagne que je suis connaît les difficultés – les conditions d'un réel essor. Les productions et les territoires fragiles n'ont pas non plus été oubliés – je pense à la production laitière en montagne. Enfin, l'orientation vers une agriculture durable trouve sa pleine traduction au travers des mesures en faveur de la production de protéines végétales et de l'agriculture biologique.

Bien sûr, nous n'avons pas gagné sur tous les tableaux. La suppression programmée des quotas laitiers, notamment, suscite des inquiétudes ; mais vous nous avez fait part, tout à l'heure, de vos convictions sur ce point. Il ne faut donc pas renoncer à lutter contre l'échéance de 2015, qui n'est pas inéluctable. L'imposition d'un découplage quasi total des aides n'est également pas ce qui était souhaité. Si l'on y ajoute l'instauration, au niveau national, d'un prélèvement à hauteur de 14 % des aides pour les grandes cultures, on comprend l'émoi suscité au sein de la profession. Si j'approuve totalement les mesures courageuses qui ont été prises, monsieur le ministre, je me demande s'il n'est pas devenu nécessaire de prévoir un plan d'accompagnement consistant en un « lissage » sur certaines cultures, qui permettrait d'éviter aux agriculteurs concernés de se trouver confrontés trop brutalement à des changements qu'ils ne seraient pas en mesure de supporter. Je pense non seulement aux céréaliers, mais aussi à certaines formes d'agriculture herbagère. Plus que jamais, nous devons rester unis autour de vous, monsieur le ministre, pour défendre notre modèle agricole, notre agriculture, dont la diversité doit être une force et non une source de dissensions. Le plan d'accompagnement que j'ai évoqué serait de nature à susciter la cohésion nécessaire au soutien de votre politique.

Au niveau international, Il n'est pas concevable que l'Organisation mondiale du commerce, à laquelle nous avons déjà fait de nombreuses concessions, continue de militer en faveur d'un dumping général en matière agricole, que ce soit sur le plan sanitaire, écologique ou social. Il n'est pas concevable que nous tournions le dos à notre agriculture quand les États-Unis, à travers leur Farm Bill, soutiennent massivement leurs producteurs. Je le dis très clairement, monsieur le ministre : je souhaite que l'agriculture européenne – et, à travers elle, l'agriculture française – utilise la préférence communautaire comme moyen de défense.

Monsieur le ministre, vous proposez une politique agricole plus juste, plus durable, plus préventive, respectueuse de la diversité de nos agricultures et des besoins de nos territoires. Il s'agit là de bons principes que nous soutenons afin de préparer la France agricole à l'échéance de 2013.

Monsieur le ministre, je vous fais confiance – comme, j'en suis certain, l'ensemble de la majorité – pour accompagner nos agriculteurs dans cette réforme, et je vous en remercie. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Ollier

Vous feriez mieux de vous intéresser aux problèmes de fond plutôt que d'avoir les yeux rivés sur le chronomètre !

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Pierre Lequiller, président de la commission chargée des affaires européennes.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Lequiller

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je me félicite également de la création d'un groupe de travail associant la commission des affaires économiques et la commission chargée des affaires européennes. L'excellent travail effectué par ce groupe de travail a abouti à l'adoption à l'unanimité d'une proposition de résolution.

Le débat sur le bilan de santé de la PAC s'est inscrit sur un fond de crise alimentaire mondiale et cette situation pose en termes renouvelés les impératifs de sécurité alimentaire. Alors que le bilan de santé ne devait être que la continuité de la réforme de 2003, on pouvait craindre de certains propos de Mme Fischer Boel une remise en question des équilibres et la promotion de la vision libérale de certains États.

Après des discussions serrées, cet accord peut, selon vos termes, monsieur le ministre, être qualifié de « solide ». Comme vous l'avez souligné, « en partant d'un projet extrêmement libéral, on a évité un échec ». Je voudrais donc vous féliciter pour la conclusion de cet accord, ainsi que pour l'ensemble de la politique que vous avez menée durant deux ans.

Cependant, au-delà de cet accord, quel avenir voulons-nous pour la PAC après 2013 ? Comme vous l'avez dit, la présidence française souhaitait mettre à profit le débat sur le bilan de santé pour obtenir l'assurance du maintien d'une PAC suffisamment charpentée après 2013. Les réticences de certains États membres, auxquelles Patrick Ollier a fait allusion, ont limité la portée de l'exercice. On reproche à la PAC de coûter trop cher en absorbant 40 % du budget européen. À partir de 2013, la France ne pourra plus être accusée d'avoir un langage intéressé, car elle versera plus qu'elle ne perçoit à ce titre. La commissaire lituanienne au budget, Mme Dalia Grybauskaitė, qui doit présenter des propositions sur les perspectives financières d'après 2013, a récemment déclaré que la PAC ne passait pas le test de « valeur ajoutée ». La présidence tchèque a, par ailleurs, repris le débat sur la PAC dans une tout autre perspective que la présidence française, estimant qu'« au-delà de 2013, la PAC devrait être moins chère, plus flexible et plus juste ».

Je voulais vous demander, monsieur le ministre, ce que vous pensez de ces différentes déclarations, dans quel état d'esprit la France engagera ces négociations budgétaires et quels sont les États alliés sur lesquels nous pouvons compter dans ce domaine. Il faut en effet assurer notre souveraineté alimentaire. Aujourd'hui plus que jamais, la PAC doit demeurer la pierre angulaire de cette souveraineté. Dans ce plaidoyer pour la PAC, la France pourra compter sur le soutien du Parlement européen qui, dans le rapport d'initiative de Mairead McGuinness de janvier dernier, demande que les dépenses agricoles demeurent à un niveau stable et constant pour garantir des niveaux de revenus équitables à tous les agriculteurs.

Par ailleurs, à la faveur de la crise économique qui frappe nos économies, il semble que la position de la présidence tchèque elle-même ait évolué. Retrouvant les vertus de la PAC, elle a soumis le 23 mars dernier une note au Conseil des ministres de l'agriculture, dans laquelle elle estime « plus que jamais nécessaire que les États membres s'en tiennent aux principes existants de la PAC ». Pouvez-vous nous informer des suites qui ont été données à cette note ?

Quoi qu'il en soit, la nécessité pour la PAC de s'adapter est une ardente obligation. Vous avez déclaré à juste titre, monsieur le ministre, que « le statu quo est irresponsable » et que « si l'on ne renforce pas la légitimité de la PAC, certains pourraient tout perdre ».

La PAC ne sera légitime que si elle répond aux attentes de la société et il nous faut construire pour demain une agriculture plus juste et plus durable. Des instruments modernes de gestion des risques et des crises doivent être mis sur pied. En effet, une agriculture moderne se doit d'être réactive, mais cette réactivité exige aussi des outils de régulation de marché, réponse indispensable à l'extrême volatilité des prix agricoles. J'en veux pour exemple la situation des produits laitiers. Quelle position le gouvernement français adoptera-t-il lors de la prochaine proposition de hausse des quotas cette année ?

La PAC devra relever un autre défi majeur, celui du changement climatique, qui devrait se traduire non seulement par des pénuries d'eau, une hausse de la température, des variations accrues des précipitations, mais aussi par des possibilités d'amélioration de rendement dans certaines zones. Le Gouvernement, conscient de ces différents enjeux, a annoncé le mois dernier qu'un projet de loi de modernisation de la politique agricole sera déposé avant la fin de l'année afin d'anticiper la réforme de la PAC en 2013. Cette loi intégrera-t-elle des dispositions relatives au changement climatique ?

Je voudrais terminer, monsieur le ministre, sur une question d'actualité qui inquiète les consommateurs et amateurs de vin – dont Jean-Pierre Soisson, ici présent (Sourires.) La Commission européenne a le projet d'autoriser le coupage du vin blanc et du vin rouge pour en faire du rosé.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Lequiller

Il semble que l'on s'oriente vers un étiquetage permettant à nos vignerons du Sud d'utiliser la mention de « rosé traditionnel ». Cette garantie vous paraît-elle suffisante, monsieur le ministre ?

Telles sont les questions que je souhaitais vous poser au nom de la commission chargée des affaires européennes. Je conclurai en vous confirmant tout le soutien que nous apportons à la politique que vous avez menée et continuez à mener, notamment à la négociation que vous avez conduite auprès des instances européennes afin de maintenir et sauvegarder la PAC, qui demeure la première politique européenne (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienMichel Barnier, ministre de l'agriculture et de la pêche

Je veux, à mon tour, adresser mes remerciements au président Ollier et au président Lequiller pour ce qu'ils ont bien voulu dire au sujet du travail que nous avons accompli ensemble. Je me félicite de la qualité du dialogue que nous avons eu, un dialogue jamais complaisant mais marqué par le souci d'instaurer un échange le plus constructif possible. Ce dialogue m'a, soyez-en assurés, beaucoup inspiré lorsqu'il s'est agi de mener à bien les différentes étapes que j'ai évoquées tout à l'heure.

Le président Ollier a évoqué l'accompagnement des mesures de réorientation, qui représentent des efforts importants pour certaines exploitations, ce dont je suis conscient. Il a exprimé le souhait d'un lissage – ou d'une progressivité –, notamment dans la mise en oeuvre de l'article 63 et des prélèvements qui seront effectués à ce titre à partir de 2010.

Cette demande se heurte à plusieurs difficultés : d'une part, le risque du recours juridique ; d'autre part, la nécessité de mettre en oeuvre, en parallèle à la progressivité des prélèvements, une progressivité pour les bénéficiaires de la réorientation – notamment en ce qui concerne la prime à l'herbe. Peut-être, monsieur Ollier, existe-t-il d'autres moyens, que nous expertisons, afin de réduire la hauteur de la marche que représentent, pour un certain nombre d'exploitations, les changements prévus pour 2010.

J'ai bien conscience de la situation plus ou moins grave – cela dépendra du niveau des prix – dans laquelle pourraient se trouver des exploitations spécialisées en céréales des zones intermédiaires qui ont des niveaux de revenus et d'aides plus faibles que dans les zones à fort potentiel. Nous travaillons sur plusieurs pistes de réflexion, et ce n'est pas une réponse conjoncturelle de ma part ; car en annonçant ces mesures de réorientations de 18 % des aides, j'ai bien précisé qu'elles seraient assorties de mesures d'accompagnement – auxquelles je travaille actuellement, comme l'ont souhaité le Président de la République et le Premier ministre. Plusieurs voies sont possibles, y compris celle d'une mesure rotationnelle pour les zones intermédiaires.

Le Gouvernement est déterminé, et les décisions ont été annoncées. Mais afin de réussir, nous nous attachons à travailler sans rigidité à la mise en oeuvre des mesures d'accompagnement.

Au sein de l'Assemblée, la commission chargée des affaires européennes et son président, M. Lequiller, auront un rôle très important à jouer dans les mois qui viennent. La politique agricole est totalement mutualisée au niveau européen. Si le ministère de l'agriculture et de la pêche doit gérer des problèmes locaux, ancrés dans les territoires, la plupart des solutions se trouvent à Bruxelles. Toutefois, ce ne sont pas les autres qui décident pour nous : nous décidons avec les autres, en tenant compte des majorités qui se dégagent sur tel ou tel point – ainsi devrons-nous, au sujet des vins rosés, déterminer où se situe le centre de gravité au sein des instances européennes.

Le Parlement national a une responsabilité dans la préparation d'un bon débat sur le futur budget 2013-2020. Il ne faudra pas attendre. C'est dès 2010 que cela commencera et cela ira très vite, car la nouvelle Commission européenne présentera assez tôt en 2010 ses propositions budgétaires. On sait bien que ce sera de l'ordre de 1 % et que tout le monde voudra tout faire rentrer dans ce budget. Ce sera au détriment des deux grandes politiques de solidarité : celle qu'avait consolidée Jacques Delors et que j'ai eu l'honneur de gérer pendant cinq ans, la politique du soutien et de la solidarité régionale qui devient d'ailleurs la première politique budgétaire, et la politique agricole commune.

Il faut donc prendre garde. Anticipons, ne laissons pas arriver les décisions en défensive. Là où je serai, je vous aiderai. En tout cas, monsieur Lequiller, avec les députés qui souhaiteront vous accompagner, vous avez un grand rôle à jouer, notamment dans le dialogue avec les autres Parlements nationaux. Qui proposera quoi ? Qui peut être convaincu de quoi ? Telles seront les questions essentielles. Prenez le temps – et je sais que vous le prendrez – de créer cette influence française, sur la base des idées qui seront exprimées dans le débat sur la loi de modernisation. En effet, c'est au plus tard à la fin de cette année que le Parlement sera saisi de ce texte, qui sera l'occasion de fixer les choses sur le projet agricole européen que souhaite la France. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

Nous en arrivons aux questions.

Je rappelle que la durée de chaque question et de chaque réponse est limitée à deux minutes. Quelque quarante questions vont être posées. Je propose de les appeler par série de trois pour chaque groupe.

Nous commençons par trois questions du groupe Nouveau Centre.

La parole est à M. François Sauvadet.

Debut de section - PermalienPhoto de François Sauvadet

Monsieur le ministre, je me réjouis tout d'abord que notre premier débat dans le cadre de la nouvelle procédure porte sur la politique agricole commune. Nous avons beaucoup apprécié, sur tous les bancs, la façon dont vous avez associé en permanence les parlementaires à la réflexion qui va engager notre avenir collectif. Bilan à mi-parcours, cela signifie qu'il reste encore la moitié du chemin à effectuer avec notamment la révision de la politique agricole commune dans un contexte budgétaire contraint, vous l'avez rappelé. Ce débat est l'occasion de souligner que l'agriculture est, pour nous tous, un enjeu économique ainsi qu'un enjeu pour l'aménagement du territoire et l'emploi.

Au moment où nous allons aborder les nouveaux chapitres de l'avenir de la PAC, il faut nous resituer dans un contexte mondial. Il n'y a pas si longtemps, nous étions tous ici préoccupés par la flambée des prix des matières premières alimentaires, et les guerres et violences que celle-ci avait entraînées notamment sur le continent africain. Dans le cadre de la réflexion engagée par l'Europe, au-delà du bilan de santé à mi-parcours, il ne faudra pas s'exonérer de notre responsabilité collective, face au défi mondial que vous avez rappelé.

Par ailleurs, une régulation est nécessaire en Europe. Je suis très frappé que le débat soit essentiellement présenté comme un débat budgétaire alors qu'il va nous engager pour le futur et l'avenir de nos productions. Il faudra réaffirmer les objectifs que nous fixons pour l'agriculture européenne. Les pères de l'Europe avaient fixé des objectifs d'autosuffisance alimentaire, de préservation de la sécurité alimentaire, de la diversité, de la présence territoriale. Or j'observe que, ces dernières années, la dérégulation a conduit à ne plus être autosuffisant en matière de production bovine, notamment.

Je souhaite donc que nous ayons une vision collective. Quelle est votre vision sur l'avenir de l'agriculture européenne ? Comment celle-ci peut-elle peser sur le monde, dans ce cadre qui ne doit pas être celui de la dérégulation ?

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Vigier

Monsieur le ministre, je souhaite vous interroger sur la nécessaire solidarité à laquelle vous avez fait allusion. Les agriculteurs, y compris les céréaliers, partagent votre point de vue. Mais la solidarité ne peut pas franchir certaines limites. Vous le savez, l'activation des articles 63 et 68 conduit déjà à une amputation de 17 % des aides. Au-delà, toutes les aides pour les cultures énergétiques sont supprimées. Il ne faut pas oublier, en outre, la modulation complémentaire de 5 % d'ici à 2012. Nous en sommes donc à 22 %. C'est une chute brutale, inacceptable pour les territoires. Je le dis au nom de tous mes collègues d'Eure-et-Loir, et de Franck Marlin, élu d'un département voisin.

Vous dites dans vos objectifs qu'il faut consolider l'emploi et l'économie. Eh bien, on va les fragiliser considérablement avec cette diminution des aides ! Dans mon département, par exemple, on compte plus d'un millier d'emplois dans le domaine agricole. Or, demain, une ferme sur deux sera concernée par la réduction des aides. Je ne parle pas de l'industrie, qui sera terriblement touchée. Le secteur agricole fonctionne encore alors que le secteur économique et industriel est très atteint.

Les craintes sont plus grandes encore lorsqu'on sait qu'il est envisagé de prélever 11 % d'aides COP complémentaires, c'est-à-dire de procéder à un prélèvement total sur les aides actuellement couplées. Cela signifie que ces exploitations agricoles doivent s'attendre à une baisse de quasiment 35 % – ces chiffres rejoignent ceux de vos services.

Puisque, comme vous l'avez expliqué, il est impossible de mettre en place la progressivité, pourquoi ne pas organiser, dans un premier temps, une redistribution vers les exploitations contributrices ? Qu'en est-il de la volonté de prélever ces 11 % complémentaires, c'est-à-dire de découpler complètement les aides ? J'attends des réponses précises sur ces deux points car l'inquiétude est grande. Croyez-le bien, celles qu'on appelle les grandes fermes, en donnant souvent une image déformée d'elles, ne sont pas les seules visées : c'est une grande partie de l'agriculture française qui est concernée. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Hunault

Je veux d'abord vous remercier, monsieur le ministre, pour votre action à la tête de ce grand ministère. À l'occasion du bilan que vous avez dressé de la politique agricole commune, je voudrais vous interroger sur un point très particulier : la situation des producteurs laitiers dans un contexte de baisse des prix et d'incertitude sur leurs revenus. Ces professionnels ont pourtant fait d'énormes efforts en matière de qualité de la production.

Au-delà, je voudrais vous interroger sur l'industrie laitière qui connaît des difficultés à l'image de ce qui se produit dans la circonscription de Châteaubriant, avec le projet de fermeture d'une laiterie à Derval, où la Compagnie laitière européenne du groupe Bongrain veut céder son groupe à Coralis. Vous comprendrez le désarroi des producteurs, qui se demandent où ils vont pouvoir collecter leur lait, et vous imaginez les conséquences d'une telle décision sur l'emploi.

Au-delà de la question très générale de la garantie du revenu des producteurs laitiers, je vous appelle donc à l'aide s'agissant du devenir de cette laiterie. Cet exemple illustre les difficultés que connaît tout le secteur de l'industrie laitière dans notre pays. Monsieur le ministre, je connais votre attention sur ces dossiers et je renouvelle mes remerciements pour votre aide.

Debut de section - PermalienMichel Barnier, ministre de l'agriculture et de la pêche

Monsieur Sauvadet, vous êtes intervenu sur le fond et je vous rejoins lorsque vous dites qu'avant de parler du budget, il faut parler de Politique, avec un grand P. Dans une démocratie, le débat politique doit commander le débat budgétaire, et pas l'inverse.

C'est précisément pour cela qu'on a ouvert – certains ont dit trop tôt – très tôt le débat politique européen sur l'avenir de la PAC. Je vous le jure, certains pays ne voulaient pas qu'on le fasse, et peut-être même pas la Commission. Nous l'avons fait à Annecy, ville qui vous est chère, monsieur le président, à l'occasion du conseil des ministres de l'agriculture au mois de septembre. Nous avons constaté que vingt-trois pays sur vingt-sept – sur les quatre qui restent, certains sont très opposés – étaient d'accord pour dire qu'il fallait une grande politique ambitieuse. C'était déjà un premier résultat.

La présidence tchèque va proposer un autre débat sur le même sujet avec l'idée, que nous porterons, d'une politique qui doit rester fidèle à ses raisons initiales, la souveraineté alimentaire européenne, la sécurité alimentaire, la préférence européenne – ce n'est pas un gros mot –, et qui doit prendre en compte les nouvelles exigences liées au développement durable, à la qualité, à la traçabilité et à la solidarité.

En tout cas, monsieur Sauvadet, je vous rejoins pour dire que, dans les quelques mois qui viennent, au-delà des mesures de réorientation que nous venons de décider, il ne faut pas perdre de temps pour savoir, entre nous, ce que nous voulons, nous Français. Nous sommes en effet attendus, étant le premier pays producteur d'Europe. Certes, nous ne sommes pas tout seuls – pas d'arrogance ! Mais sachons ce que nous voulons dire aux autres : nous aurons à le dire à partir du mois de janvier. Comme je l'ai indiqué au président Lequiller, le Parlement a un rôle très important à jouer dans ce travail d'influence, de dialogue et de concertation.

Monsieur Vigier, vous avez évoqué un problème sur lequel je reviendrai. J'ai répondu au président Ollier que nous travaillons sur cette question de l'accompagnement. Sur la répartition des 11 % du solde des aides grandes cultures, je connais les attentes. Nous n'avons pas terminé la concertation. J'ai bien compris que la marche était très haute pour les céréaliers qui demandent le retour sur la base des références historiques.

Mon objectif est double, monsieur Vigier : répondre à la demande des zones intermédiaires par d'autres dispositions que la répartition de ce solde, et nous y travaillons, prévoir des mesures d'accompagnement, notamment par les outils fiscaux ou assurantiels pour donner aux entreprises des instruments plus réactifs, et en mobilisant l'ensemble des marges disponibles sur le premier ou le deuxième pilier. C'est ce que j'ai dit au président Ollier sur ce plan d'accompagnement. Nous y travaillons consciencieusement, en concertation avec tout le monde parce que je sais que la marche est haute et qu'il faut l'abaisser pour 2010.

Monsieur Hunault, vous avez évoqué le problème du lait. J'étais hier au Mans, devant le congrès des producteurs laitiers auxquels j'ai pu communiquer un certain nombre d'éléments qui figurent dans le bilan de santé : instauration d'une aide au litre de lait dans les zones de montagne, soutien à l'herbe qui concerne nombre de producteurs laitiers avec une enveloppe de 700 millions en plus de la PHAE, prise en compte des systèmes lait-viande à partir des céréales à travers un soutien de 30 millions d'euros pour alléger le prélèvement au titre des aides grandes cultures, enfin, mise en place d'un fonds sanitaire. N'oublions pas la très grave crise sanitaire que nous traversons avec la fièvre catarrhale ovine. Compte tenu de la dépression actuelle sur le marché laitier, j'ai également annoncé, hier, le gel du 1 % de quota supplémentaire. Nous ferons le point au début de l'été pour savoir si ce gel est définitif ou temporaire.

