COMMISSION DES AFFAIRES EUROPEENNES
Mardi 7 février 2012
Présidence de M. Pierre Lequiller, Président de la Commission
La séance est ouverte à 16 h 20
Monsieur le ministre, je vous remercie de revenir devant la Commission pour nous tenir au courant des derniers sommets européens et faire le point sur l'actualité européenne. Mais auparavant, je tiens à féliciter Jean-Claude Mignon, récemment élu Président de l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe, et à saluer Philippe Juvin, député européen, qui nous fait l'amitié et l'honneur de participer à nos travaux.
Monsieur le ministre, nous souhaiterions vous entendre plus particulièrement sur le projet de traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance, le projet de traité relatif au mécanisme européen de stabilité, et les décisions prises en matière de relance.
D'abord, le projet de traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance – TSCG – institue une règle d'or et un mécanisme de correction automatique des déviations dans le droit national. En quoi consistera ce mécanisme de correction ? Quelles seront les conséquences de ce traité sur l'élaboration des lois de finances nationales ? Celui-ci- prévoit en effet que si la Commission établit un rapport concluant à une violation des règles par un État, la Cour de justice de l'Union européenne – CJUE – sera obligatoirement saisie par un autre État. Pouvez-vous nous préciser la portée de cette disposition ? Que contrôlera précisément la CJUE ?
Ensuite, nous examinerons en séance, le 21 février prochain, le projet de traité créant le mécanisme européen de stabilité – MES. Compte tenu des délais de ratification, ce mécanisme pourra-t-il fonctionner dès cet été ? Quel sera le montant de la participation française au capital initial ? Connaissez-vous le calendrier des ratifications nationales dans les autres pays ? Comment s'organisera la coexistence ou le cumul, pendant un an, du Fonds européen de stabilité financière – FESF – et du MES ?
Enfin, quelles seront les suites concrètes de la déclaration du Conseil européen du 30 janvier sur la croissance et l'emploi ? Les plans nationaux pour l'emploi auront-ils un caractère contraignant ?
Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, c'est toujours avec plaisir que je vous retrouve pour débattre des sujets européens.
Ces deux nouveaux traités, qui sont complémentaires, ont été entérinés par le Conseil. Ce sont des traités de solidarité et de discipline pour la zone euro. Mais il ne faut pas oublier que le TSCG, en particulier aux articles 9, 10 et 11 de son titre IV, organise une coordination des politiques économiques et que la déclaration du Conseil européen du 30 janvier met en oeuvre, de manière concrète, toute une série de mesures destinées à favoriser la croissance et l'emploi, notamment en direction des jeunes et des petites et moyennes entreprises. De fait, l'objectif de ces deux traités est bien la croissance et l'emploi.
Le premier outil de solidarité est le MES. Comme vous le savez, l'existence du Fonds européen de stabilité financière, dont les compétences ont été récemment élargies, n'était que temporaire – initialement jusqu'au 30 juin 2013. Il nous fallait donc trouver une solution pérenne pour le 1er juillet. Quant au TSCG, il a – entre autres – pour but la gouvernance de la zone euro, qui manquait cruellement pour piloter la monnaie unique.
Le MES est destiné à apporter des fonds et une assistance technique, strictement conditionnée, aux États qui connaissent des difficultés. Son champ d'intervention est équivalent à celui du Fonds européen de stabilité financière, dont il prendra le relais. Sa capacité de prêt maximale est de 500 milliards d'euros. Les États verseront 80 milliards d'euros de capital et donneront 620 milliards d'euros de garanties complémentaires. La France, quant à elle, décaissera directement 16 milliards d'euros et apportera environ 143 milliards de garanties. Outre cette assistance financière et technique, le MES pourra accorder des prêts qui seront assortis au programme d'ajustement macro-économique complet, intervenir sur les marchés primaire et secondaire, voire, à titre de précaution, accorder aux États des prêts destinés à recapitaliser leurs institutions financières.
Cette solidarité ne doit pas nous amener à signer des chèques en blanc, comme ce fut trop souvent le cas dans le passé – l'exemple de la Grèce est encore sous nos yeux. Les aides accordées feront donc l'objet de conditionnalités décrites dans des plans d'ajustement. Et bien entendu, un pays ne pourra bénéficier des mécanismes de solidarité que s'il a ratifié le TSCG.
Le calendrier parlementaire est serré : avant le 1er juillet 2012, révision de l'article 136 du traité de l'Union européenne pour prendre acte de la création du MES ; ratification du traité sur le MES ; vote d'une loi de finances rectificative pour permettre l'abondement du fonds de 80 milliards. Je rappelle que la participation de la France sera de 16 milliards, à verser sur cinq ans. Comme nous avons décidé, avec l'Allemagne, de doubler au minimum la première échéance annuelle, il nous faudra verser immédiatement plus de 6,5 milliards d'euros.
Venons-en aux conditions posées par le traité de stabilité, de coordination et de gouvernance, qui avaient été prévues dès le mois de décembre et n'ont que très peu changé depuis.
Le déficit structurel des administrations publiques ne peut pas excéder 0,5 % du PIB. Chaque État devra se doter d'une règle d'or et la transposer dans sa propre Constitution ou à un niveau équivalent ; cette transposition – et seulement cette transposition – est soumise au contrôle de la Cour de justice européenne ; les pays retardataires seront pénalisés à hauteur de 0,1 % de leur PIB. Le déficit annuel autorisé est toujours maintenu à 3 % du PIB. Comme vous le savez, les chefs d'État et de gouvernement ont décidé que la dette n'entrerait pas dans les critères du déclenchement quasi-automatique des sanctions.
La coordination des politiques économiques est essentielle, au niveau de la zone euro, mais aussi au-delà.
Ce TSCG a été signé par vingt-cinq des vingt-sept pays européens, et il s'appliquera dès que douze États de la zone euro l'auront ratifié.
Je terminerai sur les mesures pour la croissance et l'emploi qui sont incluses dans le dispositif.
Le chômage des jeunes a atteint 22,3 % dans l'Union européenne. Le pourcentage est à peu près équivalent en France, mais il est de 46 % en Espagne. Voilà pourquoi nous nous sommes engagés à faire beaucoup d'efforts pour développer l'apprentissage au niveau national et à le coordonner de manière plus efficace au niveau européen. Le programme Leonardo da Vinci sera renforcé. La mobilité sera encouragée. La carte professionnelle européenne et le passeport européen des compétences devraient enfin permettre à notre jeunesse d'être mieux formée et de trouver plus facilement un emploi.
En outre, 82 milliards d'euros, venant des fonds européens et qui n'ont pas été utilisés, seront directement consacrés à l'emploi des jeunes et aux petites et moyennes entreprises, constituant un véritable plan de relance. C'est ainsi que le Fonds social européen contribuera, à hauteur de 22 milliards, à la lutte contre le chômage de la jeunesse européenne.
Les obligations comptables des PME seront allégées. La recherche et l'innovation seront redynamisées par l'accord sur le brevet européen qui, je l'espère, aboutira rapidement – l'échéance a été fixée au mois de juin 2012. La Banque européenne d'investissement sera mobilisée.
Le Conseil européen du 30 janvier fera date dans la construction européenne : il aura créé un mécanisme européen de stabilité que l'on pourrait comparer à un fonds monétaire européen ; il aura introduit une certaine discipline budgétaire ; mais surtout, sur cette base de solidarité et de discipline, il aura remis nos pays et l'Europe sur le chemin de la croissance et de l'emploi.
J'en viens aux modifications qui ont été apportées par les chefs d'État et de gouvernement.
La majorité qualifiée inversée ne s'appliquera que sur le critère du pourcentage de déficit, et non sur celui du niveau de la dette.
Le format des sommets de la zone euro a fait l'objet d'un vaste débat, en particulier avec nos amis polonais. Les sommets se réuniront à dix-sept, mais le traité ayant été signé à vingt-cinq, des formats élargis sont prévus dans certaines circonstances.
S'agissant de l'introduction de la règle d'or, la France n'envisage pas de recourir seulement à une loi organique, même si l'hypothèse a été étudiée. C'est dans notre Constitution qu'il conviendra d'introduire ce dispositif. Le mécanisme de correction automatique reposera sur des principes communs qui seront définis par la Commission, mais ne le sont pas encore.
J'ai évoqué l'intervention de la Cour de justice au début de mon propos.
Le traité créant le mécanisme européen s'appliquera dès le 1er juillet. À partir de cette date, le FESF ne pourra plus intervenir et le MES prendra le relais.
Je tiens également à préciser que le MES ne pourra pas se refinancer directement auprès de la Banque centrale européenne, qui ne saurait en aucun cas l'alimenter.
Enfin, la déclaration du Conseil européen du 30 janvier aura des suites concrètes pour les PME et la jeunesse.
Monsieur le ministre, l'agacement vis-à-vis de la Grèce est de plus en plus prégnant parmi les dirigeants européens. Certains, officieusement, commencent à envisager l'hypothèse d'un défaut non ordonné. La Chancelière allemande et le Président français ont posé un ultimatum. Le gouvernement français peut-il laisser un pays de la zone euro faire faillite, au risque de déclencher une instabilité financière sans précédent ? Quelle est la position de la France dans les négociations en cours entre la troïka et le gouvernement grec ? Que fera la France si ces négociations n'aboutissent pas ?
Par ailleurs, la dette publique du Portugal est moindre que celle de la Grèce – 105 % du PIB contre 160 % pour la Grèce. Pour autant, il semble que le Portugal n'ait plus de marge de manoeuvre pour relancer l'économie et sa seule option serait de rééchelonner la baisse du déficit public. Mais son dérapage budgétaire est davantage lié à la récession qu'à une mauvaise maîtrise des dépenses publiques. Dans ces conditions, le gouvernement français est-il favorable au rééchelonnement de la dette portugaise ?
Monsieur le ministre, en quoi avez-vous le sentiment que le dernier Conseil européen constitue une étape décisive pour sortir l'Europe de la crise de l'euro et renforcer la gouvernance économique européenne ?
Quels sont, selon vous, les principaux obstacles qui restent à franchir pour mener à bien l'élaboration du nouveau traité ?
Que pensez-vous enfin de la résolution de la crise grecque ? Après tout, la Grèce, qui a focalisé l'attention des gouvernants, est l'emblème de la crise de l'Europe et de l'euro.
Monsieur le ministre, nous pourrons revenir sur les conditions qui ont été imposées à la Grèce, à commencer par la création d'une caisse qui recueillerait toutes les aides venant de l'Union et servirait à rembourser les intérêts de ses prêts. Mais je préfère vous entretenir du nouveau traité.
