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Intervention de Michel Barnier

Réunion du 26 mars 2009 à 15h00
Bilan de santé de la politique agricole commune — Interventions des porte-parole des groupes

Michel Barnier, ministre de l'agriculture et de la pêche :

Je ne prolongerai pas longtemps ce débat, car votre attention, mesdames et messieurs les députés, a déjà été abondamment sollicitée cet après-midi.

Je vous remercie d'avoir assisté à ce premier débat de contrôle parlementaire de l'action du Gouvernement, auquel j'ai été très heureux de participer, comme vous le souhaitiez. Je tiens à en remercier Patrick Ollier – qui en a eu l'initiative –, comme de la qualité de nos échanges lors des auditions auxquelles j'ai pris part devant la commission qu'il préside avec talent et compétence. Je veux également redire à Pierre Lequiller que la commission qu'il préside jouera un rôle important dans les débats à venir.

Nombre d'entre vous ont évoqué la dimension européenne de la politique dont nous parlons, ce qui est bien normal : je suis le seul ministre chargé de mener une politique entièrement mutualisée au niveau européen, y compris dans le domaine de la pêche, que je n'oublie pas. En la matière, il n'est ni norme, ni orientation, ni budget qui ne soit décidé non par les autres, mais par nous et par les autres – les vingt-sept pays membres –, selon les règles de la majorité qualifiée, bienvenues mais contraignantes, car encore faut-il faire partie de la majorité qualifiée, et non de la minorité.

Je remercie donc les présidents Ollier et Lequiller de leur accueil tout au long de ces deux années.

Monsieur Benoit, la PAC implique non seulement les agriculteurs et l'agriculture, mais aussi une certaine idée de l'Europe. Voilà pourquoi nous devrons veiller dans les prochaines années au devenir des politiques communautaires, lorsqu'elles existent. Nous savons bien que s'affrontent depuis cinquante ans deux visions de l'Europe : la première – ce n'est pas la mienne – la réduit à une zone de libre échange, à une sorte de vaste supermarché ; la seconde privilégie une Europe communautaire, intégrée, dont les politiques prouvent le caractère solidaire. J'espère que nous aurons en outre l'ambition de nous doter d'une politique étrangère et de défense, afin de nous asseoir à la table des grands acteurs qui décideront de l'ordre ou du désordre du monde au cours des vingt années à venir.

Tels sont les enjeux de la PAC, première politique économique européenne. Si nous laissons les adeptes d'une grande zone de libre échange ouverte à tous les vents la détruire, si nous nous contentons de commercer les uns avec les autres, une certaine idée de l'Europe à laquelle nous sommes, vous et moi, attachés sera mise à bas.

Je veux le dire à Thierry Benoit et à Antoine Herth comme à chacun d'entre vous : dans un monde comme le nôtre, où tout bouge – parfois bien plus vite que ne l'affirment les hommes politiques, même si les citoyens s'en aperçoivent –, malheur à celui qui ne bouge pas. La PAC doit donc évoluer, comme l'Europe doit changer, s'adapter, réagir et faire preuve d'une volonté politique plus forte.

J'ai donc tenu à utiliser les outils dont nous nous sommes dotés dans le bilan de santé, non seulement à des fins d'équité – à cet égard, je partage le point de vue d'Antoine Herth –, mais aussi pour adapter la PAC aux nouvelles exigences de la société, des consommateurs et des citoyens. Il fallait cette évolution pour que cette politique aient de bonnes raisons de durer.

Dans ce mouvement, monsieur Chassaigne, il n'y a pas de fatalité : la préférence communautaire n'est pas condamnée à disparaître, même si les exigences de la société nous obligent à la doter d'une nouvelle dimension ; de même, les règles dont nous avons besoin ne sont pas condamnées à être démantelées. Au cours des deux ans pendant lesquels j'ai occupé ce poste, je me suis battu pour préserver, pour le vin, le lait ou les céréales, les outils de régulation indispensables.

En outre, le budget de l'agriculture n'est pas condamné à diminuer, pour peu que nous nous montrions suffisamment combatifs. Il représente cent euros par an et par habitant : il me semble que ce n'est pas cher payé, étant donné les services rendus par les producteurs agricoles – exploitants, éleveurs, viticulteurs, sans oublier les pêcheurs, qui sont aussi des producteurs – pour préserver notre modèle alimentaire, fondé sur la qualité, la quantité, la sûreté et la traçabilité. Sans porter un quelconque jugement, nous tenons à ce modèle qui diffère du modèle américain. Voilà pourquoi nous continuerons de refuser l'importation de boeuf aux hormones et de poulet chloré.

Ce budget est également justifié par notre modèle territorial, qui diffère – Antoine Herth le sait bien – du modèle d'industrie agricole que certains souhaiteraient imposer en Europe. Des millions d'exploitations modernes, petites ou moyennes, couvrent notre territoire. Cela a un prix ; mais la suppression de la PAC coûterait bien plus cher en termes de désertification et d'importations supplémentaires, sans parler du déséquilibre qui s'ensuivrait pour la société.

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