Audition des représentants des syndicats du groupe DCNS, dans le cadre du projet de loi (n° 1216) relatif à la programmation militaire pour les années 2009 à 2014
La séance est ouverte à onze heures vingt
Mes chers collègues, nous recevons les représentants des organisations syndicales de DCNS : pour l'UNSA, MM. Joël Lagadec (DCNS Brest) et Jean-Michel Janeau (DCNS Indret) ; pour la CFDT, MM. Yannick Perronet (DCNS Ruelle) et Patrick Le Chene (DCNS Brest) ; pour la CGT, MM. Stéphane Creac'h (DCNS Brest) et Jean-Marc Le Lardic (DCNS Lorient) ; pour la CFE-CGC, MM. Daniel Albergucci (DCNS Toulon) et Daniel Aubert (DCNS Établissement de Paris) ; pour FO, MM. Alain Le Bariller (DCNS Cherbourg) et Yannick Le Rolland (DCNS Indret), et, pour la CFTC, MM. Auguste Kerdraon (DCNS Brest) et Claude Le Guelaff (DCNS Indret).
Je rappelle que l'article 10 du projet de loi de programmation militaire (LPM) concerne DCNS. Lors de la transformation de la direction des constructions navales (DCN) par la loi de finances rectificative pour 2001, la nouvelle entreprise publique s'était vu imposer des règles particulières, plus strictes que celles normalement applicables aux entreprises détenues par l'État. Compte tenu de l'évolution du groupe, devenu DCNS, l'article 10 propose de supprimer ces exceptions pour que DCNS soit soumise au droit commun des entreprises publiques. Cette mesure vise à faciliter le développement économique et industriel de l'entreprise et à lui permettre de conclure des partenariats sur des activités connexes.
Je sais les organisations syndicales particulièrement attentives à toute évolution du statut de l'entreprise, et il nous a semblé indispensable de les entendre, de façon à éclairer au mieux nos débats.
Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, je vais vous donner lecture d'une déclaration commune à tous les syndicats ici présents.
Si l'année 2008 a été marquée par de nombreux événements, avec en apothéose la parution du Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale, le débat qui va s'ouvrir sur le projet de loi de programmation militaire risque d'être à nouveau le théâtre de fortes oppositions entre les représentants de la Nation et les personnels de nos établissements avec leurs représentants syndicaux.
L'année écoulée a été aussi celle de la divulgation par le journal Le Point du document sur la révision générale des politiques publiques (RGPP) pour la défense, dont la substantifique moelle est l'externalisation des activités industrielles et de soutien, avec à la clé 54 000 suppressions d'emplois.
Pour revenir à DCNS, 2008 a été aussi l'année de l'échéance du contrat d'entreprise pluriannuel conclu entre l'État et la société, lequel n'a pas été respecté dans son intégralité, comme n'a d'ailleurs pas été respecté l'engagement du Gouvernement de transmettre aux commissions des finances et de la défense du Parlement, chaque année, jusqu'au terme de la période d'exécution du contrat, un rapport sur les perspectives d'activité et les fonds propres de la société. Cet engagement figure pourtant à l'article 78 de la loi de finances rectificative pour 2001.
Le coup de vent de 2008 pourrait bien se transformer en tempête en 2009 avec les articles 10 et 11 du projet de loi de programmation militaire, qui concernent DCNS et la SNPE. Nous ne pouvons les dissocier car leur finalité est la même : la privatisation. La seule différence réside dans le calendrier, l'inscription de la SNPE sur la liste des sociétés privatisables étant immédiate. Cette année s'annonce ainsi comme celle de tous les dangers, avec un remodelage complet de l'outil de défense du pays ; les personnels ont du souci à se faire.
De nombreuses actions ont eu lieu pour rejeter le plan de MM. Sarkozy et Morin, lequel contient en lui l'éclatement de DCNS et sa filialisation tous azimuts. Ces actions vont se poursuivre en 2009, comme c'est le cas ce jour dans différents sites de DCNS.
Ensemble, les organisations syndicales de DCNS le disent sans ambiguïté : l'article 10 doit être purement et simplement retiré.
Cette exigence de retrait global se conjugue avec celle d'une rencontre tripartite entre l'État, l'entreprise et les organisations syndicales pour obtenir de l'État des engagements sur la politique industrielle de l'entreprise par le biais de l'élaboration d'un nouveau contrat d'entreprise confortant l'activité en interne. Ces deux exigences sont très largement soutenues par les personnels de l'entreprise, puisque 6 500 d'entre eux l'ont signifié en signant une pétition nationale unitaire dont vous ne pouvez ignorer l'existence. Cet appui est un élément considérable dans notre action nationale et unitaire.
En dépit de nombreuses interpellations sur le sujet, le ministre reste toujours sourd, ce qui est pour le moins paradoxal dès lors qu'il s'agit de l'avenir de la plus grande entreprise nationale sous tutelle du ministère de la défense, avec plus de 12 000 personnels concernés.