Je remarque que celui-ci n'aborde pas les questions liées à la croissance ou à l'emploi. Envisage-t-on, aujourd'hui, au niveau européen, une relance pour assurer davantage d'emplois, limiter les dépenses énergétiques et accroître le développement durable ?
Il n'y a, dans ce projet, aucune référence à un taux de croissance précis, voire à une simple fourchette de croissance ou à un rapport entre le déficit et la croissance. Le traité de Maastricht, que l'on cite souvent en ces temps de crise européenne, avait plafonné le déficit à 3 % et la dette à 60 % du PIB, mais dans l'hypothèse d'une croissance à 3 %. Quelles règles appliquer aujourd'hui avec un taux de croissance inférieur à 3 % ?
Ce nouveau traité prévoit des sanctions automatiques en cas de déficits excessifs, une harmonisation fiscale, et surtout l'accroissement du rôle des institutions de Bruxelles, notamment celui de la Commission et de la Cour de justice. Cela ne vous semble-t-il pas paradoxal ? En effet, depuis 2008 et tout dernièrement encore, avec la crise grecque, ces institutions ont surtout fait la preuve de leur faiblesse.
Enfin, j'observe que la Banque centrale européenne accorde toujours aux banques ce qu'elle refuse aux États. Il me semble paradoxal qu'aujourd'hui, la BCE consente aux banques des prêts à 1 %, tandis que celles-ci pourront imposer à l'Italie des prêts à 5 %. Qu'en pensez-vous ? Comment espérer, dans ces conditions, restaurer la confiance ? Cela me semble très dangereux, ne serait-ce que pour la démocratie.
Monsieur le ministre, pourquoi prévoir des sanctions sur le déficit, et non sur la dette ? J'ai du mal à le comprendre, et c'est aussi le cas de la majorité de nos concitoyens. La dette n'est-elle pas le cumul des déficits précédents ?
Vous avez évoqué tout à l'heure des mesures pour la croissance et l'emploi, en direction des PME et de la jeunesse. Pourriez-vous détailler ces mesures ? Jusqu'à présent, nous ne les avons pas trouvées dans les documents que nous avons pu consulter. Mais cela nous a sans doute échappé.
Enfin, il existait déjà des critères, dont nous nous sommes affranchis. Et maintenant, on en invente de nouveaux ! Nos concitoyens aimeraient que l'on applique une bonne fois pour toutes les règles que l'on se fixe.
Monsieur le ministre, alors que l'Europe n'est pas vraiment compétente en matière d'emploi, on lui demande d'intervenir de plus en plus dans ce domaine. D'après vous, 82 milliards de fonds non utilisés seront affectés à l'emploi. Je n'ai pas bien compris si cela serait via le FSE ? N'oublions pas que nous avons encore du mal à utiliser ce fonds au maximum. Dans ces conditions, je ne vois pas en quoi cela pourrait profiter à l'emploi.
Monsieur le ministre, je remarque que le danger vient autant du déficit que de la dette, puisque l'on parle des deux dans le traité intergouvernemental.
Je remarque aussi que seuls les États ayant signé ce traité pourront bénéficier du mécanisme de stabilité. Cela nous renvoie à votre observation de tout à l'heure, selon laquelle certains États ont pu donner le sentiment de profiter de la coopération des 27 sans en tirer toutes les conséquences en termes de responsabilité. Cette observation est politiquement très importante pour nos concitoyens, qui auront le sentiment que ceux qui seront aidés s'engageront.
Ma question porte sur la règle plafonnant à 0,5 % du PIB les déficits structurels. Qu'entendez-vous par « déficits structurels » ?
Dans la rencontre d'hier, il a été indiqué que la France et l'Allemagne envisageaient de converger vers un impôt sur les sociétés qui permettrait d'instituer une seule zone fiscale pour les entreprises très proches dans les deux pays. Or, l'impôt sur les sociétés est actuellement de 29,8 % en Allemagne, ce qui donne à cette dernière un avantage sur la France où il est de 34,4 %. Monsieur le ministre, pouvez-vous nous donner des précisions sur les moyens d'atteindre cet objectif ?
Monsieur le ministre, le traité qui institue le MES est un acte important pour la construction de l'Union européenne, mais nous restons préoccupés par la croissance. Quelles pistes pourrait-on exploiter, au sein de l'Union européenne, afin de relancer celle-ci ?
Je souhaiterais, moi aussi, avoir une définition exacte du « solde structurel ».
Par ailleurs, je suis intimement convaincu qu'un traité prévoyant des sanctions contre les États est illusoire. Vous n'infligerez ni à la France ni à l'Italie des amendes atteignant 0,1 % du PIB. Ce serait prendre le risque de faire « exploser » le système. Cette façon de faire technocratique n'a donc aucune chance d'aboutir. Souvenez-vous de ce qui s'est passé lorsque la France et l'Allemagne sont « sorties des clous » de Maastricht : aucune sanction n'a été prononcée.
Enfin, nous devons nous attaquer au problème de la compétitivité. Nous ne pouvons pas laisser la BCE continuer à engraisser les banques sans accorder d'aides directes aux États. Tant que l'on n'aura pas posé cette question structurelle, nous ne progresserons pas.
Monsieur le ministre, je suis solidaire de la politique que vous menez, mais sur ces points précis, nous nageons en pleine illusion.
M. Michel Lefait a évoqué le problème de la Grèce, qui est en effet préoccupant. Des décisions ont été prises pour aider ce pays. Une nouvelle tranche sera débloquée le 20 mars. Mais l'échéance est proche et des solutions devront avoir été trouvées d'ici là.
Une négociation a eu lieu avec les partenaires financiers et le secteur privé. Elle a porté sur la durée, sur les taux et sur l'effacement d'une partie de la dette. À l'heure actuelle, on en serait à 3,7 ou 3,8 % pour ce qui est des taux, et à près de 50 % pour ce qui est de l'effacement de la dette privée. Mais il semble que les travaux progressent lentement, malgré les recommandations de la troïka et l'accompagnement des experts.
L'unanimité qui s'était faite au niveau des partis politiques grecs au moment où M. Papandréou avait évoqué un referendum s'est en grande partie fissurée à l'approche des échéances électorales. Mais on ne peut pas sacrifier l'avenir de son pays à des préoccupations purement électoralistes. Le Président de la République a donc appelé la majorité et l'opposition à retrouver un consensus national et à accepter le plan tel qu'il est, car il n'y a pas d'alternative – il n'est pas envisageable de le modifier. Dans un tel contexte, les gouvernants grecs vont devoir prendre leurs responsabilités dans les plus brefs délais. Sur ce point, vous avez pu constater que la Chancelière et le Président de la République parlaient d'une même voix. Il n'y aura pas de faillite de la Grèce. La France et l'Allemagne ne laisseront pas cette situation se produire. Imaginez un peu ce qui se passerait sinon, notamment pour le Portugal.
La dette publique du Portugal représente 105 % de son PIB, contre un objectif de 120 % pour la Grèce. Pour aider cette dernière, on a mis en place des pare-feu et on a fait intervenir des créanciers privés. Mais c'est une situation qui doit rester exceptionnelle. Nous l'avons répété au moment de la négociation du traité : il n'y aura ni plan ni rééchelonnement de la dette pour le Portugal. Celui-ci devra continuer, en toute indépendance, à chercher le moyen de répondre à la crise qu'il traverse, comme il a commencé à le faire en réformant le marché du travail.
Michel Herbillon m'a demandé en quoi le dernier Conseil européen constituait une étape décisive. Il est en effet bien conscient que la crise que nous traversons demeure un sujet de préoccupation. Mais l'important est que l'immense majorité des États européens – vingt-cinq sur vingt-sept – se soient entendus pour mettre en place des mécanismes coordonnés de solidarité et de discipline. Je remarque qu'ils ont, par là même, adopté le point de vue de la France – et non celui de l'Allemagne. C'est en effet la France qui a proposé le FESF, la gouvernance économique et l'instauration d'une règle d'or sur le plan national.
Cette étape, pour être significative, ne nous met pas à l'abri des obstacles : après avoir signé le traité, il faudra le ratifier. Il serait particulièrement désastreux pour la France et pour l'Europe que ce traité ne soit pas ratifié ou que l'on envisage de le renégocier. J'ai assisté au départ de mes homologues roumain, allemand, espagnol et italien, et si les traités européens étaient contestés à chaque changement de majorité, nous serions dans une situation d'instabilité dont les spéculateurs ne manqueraient pas de tirer profit.
Madame Karamanli, contrairement à ce que l'on pourrait penser, l'objectif du compte bloqué n'est pas de pénaliser la Grèce. Il s'agit de rassurer les marchés financiers, de faciliter le financement de la Grèce sur l'ensemble des marchés et, en même temps, d'assurer l'indépendance budgétaire de cet État souverain. Quelqu'un a eu une phrase malheureuse sur « la mise sous tutelle » de la Grèce, mais il n'en est pas question. L'Europe n'est pas là pour inféoder les gouvernements à ses décisions. En revanche, comme je l'ai dit tout à l'heure, on ne peut envisager de verser des fonds à la Grèce sans qu'aient été mis en place des mécanismes permettant de stabiliser la situation économique de ce pays.
Comme dans le traité de Maastricht, il est question, dans le TSCG, de croissance et d'emploi. Je vous renvoie, madame Karamanli, à l'article 9 de son titre IV, où apparaissent les trois mots clé de « croissance », « emploi » et « compétitivité ». Le dispositif mis en place par le TSCG poursuit ce triple objectif.
Des actions peuvent être menées au niveau européen pour compléter celles menées par chaque pays. Pascale Gruny m'a interpellé sur les 82 milliards de fonds européens qui seront programmés à l'horizon de 2013. Ces fonds sont déjà là, puisqu'ils n'ont pas été utilisés – pour des raisons multiples, qu'elle connaît d'ailleurs. Je précise que dans ces 82 milliards, j'ai inclus les 22 milliards du Fonds social européen – FSE – à partir duquel nous interviendrons en faveur de l'emploi des jeunes – plans d'apprentissage et soutien aux jeunes entrepreneurs. Parallèlement, nous agirons pour les PME en allégeant les procédures administratives auxquelles elles sont soumises et en facilitant leur accès aux marchés publics dans le cadre du marché unique.