Enfin, je vous remercie de votre implication pour la laiterie située à Derval. À votre demande, monsieur Hunault, nous organiserons la semaine prochaine à mon cabinet une réunion sur le devenir de cette laiterie avec les principaux acteurs concernés.

Dans ce domaine, comme dans d'autres, l'agriculture a besoin de régulation.

Debut de section - PermalienMichel Barnier, ministre de l'agriculture et de la pêche

Je me suis battu pour garder dans le bilan de santé des outils de régulation pour la poudre de lait, le lait, le beurre. Nous les utilisons à fond, actuellement. Nous devrons saisir les deux rendez-vous de 2010 et 2012 que j'ai évoqués à la tribune pour reposer toutes les questions et notamment celle, qui n'est pas taboue, de savoir si nous devons accepter – et il faudra pour cela une majorité qualifiée au moins – de supprimer les quotas laitiers en 2014. À titre personnel, je pense que nous aurons encore longtemps besoin de maîtriser la production laitière à travers les quotas. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

Nous en venons à trois questions du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.

La parole est à M. Francis Saint-Léger.

Debut de section - PermalienPhoto de Francis Saint-Léger

Monsieur le ministre, permettez-moi tout d'abord de vous remercier et de saluer le formidable courage dont vous avez fait preuve pour apporter le soutien nécessaire au secteur de l'élevage qui en avait bien besoin. Personne ne peut le contester, ce soutien est de nature à sauvegarder l'agriculture si fragile de nos montagnes. Ne rien faire aurait été, en effet, irresponsable.

Mais rien n'est simple. On le voit, le juste équilibre est difficile à trouver entre les grands secteurs agricoles. Et il est tout aussi difficile de le trouver au sein de chacun de ces secteurs. En effet, notre agriculture n'est pas un modère unique. Elle est constituée d'une diversité de filières et d'une multitude de territoires avec chacune et chacun ses spécificités.

Pour un territoire comme celui que je représente, la Lozère, et pour une partie du Massif central, le rééquilibrage en faveur de l'élevage est globalement et significativement positif puisque la revalorisation des aides du premier pilier devrait être d'environ 15 % en 2010. C'est un effort important.

Cependant, et paradoxalement, une partie des éleveurs voient leurs aides légèrement diminuer par rapport à la situation actuelle. Ces éleveurs, en système « bovin allaitant extensif », sont exclus du dispositif « DPU herbe », compte tenu d'un chargement inférieur à 0,5 UGB par hectare. J'attire bien votre attention sur ce point, car dans les zones d'élevage d'altitude, là où il n'y a que de l'herbe, le chargement des exploitations est non pas choisi mais subi, car soumis aux contraintes naturelles.

S'ils étaient exclus de cette mesure, ces agriculteurs qui représentent un quart des exploitants bovins, viande et lait du département seraient bien les laissés-pour-compte de cette réforme, dont le but principal était au contraire de les aider. Des ajustements en leur faveur sont donc absolument nécessaires.

Je sais que des réflexions sont d'ores et déjà en cours, et que certaines d'entre elles peuvent être opportunes. Je pense en particulier à celle qui intégrerait une modulation des hectares d'estives dans le calcul du chargement, pour les exploitations dont le taux est inférieur à 0,5 UGBha. Un autre dispositif de correction consisterait à l'attribution d'un nombre forfaitaire d'hectares au prorata du nombre d'UGB. Ces remarques valent également pour les producteurs ovins.

Monsieur le ministre, je tenais à vous faire part de ces deux illogismes. Les agriculteurs concernés vous font confiance et comptent sur vous pour y remédier.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Auclair

Monsieur le ministre, je voudrais tout d'abord tordre le cou à un vilain canard qui tend à faire croire que ce sont les céréaliers qui financent la prime à l'herbe. Je veux rappeler que, par le découplage de la PAB et d'une partie de la PMTVA, les éleveurs y contribuent également. Ils subissent, eux aussi, les effets dévastateurs de la modulation voulue par M. Glavany, alors ministre de l'agriculture, et accompagnée par le parti socialiste, qui persiste et signe encore aujourd'hui. (Protestations sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Gaubert

Pourquoi pas Pisani, pendant que vous y êtes !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Auclair

Messieurs les députés des zones céréalières, ne croyez pas qu'avec le rééquilibrage les éleveurs des zones intermédiaires se gavent, bien au contraire !

Monsieur le ministre, si vous apportez de bonnes réponses à mes questions, peut-être y aura-t-il en effet un rééquilibrage à la marge.

La règle de la transparence pour la nouvelle prime à l'herbe sera-t-elle appliquée sans plafonnement à chacun des membres d'un GAEC ou d'une EARL ? Les éleveurs de plus de 60 ans, toujours en activité, pourront-ils en bénéficier, contrairement à la PHAE ?

Dans le cadre de l'article 63, le budget prévu pour les fourrages va-t-il être renforcé pour prendre en compte les céréales autoconsommées ?

La part restante de la PMTVA découplée va-t-elle revenir aux éleveurs ? Cette nouvelle répartition va-t-elle s'appliquer aux vaches référencées historiquement ou sera-t-elle affectée sur toutes les vaches détenues dans l'exploitation, à l'exception des génisses ?

La part restante des aides SCOP découplées sera-t-elle dirigée en partie vers les zones agricoles à faible potentiel de production, car cette mesure serait de nature à favoriser l'engraissement des animaux dans les départements situés en zone intermédiaire ?

Debut de section - PermalienPhoto de Bertrand Pancher

Monsieur le ministre, dans le cadre du bilan de santé de la PAC, les aides couplées aux grandes cultures vont disparaître. Le découplage sera total pour la prime à l'abattage, et un découplage à hauteur de 25 % des primes de maintien des troupeaux de vaches allaitantes sera mis en place. En contrepartie, des soutiens spécifiques seront instaurés, notamment pour l'élevage à l'herbe. Par ailleurs, vous auriez prévu d'affecter 520 millions d'euros – ce qui est énorme –, pour adapter la réforme aux cas les plus difficiles, et notamment celui des zones intermédiaires.

Dans le département de la Meuse, trois mille agriculteurs ont dû diversifier leurs productions, compte tenu du potentiel agronomique moyen, voire faible, de leurs terres, et se sont engagés dans de la polyculture – céréales, viande, lait. Ils seront donc touchés par cette réforme.

Sans adaptation, cette réforme de la PAC risquerait d'être lourde à supporter, compte tenu de la faiblesse du revenu net d'entreprise agricole moyen par actif : 25 000 euros en Lorraine en 2007, contre 90 300 en Champagne.

Ayant rencontré l'ensemble des responsables agricoles de mon département et un groupe d'agriculteurs non engagés auprès d'organisations, j'ai pu mesurer leurs inquiétudes face à des mesures qu'ils comprennent mais qui provoqueront, à n'en pas douter, une diminution de leurs revenus, compte tenu de la spécificité du secteur céréalier.

Sur 102 millions d'euros perçus en Meuse grâce à la PAC, 28 vont être prélevés et 15 seront être restitués au titre des nouvelles mesures. Reste donc 14 millions d'euros à réaffecter. Monsieur le ministre, sur quelles bases équitables les corrections seront-elles alors effectuées ? Des rendements moyens de référence inférieurs à la moyenne ? Des soutiens pour des régions exclues des aides du second pilier de la PAC ? Ou bien réalisera-t-on une réaffectation du solde sur toutes les exploitations céréalières ?

Enfin, j'aimerais attirer votre attention sur le fait que les agriculteurs n'ont pas encore conscience que, sans ces aménagements, la réforme de fond de la PAC en 2013 risque de se transformer en abandon de cette politique et des soutiens aux marchés par l'Union européenne. Il me semble donc important de réaffirmer combien le bilan de santé de la PAC offre une chance de pérenniser cette politique.

Debut de section - PermalienMichel Barnier, ministre de l'agriculture et de la pêche

Merci à Francis Saint-Léger d'avoir bien pris la mesure des orientations que nous avons décidées pour consolider l'élevage en montagne. Elles sont le seul moyen pour que ces territoires demeurent ouverts et attractifs.

Nous proposons plusieurs mesures : le soutien aux ovins et à la production laitière en montagne, ainsi qu'aux surfaces herbagères, la revalorisation de l'ICHN, soit une augmentation significative des aides, ce qui me paraît juste compte tenu, d'une part, des handicaps qui pénalisent ces régions et, d'autre part, du niveau de revenu des éleveurs.

Il n'est guère possible de revenir sur le seuil de chargement fixé à 0,5 UGB par hectare, qui à fait l'objet de très nombreuses discussions depuis un an. En revanche, nous pourrons, par la pondération des surfaces, prendre en compte la spécificité de vos élevages, notamment les élevages bovins, qui se trouveraient exclus du dispositif. Le groupe de travail que j'ai mis en place sur les DPU va travailler sur une adaptation liée à cette pondération des surfaces.

S'agissant des questions que m'a posées Jean Auclair, oui pour la transparence, mais uniquement pour les GAEC. Elle ne peut pas jouer pour les EARL, la reconnaissance communautaire ne portant que sur les GAEC.

Oui également sur le fait que les plus de soixante ans, toujours en activité, pourront bénéficier de la prime à l'herbe. Il s'agit d'une aide « premier pilier », annuelle, qui n'est donc pas soumise à un critère d'âge, dès lors que l'on est effectivement en activité agricole.

Concernant le renforcement du budget fourrage, les enveloppes allouées aux différentes mesures sont définitives. Trente millions d'euros sont affectés à une mesure improprement appelée « fourrage », qui a en réalité pour objet d'atténuer le prélèvement des exploitations mixtes ayant des céréales et des animaux. Le groupe de travail va en déterminer les modalités, c'est-à-dire l'assiette retenue, les seuils de chargement ainsi qu'un éventuel plafonnement.

Quant à la répartition de la part restante de la PMTVA découplée, deux options sont ouvertes : les références historiques ou l'ensemble des vaches allaitantes, qu'elles soient primées ou non.

Enfin, monsieur Auclair, sur la répartition de la part restante des aides SCOP découplées, ma réponse est identique pour le solde des aides aux grandes cultures : référence historique ou rééquilibrage entre les zones céréalières. La profession penche plutôt pour un retour aux références historiques, mais la question est complexe et elle sera débattue dans les prochaines semaines au sein des groupes de travail que j'ai mis en place.

Je voudrais enfin remercier Bertrand Pancher d'avoir rappelé l'objectif qui fut le mien dans cette réforme d'adaptation de la PAC. J'ai oeuvré pour que la PAC continue de concerner toutes les filières et toutes les cultures, y compris les céréales et les grandes cultures au-delà de 2013.

Je tiens à vous apporter deux précisions. Vous avez parlé de la disparition des aides couplées. Elles disparaissent en effet, mais il n'en restait que 25 % pour les grandes cultures. S'agissant des 520 millions que vous avez évoqués, ils correspondent aux 11 % non prélevés sur les 25 % d'aides découplées. La décision n'a pas encore été prise de les affecter ou non dans la redistribution.

Je vous rejoins également, monsieur Pancher, sur la situation des départements tels que le vôtre. Je travaille à des mesures d'accompagnement. Vous évoquez le second pilier ; d'autres voies sont également à l'étude dans ce plan d'accompagnement des mesures du bilan de santé, pour passer le cap de 2010 et faire en sorte que les exploitations n'aient pas une marche trop haute à franchir.

Je vous livre aujourd'hui quelques pistes. J'évoquais tout à l'heure une mesure rotationnelle, mais il nous faut encore quelques semaines de concertation et de travail interministériel pour bâtir ce plan d'accompagnement et réduire la hauteur de la marche en 2010 pour les exploitations situées en zones intermédiaires.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

Nous en venons à trois questions du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.

La parole est à M. Germinal Peiro.

Debut de section - PermalienPhoto de Germinal Peiro

Monsieur le ministre, à vous écouter, on pourrait presque adhérer à vos propos.

Debut de section - PermalienPhoto de Germinal Peiro

On en viendrait même à oublier que, dans quelques semaines, vous allez, en tant que député européen, rejoindre le groupe des libéraux. En effet, tout votre discours porte sur l'organisation et la régulation, alors que vous savez parfaitement que ce que vous décrivez n'est en rien la réalité. C'est une fiction totale !

Debut de section - PermalienPhoto de Bertrand Pancher

Il n'y a pas de libéralisme sans organisation ! Relisez Jean-Baptiste Say !

Debut de section - PermalienPhoto de Germinal Peiro

La réalité, c'est que sous l'impulsion de la Commission européenne, nous allons de dérégulation en dérégulation. Les quotas laitiers en sont un bon exemple, mais on pourrait aussi citer les droits de plantation pour la vigne, qui seront abolis à partir de 2013, ou la fin des jachères et des stockages publics.

En vérité, monsieur le ministre, quoi que vous en disiez, vous avez surfé sur une politique libérale et ultralibérale. Vous savez parfaitement que vous êtes en train de tourner le dos à la politique agricole commune telle qu'elle a été conçue par les pères fondateurs de l'Europe. Voilà la réalité, et elle est cruelle : des milliers d'exploitations agricoles qui ferment chaque année dans notre pays et, dans certains départements, un jeune qui s'installe pour quatre départs en retraite. La réalité, c'est aussi les pays émergents qui sont devenus totalement dépendants et les émeutes de la faim sur bon nombre de continents.

Ce système est intenable sur le plan social, parce qu'il met en concurrence des ouvriers européens avec des ouvriers d'ailleurs qui n'ont pas de couverture sociale. Il est intenable sur le plan environnemental car, tandis que l'heure est à la régionalisation des productions, vous ne faites qu'encourager les productions de plus en plus éloignées.

Mes questions sont simples, monsieur le ministre : Allez-vous revenir sur la dérégulation que vous avez soutenue pendant plusieurs années ? Allez-vous renoncer au dogme de la participation de 1 % au budget communautaire ?

Debut de section - PermalienPhoto de Chantal Robin-Rodrigo

Monsieur le ministre, les orientations françaises décidées dans le cadre du bilan de santé de la PAC sont positives pour l'agriculture de montagne, et les élus de l'ANEM s'en félicitent.

À plusieurs reprises, j'avais attiré votre attention sur l'élevage ovin, et je note avec satisfaction l'instauration d'une aide à la brebis, et la création d'un DPU herbe. Le maintien de la PHAE dans le deuxième pilier et la revalorisation de l'ICHN sur les vingt-cinq premiers hectares vont contribuer au maintien des systèmes agropastoraux. Il était grand temps, car nous avons eu à dénombrer de nombreuses cessations d'activité chez les éleveurs ovins, et il est à craindre que, du fait de l'érosion des effectifs, la densité ovine ne soit plus suffisante pour entretenir les espaces difficiles sur les zones intermédiaires et sur les hautes estives.

La réorientation des aides était nécessaire. Cependant, cela ne doit pas se faire au détriment des petits céréaliers. Dans mon département, ce sont plutôt de petites exploitations de vingt hectares qui perçoivent des aides très inférieures à la moyenne nationale. Il serait équitable que ces petites exploitations ne soient pas pénalisées par la réorientation de la PAC et que leur dimension soit prise en compte dans le prélèvement des aides au titre des articles 68 et 63. En effet, un prélèvement sur les aides à partir du premier euro risque d'affecter les petites exploitations céréalières et n'est pas compatible avec le renouvellement des générations et le soutien à l'emploi agricole.

Monsieur le ministre, dans le cadre des prélèvements décidés dans le premier pilier, comptez-vous réaffecter le solde du découplage des grandes cultures au profit des petites exploitations céréalières pour leur garantir un revenu acceptable ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Grellier

Monsieur le ministre, la situation de la filière laitière, tant dans sa partie production que dans sa partie transformation, est aujourd'hui très préoccupante. Les effets négatifs constatés sur les marchés mondiaux, mais surtout l'abandon par la Commission européenne des politiques de régulation sont en train de déstabiliser complètement cette filière laitière.

Tant pour la production, grâce aux quotas, que pour les marchés des produits laitiers, cette régulation avait pourtant largement prouvé son efficacité. Elle avait préservé les producteurs d'aléas néfastes trop souvent constatés sur d'autres productions agricoles.

L'abandon programmé des quotas laitiers à l'horizon 2015 risque de porter un coup fatal à l'organisation actuelle de cette production, avec des conséquences négatives sur l'installation des jeunes et sur l'aménagement du territoire, qui toucheront non seulement les productions mais aussi les unités de transformation.

Monsieur le ministre, comment la France compte-t-elle faire entendre sa voix pour protéger sa filière laitière et l'engager ainsi dans des perspectives positives pour son avenir ? Le risque est grand, en effet, que le marché, s'il n'est pas régulé, impose ses aléas et déstabilise l'ensemble de la filière, en particulier les producteurs.

Il ne faudrait pas accélérer les tendances actuelles au regroupement, car elles font naître de véritables « usines à lait ». Cela a des conséquences en termes d'aménagement équilibré du territoire et produit des effets néfastes, cachés sous le vocable de « compétitivité », en termes de développement durable.

Au moment où la Fédération nationale des CIVAM publie une étude prouvant l'intérêt économique, ainsi que social et environnemental, des systèmes de production laitiers autonomes et économes, il est encore temps de faire des choix porteurs d'avenir pour les producteurs afin de les engager dans des systèmes de productions qui s'inscrivent dans la modernité, en facilitant l'installation des jeunes ainsi qu'une adaptation des structures de transformation qui doivent anticiper la notion de qualité qu'exigent de plus en plus les consommateurs.

Monsieur le ministre, de quelle manière pouvez-vous intégrer ces différentes notions qui s'inscrivent par ailleurs dans une politique de développement durable et dans le Grenelle de l'Environnement ?

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Michel Barnier, ministre de l'agriculture.

Debut de section - PermalienMichel Barnier, ministre de l'agriculture et de la pêche

Monsieur Peiro, chaque chose en son temps ! En tout état de cause, je vous précise que si, au lendemain des élections européennes, je devais siéger au Parlement européen, je rejoindrais non pas le groupe des libéraux mais celui du Parti populaire européen : sur certains sujets, cela fait une différence.

Debut de section - PermalienMichel Barnier, ministre de l'agriculture et de la pêche

Ce n'est pas une fiction, monsieur Peiro. Je suis ministre depuis deux ans et je me suis battu pour l'agriculture. Je connais bien la ligne de dérégulation parfois assez libérale de la Commission.

Lorsque j'étais commissaire européen, des confrontations avaient lieu au sein du collège, et les plus libéraux n'étaient pas toujours du côté auquel vous pensez – je ne citerai personne !

Debut de section - PermalienMichel Barnier, ministre de l'agriculture et de la pêche

Regardez plutôt ce qui a été fait depuis deux ans, notamment avec le bilan de santé. Nous nous sommes battus pour maintenir les outils de régulation. Je l'ai dit à la tribune, la Commission envisageait de les limiter ou de les supprimer, mais je vous rappelle que cette dernière ne décide pas : elle propose.

Debut de section - PermalienMichel Barnier, ministre de l'agriculture et de la pêche

Elle fait des propositions au Conseil des ministres et au Parlement européen. Or nous avons décidé, et nous n'avons pas suivi les propositions de la commission : nous avons maintenu les outils de régulation, notamment pour les céréales globalement et intégralement pour les produits laitiers. Nous avons également fixé les deux rendez-vous de pilotage de 2010 et 2012 qui n'étaient pas prévus – je le souligne à votre intention, monsieur Grellier. Ils permettront de poser toutes les questions relatives à la production laitière.

Monsieur Peiro, monsieur Grellier, je ne veux pas faire de polémique mais, en ce qui concerne les quotas laitiers, il faut dire les choses telles qu'elles sont : la suppression des quotas laitiers a été décidée par le Conseil des ministres en 1999, alors que Jean Glavany était ministre, pour une application en 2008.

Debut de section - PermalienMichel Barnier, ministre de l'agriculture et de la pêche

En 2003, M. Gaymard a obtenu que la suppression des quotas laitiers soit reportée à 2015.

Debut de section - PermalienPhoto de Germinal Peiro

Mais c'est votre présidence qui l'a entérinée !

Debut de section - PermalienMichel Barnier, ministre de l'agriculture et de la pêche

Ce n'est pas vrai, il n'y a pas eu de discussions sur ce point ! À aucun moment un débat n'a été ouvert sur cette question. C'est d'ailleurs pour cela que les rendez-vous de 2010 et 2012 sont très importants : avec l'Allemagne nous avons obtenu que toutes les questions puissent être posées.

Debut de section - PermalienMichel Barnier, ministre de l'agriculture et de la pêche

Soyez sérieux, monsieur Peiro ! Pendant la présidence française certains débats étaient ouverts d'autres non ; cette question n'était pas à l'ordre du jour, même si nous avons obtenu les deux rendez-vous de 2010 et 2012.

Je prendrai l'exemple de l'OCM vin : entre la proposition de la Commission en juillet 2007 – j'arrivais alors au Gouvernement, et je me suis opposé à des mesures insensées comme la suppression des droits de plantation ou l'arrachage généralisée – et le vote final, quasiment à l'unanimité, il y a eu un travail très important du Conseil des ministres. Quant à la jachère, les gouvernements européens ont demandé à l'unanimité sa suppression pour faire face à la tension sur les prix des céréales.

Monsieur Peiro, en 2008, il y a eu 6 282 installations, soit 5 % de plus que la moyenne des trois années précédentes. Je veux bien que vous mettiez l'accent sur les installations qui disparaissent, mais il faut citer ces 6 282 installations nouvelles. Le paysage n'est donc pas celui que vous décrivez.

Debut de section - PermalienPhoto de Germinal Peiro

Cela fait une installation pour quatre disparitions !

Debut de section - PermalienMichel Barnier, ministre de l'agriculture et de la pêche

Je remercie Mme Robin-Rodrigo d'avoir bien voulu me donner acte des mesures que nous avons prises en matière de rééquilibrage en faveur des zones de montagne, et en particulier de l'élevage ovin qui était en voie de disparition.

