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Commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire

Séance du 7 juillet 2010 à 9h00

Résumé de la séance

Les mots clés de cette séance

  • LOLF
  • RSA
  • bénéficiaire

La séance

Source

La Commission entend une communication de M. Jean-Marie Binetruy, Rapporteur spécial, sur la mise en place du revenu de solidarité active (RSA).

PermalienPhoto de Jérôme Cahuzac

On se souvient que la mise en place du revenu de solidarité active, le RSA, était le thème de contrôle que M. Binetruy a retenu pour le premier semestre, au cours duquel il a procédé à des déplacements dans plusieurs départements. C'est dans la continuité de ses travaux qu'il avait proposé l'audition de M. Marc-Philippe Daubresse, ministre de la Jeunesse et des solidarités actives, sur l'exécution budgétaire 2009, le 15 juin dernier.

Il nous en présente aujourd'hui les conclusions, avant les décisions du Gouvernement qui se traduiront, le cas échéant, dans le projet de finances pour 2011.

PermalienPhoto de Jean-Marie Binetruy

La création du revenu de solidarité active, le RSA, est parti d'un constat : 7,9 millions de personnes vivent en France sous le seuil de pauvreté monétaire défini comme 60 % du revenu médian, ce qui correspond à 900 euros par mois environ. Il poursuit un double objectif : offrir un moyen d'existence convenable à toute personne privée de ressources et encourager la reprise d'emploi, en permettant que toute heure travaillée se traduise par un accroissement de revenus. Le RSA a été généralisé au 1er janvier dernier et, en ma qualité de Rapporteur spécial, j'ai conduit durant le premier semestre 2010 une évaluation de sa mise en place en me rendant dans quatre départements sélectionnés pour leur hétérogénéité.

Le premier enseignement est la lenteur de la montée en charge. En effet, au 31 décembre 2009, près de 1,7 million de foyers bénéficiaient du RSA, soit 2,6 % de la population, avec 1,2 million de bénéficiaires du RSA « socle », 400 000 foyers bénéficiaires du RSA « activité » seul et 175 000 bénéficiaires du RSA « socle » plus « activité ».

Cependant, les dernières évolutions montrent une accélération de la montée en charge du RSA « activité », avec une progression de 2,7 % en avril à 627 271 foyers bénéficiaires contre une augmentation de seulement 0,5 % du RSA « socle » à 1,149 million de foyers bénéficiaires.

Alors pourquoi cette lente montée en charge ? J'ai identifié un certain nombre de raisons. Tout d'abord, l'effet crise. En effet la crise économique a mécaniquement poussé à la hausse le nombre de bénéficiaires du RSA « socle » et a contrario, freiné la montée en charge du RSA « activité » faute d'offres d'emploi. Le RSA joue donc un rôle de stabilisateur automatique en amortissant la crise en période de récession et en accélérant la baisse du chômage une fois la croissance revenue. Une deuxième raison pourrait se trouver dans la complexité du dispositif, parfois pour un gain minime. Nous remarquons que la tranche haute des bénéficiaires potentiels du RSA ne s'est pas présentée. Il y a donc une réticence à s'inscrire dans une logique de contrôle pour un gain mensuel n'excédant pas 40 à 50 euros. En conséquence, l'absence de cette tranche de population a entraîné mécaniquement un RSA moyen plus élevé que prévu : 160 euros au lieu de 120. La troisième raison serait une volonté de se différencier des bénéficiaires de minima sociaux. La terminologie de « travailleur pauvre » est apparue dissuasive : de nombreux exemples montrent que ceux-ci ne souhaitent pas être assimilés aux bénéficiaires de minima sociaux. En revanche, la communication ne semble pas devoir être mise en cause, je veux sur ce point souligner l'exemplarité des agents des caisses d'allocations familiales qui ont fourni un travail tout à fait remarquable. Pour exemple, la CAF de Bobigny a vu au plus fort de l'année 2009 ses visitesjour culminer à 3 000 et a dû traiter 1,8 million d'appels téléphoniques en 2009 contre 1 million en 2008, ce quasi-doublement étant dû essentiellement au RSA. Cependant, ces contacts aboutissent moins d'une fois sur trois sur une prestation.

Et maintenant, que faire ? Tout d'abord la question s'est posée d'unifier les procédures. En effet, l'instruction des dossiers est souvent confiée à la caisse d'allocations familiales ou à la Mutualité sociale agricole – MSA -, mais aussi parfois au centre communal d'action sociale – CCAS - ou à des maisons de solidarité départementales – MSD - ; quant à l'orientation, elle est souvent du ressort des conseils généraux, mais parfois aussi des CCAS, des MSD ou même de Pôle emploi. Enfin, nous avons vu à Pau tous les acteurs réunis au sein de plateformes RSA. Je propose tout de même d'éviter une charte unifiant les pratiques, car son inconvénient serait de demander à nouveau aux acteurs de modifier leurs pratiques, et aux bénéficiaires potentiels de s'adapter à de nouvelles procédures.

La question s'est également posée de lutter contre la complexité du dispositif ; en effet, la différence entre RSA « socle », RSA « majoré » et RSA « activité » reste difficile à appréhender par les bénéficiaires. J'en veux pour exemple la prime de Noël réservée aux bénéficiaires du RSA « socle » et réclamée tout de même par les autres bénéficiaires. Je rappelle qu'en outre le RSA jeune entrera en vigueur le 1er septembre 2010 et devrait bénéficier à l'issue de la montée en charge à 160 000 personnes dont 120 000 ayant un emploi. Après réflexion il m'est apparu préférable de laisser du temps au temps afin de conserver au dispositif sa cohérence.

Par ailleurs, du point de vue strictement budgétaire, 582 millions d'euros ont été ouverts en loi de finances initiale en 2009 et 136 millions ont été annulés en fin d'exercice. Le produit de la taxe de 1,1 % sur le capital s'étant élevé à 800 millions d'euros – contre 1,3 milliard escompté initialement, cette somme a quasiment suffi à couvrir le service du RSA « activité ». En 2010 ce sont 1,684 milliard d'euros qui ont été ouverts en loi de finances initiale avec un ajustement prévu en fin d'année. Il me semble que l'on doit résister à la tentation de réduire le pic actuel de dépenses afin de permettre une montée en charge conforme à la nature de ce type de dispositif. À titre d'exemple, le RMI a mis presque 20 ans pour passer de 400 000 bénéficiaires en 1989 à 1,2 million en 2008.