Mesdames et messieurs les députés, nous n'acceptons pas le contenu de l'article 10 du projet de loi relatif à la programmation militaire pour les années 2009-2014, et nous allons vous exposer les motivations de ce rejet.
En faisant rentrer DCNS dans le droit commun des privatisations, l'article 10 remet en cause la situation créée par la loi de 2004. Nous l'avions alors combattue puisque, malgré les propos politiques rassurants de l'époque, elle enclenchait déjà le processus de privatisation. Elle prévoyait pourtant, comme le soulignait le rapporteur du texte, une protection garantie soit par les seuils d'effectifs, soit par le niveau du chiffre d'affaires. Force est de constater qu'avec les projets actuels, nos arguments de l'époque se confirment : le processus de « filialisation-privatisation » entamé en 2004 a bien ouvert la boîte de Pandore.
Selon l'exposé des motifs du projet de loi de programmation militaire, les articles 10 et 11 permettraient de gommer « l'appartenance de DCNS SA et de SNPE SA au secteur public », les dispositions du présent projet de loi visant « à lever les obstacles d'ordre législatif ». Curieuse vision de la démocratie de la part du rédacteur, selon qui le législateur constituerait donc un obstacle !
S'agissant uniquement de DCNS, l'exposé des motifs : relève que « des restrictions législatives subsistent. En effet, la loi du 30 décembre 2004 précitée, en ce qu'elle a modifié la loi n° 2001-1276 du 28 décembre 2001 de finances rectificative pour 2001, a introduit des dispositions encadrant de manière trop restrictive la création de filiales par DCNS, ainsi que les prises de participations réalisées par cette société, et prévoit des dispositions dérogatoires au droit commun des privatisations lorsque ces opérations sont assorties d'un transfert d'actifs de DCN ».
« Une telle modification […] fera rentrer DCNS dans le droit commun des privatisations en supprimant les dispositions dérogatoires introduites par la loi du 30 décembre 2004 précitée ».
Ces dispositions dérogatoires avaient justement été introduites et défendues par le rapporteur de votre commission afin de parer à d'éventuelles dérives.
La perversité de l'article 10 repose aussi sur des modalités spécifiques qui permettraient aux personnels mis à la disposition de DCNS d'intégrer des sociétés où elle serait minoritaire.
Ainsi, pour ce qui est des ouvriers de l'État, l'exposé des motifs indique qu'il « est nécessaire que ces personnels puissent être mis à la disposition de ces entités afin de pouvoir apporter à celles-ci les compétences nécessaires à leur fonctionnement. Or, dans les conditions actuelles résultant des modifications introduites par la loi du 30 décembre 2004 précitée, les ouvriers de l'État ne peuvent être mis à la disposition de sociétés bénéficiant d'apports d'actifs de DCNS que dans la mesure où DCNS détient la majorité du capital de ces sociétés. ». Il convient de noter que ces dispositions omettent le cas des personnels en détachement, fonctionnaires ou militaires, qui ne bénéficieraient pas des mêmes options.
Et l'exposé des motifs de poursuivre : « L'article 78 de la loi de finances rectificative pour 2001 est donc également modifié, afin de permettre à DCNS de mettre à la disposition de sociétés dans le capital desquelles elle ne serait pas majoritaire des ouvriers de l'État travaillant actuellement dans le groupe. Enfin, afin de faciliter l'adaptation de l'organisation du groupe à l'évolution de ses activités, la loi rend possible, en dehors des cas de créations de filiales ou de prises de participations par apport ou transfert d'activités, la mobilité à l'intérieur du groupe des ouvriers de l'État mis à la disposition de DCNS. »
Cet exposé est suffisamment limpide. L'objectif du ministère de la défense et de la direction de DCNS, qui l'a avoué lors du comité central d'entreprise du 12 novembre dernier, est donc bien de « profiter de l'occasion » pour faire « sauter les obstacles administratifs et ainsi simplifier la création de multiples filiales », en éliminant toute contrainte législative, ces opérations pouvant se faire par décret. Cet objectif est anti-démocratique et dessaisit le Parlement de ses prérogatives, d'autant que la construction navale militaire représente un secteur d'activités stratégique pour la France.
Nous considérons que l'article 10 du projet de loi risque de mettre en cause l'unicité de l'entreprise, dont l'importance a été maintes fois soulignée lors des débats parlementaires de 2004, pour aboutir au final à son démantèlement tout en organisant une mobilité accrue des personnels de tous statuts.
La nomination d'un nouveau président-directeur général est révélatrice de cette logique ; M. Patrick Boissier reconnaît lui-même qu'il « n'a aucune idée préconçue, ni en termes de stratégie, ni en termes d'enjeux vitaux » pour l'entreprise. De tels propos laissent la porte ouverte à toutes les spéculations.
Pourtant, comment ne pas voir dans ce choix la volonté élyséenne de rapprocher les constructions navales civile et militaire, alors qu'elles ont d'évidence des missions propres à développer et n'ont pas vocation à fusionner ? Cette stratégie s'inscrit par ailleurs dans un processus plus large de remodelage européen de la construction navale sur fond de rationalisation des capacités des pays membres dans une logique de partage des créneaux.