En ce sens, on peut dire qu'il existe un plan de relance européen de 82 milliards d'euros. Il est d'ailleurs logique qu'au moment où les États membres sont en difficulté et ont dû procéder à des restrictions budgétaires, une part substantielle et concrète soit consacrée à la relance de la compétitivité et de la croissance.
Les pouvoirs de sanction de la Commission et de la Cour de justice de l'Union européenne n'ont pas été accrus. La France a bien insisté sur ce point : la Cour de justice de l'Union européenne ne peut sanctionner que la non-transposition du traité en droit national. Il n'est pas question qu'elle contrôle a priori ou a posteriori les budgets nationaux. Prenons l'exemple d'un pays ayant inscrit la règle d'or dans sa Constitution : si son budget ne respectait pas cette règle, il serait anticonstitutionnel et une sanction serait alors prononcée par un tribunal du pays, et non par la Cour de justice.
La BCE intervient sur les liquidités à hauteur de 500 milliards d'euros et, en toute indépendance, sur les dettes des États souverains jusqu'à 200 milliards d'euros. Cette double action n'est pas destinée à aider particulièrement les banques. Elle vise à favoriser l'accès aux liquidités, donc aux prêts, pour les entreprises qui veulent se développer, et à aider les États à se désendetter.
La dette n'est pas sanctionnée de façon quasi-automatique parce qu'elle relève du passé et que la question des critères d'endettement est réglée par le « six-pack » que viendra conforter le traité. Il paraissait d'autant plus logique de s'attaquer plutôt au déficit qu'il est déjà prévu que la dette devra être réduite d'un vingtième chaque année.
Monsieur Gaubert, comme Jean-Jacques Rousseau, je considère que l'obéissance à la loi qu'on s'est prescrite, c'est la liberté. Je suis donc d'accord avec vous : il faut respecter les règles. Et en cas de manquement, les sanctions sont indispensables. On l'a bien vu lorsque la France et l'Allemagne, les deux plus grands pays de l'Union européenne et de la zone euro, se sont élégamment affranchies des critères de Maastricht, présentés comme des carcans alors que ce n'était que des règles de bon sens.
Monsieur le député européen, vous m'interrogez sur le solde structurel des administrations publiques. Je vous répondrai qu'il s'agit du solde annuel corrigé des variations conjoncturelles – déduction faite des mesures ponctuelles et temporaires – tout en vous précisant qu'il convient de prendre en compte l'ensemble des dépenses publiques, c'est-à-dire aussi bien celles de l'État que celles des collectivités.
J'ajoute que la référence au solde structurel était obligatoire. Il faut en effet pouvoir s'autoriser l'utilisation de « stabilisateurs automatiques ». En période de crise, la conjoncture est mauvaise, les prélèvements obligatoires baissent et les dépenses, notamment sociales, augmentent. Or les stabilisateurs économiques permettent de lisser le cycle économique dans lequel on se trouve.
Didier Quentin a parlé de la convergence de la France et de l'Allemagne en matière d'impôt sur les sociétés. Le taux de cet impôt est plus bas en Allemagne, mais son assiette est bien plus étroite en France. Il faudrait d'abord élargir l'assiette avant de rapprocher progressivement les taux. Cela signifie qu'il faudra attendre 2013 pour finaliser une telle réforme. Mais l'important est de parvenir à cette convergence.
Monsieur Cousin, on crée la croissance par la compétitivité, par un déficit inférieur qui ne plombe pas les investissements et par le marché unique, qui est un formidable outil de croissance. Depuis vingt ans, le marché intérieur a permis de créer près de 2,7 millions d'emplois dans l'Union européenne. La liberté des échanges facilite non pas la compétitivité interne, mais la compétitivité externe. Je pense, par exemple, au brevet européen unique qui devrait prochainement voir le jour. Aujourd'hui, un brevet déposé en France, en Allemagne ou en Suisse coûte dix-sept fois plus cher qu'un brevet américain. Le brevet unique augmentera donc la performance de nos entreprises et sécurisera l'innovation en Europe.
La croissance se fonde sur une politique budgétaire rigoureuse, sur l'innovation – notamment dans le domaine du numérique et de la croissance verte – et sur le marché unique que M. Michel Barnier est en train de mettre en place pour que nous soyons plus compétitifs.
Monsieur Myard, les sanctions vont-elles faire exploser le système ? Vous êtes suffisamment averti et intelligent pour savoir qu'une menace de sanction peut constituer en elle-même une arme efficace contre l'infraction. Si des dérives se sont produites dans le passé, c'est parce qu'il n'y avait pas de sanctions. Aujourd'hui, des sanctions automatiques sont prévues. Elles seront décidées à une majorité qualifiée inversée. Cela devrait permettre de faire ce que l'on a dit.
Je reconnais, pour terminer, que je suis d'une nature résolument optimiste. Mais c'est une qualité bien utile pour quelqu'un qui a été médecin, député et qui a maintenant la chance de s'occuper de l'Europe !
Améliorer l'efficacité de la politique sociale européenne suppose de concentrer les efforts du Fonds social européen plutôt que de les éparpiller sur cinq ou six objectifs dits prioritaires. Est-il envisageable, dans le cadre des négociations sur les perspectives financières pour la période 2014-2020, de réorienter le FSE vers l'objectif prioritaire de la stratégie Europe 2020 de sortir vingt millions d'Européens de la grande pauvreté et de l'exclusion entre 2014 et 2020 ? Le Programme européen d'aide aux plus démunis, le PEAD, qui ne relève plus de la PAC, sera-t-il financé sur la dotation du FSE à partir de 2014 ? Le FSE pourra-il contribuer au financement d'expérimentations européennes dans le domaine social ? Comment faciliter, au niveau national, l'accès au FSE pour les associations et les entreprises de l'économie sociale et solidaire ?
À en croire notre collègue Joseph Daul, qui préside le groupe du Parti populaire européen au Parlement européen, nous avons des progrès à réaliser en matière de transposition des règles du marché unique par notre pays : il semble qu'une transposition plus active de certaines directives nous permettrait de bénéficier d'un marché plus porteur. Pourriez-vous nous dire, monsieur le ministre, si nous faisons partie des bons ou des mauvais élèves dans ce domaine ?
L'arrêt de la Cour de justice est très clair : le financement du PEAD ne relève plus de la Politique agricole commune. Cette décision doit être pour nous l'occasion de réfléchir plus globalement à l'utilisation des fonds européens dans le cadre des perspectives financières 2014-2020, et de ce point de vue, monsieur Juanico, je partage votre interrogation : quand on sait qu'en dix ans, la Grèce a bénéficié de 240 milliards d'euros au titre de la solidarité, on ne peut que se demander s'il n'aurait pas mieux valu orienter les fonds européens vers quelques objectifs prioritaires plutôt que de les saupoudrer sur un grand nombre d'objectifs différents. Si L'Europe avait concentré ses efforts sur l'emploi des jeunes et la compétitivité des PME, domaines dans lesquels elle vient de prendre des initiatives sous impulsion franco-allemande, nous ne nous trouverions pas dans la situation que nous connaissons aujourd'hui. Si l'Europe veut être performante dans un marché désormais mondialisé, le mieux qu'elle ait à faire sur le plan social est d'aider les jeunes à acquérir une formation et à trouver un emploi. Sans vouloir préjuger de l'issue des négociations sur les perspectives financières 2014-2020, qui ne devraient pas aboutir avant la fin de l'année 2012, il me semble qu'il faudrait réorienter toute la politique sociale européenne vers la croissance et l'emploi : nous ne pouvons pas accepter, par exemple, que 46 % des jeunes Espagnols soient au chômage. La diminution de l'exclusion et de la pauvreté passe aussi par la création d'emplois.
En matière de traduction législative des règles du marché unique, la France peut mieux faire, même si on ne peut pas dire que c'est une transposition insuffisante de ces directives qui handicaperait notre pays. Je rappelle qu'à l'initiative de la France, les directives « marchés publics » excluent du champ de la compétition économique les services sociaux à la française. À notre demande, les nouveaux textes permettront en outre de soumettre l'accès aux marchés publics européens à des critères d'innovation, sociaux et environnementaux, trois critères qui permettront d'améliorer notre compétitivité, nationale autant qu'européenne.
Je souhaite vous présenter la proposition de résolution que j'ai déposée avec mes collègues François Brottes, Jean-Marc Ayrault, Elisabeth Guigou et Jean Grellier. Les évolutions technologiques de la dernière décennie ont créé de nouvelles opportunités d'échanger et d'accéder à l'information.
Ainsi, le développement d'Internet s'est accompagné de l'explosion des réseaux sociaux. Le web est entré dans la vie quotidienne de chacun multipliant ainsi les occasions de faire apparaître ou de transmettre ses données personnelles. La vie privée des personnes – englobant leur réseau d'amis, leurs idées politiques, leur orientation sexuelle ou encore leur religion – est potentiellement visible instantanément par tous et partout via ces sites de socialisation. Pourtant, tous ne sont pas conscients qu'une telle exposition publique de soi risque d'entraîner une perte de contrôle de ses données personnelles.
Par ailleurs, les systèmes de géolocalisation ouvrent un éventail de services tout en possédant un revers qui est de rendre transparents les déplacements de chacun via son téléphone portable, son titre de transport ou de paiement ou encore par l'usage du télépéage. D'autres outils, comme la vidéoprotection ou la biométrie, se sont imposés. Ces technologies partagent un point commun : l'accroissement de la traçabilité des individus et les risques inhérents en matière de respect de la vie privée.
La protection des données personnelles constitue un véritable enjeu juridique et sociétal, mais également économique tant celles-ci sont devenues l'or noir de l'économie numérique. La gratuité des services offerts dans l'environnement en ligne a, de plus en plus souvent, pour contrepartie la collecte, l'usage et le transfert de ces données. Celles-ci font l'objet d'une commercialisation et sont utilisées afin de constituer les profils des utilisateurs-consommateurs, sans aucune information de ces derniers. L'autorégulation ne peut suffire en la matière, c'est pourquoi il convient, par des règles juridiques, de responsabiliser les entreprises.
L'objectif général ne peut être de contrer les changements fondamentaux en cours en matière de service, de communication, d'échange et d'accès à l'information, mais de les accompagner et de les sécuriser. La France, à travers notamment le travail de la CNIL, a imposé un contrôle strict de la captation, du transfert, de l'utilisation et de la conservation des données à caractère personnel. Selon leur « sensibilité », ces données font l'objet d'une protection plus ou moins forte.