Le RSA favorise-t-il la reprise d'emploi ? Moins d'un an après la généralisation et dans un contexte de marché de l'emploi difficile, il est bien trop tôt pour disposer des chiffres confirmant ou infirmant l'efficacité du RSA dans ce domaine. Toutefois, il me semble important d'éviter d'avoir trop systématiquement recours à des travailleurs sociaux pour accompagner les bénéficiaires. Pour s'inscrire dans une dynamique de travail, il serait bénéfique d'associer les chambres de commerce et d'industrie ou des métiers, et d'adapter les programmes de formation professionnelle. À ce titre, si l'on observe des départements très différents tels que les Pyrénées-Atlantiques, le Doubs et la Moselle, la règle des trois tiers est respectée : un tiers des bénéficiaires ont besoin d'un accompagnement strictement social, ce sont les plus éloignés de l'emploi, un bon tiers (40 à 45 %) sont confiés à Pôle emploi pour un accompagnement professionnel, et un petit tiers ont simplement besoin d'une levée des freins à l'emploi.

La question des droits connexes doit également être traitée. Le principe est que toute heure travaillée doit procurer un surcroît de rémunération. Cette règle souffre cependant d'exceptions liées à l'existence et au mode de calcul des droits connexes qui restent encore trop souvent associés à un statut. Il a été envisagé, afin d'éviter les indus et les rappels, de figer le calcul des droits et notamment des droits à l'aide personnalisée au logement sur une durée de 3 mois.

Enfin, une petite question s'est posée, celle de la gestion de l'Aide pour le retour à l'emploi (APRE). Il en existe deux : l'une gérée par Pôle emploi, et l'autre émanant de l'État est gérée tantôt par la préfecture, tantôt par le conseil général. Je propose d'unifier ce dispositif et de le confier à Pôle emploi qui connaît le mieux les publics concernés.

Une dernière grande question est celle des conseils généraux qui doivent faire face à l'effet de ciseaux des dépenses sociales.

PermalienPhoto de Jean-Marie Binetruy

Je vous présente une évolution des deux plus importantes dépenses sociales, le RMI-RSA et l'allocation personnalisée - APA. Le RSA s'est élevé en 2008 à 7,5 milliards d'euros en chiffres consolidés et l'APA à 4,9 milliards. Nous voyons bien que si tous les départements sont concernés par l'effet de ciseaux et voient leur autofinancement se réduire, ces difficultés financières sont essentiellement dues à l'APA qui croît et croîtra, la population vieillissant, tandis que le déficit des départements lié au RMI qui s'élevait à 1 milliard d'euros en 2007 est susceptible de se résorber avec la reprise économique.

PermalienPhoto de Jérôme Cahuzac

Cher collègue, je vous remercie pour cet exposé.

Je précise à tous les commissaires que deux de nos collègues libanais assistent aujourd'hui à notre réunion, M. Simon Abi Ramia, président de la commission de la Jeunesse et des sports, et M. Chant Chinchinian, président de la commission des Déplacés au Parlement libanais. En votre nom, je leur souhaite la bienvenue.

Avant de céder la parole aux orateurs, je souhaiterais connaître le sentiment du Rapporteur spécial sur les conséquences des décisions du ministre du Budget dont les principes ont été annoncés hier, sur le RSA et notamment sur la réduction de 20 % des crédits de la mission Travail et Emploi. Faut-il en déduire un risque de réduction du surplus de rémunération en faveur des attributaires du RSA dès lors qu'ils travaillaient une heure de plus, ou estimez-vous que les 800 millions d'euros de crédits excédentaires en 2010 pourraient conjurer ce risque ?

PermalienPhoto de Jean-Marie Binetruy

Il semble que le Gouvernement souhaite maintenir le dispositif actuel du RSA malgré les mesures de rigueur annoncées. Ce qui me préoccupe plus dans le cadre de la mission budgétaire, qui concerne également le handicap et la dépendance, est la moindre évolution de l'allocation aux adultes handicapés qui est étalée sur trois ans et non pas sur deux ans comme prévu.

PermalienPhoto de Michel Diefenbacher

Je souhaiterais que l'on s'interroge sur la participation des mairies et des services municipaux dans le cadre de la gestion et de la mise en oeuvre du RSA. En effet, le maire et ses services sont les mieux placés pour réinsérer dans les entreprises de la commune les bénéficiaires du RSA, car les contacts sont quotidiens. Au cours de l'élaboration de la loi avait été évoquée l'idée d'introduire une obligation pour les conseils généraux de transmettre la liste des bénéficiaires du RSA aux maires. Puis cette question avait été écartée par la suite pour différentes raisons ; mais elle semble redevenir d'actualité dès lors qu'on parle de la mise en place d'une plateforme unique qui aurait notamment pour objet d'associer l'ensemble des services municipaux à la gestion du dispositif. Je crois que c'est effectivement une orientation très souhaitable. Dès lors qu'on s'oriente vers cette démarche, il me paraîtrait nécessaire que soit envoyée systématiquement aux communes la liste des bénéficiaires du RSA, et à tout le moins du RSA « socle », pour les associer directement.

PermalienPhoto de Jean-Marie Binetruy

Cette question appelle de ma part deux réponses. Tout d'abord, les CCAS sont, dans la quasi-totalité des départements, associés à ces plateformes uniques d'insertion. Il y aura également une incitation de la part du ministère à créer dans les départements des pactes territoriaux d'insertion réunissant l'ensemble des acteurs des départements. 44 départements ont mis en place ce dispositif aujourd'hui. Pour autant, s'agissant de la gestion du RSA, les choses sont relativement complexes, et il ne me semble pas possible d'installer dans tous les CCAS des ordinateurs permettant de faire les tests d'éligibilité, exercice relativement compliqué avec la gestion des indus.

En revanche, en matière d'insertion, il faut que tous les acteurs soient partenaires, les CCAS mais aussi le monde économique à travers les réseaux consulaires pour améliorer l'efficacité du RSA. Je remarque que la mise en place du RSA a déjà permis de faire travailler ensemble des partenaires qui n'en avaient pas l'habitude ce qui est très positif. Il faut certainement aller plus loin en insistant davantage sur la proximité.

PermalienPhoto de Alain Rodet

Le Rapporteur spécial a indiqué que la dégradation financière des départements était essentiellement due à l'accroissement de l'APA et non du RSA. Or, cela varie beaucoup d'un département à l'autre.

PermalienPhoto de Jean-Marie Binetruy

En effet, mais en période de reprise économique, le RSA « socle » pèsera moins sur les finances des départements alors que l'APA continuera de croître du fait du vieillissement de la population.