L'urgence pour nous aujourd'hui est bien de rompre avec les logiques actuelles qui conduisent à une marchandisation des entreprises, des salariés, de la connaissance et à une privatisation de l'industrie navale militaire.
Ce qui est en jeu, c'est de créer les conditions d'une cohésion et d'une efficacité de DCNS. La question de possibles coopérations industrielles ponctuelles avec d'autres industriels ne peut se concevoir que dans un schéma de conservation des patrimoines et des missions de chacun.
Le maintien sur le territoire des compétences et des moyens de production et d'ingénierie garantissant la souveraineté nationale en termes de défense se conjugue avec la nécessité d'une construction navale civile confortée répondant aux besoins croissants de moyens de transports maritimes dans tous les domaines, notamment ceux qui sont liés à un meilleur respect de l'environnement.
Nous l'affirmons, la fusion des entreprises navales DCNS et STX ne garantirait pas l'avenir de leurs deux secteurs d'activités mais, au contraire, les ferait plonger tous les deux.
Le recentrage des activités de DCNS vers l'ingénierie et le commerce ne correspond pas à l'urgence d'une véritable politique industrielle dont le pays a besoin. Il conduirait aux mêmes déboires que ceux qu'ont connus il y a quelques années les chantiers civils qui sont allés trop loin dans l'externalisation de certaines compétences.
Au regard des stratégies développées ces dernières années dans leur entreprise, les personnels de DCNS ont bien compris quelles étaient les véritables motivations de ce projet.
L'absence de visibilité sur le long terme, le développement de la précarisation de l'emploi, la perte de savoir-faire et de compétences, le recul social, la désorganisation entretenue et préméditée des services sont autant de signes d'une opération calculée, ce qui est en soi terrifiant.
L'opération envisagée a pour prétexte la baisse des coûts et la nécessité d'une compétitivité répondant aux normes patronales. En réalité, l'enjeu est avant tout politique : il s'agit de privatiser l'outil de défense en général et le secteur naval en particulier. Toutefois, comme nous l'avons constaté dans d'autres domaines, après la privatisation des profits vient souvent la nationalisation ou la renationalisation des pertes ; d'autres pays, comme l'Espagne, ont déjà fait ce cruel constat dans le secteur naval.
Les restructurations de DCNS ne peuvent s'expliquer que comme la conséquence de choix politiques, sciemment menés pour présenter comme inéluctables les adaptations découlant de ces stratégies et de ces visions.
L'article 10 du projet de loi de programmation militaire contient tous les germes de l'éclatement de l'entreprise sur fond de transfert des activités et des personnels dans des filiales ou sociétés communes. Il acte aussi la mobilité accrue et sans limite des personnels dans le groupe ou un groupement auquel appartiendrait DCNS, rompant ainsi les liens géographiques entre les individus et leur lieu de travail, modifiant sans doute les clauses des contrats de travail et aussi les accords collectifs.
La richesse de DCNS tient dans la complémentarité de ses établissements et la capacité de ses personnels à mettre en oeuvre leur savoir-faire technique dans toutes les situations. Porter atteinte à ces notions pourrait remettre inéluctablement en cause l'opérationnalité de cette entreprise unique, voire conduire à sa disparition. Nous ne pouvons pas nous y résoudre : l'article 10 conduit bien à la disparition de DCNS ; son retrait est donc indispensable.
Vous l'aurez compris, mesdames et messieurs les députés, nous n'attendons pas de votre commission des explications ou des justifications, voire des aménagements de cet article, mais la prise en compte des arguments que nous venons d'avancer, afin que l'irréparable ne soit pas commis.
Je tiens à rappeler que seul le Gouvernement peut retirer un article d'un projet de loi, le Parlement ne pouvant qu'amender le texte déposé. Nous sommes parfaitement conscients des enjeux de ce texte pour l'avenir de votre entreprise et c'est justement pour nourrir notre réflexion que nous avons souhaité vous entendre.
Dans votre exposé, vous n'avez pas évoqué la question du volontariat pour l'éventuelle mobilité de personnels de DCNS vers des filiales ou des partenaires. Quelle est votre position sur ce point ?
La mise à disposition des personnels de DCNS, notamment celle des ouvriers de l'État, se fait évidemment sur la base du volontariat, comme le prévoit la loi. On imagine mal une entreprise nationale ne pas la respecter.
Il faut évaluer le volontariat au regard du périmètre géographique et économique dans lequel il s'exerce. Le ministère de la défense est dans une phase de restructuration massive qui l'amène à des réductions d'effectifs et à des fermetures d'emprises. Ainsi, à Saint-Tropez, l'environnement industriel fait que les personnels de DCNS ont très peu de chances de trouver des solutions de reclassement au sein du ministère de la défense ; ils devront se contenter des offres qui leur seront proposées, sans alternative possible. Il en va de même pour le site de Cherbourg et, dans une moindre mesure, pour ceux de Brest et de Toulon.
Notre exigence est celle d'un retrait pur et simple de l'article 10. Il n'est par ailleurs nulle part fait mention dans cet article de volontariat pour l'affectation des personnels ouvriers de l'État.