Dans ce domaine, j'ai simplement tenu mon engagement. Mais il faudra que les éleveurs ovins utilisent les mesures que nous venons de faire adopter pour eux afin que nous ne nous retrouvions pas dans cinq ou six ans dans la même situation. Un travail d'organisation de la filière et de valorisation des produits doit donc être effectué.

Madame la députée, je sais les difficultés que rencontrent les petits producteurs céréaliers, en particulier dans des zones fragiles comme la vôtre. Mais l'article 63 ne permet pas de faire de franchises, contrairement à ce qui est possible avec la modulation – ce transfert d'argent du premier au deuxième pilier ne concerne pas les aides sous 5 000 euros pour les toutes petites exploitations. À défaut d'agir réglementairement, nous tenterons de le faire grâce à un plan d'accompagnement destinés aux petits producteurs, notamment ceux des zones intermédiaires ou fragiles.

Monsieur Jean Grellier, vous avez évoqué la question du lait. Je confirme que le bilan de santé comporte un certain nombre de mesures positives – hier, elles ont d'ailleurs été reçues comme telles par le Congrès des producteurs laitiers auquel je participais – : aides couplées au litre de lait dans les zones de montagne et de piémont ; introduction dans le premier pilier du soutien à l'herbe qui intéresse principalement les éleveurs laitiers ; prise en compte des systèmes lait-viande à partir des céréales avec un soutien de 30 millions d'euros pour alléger le prélèvement au titre de l'aide grandes cultures et, enfin, fonds sanitaire. Je confirme aussi mon annonce d'hier relative au gel de 1 % de quotas – même s'il était possible de prendre une telle mesure, j'estime qu'il n'était pas opportun de le faire en ce moment alors qu'un risque de surproduction existe et que nous devons préserver le revenu des éleveurs laitiers.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

Nous en venons à trois questions du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.

La parole est à M. André Chassaigne.

Debut de section - PermalienPhoto de André Chassaigne

Monsieur le ministre, avec une baisse de 50 % de leurs revenus en deux ans, les éleveurs ont tenu à de nombreuses reprises à vous faire part de leurs revendications dans le cadre des arbitrages nationaux de la boîte à outils issue du bilan de santé,

Vous avez repris un certain nombre de leurs propositions essentielles à un rééquilibrage des aides et à un soutien différencié en fonction des difficultés de certaines productions. Ils doivent à leur mobilisation et à leur pression continue d'avoir obtenu, après de si longues années d'attente, un engagement des bénéficiaires historiques.

Certes, ces négociations n'ont pas été un long fleuve tranquille, mais finalement l'orientation retenue est louable. Toutefois, les faiblesses n'en sont pas moins réelles, notamment au regard des attentes des éleveurs. Ainsi, la réalité des 1,4 milliard d'euros, soit 18 % des aides, prélevés pour être réorientés dans le cadre communautaire des articles 63 et 68 et de la conditionnalité, mérite d'être regardée de près.

Seulement 640 millions d'euros concernent spécifiquement un prélèvement sur les aides aux grandes cultures, alors que 600 autres millions d'euros de prélèvement concernent indifféremment l'ensemble des aides, tandis que 130 millions d'euros sont prélevés sur les seules aides animales. Une partie des sommes réorientées vient donc bien de la poche des éleveurs.

De même, les annonces entérinent un nouveau découplage des aides animales – moins 25 % de la PMTVA, la prime au maintien du troupeau de vaches allaitantes ; 100 % de la prime à la brebis, de la prime à l'abattage et de la prime aux veaux – cédant ainsi par petits pas aux figures imposées de la Commission. Chacun sait pourtant que les effets du découplage peuvent être particulièrement pénalisants pour certaines productions en zone fragile, comme le souligne un récent article publié par l'INRA qui montre que dans le bassin allaitant du grand Massif Central, le risque est réel qu'un découplage total s'accompagne de la disparition de nombreuses exploitations. Nous soulignons également la faiblesse du niveau des engagements prévus en faveur des producteurs de lait de montagne et de la revalorisation des indemnités compensatoires de handicaps naturels, les ICHN.

De plus, vous l'avez rappelé, le bénéfice de ces orientations ne sera perceptible pour les exploitations qu'à partir du 1er décembre 2010 : l'attente sera longue et douloureuse pour les plus fragiles.

Monsieur le ministre, les éleveurs attendaient plus de cet arbitrage en faveur des secteurs en grande difficulté. Ils ne sont pas dupes de la volonté de découpler toujours plus les aides quelles qu'en soient les conséquences sur la structure des exploitations et pour les territoires, d'autant plus que le niveau de soutien à l'herbe, avec une moyenne de 80 euros par hectares, est très en deçà de l'aide nécessaire.

Êtes-vous prêt à vous engager pour une augmentation progressive, après 2010, des soutiens à l'élevage en zone de montagne ou en zones défavorisés simples ?

Êtes-vous prêt à anticiper le bénéfice de ces réorientations avec une progressivité des versements dès le début de l'année 2010 ?

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Cochet

Monsieur le ministre, en ce qui concerne les agro-carburants, nous vivons un paradoxe absolu. En effet, jadis, l'agriculture produisait de l'énergie ; aujourd'hui elle est l'une des plus grosses consommatrices d'énergie fossile. De plus, le bilan de santé de la PAC reste muet sur la sécurité alimentaire et énergétique.

Nous discutons qu'une politique agricole commune européenne qui a ignoré la question de la concurrence accrue entre les ressources utilisées pour l'alimentation et celles destinées à l'automobile.

J'ai trois sujets d'inquiétude. Tout d'abord, les bilans énergétiques sont quasiment négatifs dans la production d'agro-carburants, malgré les publicités pour l'E10 que l'on voit ici ou là. Ensuite, les émissions d'oxyde nitreux sont élevées notamment en raison de l'utilisation accrue des engrais azotés. Enfin, on constate une forte diminution de la biodiversité due aux monocultures énergétiques. Sur ces trois points, je n'ai vu dans le bilan de santé de la PAC ni fixation d'objectifs obligatoires ni réflexions planifiées.

Les stocks mondiaux de céréales sont au plus bas depuis quarante ans. Un nouveau transfert des investissements et des terres de la production alimentaire à la production de carburants mettrait la sécurité alimentaire mondiale en grave péril. Cela concerne évidemment l'Europe où il faudrait renoncer aux agro-carburants. Quel sort la France et l'Europe leur réservent-elles ?

Debut de section - PermalienPhoto de André Chassaigne

Monsieur le ministre, ma deuxième question porte sur les modalités de prélèvements des aides réorientées dans le cadre de l'arbitrage ministériel rendu le 23 février dernier.

Les 640 millions d'euros prélevés sur les aides aux grandes cultures pour financer notamment le soutien aux productions animales à l'herbe, ainsi que les 385 millions d'euros prélevés sur toutes les aides pour financer le dispositif de gestion des risques ou certaines productions fragiles, marquent une première avancée que les éleveurs attendaient depuis longtemps. Ils vous ont d'ailleurs témoigné leur satisfaction sur ce qu'ils considèrent comme « un premier pas positif dans la réorientation des aides de la PAC ».

Ce relatif satisfecit ne doit pas faire oublier les grandes insuffisances de l'accord du 20 novembre dernier. D'autant plus que le vernis de l'équité s'effrite si l'on considère que le taux de prélèvement sera uniforme sur toutes les aides aux grandes cultures. En définitif, il sera même particulièrement pénalisant pour des céréaliers dont les exploitations restent de taille modeste et dont les revenus sont fortement soumis aux fluctuations des prix d'achat des céréales. Je pense, bien sûr, à toutes les exploitations spécialisées en céréales des zones intermédiaires qui ont des niveaux de revenus et d'aides bien plus faibles que certaines zones privilégiées.

Un principe élémentaire voudrait qu'une véritable progressivité dans les prélèvements soit mise en place en fonction de la taille, des revenus de l'exploitation et du montant global des aides perçues. Comment concevoir que des soutiens différenciés, prenant en compte la diversité des systèmes de production, se concrétisent par le retrait à tous, sans distinction, de la même proportion d'aides directes, sans tenir compte de leur différence a priori ?

En effet, comment justifier que les céréaliers de certaines zones du Puy-de-Dôme, de l'Indre, ou du Cher sur des surfaces agricoles utiles de 50 à 70 hectares puissent, contribuer selon le même régime qu'un céréalier d'Île-de-France qui exploite plusieurs centaines d'hectares ? Comment justifier que l'on fasse contribuer de la même façon un producteur céréalier d'Aquitaine ou de Midi-Pyrénées ayant 15 500 euros de revenu annuel moyen, et un producteur céréalier d'Île-de-France ou de Champagne-Ardenne disposant de 45 000 euros de revenu annuel moyen ? Les réalités agricoles ne sont pas les mêmes et les revenus de référence des exploitants ne sont pas comparables !

Debut de section - PermalienPhoto de André Chassaigne

Monsieur le ministre, pour les prélèvements sur les aides aux grandes cultures, entendez-vous proposer, dans le cadre des groupes de travail, des critères de prélèvements progressifs et différenciés, adaptés aux réalités économiques, sociales et territoriales des exploitations ?

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Michel Barnier, ministre de l'agriculture.

Debut de section - PermalienMichel Barnier, ministre de l'agriculture et de la pêche

Je remercie André Chassaigne pour l'appréciation qu'il porte, même s'il considère que l'effort n'est pas suffisant, faisant ainsi échos aux demandes de nombreux éleveurs et agriculteurs des zones fragiles que j'ai naturellement entendues.

Je suis d'accord avec vous, monsieur Chassaigne, sur l'impact du découplage total de la PMTVA et sur les risques qu'il comporte. C'est pourquoi nous n'avons pas découplé intégralement, mais seulement à 25 %. Nous avons conservé 75 % de couplage, et nous avons introduit des soutiens ciblés pour les secteurs ovins et laitiers.

Nous n'avons pas non plus, comme vous semblez le croire, cédé « par petits pas » à la Commission, au contraire. J'entends bien que les éleveurs attendaient plus, notamment ceux à qui est demandé un effort. Mais le rôle d'un ministre est de décider, de rechercher le chemin de l'équité et de l'équilibre, et de choisir les étapes à franchir. Ainsi, les décisions que nous avons prises tracent le chemin pour l'après 2013. Elles engagent des orientations lourdes pour l'avenir, qui nous permettront de préserver une PAC équitable au-delà de 2013, notamment grâce au soutien différencié aux surfaces en herbe.

Enfin, il n'y a pas de saupoudrage des aides. Au contraire, ces mesures donnent du sens à notre politique agricole. Vous avez avancé l'idée d'une différenciation selon le type d'exploitation. Je vous rappelle que la franchise de 5 000 euros, inscrite dans le règlement européen, concerne le second pilier et non le premier. On ne peut pas prélever moins selon le type d'exploitation.

C'est la raison pour laquelle nous avons, à travers différents dispositifs, ciblé la redistribution sur les petites exploitations : les cinquante premiers hectares d'herbe seront mieux dotés. Nous avons en outre trouvé un système pour atténuer le prélèvement, ou ses conséquences, sur les exploitations mixtes, et je travaille à un plan d'accompagnement qui devrait intéresser un grand nombre de ces exploitations dans les zones intermédiaires.

Yves Cochet a évoqué un sujet sur lequel il nous interpelle régulièrement : les agrocarburants et biocarburants. Je lui répondrai que, d'une part, une filière de distribution dédiée au carburant E10, qui contient 10 % d'éthanol, est actuellement encouragée partout sur le territoire, en remplacement des pompes SP98, et que, d'autre part, les véhicules flex-fioul seront exonérés de l'écopastille en dessous du seuil de 200 grammes de CO2par kilomètre.

Plus fondamentalement, je suis d'accord avec lui sur le fait qu'il faut donner priorité à l'alimentation. C'est d'ailleurs ce que nous faisons – je pense qu'il peut en donner acte aux autorités européennes et au Gouvernement – en prévoyant que, dès 2010, 7 % de la surface agricole utile seront consacrés aux biocarburants, ce qui laisse 93 % pour la production à usage alimentaire. Cela permettra de réduire de 5 % les émissions de CO2dans les transports. Techniquement, c'est la seule solution pratiquable aujourd'hui. Elle permettra également d'améliorer la sécurité énergétique de notre pays, en couvrant 2 % de la consommation nationale d'énergie en 2010.

L'investissement est lancé dans les biocarburants de seconde génération produits à partir de plantes entières ou de biomasse, notamment forestières: 80 millions d'euros lui seront dédiés au sein du fonds « démonstrateurs » de l'ADEME.

La seconde génération, qui utilisera toute la plante et pas seulement les graines, ne se développera pas en rupture avec la première génération. C'est pourquoi je me suis battu, aux côtés des producteurs, pour qu'on garde l'économie générale du dispositif fiscal qui permet de développer la première génération.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

Nous en venons à trois questions du groupe Nouveau Centre.

La parole est à M. Thierry Benoit.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Benoit

Ma question a trait à la couverture des risques climatiques et sanitaires.

En 1962, lorsque la PAC a été créée, les pères fondateurs avaient pour objectif principal l'autosuffisance alimentaire du continent européen. Aujourd'hui, le fait de nourrir la planète reste toujours d'actualité : nous avons tous en tête les émeutes de la faim de l'année dernière,

En quarante ans, cependant, le contexte a beaucoup changé : volatilité des prix, concurrence mondiale, récession économique qui frappe aussi l'agriculture et l'agro-alimentaire.

Le bilan de santé de la PAC mené au mois de novembre dernier a débouché sur la réorientation de 1,4 milliard d'euros en faveur de la modernisation et de la sécurisation de l'agriculture française. Parmi les mesures retenues, vous avez choisi avec pertinence, monsieur le ministre, d'encourager la mise en place d'outils de couverture des risques climatiques et sanitaires. On peut néanmoins s'interroger sur la faiblesse de leur financement, qui s'élève à 140 millions d'euros seulement.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Benoit

Ces dispositifs, qui constituent un outil fondamental pour l'agriculture de demain, ont peu de chance de fonctionner correctement sans un investissement important de la part de l'État. Les pollutions à la dioxine et les épizooties comme la fièvre catarrhale ovine ont montré la limite du système des aides dites de minimis cautionné par l'Union européenne.

J'aimerais, monsieur le ministre, que vous nous disiez sur quels éléments chiffrés vous vous êtes fondé pour estimer le coût des mesures et si vous envisagez leur éventuelle revalorisation.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Vigier

Monsieur le ministre, je voudrais d'abord dire à André Chassaigne qu'entre la Limagne où j'ai grandi et la Beauce où je vis maintenant, il existe quelques points de convergence. Il a fort bien expliqué à quel point l'aspect monolithique des exploitations était un prisme déformant : dans la réalité, il y a des exploitations de 50 hectares, d'autres de 100, de 150, de 200 hectares et même plus encore – dans mon département, comme d'ailleurs dans beaucoup d'autres départements céréaliers, la moyenne des exploitations est de 110 hectares. Il faut cesser de diffuser une image déformée en prétendant que les exploitants touchent plusieurs centaines de milliers d'euros de revenus.

Ensuite, je n'ai pas du tout été convaincu, monsieur le ministre, par la façon dont vous comptez vous y prendre pour assurer une redistribution aux exploitations contributrices. Ce n'est ni par un allégement de charges, ni par le système assurantiel que vous amortirez le choc de la baisse de leurs revenus. Consultez les comptes d'exploitation agricole, vous verrez que ce que je dis est la vérité : le revenu moyen s'élève à 30 000 euros, 40 000 euros au maximum.

Enfin, je voudrais vous dire une chose très importante : en Eure-et-Loir, alors que seuls quarante-cinq agriculteurs s'étaient installés en 2008, pas un seul jeune agriculteur ne s'est installé en 2009. Connaissez-vous une autre profession qui accepterait qu'on lui enlève 20 % de ses revenus, voire 30% ou plus quand vous serez allé chercher les 11 % complémentaires ? Alors que l'agriculture a un rôle considérable en Europe et en France, en termes d'aménagement du territoire comme de production de richesses – notre pays est exportateur net dans ce secteur –, c'est tout un territoire qui se trouve abandonné. C'est inacceptable en termes de cohésion sociale et d'aménagement de territoire.

Debut de section - PermalienPhoto de François Sauvadet

Monsieur le ministre, je vais poursuivre ce qui vient d'être dit. Il faut être très clair à l'égard de l'ensemble de la profession agricole : le rééquilibrage était nécessaire.

Debut de section - PermalienPhoto de François Sauvadet

La situation dans un certain nombre de territoires sensibles – les zones de montagne, mais aussi les zones herbagères pour lesquelles l'accompagnement est indispensable au regard des chutes de production, notamment dans l'élevage ovin – exigeait un soutien. Toutefois, la question de l'ampleur du mouvement de rééquilibrage se pose, car un certain nombre d'exploitations vont être mises en difficulté. J'appelle votre attention, à ce propos, sur la situation des zones intermédiaires qui cultivent des productions céréalières sur des sols à faible potentiel : elles vont se trouver confrontées à une sorte de double peine.

S'agissant de la méthode, j'aurais préféré qu'on pose la question des références historiques. Un rééquilibrage aurait pu être trouvé d'abord au sein de la profession céréalière elle-même. Ensuite, nous aurions pu mener une réflexion sur un effort partagé en direction des zones herbagères, qui aurait permis de rééquilibrer l'ensemble de la profession.

Je suis extrêmement inquiet. On ne pourra pas laisser la profession céréalière face à elle-même et venir lui réclamer ensuite, après l'effort qui lui aura été demandé, de tenir compte des zones intermédiaires. Je souhaite que les pouvoirs publics interviennent dans ce débat. Aujourd'hui, on voit poindre des divisions dans le monde agricole, des tensions entre producteurs eux-mêmes. Je vois là une menace pour l'avenir même de la cohésion, pourtant essentielle, de la profession agricole. Je souhaite, monsieur le ministre, que vous interveniez dans ce débat et qu'on ne laisse pas les céréaliers face à eux-mêmes.

Debut de section - PermalienPhoto de François Sauvadet

Pour beaucoup d'entre eux, l'effort sera insoutenable au plan économique. (Applaudissements sur les bancs des groupes NC et UMP.)

Debut de section - PermalienMichel Barnier, ministre de l'agriculture et de la pêche

Thierry Benoit a élargi le sujet comme je m'étais efforcé de le faire. Je pense en effet que notre responsabilité est de regarder également le contexte mondial, celui du commerce, celui de la sécurité alimentaire, dans lequel nous nous situons. Nous ne pouvons pas, en tant que grand continent producteur, être indifférent à ce qui se passe dans le reste du monde. J'ai en mémoire un reportage de la télévision qui avait été tourné à Port-au-Prince, à Haïti, au moment des émeutes de la faim, et qui montrait des femmes fabriquant des galettes de boue avec un peu d'huile et de sel pour les donner à leurs enfants. Comment peut-on accepter cela ? Je suis allé à Haïti lancer un programme de productions agricoles auprès de 250 jeunes qui vont être soutenus par la France.

Debut de section - PermalienMichel Barnier, ministre de l'agriculture et de la pêche

Un jumelage avec des lycées agricoles et des jeunes agriculteurs a été monté, et un lycée agricole, qu'on appelle là-bas une école moyenne d'agriculture, doit être reconstruit, avec l'aide de la Commission européenne.

Je reste très engagé sur ce sujet. Il est de notre responsabilité de partager notre expertise, de soutenir, à travers les moyens du Fonds européen de développement, la construction ou la reconstruction d'une économie agricole dans les pays qui souffrent de la faim, et de les encourager à se regrouper autour de projets régionaux agricoles afin de ne pas affronter le monde tout seuls : que représente le Burkina, Haïti ou le Mali face à la Chine ou à l'Inde ? Le concept de souveraineté alimentaire, qui vaut pour eux comme pour nous, est d'ailleurs la finalité initiale de la politique agricole commune.

Les assurances que vous avez évoquées sont un des outils à notre disposition. C'est une orientation qui va monter en puissance. Au-delà de ce que nous faisons déjà, grâce à votre vote, dans le budget national – je pense à la déduction pour aléas –, nous avons mis le pied dans un système financé à hauteur de 75 % maximum – ce qui signifie 25 % de contribution nationale, nous sommes donc déjà au-delà des 140 millions – qui devrait permettre de financer avec les crédits de la PAC des systèmes d'assurance différenciés selon les productions et les risques.

Ce système est finançable, en 2010, à hauteur de 140 millions pour l'assurance récolte et le fonds sanitaire, il montera en puissance. Nous sommes engagés également dans l'expérimentation, dès 2010, d'assurances pour les risques économiques, assurances pour aléas économiques ou assurances chiffres d'affaires, qui intéressent les grandes exploitations comme les plus petites exploitations céréalières.

Philippe Vigier a évoqué la situation des producteurs céréaliers avec lesquels je discute et que j'entends. Ma réponse ne concerne pas seulement le système d'assurance. Je viens de dire à Thierry Benoît que nous allions monter en puissance et expérimenter dès l'année prochaine cette idée d'assurance économique, comme l'a demandé le Président l'autre jour dans le Maine-et-Loire. Nous devrons nous battre ensemble, en 2010, pour obtenir que des crédits européens soient mobilisés pour financer les aléas économiques, sur le modèle de ce qui se fait, même si je ne les prends pas pour modèle en toutes choses, aux États-Unis. Ces producteurs ont le droit d'être soutenus dans la couverture du risque économique. Mais nous travaillons également à des mesures à plus court terme, dès 2010, pour réduire la hauteur des marches.

Maintenant, mesdames et messieurs les députés, j'aimerais dire un mot du contexte économique dans lequel nous travaillons. Tout le monde n'est pas à armes égales s'agissant des marchés et des prix, et j'ai donc essayé de prendre des mesures justes. J'ai observé, comme vous, l'augmentation, puis la baisse, du prix des céréales. D'après les experts, que vous écoutez comme moi, l'orientation des prix des grandes cultures et des céréales est durablement à la fermeté, même si l'évolution ne sera pas du même niveau qu'en 2007.