L'adoption, il y a dix-sept ans, de la directive européenne 9546CE relative à la protection des personnes physiques à l'égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données fut l'acte fondateur de la protection de la vie privée à l'échelle communautaire. Sa modernisation semble désormais à la fois urgente et indispensable. Dans le cadre de sa prochaine révision, le Parlement français se doit de faire valoir un certain nombre de principes, valeurs et droits essentiels.
La protection de la vie privée, et plus globalement de toutes les données personnelles, doit devenir une exigence de fait et de droit au niveau national, mais aussi communautaire et international.
L'analyse que je développe ici est largement alimentée par les travaux de la mission d'information sur la révolution numérique, dont j'étais le rapporteur avec notre collègue Patrice Verchère, conduite en 2011 sous la présidence du Président Jean-Luc Warsmann. L'harmonisation des règles relatives aux données à caractère personnel au niveau de l'Union européenne doit se faire à un niveau élevé de protection.
Il est indispensable de renforcer l'information des personnes dont les données personnelles sont collectées, de s'assurer que celle-ci soit accessible de manière permanente et de permettre à ces personnes un contrôle de leurs données. Il faut, par conséquent, que soit prévue une entière transparence pour les personnes concernées quant au responsable du traitement de leurs données, à leurs destinataires notamment en cas de transfert des données vers des tiers ou vers des applications extérieures, à leur utilisation, à leur durée de conservation, à leur degré de protection ainsi qu'en matière de droit d'accès, de rectification et de suppression de celles-ci. Les propositions de la Commission européenne vont dans le bon sens.
Le consentement en connaissance de cause, préalable et explicite, des personnes dont les données personnelles sont collectées notamment sur le réseau Internet, mais aussi en matière de géolocalisation devrait être prévu.
En ce qui concerne les mineurs, il conviendrait d'imposer un haut niveau de protection par défaut ainsi que l'instauration d'obligations et d'exigences spécifiques au traitement des données personnelles des mineurs.
Toutefois, la réglementation ne suffit pas et une campagne d'information destinée à sensibiliser les citoyens, et notamment les plus jeunes, aux enjeux liés à la vie privée et à la protection des données personnelles à l'heure du numérique ainsi qu'à les informer de leurs droits, devrait être lancée sans attendre.
Il convient de soutenir la reconnaissance d'un « droit à l'oubli » notamment sur les réseaux sociaux qui serait un droit exprès et effectif à l'effacement de ses données, et non un simple droit à la désactivation de son profil, couplé à la garantie d'une procédure simple et facilement accessible, permettant d'effacer l'intégralité de ses données ou de les récupérer en vue de les réutiliser. Il conviendrait également de prévoir l'effacement par principe des données d'un profil d'utilisateur après un certain délai si aucun usage n'en est fait, l'utilisateur pouvant opter pour le non-effacement de ses données.
Un certain nombre de propositions de la Commission européenne doivent être soutenues, telles que :
- la création de labels permettant d'identifier les logiciels, applications et systèmes offrant des garanties renforcées en matière de protection des données personnelles ;
- l'obligation, pour tout responsable de traitements de données à caractère personnel, de notifier les failles de sécurité auprès de l'autorité nationale de protection des données personnelles et des particuliers concernés par ces violations ;
- le renforcement des possibilités de coercition des autorités nationales, notamment envers les entreprises extra-européennes qui, dans le cadre de leurs activités, ciblent les consommateurs de l'Union. La règle de compétence proposée dans le règlement ainsi que le renforcement des sanctions vont dans ce sens.
Il convient de compléter la proposition de la commission européenne pour mieux protéger les résidents européens.
En premier lieu, un certain nombre d'évolutions technologiques devraient être mieux encadrées. Il conviendrait d'exclure de « l'informatique en nuage » réalisé hors de l'Union européenne les données personnelles dites « sensibles » ou comportant certains risques pour les personnes concernées, comme les données biométriques, les données génétiques, les données judiciaires, les données financières ou les données concernant des enfants. Il conviendrait de faire obligation aux responsables de traitement, et plus particulièrement aux acteurs de « l'informatique en nuage », de réaliser régulièrement des audits de sécurité.
Au-delà de la reconnaissance des principes de protection des données dès la conception et de protection des données par défaut, il convient d'encourager l'Union européenne à développer la recherche, l'innovation et le développement dans le secteur des technologies respectueuses de la vie privée dès leur conception, dites « privacy by design ». Il faut en effet doter l'Europe d'une véritable politique industrielle du numérique et lui permettre ainsi de bénéficier d'un indéniable avantage comparatif dans la compétition mondiale.
Il faudra également soutenir le développement de navigateurs Internet plus protecteurs et plus transparents en matière de ciblage publicitaire.
L'élaboration d'études d'impact sur la protection des données personnelles de certains produits développés par les entreprises préalablement à leur mise en application devrait être systématisée.
Il conviendrait également de soutenir les recommandations du G29 visant à contraindre les fournisseurs de services, après six mois de conservation, d'une part, à détruire, les références aux adresses IP des utilisateurs de ses services et, d'autre part, à anonymiser complètement ces données.
En second lieu, la place des autorités de contrôle devrait être renforcée.
Il est essentiel que les autorités nationales de protection des données ainsi que le groupe de travail G29 bénéficient de compétences idoines et de ressources suffisantes pour leur permettre de mener à bien leur tâche et garantir leur indépendance. Il convient de renforcer la coopération entre ces autorités.
Le critère de l'établissement principal au niveau communautaire devrait être combattu. Un seul droit national s'appliquerait à une entreprise établie dans plusieurs États membres et, par conséquent, une seule autorité nationale serait compétente. Un tel critère ne pourra susciter qu'une course au « moins-disant » des entreprises vers les Etats membres dans lesquels les autorités de protection sont considérées comme étant les plus souples. Une telle réforme n'est pas acceptable. Il s'agit là d'un point essentiel.
En troisième lieu, s'agissant des possibilités de recours des résidents européens, afin de permettre un droit au recours vraiment effectif, il est nécessaire de rendre possible la mise en oeuvre d'actions de groupe en matière de protection des données personnelles.
En quatrième lieu, il faut souligner la nécessité d'un encadrement strict des transferts internationaux des données à caractère personnel et s'opposer au fait que les entreprises puissent, d'elles-mêmes, évaluer la sensibilité de leurs traitements avant un transfert en dehors des cadres de protection européens.
Enfin, devant l'absence d'instrument juridique contraignant au-delà du droit de l'Union et de la convention no108 du Conseil de l'Europe, il convient d'appeler à l'adoption par les États membres de l'Union européenne et les États tiers d'une convention internationale pour la protection des personnes à l'égard du traitement des données personnelles, comme le soutient la Résolution de Madrid, adoptée par la 31e Conférence des commissaires à la protection des données et à la vie privée.
En conclusion, la proposition de règlement déposée par la Commission européenne comporte de nombreuses avancées, qui doivent être soutenues. Il fait néanmoins aller plus loin et, notamment, s'opposer au critère de l'établissement principal.
La proposition de résolution que j'ai déposée comporte quelques différences avec celle de notre collègue Patrick Bloche, mais je ne suis pas en opposition avec ce qui vient d'être dit, bien entendu. Nos positions sont très proches. Je n'avais pas non plus été insensible aux travaux menés par la mission d'information sur la révolution numérique, que j'avais suivis avec beaucoup d'intérêt. La protection de la vie privée et des données personnelles de nos concitoyens représente, depuis de longues années, un enjeu majeur de politique publique dans notre pays. L'adoption de la loi du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés, et la création de la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL), ont fait de la France l'un des premiers pays au monde à se doter d'une législation et d'une autorité de contrôle indépendante sur ces questions.
Fort de son expérience dans ce domaine, notre pays a toujours été l'un des Etats les plus impliqués sur ces thématiques, aussi bien au sein de l'Union européenne, que sur la scène internationale. Les principes de la loi du 6 janvier 1978 ont, pour une grande part, fortement inspiré les dispositions de la directive européenne 9546CE relative à la protection des personnes physiques à l'égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données, dont l'adoption, en 1995, a constitué l'acte fondateur de la politique européenne dans ce domaine.
L'explosion d'Internet, l'émergence des réseaux sociaux, l'apparition de nouvelles technologies et de nouvelles pratiques ont considérablement transformé le monde numérique depuis l'adoption de la directive en 1995. Les données personnelles des citoyens ne sont plus seulement contenues dans des fichiers mis en place par les Etats ou les administrations, mais sont désormais traitées par différents acteurs publics et privés.
A cette nouvelle réalité s'ajoute l'internationalisation des échanges de données : les traitements de données sont désormais mondialisés et s'affranchissent des frontières traditionnelles, sans que les citoyens en soient nécessairement informés, et sans qu'ils puissent véritablement en conserver la maîtrise. Le recours, de plus en plus fréquent, à l'informatique en nuage (« cloud coumputing ») et au stockage de données personnelles « en ligne » pose également de nouvelles questions à cet égard.
C'est dans ce contexte en forte évolution que la Commission européenne a fait de la révision de ce cadre juridique européen une priorité stratégique de son action, avec pour objectif premier l'harmonisation et la simplification des règles applicables en Europe.
Elle a ainsi lancé, dès 2009, une consultation publique de l'ensemble des acteurs du secteur et a très récemment, le 25 janvier 2012, proposé une proposition de règlement pour l'ensemble des matières relevant de la directive de 1995, les questions relevant de l'ancien troisième pilier (coopération policière et judiciaire en matière pénale) faisant l'objet d'une proposition de directive.
L'Union européenne est donc à un moment charnière de sa politique de protection de la vie privée des résidents européens, et doit ainsi montrer toute sa capacité à moderniser le cadre juridique communautaire, tout en préservant sa tradition d'un haut niveau de protection des droits des citoyens et résidents européens.
L'entrée en vigueur du traité de Lisbonne, le 1er décembre 2010, a donné force contraignante à la Charte des droits fondamentaux, qui dispose en son article 8 que toute personne a droit à la protection des données à caractère personnel la concernant. Par ailleurs, le nouvel article 16 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne définit les règles d'adoption des textes européens permettant de garantir le droit à la protection des données personnelles.
Cette proposition est porteuse de nombreuses avancées, attendues et nécessaires. Ainsi, les citoyens se verraient reconnaître un droit à l'oubli numérique, les règles de recueil de leur consentement seraient renforcées, les correspondants informatiques et libertés seraient rendus obligatoires dans les administrations publiques et certaines entreprises, ces dernières devraient intégrer dans leurs politiques une démarche de protection des données personnelles (notion d' « accountability »), les sanctions contre les entreprises ne respectant pas les règles dans ce domaine seraient considérablement renforcées, etc. Toutes ces dispositions nouvelles, qui participeront à une meilleure transparence et à une information renforcée des citoyens quant aux traitements de leurs données personnelles, sont à saluer et favoriseront une meilleure protection des droits.