Que six organisations syndicales de DCNS parlent d'une même voix dans une déclaration liminaire commune n'est pas anodin.
Le volontariat n'est nulle part mentionné dans la loi. Comme dans toute entreprise, soit les membres du personnel se déplacent et suivent les activités, soit ils quittent la société. Créer une filiale avec pour seul apport des salariés revient à créer un vivier de personnels corvéables à merci, contraints de se déplacer partout en France et dans le monde.
Lors de l'examen de la loi de 2004, votre commission justifiait l'assouplissement des règles créées en 2001 par l'évolution de l'entreprise. Nous ne comprenons pas quels sont les changements qui justifient aujourd'hui de modifier encore ce texte. La loi de 2004 avait pour objectif de donner à DCNS de la souplesse et de la flexibilité, mais avec la garantie d'un contrôle de l'État, au travers de la commission des participations et des transferts, et d'un accord passé entre le ministère de la défense et le ministère des finances concernant le niveau du chiffre d'affaires et les seuils d'effectifs. Il s'agissait clairement d'éviter la privatisation, ce qui nous avait partiellement rassurés. Aujourd'hui, la perspective de cette privatisation nous semble ouverte. Or, vouloir filialiser la société DCNS, c'est prendre le risque de lui faire perdre son savoir-faire, de la dilapider, de la démanteler.
Nous considérons qu'il y a une très grande différence entre la filialisation par projets et la filialisation par activités. Avec ce texte, rien n'empêchera de filialiser les activités qui sont au coeur de l'activité de DCNS, comme l'activité « systèmes de combat ». Dans un tel cas, que restera-t-il de DCNS ?
La CFE-CGC souhaite donc que la situation soit stabilisée, sans modification des dispositions de 2004.
Monsieur le président, vous avez souligné que l'objet de l'article 10 était de permettre de lever les contraintes strictes qui s'imposent à DCNS. Nous avons le sentiment que la levée de ces contraintes met en péril l'unicité de l'entreprise, pourtant défendue par le rapporteur lors de l'examen du projet de loi en 2004.
Le rapporteur précisait alors que le risque, craint par les syndicats, de « saucissonnage » de l'entreprise était un risque théorique, inimaginable en pratique car contraire aux intérêts de DCNS. Aujourd'hui, avec la filialisation, ce risque est en passe de devenir une réalité.
Les arsenaux changent peu à peu de statut et passent sous contrôle d'entreprises privées. Pensez-vous qu'il soit bénéfique de confier le secteur de la défense à des intérêts privés ? La direction des chantiers navals avait pour mission de construire des navires de guerre destinés à la défense de notre République. Certains en ont fait une machine à profits pour des actionnaires, avec à la clé la mise à disposition de notre technologie à des pays peu recommandables.
À défaut de la suppression demandée par la CFTC, l'article 10 doit prévoir que les ouvriers de l'État, qui participent à tout dans l'entreprise, à l'exception de la distribution des bénéfices que la société et les capitalistes tirent de leur travail, reçoivent une juste participation à ces bénéfices. Cela pourrait déjà être le cas si un amendement parlementaire ne l'avait pas empêché en 2004 !
Conformément à l'idée que nous avons de la place que doit occuper DCNS dans notre stratégie de défense et au regard de notre indépendance nationale, l'opposition présentera un amendement visant à la suppression de l'article 10.
En 2002, nous avons été nombreux à voter la réforme qui transformait la DCN en société nationale. Nous l'avions fait en essayant d'introduire dans le texte un certain nombre de garanties qui obligeaient notamment le Gouvernement à informer chaque année le Parlement sur les investissements faits dans cette société ou sur les commandes enregistrées. Aujourd'hui, nous devons constater que nous avançons à marche forcée vers la privatisation, alors que telle n'était pas notre intention initiale, loin s'en faut.
En ce qui concerne le projet de loi de programmation militaire, y a-t-il eu concertation entre les organisations syndicales, la direction de l'entreprise, les pouvoirs publics et les autorités politiques, ou s'agit-il, au contraire, d'une décision unilatérale ?
La filialisation a été justifiée par la nécessité de nouer des alliances internationales et par la nécessité d'apporter de la souplesse à l'exportation afin de fournir au plus près du client le service le plus opportun. Avez-vous obtenu des précisions sur la stratégie de DCNS pour nouer des alliances industrielles avec des partenaires européens ? Cette possibilité ne doit pas faire l'objet d'un chèque en blanc de la part du Parlement, le Gouvernement devant au préalable définir une politique européenne de la construction navale. À l'heure actuelle, nous ne savons toujours pas quelle stratégie a été arrêtée.
Quelles discussions ont eu lieu au sein de DCNS et quelles réponses les syndicats ont-ils obtenues ?
À Saint-Nazaire, le Président de la République a évoqué la réorganisation de la construction navale, ce qui s'est traduit par la prise de participation de l'État dans les Chantiers de l'Atlantique. Un inventaire des possibles synergies entre DCNS et les Chantiers de l'Atlantique a-t-il été fait par DCNS ? Si tel est le cas, les syndicats y ont-ils été associés ?
