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Intervention de Michel Bouvard

Réunion du 7 juillet 2010 à 9h00
Commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMichel Bouvard, Rapporteur :

En ce qui concerne les opérateurs et les pratiques extrabudgétaires ou innovantes, la seconde partie du rapport de la Mission porte sur l'articulation entre la LOLF et les récentes réformes de l'enseignement supérieur. Le choix de ce sujet se justifiait doublement.

Tout d'abord, les universités constituent une catégorie d'opérateurs dont le poids financier est très important. En 2010, elles bénéficient à elles seules de plus de 20 % de l'ensemble des subventions de l'État aux opérateurs. Au sein de la mission Recherche et enseignement supérieur, cette proportion atteint 40 %.

Ensuite, les universités ont fait l'objet ces dernières années d'une série de réformes ou de plans d'action : loi relative aux libertés et responsabilités des universités – dite LRU – de 2007, plan « Campus » lancé la même année et « investissements d'avenir » financés par le grand emprunt en 2010.

S'agissant d'abord de la loi LRU, on constate que cinquante et une universités, soit plus de 60 % des universités françaises, bénéficient depuis 2010 du régime dit des « responsabilités et compétences élargies », qui renforce largement leurs pouvoirs en matière budgétaire et en matière de gestion des ressources humaines. Cette réforme, qui sera généralisée en 2012, paraît dans l'ensemble bien accueillie par les universités qui ont accédé à l'autonomie.

La Mission a cependant identifié trois difficultés principales.

La première concerne, là comme ailleurs, la gestion des emplois, qui reste marquée par une tutelle de l'État encore très présente. Plus largement, le suivi de l'évolution et de l'utilisation des plafonds d'emploi manque de fiabilité et de lisibilité.

En deuxième lieu, la dévolution du parc immobilier de l'État est aujourd'hui bloquée par une série de difficultés juridiques et financières, alors que plusieurs universités ont demandé à en bénéficier. Ce blocage est naturellement un frein à une véritable autonomie. On peut s'étonner qu'il ait fallu presque trois ans pour constater que toutes les dispositions nécessaires n'avaient été mises en oeuvre dans la loi.

Enfin – troisième difficulté –, la spécificité de la gouvernance des universités résultant de la loi LRU, ainsi que le traitement particulier dont bénéficient généralement la recherche et l'enseignement supérieur dans les arbitrages budgétaires, font que la place des universités dans le nouveau cadre de pilotage désormais imposé aux opérateurs de l'État n'est pas clairement définie. Je tiens à rappeler que les opérateurs sont désormais soumis à la norme de dépense de l'État avec les mêmes règles en matière de plafonds d'autorisation d'emploi. Or, les universités bénéficiant d'un régime spécifique au titre des missions et des programmes prioritaires, une mise au point s'impose manifestement, ne serait-ce que pour préciser les conditions dans lesquelles leur seront appliqués les objectifs récemment annoncés de réduction des dépenses de fonctionnement et des charges de personnel des opérateurs de l'État.

S'agissant ensuite du plan Campus, la Mission n'a pu que constater la lenteur du déroulement d'une opération qui, lancée en 2007, visait à rénover le patrimoine immobilier universitaire et à faire émerger plusieurs grands pôles de référence.

À l'heure actuelle, une dizaine de sites ont été sélectionnés pour bénéficier d'une quote-part d'une dotation totale de 5 milliards d'euros, dont 3,7 milliards d'euros sont tirés de la vente d'une partie du capital d'EDF en 2007, le solde ayant été financé par la loi de finances rectificative du 9 mars 2010 sur le grand emprunt. On sait que ces dotations en capital ne pourront être consommées par les universités et que seuls pourront être dépensés chaque année les intérêts versés par le Trésor public, auprès duquel les fonds seront placés. Pour les universités, il s'agit donc d'une ressource pérenne et récurrente, mais qui ne passe pas par les canaux budgétaires traditionnels.

La Mission souhaite appeler particulièrement l'attention de la Commission sur deux points relatifs à la mise en oeuvre du plan Campus.