Debut de section - PermalienMichel Barnier, ministre de l'agriculture et de la pêche

C'est heureux, et je suis le premier à dire que l'augmentation des prix est une bonne chose, car elle permet de mieux rémunérer le travail des céréaliers et des producteurs de grandes cultures.

Cela dit, dans toutes les autres filières, les charges augmentent et les prix baissent. Dans ce contexte, il faut que le ministre de l'agriculture, ou plutôt des agricultures françaises, qui doit gérer un budget de soutien européen de 10 milliards, fasse oeuvre de justice, d'équilibre et d'équité, faute de quoi toute politique de ce type disparaîtra en 2013. Les mesures que nous avons prises, et que nous avons accompagnées afin de les rendre supportables, tiennent compte d'un contexte économique globalement plus favorable aux grandes cultures qu'aux autres secteurs.

Monsieur le président Sauvadet, je vous répète que nous travaillons, au-delà de la mise en place à moyen terme d'assurances économiques, à une mesure à plus court terme visant à réduire la hauteur de la marche en 2010. J'ai laissé une marge de discussion en ce qui concerne les références historiques, afin de ne pas imposer toutes les mesures d'en haut. Sur les 11 %, quel que soit votre désir de me voir prendre une décision tout de suite, j'écoute d'abord la profession. Peut-être est-il possible de créer une forme de solidarité. Nous prendrons ensuite nos responsabilités. Encore une fois, ce n'est pas par plaisir que nous agissons ainsi, mais dans un souci d'équité. Dans cet esprit, nous travaillerons à soutenir en 2010 la mise en oeuvre des mesures du bilan de santé, comme l'ont souhaité le chef de l'État et le Premier ministre.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

Nous en venons à trois questions du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.

La parole est à M. Rémi Delatte.

Debut de section - PermalienPhoto de Rémi Delatte

Monsieur le ministre, vous ne manquez jamais de rappeler que le bilan de santé rend la politique agricole commune plus juste, plus durable et plus préventive. Dans le même temps, les agriculteurs la jugent incertaine pour leur avenir et source de déséquilibre entre les productions et les territoires, même s'il faut saluer les avancées très positives que constituent certaines nouvelles mesures, dont nous vous remercions.

Je souhaite vous interpeller sur la situation particulière des productions SCOP des régions intermédiaires, dont les références sont limitées par leur potentiel agronomique.

Vous le savez, la profession adhère aux principes de la solidarité et du rééquilibrage des aides par la modulation. Cependant, l'article 63 doit être appliqué avec discernement, tant pour revoir le niveau des prélèvements, afin de compenser les handicaps naturels, que pour étaler dans le temps l'application de ces prélèvements afin d'en limiter la brutalité.

Vous disposez actuellement de marges de manoeuvre sur des crédits issus des aides découplées. Je souhaite qu'elles vous permettent de répondre à l'appel des producteurs SCOP des régions intermédiaires, qui représentent presque 2,5 millions d'hectares bien utiles pour notre balance commerciale. Un complément de 50 euros par hectare représenterait une enveloppe de 125 millions d'euros. Sans cette aide, de nombreux exploitants connaîtront des difficultés financières majeures et les jeunes agriculteurs perdront tout espoir de s'installer dans nos régions, pourtant de tradition agricole.

L'immense préoccupation du monde agricole peut être illustrée par deux chiffres. L'incidence du bilan de santé pour la Côte-d'Or représente un solde négatif de 21,3 millions d'euros, soit une baisse de 40 % à 60 % du revenu net de la « ferme polyculture ».

Je vous sais ouvert à l'examen de ce lourd dossier. Nous comptons sur votre bienveillante attention.

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Branget

Monsieur le ministre, j'appelle votre attention sur les différences de réglementation entre les États membres de l'Union européenne, lesquelles peuvent aboutir à une distorsion de concurrence au détriment des professionnels comme du consommateur, certains écarts de prix pouvant être importants.

De manière légitime, les exigences environnementales sont de plus en plus importantes. Mais leurs traductions en termes de contraintes ne sont pas équivalentes d'un pays à l'autre. Notre réglementation est souvent plus stricte que les directives européennes. Ainsi, depuis plusieurs années, les producteurs français, notamment de fruits et légumes, dénoncent les différences de coût des produits phytosanitaires et leur plus grande disponibilité dans d'autres pays européens. C'est également le cas, depuis l'ESB, en matière de production animale. Les obligations des professionnels concernant les dévertébrés sont beaucoup plus contraignantes en France que chez nos voisins. L'absence d'uniformisation des conditions de découpe et d'équarrissage fragilise donc notre filière.

Dans le souci de lutter efficacement contre les risques sanitaires et de respecter notre environnement, comment peut-on harmoniser les réglementations des États membres sans pour autant pénaliser la compétitivité de notre agriculture ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

Monsieur le ministre, personne ne conteste la nécessité du rééquilibrage que vous avez évoqué à plusieurs reprises, mais c'est sur sa définition que les avis peuvent diverger. À nos yeux, il faut rechercher l'accompagnement le plus performant pour la totalité de la ferme France. Par conséquent, loin de nous l'idée d'opposer telle région ou telle production à telle autre.

Vous avez rappelé à l'instant les cours des céréales, que nous connaissons tous : de 280 dollars en décembre 2007 ou en janvier 2008, ils sont tombés aujourd'hui à 130 dollars, et la tendance haussière que vous avez mentionnée reste une hypothèse. La réalité, sur le terrain, c'est la brutalité de l'application de l'article 63, avec ses conséquences bien connues. Vous avez rappelé la hauteur des marches dans les zones intermédiaires, mais, comme la baisse des cours, elle s'applique partout : toutes les régions céréalières sont frappées, même celles qui investissent depuis des années en recherche et développement, notamment dans l'utilisation de la biomasse, et même celles qui font vivre les industries connexes, notamment dans le secteur du machinisme agricole.

Je partage votre analyse sur les outils assurantiels, car c'est la question du revenu des exploitations qui doit nous rassembler. Dans ma région, une exploitation correspond en moyenne à quatre emplois. Le vrai problème est de savoir comment faciliter, grâce à une DPA élargie à la notion économique, la constitution d'une épargne professionnelle qui permette aux chefs d'exploitation d'assumer leurs responsabilités et de maintenir les emplois, c'est-à-dire finalement de faire un pas important vers une agriculture autonome et responsable. C'est ce que recherchent aujourd'hui les agriculteurs qui font vivre la ferme France. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienMichel Barnier, ministre de l'agriculture et de la pêche

M. Delatte a évoqué les régions intermédiaires. C'est une question que j'ai mise en débat, le 23 février. Pour répondre à son interpellation et à celle de Mme Vautrin sur la diminution du revenu des agriculteurs, je veux rappeler le contexte économique dans lequel nous travaillons et qui sera celui de 2010. Je n'ai pas la prétention de prévoir la conjoncture des marchés, mais tous les experts nous assurent que les prix sont durablement orientés à la fermeté, compte tenu d'une situation mondiale marquée par la différence durable entre l'offre et la demande de céréales, laquelle augmente dans les pays émergents, et par les accidents climatiques qui frappent certaines régions du monde.

La baisse des aides que nous avons décidée correspond, pour une exploitation de grande culture, à dix euros par tonne, ce qui est parfaitement supportable dans un contexte où les prix s'orientent à la fermeté. Je rappelle que par ailleurs, dans toute l'agriculture, les charges sont à la hausse et les prix à la baisse. Le ministre de l'agriculture que je suis ne peut que constater que la situation d'autres filières est bien plus difficile : le revenu des certains agriculteurs est deux à quatre fois inférieur à celui des céréaliers ; quant aux éleveurs ovins, ils vivent avec 4 000 ou 5 000 euros par ans, et leurs charges augmentent. Telles sont les conditions dans lesquelles les mesures de réorientation ont été décidées. Mais je suis heureux de vous confirmer, monsieur Delatte, que nous prendrons en compte, au terme de la concertation que je mène en ce moment, les difficultés particulières que connaissent les zones intermédiaires.

Mme Vautrin a rappelé le contexte dans lequel nous travaillons : le marché des céréales, totalement ouvert sur le monde, connaît une extrême volatilité des prix, d'autant que les instruments communautaires de régulation se sont effrités avec le temps, quand ils n'ont pas été détricotés. Quant aux outils nationaux, ils sont trop rigides et trop statiques.

Cependant, nous avons commencé à revoir la couverture des risques agricoles. Dans la loi de finances pour 2009, nous avons créé une véritable dotation pour aléas. Mais celle-ci est perfectible, car il est possible de travailler dans le sens d'un aléa économique. Nous expérimenterons ce type d'assurance dès 2010. En outre, j'ai prévu dans le bilan de santé la possibilité d'introduire une couverture des risques dans le premier pilier, ce qui était loin d'être acquis. Je pense que nous aurons l'occasion, par la contractualisation et la consolidation des filières, d'améliorer la situation et de trouver les bons outils, lorsque la loi de modernisation sera discutée par le Parlement, en fin d'année. Mais n'oublions pas l'essentiel : les marchés ne peuvent gouverner seuls l'agriculture. Il faut une régulation européenne et mondiale. Tel est précisément l'objectif du Président de la République.

Mme Branget a soulevé un problème important. Nous devons apporter à la préférence communautaire, qui est loin d'être un gros mot, de nouvelles exigences, notamment pour la vérification des produits qui entrent en Europe, lesquels doivent respecter les normes – notamment pour la santé des consommateurs – que nous imposons à nos producteurs. Mais le problème se pose aussi à l'intérieur de l'Europe. Pour avoir beaucoup travaillé sur les phytosanitaires, très utilisés dans l'arboriculture, je sais que certains produits interdits chez nous sont autorisés ailleurs. Il faut donc que toutes les institutions européennes jouent leur rôle.

Concernant les phytosanitaires, nous sommes parvenus pour la première fois, sous la présidence française, à un accord sur le paquet pesticides, première étape vers une harmonisation. Mais, dans tous les domaines où des pratiques différentes risquent de causer une concurrence déloyale, je suis décidé à rechercher, avec la Commission européenne, de bons outils d'harmonisation.

D'elle-même, la France a décidé de réduire de moitié l'usage des phytosanitaires dans les dix ans qui viennent. Au cours du Grenelle de l'environnement, un consensus s'est établi, pour le paquet Écophyto 2018, entre les agriculteurs, les producteurs et les industriels pour relever ce défi, qui suppose un considérable effort de recherche. Mais l'absence de concurrence déloyale est également indispensable. C'est pourquoi je vous rejoins, madame Branget, sur la nécessité de bâtir des outils d'harmonisation à l'intérieur de l'Union européenne.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

Nous en venons à trois questions du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.

La parole est à Mme Martine Faure.

Debut de section - PermalienPhoto de Martine Faure

Monsieur le ministre, la révision de la politique agricole commune pour la période 2009-2013 comporte notamment un volet de réorientation des aides. L'idée peut paraître acceptable quand on cible les zones de grande culture céréalière. Mais le système proposé fragilise très concrètement les exploitations situées dans les zones intermédiaires, qui n'ont pas les mêmes niveaux de marge bénéficiaire que les exploitations des grandes zones de monoculture. Ce dispositif se retournera contre les plus faibles.

Une étude de l'INRA, parue le 20 mars sous la signature de MM. Chatellier et Guyomard, montre que, dans ces zones, les choix opérés par le Gouvernement conduiront à une forte baisse de revenu. Selon ces auteurs, qui font autorité sur les sujets touchant à l'économie agricole, « cela pose la question de la capacité de certaines unités de ces zones à faire économiquement face aux évolutions programmées. »

Si la question de l'évolution des prix est essentielle, la volatilité toujours plus grande que nous constatons est d'autant plus dangereuse pour ces exploitations. Que dire de ceux qui produisent dans ces zones, outre les céréales, du lait ? La crise des revenus, déjà très forte, va devenir dramatique si l'on ajoute les réorientations.

Monsieur le ministre, quelles mesures comptez-vous mettre en place rapidement afin de pérenniser ces exploitations ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Gaubert

Monsieur le ministre, je vous invite à relire, après les échanges un peu vifs que vous avez eus avec M. Germinal Peiro, l'accord du 24 mars 1999. Comme vous êtes un homme honnête, je pense que vous conviendrez qu'il est différent de ce que vous avez traduit.

Je souhaite vous interroger sur la crise porcine qui touche la Bretagne, région dont je suis l'élu, mais aussi l'ensemble de la France. Traditionnellement, on parle de cycle du porc. Or, actuellement il n'y a plus de cycle du porc, et les producteurs se trouvent depuis deux ans dans une situation très difficile. Au printemps 2008, on a cru que celle-ci allait s'améliorer. Certes, les cours se sont relevés mais, comme les prix des céréales ont flambé, cela n'a eu aucune conséquence positive pour les producteurs de porc.

Cet automne, la situation est devenue encore plus compliquée puisque, alors que le prix de marché des céréales était de 150 euros la tonne, les éleveurs continuaient d'alimenter les porcs avec des céréales achetées, avant la récolte, au prix de 250 euros la tonne. On a beaucoup parlé des traders en matière financière, mais pas beaucoup des traders spécialisés dans l'achat de céréales. Ils ont rendu un grand service aux céréaliers au mois de mai 2008, mais un très mauvais service aux éleveurs de porc et de volaille à l'automne, puisqu'ils avaient spéculé à la hausse sur les céréales.

La situation est d'autant plus dramatique qu'il est très difficile de répercuter ces prix face à la grande distribution. En effet, la loi LME, que mon groupe et moi avons désapprouvée, ne permet pas d'aider les agriculteurs à répercuter leurs prix, dans la mesure où la distribution fait encore plus fortement pression sur les petits industriels spécialisés dans la transformation.

Monsieur le ministre, quelles mesures envisagez-vous de prendre pour aider les éleveurs de porcs, qu'il s'agisse de mesures de stockage ou de dégagement ? Vous le savez, c'est la première fois que certains gros éleveurs bretons ont dû déposer leur bilan. Peut-on revoir les conditions d'échanges avec la grande distribution, conditions qui, si rien n'est fait, risquent de peser très lourdement sur l'économie de la Bretagne dans les années qui viennent ?

Debut de section - PermalienPhoto de Chantal Robin-Rodrigo

Monsieur le ministre, je souhaite revenir sur la crise des producteurs de lait.

Actuellement, le prix de vente de la tonne de lait se négocie dans mon département aux alentours de 200 euros, alors que le prix de revient est de 350 euros. C'est inacceptable, et la situation est intenable pour nombre de producteurs laitiers.

Ma question a trait, plus précisément, à la différence entre le prix d'achat aux producteurs et le prix de revente aux consommateurs. Comptez-vous engager des discussions entre producteurs, transformateurs, distributeurs et consommateurs pour dégager un accord susceptible de pérenniser la filière ?

Comme les producteurs laitiers et vous-même, je pense qu'il est indispensable de conserver une forme de gestion des volumes pour maintenir le prix du lait.

Par ailleurs, comptez-vous engager des démarches au plan national et européen pour fixer un prix de référence européen pour la vente du lait et assurer ainsi une égalité entre producteurs ?

Debut de section - PermalienMichel Barnier, ministre de l'agriculture et de la pêche

En ce qui concerne les céréales, sujet évoqué cet après-midi par nombre de parlementaires – ce que je comprends très bien –, nous avons deux démarches concomitantes : réduire la hauteur de la marche pour les céréaliers, comme je l'ai déjà indiqué à plusieurs reprises ici, notamment si les prix ne sont pas au rendez-vous ; mettre en place une mesure spécifique dans les zones intermédiaires.

En annonçant ces mesures, j'ai indiqué que nous avions besoin de plusieurs semaines pour travailler sérieusement. Ces mesures devront être notifiées au plus tard fin juillet ou début août. À cet effet, des groupes de travail ont commencé de se réunir pour préciser les modalités de mise en oeuvre du cadre général fixé par le Gouvernement en accord avec le chef de l'État. Pour les zones intermédiaires, nous travaillons sur ce plan d'accompagnement. Parmi les dispositifs envisagés, on peut citer les mesures rotationnelles.

Vous avez évoqué également les exploitations mixtes qui bénéficieront d'un retour dans le cadre de cette réorientation, notamment d'un retour sur la prime à l'herbe.

J'en viens maintenant à la question de M. Gaubert. Tout à l'heure, j'ai évoqué ce qui se passe dans toutes les filières, à l'exception du secteur des grandes cultures, ouvert sur le marché mondial avec des prévisions de prix plutôt fermes. J'ai indiqué que, dans tous les autres secteurs, les charges augmentaient tandis que les prix baissaient. C'est précisément le cas pour la filière porcine où les coûts de production élevés, combinés à des cours très bas, conduisent à une situation d'endettement dramatique pour un grand nombre d'éleveurs. Voilà pourquoi j'ai décidé d'allouer une enveloppe d'un million d'euros d'allégements de charges aux éleveurs les plus touchés, éleveurs qui ont droit à un traitement individualisé. Dans le cadre du plan de soutien à l'agriculture française que nous avons mis en place en urgence au mois de novembre dernier, 250 millions d'euros ont été répartis entre les départements pour traiter cas par cas les exploitations en difficulté et leur proposer des allégements, des reports de charges fiscales, sociales ou bancaires. À cet égard, je remercie à nouveau la MSA et les banques d'avoir contribué à la bonne mise en oeuvre de ce plan.

Nous travaillons également, en partenariat avec les organisations professionnelles, à la construction d'un dispositif qui permettra aux éleveurs de tenir en attendant la remontée des cours qui, je l'espère, aura lieu prochainement. Comme vous l'avez demandé, ce dispositif, en cours de négociation avec la COFACE, concernera aussi les exportations.

J'ajoute que, lundi dernier, j'ai demandé, avec plusieurs de mes collègues ministres de l'agriculture, l'activation des restitutions aux exportations à la Commission, compte tenu de l'état du marché porcin dans toute l'Europe. Pour le moment, la Commission ne le souhaite pas, mais nous continuerons d'insister. Je sais d'expérience que, lorsque un certain nombre de pays soulèvent une vraie difficulté, la Commission finit, parfois avec un peu de retard, à en tenir compte.

Enfin, nous avons décidé d'aller vers la transparence des prix et des marges dans tous les domaines. S'il faut chercher des raisons à l'augmentation de certains prix à la consommation, ce n'est pas chez les producteurs de base qu'il faut le faire.

Debut de section - PermalienMichel Barnier, ministre de l'agriculture et de la pêche

Pour ma part, je n'ai pas peur de la transparence.

Dans le comité de pilotage mis en place pour les prix et les marges, le prix du porc a été le premier sujet à faire l'objet de la mise au point d'indicateurs. J'informe Mme Robin-Rodrigo que le deuxième sujet qui sera étudié, dans le cadre de l'observatoire des prix et des marges, est celui du prix du lait UHT.

C'est à partir de cette transparence, quand on saura comment se forment les prix, depuis celui, très modeste, payé au producteur, jusqu'à celui payé par le consommateur, que l'on pourra réduire, voire réprimer s'ils sont anormaux, certains comportements commerciaux, et avoir des bases de discussion plus équilibrées avec la grande distribution.

En ce qui concerne le prix du lait, nous avons préservé l'efficacité des mécanismes d'intervention, qui jouent en ce moment sur les restitutions et les stockages. J'ai obtenu deux rendez-vous de pilotage de la production laitière, en 2010 et 2012, à l'occasion desquels toutes les questions pourront être posées, y compris celle du maintien de la décision de supprimer les quotas laitiers.

Par ailleurs, nous avons pris, dans le cadre du bilan de santé, un certain nombre d'orientations qui intéressent directement le soutien aux producteurs laitiers, et que j'ai citées à plusieurs reprises.

Voilà pourquoi j'ai annoncé hier que nous avons décidé de geler le relèvement de 1 % des quotas pour ne pas ajouter à une production déjà trop abondante.

Enfin, dans la négociation entre industriels et producteurs, j'ai pris l'initiative, par voie d'amendement, de reconstruire le système d'encadrement de la négociation commerciale qui avait été supprimé, voire détricoté. Nous avons maintenant, grâce à vous, reconstruit l'encadrement législatif de cette négociation entre producteurs et transformateurs ou industriels. C'est dans ce cadre qu'il faut tenter d'obtenir la rémunération le plus équitable du travail des producteurs laitiers.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

Nous en venons à trois questions du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.

La parole est à M. Yves Cochet.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Cochet

Monsieur le ministre, ma question concerne l'agrobiologie.

Les aides européennes doivent favoriser et non dissuader les pratiques les plus respectueuses de l'environnement. L'accompagnement de la conversion vers l'agrobiologie devrait être l'une des priorités du modèle agricole européen. Or, les montants destinés à l'agriculture biologique demeurent insuffisants face aux enjeux et objectifs du Grenelle de l'environnement.

L'article 28 du projet de loi de programmation relatif à la mise en oeuvre du Grenelle de l'environnement, qui devrait nous revenir – on ne sait quand – du Sénat, prévoit que « l'État favorisera la production et la structuration de cette filière pour que la surface agricole utile en agriculture biologique atteigne 6 % en 2012 et 20 % en 2020 » – il ne faut pas traîner ! Un peu plus loin, l'alinéa 8 de l'article 42 du titre IV relatif à l'état exemplaire, prévoit que l'État se donne pour objectif de « recourir pour l'approvisionnement de ses services de restauration collective, à des produits biologiques pour une part représentant 15 % des commandes en 2010 et 20 % en 2012 ». Là encore, il ne faut pas traîner !

Comment atteindrez-vous ces objectifs en ne consacrant que 7 millions d'euros à la conversion biologique des exploitations agricoles, face aux 945 millions d'euros dégagés pour la modulation obligatoire décidée par l'Union européenne ?

Monsieur le ministre, est-ce de cette façon que vous voulez donner un coup d'accélérateur aux conversions des fermes vers l'agrobiologie ? Des mesures nationales supplémentaires seront-elles mises en place pour faciliter les transitions dans les pratiques biologiques pour sortir définitivement du productivisme agricole ?

Debut de section - PermalienPhoto de André Chassaigne

Monsieur le ministre, la question des quotas laitiers est d'une actualité que je qualifierai de bouillante. (Sourires.)