PermalienPhoto de Claude Bartolone

Je comprends votre argument, mais la situation reste très différente selon les départements. Dans des départements à forte population jeune, le RSA peut peser plus lourd que l'APA. En tout état de cause, ce qu'il faut souligner, c'est l'écart grandissant entre les dépenses (qui augmentent) et les recettes (qui diminuent) : nous sommes maintenant à un rapport moyen d'environ 82 %, et pour la Seine-Saint-Denis à un rapport de 72 % entre recettes et dépenses.

De plus, j'entends que la reprise économique pourrait permettre de diminuer la charge du RSA « socle » mais je constate que les dépenses sociales pourraient s'alourdir du fait de l'augmentation attendue du nombre de personnes en fin de droits. Il s'agit d'une grande inconnue et nous pouvons d'ores et déjà imaginer que les départements subiront l'impact des décisions prises sur le traitement des personnes en fin de droits.

Par ailleurs, j'observe que, même s'il existe des raisons techniques relatives au manque de clarté de la campagne d'information sur le RSA, la lente montée en charge du dispositif voté par le Parlement peut s'expliquer aussi par une réticence des travailleurs modestes à être classés dans la catégorie des « travailleurs pauvres », de sorte qu'ils ne cherchent pas à bénéficier du RSA « activité » considéré comme une étape vers la précarisation. À l'inverse, le bénéfice de la prime pour l'emploi n'a jamais été considéré comme un déclassement. Une autre raison du décalage entre le nombre attendu et le nombre réel de bénéficiaires peut résider dans la lourdeur des démarches à suivre pour les personnes qui souhaitent bénéficier du dispositif par rapport au surcroît de revenu escompté.

Enfin, il y a une véritable réflexion à mener s'agissant du redéploiement des crédits du RSA « activité » non consommés, qui pourraient être utilisés pour alléger la charge des départements au titre du financement du RSA « socle » (ex-RMI) et majoré (ex-API).

PermalienPhoto de Jean-Marie Binetruy

Je me suis rendu dans votre département, où j'ai notamment visité la CAF de Bobigny. J'ai constaté que votre département présente bien des spécificités, par exemple un nombre de bénéficiaire du RSA double de la moyenne des départements.

J'ai évoqué en début de réunion cet effet de déclassement des « travailleurs pauvres » révélé aussi par l'enquête TNS SOFRES qui vient d'être publiée par le ministère. Il faudra le surmonter. Je tiens néanmoins à souligner l'ampleur des efforts de la CAF de Seine-Saint-Denis pour informer l'ensemble des bénéficiaires d'allocation familiales (qui représente la moitié de la population du département) sur le dispositif du RSA.

S'agissant du décalage entre le nombre attendu de bénéficiaires et leur nombre réel, je souhaite rappeler que la montée en charge du RMI avait également pris du temps : près de 20 ans pour passer de 400 000 à 1,2 million de bénéficiaires. Être à 35 % de la cible au bout d'un an n'est donc pas un si mauvais résultat.

Enfin, s'agissant du redéploiement des crédits, je note que si l'on peut à la fois verser la prestation et en même temps faire quelques économies budgétaires, ce n'est pas nécessairement négatif. Il y a déjà eu, du reste, un redéploiement en faveur de la prime de Noël grâce aux excédents de l'année 2009. En tout état de cause, je précise que la mission budgétaire relevant de ma compétence ne vise pas les relations financières entre l'État et les collectivités territoriales.

PermalienPhoto de Michel Bouvard

Les contrôles effectués sont souvent tardifs, ce qui provoque des versements indus pendant plusieurs mois, qui impliquent de réclamer des sommes élevées à des publics modestes, et in fine à accorder des admissions en non-valeur. La question est donc la suivante : comment améliorer les contrôles effectués par la CAF et être plus réactifs dans les recouvrements ? Est ce que ce sujet a été abordé avec les CAF ?

PermalienPhoto de René Couanau

J'ai l'impression que le RSA a apporté une assistance supplémentaire mais qu'il ne permet pas vraiment de favoriser une reprise du travail, au point que le ministre regrettait lors de son audition que les gens ne sachent pas qu'ils peuvent bénéficier du RSA. Il me semble donc que c'est un mauvais système. En tant que maire, je n'ai d'ailleurs pas entendu un seul de mes concitoyens me dire que le RSA avait amélioré sa situation en lui remettant le pied à l'étrier. Je m'interroge donc sur l'efficacité du dispositif.

Pour répondre à notre collègue Diefenbacher, je considère qu'il faut bien répartir les rôles entre la gestion du RSA et l'insertion des bénéficiaires. La gestion du RSA constitue une lourde charge pour les départements mais s'agissant du travail d'insertion, les communes sont tout à fait à même de participer. J'apporterai néanmoins un bémol : les maires ont du mal à connaître toutes les données utiles concernant les individus et les familles. En ce qui me concerne, je dois demander aux bénéficiaires de me transmettre eux-mêmes des informations sur leur situation, lorsqu'ils veulent bien le faire. Par conséquent, je n'arrive pas à avoir une vision globale sur la situation de mes concitoyens, ce qui limite ma capacité d'action. Pourquoi une telle méfiance à l'égard des maires et des élus ? Ne pourrait-on pas arranger les choses sur ce point pour faire du bon travail d'insertion ? Au total, un système incertain, dont nous ne percevons pas bien la réalité, qui coûte cher, et dont nous doutons de l'efficacité, n'est pas un bon système.

PermalienPhoto de Marc Le Fur

Je salue le travail du Rapporteur spécial, en particulier sur le rôle des travailleurs sociaux. Je voudrais cependant souligner que Pôle emploi et les chambres de commerce sont également très mobilisés, car le dispositif est aussi tourné vers l'activité. Il ne serait donc pas judicieux de se cantonner à une vision statique de traitement social. Quant au traitement administratif des dossiers, il me semble qu'il repose moins sur les conseils généraux que sur les caisses d'allocations familiales, qui ont dû faire face à une montée en puissance du dispositif. Ce dernier est-il au demeurant adapté aux spécificités de publics particuliers tels que les agriculteurs, les artisans ou les commerçants ?

Je voudrais enfin soumettre au Rapporteur spécial le cas concret de salariés placés en congés sans solde pour convenances personnelles, mais n'ayant pas rompu tout lien avec leur employeur : ces personnes ont-elles droit au RSA ?

