Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire
La Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire a examiné, en application de l'article 88 du Règlement et sur le rapport de M. Éric Diard, les amendements restant en discussion sur la proposition de loi, modifiée par le Sénat, portant diverses dispositions d'ordre cynégétique (n° 4329).
L'ordre du jour prévoit l'examen des amendements restant en discussion sur la proposition de loi portant diverses dispositions d'ordre cynégétique. Le seul amendement ayant été déposé avant l'expiration du délai prévu a été déclaré irrecevable : il s'agissait manifestement d'un cavalier législatif. L'examen de cette proposition de loi en séance publique aura lieu ce soir ou demain matin.
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Puis, la Commission a examiné le rapport du Comité d'évaluation et de contrôle des politiques publiques sur l'évaluation de la politique d'aménagement du territoire en milieu rural (n° 4301) (MM. Jérôme Bignon et Germinal Peiro, rapporteurs).
Nous en venons maintenant à la présentation du rapport d'information, réalisé par mon collègue Germinal Peiro et moi-même au nom du Comité d'évaluation et de contrôle des politiques publiques (CEC), sur l'évaluation de la politique d'aménagement du territoire en milieu rural. Après avoir inscrit ce thème à son programme de travail le 21 octobre 2010, le CEC nous avait désignés comme corapporteurs le 12 janvier 2011. Le 2 février 2012, il a autorisé la publication du rapport. M. Bernard Lesterlin et moi-même étions les deux députés désignés par la commission du développement durable pour participer à ce groupe de travail, en compagnie d'une dizaine d'autres collègues issus des commissions intéressées.
Nous souhaitons aujourd'hui vous présenter, de manière aussi synthétique que possible, les conclusions de ce volumineux rapport de près de huit cent pages.
La réforme constitutionnelle de 2008 a donné au Parlement une nouvelle mission, outre la législation et le contrôle du Gouvernement : celle d'évaluer les politiques publiques. C'est dans ce cadre que le Comité d'évaluation et de contrôle de l'Assemblée nationale nous a demandé de préparer un rapport sur l'évaluation des politiques publiques en milieu rural. Nous avons travaillé pendant un an, de janvier 2011 à janvier 2012, et présenté le fruit de nos travaux le 2 février dernier.
Nous avons organisé, avec l'aide des services de notre Assemblée – dont je tiens à souligner la qualité du travail –, treize séances d'auditions, la plupart sous forme de tables rondes avec les représentants des dix ministères concernés, ceux de la DATAR et ceux des grands organismes chargés d'intervenir en milieu rural sur le plan économique ou social.
Nous avons également effectué des déplacements dans quatre territoires ruraux présentant des spécificités emblématiques : un canton rural à forte dominante touristique, celui de Domme, en Dordogne, dont je suis conseiller général ; une zone périurbaine située à proximité d'Amiens, dans la circonscription de Jérôme Bignon ; un secteur de l'Allier en déprise démographique, situé dans celle de Bernard Lesterlin ; et un canton industriel du Haut Jura, où est élue notre collègue Marie-Christine Dalloz.
Enfin, nous avons été assistés dans nos réflexions par deux bureaux d'études.
Nous avons cherché à mesurer l'impact des politiques publiques sur le monde rural en vue de formuler un certain nombre de recommandations. Pendant un an, nous avons travaillé de concert, en toute amitié, car nous partageons tous les deux une grande passion pour le monde rural et une longue expérience de terrain : je suis élu rural depuis vingt-neuf ans, et Jérôme Bignon depuis trente et un ans.
…ou un acte de foi. Le sous-titre du rapport – « Territoires ruraux, territoires d'avenir » – traduit la confiance que nous plaçons dans l'avenir de ces territoires.
La difficulté vient du fait que la ruralité représente 75 % des espaces, mais seulement 15 % de la population. En outre, elle relève de dix ministères différents et ces derniers ne mesurent pas toujours l'efficacité des politiques qu'ils insufflent depuis Paris. Il appartient à la Délégation interministérielle à l'aménagement du territoire et à l'attractivité régionale (DATAR) de pallier cet éparpillement en coordonnant leur action. Une de nos recommandations est d'ailleurs de renforcer son rôle, car une DATAR forte contribue à l'équilibre des politiques d'aménagement du territoire. Or le monde rural se ressent comme la victime d'une inéquité : il juge insuffisante la péréquation opérée à son profit dans quelque domaine que ce soit – financements, services, etc.
Nous suggérons également que la DATAR soit véritablement rattachée au Premier ministre, comme le prévoyait d'ailleurs le décret qui en portait création et en raison de sa nature interministérielle. Depuis quelques années, au gré des remaniements, l'aménagement du territoire a en effet relevé du ministère piloté par Jean-Louis Borloo, puis constitué un ministère de plein exercice sous la responsabilité de Michel Mercier, avant d'être rattaché au ministère de l'agriculture. Il est devenu une variable d'ajustement.