Aucune concertation préalable n'a eu lieu sur l'article 10, ni avec la direction de DCNS, ni avec le ministère de la défense. Nous avons appris son existence et son contenu à l'occasion de la présentation du projet de loi, le 29 octobre dernier.
Le 4 novembre, nous avons été reçus par les conseillers industriels et sociaux du ministre de la défense qui nous ont dit qu'ils n'avaient fait que reprendre les propositions de la direction de DCNS. Le 12 novembre, lors d'un comité central d'entreprise extraordinaire, M. Poimboeuf, alors président-directeur général, nous a indiqué qu'il fallait trouver une solution pour que le personnel de DCNS puisse être employé dans des filiales où DCNS serait minoritaire, notamment pour la construction de torpilles. À cette occasion, il a été proposé de supprimer tous les verrous posés en 2004.
DCNS dispose déjà de filiales où elle est minoritaire : en Inde, à Singapour et en Italie. Une filiale est en cours de constitution en Malaisie et une autre est en préparation au Brésil, en liaison avec le contrat qui devrait y être prochainement validé. La loi actuelle n'a donc pas été un obstacle à la création de telles filiales, pas plus qu'à l'entrée dans le capital de Sirehna en 2008.
En ce qui concerne l'industrie navale civile et militaire, les réflexions menées par la direction sont opaques pour les représentants du personnel. Toutefois, les rapprochements sont très limités et concernent surtout les bateaux de grande taille. Le nouveau président-directeur général nous a aussi indiqué que les coques des bâtiments de projection et de commandement (BPC) ou de l'éventuel second porte-avions seraient construites par les Chantiers de l'Atlantique à Saint-Nazaire. Cette solution remet en cause l'avenir du site de Brest pour ce qui concerne la construction navale ; la question se posera sans doute aussi à terme sur le site de Lorient où se trouvent un chantier STX et un chantier DCNS. Ce sont les bassins d'emploi des sites de l'Ouest mais aussi du Sud-Ouest qui sont concernés et pas seulement les établissements de DCNS. Entre autres, l'appauvrissement des chantiers ne peut avoir que des effets néfastes sur l'activité des entreprises et des sous-traitants situés dans ces bassins.
Le point le plus nocif de l'article 10 est celui qui fait rentrer DCNS dans le droit commun des privatisations. La loi de 2004 a permis à DNCS de racheter la société nantaise Sirehna ou de créer une société commune avec Veolia dans le domaine de l'infrastructure-réseau-maintenance, DNCS étant d'ailleurs minoritaire dans cette entreprise. DNCS a également pu créer de multiples filiales à l'étranger en étant tantôt majoritaire, tantôt minoritaire. Cette loi a été utilisée pour tous les projets possibles : j'en veux pour preuve que, aussi bien Jean-Marie Poimboeuf et Bernard Planchais, que nous avons rencontréS début novembre, que les conseillers du ministre de la défense ont été dans l'incapacité de nous dévoiler un projet concret qui nécessiterait de faire entrer DCNS dans le droit commun des privatisations
Il me semble que la question du rapprochement des industries navales civile et militaire a été tranchée il y a trois ans avec l'opération Convergence, qui a consisté en la constitution d'un groupe franco-français dans le secteur naval militaire, Thales entrant à hauteur de 25 % dans le capital de DCNS. Je relève d'ailleurs que ce pourcentage, comme l'a confirmé Dassault, nouvel actionnaire de Thales, devrait passer à 35 % entre le printemps 2009 et 2011. L'opération Convergence a été la première étape d'un rapprochement au sein de la construction navale militaire européenne : les dirigeants de l'entreprise, avec lesquels nous étions d'accord, nous ont toujours dit que cette opération était antinomique avec un rapprochement des industries civile et militaire françaises.
La CGT a toujours été hostile à des rapprochements capitalistiques qu'ils soient français ou européens. C'est pour cette raison que notre syndicat a combattu avec une grande fermeté la loi de 2004 car, comme je l'ai déjà souligné, cela revenait à ouvrir la boîte de Pandore. Tous les exemples montrent que dès lors que l'on s'engage dans cette logique pour des activités de l'État ou des services publics, on la mène à son terme. Et c'est aussi pour cette raison que la CGT était opposée à la loi de 2001 qui transformait le statut de l'entreprise.
Hier, M. Denis Ranque, en tant qu'actionnaire de DCNS, a considéré que le nouveau président-directeur général de DCNS, M. Patrick Boissier, a pour feuille de route un rapprochement capitalistique européen et qu'il devra faire de DCNS une super société centrée sur les systèmes, abandonnant la construction navale militaire. Il a même déclaré il y a quelque temps que les coques seraient réalisées dans les pays d'Asie. Sa vision se résume donc en l'abandon du savoir-faire manuel et de tout ce qui concerne la construction de coques de navires, hormis la construction de sous-marins nucléaires.