PermalienPhoto de Michel Vergnier

Les services de Pôle emploi sont en effet souvent débordés. Les délais d'attente dans les caisses d'allocations familiales sont également très longs. Or nos concitoyens ignorent souvent leurs droits. Désorientés, ils auraient au contraire besoin d'un suivi individuel renforcé.

PermalienPhoto de Jean-Marie Binetruy

Je rejoins la préoccupation de notre collègue Michel Bouvard au sujet des avantages indus, qu'aggrave encore le calcul des droits connexes. Une caisse d'allocations familiales a suggéré de prendre en compte la moyenne des revenus des trois derniers mois. Cela me semble en effet plus facilement praticable qu'un contrôle mensuel. À notre collègue René Couanau, je rappelle que le RSA se décline en deux volets, RSA « socle » et RSA « activité », et que seule la seconde prestation constitue une vraie nouveauté : tournée vers l'activité, elle ne se substitue pas à des prestations existantes. Quant aux listes des bénéficiaires du RSA, la loi sur l'informatique et les libertés en encadre strictement les conditions d'accès. Le ministre a déjà évoqué cette difficulté devant nous.

Je partage l'attachement de notre collègue Marc Le Fur à la dynamique d'insertion du RSA. La question des publics spécifiques est plus difficile. Il est malaisé d'appréhender les revenus des artisans et commerçants pour estimer leurs droits au sein du dispositif. De manière imprévue, la crise des revenus agricoles a également fait des exploitants des bénéficiaires potentiels du RSA.

En revanche, je pense que l'information sur le dispositif est bien diffusée, grâce au travail des caisses d'allocations familiales et comme il est normal pour une prestation qui n'est pas versée de plein droit, mais doit faire l'objet d'une demande expresse.

PermalienPhoto de Marc Goua

L'Union nationale des CCAS appelle à ne plus souscrire de contrats avec les départements. Quelle est la position du Rapporteur spécial sur ce sujet ?

PermalienPhoto de Jean-Yves Cousin

La corrélation du RSA avec les autres prestations me semble devoir être clairement exposée.

PermalienPhoto de Jean-Marie Binetruy

Cette corrélation est simple : le nouveau dispositif s'est substitué au RMI et à l'API, seul le RSA « activité » constituant une prestation supplémentaire nouvelle, gérée par les CAF pour le compte de l'État. Quant à la démarche de l'Union nationale des CCAS, j'en prends note et je vais examiner la question.

La Commission examine ensuite le rapport de la mission d'information sur la mise en oeuvre de la loi organique relative aux lois de finances (MILOLF) (MM. Michel Bouvard, Jean-Pierre Brard, Thierry Carcenac et Charles de Courson, rapporteurs).

PermalienPhoto de Jérôme Cahuzac

La Commission des finances va maintenant entendre les membres de la mission d'information sur la mise en oeuvre de la LOLF, MM. Michel Bouvard, Jean-Pierre Brard, Thierry Carcenac et Charles de Courson.

Le thème retenu cette année est d'une grande portée pratique puisqu'il s'agit de l'articulation entre la mise en oeuvre de la LOLF et les réformes de l'organisation de l'État, dont certaines, récentes, procèdent de la révision générale des politiques publiques. Compte tenu de l'étendue du sujet, il avait été décidé, en accord avec mon prédécesseur, M. Didier Migaud, et avec M. Gilles Carrez, Rapporteur général du budget, de centrer l'analyse sur l'administration territoriale et sur l'enseignement supérieur. De cette façon, il a été possible à la MILOLF de travailler avec les services déconcentrés et avec les opérateurs sur des enjeux significatifs.

PermalienPhoto de Michel Bouvard

Monsieur le président, mes chers collègues, je tiens d'emblée à préciser que notre travail avec Jean-Pierre Brard, Thierry Carcenac et Charles de Courson a été véritablement collectif, comme chaque année depuis 2003.

La LOLF a dix ans cette année. Cette relative ancienneté explique que la loi organique ait moins souvent que par le passé les honneurs du débat public, d'autant que d'autres réformes de l'administration, de l'État et de la gestion publique sont intervenues depuis lors. Pour la plupart, elles s'inscrivent dans le sillage de la révision générale des politiques publiques (RGPP).

Compte tenu de cette actualité, la Mission a choisi de mettre au centre de ses travaux, qui se sont déroulés au premier semestre de cette année, la question de la bonne articulation entre la LOLF et ces réformes plus récentes.

La LOLF, appliquée en totalité depuis 2006, est devenue pour les gestionnaires de l'État une réalité quotidienne. Pour autant, les travaux de la Mission l'ont montré, la période transitoire est loin d'être achevée : des progrès considérables restent à accomplir, qu'il s'agisse de l'autonomie réelle des gestionnaires locaux ou de la fiabilisation des outils de mesure de la performance. La mise en production du progiciel de gestion budgétaire et comptable Chorus reste un point de passage obligé, mais manifestement malaisé à franchir.

Or la situation de nos finances publiques, qui accentue les contraintes budgétaires, associée au rythme très soutenu des réformes depuis 2007, est porteuse de nombreux risques. Comme M. Philip Dane, président du Comité interministériel d'audit des programmes (CIAP), l'a souligné lors de son audition par la Mission : « Le train de la RGPP risque de cacher le train de la LOLF ! ». Dans le même sens, la Cour des comptes notait récemment que « la modernisation de l'administration a été engagée sans lien véritable avec la LOLF ».

Force est de constater que la rationalisation des missions et services de l'État, orchestrée notamment par la RGPP, vient parfois en contradiction avec les acquis et les objectifs de la LOLF. Quelle marge de manoeuvre reste-t-il au gestionnaire quand la RGPP est suivie d'une recentralisation des décisions au sein des ministères, notamment en ce qui concerne les plafonds d'emplois ? Comment ne pas craindre que le dialogue de gestion se réduise à une procédure formelle, d'ailleurs concentrée sur le volet budgétaire au détriment du volet performance ?

En sens inverse, le renforcement des moyens financiers exceptionnellement accordés à certains secteurs peut lui aussi s'accompagner d'une mise en danger des grands principes de la loi organique. En échappant à la procédure budgétaire habituelle, les financements dérogatoires ou « innovants » – tels que le plan de relance ou les « investissements d'avenir » – présentent le risque de brouiller la lisibilité de l'action publique et compliquent l'évaluation de son efficacité.

Partant de ces préoccupations, la Mission a privilégié une approche sous forme d'études de cas. Elle a décidé de s'intéresser à deux thématiques qui lui sont chères et d'analyser les mutations qu'elles connaissent sous l'effet de récentes réformes.

