Alors que la LOLF, entrée dans sa cinquième année d'application, est devenue, comme cela a été dit, une réalité quotidienne pour les gestionnaires de l'État, notamment pour ceux des services déconcentrés, la Mission a souhaité étudier au travers de cas concrets l'articulation de la LOLF avec une des mesures issues de la RGPP : la réforme de l'administration territoriale de l'État – dite RéATE. Il s'agit, pour la MILOLF, d'exercer son droit de suite sur la thématique de la mise en oeuvre de la LOLF dans les services déconcentrés, déjà abordée en 2006 et 2008.
Après avoir auditionné non seulement les responsables de la mise en oeuvre de cette réforme, notamment l'ancien directeur de la MIRATE et son successeur au secrétariat général du Gouvernement, mais également de hauts fonctionnaires des ministères de l'Intérieur et du Budget, la Cour des Comptes et le CIAP, la Mission est retournée dans la région Rhône-Alpes afin d'entendre les responsables des services des préfectures de région et de département, ceux des directions régionales des services déconcentrés ainsi que les autorités chargées du contrôle financier.
Compte tenu du bouleversement opéré dans les services déconcentrés par la RéATE et des difficultés inhérentes à la mise en oeuvre d'une réforme de cette ampleur, en particulier le regroupement des implantations immobilières, la MILOLF a voulu vérifier dans quelle mesure cette réforme permettait de dépasser la contradiction entre la logique horizontale - interministérielle – des besoins des territoires et la logique verticale – ministérielle – de la LOLF. Il s'agissait plus généralement de vérifier si la succession de réformes présentait le risque d'affaiblir la LOLF en tant que cadre pérenne de la modernisation de l'État, comme le CIAP en avait souligné le danger dans son dernier rapport d'activité.
Les travaux de la MILOLF ont permis de mesurer les progrès accomplis dans le dialogue de gestion, en particulier au niveau local. Il apparaît ainsi assez clairement que la recommandation émise par la MILOLF en 2008, qui visait à renforcer le caractère collégial de ce dialogue en y associant notamment le niveau départemental, a été entendue et que la nouvelle organisation territoriale, avec le renforcement du rôle du préfet de région, la création des directions départementales interministérielles – les DDI – et la rationalisation des directions régionales, y conduit inévitablement.
Il convient toutefois de relativiser les progrès réalisés sur l'autonomie des responsables locaux. En effet, compte tenu des contraintes budgétaires liées à l'état de nos finances publiques, des pratiques déjà dénoncées par la MILOLF perdurent : fléchage des crédits depuis les administrations centrales, dotations de début d'exercice modifiées à de multiples reprises en cours d'année, alors que la réserve de précaution existe, ou gestion centralisée des plafonds d'emplois interdisant, de fait, la fongibilité asymétrique. Ces pratiques font craindre que le dialogue de gestion, après s'être amélioré au niveau local, ne soit finalement perçu que comme une procédure formelle. Par ailleurs, la RéATE n'a pas modifié profondément le rôle du contrôleur financier : la complexité nouvelle des flux budgétaires lui impose une vigilance accrue.
En ce qui concerne l'intégration de la performance dans la gestion budgétaire, la RéATE n'y a pas apporté de changements significatifs. La déclinaison au niveau local des objectifs et indicateurs décrits dans les projets et rapports annuels de performances – PAP et RAP – révèle qu'ils ne sont pas toujours adaptés à la réalité du terrain. Quant au regroupement opéré au sein des directions départementales interministérielles par la RéATE, il n'a rien changé aux dispositifs indemnitaires actuellement déployés dans les services de l'État sur le modèle de la prime de fonction et de résultat (PFR).
Un impact visible de la RéATE sur l'application de la LOLF est la modification attendue de la maquette budgétaire, avec la création d'un programme regroupant les crédits de fonctionnement courant des DDI. Il s'agit là d'une réponse pragmatique aux difficultés rencontrées par les responsables de ces nouvelles directions interministérielles, qui pouvaient être amenés à dialoguer avec cinq responsables de budgets opérationnels de programme (BOP) différents. La MILOLF comprend bien que la création de ce nouveau programme support est une réponse technique permettant de dépasser, pour les crédits de fonctionnement des DDI, la contradiction entre logique verticale de la LOLF et vision transversale des besoins des territoires. Elle tient toutefois à rappeler qu'un des objectifs fondamentaux de la LOLF est de permettre l'évaluation d'une politique publique dans son intégralité. Or la multiplication des programmes supports et l'absence d'une véritable comptabilité analytique rendent plus difficile cette évaluation à coût complet.
À ce sujet, la MILOLF a pu constater au cours de ses travaux combien le déploiement du système d'information financière de l'État Chorus était laborieux, y compris dans les services gestionnaires déconcentrés – la Commission a auditionné M. Jacques Marzin à ce propos le 22 juin dernier. Compte tenu des dysfonctionnements constatés et de la réalité des effectifs nécessaires à son fonctionnement, la Mission ne peut manquer de s'interroger sur la question du retour sur investissement de ce projet et sur le pilotage du système, à l'amélioration duquel nous avons consacré plusieurs recommandations.