La situation que vivent les producteurs se complique chaque jour avec l'effondrement des prix du lait depuis deux ans. Ils n'attendent qu'une seule chose : bénéficier de prix d'achat rémunérateurs et vivre dignement de leur production.

Or, l'accord du 20 novembre dernier, qui organise la hausse de 1 % des quotas laitiers par an jusqu'en 2014, se traduira nécessairement par une offre supplémentaire pour les transformateurs et industriels et par une baisse des prix, d'autant que la remise en cause par la loi de modernisation de l'économie des modalités de fixation des prix donne une pleine liberté à la grande distribution pour tirer les prix vers le bas. Dans cette jungle, les producteurs voient, trimestre après trimestre, fondre le prix de la tonne de lait. Pour le secteur laitier, toute dérégulation se paie cash.

Lors du débat sur le volet agricole du projet de loi de finances pour 2009, je vous avais demandé de nous indiquer la position que la France comptait adopter sur la question des quotas. Vous m'aviez répondu que cette question était dépassée et qu'il s'agissait d'« accompagner la filière laitière jusqu'à cette échéance », ajoutant que vous n'accepteriez pas « un détricotage des quotas sans précaution ».

La réunion des ministres européens de l'agriculture du 23 mars dernier a montré que nous ne sommes plus seuls en Europe à percevoir tous les méfaits de la politique agricole libérale que défend la zélée commissaire Fischer Boel. Les positions de l'Allemagne, de l'Autriche, de la Hongrie, de la Slovaquie et de la Slovénie semblent se rapprocher. Vous avez d'ailleurs annoncé hier devant les représentants de la Fédération nationale des producteurs laitiers votre intention, « dans cette conjoncture dégradée », de « geler temporairement la distribution de 1 % de quotas supplémentaires pour la campagne 2009-2010. » C'est une bonne intention !

Monsieur le ministre, la France a-t-elle la volonté, avant le rendez-vous de 2010 sur le pilotage politique des quotas, de faire entendre raison à la Commission afin qu'elle revienne sur l'augmentation progressive et sur la suppression des quotas laitiers en 2014 ? De plus, le candidat aux élections européennes que vous êtes…

Debut de section - PermalienPhoto de André Chassaigne

…pense-t-il que le Parlement européen doit être plus offensif et ne pas se contenter d'obéir à Mme Fischer Boel ?

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Cochet

Monsieur le ministre, la réforme qui nous est proposée ne remédie pas entièrement à la répartition inéquitable des aides.

Je tiens à rappeler ici certains chiffres : aujourd'hui encore, 30 % des subventions versées au titre de la PAC reviennent à 1 % des exploitations agricoles, alors que la plupart de celles-ci pourraient se développer sans ces subventions. Des compagnies multinationales comme Nestlé, des terrains de golf ou encore des entreprises énergétiques comme RWE en Allemagne reçoivent des fonds de la PAC !

Je voudrais insister sur deux des critiques habituellement retenues.

Premièrement, le caractère inégalitaire de la PAC de 2003 et ses effets sont sans doute plus importants qu'on ne le reconnaît ordinairement. Une étude réalisée à l'INRA par Vincent Chatellier montre des écarts de soutien direct très forts selon les tailles d'exploitation, les filières et les régions.

En outre, il faut tenir compte de la cumulativité de ces écarts. Entre 2004 et 2008, ce sont ainsi près de 200 000 euros supplémentaires qui ont été injectés dans une exploitation d'Île-de-France par rapport à une structure équivalente du Languedoc. Comme pour le bouclier fiscal, on retient l'effet annuel alors qu'il s'agit d'effets qui se cumulent.

Monsieur le ministre, comment expliquez-vous le maintien de telles disparités et de telles inégalités de traitement ? Que comptez-vous faire pour remédier à cette situation scandaleuse ?

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Michel Barnier, ministre de l'agriculture.

Debut de section - PermalienMichel Barnier, ministre de l'agriculture et de la pêche

Monsieur Yves Cochet, en ce qui concerne l'agriculture biologique, j'ai lancé, avant même que vous ne m'interpelliez sur le sujet, un plan de soutien pour l'horizon 2012 en vue de tripler la surface cultivée en bio dans notre pays en la faisant passer de 2 % à 6 % de la surface agricole.

À cette fin, nous nous appuyons sur des mesures de structuration des filières – 3 millions d'euros par an pour soutenir des projets –, sur la recherche et l'innovation – 2 millions de projets ont déjà été retenues à travers un appel à projets d'innovation – et sur le développement des produits bio, notre objectif étant que la restauration collective d'État passe, d'ici à 2012, à 20 % de produits bio. Nous n'oublions pas non plus la formation, avec la généralisation, dans tous les lycées agricoles dont nous avons la responsabilité, de modules d'enseignement sur le bio, ni le soutien à la production. J'ai décidé en octobre 2008 de déplafonner les aides à la conversion – le plafond était de 7 600 euros par exploitation ; une enveloppe de 12 millions d'euros sur trois ans a été dégagée à cette fin. De plus, le crédit d'impôt sera doublé et son plafond porté à 4 000 euros.

À ces mesures nationales en faveur de l'agriculture biologique, il convient d'ajouter des mesures communautaires dans le cadre du bilan de santé que nous évoquons actuellement : 40 millions d'euros pour l'aide au maintien dans le premier pilier de l'économie agricole, dont le bio fait partie.

Enfin, la modulation s'ajoutera aux moyens existants.

Ce ne sont donc pas 7 millions d'euros sur 945 millions, qui seront consacrés sur la période à la conversion, mais plus de 80 millions – il faut donner des chiffres exacts ! J'ajoute qu'au moment où nous parlons toutes les demandes relatives au bio sont honorées.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Cochet

Les produits proviennent pour l'essentiel d'Italie et d'Allemagne !

Debut de section - PermalienMichel Barnier, ministre de l'agriculture et de la pêche

C'est précisément parce que la demande existe et que plus de la moitié des produits biologiques consommés par les Français sont importés que j'ai lancé ce plan en vue de renforcer la capacité nationale de production de produits bio.

Monsieur Chassaigne, je ne reviendrai pas sur la question des quotas laitiers, que j'ai déjà abordée. J'aurais pu, du reste, également répondre à Mme Robin-Rodrigo, qui souhaitait la fixation d'un prix au plan européen, que nous ne sommes plus dans le cadre de l'économie administrée. Je me suis attaché à apporter des réponses précises aux questions qui ont été posées et à fournir, notamment dans les zones de piémont et de montagne, des soutiens nouveaux à la production laitière, en particulier une prime à l'herbe.

Nous avons désormais deux nouveaux rendez-vous qui permettront aux ministres alors en fonction et aux parlementaires européens de poser toutes les questions sur la production laitière en fonction de l'état du marché. Les esprits évoluent, vous avez eu raison de le rappeler. Il y a à peine deux ans, certains ministres, notamment ceux des nouveaux États membres, pensaient qu'il fallait augmenter les quotas laitiers, jusqu'à 2 % par an, avant de les supprimer ! Je leur avais répondu que c'était insensé. Or, depuis quelques semaines, les mêmes ministres se rendent compte qu'ils sont, eux aussi, confrontés à une surproduction qui risque de conduire tout droit à l'effondrement des cours. On doit maîtriser la production !

D'une manière générale, je ne crois pas à l'ultralibéralisme en matière d'alimentation et d'agriculture : je vous l'ai déjà dit et je le répète, le marché n'apporte pas toutes les réponses dans ces domaines où nous avons besoin d'outils de régulation et de maîtrise de la production, en particulier dans le secteur laitier, qui est l'un des plus sensibles et des plus volatiles. Ces deux rendez-vous pourront être utilement saisis par les pouvoirs publics qui seront alors en place pour poser ces questions. C'est du reste en vue de maîtriser la production que j'ai annoncé hier le gel du 1 % attribué au plan européen. Nous verrons au début de l'été, en fonction de l'état du marché, s'il convient de rendre ce gel définitif.

Monsieur Cochet, en ce qui concerne la répartition des aides, donnez-moi acte qu'un grand nombre d'occasions se sont présentées par le passé de revoir la répartition des aides agricoles et qu'elles n'ont pas été saisies.

Debut de section - PermalienMichel Barnier, ministre de l'agriculture et de la pêche

Donnez-moi également acte que, dans les décisions que nous prenons dans le cadre du bilan de santé, nous réorientons pour la première fois depuis longtemps le système des aides, en le resserrant, pour plus de justice.

Lorsque nos décisions seront appliquées, c'est-à-dire à partir de 2010 – ce n'est pas si loin –, plus d'une exploitation sur deux, en France, bénéficiera d'un niveau moyen d'aide compris dans une fourchette allant de 200 à 350 euros par hectare, ce qui permettra d'augmenter de moitié, par rapport à aujourd'hui, le nombre d'exploitations destinataires de ces aides. Ce resserrement nous permettra donc bien d'aller vers plus d'équité et donc de justice.

Par ailleurs, de même que nous avons rendu publiques en septembre dernier les aides du deuxième pilier en vue d'assurer la plus grande transparence, de même, le 30 avril prochain, nous rendrons publiques les aides directes nominatives du premier pilier pour toute la France et pour toute l'Europe – c'est en effet une obligation européenne.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

J'appelle la dernière question du groupe Nouveau Centre.

La parole est à M. Thierry Benoit.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Benoit

Monsieur le ministre, je souhaite aborder la question des prix à la production et à la consommation.

Il y a quelques mois, les producteurs laitiers se sont retrouvés dans une situation de blocage dans leurs négociations avec les industriels sur le prix du lait, et le problème persiste. Le renchérissement des prix de l'énergie, des aliments du bétail et des engrais, ainsi que le retournement du marché, en progression en 2008 mais déjà fragilisé par les réformes successives du cadre européen, sont à l'origine d'un grand nombre de difficultés.

C'est pourquoi j'appelle votre attention sur le décalage, dont la crise a révélé l'existence, entre l'évolution des prix à la production et celle des prix à la consommation. En effet, lorsque les prix à la production augmentent, ceux à la consommation suivent mais, inversement, lorsque les prix à la production baissent, ceux à la consommation ne les imitent pas.

L'observatoire des prix et des marges, qui a été mis en place, a permis d'étudier les variations des prix pratiqués par la grande distribution. Sous cette pression, les entreprises de grande distribution ont annoncé, il y a une semaine, qu'elles répercuteraient intégralement toutes les baisses de tarifs obtenues dans les négociations commerciales avec les fournisseurs. En effet, c'est bien la question des marges qui se pose, marges sur lesquelles, aujourd'hui, il n'existe toujours aucune étude transparente et précise.

J'aimerais donc savoir, monsieur le ministre, non tant ce que vous comptez faire que ce que nous pouvons faire pour permettre à nos agriculteurs de résister à la pression exercée par la grande distribution et de continuer à travailler, comme ils le souhaitent, à nourrir la population au prix le plus juste.

Debut de section - PermalienMichel Barnier, ministre de l'agriculture et de la pêche

Monsieur le député, une des réponses réside dans la maîtrise des productions afin d'éviter la constitution, que nous avons connue il y a quelques années, de montagnes de lait en poudre ou de beurre. Il ne faut plus produire n'importe quoi n'importe où ! Je vous dis, monsieur Benoit, la même chose qu'à M. Chassaigne : nous devons conserver des outils de maîtrise de la production, notamment dans le secteur laitier.

Vous avez, par ailleurs, raison de rappeler que, dans de nombreux secteurs agricoles, l'évolution des prix à la consommation ne suit pas celle des prix à la production, notamment en cas de baisse des prix payés aux éleveurs : c'est précisément ce qu'a démontré le rapport que j'avais demandé, en tant que ministre de l'agriculture, à M. Besson, alors secrétaire d'État chargé de la prospective. Nous avons désormais la preuve de ce décalage, ce qui m'a donné des arguments supplémentaires pour obtenir la création, qui n'était pas évidente, de l'observatoire des prix et des marges que vous avez évoqué. Je le répète : les paysans et les éleveurs n'ont pas peur de la transparence ! Ils n'ont aucune raison de craindre que les consommateurs connaissent la façon dont se constituent les prix et les marges. Je suis un partisan de la transparence, tant en ce qui concerne le montant des aides agricoles versées par l'Europe que la constitution des prix et des marges, cette transparence devant reposer sur la construction d'indicateurs.

Le lait UHT méritera d'autant plus d'être, avec le porc, l'un des sujets étudiés par l'observatoire des prix et des marges, que nous sommes un des rares pays européens où la grande distribution est concentrée entre les mains de quatre ou cinq grands groupes seulement. C'est pourquoi nous avons voulu, dans le cadre de la loi de modernisation de l'économie, et avec l'aide du Parlement, recréer de la concurrence dans ce domaine, afin que les négociations des producteurs avec la grande distribution ne se fassent plus à armes trop inégales. La consolidation par la loi, grâce à vous, du cadre interprofessionnel des négociations commerciales a permis la consolidation de l'interprofession laitière. C'est donc dans le cadre stable de cette loi que doivent se dérouler les négociations entre les producteurs et les industriels. Je le répète, nous ne sommes plus dans le cadre d'une économie administrée : aussi n'appartient-il pas aux gouvernements, encore moins à Bruxelles, de fixer le prix du lait. La négociation, encadrée par la loi et fondée sur des indicateurs, permettra de fixer une rémunération équitable du travail des éleveurs.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

Nous en venons à trois questions du groupe UMP.

La parole est à M. Michel Raison.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Raison

Monsieur le ministre, tout ce que j'ai entendu me donne l'impression qu'il existe une certaine confusion quant au rapport entre les aides reçues par les exploitations et leurs revenus. Les aides n'ont jamais été proportionnelles au revenu, étant donné que celui-ci dépend, d'une part, du talent de l'agriculteur, et, d'autre part, des charges et du marché. Des disparités de revenu existent donc évidemment, et vous avez bien fait de chercher à les rééquilibrer, notamment dans le secteur ovin, où elles étaient criantes ; les mesures que vous avez prises pour y remédier ont du reste fait l'unanimité.

En revanche, ne rêvez pas : quel que soit le ministre de l'agriculture, de nouvelles disparités surgiront toujours, ne serait-ce que du fait de la volatilité des cours.

Plus l'Europe affaiblira les systèmes de régulation du marché, plus on déplorera de disparités. Or, monsieur le ministre, comme chaque agriculteur – qu'il s'agisse d'un céréalier ou d'un éleveur de montagne – est le serviteur de la France, je souhaite savoir comment vous comptez utiliser les quelques marges de manoeuvre qui nous restent pour rééquilibrer quelque peu les productions entre elles, grâce aux leviers que constituent les aides ; je pense notamment aux 514 millions d'euros provenant des grandes cultures, ou aux 90 millions d'euros provenant de la prime au maintien des vaches allaitantes.

Il s'agit d'un des points les plus importants du débat, puisque nous devons continuer de préparer avec acharnement la réforme de 2013 – travail que vous avez fort bien entamé d'ailleurs. Il s'agit en effet de prendre des mesures progressives afin que les changements ne soient pas trop brutaux, ainsi que l'ont souhaité plusieurs intervenants. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Patria

Monsieur le ministre, il n'est pas choquant qu'à l'occasion du bilan de santé de la PAC on transfère une partie des soutiens aux productions végétales vers certaines productions animales dites fragiles ; c'est même normal. Ce qui est choquant, en revanche, c'est la brutalité avec laquelle ces décisions sont exécutées.

Il faut procéder de manière progressive, de sorte que chacun adapte son exploitation à cette inévitable baisse des aides. Ce rééquilibrage, du reste accepté par tout le monde, doit être étalé dans le temps et le prélèvement rester modéré et progressif.

Pour bon nombre d'exploitations céréalières ou mixtes – polyculture-élevage, le plus souvent polyculture-élevage bovin – situées pour l'essentiel dans le Nord, dans le grand Nord-Est ou bien dans le Centre, on arrive à 22 % de prélèvements en additionnant le rééquilibrage des aides et la modulation supplémentaire.

En répondant à Rémi Delatte, monsieur le ministre, vous avez affirmé que l'impact de la baisse des aides correspond à 10 euros par tonne. Pouvez-vous nous préciser comment vous parvenez à ce chiffre ?

L'ensemble de ces mesures peut se traduire par une baisse de revenu allant jusqu'à 30 %. Ce n'est pas économiquement supportable, et un grand nombre d'exploitations vont se trouver dans des situations financières sans issue. Le mythe des grandes cultures générant de confortables revenus a vécu. Les jeunes qui viennent de s'installer et qui sont endettés ne pourront remplir leurs engagements vis-à-vis de leurs banques.

Vous tablez, monsieur le ministre, sur une hausse du prix des céréales. Avec tout le respect que je vous dois, cette hypothèse me paraît très hasardeuse car personne n'est capable de savoir quel sera le niveau des prix dans les années à venir. Et si, par hasard – j'espère me tromper –, les cours baissaient, que deviendraient les exploitations céréalières ?

Il convient donc de prendre des mesures pour éviter de mettre en difficulté bon nombre d'exploitations céréalières ou mixtes. Le rééquilibrage implique un lissage dans le temps pour permettre aux agriculteurs de s'adapter. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Vasseur

Monsieur le ministre, la France est, avec une production de 60 millions de tonnes, le premier producteur de céréales de l'Union européenne et le cinquième du monde, performance remarquable pour un pays de cette taille. Quant à nos industries de transformation de grains, elles comptent parmi les plus performantes de la planète, telle la malterie qui tient le premier rang mondial.

L'importance de la France dans les échanges internationaux de céréales est donc considérable. Le secteur dégage d'ailleurs des excédents structurels et sa contribution à l'équilibre de la balance commerciale a atteint 6,5 milliards d'euros l'an passé.

Les mécanismes publics d'intervention sur les marchés, véritables filets de sécurité seuls à même de permettre leur stabilisation en cas de crise, étaient jusqu'à présent permis.

Or le bilan de santé de la PAC pour le secteur des céréales introduit désormais un plafonnement de 3 millions de tonnes pour les achats publics de blé tendre, ce qui correspond à la moyenne des achats publics des dix dernières années. Au-delà, c'est l'adjudication qui prend le relais. Pour l'orge, le riz et le blé dur, le principe de l'intervention est, comme c'est aussi le cas pour le maïs, tout simplement supprimé, le plafond étant fixé à zéro à cause de la situation actuelle du marché.

Il est évident que, compte tenu du niveau des prix de leurs marchés et des coûts de transport plus bas que les nôtres, les nouveaux États membres vont se porter candidats au régime d'intervention avant les pays membres depuis longtemps tels que la France et l'Allemagne.

Par conséquent, monsieur le ministre, quels outils comptez-vous mettre en place et utiliser afin de permettre aux agriculteurs de l'Aisne et, bien entendu, des grands départements céréaliers, d'exporter leurs céréales dans des conditions rémunératrices ? (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

Debut de section - PermalienMichel Barnier, ministre de l'agriculture et de la pêche

Je remercie Michel Raison et Christian Patria d'avoir rappelé, au début de leur intervention, la nécessité d'un rééquilibrage. Mes services y ont travaillé puisque nous en avions la possibilité.

Je rappelle que les 514 millions d'euros évoqués par Michel Raison correspondent à la somme que nous n'avons pas prélevée sur les 11 % restants des aides découplées des grandes cultures. J'ai mis en discussion la possibilité pour la profession d'utiliser cette somme pour que des exploitations céréalières exercent leur solidarité au profit des exploitations des zones intermédiaires, qu'elles soient mixtes ou de taille réduite. Nous verrons à quelles conclusions aboutira cette concertation. Nous prendrons nos responsabilités. Utiliserons-nous totalement ou en partie ces 11 % ? Trouverons-nous un autre moyen de soutien pour les zones intermédiaires ? Toutes les voies seront explorées sans a priori idéologique. Ainsi, l'idée d'une rotation pour les zones intermédiaires n'est pas exclue. Nous avons besoin de quelques semaines pour travailler sur ces questions et nous en parlerons ensemble.

Le Président de la République et le Premier ministre m'ont demandé d'exploiter toutes les possibilités pour définir un plan d'accompagnement substantiel, sérieux, afin que l'ensemble des exploitations des zones intermédiaires passent le cap de 2010 sans difficultés excessives.

Vous avez raison, monsieur Raison : des disparités demeurent quel que soit le ministre en place. Donnez-moi au moins acte de m'être efforcé, à l'aide des outils dont je disposais, de les avoir réduites en partie même si, hélas, elles subsisteront. Il suffit de considérer le niveau moyen des revenus entre les différentes filières de l'agriculture.

Je l'ai déjà dit : je suis le ministre des agricultures françaises. Or, au sein de ces agricultures, nombre d'hommes et de femmes – n'oublions pas les femmes chefs d'exploitation ni les conjointes d'agriculteurs – vivent en travaillant durement avec très peu d'argent. Je garde ainsi en mémoire des rencontres émouvantes avec des agriculteurs qui doivent faire vivre leur famille avec 4 000 euros par an – aides européennes comprises !

Quand vous êtes ministre, vous avez un devoir de justice et d'équité. J'ai tâché de remplir ce devoir fort d'une conviction, monsieur Patria : si nous ne donnons pas à cette politique agricole la mission de parvenir à davantage d'équité et de justice, nous avons beaucoup à craindre de l'échéance de 2013. Nous devons donc donner à cette politique une double légitimité : à l'intérieur du monde agricole, afin que la moitié des paysans cessent de considérer – pas forcément à tort aujourd'hui – que la politique agricole commune n'est pas équitable, mais aussi dans le reste de la société, où il faut chercher à renforcer le soutien à cette politique qui répond aux exigences de sécurité et de qualité alimentaires, et d'équilibre de l'emploi dans les territoires.

Je souhaite qu'après 2013 cette politique continue de soutenir l'ensemble des exploitants de manière différenciée, y compris les producteurs de grandes cultures. Je rappelle que, sur les 8 milliards d'euros d'aides directes du premier pilier, 5 milliards sont globalement attribués aux producteurs de grandes cultures.