Afin d'assurer une réelle harmonisation des droits nationaux ainsi qu'une protection uniforme des droits à la vie privée et à la protection des données dans l'Union, la Commission européenne propose de réformer la directive de 1995 par un règlement, qui sera donc d'application directe et ne nécessitera pas de transposition. Un règlement est également jugé nécessaire aux acteurs économiques afin de garantir la sécurité juridique, la transparence des règles et de limiter les entraves au marché intérieur.
Le caractère massif des échanges de données à caractère personnel, l'internationalisation de ces échanges, la marchandisation des données personnelles et l'attrait commercial que suscitent les informations nominatives, les nouvelles possibilités technologiques qui permettent d'accroître les capacités de stockage et de conservation des données dans des proportions auparavant inimaginables sont autant d'éléments qui ont fait naître la revendication d'un droit à l'oubli.
Le rapporteur estime que la mise en oeuvre d'un droit général à l'oubli pourrait bien se révéler impraticable. Il souhaiterait que, dans un souci de réalisme, le droit à l'oubli soit en priorité imposé aux réseaux sociaux, car ces derniers ont fait naître ces dernières années des problématiques très spécifiques en termes de protection des données personnelles. La Commission européenne propose aussi d'instituer le droit à la portabilité des données.
Il appartiendrait au responsable du traitement de prendre les mesures techniques et organisationnelles appropriées, tant au moment de la conception que de l'exécution du traitement. Les principes de la protection des données dès la conception (« privacy by design ») et de la protection des données par défaut seraient posés. Une obligation de notification des violations des données personnelles, non seulement à l'autorité de contrôle, mais aussi aux personnes concernées, serait instituée pour tous les responsables de traitement. Les sanctions contre les entreprises pourraient atteindre, dans les cas les plus graves, au maximum, 2% du chiffre d'affaires mondial.
J'estime que l'introduction du critère de l'établissement principal du responsable de traitement pour déterminer l'autorité compétente aura des conséquences politiques et économiques considérables. Nous partageons cette préoccupation avec Patrick Bloche.
Ainsi, pour un responsable de traitement installé dans plusieurs Etats membres de l'Union européenne, seule l'autorité de protection du pays accueillant le principal établissement de ce responsable sera compétente pour l'ensemble des traitements mis en oeuvre sur le territoire communautaire. Par exemple, pour un traitement réalisé en France concernant des clients français, la CNIL ne sera pas nécessairement compétente pour traiter les plaintes de ceux-ci : sera compétente l'autorité du pays dans lequel est installé le principal établissement de ce responsable de traitement.
Cette solution aura des conséquentes politiques importantes, puisqu'elle participera à un éloignement sensible des citoyens des autorités compétentes. Comment les résidents français pourront-ils en effet comprendre, et accepter, qu'une entreprise installée sur le territoire français, traitant des données personnelles de résidents français, ne soit pas responsable devant la CNIL, mais devant l'autorité irlandaise, grecque ou suédoise ? Cette disposition ira ainsi à l'encontre de l'objectif de construction d'une Europe politique, transparente, de proximité, au fonctionnement compréhensible par tous. Elle renforcera au contraire l'image plutôt technocratique des institutions communautaires, allant à l'encontre de tous les efforts menés pour les rapprocher des citoyens européens. L'objectif doit être celui de la mise en oeuvre d'un mécanisme intelligible, permettant à chaque citoyen désireux de défendre ses droits de pouvoir le faire rapidement et facilement, auprès de l'autorité de protection de son Etat membre.
De plus, cette image technocratique sera également renforcée par le mécanisme de coopération et d'assistance mutuelle entre autorités européennes, tel qu'il est proposé par la Commission européenne, afin de compenser la perte de compétences des autorités et l'allègement des formalités préalables. Ces mécanismes, tels qu'actuellement envisagés, semblent lourds et trop limités pour garantir une information et une coopération suffisante entre les autorités. Par exemple, il n'est pas prévu clairement qu'une faille de sécurité notifiée à l'autorité de l'établissement principal et impactant les résidents d'autres Etats membres soit portée à la connaissance des autres autorités impactées. Il en est de même, en cas de consultation de l'autorité de l'établissement principal sur des traitements à risques, tels que les traitements biométriques, déployés dans toute l'Europe. Quand bien même le règlement serait un instrument permettant une plus grande harmonisation, le risque de « forum shopping » n'en serait pas moins réel : en effet, la disparité de la mise en oeuvre de la protection des données personnelles en Europe découle au moins autant des différences existant entre le droit des Etats membres que des différences d'approche retenues par les autorités de protection nationales, certaines se montrant particulièrement souples.
Au-delà des conséquences évoquées ci-dessus liées à l'introduction du critère de l'établissement principal dans le texte, cette réforme aboutirait à la concentration de pouvoirs considérables entre les mains de la Commission européenne, conduisant à encadrer très fortement le pouvoir des autorités nationales. En effet, le projet de règlement prévoit que la Commission européenne sera exclusivement compétente pour élaborer des lignes directrices en matière de protection des données personnelles et définir les modalités précises d'application des nouvelles dispositions. Le recours à la « comitologie » est excessif.
Enfin, les transferts vers les Etats tiers ne seraient pas suffisamment encadrés, notamment avec la nouvelle possibilité d'auto-évaluation par les responsables du traitement eux-mêmes.
Je souhaiterais enfin, compte tenu des travaux menés depuis le dépôt de la proposition de résolution, proposer trois amendements à la PPRE :
- au point 6, ajouter la préoccupation suivante :
« Il conviendra toutefois de s'assurer que ce droit permette aux personnes concernées d'obtenir la suppression de données mises en ligne par un tiers » ;
- au point 9, rédiger ainsi, afin de faire apparaître les préoccupations sur la situation des salariés délégués à la protection des données et sur le caractère obligatoire de la désignation, qui pourrait être contre-productif :
« Soutient la désignation de délégués à la protection des données au sein des administrations publiques et des entreprises de plus de 250 salariés. Cette disposition, particulièrement attendue par certaines autorités de protection européenne, participera assurément à une meilleure prise en compte des règles applicables dans ce domaine et à une plus grande sensibilisation des structures publiques et privées à ces questions. Toutefois, le caractère obligatoire de la désignation pourrait être contre-productif, une attention particulière devant être portée à la situation des salariés désignés délégués à la protection des données. »
- amendements de correction rédactionnelle et de précision aux paragraphes 7 et 8, ainsi qu'aux points 6, 8, 9, 12 et 14 de la proposition de résolution.
En conclusion, il conviendrait d'adopter une proposition de résolution, soulignant que l'Assemblée nationale se félicite de certaines dispositions de ce projet de règlement qui consacreront de nouveaux droits pour les citoyens, comme le droit à l'oubli, ou le droit à la portabilité des données. La proposition de résolution met également en lumière le renforcement des règles de recueil du consentement et l'augmentation conséquente des sanctions financières en cas de non-respect des dispositions légale.
Cependant, si toutes ces dispositions sont à saluer, il n'en demeure pas moins que d'autres éléments sont aujourd'hui particulièrement inquiétants et porteurs de conséquences politiques, économiques et juridiques considérables, contre lesquelles l'Assemblée nationale doit se prononcer. Notre droit d'alerte doit s'exercer avant qu'il ne soit trop tard.
Les rapports de nos collègues sont très éclairants. Le chantier sur lequel s'est engagée la Commission européenne constitue un enjeu majeur. Le traitement et la protection des données personnelles sont au coeur de nos préoccupations et j'ai eu souvent à traiter du sujet pour la commission des affaires européennes, notamment sous l'angle du traitement des données des dossiers passagers (PNR).
Ce projet de règlement concerne l'encadrement des traitements de données personnelles qui relevaient auparavant de l'ancien premier pilier. Dans la mesure où il s'agit d'un règlement qui sera d'application directe, il n'y aura pas de transposition, comme c'est le cas lorsqu'une directive est mise en oeuvre par les Etats membres. Tout se joue donc maintenant.
C'est pourquoi, je voudrais souligner que si ce texte comporte des avancées bien réelles, certains points sont à combattre avec vigueur.
Ainsi, la possibilité, pour les Etats membres, d'établir leur compétence lorsque les utilisateurs visés sont des résidents européens, même si le lieu d'implantation de l'entreprise est extra-européen est un point très positif. La reconnaissance de nouveaux droits comme le droit à l'oubli et à la portabilité va également dans le bon sens.
Par contre, le critère de l'établissement principal, selon lequel le droit national applicable à tous les traitements de données effectués par une entreprise serait celui de l'Etat membre dans lequel l'établissement principal de l'entreprise est implanté, est inacceptable. Il porte un réel risque de dérive vers le moins-disant, ce qui serait très préjudiciable aux droits des particuliers alors que la Commission européenne fait de la défense des droits des citoyens, une priorité. Ce point doit donc être vivement combattu.
Enfin, il convient de souligner que la réforme présentée par la Commission européenne comprend également un volet relatif à la coopération policière et judiciaire pénale. La refonte de la décision cadre de 2008 applicable à la protection des données en matière de coopération policière et judiciaire pénale, sur laquelle je serai amené à présenter une communication prochainement, constitue également un enjeu majeur en termes de protection des données. La modification du champ d'application de la décision-cadre, qui ne s'applique qu'aux échanges de données entre Etats membres, et le renforcement des droits des personnes concernées, seront au coeur des négociations.
Je voudrais aussi remercier les rapporteurs et excuser François Brottes qui est aussi à l'initiative de la proposition de résolution présentée par M. Patrick Bloche.