Nous ne comprenons pas qu'un ministre qui a 12 000 salariés sous sa tutelle ne veuille pas nous recevoir. C'est pour cette raison que nous sommes ici aujourd'hui, que notre déclaration a cette tonalité et que nous continuons à exiger une réunion tripartirte. Le ministre aurait-il peur de recevoir les organisations syndicales ? Manquerait-il de courage ? Ne laissons pas les industriels décider de l'avenir d'une telle société. Les décisions qui vont être prises sont éminemment politiques. Chacun doit prendre ses responsabilités : le Parlement ne peut pas se contenter de ratifier les décisions des industriels.
Pour préparer ce texte, il n'y a eu aucune concertation avec les organisations syndicales. Nous pensons même qu'on a essayé de nous cacher le volet relatif à l'entrée dans le régime commun des privatisations.
S'agissant des alliances internationales, nous avons déjà commencé à en nouer, mais uniquement dans le cadre de certains projets. Or, ce qui fait vivre DCNS aujourd'hui, ce sont ses projets ; nous espérons d'ailleurs un renforcement en la matière. En revanche, nous sommes totalement opposés à des filialisations de pans entiers d'activités.
Pour ce qui est d'un inventaire commun sur les synergies, rien n'a été porté à notre connaissance.
Nous avons découvert l'article 10, soit dans la presse, soit dans les documents de travail transmis à nos fédérations. Même si le président-directeur général en a assumé la paternité, à aucun moment il n'a été capable d'en justifier la nécessité.
Certes, il peut être nécessaire de créer des filiales selon les projets, comme le stipulent certains contrats. En revanche, d'autres filialisations peuvent être inquiétantes : c'est le cas des filialisations d'activités qui permettent de « saucissonner » l'entreprise, et auxquelles nous sommes opposés. Si des coopérations sont justifiées quand nous sommes en pointe de charge ou lorsque nous ne sommes plus en capacité, d'autres comme celle passée avec un chantier grec sont inacceptables. Il nous semble très inquiétant que l'on puisse envisager de qualifier un chantier grec pour y construire directement les FREMM vendues à l'export.
Il importe de distinguer les filiales de DCNS, dans lesquelles l'entreprise est majoritaire, des sociétés communes où DCNS est minoritaire. Avec le projet de loi, DCNS serait libre de céder des branches de son activité à des sociétés extérieures au groupe, y compris des branches importantes sur le plan du chiffre d'affaires comme sur celui des effectifs. Les lois de privatisation n'ont en effet prévu qu'un contrôle assez souple.
Le 7 novembre 2008, le ministre a estimé que les plans de charge des sites de Toulon et de Brest leur permettaient de ne pas redouter l'avenir ; le 25 novembre il a considéré que le personnel et le comité d'entreprise ont accueilli favorablement l'article 10. Lors de son audition au Sénat le 8 janvier dernier, il a, comme Jean-Marie Poimboeuf dans sa première présentation, minimisé l'importance de cet article, pour en limiter la portée à la possibilité de mise à disposition d'ouvriers d'État. Ces propos nous surprennent et semblent traduire une méconnaissance assez forte du dossier.
M. Jean-Marie Poimboeuf rappelait la semaine dernière qu'il n'y avait pas de synergies visibles entre DCNS, les Chantiers de l'Atlantique ou STX.
Je m'interroge sur le projet industriel, y compris par rapport à ce qu'est DCNS aujourd'hui, c'est-à-dire un ensemblier intégrateur. Quand on touche à un ensemblier intégrateur, on peut se demander si, dans la durée, on conserve la base industrielle et technologique qui correspond à cette capacité. Tout changement de statut ou de composition de l'actionnariat doit veiller à maintenir cette capacité qui fait la force de DCNS, non seulement au niveau national, mais aussi par rapport à des regroupements européens.
J'ai des inquiétudes au vu des événements des dernières semaines. La composition capitalistique de Thales a changé, puisque désormais Dassault et l'État disposent de 61 % des droits de vote. De même, j'ai cru comprendre que Dassault possèderait maintenant un droit de veto sur un certain nombre des décisions stratégiques que pourrait prendre Thales. Or Thales participe au capital de DCNS et pourrait même y augmenter sa participation. Il n'est donc pas totalement absurde de penser qu'il pourrait éventuellement y avoir une orientation stratégique privilégiant les systèmes au détriment de l'activité de construction propre. La montée en puissance d'une Europe de l'armement devrait d'ailleurs accélérer ces évolutions.
Je m'interroge également sur le pilotage global de notre politique industrielle : qui décide de ces projets ?
Par ailleurs, je suis convaincu que la réforme ne peut se faire sans ou contre les personnels. Il nous appartient de veiller à avancer utilement sur ces sujets, sans créer d'agitation inutile, de façon à veiller aux intérêts de tous les salariés.