J'ai par ailleurs été interrogé sur le fait de savoir comment j'étais parvenu à chiffrer la baisse des aides à quelque 10 euros par tonne. Nous avons décidé d'un prélèvement de 65 à 85 euros par hectare hors modulation. Si l'on prend un rendement moyen de 6 à 7 tonnes par hectare, on aboutit bien à 10 ou 12 euros par tonne, ce calcul demeurant certes global et approximatif.

Ensuite, et toujours pour répondre à Mme Vasseur, je précise que le régime d'intervention est destiné à offrir un filet de sécurité pour les années où le marché continuerait de trop se détériorer. La Commission proposait à l'origine de tout détricoter. Nous sommes parvenus, totalement pour les produits laitiers et globalement pour les céréales, à préserver ce système d'intervention.

Dans le bilan de santé de la PAC, nous avons obtenu une amélioration sensible de la proposition de la Commission. Ainsi, madame Vasseur, le blé tendre bénéficiera d'un contingent annuel à prix fixe de 3 millions de tonnes, soit la moyenne des dix dernières années, ce qui reste raisonnable et permettra de dégager des quantités excédentaires sur le marché communautaire et de tirer l'ensemble des prix à la hausse, y compris sur le marché français. Au-delà, la Commission pourra se porter acquéreur de quantités supplémentaires par adjudication. Son utilisation actuelle dans le secteur du lait montre que la commission sait aussi se montrer réactive et pragmatique et ne pas tirer les prix à la baisse, comme on pouvait le craindre.

Enfin, le compromis final du bilan de santé de la PAC prévoit également la possibilité d'intervenir par adjudication sur les autres céréales. Le taux est de zéro mais la possibilité n'est pas supprimée : on peut donc toujours l'activer pour le maïs et pour l'orge.

Voilà quels moyens de régulation nous avons maintenus. Je persiste à penser que l'agriculture a besoin d'outils de maîtrise de la production et d'outils de régulation.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

Nous en venons à trois questions du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.

La parole est à Mme Catherine Quéré.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Quéré

Monsieur Barnier, vous venez de nous dire que vous étiez le ministre des agricultures. Une agriculture n'a pas encore été évoquée : la viticulture. Laissez-moi vous faire part de la très grande inquiétude de plusieurs régions viticoles, en particulier des deux Charentes, à propos de l'application de la libéralisation des droits de plantation.

L'objectif de l'OCM 479-2008 est en effet de libéraliser les droits de plantation dans les zones dites compétitives et porteuses. Cette idée nous inquiète car je vous rappelle que la vigne est une plante pérenne qui n'arrive à maturité qu'au bout de quatre ans au moins ; l'on ne saurait donc planter ou arracher des vignes au gré des fluctuations du marché avec le risque d'être toujours en décalage.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Quéré

De plus, le cas des Charentes est particulier car le cognac est pour la France une AOC et, pour l'Europe, une indication géographique du produit fini. Or si l'Union européenne semble prête à revoir sa position pour les vins avec indication géographique, les vignes destinées au cognac ne sont pas concernées.

Nous craignons, en outre, que l'augmentation de la surface de production ait une incidence très négative sur l'économie du cognac, cette production étant structurellement cyclique.

Puisque nos vignes ont un double objet – elles produisent certes du cognac mais également des vins de pays et du pineau des Charentes –, comment pourrait-on, dans le cas où un encadrement serait pris sous indication géographique, sanctionner une production de pineau sur des vignes sans indication géographique ? Et je n'évoque pas le risque d'effondrement du prix des vignes !

Pour conclure, je vous demande de prendre en considération nos inquiétudes et de bien comprendre qu'une libéralisation de l'encadrement du potentiel de production ne servirait qu'à désorganiser une région dont les différents produits sont étroitement liés. Certes, le cas des deux Charentes est particulier, mais notre inquiétude est partagée par bien d'autres régions viticoles. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Plisson

Monsieur le ministre, l'honnêteté me commande de reconnaître en préambule que votre décision de réorienter une partie de l'enveloppe de la PAC vers les agricultures fragiles va dans le bon sens...

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Plisson

…même si cette démarche arrive bien tard et si le transfert de 1,4 milliard d'euros est globalement insuffisant, en particulier en ce qui concerne l'aide aux agricultures durables, qui ne bénéficient que de 129 millions d'euros, soit moins de 10 % du budget global.

L'enveloppe de 7 millions d'euros dédiée à la conversion à l'agriculture biologique n'est pas à la hauteur de l'engagement du Grenelle de parvenir à 6 % des surfaces en 2012.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Plisson

Ces objectifs sont pourtant déjà nettement insuffisants, compte tenu de l'état de la planète et des atteintes à la santé, mais aussi au regard des demandes des citoyens et de la restauration collective.

Nous sommes confrontés là, en effet, à un double danger : celui de sélectionner la clientèle par le prix, ce qui ajoute une injustice supplémentaire dans un monde qui en produit déjà trop, et celui d'importer ces produits biologiques à grands frais et avec un bilan carbone annulant, au bout du compte, ses bénéfices.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Plisson

De même, on peut regretter que n'ait pas été retenue la demande de suppression des références historiques, qui fait varier les aides obtenues en fonction du travail réalisé dix ans plus tôt.

Au moment même du lancement du plan « Terre 2020 », censé dessiner les contours du futur modèle agricole français, tous ces enjeux, qui sont pourtant au coeur des préoccupations des citoyens, n'apparaissent pas toujours comme une priorité du gouvernement auquel vous appartenez.

Pourtant la mode est au durable, et même s'ils vont dans le même sens – le bon –, je ne mettrai pas sur le même plan la mise en culture médiatique d'un potager bio à la présidence du pays de Monsanto et votre réorientation attendue d'une partie de l'enveloppe de la PAC…

S'il faut se féliciter de ce début de coming out concernant un ministère jusqu'alors inféodé aux lobbies productivistes,… (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Plisson

…peut-on attendre de votre successeur un engagement résolu dans le sens d'une agriculture durable, vitale pour la planète ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Fruteau

Monsieur le ministre, je souhaite attirer votre attention, vous n'en serez pas étonné, sur la situation très fragile de l'agriculture dans les départements d'outre-mer.

Vous connaissez parfaitement, je le sais, le contexte particulier qui caractérise nos productions agricoles : une configuration géographique spécifique, marquée par l'insularité et l'éloignement ; un climat générateur de risques importants et réguliers ; des contraintes d'ordre économique et social – je veux parler de l'étroitesse des marchés et de la dépendance par rapport à un petit nombre de productions, comme le sucre ou la banane.

Dans ce contexte spécifique, il serait plus que partout ailleurs illusoire de s'en remettre à ce que certains appellent « la main invisible du marché » pour établir un quelconque équilibre ! L'Union européenne l'a d'ailleurs assez bien compris, et elle a su utiliser, avec une certaine efficacité, des instruments économiques et financiers, comme les POSEI, ou juridiques, comme l'article 299-2 du traité d'Amsterdam, pour garantir le maintien d'une production agricole dans nos régions.

Depuis quelques mois, cependant, des interrogations se font jour, des inquiétudes s'expriment. Elles trouvent leur source dans ce débat sur le bilan de santé de la PAC : de quoi sera fait pour nous l'après-2013 ? Et, à ce titre, le fait que les vingt-sept États membres n'aient pas pu s'accorder vraiment sur la légitimité et l'importance de maintenir une PAC ambitieuse après cette date n'est pas de nature à nous rassurer.

Plus précisément, la renégociation de l'OCM sucre, prévue environ à la même date, amène à s'interroger sur la possibilité de consolider la filière canne-sucre-rhum, pilier de nos agricultures domiennes.

Enfin, les accords de partenariat économique, que la Commission européenne semble vouloir conclure à marche forcée, souvent malgré les réticences des pays ACP eux-mêmes, sont ressentis chez nous comme une menace, dans la mesure où ils sont de nature à modifier profondément l'environnement économique de nos départements.

Monsieur le ministre, j'aimerais savoir comment vous analysez cette situation et quelles initiatives le Gouvernement entend prendre pour faire face à ces incertitudes.

Debut de section - PermalienMichel Barnier, ministre de l'agriculture et de la pêche

Je réponds d'abord à la question de Mme Quéré concernant le droit de plantation pour la vigne. Je disais tout à l'heure que, lorsque je suis arrivé, il y a deux ans, au Gouvernement, nous avons reçu la proposition de la Commission sur l'OCM vitivinicole, proposition qui était incroyablement libérale, avec des mesures de dérégulation, d'arrachage général, de suppression des droits de plantation. J'avais dit à cette époque – je crois d'ailleurs que c'était l'une de mes toutes premières déclarations, à l'occasion de mon premier Conseil des ministres à Bruxelles – que cette proposition était insensée.

Nous sommes finalement parvenus, madame Quéré, à force de conviction, et en constituant des majorités qualifiées pour faire bouger la Commission, à un vote quasiment unanime sur la proposition finale.

Je pense que l'existence durable des droits de plantation est, s'agissant du vin, un élément essentiel de régulation, au même titre que d'autres outils de régulation dans d'autres domaines comme le lait ou le porc.

Au moment des discussions autour de l'OCM vitivinicole, la Commission proposait, je le rappelle, de supprimer totalement, à partir de 2013, le régime des droits de plantation. Je m'y suis vigoureusement opposé. Dans le compromis final, nous avons finalement obtenu le report à 2015 de la date prévue pour la suppression de ce régime, la possibilité pour les États membres qui le souhaiteraient de le maintenir au niveau national jusqu'en 2018, ainsi qu'une clause de rendez-vous. Il est en effet très important, dans les négociations européennes, de fixer des clauses de rendez-vous. Je disais tout à l'heure à ceux qui se préoccupent, comme moi, de la production laitière que les deux rendez-vous de 2010 et 2012 sont très importants. Je ne dis pas que, dans ces rendez-vous, l'on puisse tout démolir, revenir en arrière sur tout, mais au moins tout le monde se trouve-t-il réuni autour de la table, si bien que l'on peut obtenir des réorientations. Il y a donc une clause de rendez-vous communautaire en 2012, ce qui permettra d'examiner si le scénario de démantèlement de ce régime en 2015 est pertinent ou non.

Je pense que ce que nous avons obtenu est raisonnable, pour la production de cognac comme pour d'autres, et que nous avons là une architecture qui nous permet de travailler pour les années qui sont devant nous.

Monsieur Plisson, je veux vous rappeler, s'agissant du bio, que nous avons obtenu une mesure de maintien dans le premier pilier. C'était une demande très forte que celle de la reconnaissance de la place du bio dans le pilier économique. La modulation va permettre d'amplifier les moyens consacrés à la conversion. Nous avons fait le choix de conserver un taux de cofinancement communautaire à 55 %, pour mobiliser davantage de contreparties nationales. Et ces moyens vont nous permettre d'accompagner la montée en puissance de l'agriculture biologique.

Pour moi, c'est une priorité. Je n'ai d'ailleurs pas attendu d'être interpellé sur ce sujet pour proposer un plan de développement du bio à l'horizon de 2012, avec les moyens que j'ai évoqués tout à l'heure. Je me permets de les rappeler : s'agissant de la conversion, trois fois 12 millions supplémentaires ; un appel au fonds de structuration ; 120 millions supplémentaires dans le cadre du bilan de santé de la politique communautaire.

Monsieur Plisson, je travaille, donnez-m'en acte, pour une agriculture économiquement productive –je ne dis pas : productiviste – et écologiquement responsable. Ce défi est inscrit dans la stratégie du plan « Terre 2020 », la place du bio devant être triplée.

Je réponds enfin à M. Fruteau sur les DOM, et plus généralement, puisque nous parlons de politiques européennes, sur les régions ultra-périphériques, auxquelles je suis très attaché. Je rappelle d'ailleurs à l'Assemblée nationale que seuls trois pays sur vingt-sept ont des régions ultra-périphériques : le Portugal, l'Espagne et la France. Et trois sur vingt-sept, c'est beaucoup moins que trois sur quinze ! Le débat sur les prochaines perspectives financières sera donc très difficile. Raison de plus pour que les élus, nationaux et européens, issus de ces régions ultra-périphériques parlent d'une seule voix et se battent ensemble. Et là où je serai, je serai à vos côtés, comme je l'ai été, vous pouvez d'ailleurs le reconnaître, monsieur Fruteau, lorsque j'ai suivi ces questions en tant que commissaire européen chargé des politiques régionales.

Ces régions font partie intégrante de l'Union européenne, avec les droits et obligations qui en découlent, mais aussi, comme cela est prévu dans le traité, avec une spécificité dans l'application des politiques communautaires. C'est ainsi que les DOM bénéficient d'un certain nombre de mesures spécifiques, déclinées dans des programmes qui leur garantissent des soutiens pour développer leur agriculture locale, je pense notamment à POSEIDON.

Dans le domaine agricole, nous avons bien entendu les préoccupations exprimées récemment dans votre région, mais aussi aux Antilles. Nous voulons porter cette nécessité de prendre à bras-le-corps la question de la protection des terres agricoles, ce qui suppose notamment de densifier les zones urbaines et d'enrayer le mitage de ces terres agricoles.

Il y a d'autres demandes que nous voulons accompagner, qui sont justes, et qui expliquent en partie l'explosion sociale de ces dernières semaines. S'agissant des prix imposés aux consommateurs, il faut rappeler que les produits consommés dans les DOM sont pour l'essentiel des produits importés. Je pense comme vous, monsieur Fruteau, que nous devons réduire la dépendance alimentaire de nos régions ultra-périphériques, et que c'est possible : votre département l'a prouvé. J'ai été très frappé, en effet, de ce qui s'est passé à La Réunion : de mémoire, en matière de consommation de viande de porc, de poulet et de boeuf, vous en étiez, il y a quelque temps, à 70 % de produits importés. J'ai visité le pôle viande de La Réunion, subventionné par la région, le département, l'État et des crédits européens. Vous avez quasiment renversé la proportion, puisque les produits locaux représentent maintenant 65 % des produits consommés. Vous avez même à présent la capacité d'exporter à votre tour, notamment vers Madagascar.

Je veux que l'on fasse cela partout, y compris en tenant compte des productions traditionnelles, comme les fruits et légumes tropicaux, qui ont des qualités nutritives, voire thérapeutiques, particulières. J'ai d'ailleurs organisé avec le professeur Joseph une conférence, à la direction générale de l'alimentation, sur le soutien à apporter au développement de la pharmacopée tropicale et des produits issus des productions traditionnelles.

En tout cas, soyez assuré, monsieur Fruteau, que je continuerai, dans l'exercice de mes fonctions comme plus tard, à soutenir ces efforts qui vont dans le sens, non pas de l'autonomie, encore moins de l'autarcie, mais d'une plus grande souveraineté alimentaire des régions ultrapériphériques.

(Mme Danièle Hoffman-Rispal remplace M. Bernard Accoyer au fauteuil de la présidence.)

Debut de section - PermalienPhoto de Danièle Hoffman-Rispal

Nous en venons à trois questions du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.

La parole est à M. Yves Cochet.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Cochet

Dans le bilan de santé de la PAC, la définition des nouveaux critères d'éco-conditionnalité des aides est reportée, purement et simplement.

Il est dit dans la synthèse officielle du ministère sur le bilan de santé de la PAC que des groupes de travail devront établir les règles de conditionnalité des aides. J'espère que ces règles seront larges et qu'elles engloberont non seulement la biodiversité, l'efficacité énergétique, la qualité et la rareté de l'eau, mais aussi la santé des consommateurs, ainsi celle que des agriculteurs. Les critères environnementaux devraient également être appréhendés par le biais d'une meilleure formation et d'un contrôle du processus, et pas seulement par des sanctions.

Nous souhaitons aussi que soient consultées toutes les parties prenantes, ainsi que des experts – ONG, écologues, agriculteurs –, afin que la conditionnalité soit mise en oeuvre de façon démocratique et que soit évitée une démarche trop technicienne de la part des hauts fonctionnaires du ministère, lesquels font du bon travail mais n'ont peut-être pas toute l'expérience ou la connaissance nécessaire en matière d'éco-conditionnalité.

Il est essentiel que ces critères soient contraignants, afin de modifier les pratiques condamnables. Trop de laxisme laisserait croire que le ministère se plie aux ordres – mais je ne veux pas le croire – d'un syndicalisme agricole majoritaire peu enclin, il faut bien le dire, à la conversion écologique des pratiques.

Ma question est donc la suivante, monsieur le ministre. Pouvez-vous nous dire quand exactement seront publiés et appliqués ces nouveaux critères d'éco-conditionnalité, autrement dit de responsabilité environnementale ?

Debut de section - PermalienPhoto de André Chassaigne

Monsieur le ministre, je relève avec la plus grande inquiétude la faiblesse des engagements en faveur du développement de la production de protéines végétales. Il s'agit pourtant de la clé de voûte de notre souveraineté alimentaire à travers l'alimentation animale.

Comment faire croire que 40 millions d'euros suffiront à servir d'effet de levier et d'entraînement pour la culture de légumineuses et de protéagineux, quand la filière de l'alimentation animale dépend à 75 % des importations extracommunautaires ?

La réalité agricole est sous nos yeux : pour satisfaire les besoins en protéagineux de notre élevage européen, c'est l'équivalent de la surface agricole utile de la France qu'il faudrait mettre en culture.

Il s'agit aujourd'hui de faire face à ce défi d'avenir pour une réelle indépendance de nos exploitations. Nous regrettons que le Gouvernement n'ait toujours pas présenté un premier rapport sur ce sujet, comme le prévoit pourtant l'article 1er de la loi du 25 juin 2008 sur les OGM. Je rappelle son contenu exact : « Six mois après la publication de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport relatif aux possibilités de développement d'un plan de relance de la production de protéines végétales alternatif aux cultures d'organismes génétiquement modifiés afin de garantir l'indépendance alimentaire de la France ». Qu'en est-il ?

D'autre part, la boîte à outils européenne de la PAC, comme vous aimez à la nommer, dispose d'une pièce maîtresse peu à peu abandonnée : la clause de sauvegarde, par laquelle un État membre peut choisir d'interdire certaines importations ou mises sur le marché dès lors qu'elles présentent des risques majeurs. La France et d'autres pays de l'Union l'ont dernièrement utilisée contre les OGM, choix qui vient d'être confirmé par la majorité des ministres européens de l'environnement.

Toutes les conditions sont aujourd'hui réunies pour activer rapidement la clause de sauvegarde contre l'importation massive de protéines végétales d'origine extracommunautaire qui ne respectent aucun cahier des charges, ainsi que contre les importations de viande bovine sans garantie sanitaire en provenance des pays du MERCOSUR. Êtes-vous prêt, monsieur le ministre, à le faire ?

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Cochet

Un transfert de fonds entre le budget des aides directes et celui du développement rural est prévu. A priori, c'estune bonne chose, mais tout dépendra en définitive des mesures qui seront prises par chaque État membre. La France aura donc sa propre responsabilité.

Chaque État va hiérarchiser ses priorités, et l'on peut craindre une concentration des moyens financiers sur la restructuration d'un secteur – le secteur laitier, par exemple – au détriment d'autres secteurs, comme le changement climatique, ou encore la concentration sur le développement des agrocarburants au détriment de la biodiversité. Les États membres doivent faire remonter leurs nouvelles mesures avant le 30 juin 2009 à Bruxelles.

Des enjeux comme l'autosuffisance alimentaire ou la valorisation des zones rurales sont essentiels. La préservation de zones agricoles réparties sur tout le territoire est vitale au regard de la raréfaction des ressources énergétiques et de l'inévitable reprise à la hausse du prix des hydrocarbures. L'approvisionnement agricole et céréalier des régions sera donc de plus en plus coûteux. C'est pourquoi il est essentiel de garantir la subsistance locale des régions en préservant les terres agricoles déjà fortement entamées par la prédation industrielle, autoroutière et immobilière rurale.

Avez-vous pris en compte ces données dans la redistribution des fonds ? Pouvez-vous déjà nous dire quelles mesures liées au développement rural seront financées par ce transfert de fonds du premier vers le deuxième pilier ?

M. Michel Barnier, ministre de l'agriculture.

Monsieur Cochet, la nouvelle modulation à hauteur de 5 % qui a été décidée dans le cadre du bilan de santé ne concerne que l'agriculture qui, dans les territoires ruraux, est économiquement productive et écologiquement responsable. Une certaine flexibilité est laissée pour l'utilisation de ces fonds de modulation. Nous allons y travailler.

Ils pourront être utilisés pour financer des opérations engagées depuis un certain temps, comme la PHAE ou le soutien à l'installation des jeunes agriculteurs, ou pour financer de nouveaux défis que doivent relever les entreprises ou les exploitations agricoles. Dans le domaine de l'énergie, que vous suivez personnellement, je vise ainsi le plan –qui est très important pour moi et dont j'ai beaucoup parlé – de valorisation énergétique des exploitations agricoles.

Dans ce cadre, nous lançons actuellement, avec le concours de l'État, de fonds européens et d'entreprises comme EDF, GDF et peut-être aussi Total, 100 000 diagnostics dans 100 000 premières exploitations agricoles. Des experts iront examiner, dans chacune d'entre elles, comment consommer moins d'eau, moins d'intrants, moins de fuel, moins d'électricité. Ils les aideront non seulement à consommer moins, mais aussi à produire une partie de leur énergie.

Il ne s'agit pas d'une option pour les agriculteurs. M. Raison détaillait tout à l'heure les composantes du revenu des agriculteurs : le prix qui leur est payé, les aides et les charges. Réduire les charges, c'est aujourd'hui une obligation.

Debut de section - PermalienMichel Barnier, ministre de l'agriculture et de la pêche

Ne comptons pas sur le bas niveau actuel du prix du pétrole : Il recommencera à augmenter.

Debut de section - PermalienMichel Barnier, ministre de l'agriculture et de la pêche

Il est possible de réduire le coût des charges énergétiques. J'ai visité dans l'Aveyron une centaine de jeunes éleveurs qui produisent du veau sous la mère. Ils ont, par une coopérative, équipé 33 000 mètres carrés de toits de leurs fermes en photovoltaïque et sont ainsi devenus totalement autonomes. Ils produisent même plus qu'ils ne consomment et revendent le surplus au circuit intercommunal et à EDF. S'il n'est pas possible d'être partout autonome à 100 %, il faut partout réduire la dépendance énergétique. Il s'agit là d'un vrai sujet politique, et un exemple de projet que nous pourrons financer dans le cadre du développement rural.