Je traiterai pour ma part des relations entre l'État et ses opérateurs à travers l'exemple spécifique des universités, qui bénéficient d'une attention particulière des pouvoirs publics ces dernières années et figurent parmi les bénéficiaires de financements « innovants ». Auparavant, M. Thierry Carcenac examinera la gestion budgétaire déconcentrée après la toute récente réforme de l'administration territoriale de l'État.

PermalienPhoto de Thierry Carcenac

Alors que la LOLF, entrée dans sa cinquième année d'application, est devenue, comme cela a été dit, une réalité quotidienne pour les gestionnaires de l'État, notamment pour ceux des services déconcentrés, la Mission a souhaité étudier au travers de cas concrets l'articulation de la LOLF avec une des mesures issues de la RGPP : la réforme de l'administration territoriale de l'État – dite RéATE. Il s'agit, pour la MILOLF, d'exercer son droit de suite sur la thématique de la mise en oeuvre de la LOLF dans les services déconcentrés, déjà abordée en 2006 et 2008.

Après avoir auditionné non seulement les responsables de la mise en oeuvre de cette réforme, notamment l'ancien directeur de la MIRATE et son successeur au secrétariat général du Gouvernement, mais également de hauts fonctionnaires des ministères de l'Intérieur et du Budget, la Cour des Comptes et le CIAP, la Mission est retournée dans la région Rhône-Alpes afin d'entendre les responsables des services des préfectures de région et de département, ceux des directions régionales des services déconcentrés ainsi que les autorités chargées du contrôle financier.

Compte tenu du bouleversement opéré dans les services déconcentrés par la RéATE et des difficultés inhérentes à la mise en oeuvre d'une réforme de cette ampleur, en particulier le regroupement des implantations immobilières, la MILOLF a voulu vérifier dans quelle mesure cette réforme permettait de dépasser la contradiction entre la logique horizontale - interministérielle – des besoins des territoires et la logique verticale – ministérielle – de la LOLF. Il s'agissait plus généralement de vérifier si la succession de réformes présentait le risque d'affaiblir la LOLF en tant que cadre pérenne de la modernisation de l'État, comme le CIAP en avait souligné le danger dans son dernier rapport d'activité.

Les travaux de la MILOLF ont permis de mesurer les progrès accomplis dans le dialogue de gestion, en particulier au niveau local. Il apparaît ainsi assez clairement que la recommandation émise par la MILOLF en 2008, qui visait à renforcer le caractère collégial de ce dialogue en y associant notamment le niveau départemental, a été entendue et que la nouvelle organisation territoriale, avec le renforcement du rôle du préfet de région, la création des directions départementales interministérielles – les DDI – et la rationalisation des directions régionales, y conduit inévitablement.

Il convient toutefois de relativiser les progrès réalisés sur l'autonomie des responsables locaux. En effet, compte tenu des contraintes budgétaires liées à l'état de nos finances publiques, des pratiques déjà dénoncées par la MILOLF perdurent : fléchage des crédits depuis les administrations centrales, dotations de début d'exercice modifiées à de multiples reprises en cours d'année, alors que la réserve de précaution existe, ou gestion centralisée des plafonds d'emplois interdisant, de fait, la fongibilité asymétrique. Ces pratiques font craindre que le dialogue de gestion, après s'être amélioré au niveau local, ne soit finalement perçu que comme une procédure formelle. Par ailleurs, la RéATE n'a pas modifié profondément le rôle du contrôleur financier : la complexité nouvelle des flux budgétaires lui impose une vigilance accrue.

En ce qui concerne l'intégration de la performance dans la gestion budgétaire, la RéATE n'y a pas apporté de changements significatifs. La déclinaison au niveau local des objectifs et indicateurs décrits dans les projets et rapports annuels de performances – PAP et RAP – révèle qu'ils ne sont pas toujours adaptés à la réalité du terrain. Quant au regroupement opéré au sein des directions départementales interministérielles par la RéATE, il n'a rien changé aux dispositifs indemnitaires actuellement déployés dans les services de l'État sur le modèle de la prime de fonction et de résultat (PFR).

Un impact visible de la RéATE sur l'application de la LOLF est la modification attendue de la maquette budgétaire, avec la création d'un programme regroupant les crédits de fonctionnement courant des DDI. Il s'agit là d'une réponse pragmatique aux difficultés rencontrées par les responsables de ces nouvelles directions interministérielles, qui pouvaient être amenés à dialoguer avec cinq responsables de budgets opérationnels de programme (BOP) différents. La MILOLF comprend bien que la création de ce nouveau programme support est une réponse technique permettant de dépasser, pour les crédits de fonctionnement des DDI, la contradiction entre logique verticale de la LOLF et vision transversale des besoins des territoires. Elle tient toutefois à rappeler qu'un des objectifs fondamentaux de la LOLF est de permettre l'évaluation d'une politique publique dans son intégralité. Or la multiplication des programmes supports et l'absence d'une véritable comptabilité analytique rendent plus difficile cette évaluation à coût complet.

À ce sujet, la MILOLF a pu constater au cours de ses travaux combien le déploiement du système d'information financière de l'État Chorus était laborieux, y compris dans les services gestionnaires déconcentrés – la Commission a auditionné M. Jacques Marzin à ce propos le 22 juin dernier. Compte tenu des dysfonctionnements constatés et de la réalité des effectifs nécessaires à son fonctionnement, la Mission ne peut manquer de s'interroger sur la question du retour sur investissement de ce projet et sur le pilotage du système, à l'amélioration duquel nous avons consacré plusieurs recommandations.

PermalienPhoto de Michel Bouvard

En ce qui concerne les opérateurs et les pratiques extrabudgétaires ou innovantes, la seconde partie du rapport de la Mission porte sur l'articulation entre la LOLF et les récentes réformes de l'enseignement supérieur. Le choix de ce sujet se justifiait doublement.

Tout d'abord, les universités constituent une catégorie d'opérateurs dont le poids financier est très important. En 2010, elles bénéficient à elles seules de plus de 20 % de l'ensemble des subventions de l'État aux opérateurs. Au sein de la mission Recherche et enseignement supérieur, cette proportion atteint 40 %.

Ensuite, les universités ont fait l'objet ces dernières années d'une série de réformes ou de plans d'action : loi relative aux libertés et responsabilités des universités – dite LRU – de 2007, plan « Campus » lancé la même année et « investissements d'avenir » financés par le grand emprunt en 2010.