Premier point : le montant exact des intérêts annuels que percevra chacune des universités sélectionnées n'est pas encore précisément connu. Certes, depuis un arrêté du 15 juin 2010, le taux de rémunération des fonds a enfin été fixé à 4,25 % pour la fraction initiale de l'enveloppe et à 3,4 % pour la part issue du grand emprunt, ce qui représente au total un peu plus de 200 millions d'euros par an. Toutefois, la question de la rétrocession aux universités de l'équivalent financier de ce qu'a économisé l'État depuis la fin de l'année 2007, en conservant dans sa trésorerie les 3,7 milliards d'euros de recettes issues de la cession des titres EDF, n'a, semble-t-il, toujours pas été tranchée. L'esprit de la LOLF plaide à tout le moins en faveur d'une plus grande visibilité donnée aux gestionnaires et pour la transparence dans l'utilisation de ces fonds. On peut du reste, avec M. Charles de Courson, se demander si, compte tenu des difficultés budgétaires de l'État, il ne conviendrait pas de s'abstenir de verser cette somme puisqu'aucune dépense n'a été engagée à ce jour. Il n'en demeure pas moins que l'engagement contraire a été pris.

Second point : des difficultés juridiques et financières ont ralenti l'application du plan Campus. Il aura fallu renoncer au choix initial de ne recourir qu'à des partenariats public-privé, dont très peu sont annoncés à l'heure actuelle. Si la situation a aujourd'hui commencé à se débloquer c'est grâce notamment aux montages innovants proposés par la Caisse des dépôts.

Reste que le Parlement n'a aujourd'hui aucune visibilité sur le calendrier de déroulement des opérations de rénovation immobilière. Or cette information est d'autant plus essentielle que, du fait des modalités de financement retenues, le contrôle parlementaire de l'utilisation des ressources financières mobilisées est plus difficile qu'avec de classiques crédits budgétaires.

C'est cette même problématique qui s'applique aux « investissements d'avenir », définis par la loi de finances rectificative du 9 mars dernier. La recherche et l'enseignement supérieur en sont les grands gagnants, puisque ce secteur bénéficie de 21,9 milliards d'euros de crédits, soit 62 % des 35 milliards d'euros du grand emprunt. À eux seuls, les campus d'excellence, désormais rebaptisés « initiatives d'excellence », mobilisent 7,7 milliards d'euros.

Du point de vue de la Mission, la réussite de cette opération suppose que deux conditions soient réunies.

La première est la mise en place d'une gouvernance universitaire adaptée. On l'a vu récemment, en particulier grâce aux travaux de la Cour des comptes, la politique de regroupement, notamment sous forme de pôles de recherche et d'enseignement supérieur, les PRES, est encore loin d'avoir porté tous ses fruits. C'est sans doute cette inadaptation qui explique qu'une période probatoire de trois ans, de 2011 à 2013, soit prévue avant que les dotations en capital soient effectivement versées à chacun des sites sélectionnés.

La seconde condition est la mise en place d'un dispositif rigoureux d'évaluation a posteriori de ces fonds exceptionnels alloués à l'enseignement supérieur. C'est une condition parfaitement conforme à l'esprit de la LOLF, mais qui ne pourra être satisfaite qu'en marge des procédures habituelles définies par celle-ci. En effet, comme pour le plan Campus, les ressources financières mises à la disposition des universités au titre des investissements d'avenir ne pourront être passées au crible ni des objectifs et indicateurs de performances de la mission Recherche et enseignement supérieur ni du nouveau système d'allocation des moyens aux universités en fonction de leur performance, mis en place depuis 2009, sous la dénomination de « SYMPA ».

Dans ces conditions, il est essentiel que soit rapidement définie une méthodologie d'évaluation, dans le cadre d'une réflexion portant à la fois sur les outils, sur les critères et sur les acteurs. Pour s'en tenir ici à ce dernier point, il est bien évident que la multiplicité des instances susceptibles d'intervenir n'est pas un gage de qualité de l'évaluation. Il s'impose manifestement de clarifier les rôles respectifs du ministère de l'Enseignement supérieur et de la recherche, de l'Agence nationale de la recherche – ANR –, du commissariat général à l'investissement et du comité de surveillance des investissements d'avenir.

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