Le bilan de santé introduit – vous l'avez rappelé, monsieur Cochet – un certain nombre de modifications que nous allons intégrer, notamment quant aux bonnes pratiques agricoles et environnementales. Le groupe de travail que j'ai mis en place est à l'oeuvre et rendra ses conclusions fin juillet. Les mesures que nous prendrons seront applicables pour la campagne 2010.

Monsieur Chassaigne, s'agissant des protéines végétales, notre ambition est, comme vous l'avez souhaité, de réduire notre déficit de moitié. Aujourd'hui, nous importons 50 % de notre consommation. L'obligation d'incorporer 7 % d'agrocarburants et de biocarburants permettra d'augmenter de 10 % notre taux d'approvisionnement, notamment à travers les coproduits et en particulier les tourteaux de tournesol. Avec le bilan de santé de la PAC, nous dégageons 40 millions d'euros supplémentaires au titre de l'article 68, qui vont permettre de tripler les surfaces de production en protéines végétales. Au total, notre taux d'indépendance protéique passera de 50 % à 65 %.

La clause de sauvegarde est un outil utile que certains voudraient supprimer, mais la France se bat, dans le cadre de l'OMC, pour la conserver. Actuellement, on ne peut la déclencher à volonté. Il y a deux critères à respecter en fonction du prix ou du volume des produits importés. Ces critères ont été fixés par le précédent cycle de négociations à l'OMC, l'Uruguay Round. La France seule ne peut pas déclencher la clause de sauvegarde : c'est la Commission qui négocie en son nom. Au reste, il ne faut pas la confondre avec les mesures qui peuvent être prises pour interdire les importations en cas de problème sanitaire. Là aussi, les critères à respecter sont stricts, notamment en matière scientifique. Nous avons adopté des conclusions en Conseil sur le renforcement des contrôles sanitaires à l'importation. Mes services sont prêts à étudier, pour les produits que vous m'avez signalés, l'opportunité de recourir à ces mesures de restriction et d'introduire une demande auprès de la Commission. Sur ce problème particulier, je reste disponible pour poursuivre notre dialogue.

Debut de section - PermalienPhoto de Danièle Hoffman-Rispal

Nous en venons aux trois dernières questions.

La parole est à M. Jean-Pierre Soisson, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Soisson

Je lance un cri d'alarme en faveur du vin rosé. La Commission veut autoriser la production de vin rosé par mélange de vin rouge et de vin blanc. C'est une hérésie ! (Applaudissements sur tous les bancs.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Soisson

Si le Christ a transformé l'eau en vin, Barroso n'a pas le pouvoir de transformer le vin rouge et le vin blanc en vin rosé. Quelle absurdité ! (Mêmes mouvements.)

Le vin rosé est produit selon des techniques anciennes, difficiles à mettre en oeuvre, par pressurage direct ou par macération. On ne peut pas substituer à de telles techniques je ne sais quels mélanges qui fabriqueraient je ne sais quelle bibine rosie ! Car les décisions de la Commission n'aboutiront qu'à cela.

Le marché du vin rosé se porte bien. On produit environ 20 millions d'hectolitres dans le monde, 75 % dans l'Union européenne, 20 % en France. C'est un sujet essentiel pour la viticulture française. D'autres productions qui se portent moins bien veulent naturellement aller sur ce marché. Monsieur le ministre, ne laissez pas faire ! Ce serait une régression…

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Soisson

…par rapport à des années de recherche pour l'amélioration de la qualité des vins.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Soisson

Défendez vos vins rosés !

En pratiquant ainsi, la Commission, entourée de ses technocrates, est en train de discréditer la politique de l'Union européenne. Les viticulteurs s'en souviendront lors des prochaines élections ! (Vifs applaudissements sur tous les bancs.)

Debut de section - PermalienPhoto de Danièle Hoffman-Rispal

La parole est à M. Germinal Peiro, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.

Debut de section - PermalienPhoto de Germinal Peiro

Ma question portant sur la tabaculture, j'indique d'emblée qu'il ne s'agit pas pour moi de défendre le tabagisme. En tant que président du groupe d'études sur le tabac, j'ai toujours dit aux producteurs que je soutiendrais toutes les mesures de lutte contre le tabagisme.

L'Europe produit 25 % du tabac qu'elle consomme et importe les 75 % restants de la Chine, des États-Unis essentiellement pour le Virginie, du Malawi et du Brésil pour le Burley. À la fin de l'année 2009, les tabaculteurs perdront la moitié de leur soutien, pourtant indispensable à la survie de cette activité agricole. Tels sont les faits.

Monsieur le ministre, vous êtes parfaitement au courant de ce dossier, au sujet duquel je vous ai demandé un rendez-vous avec d'autres collègues ici présents. Très clairement, si rien n'est fait, si aucune solution n'est apportée d'ici au mois de septembre pour compenser la perte de 50 % de soutien, c'est un plan de licenciement de 30 000 à 40 000 personnes employées à temps plein qui se profile. Il ne restera plus de tabaculteur dans notre pays, et nous connaîtrons la situation de la Grèce aujourd'hui. La tabaculture fait vivre 80 000 exploitations en Europe, les trois quarts ne survivront pas à la disparition de cette activité.

Monsieur le ministre, allez-vous faire des propositions pour éviter un plan de licenciements massif, un de plus ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Danièle Hoffman-Rispal

La parole est à M. André Chassaigne, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.

Debut de section - PermalienPhoto de André Chassaigne

Au lendemain du 20 novembre, les organisations professionnelles agricoles étaient unanimes pour dénoncer un « accord symbole de la fin de la régulation des marchés, de la destruction de la seule politique européenne de régulation ». Je n'avais pas manqué de souligner mon soutien à leur analyse de cette nouvelle douche froide libérale, tandis que vous souteniez « un accord solide qui préparait l'avenir », avec une rhétorique flatteuse sur la nécessaire « régulation » des marchés agricoles.

Mais la régulation, ce n'est pas faire semblant pour laisser faire. Cela doit se traduire dans de grands principes et dans les actes. Ainsi, le terreau fertile de la régulation des marchés européens avait pour principe la préférence communautaire, que la Commission européenne s'acharne à vouloir passer en pertes et profits.

Monsieur le ministre, vous avez été clair dans votre discours devant l'Assemblée permanente des chambres d'agriculture : « Nous devons renouveler la préférence communautaire dans son approche – avez-vous dit –, il n'y a pas de fatalité à l'abandonner ». Vous l'avez redit aujourd'hui : « La préférence communautaire, ce n'est pas un gros mot ». Je vous prends au mot. Il faut redonner sens à ce principe, le replacer au coeur du modèle agricole européen, comme l'avaient voulu ses fondateurs. Ce principe ne relève pas du protectionnisme, il constitue même un mécanisme essentiel de la conquête de la souveraineté alimentaire des grandes régions agricoles à l'échelle de la planète.

Suivant ce principe, je vous propose que la boîte à outils de la PAC se dote d'un calendrier d'importations extracommunautaires, avec un listing produit par produit permettant d'éviter tout dumping social ou environnemental. Je pense aux fruits et légumes, pour lesquels des périodes de restrictions d'importations permettraient à la fois de soutenir les productions nationales ou communautaires, d'assurer une rémunération équilibrée des producteurs en période de production, de contrer les jeux de dupes de la grande distribution et des centrales d'achat, et d'agir efficacement sur le bilan carbone de la filière agroalimentaire.

Ma question est simple : êtes-vous prêt à promouvoir à l'échelle européenne un tel outil garant d'une préférence communautaire réactivée, renouvelée et légitimée ? Êtes-vous prêt à rompre avec une politique de régulation incantatoire pour passer à une politique de régulation en actes ?

Debut de section - PermalienMichel Barnier, ministre de l'agriculture et de la pêche

Je voudrais tout d'abord remercier Jean-Pierre Soisson pour la passion, la compétence et l'énergie qu'il a mises à défendre – il les avait soutenus quand il était ministre de l'agriculture – les efforts de qualité, qui ont été longs, tenaces, difficiles, pour les rosés de Provence notamment, mais pas seulement.

Je ne peux pas, comme vous, accepter l'idée qu'à force de mentir au consommateur et de laisser faire n'importe quoi, on décourage, on déstabilise, on détruise ces efforts tendant à la qualité.

En France, le coupage est interdit, mais il est pratiqué dans d'autres pays européens, qui exportent leur vin de coupage chez nous, comme l'Espagne. Des pays comme l'Australie et la Nouvelle-Zélande pratiquent très généralement le mélange, ils exportent vers l'Europe et quelquefois vers la France. De ce fait, la Commission a imaginé mettre fin à l'interdiction du coupage des vins blancs et des vins rouges sans indication géographique, pour aligner les normes européennes sur les normes oenologiques internationales. Je rappelle que l'Office international du vin accepte et reconnaît actuellement les procédés de coupage et de mélange.

La France a abordé cette discussion avec beaucoup de réserves. J'ai écrit à plusieurs reprises à la Commissaire européenne – le 11 février et le 13 mars – pour exprimer mon opposition à ce qui était initialement prévu par la Commission. Je veux aussi vous rappeler que nous sommes dans un marché intérieur, avec ses avantages et ses contraintes. L'avantage, c'est que l'on peut exporter nos productions, et nous ne nous en privons pas. Je voudrais dire à M. Chassaigne, qui confond parfois protection et protectionnisme, qu'il faut prendre garde à ne pas introduire des règles qui nous vaudraient des mécomptes immédiats dans les pays vers lesquels nous exportons.

Nous avons, dans le secteur agricole et agro-alimentaire, un excédent commercial de 9 milliards d'euros, notamment grâce au vin. Nous sommes dans un marché intérieur, monsieur Soisson. Sur les vingt-sept pays de l'Union, seuls deux d'entre eux se sont opposés aux propositions de la Commission : la Hongrie et la France. Cela ne suffit pas. Quand on est minoritaire, pour ne pas dire ultra-minoritaire, on est conduit à négocier. Sinon, on est battu.

Nous avons donc négocié avec la Commission. Au terme de cette négociation, la Commission a proposé, il y a quelques jours, que l'on puisse introduire un étiquetage facultatif « rosé traditionnel » ou « rosé issu de mélanges », qu'un État membre pourra rendre obligatoire pour les seuls vins produits sur son territoire.

Debut de section - PermalienMichel Barnier, ministre de l'agriculture et de la pêche

Je sais que ce n'est pas satisfaisant, que cela ne protège pas complètement, que ce n'est pas suffisant. La France s'est abstenue sur cette proposition, mais elle a été seule, monsieur Soisson.

Debut de section - PermalienMichel Barnier, ministre de l'agriculture et de la pêche

Vingt-six pays sur vingt-sept ont donc approuvé cette dernière proposition, sur laquelle nous avons négocié, et qui va permettre – nous verrons avec les professionnels s'il faut rendre cette mention obligatoire ou non – de mettre sur les vrais vins rosés – et non pas « rosis », selon votre expression - l'étiquetage « vin rosé traditionnel ». Je suis assez ouvert à cette idée, de façon que les consommateurs français puissent savoir ce qu'ils boivent et ce qu'ils consomment.

Je continuerai, comme je l'ai fait pour toutes les politiques d'AOC, dans votre région, monsieur Soisson, et partout en France, pour beaucoup de produits traditionnels autres que le vin, à me battre afin que l'on reconnaisse les vrais produits traditionnels qui sont l'image de nos terroirs, de notre identité régionale et de l'authenticité des productions agricoles.

C'est pourquoi je me suis opposé avec toute l'énergie possible, dans ce contexte d'isolement, aux propositions initiales de la Commission, qui a un peu bougé dans le sens que j'ai indiqué. Je poursuivrai ces efforts.

Monsieur Peiro, je voudrais traiter maintenant des 2 500 exploitations, d'une superficie totale de 6 700 hectares et employant 20 000 personnes, qui produisent du tabac en France. Je vous donne acte du fait qu'il ne faut pas mélanger les méfaits liés à la consommation du tabac avec cette production agricole.

La réforme de l'OCM, en 2004, a prévu une période transitoire de 2006 à 2009, avec un découplage des aides à hauteur de 40 %. À compter de la récolte 2010 commencera la deuxième phase de la réforme : découplage total, prêt intégration individuel à hauteur de 50 %, transfert des autres 50 % vers le programme de développement rural.

La profession tabacole – vous vous en êtes fait l'écho – s'est fortement mobilisée pour obtenir, dans le cadre du bilan de santé, une révision de ce scénario et une prorogation de la période transitoire jusqu'en 2013. J'ai soutenu ces efforts, comme d'autres de mes collègues – je pense notamment au ministre grec, qui a été très actif sur ce sujet. Nous avons soutenu cette demande. Le dossier était très difficile, car il consistait à revenir sur une décision adoptée par la majorité du Conseil en 2004. Sur le fond, il allait à l'encontre de l'évolution générale vers le découplage maximum.

J'ajoute que les pays producteurs de tabac sont très minoritaires au sein des vingt-sept États membres. Nous n'avons pas obtenu la prorogation de la période transitoire, mais, au titre du développement rural, une aide transitoire par exploitation est accordée : de 4 500 euros maximum en 2011, 3 000 euros en 2012, 1 500 euros en 2013. Par ailleurs, un travail de concertation a été engagé avec la filière pour optimiser la mobilisation des dispositifs du second pilier.

De nouvelles mesures pourraient être envisagées et intégrées dans le programme de développement rural hexagonal, prévu fin 2009. Parallèlement, l'État poursuit son soutien aux investissements d'équipement des exploitations tabacoles, ainsi qu'à l'expérimentation menée par l'association nationale interprofessionnelle technique du tabac.

Je serais heureux de poursuivre notre échange au cours de la réunion que vous m'avez demandée.

Monsieur Chassaigne, le calendrier d'importation pour les fruits et légumes existe déjà. Cela s'appelle les prix d'entrée. Et la France défend ardemment, pied à pied, ce dispositif à l'OMC et dans les négociations commerciales bilatérales.

La préférence communautaire – je confirme ce que j'ai dit hier devant les chambres d'agriculture et tout à l'heure à la tribune – n'est pas un gros mot. Nous n'avons pas à nous excuser de préférer l'Europe et notre modèle alimentaire et territorial, alors que les Américains ne s'excusent jamais d'être américains et de préférer les États-Unis, ni les Chinois la Chine. Le Président de la République a rappelé son attachement à la préférence communautaire le 19 février. Nous n'accepterons pas, à l'OMC, un mauvais accord qui serait contraire à nos intérêts.

Dans toutes ces discussions très difficiles, monsieur Chassaigne, il ne faut pas confondre protectionnisme et protection. Nous avons besoin d'un accord multilatéral équilibré et réciproque dans le cadre de l'OMC, parce que notre intérêt est de pouvoir continuer à exporter. Je vous rappelle, que dans un paysage économique extrêmement difficile, un des rares postes à produire un excédent commercial, c'est le poste agricole et agro-alimentaire, pour 9 milliards d'euros.

Ce n'est pas par hasard, je le répète, que cette production agricole et agro-alimentaire tient le coup dans la crise actuelle. C'est parce qu'il y a des gens qui travaillent, des gens qui ont su s'adapter, et parce qu'il y a une politique publique européenne qui les accompagne à travers des règles, des régulations et un budget. Et il faudrait que cela continue. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Danièle Hoffman-Rispal

Nous avons terminé la séquence des questions.

Je vais maintenant donner la parole aux porte-parole de chaque groupe pour cinq minutes.

La parole est à M. Thierry Benoit, pour le groupe Nouveau Centre.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Benoit

Monsieur le ministre, la PAC est plus que jamais nécessaire. Les défis alimentaires et climatiques sont là pour nous le rappeler. Nous avons besoin de régulation face à la volatilité croissante des prix, symbolisée par les émeutes de la faim qui ont secoué certains pays il y a un an, et face aux risques notamment environnementaux et climatiques qui touchent le monde agricole aujourd'hui. Cette régulation, la PAC nous l'assure. Monsieur le ministre, vous vous êtes battu lors des négociations européennes pour parvenir à sauver le principe et les outils de régulation que certains seraient bien contents de voir disparaître. Le Nouveau Centre tient à vous en féliciter.

La PAC est résistante. Elle a su résister aux critiques et aux pressions. Mieux, elle a su s'adapter aux nécessités et aux contraintes nouvelles, aux enjeux nouveaux que j'ai rappelés. Elle a si bien su résister qu'elle est aujourd'hui non seulement la première, mais aussi la seule véritable politique commune en Europe.

Mais elle a besoin, aujourd'hui, d'être une nouvelle fois réformée. Ne rien faire aurait été une grave erreur pour notre agriculture. Car il faut rappeler que l'objectif des pères fondateurs, en 1962, était de garantir l'autosuffisance alimentaire de l'Union. Mais cet objectif, s'il a un jour été rempli, est aujourd'hui loin derrière nous. Des productions autrefois excédentaires sont aujourd'hui déficitaires, et c'est totalement inédit. Une certaine incompréhension s'est alors progressivement installée entre l'Europe et les agriculteurs. La légitimité de la PAC en a été écornée. À l'horizon de 2013, il faut donc tout remettre à plat et redéfinir les objectifs de cette politique commune et y adapter ensuite les moyens, en partant des fondamentaux. Les agriculteurs sont des acteurs économiques qui souhaitent vivre correctement de leur travail, tout en remplissant leur mission de nourrir les populations et en respectant le sol et les ressources naturelles qui les font vivre. Partant de cette base, les agriculteurs retrouveront ainsi un nouveau souffle et une confiance renouvelée dans l'Europe, tout comme les citoyens de tous les pays de l'Union comprendront l'intérêt et l'utilité de la PAC.

C'est tout l'objectif qu'il faut fixer à ce bilan de santé : redonner à la PAC son vrai sens politique et ne pas la réduire à de simples questions budgétaires. C'est ce que vous êtes parvenu à faire, monsieur le ministre. Je tiens une nouvelle fois à saluer votre courage, votre détermination portant sur les décisions que vous avez prises de réorienter une partie des aides vers les secteurs les plus en difficulté : élevage ovin, agriculture de montagne, lait en zones difficiles.

Votre choix était difficile, mais il va sans aucun doute insuffler un esprit nouveau, créer un équilibre plus efficace et certainement plus juste entre les filières et entre les régions.

Nous avons tous, ici, pointé du doigt aujourd'hui certains problèmes qui restent en suspens, car faire des choix, c'est forcément renoncer à d'autres alternatives et faire des déçus : la question du lait, celle des zones intermédiaires, celle de l'assurance-récolte, parmi d'autres. Vous avez en partie répondu à nos interrogations dans cet exercice nouveau de contrôle de l'action gouvernementale. Mais certains problèmes demeurent et ils devront trouver une réponse si nous souhaitons que la France reste le grand pays agricole qu'elle a toujours été.

Je voudrais pour conclure, monsieur le ministre, vous rendre hommage. Nous évaluons aujourd'hui le bilan de la PAC, nous pourrions presque dire que nous évaluons aussi le bilan de votre action au ministère de l'agriculture.

Je voudrais, en mon nom et à celui de tous mes collègues du Nouveau Centre, rendre hommage à votre action et vous féliciter pour le service rendu à l'agriculture française.

Vous servirez la France et ses intérêts sous d'autres cieux européens. C'est tout ce que je peux vous souhaiter. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Danièle Hoffman-Rispal

La parole est à M. Antoine Herth, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Antoine Herth

Je voudrais, à mon tour, saluer l'organisaiton de ce débat, qui tombe à point nommé, dans une phase particulièrement importante, considérée comme critique par certains, d'une première étape de l'évolution de l'application de la politique agricole commune pour le territoire français.

Ce fut l'occasion, pour tous les députés, de se faire l'écho des différentes filières concernées par ce débat dans chaque département. Sur les bancs de la gauche, j'ai entendu le mot « équité ». C'est un compliment qui vous est adressé ainsi qu'à la majorité. Je voudrais en accuser réception, tant il est rare que nous recevions des compliments.

Debut de section - PermalienPhoto de Antoine Herth

Si l'équité est essentielle, si la dimension de justice est un élément fondamental pour qu'une réforme puisse se faire, il ne faut pas réduire le débat sur la politique agricole commune à la seule question de la répartition du gâteau. La PAC a toujours été et demeure un levier, au service de l'aménagement de nos territoires – Dieu sait s'ils sont divers – et de l'économie. Il ne faut pas oublier que l'économie agro-alimentaire, au sens large, est l'un de nos tout premiers secteurs, qui pèse deux fois plus lourd que le secteur automobile, qu'elle est l'un de ceux qui, dans la crise que nous traversons, résistent le mieux, et qu'elle emploie 14 % de la population active. Tels sont les enjeux de la discussion et les perspectives d'une réorientation des politiques agricoles.

À l'UMP, nous avons fait le choix de ne pas opposer les régions, mais de chercher les complémentarités ; de ne pas opposer les systèmes de production, mais de chercher en quoi ils peuvent s'épauler mutuellement afin d'être en mesure de relever les défis qui sont devant nous.

Le débat d'aujourd'hui a été important parce qu'il était nécessaire de rappeler les objectifs à atteindre. Nous avons choisi – nous, la majorité, et vous, monsieur le ministre – de proposer aux agriculteurs français de gravir une montagne. Vous qui êtes un familier des sports de haute montagne, monsieur le ministre, vous savez que, lorsqu'on fait de l'alpinisme, il faut veiller à l'équipement – en particulier à la solidité de la corde –, au ravitaillement et à la météo.

Pour ce qui concerne le premier élément, il faudra poursuivre le dialogue avec l'ensemble des composantes de la profession agricole afin que chacun puisse adhérer au projet que nous portons.

S'agissant de la deuxième précaution – le ravitaillement –, je ne peux que vous encourager à poursuivre votre travail, monsieur le ministre, sur les mesures d'accompagnement prévues dans la phase actuelle de la mise en oeuvre de la réforme.