Par ailleurs, il serait souhaitable d'améliorer l'articulation entre les politiques d'aménagement du territoire menées au niveau national et les politiques européennes. Ainsi, dans le cadre de la réforme de la politique agricole commune, une réflexion nous semble devoir être menée pour que le monde rural dans son ensemble – et non seulement le monde agricole – soit bénéficiaire des actions du « deuxième pilier ».
Après avoir joué un rôle dominant dans l'organisation du monde rural, les agriculteurs, moins nombreux et devenus des chefs d'entreprise avant tout préoccupés par les exigences économiques, ont tendance à s'effacer. Le monde rural a pourtant besoin d'une présence forte des agriculteurs, mais il a aussi besoin de crédits qui ne leur seraient pas exclusivement destinés, car de nombreuses personnes y vivent désormais qui n'ont pas grand-chose à voir avec ce secteur économique. Le ministre de l'agriculture a éludé lorsque je lui ai posé la question : il n'en demeure pas moins que la ruralité, qui souffre d'un manque d'équipements et de services, doit pouvoir bénéficier de politiques s'adressant à tous ses habitants.
À propos de la politique agricole commune, il nous paraît important de se demander comment ses retombées sont susceptibles de servir l'emploi. Comme vous le savez, la réforme en cours va probablement reconduire le système actuel de primes à l'hectare, qui attribue une aide d'autant plus élevée que l'exploitation est grande. Le seuil de modulation retenu, 300 000 euros, correspond à une propriété de 1 200 hectares : un tel choix n'est pas de nature à favoriser l'emploi. L'emploi doit donc constituer également un critère d'attribution, au même titre que la surface d'exploitation.
Nous avons par ailleurs beaucoup travaillé sur l'organisation de la gouvernance locale, car les territoires les plus dynamiques sont aussi ceux dont le mode de gouvernance est le plus approprié. Sur ce point, nous avons eu recours à des consultants extérieurs désignés par le CEC après une procédure d'appel d'offres.
Une conception bien française veut que l'on organise tout de la même façon. Il nous est apparu, au contraire, que la variété des outils disponibles et une plus grande souplesse dans la façon de les utiliser permettent d'obtenir de meilleurs résultats.
Par ailleurs, un projet doit être porté par des hommes et des femmes. Les territoires les plus dynamiques sont ceux dont les élus sont particulièrement actifs.
En outre, un territoire a besoin d'ingénierie, une ressource dont les territoires ruraux tendent à manquer, contrairement aux zones urbaines. On se souvient avec nostalgie des directions départementales de l'agriculture, de l'équipement ou des affaires sociales et du rôle qu'elles jouaient auprès des maires. Les organisations qui les ont remplacées ne proposent plus une aide aux collectivités.
Un autre facteur de succès est l'appropriation d'une politique par l'ensemble du territoire, c'est-à-dire le fait d'associer la société civile sous une forme ou sous une autre – conseils de développement, associations, etc. À cet égard, nous regrettons la disparition, dans le paysage législatif, de la notion de « pays ». Cela ne signifie pas qu'il faudrait rendre obligatoire l'usage de cette catégorie administrative sur tout le territoire national, mais elle devrait faire partie des outils disponibles.
En résumé, il n'existe pas un modèle unique de réussite en matière d'aménagement du territoire. Certaines grandes structures fonctionnent, d'autres non ; il en est de même des petites. Cela dépend beaucoup de la volonté locale et du mode de gouvernance. Ainsi, la Bretagne est une région très en avance en matière d'organisation intercommunale : elle offre de nombreux exemples de ce qui fonctionne bien. D'une manière générale, il est toujours enrichissant de rencontrer d'autres élus et de s'inspirer de leurs idées.
Nous plaidons, dans notre rapport, en faveur des schémas de cohérence territoriale (SCOT), dont il faut généraliser l'élaboration. On ne peut pas imaginer une organisation du territoire ne s'appuyant pas sur un tel document, d'autant qu'il a un caractère à la fois participatif et planificateur. Il contribue également à l'appropriation des politiques d'aménagement par la population. Ainsi, les personnes concernées par l'environnement peuvent s'intéresser au volet énergie-climat, aux trames verte et bleue, à la gestion de l'eau, etc.
Nous avons par ailleurs la conviction que le monde rural et le monde urbain doivent être connectés : l'un ne peut vivre sans l'autre.
D'un point de vue méthodologique, il nous paraît important de combiner le zonage et l'appel à projets. En effet, si on se contente de définir des zones sensibles, le risque est de voir les populations concernées attendre qu'on leur distribue de l'argent. Inversement, privilégier l'appel à projets revient à favoriser d'emblée les collectivités les plus dynamiques, celles qui disposent de personnes motivées, d'ingénierie, etc. Il convient donc de combiner les deux systèmes et de lancer des appels à projets dans les zones les plus fragiles, quitte à apporter une aide lors de la constitution des dossiers.