On assiste à l'explosion des réseaux sociaux. Derrière cette réussite médiatisée, se trouvent des internautes qui plébiscitent de nombreuses applications qui permettent de publier, sur ces réseaux sociaux, leurs opinions, leurs lectures, leurs déplacements. L'ampleur de ces réseaux est telle qu'ils sont devenus une composante importante de la croissance de nos économies. Leur succès est basé sur leur gratuité, l'audience des sites assurant des revenus publicitaires à leurs éditeurs qui sont de plus en plus en mesure de proposer aux annonceurs des campagnes ciblées grâce aux données dont ils disposent. Les données personnelles peuvent donc être considérées comme l'or noir de l'économie numérique. Face à ce phénomène, il est devenu nécessaire de renforcer l'information et la maîtrise des utilisateurs sur leurs données. Les discours critiques sur Internet et les réseaux sociaux sont nombreux mais ils constituent une véritable révolution culturelle qui a permis aux individus de s'exprimer et de s'informer. Néanmoins, cette possibilité leur est offerte par des fournisseurs de services qui s'approprient des données permettant de les identifier, de les localiser et d'en savoir parfois beaucoup trop sur eux. Ce n'est pas parce que les individus s'exposent plus aisément que nous devons négliger cet aspect fondamental de la protection de l'individu qui est la maîtrise de ses données personnelles. C'est pourquoi le droit à l'oubli sur les réseaux sociaux est un point capital.
L'objectif n'est, ni de pénaliser l'activité des fournisseurs de service, ni de dissuader les utilisateurs d'en faire usage, mais de leur permettre d'user de ces données en toute connaissance de cause et de prévenir des situations contentieuses ou des utilisations malveillantes. Il est nécessaire de fixer des standards élevés de qualité, qui pourront à terme s'imposer comme un élément de différenciation entre les acteurs européens de l'économie numérique. Intégrer la protection des données personnelles dès la conception des services permettrait de distinguer les services respectant ces standards par rapport aux concurrents ne respectant pas de tels critères.
Il faut aussi réserver le stockage des données sensibles aux services de l'informatique en nuages localisés dans l'Union européenne afin d'encourager l'innovation dans ce domaine. La réalisation d'audits de sécurité réguliers est également un point sur lequel nous avons souhaité insister.
Enfin, nous devons considérer spécifiquement le traitement des données relatives aux mineurs, nombreux sur les réseaux sociaux. Ils doivent bénéficier d'une protection renforcée, conformément aux principes de notre droit.
Pour conclure, je rappellerais que les dispositions de la proposition de résolution visent à instaurer une plus grande confiance entre utilisateurs et fournisseurs de service. C'est pourquoi, nous défendons le principe de l'action de groupe et, comme la Commission nationale de l'informatique et des libertés, nous nous opposons à la mise en oeuvre, tel que le prévoit le projet, du critère de l'établissement principal afin d'assurer aux citoyens une protection optimale basée sur le principe de proximité.
J'aurais souhaité qu'un accord soit possible mais, dans la mesure où cela n'a pas été le cas, je dois mettre aux voix les propositions de résolution.
La proposition de résolution présentée par M. Patrick Bloche est rejetée.
Même si nos propositions de résolution sont distinctes, nous essayons d'aller dans le même sens. Il y a bien entendu un vote mais il faut également insister sur nos points communs et je souhaite faire un pas en avant. C'est pourquoi je fais mien le point de la proposition présentée par Patrick Bloche sur l'adoption par les Etats membres de l'Union européenne et les Etats tiers, d'une convention internationale pour la protection des personnes à l'égard du traitement des données personnelles, comme le soutient la Résolution de Madrid, adoptée par la 31ème Conférence des commissaires à la protection des données et de la vie privée. Je propose de l'intégrer par voie d'amendement.
Cet amendement est heureux car, en fait, nos deux propositions ne différent réellement que sur la possibilité d'actions de groupe. Dix-sept ans après la mise en oeuvre de la directive de 1995, il est essentiel pour la France de peser dans un domaine où elle a été pionnière avec la loi informatique et libertés. Adopter avant la fin de la législature une telle résolution serait un signal très fort. Rappelons enfin que le règlement sera d'application directe et que ce qui se joue aujourd'hui est déterminant.
La proposition de résolution présentée par M. Philippe Gosselin, ainsi amendée, dont le texte figure ci-dessous, est adoptée :
« L'Assemblée nationale,
Vu l'article 88-4 de la Constitution,
Vu l'article 151-5 du Règlement de l'Assemblée nationale,
Vu le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, notamment son article 16,
Vu la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, notamment ses articles 7 et 8,
Vu la directive 9546CE du Parlement européen et du Conseil du 24 octobre 1995 relative à la protection des personnes physiques à l'égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données,
Vu la loi modifiée n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés,
Vu la communication de la Commission européenne au Parlement européen et au Conseil « Une approche globale de la protection des données à caractère personnel dans l'Union européenne » [COM (2010) 609 final],
Vu la proposition de règlement relatif à la protection des personnes physiques à l'égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données [COM (2012) 114 noE 7055],
1. Réaffirme son engagement en faveur d'une protection renforcée de la vie privée des citoyens. Cela constitue une exigence démocratique face à l'apparition de nouvelles technologies et à l'émergence d'acteurs mondiaux dont le modèle économique repose notamment sur le traitement commercial de données personnelles ;
2. Soutient les objectifs annoncés par la Commission européenne dans sa communication du 4 novembre 2010 concernant la révision du cadre juridique européen en matière de protection de la vie privée et des données personnelles ;
3. Estime que la modernisation, l'harmonisation et la simplification des règles applicables favoriseront une meilleure prise en compte, par l'ensemble des acteurs, des exigences européennes sur ces questions, grâce notamment à une plus grande responsabilisation des responsables de traitement, qui devront prendre toutes les mesures nécessaires à la protection des données personnelles traitées ;
4. Se félicite à ce titre de l'introduction, au niveau européen, de nouvelles dispositions qui participeront à une meilleure protection des droits des citoyens ;
5. Rappelle les orientations figurant dans la déclaration parlementaire franco-allemande de la mission d'information de l'Assemblée nationale sur les droits de l'individu dans la révolution numérique et de la commission d'enquête du Bundestag sur Internet et la société numérique, en date du 19 janvier 2011 ;
6. Souligne ainsi l'inscription dans le texte proposé par la Commission européenne d'un droit à l'oubli pour les citoyens qui devrait, dans un souci de réalisme, être applicable aux réseaux sociaux et qui permettra aux personnes d'obtenir plus simplement la suppression de leurs données personnelles par les responsables de traitement. Il conviendra toutefois de s'assurer que ce droit permette aux personnes concernées d'obtenir la suppression des données mises en ligne par un tiers ;
7. Se prononce également en faveur de l'introduction d'un nouveau droit à la portabilité des données personnelles pour les citoyens qui pourront désormais obtenir, à leur demande, restitution des données traitées, et notamment pour celles publiées sur les réseaux sociaux, dans un format électronique qui permette leur réutilisation sur d'autres supports ;
8. Défend la proposition de la Commission européenne visant à modifier considérablement les règles de recueil du consentement des citoyens au traitement de leurs données personnelles. Cette disposition sera beaucoup plus protectrice puisque l'expression du consentement nécessitera désormais une action positive du citoyen. Son silence ou son inaction ne pourront plus être assimilés à un consentement implicite ;
9. Soutient la désignation de délégués à la protection des données au sein des administrations publiques et des entreprises de plus de 250 salariés. Cette disposition, particulièrement attendue par certaines autorités de protection européennes, participera assurément à une meilleure prise en compte des règles applicables dans ce domaine et à une plus grande sensibilisation des structures publiques et privées à ces questions. Toutefois, le caractère obligatoire de la désignation pourrait être contre-productif, une attention particulière devant être portée à la situation des salariés désignés délégués à la protection des données ;
10. Exprime son opposition claire à l'inscription, dans le texte proposé par la Commission européenne, du critère du principal établissement du responsable de traitement, qui serait porteur de conséquences politiques et économiques extrêmement dommageables pour notre pays, et pour l'ensemble du territoire européen ;
11. Considère que cette solution éloignerait les Européens des autorités compétentes et qu'elle irait à l'encontre de la construction d'une Europe politique et concrète, proche des préoccupations de ses citoyens. Elle favoriserait également la pratique du « forum shopping », et l'établissement d'entreprises au sein des Etats membres dont les autorités de protection privilégient une approche plus souple. Elle réduirait également considérablement l'attractivité des territoires français et européens ;
12. Défend une solution alternative, fondée sur le maintien de la compétence d'une autorité de protection d'un Etat sur tout traitement de données ciblant spécifiquement la population de cet Etat, quel que soit l'Etat membre sur lequel est établi le responsable de traitement ;
13. Exprime ses plus vives inquiétudes quant au mécanisme de coopération proposé par la Commission européenne, qui ne garantirait pas une information suffisante des autorités de protection, notamment dans les cas de traitement de données particulièrement sensibles, comme les données génétiques, biométriques, ou les données de santé, réduisant considérablement les contrôles a priori sur ces traitements à risques. Elle soutient l'introduction de nouvelles dispositions permettant une coopération renforcée entre les autorités de protection, afin notamment de garantir un contrôle rigoureux des traitements de données à risques ;
14. Regrette la concentration de pouvoirs considérables entre les mains de la Commission européenne, aux dépends des autorités de protection, quant à l'élaboration des lignes directrices en matière de protection des données personnelles et à la définition des modalités d'application des nouvelles dispositions. Elle défend un rééquilibrage de ces compétences au profit des autorités de protection qui bénéficient de l'expertise technique indispensable à cette mission ;
15. Appelle à un meilleur encadrement des transferts internationaux de données, qui doivent nécessairement préserver les pouvoirs de contrôle et d'autorisation de ces échanges des autorités nationales de protection. L'auto-évaluation des conditions de transferts, par les responsables de traitement eux-mêmes, conduirait à une baisse considérable du niveau de protection des droits des citoyens ;
16. Invite le Gouvernement français à se saisir de cette question dans les plus brefs délais et à défendre une réforme plus respectueuse des droits de nos concitoyens, en accord avec la position défendue publiquement par la Commission nationale de l'informatique et des libertés ;
17. Appelle à l'adoption, par les États membres de l'Union européenne et les États tiers, d'une convention internationale pour la protection des personnes à l'égard du traitement des données personnelles, comme le soutient la résolution de Madrid, adoptée par la 31ème conférence internationale des commissaires à la protection des données et de la vie privée. »
La Commission a approuvé la proposition de règlement (E 7055) sous réserve des observations formulées dans la proposition de résolution.
Mes chers collègues, je vais vous présenter une proposition de résolution européenne du groupe Socialiste relative à la relance économique et au renforcement du contrôle démocratique. Pourquoi est-il utile de présenter un tel texte ? Parce que trois projets de traité vont nous être présentés pour ratification, et que les négociations se sont déroulées jusqu'à présent sans association des parlements nationaux alors que leur souveraineté budgétaire est affectée.