Pour terminer, j'évoquerai le rôle du Parlement. Un profond malaise se développe sur la façon dont est conduite la politique de ce pays, et je sens qu'il est partagé par l'ensemble de la représentation nationale. Le Parlement doit jouer son rôle dans les évolutions à venir, à moins d'aller au-devant de graves difficultés. Nous rencontrons pourtant d'importantes difficultés à assumer nos responsabilités, ce qui traduit une dérive grave dans le fonctionnement de nos institutions. Je le dis avec mesure, mais aussi avec gravité : le Parlement doit pouvoir travailler sérieusement sur les dossiers. Pour cela, il faut qu'il soit respecté et qu'on lui donne les informations nécessaires.
Je partage totalement l'analyse de Jean-Claude Viollet. Il est décisif que le Parlement puisse remplir sereinement et complètement ses missions, ce qui me semble aujourd'hui impossible.
Les propos qu'a tenus le Président de la République hier à Provins montrent dans quelle estime il tient les syndicats, les entreprises et même les parlementaires. Il est plus qu'urgent de rappeler que, par nature, le Parlement représente le peuple. Il faut donc qu'il ait les moyens de remplir sa mission ; or ce n'est pas le cas aujourd'hui.
Une stratégie, qui est pensée et voulue, se met en place sans concertation, ni avec les syndicats ni avec l'Assemblée nationale, bien qu'elle nous engage pour l'avenir. Compte tenu de la situation économique actuelle, il est très grave de bouleverser l'industrie de défense, une des rares bases industrielles restant en France. L'opposition ne l'acceptera pas et déposera un amendement de suppression de l'article 10 de la LPM. Je souhaite vivement que tous les aspects de cette question soient bien analysés, de façon à ce que notre débat en séance publique soit le plus exhaustif possible.
La désignation du nouveau président-directeur général et l'éventualité d'un rapprochement avec les Chantiers de l'Atlantique montrent que l'on veut que DCNS abandonne la construction navale. Je me permets de rappeler que certains dirigeants de DCNS déclaraient, il y a encore peu de temps, qu'un rapprochement de leur entreprise avec les Chantiers de l'Atlantique serait catastrophique, ne serait-ce que d'un point de vue capitalistique.
Vous indiquez que la LPM va faire entrer DCNS dans le droit commun des privations ; en fait, il faut parler du droit commun des entreprises nationales ou publiques. Vous assimilez également les articles concernant DCNS et la SNPE, alors qu'ils participent de logiques très différentes : il n'est aucunement question de privatiser DCNS.
En ce qui concerne la mise à disposition d'ouvriers de l'État, quel impact peut avoir la conclusion par DCNS de joint ventures, que DCNS y soit majoritaire ou minoritaire ? La loi va-t-elle changer la situation actuelle ?
Par ailleurs, je n'imaginais pas que DCNS avait déjà des filiales dans lesquelles elle est minoritaire. Pourriez-vous m'éclairer sur ce point ?
Selon vous, le statut d'ouvrier d'État implique qu'une mutation sur un autre site ne peut se faire que sur la base du volontariat. Dans ce cadre, la LPM mettrait dangereusement en cause le volontariat et vous souhaitez donc que cette notion soit consolidée. Pouvez-vous m'éclairer également sur ce point ?
L'unicité de DCNS constitue sa force. Aujourd'hui, DCNS est l'un des rares industriels au monde à pouvoir concevoir, fabriquer et entretenir tout type de bateau. Si vous votez l'article 10, vous casserez cet outil.
La construction de l'Europe de la défense a été évoquée ; mais je relève que ce rapprochement apparaît comme une chimère, dans la mesure où seuls des rapprochements politiques sont actuellement envisageables. Le service stratégie de DCNS le reconnaît d'ailleurs clairement. Lorsqu'on regarde les déboires de l'A 400 M ou le projet FREMM, réunissant la France et l'Italie et qui aboutit à construire deux bateaux très différents, on peut s'interroger sur la nécessité de faire de tels regroupements.
Un rapport paru la semaine dernière aux États-Unis a d'ailleurs conclu que les rapprochements capitalistiques qui ont été effectués, en particulier dans le domaine de l'industrie navale, n'ont pas permis de réaliser des économies budgétaires.
Il ne faut pas perdre de vue qu'une évolution de DCNS vers un statut de systémier pur exclurait la majorité des effectifs de l'entreprise qui ont vocation à fabriquer et à entretenir des bateaux. Au total, les équipementiers représentent à peine le quart des effectifs ; les emplois qui pourraient disparaître si une telle évolution se confirmait, représenteraient l'équivalent de trois fois les effectifs de Saint-Nazaire.
Les transferts de technologies apportent, comme au Brésil, des chiffres mirifiques en termes de chiffre d'affaires, mais quasiment rien en termes d'activité, même si, dans le cas particulier du Brésil, une partie du bateau pourrait être construite en France. Mais que ce soit pour les FREMM grecques ou pour les sous-marins indiens, la part de DCNS est extrêmement minime. Dans le cas du Barracuda, on envisage même de faire faire une partie des études en Inde. Il faut faire donc attention aux dérives qui peuvent accompagner la création de filiales.