Enfin, en dernier lieu, il ne faut pas oublier de prêter attention à la météo, car on ne gravit pas une montagne par n'importe quel temps. Si je suis d'accord avec vous pour penser qu'à long terme, les perspectives sont favorables, force est de constater que nous traversons aujourd'hui une dépression. Il faudra être particulièrement prudent concernant les fameux 11 % dont il a été question à plusieurs reprises. Dans la future PAC, il faudra également, comme certains nous y engagent, réfléchir à l'élaboration de systèmes de paiement contracycliques, comme cela existe outre-Atlantique. Aucun sujet ne doit être tabou, notamment la question des charges dès lors que nous augmentons les contraintes environnementales. Mesurer leur impact sur les conditions de production des agriculteurs français sera indispensable.

L'UMP se veut force de propositions. À ce titre, je souhaite que nous nous mettions rapidement au travail sur la loi de modernisation agricole annoncée par le Président de la République, en réfléchissant notamment à une meilleure organisation des filières, déterminante pour le secteur de l'agriculture biologique – et je ne doute pas que Jean Gaubert partage mon point de vue.

Par ailleurs, il est important que la représentation nationale participe au débat européen sur ces questions. Je me souviens que nous nous étions déplacés à Bruxelles et à Strasbourg.

À mon tour, je voudrais saluer le travail que vous avez accompli dans la concertation, monsieur le ministre, durant deux ans. Nous n'aurions pas pu aller aussi loin dans cette réflexion sans votre attachement personnel aux questions européennes. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Gaubert

Nous arrivons au terme de notre séance de questions et réponses, qui aurait peut-être pu être organisée différemment, de façon à favoriser un échange plus approfondi.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Gaubert

L'accord du 20 novembre dernier est-il un bon accord ? Pour ma part, j'ai le sentiment que c'est le moins mauvais possible, à défaut d'être le meilleur. Nous avons conscience au groupe socialiste que dans une Europe à vingt-sept, il n'est pas possible de faire ce que l'on veut. Les discussions sont nécessaires pour aboutir à des compromis. Or compromis ne signifie pas compromission ! En l'espèce, il s'agit bien d'un compromis avec ses avantages et ses inconvénients. Les avancées sont indéniables, mais il reste un certain nombre de points qui méritent d'être travaillés.

Vous avez, tout à l'heure, monsieur le ministre, cité Pierre Mendès France, ce dont je vous remercie. Je constate que la droite, désormais, ne puise ses références qu'à gauche ! (Sourires.) Ce n'est pas pour nous déplaire, mais je ferai observer que Mendès France était un social-démocrate et que l'accord qui nous occupe est plutôt social libéral.

Il est social en ce qu'il prévoit des primes plus égalitaires ; je ne reviens pas sur ce qui a été dit sur l'herbe, le bio, la montagne ou les ovins. Globalement, il s'agit de mesures qui ont été demandées depuis longtemps et que vous avez eu le mérite de faire aboutir. Nous devons vous en remercier, comme de nombreux collègues, de droite comme de gauche, n'ont pas manqué de le faire cet après-midi.

Mais cet accord est également libéral, vous en êtes convenu vous-même. Il y a un refus viscéral de la Commission, et sans doute de la majorité du Conseil des ministres, d'intervenir sur les marchés. Pourtant, il faudra que ce débat ait lieu, vous l'avez aussi reconnu, car le marché ne peut pas tout réguler, notamment en période de crise, et d'autant moins qu'il s'agit d'une matière très particulière : les produits céréaliers sont soumis aux aléas climatiques et les produits animaux ne peuvent être stockés sur pied.

Le système est soumis, en outre, aux aléas des parités monétaires. L'euro fort, qui nous a protégés sur beaucoup de points, en particulier lorsque l'énergie était très chère, nous coûte s'agissant des exportations de produits agroalimentaires. J'ai entendu, dans ma région, un directeur de coopérative s'écrier : « Vive l'euro faible ! ». Je pense que, d'une façon générale, il avait tort, mais raison pour ce qui concernait ses exportations. Nous n'avons pas réussi à inventer, au niveau mondial, inventer les montants compensatoires qui existaient en Europe et que l'on a eu beaucoup de mal à démanteler à l'époque où ils nous étaient défavorables. Cette fois-ci, ils nous auraient été favorables. Il faudra donc prendre en compte l'impact des disparités monétaires sur les marchés et les agriculteurs.

Procéder à un bilan à mi-parcours ne nous exonère pas de parler de l'avenir. Vous ne serez plus, demain, en charge du dossier, mais il y a de fortes chances que vous siégiez au Parlement européen, monsieur le ministre, puisque vous êtes tête de liste. C'est l'avantage d'un scrutin de liste, même en cas de mauvais score, le premier est élu ! On peut donc, d'ores et déjà, vous féliciter ! (Sourires.)

Beaucoup de questions demeurent, notamment celle du lait, primordiale dans notre pays. Dès que l'on relâche les quotas laitiers, l'explosion de la production déstabilise le marché. Si la Commission ne peut comprendre, d'ici à 2013, que la régulation – sous forme de quotas ou sous une autre forme – est nécessaire, nous irons à la catastrophe par rapport aux producteurs d'autres pays, la Nouvelle-Zélande par exemple.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Gaubert

Nous courrons à la catastrophe également en matière d'aménagement du territoire, car ce ne sont pas les aides à l'herbe qui changeront quoi que ce soit. Sans régulation, la production laitière, s'il en reste une, sera concentrée dans le Grand-Ouest. Élu de cette région, je pourrais m'en réjouir, mais en tant qu'élu de la Nation je ne pourrais que le déplorer.

La diminution des charges fiscales est envisageable, mais, compte tenu de la situation financière de notre pays, l'exercice trouvera vite ses limites. Quant aux charges sociales, n'oublions pas qu'il s'agit de la protection sociale et des retraites des agriculteurs. À force de dire qu'ils paieraient moins de charges pour leur protection sociale et leur retraite, il se pourrait qu'on les dépouille encore davantage que les retraités agricoles d'aujourd'hui. Pour une part, un tel discours est un leurre. Quant aux charges environnementales, monsieur le ministre, je suis d'accord avec vous.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Gaubert

Si vous le permettez, madame la présidente, je souhaiterais encore évoquer quelques points tant le sujet est vaste et le débat important.

En matière de négociations internationales, la Commission fait preuve d'angélisme, monsieur le ministre. Antoine Herth a parlé des aides contracycliques américaines. Si j'avais plus de temps, j'évoquerais le Farm Bill, car on ne parle pas assez des aides que les Américains accordent à leur agriculture. Je parlerais aussi des systèmes de protection mis en oeuvre par les pays du groupe de Cairns, en particulier le Canada pour le lait.

En outre, des distorsions, à l'intérieur de l'Europe, subsistent en matière de règles sanitaires.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Gaubert

Malgré les divergences que nous avons eues, monsieur le ministre, et en dépit de nos échanges parfois un peu vifs, nos relations, durant ces deux dernières années, ont été, dans l'ensemble, normales et républicaines. Nous voulons vous en remercier. (Applaudissements sur tous les bancs.)

Debut de section - PermalienPhoto de André Chassaigne

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je tiens, après l'accord des ministres européens de l'agriculture du 20 novembre dernier, à souligner l'intérêt et l'importance de notre débat, qui porte sur un sujet aux lourdes conséquences pour notre modèle agricole. Nous avons apprécié, monsieur le ministre, vos réponses argumentées, respectueuses de la représentation nationale, bien que parfois insuffisantes au regard de nos attentes. L'enjeu essentiel est le maintien d'une politique agricole durable et responsable dans un contexte alimentaire mondial tourmenté, de plus en plus soumis aux règles du marché, ces mêmes règles qui viennent de précipiter l'économie mondiale dans la crise et la récession.

Dans ces conditions, la place qu'entendent réserver l'Union européenne et la France à leur politique agricole pour les décennies à venir est déterminante. Certes, après l'annonce de la déclinaison française des modalités d'application de cet accord, vous avez dû être satisfait, monsieur le ministre, des réactions syndicales souvent positives qui s'en sont suivies : « une première avancée positive », « un premier pas positif dans la réorientation des aides de la PAC », voire, pour certains, « une PAC légitimée ».

Je dirais presque, sur le ton de la boutade, qu'il y a tant d'années que les éleveurs attendaient un rééquilibrage qu'ils ont tenu à vous encourager dans cette voie. Après tant d'injustices et tant d'efforts consentis, ils méritaient bien quelques dividendes pour leur ténacité et leur endurance, les parachutes dorés leur étant interdits de fait depuis bien longtemps…

Pour l'essentiel, le bilan n'en est pas moins alarmant et dramatique pour le modèle agricole européen. Il entérine une PAC au rabais, aux contours budgétaires contraints, la seule soupape consistant en des arbitrages nationaux qui s'efforcent de ménager la chèvre et le choux pour calmer la colère montante de la majorité de la profession dans un contexte où les revenus des éleveurs viennent de baisser de 50 % en deux ans. Un moindre engagement pour tenter de corriger les déséquilibres entre bénéficiaires historiques et éleveurs aurait été vécu comme une véritable provocation. Mais ces réorientations salutaires du 23 février, après les décisions libérales du 20 novembre dernier, ne peuvent suffire à masquer la forêt des menaces qui s'amoncellent sur la PAC.

Dans les faits, les ministres européens imposent, fût-ce à petits pas, toujours plus de découplage pour les productions et toujours moins d'outils de régulation. Pour les quotas laitiers, le tic-tac du compte à rebours est en marche. Mais nous nous réjouissons que l'idée de les maintenir n'ait pas totalement disparu de votre discours, monsieur le ministre.

Vous avez par ailleurs rappelé dans votre intervention devant le Conseil supérieur d'orientation et de coordination de l'économie agricole et alimentaire les grandes échéances françaises et communautaires qui s'annoncent, en précisant que nous devions « nous tenir vigilants » et « être une force de proposition ». Les parlementaires français l'avaient déjà été il y a quelques mois en adoptant une résolution unanime traduisant les grandes lignes de la politique agricole nécessaire à l'Union.

J'userai de la même formule à l'égard de la loi de modernisation agricole annoncée pour l'automne par le Président de la République le 19 février. Nous aurons la volonté de rester « vigilants » et d'être une « force de proposition » afin que ce projet de loi ne se transforme pas en véritable coup de grâce contre la profession agricole, comme le furent les précédentes lois dites « de modernisation ».

Tout me porte à craindre que les grands perdants de cette future loi soient à nouveau les agriculteurs, soumis à une concurrence déloyale toujours plus poussée, contraints à un face-à-face contractuel inégal avec des opérateurs économiques – transformateurs et centrales d'achat –affranchis de toute contrainte et assurés de pouvoir librement ajuster les prix d'achat sur ceux du marché mondial. Les luttes des producteurs sur la fixation des prix d'achat du lait ne font que révéler les effets intolérables de l'absence d'outils de régulation du marché.

Voilà pourquoi, monsieur le ministre, l'on ne saurait se satisfaire, dans cette loi, des dogmes de l'organisation mondiale du commerce et du marché libre et non faussé. Nous devons revenir aux fondements du modèle agricole européen : l'Europe doit être le fer de lance d'une nouvelle donne agricole et alimentaire mondiale.

La volonté des nouveaux députés au Parlement européen sera déterminante, comme l'action de notre ministre de l'agriculture, que l'on peut saluer lorsqu'elle s'efforce d'aller dans le bon sens – c'est-à-dire à contresens du libéralisme prédateur.

Debut de section - PermalienMichel Barnier, ministre de l'agriculture et de la pêche

Je ne prolongerai pas longtemps ce débat, car votre attention, mesdames et messieurs les députés, a déjà été abondamment sollicitée cet après-midi.

Je vous remercie d'avoir assisté à ce premier débat de contrôle parlementaire de l'action du Gouvernement, auquel j'ai été très heureux de participer, comme vous le souhaitiez. Je tiens à en remercier Patrick Ollier – qui en a eu l'initiative –, comme de la qualité de nos échanges lors des auditions auxquelles j'ai pris part devant la commission qu'il préside avec talent et compétence. Je veux également redire à Pierre Lequiller que la commission qu'il préside jouera un rôle important dans les débats à venir.

Nombre d'entre vous ont évoqué la dimension européenne de la politique dont nous parlons, ce qui est bien normal : je suis le seul ministre chargé de mener une politique entièrement mutualisée au niveau européen, y compris dans le domaine de la pêche, que je n'oublie pas. En la matière, il n'est ni norme, ni orientation, ni budget qui ne soit décidé non par les autres, mais par nous et par les autres – les vingt-sept pays membres –, selon les règles de la majorité qualifiée, bienvenues mais contraignantes, car encore faut-il faire partie de la majorité qualifiée, et non de la minorité.

Je remercie donc les présidents Ollier et Lequiller de leur accueil tout au long de ces deux années.

Monsieur Benoit, la PAC implique non seulement les agriculteurs et l'agriculture, mais aussi une certaine idée de l'Europe. Voilà pourquoi nous devrons veiller dans les prochaines années au devenir des politiques communautaires, lorsqu'elles existent. Nous savons bien que s'affrontent depuis cinquante ans deux visions de l'Europe : la première – ce n'est pas la mienne – la réduit à une zone de libre échange, à une sorte de vaste supermarché ; la seconde privilégie une Europe communautaire, intégrée, dont les politiques prouvent le caractère solidaire. J'espère que nous aurons en outre l'ambition de nous doter d'une politique étrangère et de défense, afin de nous asseoir à la table des grands acteurs qui décideront de l'ordre ou du désordre du monde au cours des vingt années à venir.

Tels sont les enjeux de la PAC, première politique économique européenne. Si nous laissons les adeptes d'une grande zone de libre échange ouverte à tous les vents la détruire, si nous nous contentons de commercer les uns avec les autres, une certaine idée de l'Europe à laquelle nous sommes, vous et moi, attachés sera mise à bas.

Je veux le dire à Thierry Benoit et à Antoine Herth comme à chacun d'entre vous : dans un monde comme le nôtre, où tout bouge – parfois bien plus vite que ne l'affirment les hommes politiques, même si les citoyens s'en aperçoivent –, malheur à celui qui ne bouge pas. La PAC doit donc évoluer, comme l'Europe doit changer, s'adapter, réagir et faire preuve d'une volonté politique plus forte.

J'ai donc tenu à utiliser les outils dont nous nous sommes dotés dans le bilan de santé, non seulement à des fins d'équité – à cet égard, je partage le point de vue d'Antoine Herth –, mais aussi pour adapter la PAC aux nouvelles exigences de la société, des consommateurs et des citoyens. Il fallait cette évolution pour que cette politique aient de bonnes raisons de durer.

Dans ce mouvement, monsieur Chassaigne, il n'y a pas de fatalité : la préférence communautaire n'est pas condamnée à disparaître, même si les exigences de la société nous obligent à la doter d'une nouvelle dimension ; de même, les règles dont nous avons besoin ne sont pas condamnées à être démantelées. Au cours des deux ans pendant lesquels j'ai occupé ce poste, je me suis battu pour préserver, pour le vin, le lait ou les céréales, les outils de régulation indispensables.

En outre, le budget de l'agriculture n'est pas condamné à diminuer, pour peu que nous nous montrions suffisamment combatifs. Il représente cent euros par an et par habitant : il me semble que ce n'est pas cher payé, étant donné les services rendus par les producteurs agricoles – exploitants, éleveurs, viticulteurs, sans oublier les pêcheurs, qui sont aussi des producteurs – pour préserver notre modèle alimentaire, fondé sur la qualité, la quantité, la sûreté et la traçabilité. Sans porter un quelconque jugement, nous tenons à ce modèle qui diffère du modèle américain. Voilà pourquoi nous continuerons de refuser l'importation de boeuf aux hormones et de poulet chloré.

Ce budget est également justifié par notre modèle territorial, qui diffère – Antoine Herth le sait bien – du modèle d'industrie agricole que certains souhaiteraient imposer en Europe. Des millions d'exploitations modernes, petites ou moyennes, couvrent notre territoire. Cela a un prix ; mais la suppression de la PAC coûterait bien plus cher en termes de désertification et d'importations supplémentaires, sans parler du déséquilibre qui s'ensuivrait pour la société.

Debut de section - PermalienMichel Barnier, ministre de l'agriculture et de la pêche

Pourquoi le salon de l'agriculture, dont Christian Patria s'est occupé pendant tant d'années avec ténacité et compétence, a-t-il connu cette année un succès accru, recevant 670 000 visiteurs ? Parce que les Français y trouvent des racines, une identité, une authenticité dont ils ont besoin en cette période de crise : ils s'y retrouvent en même temps qu'ils y retrouvent leurs racines. En outre, cette manifestation prouve le dynamisme du secteur agricole – agro-alimentaire et agro-industriel : 5 000 emplois de techniciens sont aujourd'hui disponibles dans l'agro-industrie !

Ce succès ne doit donc rien au hasard, je le répète, et tout au travail des professionnels issus de ces filières, à leur capacité d'adaptation et à la politique publique – européenne et nationale – qui leur apporte des règles et un budget.

J'ai bien noté les utiles recommandations d'Antoine Herth sur la solidité de la corde, la nécessité d'un ravitaillement suffisant et les conditions météorologiques. C'est en ayant à l'esprit cette triple exigence que je chercherai à faire oeuvre de concertation au cours des semaines à venir. Vous l'avez dit, chacun doit prendre part au projet ; j'en suis d'accord, et je tiens à instaurer non des consensus mous, mais de véritables compromis dynamiques. Je n'oublie donc pas cette triple exigence lorsque je cherche à susciter l'accord le plus large possible, s'agissant notamment du plan d'accompagnement des mesures du bilan de santé.

Vous l'avez dit, la commission et le Parlement dont vous faites partie devront ensuite travailler sans tarder à la loi de modernisation annoncée par le chef de l'État, en étudiant par exemple le paiement contracyclique, le développement des assurances, l'organisation des filières interprofessionnelles, auxquelles je crois, ou, sans naïveté, l'organisation économique permettant de faire face, dans le monde qui est le nôtre, aux difficultés du commerce et aux exigences des consommateurs et de la société.

La politique propre à garantir une agriculture durable et une pêche durable, dont j'ai fait mon credo et que je me suis efforcé de traduire en actes, repose sur la priorité donnée à l'installation et au soutien des jeunes, car c'est le propre d'une agriculture durable que de se transmettre de génération en génération ; sur « Terre 2020 », qui exprime la nécessité de réagir, pour les agriculteurs eux-mêmes et pour la société, aux contraintes et aux exhortations relatives aux ressources, à l'espace, à l'ergonomie, à la consommation d'eau ou aux intrants ; mais aussi, monsieur Gaubert, sur les devoirs qui nous incombent vis-à-vis de la société d'autrefois, de ceux qui ont fait l'agriculture d'aujourd'hui, ces anciens qui ne sont pas toujours traités dignement.

Monsieur Gaubert, « social-libéral » ou « social-démocrate » ne sont que des mots ; le bio, le lait en montagne ou le sauvetage de l'élevage ovin ne relèvent pas du social, mais bien de l'économique : des milliers d'emplois sont concernés, dans des territoires fragiles.

J'ajoute que la Commission – dont je connais bien la ligne, laquelle suppose des décisions collégiales – propose, mais ne décide pas toujours en dernière instance ; j'en ai été témoin dans bien des domaines. En effet, le jeu de la majorité qualifiée permet de faire évoluer les positions au sein du Conseil et grâce à l'appui du Parlement européen.

Malheur à ceux qui ne bougent pas dans un monde où tout bouge, disais-je tout à l'heure ; malheur aussi à ceux qui sont seuls. Outre le défi alimentaire mondial que j'évoquais en répondant à Thierry Benoit, nous devons relever celui de la sécurité écologique et sanitaire, incarné par les pathogènes émergents qui surgissent partout et touchent des végétaux, des animaux, des humains – voyez la fièvre catharrale ovine. On ne peut affronter ces défis chacun chez soi et chacun pour soi ; voilà pourquoi, monsieur Chassaigne, il faut être, rester ou devenir européen. Il ne s'agit pas d'adhérer à n'importe quelle Europe ; mais, face aux défis que nous avons évoqués cet après-midi, il ne faut pas être seul et il faut savoir évoluer. Nous devons donc rester dans l'Union européenne, car la bonne réponse sera européenne.

Je n'oublie pas l'outre-mer, monsieur Fruteau, auquel vous savez combien je suis attaché – je le montrerai au cours des années à venir. Je n'oublie pas davantage la pêche, dont j'ai été le ministre pendant deux ans, ce dont je suis fier, car les pêcheurs, comme les paysans, méritent le respect : leurs conditions de travail sont les plus difficiles et les plus dangereuses qui soient ; vingt marins pêcheurs perdent chaque année la vie. Voilà pourquoi j'ai bâti un plan pour une pêche durable et responsable, qui encadre notre travail et permet d'éclairer l'horizon.

Je suis très sensible aux propos qu'ont tenus MM. Gaubert et Chassaigne au nom de l'opposition parlementaire – une fois n'est pas coutume –, ainsi qu'à la confiance amicale et active que vous m'avez témoignée tout à l'heure, monsieur Ollier, comme Antoine Herth au nom du groupe UMP et Thierry Benoit pour le Nouveau centre. Même si nous aurons quelques occasions de nous retrouver au cours des semaines qui viennent, lors des questions au Gouvernement ou en commission, le moment approche où je passerai le relais. La continuité de l'action gouvernementale sera assurée. De nombreux chantiers sont en cours ; je serai pleinement ministre jusqu'au bout.

J'ai été personnellement touché et ému de l'appréciation que vous avez portée sur l'action que j'ai eu l'honneur de conduire – car ce fut pour moi un honneur d'être ministre de l'agriculture et de la pêche durant ces deux années. Je vous en remercie. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Danièle Hoffman-Rispal

Prochaine séance, lundi 30 mars 2009 à seize heures :

Suite de la discussion du projet de loi favorisant la diffusion et la protection de la création sur Internet.

La séance est levée.

(La séance est levée à dix-neuf heures.)

Le Directeur du service du compte rendu de la séance de l'Assemblée nationale,

Claude Azéma