Trois traités ont été rédigés en parallèle. L'article 136 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne est révisé pour permettre la création, à 17 Etats, du Mécanisme européen de stabilité (MES). Cet article 136 est celui qui permet aux Etats de la zone euro d'adopter entre eux des dispositions spécifiques sans se situer en dehors des mécanismes communautaires. Le deuxième projet est le traité créant le MES. Enfin, le troisième texte est un projet de traité intergouvernemental « sur la stabilité, la coordination et la gouvernance de l'Union économique et monétaire ». Cet ensemble est présenté comme la solution durable de la grave financière, économique, politique et sociale que l'Europe traverse. Avant d'évoquer brièvement le contenu de ces projets de traité, je voudrais souligner que le processus de leur ratification sera source de problèmes juridiques et politiques importants qui vont entretenir le climat d'incertitude et donc de méfiance des marchés financiers. Pourquoi ? L'article 136 ne peut être révisé qu'à l'unanimité des 27 Etats membres de l'Union européenne – y compris, donc, le Royaume-Uni. Le traité intergouvernemental sur la discipline budgétaire sera signé à 25. Le traité instituant le MES sera l'oeuvre de 17 Etats seulement, ceux de la zone euro.
Notre sentiment sur le projet de traité intergouvernemental est qu'il n'était pas indispensable pour pouvoir renforcer la coordination – indispensable – des politiques budgétaires, et qu'il ne répond pas à l'urgence. Le Parlement européen a adopté le 18 décembre 2011 une résolution qui fait part de ses doutes quant à la nécessité d'un accord intergouvernemental, « dont la plupart des objectifs peuvent être atteints de manière plus efficace grâce à des mesures prises en vertu du droit de l'Union ». Le Parlement européen a précisé dans sa résolution du 2 février dernier que « pratiquement tous les éléments du nouveau traité peuvent être réalisés, et dans une large mesure ont déjà été réalisés, au sein du cadre juridique en vigueur de l'Union et par l'intermédiaire du droit dérivé, sauf pour la « règle d'or », le vote à la majorité qualifiée inversée et l'intervention de la Cour de justice européenne ». L'urgence n'était pas de donner une force juridique supérieure ou un caractère plus contraignant à des règles qui, pour la plupart, existent déjà. J'ajoute que ces résolutions du Parlement européen ont été adoptées à une écrasante majorité.
Par ailleurs, le traité intergouvernemental est profondément déséquilibré, avec seulement deux brèves mentions de la croissance aux articles 3 et 9. La Déclaration des chefs d'Etat et de gouvernement du 30 janvier 2012 sur la croissance et l'emploi n'a évidemment pas la même valeur juridique que le futur traité, et n'apporte d'ailleurs aucune mesure décisive. Elle renvoie aux gouvernements des Etats membres la responsabilité d'appliquer les recommandations qu'elle énonce. L'harmonisation sociale et fiscale à 27 reste toujours un voeu pieux.
Troisième élément, le traité intergouvernemental est entaché d'un profond déficit démocratique, puisqu'il n'a pas été jugé possible de passer par la procédure de révision normale des traités, qui implique les parlements nationaux, et que le texte réserve aux parlements nationaux un rôle très insuffisant. La révision de l'article 136 a elle aussi été menée sans passer par la procédure de révision normale.
Le MES est un instrument utile, mais nous regrettons qu'il soit insuffisamment doté. D'autre part, ce mécanisme permanent est destiné à prendre le relais du Fonds européen de stabilité financière et n'entrera en vigueur qu'en juillet 2012 : que fera-t-on si un Etat vient à faillir entre-temps ? La capacité financière du MES est insuffisante pour faire face à ce que pourrait être un gros problème sur l'Italie ou l'Espagne. Il faudrait l'additionner à celle du FESF et le doter d'une licence bancaire pour lui permettre de se refinancer auprès de la Banque centrale européenne.
La responsabilité des Etats en matière budgétaire, qui est la clé de la confiance, ne doit pas seulement se concevoir sous l'angle « punitif » mais comme un moyen au service d'un but : la croissance. Or le juste équilibre entre solidarité et stabilité n'est pas assuré par ces textes. On ne peut se satisfaire du dispositif de solidarité proposé, qui se limite au soutien aux pays en grave difficulté, et parce qu'il faut élaborer un nouveau « policy mix » européen qui combine des politiques monétaires et budgétaires favorable à la croissance et qui serait soutenu par une harmonisation fiscale et sociale.
J'ajoute que la relance de l'investissement à travers la création d'une capacité d'emprunt pour l'Union européenne et un rôle accru de la Banque européenne d'investissement, nous paraît indispensable pour financer les grands projets européens. Nos positions sont connues, et je les réaffirme ici, sur la nécessité de renforcer le budget européen, notamment avec des ressources nouvelles, car à l'évidence nous allons en avoir besoin pour affronter les défis de la solidarité et de la croissance. Je rappelle le « triptyque » de Jacques Delors : « la compétition qui stimule, la coopération qui renforce et la solidarité qui unit ». Nous pensons qu'il y a des progrès à faire en ce sens avec ces textes. Tel est le sens de notre démarche présentée sous forme d'une proposition de résolution européenne qui présente des pistes d'amélioration du « gouvernement économique européen » que nous appelons de nos voeux, en particulier en ce qui concerne les moyens de surmonter le déficit démocratique et le déficit de croissance. Sans croissance, non seulement il y aura plus de chômage et de précarité, mais il sera également illusoire d'espérer réduire les déficits et la dette. La question de la croissance est cruciale.
Que proposons-nous pour renforcer la légitimité démocratique de ce système ? D'abord nous constatons que les procédures démocratiques ne sont pas garanties aujourd'hui, et que la crédibilité de l'édifice sera fragile s'il n'y a pas un socle de légitimité, qui ne peut être construit qu'en associant et les parlements nationaux et le Parlement européen de manière régulière et pertinente.
Les parlements nationaux doivent affirmer leur place dans le nouveau contrat politique européen, obtenir d'être associés à chaque étape du processus décisionnel. Le traité de Lisbonne l'affirme avec force. L'ensemble de textes législatifs dit « 6-pack » a marqué l'accord des 27 gouvernements sur le caractère indispensable d'une participation plus étroite et en temps utile du Parlement européen et des parlements nationaux à la gouvernance de la zone euro. C'est donc bien un objectif constamment réaffirmé. Nous considérons que la construction d'un véritable gouvernement économique européen ne peut pas se réduire à la tenue, même plus fréquente, de sommets des chefs d'Etat et de gouvernement de la zone euro.
Il est indispensable qu'une coordination budgétaire et économique plus étroite entre les Etats membres de l'Union s'accompagne d'une adaptation des méthodes de travail de notre Assemblée pour permettre un contrôle parlementaire plus poussé, et que cela se traduise dans le Règlement intérieur.
Pour en venir à des propositions précises, que peuvent faire les Parlements nationaux vis-à-vis du semestre européen ? Il y a des progrès à faire. La première étape du semestre européen est la présentation par la Commission européenne d'un rapport appelé « Examen annuel de la croissance », document d'une grande importance puisqu'il constitue la base des travaux du semestre. Or ce n'est pas un acte législatif. Aussi le Parlement européen, lorsqu'il a fait un bilan du premier exercice de semestre européen, a-t-il exprimé le souhait que ce rapport soit adopté selon la procédure de codécision. Nous ne devrions pas être en-dessous de cette exigence. Nous demandons donc que le Parlement français puisse examiner ce document dans le cadre de l'article 88-4 de la Constitution.
Et s'agissant du second semestre de chaque année, dit « semestre national », deux propositions de règlement présentées par la Commission européenne en novembre dernier sont en cours de négociation, qui « européaniseront » ce semestre. Il serait utile que le Parlement français anticipe dès à présent les conséquences de ces textes sur la préparation des lois de finances nationales.
Quel devrait être le rôle des parlements nationaux dans le projet de traité intergouvernemental à 25 ? Le texte comprend une clause prévoyant son intégration à terme dans les traités de l'Union à 27. Dans la négociation, le Parlement français n'a pas été consulté, alors que le traité va toucher au coeur de son pouvoir puisqu'il s'agit de discipline budgétaire. Seul le Parlement européen, dont 4 membres siégeaient dans le groupe de travail, a pu participer à la négociation.
Les parlements nationaux vont être saisis de trois projets de traité au seul stade de la ratification. Ce n'est pas acceptable, compte tenu de leur objet. Il est indispensable que les parlements soient beaucoup plus impliqués.
Le projet de traité intergouvernemental comporte, dans son article 3, une référence laconique au « plein respect des prérogatives des parlements nationaux », une sorte de « lip service », disposition qui n'est sans doute pas suffisante pour préserver leurs droits et qui, en tout cas, ne va pas dans le sens d'un renforcement de ceux-ci. Il est vrai que les parlements nationaux sont également mentionnés dans l'article 13, qui dispose que le Parlement européen et les parlements nationaux organiseront ensemble une conférence pour discuter des politiques budgétaires. C'est très bien, et nous aimons beaucoup la COSAC, mais nous pensons que de telles conférences sont utiles. Mais cantonner les parlements à un dialogue mené entre eux n'est pas satisfaisant. Pour que cette conférence ait une utilité réelle, il faut qu'elle se réunisse en amont de chaque étape de la coordination intergouvernementale des politiques économiques et budgétaires, notamment avant le Conseil européen de printemps où vont être adoptées les grandes orientations communes. Bien sûr, des réunions fréquentes de cette conférence appellent un minimum de structures d'organisation, et de renforcer pour cela le rôle et l'organisation de la COSAC.
Nous présentons aussi des propositions pour la relance économique, qui ne doit pas être simplement un objectif ultime et diffus mais être au coeur de la réponse européenne à la crise. Un gouvernement économique européen ne peut pas se réduire à une Union budgétaire – même si nous considérons qu'une discipline budgétaire est indispensable pour respecter les règles auxquelles nous avons souscrit dans les traités existants. Les mesures prises jusqu'ici n'ont fait qu'additionner les plans d'austérité, il n'y a pas eu de vraie volonté de mettre en place un « policy mix » européen favorable à la croissance. Des marges de manoeuvre existent, tant au niveau européen que national. Nous considérons à cet égard que le semestre européen 2012 s'engage sur de mauvaises bases, car les propositions de la Commission européenne présentées en novembre 2011 dans son Examen annuel de croissance sont critiquables. Bien sûr il faut des réformes structurelles, de l'action publique en faveur de la relance, mais on ne peut pas réduire la relance de la croissance aux réformes structurelles, en particulier lorsque ces réformes reprennent les recettes de libéralisation voire de dérégulation. Les réformes structurelles nationales n'auront d'effets positifs que si elles s'accompagnent de nouvelles politiques communes. Il faut non seulement une rationalisation des budgets des Etats membres et de l'Union pour permettre des économies d'échelle, mais aussi financer de nouvelles coopérations, notamment industrielles ; on peut citer des domaines clé comme les énergies renouvelables ou l'économie numérique, mais il y en a beaucoup d'autres.