S'agissant d'abord de la loi LRU, on constate que cinquante et une universités, soit plus de 60 % des universités françaises, bénéficient depuis 2010 du régime dit des « responsabilités et compétences élargies », qui renforce largement leurs pouvoirs en matière budgétaire et en matière de gestion des ressources humaines. Cette réforme, qui sera généralisée en 2012, paraît dans l'ensemble bien accueillie par les universités qui ont accédé à l'autonomie.

La Mission a cependant identifié trois difficultés principales.

La première concerne, là comme ailleurs, la gestion des emplois, qui reste marquée par une tutelle de l'État encore très présente. Plus largement, le suivi de l'évolution et de l'utilisation des plafonds d'emploi manque de fiabilité et de lisibilité.

En deuxième lieu, la dévolution du parc immobilier de l'État est aujourd'hui bloquée par une série de difficultés juridiques et financières, alors que plusieurs universités ont demandé à en bénéficier. Ce blocage est naturellement un frein à une véritable autonomie. On peut s'étonner qu'il ait fallu presque trois ans pour constater que toutes les dispositions nécessaires n'avaient été mises en oeuvre dans la loi.

Enfin – troisième difficulté –, la spécificité de la gouvernance des universités résultant de la loi LRU, ainsi que le traitement particulier dont bénéficient généralement la recherche et l'enseignement supérieur dans les arbitrages budgétaires, font que la place des universités dans le nouveau cadre de pilotage désormais imposé aux opérateurs de l'État n'est pas clairement définie. Je tiens à rappeler que les opérateurs sont désormais soumis à la norme de dépense de l'État avec les mêmes règles en matière de plafonds d'autorisation d'emploi. Or, les universités bénéficiant d'un régime spécifique au titre des missions et des programmes prioritaires, une mise au point s'impose manifestement, ne serait-ce que pour préciser les conditions dans lesquelles leur seront appliqués les objectifs récemment annoncés de réduction des dépenses de fonctionnement et des charges de personnel des opérateurs de l'État.

S'agissant ensuite du plan Campus, la Mission n'a pu que constater la lenteur du déroulement d'une opération qui, lancée en 2007, visait à rénover le patrimoine immobilier universitaire et à faire émerger plusieurs grands pôles de référence.

À l'heure actuelle, une dizaine de sites ont été sélectionnés pour bénéficier d'une quote-part d'une dotation totale de 5 milliards d'euros, dont 3,7 milliards d'euros sont tirés de la vente d'une partie du capital d'EDF en 2007, le solde ayant été financé par la loi de finances rectificative du 9 mars 2010 sur le grand emprunt. On sait que ces dotations en capital ne pourront être consommées par les universités et que seuls pourront être dépensés chaque année les intérêts versés par le Trésor public, auprès duquel les fonds seront placés. Pour les universités, il s'agit donc d'une ressource pérenne et récurrente, mais qui ne passe pas par les canaux budgétaires traditionnels.

La Mission souhaite appeler particulièrement l'attention de la Commission sur deux points relatifs à la mise en oeuvre du plan Campus.

Premier point : le montant exact des intérêts annuels que percevra chacune des universités sélectionnées n'est pas encore précisément connu. Certes, depuis un arrêté du 15 juin 2010, le taux de rémunération des fonds a enfin été fixé à 4,25 % pour la fraction initiale de l'enveloppe et à 3,4 % pour la part issue du grand emprunt, ce qui représente au total un peu plus de 200 millions d'euros par an. Toutefois, la question de la rétrocession aux universités de l'équivalent financier de ce qu'a économisé l'État depuis la fin de l'année 2007, en conservant dans sa trésorerie les 3,7 milliards d'euros de recettes issues de la cession des titres EDF, n'a, semble-t-il, toujours pas été tranchée. L'esprit de la LOLF plaide à tout le moins en faveur d'une plus grande visibilité donnée aux gestionnaires et pour la transparence dans l'utilisation de ces fonds. On peut du reste, avec M. Charles de Courson, se demander si, compte tenu des difficultés budgétaires de l'État, il ne conviendrait pas de s'abstenir de verser cette somme puisqu'aucune dépense n'a été engagée à ce jour. Il n'en demeure pas moins que l'engagement contraire a été pris.

Second point : des difficultés juridiques et financières ont ralenti l'application du plan Campus. Il aura fallu renoncer au choix initial de ne recourir qu'à des partenariats public-privé, dont très peu sont annoncés à l'heure actuelle. Si la situation a aujourd'hui commencé à se débloquer c'est grâce notamment aux montages innovants proposés par la Caisse des dépôts.

Reste que le Parlement n'a aujourd'hui aucune visibilité sur le calendrier de déroulement des opérations de rénovation immobilière. Or cette information est d'autant plus essentielle que, du fait des modalités de financement retenues, le contrôle parlementaire de l'utilisation des ressources financières mobilisées est plus difficile qu'avec de classiques crédits budgétaires.

C'est cette même problématique qui s'applique aux « investissements d'avenir », définis par la loi de finances rectificative du 9 mars dernier. La recherche et l'enseignement supérieur en sont les grands gagnants, puisque ce secteur bénéficie de 21,9 milliards d'euros de crédits, soit 62 % des 35 milliards d'euros du grand emprunt. À eux seuls, les campus d'excellence, désormais rebaptisés « initiatives d'excellence », mobilisent 7,7 milliards d'euros.

Du point de vue de la Mission, la réussite de cette opération suppose que deux conditions soient réunies.

La première est la mise en place d'une gouvernance universitaire adaptée. On l'a vu récemment, en particulier grâce aux travaux de la Cour des comptes, la politique de regroupement, notamment sous forme de pôles de recherche et d'enseignement supérieur, les PRES, est encore loin d'avoir porté tous ses fruits. C'est sans doute cette inadaptation qui explique qu'une période probatoire de trois ans, de 2011 à 2013, soit prévue avant que les dotations en capital soient effectivement versées à chacun des sites sélectionnés.

La seconde condition est la mise en place d'un dispositif rigoureux d'évaluation a posteriori de ces fonds exceptionnels alloués à l'enseignement supérieur. C'est une condition parfaitement conforme à l'esprit de la LOLF, mais qui ne pourra être satisfaite qu'en marge des procédures habituelles définies par celle-ci. En effet, comme pour le plan Campus, les ressources financières mises à la disposition des universités au titre des investissements d'avenir ne pourront être passées au crible ni des objectifs et indicateurs de performances de la mission Recherche et enseignement supérieur ni du nouveau système d'allocation des moyens aux universités en fonction de leur performance, mis en place depuis 2009, sous la dénomination de « SYMPA ».