DCNS dispose déjà de filiales dans lesquelles elle est minoritaire : c'est le cas en Inde ; c'est le cas de la filiale qu'elle détient avec Veolia pour l'activité de soutien des sites ; ce sera le cas de celles prévues en Malaisie ou en Arabie Saoudite. Ce n'est revanche pas le cas de Sirehna où DCNS détient 65% du capital et, a priori, ce ne sera pas le cas de la filiale qui est en cours de constitution au Brésil.
Je me félicite de ce débat qui nous permet d'aborder ces questions industrielles avec sérieux et sérénité. Vous semblez considérer que depuis 2004 la situation n'a pas changé alors que justement DCNS a fortement évolué avec des prises de participations, la création de filiales ou d'associations, la définition de synergies… Notre appréciation diverge donc sur ce point.
En ce qui concerne l'article 10, à quels ajustements faudrait-il procéder pour que le texte vous paraisse acceptable ?
Je voudrais me féliciter du ton très constructif de notre discussion. Nous avons tous ici le même souci : que l'industrie navale française soit la plus compétitive possible et obtienne les meilleurs résultats, et ce afin de préserver l'unicité et surtout la pérennité de votre entreprise, qui avait beaucoup plus de soucis à la fin de la décennie précédente qu'aujourd'hui.
L'article 10 fait entrer DCNS dans le droit commun des sociétés détenues par l'État et non privatisables. Or une jurisprudence du Conseil d'État prévoit qu'un actif essentiel d'une société détenue par l'État ne peut être transféré au secteur privé sans un accord législatif. Cela dit, je conçois que l'exposé des motifs du texte peut prêter à confusion et à une interprétation qui peut justifier beaucoup de vos inquiétudes. Quelle est votre opinion sur ce point ?
En ce qui concerne les ouvriers de l'État, je relève que c'est leur statut même qui les protège. Étant recrutés sur un site, le changement de site de travail pour ces ouvriers ne peut se faire que sur la base du volontariat, comme cela figure explicitement dans leurs contrats. Pourriez-vous revenir sur cet enjeu ?
Aujourd'hui, plus que jamais, nous avons le souci de l'unicité et de la pérennité de DCNS et nous lui souhaitons la meilleure activité possible. Nous avons la même fierté que vous pour votre entreprise passée d'un chiffre d'affaires d'un milliard d'euros il y a quatre ans à 2,8 milliards d'euros aujourd'hui avec huit milliards d'euros de commandes. Nombre d'entreprises françaises voudraient se trouver dans la même situation en cette période de crise économique mondiale.
Nous avons été suffisamment clairs : notre bataille n'est pas une bataille d'ajustements. Nous ne voulons pas de l'article 10. Ce n'est ni amendable, ni négociable.
Laisser croire que la bataille que nous menons serait uniquement une bataille d'autoprotection du statut des ouvriers d'État constitue une erreur politique gravissime. Le statut d'ouvrier d'État est important pour ceux qui l'ont, mais les ouvriers d'État ne sont pas les seuls à être concernés.
Nous livrons une bataille beaucoup plus importante qui touche à la souveraineté nationale, à une industrie particulière et à une entreprise spécifique. L'article 10, c'est, à terme, la disparition de DCNS, et avec elle celle de la capacité de concevoir, fabriquer, entretenir, voire démanteler des navires militaires.
Aujourd'hui, le ministre de la défense laisse les industriels s'arranger entre eux et se contente de ratifier leurs choix. C'est pourquoi nous insistons depuis de longs mois pour obtenir une rencontre avec l'exécutif. Le sort de DCNS semble aujourd'hui se jouer dans le cabinet du Président de la République. A-t-il à ce point peur de nous qu'il ne veuille pas nous rencontrer ?
Aujourd'hui, l'effectif de DCNS est composé pour moitié d'ouvriers d'État et pour moitié de salariés de statut privé.
M. Philippe Vitel a fait référence à la loi de 1986 sur les privatisations et transferts au secteur privé à propos de la notion d'actif essentiel, mais des ambiguïtés existent dans la définition du caractère essentiel. Certains estiment par exemple que la production de torpilles ne constitue pas une activité essentielle. Si l'on pousse le raisonnement jusqu'au bout, seuls les sous-marins nucléaires constitueront demain une activité essentielle.
Pour vendre des sous-marins, il faut produire des torpilles pour que l'équipement soit crédible. Dans le cas contraire, l'entreprise se contente de vendre un habillage sans intérêt opérationnel.
Ce n'est pas nous qui avons décidé, en 2006, de conclure des joint ventures avec les Italiens dans le but de créer le leader mondial de la torpille. Il s'agit d'une décision politique annoncée lors du sommet de Nice ! Par ailleurs, je considère cette activité comme éminemment stratégique.
Le Gouvernement, et en particulier le ministre de la défense, ainsi que le Président de la République s'honoreraient à répondre favorablement à notre demande de rencontre tripartite. Il serait paradoxal que des gens qui affirment n'avoir peur de personne ne veuillent pas nous rencontrer.
Je vous remercie de l'excellente tenue de notre débat et nous ne manquerons pas de faire état auprès des membres du Gouvernement de la qualité de nos échanges.
La séance est levée à douze heures quarante-cinq