Nous considérons que la Commission fait un bon diagnostic mais propose, par exemple pour lutter contre le chômage, des outils dont nous craignons qu'ils n'aggravent la situation.
Nous voulons voir tous ces éléments figurer dans le débat. Nous aurions aimé trouver dans l'Examen annuel de croissance la définition d'une stratégie d'investissement ambitieuse et de développement industriel. Pour une utilisation optimale des ressources nationales et européennes, ce qu'envisage la Commission européenne est extrêmement limité et n'explore pas un certain nombre d'options qui auraient un effet de levier important. Plusieurs réformes majeures devraient être menées : un MES suffisamment doté et qui ait la possibilité de se refinancer auprès de la BCE, une Banque centrale européenne qui joue pleinement son rôle, une taxe sur les transactions financières introduite sans délai, une mutualisation partielle des dettes des Etats membres, et des investissements dans des secteurs d'avenir financés des euro-obligations.
J'ai bien conscience que tout ceci ne peut pas faire l'unanimité, mais nous avons tenu à faire des propositions constructives et à affirmer qu'on ne peut pas faire des sauts aussi importants sans vrai débat. Le lieu de ce débat, c'est notre Parlement, et nous avons jusqu'à présent été privés de ce débat.
Il y a des éléments dans votre présentation que je considère comme injustes et non fondés, en particulier lorsque vous dites qu'il n'y a pas de débat, au sein du Parlement français, et que les parlementaires ne sont pas associés.
En effet, dans l'exercice de mes fonctions je n'ai cessé de demander et d'organiser des débats avant et après les Conseils européens. Nous procédons régulièrement à l'audition des ministres dans le cadre des réunions de la Commission des affaires européennes, soit seule, soit avec la Commission des finances. Pour ce qui concerne nos relations avec le Parlement européen, j'ai pris l'initiative d'ouvrir toutes nos réunions de Commission aux députés européens, de prévoir également des réunions conjointes avec eux, ainsi qu'avec la Commission des affaires européennes du Sénat, pendant leur semaine de circonscription. J'ai également organisé, ce qui est unique, une visioconférence avec la Commission du marché intérieur et de la protection des consommateurs (IMCO). On a fait des progrès fantastiques, j'ai pris des initiatives qui n'existent dans aucun autre parlement.
J'ajoute que nous sommes très régulièrement tenus informés par le Gouvernement, dans le cadre de l'application normale du 88.4, par la voie de demandes de transmission spécifiques ou par des auditions en urgence, comme celle tenue en décembre avec notre ambassadeur Philippe Etienne, dans le cadre des négociations du traité de stabilité.
S'agissant de la Conférence interparlementaire, le Président de l'Assemblée nationale, M. Bernard Accoyer, le Président du Bundestag, M. Norbert Lammert et moi-même nous sommes battus – en association étroite avec le Gouvernement et en lien avec le Parlement européen – pour obtenir que celle-ci soit introduite dans le futur traité, et nous avons obtenu gain de cause. Les éléments que vous évoquez s'agissant de ses attributions et de son mode de fonctionnement sont à considérer sur cette base.
Je rappellerai d'abord le contexte dans lequel s'inscrit la proposition de résolution. Elle émane d'un groupe politique qui considère que le projet de traité n'est pas indispensable. Ce groupe soutient aussi un candidat à l'élection présidentielle qui affirme son intention de renégocier le traité et qui indique également qu'il ne votera pas la règle d'or.
On est donc très partagé, avec d'un côté certaines propositions qui vont dans le bon sens, notamment sur l'association des parlements nationaux conformément à ce qu'a rappelé le Président Lequiller, mais on est également confondu par certaines autres propositions qui relèvent de la tautologie. Evidemment nous sommes d'accord pour davantage de croissance, moins de chômage mais, comme disent ensuite les anglo-saxons, le problème c'est le « so what ? », le comment ? Aucune réponse ne nous est donnée à cette question. On est face à un mélange d'idées qui peuvent faire consensus, avec d'autres qui sont contestables dans un texte en forme de fourre-tout à l'objet très vaste et dont beaucoup d'éléments posent question. Ainsi sur la volonté de transformer en acte législatif européen soumis à la co-décision l'examen annuel de croissance. Cela va revenir à attribuer au Parlement européen la capacité de dicter aux Etats membres des orientations économiques et budgétaires qui sont d'un ressort purement national. Il y a effectivement un déficit démocratique dans le gouvernement économique européen, mais ce n'est pas ainsi qu'on le comblera.
De même, quand il est dit que soumettre ce document à la codécision permettra aux parlements nationaux de s'en saisir, c'est superflu car le droit actuel permet déjà au Parlement français de se saisir de tout document émanant des institutions de l'Union européenne.
Egalement, nous avons une certaine perplexité sur le rôle que la proposition de résolution souhaite donner à la COSAC car on ne sait pas comment celle-ci va se situer vis-à-vis de la conférence parlementaire. Enfin, nous sommes étonnés que l'on associe ainsi une question aussi importante, et qui mérite débat, celle de la séparation des activités de dépôt et des activités d'investissement pour les banques, avec la croissance et le renforcement du contrôle démocratique.
En définitive, le texte proposé est une prise de position politique en situation électorale ; le groupe UMP se prononcera contre.
Je souhaiterais juste ajouter un élément qui me semble caractéristique de l'esprit qui préside à la démarche. Il n'est nullement besoin d'atteindre le dispositif pour le saisir. Une phrase de l'exposé des motifs indique en effet que « les dirigeants actuels n'ont plus la légitimité pour imposer cet indispensable changement de cap ». De quels dirigeants s'agit-il ? Si ce sont les dirigeants européens, qu'est-ce qui nous permet de nous arroger le droit de nous poser une telle question ? Si ce sont les dirigeants nationaux, ce n'est pas non plus acceptable, car ils exercent leurs attributions conformément aux règles et à la durée prévues par la Constitution.
Cette phrase disqualifie totalement l'initiative qui nous est présentée.
Je rejoins l'appréciation de Michel Diefenbacher sur cette phrase de l'exposé des motifs. C'est proprement scandaleux. Il est dit que nous n'avons plus de légitimité, que la « messe est dite » et que l'on doit anticiper que l'on va céder la place. C'est la première fois qu'une proposition de résolution aussi électoraliste est déposée dans notre commission.
C'est choquant, mais cela illustre aussi la solitude des socialistes français. La résolution du Parlement européen sur le traité a été votée à une large majorité, y compris par les membres du PSE, mais les socialistes français se sont abstenus, car ils ont été battus sur un amendement.
En vous écoutant, j'ai d'ailleurs le sentiment que nous ne parlons pas du même traité, que vous évoquez d'autres textes et que vous vous situez dans une autre Europe. Il faut attendre le dernier alinéa de votre proposition de résolution pour que vous évoquiez la convergence budgétaire sous forme de rationalisation des budgets des Etats membres et de l'Union dans certains secteurs. On a le sentiment que ce thème, essentiel pourtant, vous brûle littéralement les doigts.
On ne peut pas rentrer dans ce jeu ni tomber dans ce piège.
Je suis heureuse que nous ayons ce débat. C'est la raison d'être de notre proposition de résolution.
Ce ne sont naturellement pas vos efforts personnels et les progrès que nous avons tous constatés qui sont en cause, Monsieur le Président. Ce que nous considérons, c'est que nous sommes devant un renforcement sans précédent de la coordination budgétaire, renforcement avec lequel nous sommes d'accord sur le principe – notre divergence porte uniquement sur les modalités- alors que c'est un sujet sur lequel les parlements nationaux doivent avoir un rôle accru, car c'est le coeur de leurs prérogatives.
On ne peut pas se contenter des procédures qui étaient valables sous l'égide des traités actuels.
Nous sommes également en désaccord sur la « règle d'or ». D'abord, la « règle d'or » est déjà dans les traités, depuis Maastricht, avec le plafond des 3 % du PIB pour le déficit public et la limite de 60 % du PIB pour la dette publique. Ensuite, sur le plan national, aucune modification de notre droit n'est nécessaire. Depuis la révision constitutionnelle de 2008, nous avons la faculté de voter des lois de programmation pluriannuelles. Le projet de traité fait référence à une transposition dans le cadre d'un dispositif « de préférence constitutionnel ». Il n'est donc pas obligatoire de recourir à une disposition constitutionnelle nouvelle pour satisfaire aux exigences qui ont été prévues.
Sur la croissance, je répondrais simplement à Michel Herbillon que le « so what ? » n'a pas lieu d'être. La proposition de résolution est précise, sur l'investissement, le rôle de la BEI comme levier et aussi les euro-obligations, sur lesquelles la Commission européenne a fait des propositions intéressantes.
Sur la codécision et le Parlement européen, il est important que tous les parlements nationaux soient parties prenantes et qu'ils le soient en amont des décisions. C'est là l'essentiel.
Il y a effectivement un point sur lequel nous avons une divergence profonde. C'est sur la croissance. Nous ne pensons pas, en effet, que le gouvernement économique puisse se résumer à une coordination budgétaire. Il faut aussi des initiatives pour soutenir la croissance. Nos propositions sont donc plus réalistes que les vôtres.
Nous ne sommes d'ailleurs pas isolés. Des regrets sont exprimés, par la Commissaire Cecilia Mallström, sur l'absence de dispositions sur la croissance, par le président de l'Eurogroupe, M. Jean-Claude Juncker sur les euro-obligations, ou encore par le président du Conseil italien, M. Mario Monti, sur le niveau des capacités d'intervention du mécanisme européen de solidarité (MES). Nous avons des alliés.
Notre différence majeure concerne les modalités de la coordination. Nous pensons clairement que des mesures sont indispensables pour soutenir la croissance. A défaut, les Etats ne parviendront pas à réduire le niveau de leur endettement. Nous pensons aussi que les Parlements nationaux doivent être pleinement associés au processus en cours qui concerne la question budgétaire, car c'est le coeur de leurs prérogatives.
La Commission a ensuite rejeté la proposition de résolution.
La séance est levée à 19 heures