Dans ces conditions, il est essentiel que soit rapidement définie une méthodologie d'évaluation, dans le cadre d'une réflexion portant à la fois sur les outils, sur les critères et sur les acteurs. Pour s'en tenir ici à ce dernier point, il est bien évident que la multiplicité des instances susceptibles d'intervenir n'est pas un gage de qualité de l'évaluation. Il s'impose manifestement de clarifier les rôles respectifs du ministère de l'Enseignement supérieur et de la recherche, de l'Agence nationale de la recherche – ANR –, du commissariat général à l'investissement et du comité de surveillance des investissements d'avenir.

PermalienPhoto de Thierry Carcenac

La mission propose dix recommandations relatives à l'articulation entre la réforme de l'administration territoriale de l'État et la LOLF : elles concernent notamment le suivi de Chorus et la gestion des crédits déconcentrés. Elles sont présentées dans le rapport.

PermalienPhoto de Michel Bouvard

Il en est de même des onze recommandations relatives aux universités et qui découlent directement de mes propos.

PermalienPhoto de Charles de Courson

En ce qui concerne la réforme de l'administration territoriale de l'État, on ne saurait trop insister sur les problèmes posés par Chorus, problèmes que révèle le fait que quatre des dix recommandations portent sur ce seul outil. Dans certains secteurs – je pense notamment au ministère de la Défense, qui assure 10 des 14 milliards d'euros d'investissement du budget de l'État –, Chorus fonctionne si mal que les fournisseurs ne peuvent plus être payés.

Une de nos recommandations porte également sur la comptabilité analytique : comment en parler, en effet, si le système ne fonctionne pas pour la comptabilité générale ? Ce point a d'ailleurs fait l'objet d'une des huit réserves substantielles formulées par la Cour des comptes.

Par ailleurs, le Gouvernement avait promis, de façon assez curieuse, il est vrai, que les dotations aux universités non versées porteraient, depuis l'origine, intérêt à un taux de 4 %, ce qui représentait 140 millions à 150 millions d'euros par an avant le complément du grand emprunt. Est-ce raisonnable dans la situation actuelle, où les dotations sont consommées très lentement ? C'est la raison pour laquelle, j'ai émis, sur la recommandation concernée, une opinion dissidente, qu'a rappelée Michel Bouvard.

Il est certain qu'en raison de la restructuration des administrations, le système se complexifie alors qu'il commençait un peu à fonctionner. Je pense aux fonctions support : quand les moyens support proviennent de trois ou quatre programmes, la fongibilité est impossible ! Il convient dès lors de repenser les programmes support.

PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

M. de Courson a recouru à une litote en déclarant que « le système se complexifie alors qu'il commençait un peu à fonctionner ». C'est tout d'abord faire preuve d'un grand optimisme que d'affirmer que le système « commençait » de fonctionner. Ensuite, il serait plus exact de dire non pas « qu'il se complexifie », mais qu'il se bloque, comme nous avons pu le vérifier lors de notre déplacement dans la région Rhône-Alpes, au cours duquel nous avons été reçus par le préfet de région et par les préfets de département. Les propos de ces hauts fonctionnaires qui aiment l'État, étaient empreints d'un certain pathétique et révélaient une véritable souffrance.

N'en revient-on pas parfois au papier pour pallier les dysfonctionnements du système Chorus ? Quant au responsable de la direction départementale de la sécurité publique, il nous a précisé que, pour pouvoir s'en sortir, la direction avait été informée qu'elle recevrait le concours de soixante-neuf fonctionnaires, au lieu de huit, et ce, en pleine RGPP ! C'est la preuve que les réformes se télescopent. Du reste, comme cela a déjà été rappelé, quatre de nos dix recommandations portent sur Chorus.

Il ne vous aura pas non plus échappé que, lors de sa première prestation à l'Assemblée nationale pour la séance de questions au Gouvernement, ses collaborateurs ont fait dire à M. François Baroin, au sujet de Chorus, des choses inexactes, que le ministre a du reste récemment corrigées. Nous nous dirigeons vers un scandale d'État, à côté duquel celui de l'Imprimerie nationale passera pour une petite affaire, puisque nous dépassons déjà le milliard d'euros de dépenses.

Est-il normal que certains hauts fonctionnaires, qui ont toujours raison, n'aient jamais de comptes à rendre ? On ne saurait continuer de l'accepter. Je soutiens particulièrement les quatre recommandations visant Chorus.

Nous aurions pu proposer une autre recommandation visant à faire interdire par le Premier ministre le fléchage des crédits, pour ne pas laisser détruire la LOLF.

PermalienPhoto de Jérôme Cahuzac

Vous aurez noté, mes chers collègues, que, dans le projet de budget pour 2011, la réserve de précaution s'élèvera seulement à 600 millions d'euros. Autant dire qu'il n'y aura plus de réserve.

PermalienPhoto de Alain Rodet

Nous avons l'impression que le train de la RGPP s'apprête à percuter celui de la LOLF, plutôt qu'à le cacher.

Je souhaite savoir si, lors de leur déplacement en région Rhône-Alpes, les membres de la Mission ont pu entrer en contact avec les responsables des nouvelles grandes directions régionales, au nombre de huit et placées sous l'autorité, normalement renforcée, des préfets de région. Je pense non pas tant à l'Agence régionale de santé – l'ARS –, de création récente, qu'à la Direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement – DREAL. Un grand désordre semble régner, accompagné d'une démotivation des fonctionnaires les plus actifs et les plus capables. N'assistons-nous pas au délitement de la vie administrative et, de ce fait, à un appauvrissement de la culture et de l'action de l'État ? Dans certaines directions administratives, les responsables ont même le sentiment de ne plus être chargés de trouver des solutions aux problèmes mais des problèmes aux solutions, notamment lorsque celles-ci sont avancées par les élus territoriaux.

PermalienPhoto de Gérard Bapt

Les directeurs des ARS découvrent que les crédits, y compris ceux visant à financer l'amélioration de la qualité et l'expérimentation en matière d'offres de soins, qui devraient être fongibles, sont fléchés. Nous traversons certes une période budgétaire difficile, mais cette absence de la fongibilité ne vide-t-elle pas de son sens la création des ARS, qui ont pour objet de répondre aux besoins territorialisés de santé ? Comment la réactivité sera-t-elle possible au niveau régional si ces agences sont privées de toute marge de manoeuvre ? La déception n'est pas loin.

PermalienPhoto de Michel Bouvard

En Rhône-Alpes, nous avons pu rencontrer les responsables des différentes directions régionales, mais pas ceux de l'ARS, du fait de sa récente mise en place ; il nous faudra sans doute revenir sur la question.

C'est vrai : le regroupement des administrations au niveau régional pose des problèmes, dans la mesure notamment où il implique des fusions de corps. Il exige donc un délai et nous sommes actuellement dans une période d'instabilité. Nous avions d'abord à traiter les problèmes de financement et de gestion des ressources humaines : or le regroupement des administrations pose de vraies difficultés à ce dernier égard parce que nous n'avons pas assez progressé sur la question des logiques de métier. Mais, en sus des questions d'ordre statutaire, le mouvement est également freiné par le fait que tel ministère ne veut pas « lâcher » des postes, considérant que tel autre a fourni moins d'efforts que lui.

PermalienPhoto de Thierry Carcenac

Sans porter de jugement sur la réforme elle-même, on ne peut que constater la désorganisation financière, à laquelle concourent le manque de moyens et les fléchages : les crédits arrivent par petites tranches, ce qui ôte toute efficacité au dialogue de gestion. De plus, l'articulation entre l'organisation préfectorale et les directions régionales reste difficile. Si le préfet de région, comme c'est le cas en Rhône-Alpes, rassemble autour de lui une vraie équipe afin de travailler en concertation, les difficultés s'en trouvent réduites, mais elles n'en sont pas supprimées.

Si les réformes ne sont pas pilotées différemment, on court à la catastrophe – je pense notamment à Chorus –, du fait qu'on ne pourra pas résoudre les problèmes, toujours plus graves, qui se poseront. Le Premier ministre doit réussir à maîtriser l'ensemble du processus.

PermalienPhoto de Olivier Carré

En ce qui concerne les universités, les fonds consomptibles avaient pour intérêt d'amorcer l'arrivée d'autres fonds, notamment en provenance du privé, au travers de fondations, en vue de compléter les dotations. Qu'en est-il aujourd'hui ? Quel est le point de vue des différentes universités sur le sujet ?

PermalienPhoto de Michel Bouvard

Des enveloppes ont été fixées par université mais les délégations de fonds n'ont pas encore été mises en oeuvre. Les problèmes se posent d'abord dans le domaine de l'immobilier : à ce jour, aucune des opérations n'a pu commencer, je le répète, pour des raisons juridiques et financières, qui tiennent à la dévolution du patrimoine immobilier. Une de nos recommandations vise à ce que ces difficultés soient réglées d'ici à la fin de l'année : à défaut, le volet immobilier d'une loi votée en début de législature ne serait toujours pas mis en oeuvre à la fin de la législature.

Les fondations, quant à elles, se mettent en place. Il convient toutefois de régler la double question de leur périmètre et de leur efficacité. Convient-il d'avoir une fondation par université ou des fondations communes par PRES ? Les partenariats public-privé font aujourd'hui l'objet d'intentions. Des entreprises se sont manifestées auprès de certaines universités pour les accompagner mais le rythme n'est pas satisfaisant.

PermalienPhoto de Laurent Hénart

Les PRES ont fait l'objet d'une intéressante audition de la Cour des comptes par la Commission. Pour les membres de la MILOLF, quelle utilité peuvent-ils avoir dans des sites où ils sont conçus comme préalables à la création d'une université unique ? Les universités ont alors la volonté de les doter de missions, de compétences et de moyens. L'analyse de la MILOLF est importante en la matière, s'il convient d'envisager des évolutions législatives rapides.

PermalienPhoto de Michel Bouvard

La Mission recommande de « clarifier le rôle des PRES, en fonction de leurs différentes formes juridiques, dans la mise en oeuvre des investissements d'avenir, en particulier des initiatives d'excellence, en élargissant leur socle de compétences minimales et en améliorant leur gouvernance ».

On peut en effet distinguer plusieurs catégories de PRES : certains sont une étape conduisant à l'université unique – c'est le cas à Strasbourg ou à Bordeaux. D'autres sont conçus comme des instruments de coopération. Or les PRES peuvent donner lieu à différents niveaux de coopération. Il conviendrait, à nos yeux, de définir – un peu sur le modèle des intercommunalités – un socle de compétences obligatoires identique à tous les PRES, auquel s'ajouterait un menu optionnel permettant d'adapter le périmètre des compétences du pôle aux réalités du terrain. Il s'agit de concilier la cohérence de l'action et la transparence de l'évaluation.

PermalienPhoto de François Goulard

Les PRES ont délibérément été conçus en 2006 sans modèle préalable, afin de s'adapter aux différents projets des universités. Certaines souhaitaient se rapprocher jusqu'à la fusion : le PRES le permet. D'autres n'envisageaient que des coopérations ponctuelles. Le PRES le permet encore. Celui-ci a donc été conçu comme un outil permettant tous les types, ou presque, de coopération. Il est fort possible qu'après plusieurs années d'expérience, un tri se révèle nécessaire. Toutefois, on ne doit pas oublier l'intention du législateur, qui était de laisser la porte ouverte à toutes les formes de coopération.

En effet, en matière universitaire, il ne saurait être question de faire prévaloir l'uniformité, du fait que, dans aucun pays, les universités ne sont identiques entre elles. Certaines ont une visée essentiellement professionnelle et forment des jeunes à bac + 4 ou + 5 ; d'autres se consacrent à la recherche de haut niveau. Entre ces deux modèles, il existe des gradations. On ne saurait donc partir du principe que toutes les universités doivent obéir à un modèle unique. Penser que leur coopération doive être dictée par des normes absolument intangibles constituerait une profonde erreur d'analyse.

Par ailleurs, l'immobilier universitaire est un vrai sujet de préoccupation : il est généralement assez dégradé du fait qu'il a été géré avec une rigidité invraisemblable, dans le cadre de situations non clarifiées, l'immobilier appartenant tantôt à l'État, tantôt à l'université elle-même, tantôt aux collectivités territoriales. Je déplore qu'on n'ait pas réalisé de progrès dans ce domaine où l'autonomie était la plus immédiatement utile.

Enfin, depuis la loi de 2006, les PRES peuvent avoir un statut de fondation permettant de recueillir des fonds privés. L'expérience montre toutefois qu'un tel statut est assez peu répandu dans les moeurs universitaires françaises.

PermalienPhoto de Jérôme Cahuzac

Je remercie les membres de la Mission du travail très intéressant qu'ils ont effectué.

La Commission autorise la publication du rapport, en application de l'article 145 du Règlement.

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