Enfin, nous insistons sur la question de la maîtrise du foncier, que l'on ne peut plus consommer au rythme actuel – même si on trouve toujours de bonnes raisons pour consentir à l'artificialisation des sols. Ainsi, dans ma circonscription, la construction d'un transformateur pour le réseau de transport d'électricité a nécessité la mobilisation de 7 hectares de bonne terre, alors qu'il était possible – pour un coût certes supérieur – de le réaliser sur un terrain en friche. Il faut dire que les organisations agricoles, qui consacrent tant d'énergie à protester contre le gaspillage de foncier, ont peu fait pour dissuader de recourir à cette solution de facilité. Il faut pourtant changer de politique si nous voulons conserver une agriculture forte, capable de nous nourrir, mais aussi de fournir une industrie agroalimentaire puissante et exportatrice.
En matière de maîtrise du foncier, les collectivités disposent de peu d'outils et très peu ont recours à l'un des rares qui soient réellement efficaces, la zone d'aménagement différé (ZAD), qui permet de bénéficier d'un droit de préemption pendant quatorze ans. Cette politique est souvent déléguée à un organisme de type SAFER et l'intérêt général n'est pas toujours pris en compte. Il conviendrait donc de renforcer le pouvoir des collectivités en ce domaine. Il est nécessaire de maîtriser le foncier pour protéger les terres agricoles, mais aussi les zones humides ou remarquables, les bords de cours d'eau, etc. Sur le plan environnemental, beaucoup reste à faire.
J'en viens à la question des services publics. D'une façon générale et même s'il faut éviter la caricature, le monde rural a le sentiment que l'État l'abandonne en réduisant les services publics disponibles : écoles, bureaux de poste, perceptions, tribunaux, hôpitaux, etc. Or il revient à l'État d'impulser la politique nationale d'aménagement du territoire – même si les régions, départements ou intercommunalités ont un rôle d'accompagnement à jouer. L'État est en effet le garant de l'égalité entre nos concitoyens. C'est pourquoi il faut définir la notion de service public minimum, c'est-à-dire le seuil en deçà duquel un territoire ne peut pas se développer valablement.
Par exemple, les gendarmeries sont depuis quelques années regroupées en communautés de brigade. Mais selon les gendarmes eux-mêmes, cette organisation, jointe au non-remplacement d'un fonctionnaire sur deux partant à la retraite, ne permet pas de maintenir un service équivalent. Il en est de même en matière d'éducation.
La loi prévoit une concertation avant tout retrait de service public. Elle doit être respectée. En outre, la DATAR doit évaluer l'impact de la réforme des administrations territoriales. Enfin, conformément à une circulaire du ministère de l'intérieur, les sous-préfectures doivent continuer à proposer des ressources aux collectivités en termes d'ingénierie, à l'instar de ce que faisaient la DDE, la DDASS ou la DDA. Certes, certains départements ont mis en place des agences techniques ou emploient des conseillers de développement destinés à fournir un tel appui, mais dans d'autres, il n'y a rien, et les élus locaux ont alors beaucoup du mal à constituer leurs dossiers. Si nous voulons que le monde rural se développe au même rythme que le reste du territoire, afin de maintenir un certain équilibre, il faut consentir un effort particulier en matière d'ingénierie. Aujourd'hui, ce sont les groupes urbains qui captent l'argent public, qu'il provienne de l'Union européenne, de l'État ou des grandes collectivités.
Les auditions et les déplacements sur le terrain nous ont permis d'examiner de manière transversale les différentes dimensions de la politique d'aménagement du territoire en milieu rural. Nous avons ainsi travaillé sur les transports, le logement, les communications électroniques, le tourisme, l'agriculture, l'attractivité économique – notamment pour évaluer l'efficacité des pôles d'excellence rurale. Je souhaite plus particulièrement mettre l'accent sur le problème de la santé.
On sait qu'en milieu rural – mais c'est aussi parfois le cas en ville –, les problèmes de la démographie sanitaire, du lien entre la santé et le médico-social ou entre les collectivités et la santé sont particulièrement prégnants, si bien que la santé peut aujourd'hui constituer un volet pilote au sein d'un projet de territoire. Germinal Peiro a évoqué la notion de service public minimum : de fait, personne ne viendra s'installer dans une région dépourvue de médecins. De même, une maison de retraite ne saurait fonctionner s'il faut faire appel au SAMU au moindre problème. La télémédecine peut certes constituer une réponse à ces difficultés, mais elle exige un développement des nouvelles technologies.
On le voit, le sujet est riche et complexe : on commence à tirer le fil de la réflexion sur l'aménagement du territoire et on finit par un rapport de huit cents pages. Quoi qu'il en soit, le nombre de personnes qui ont tenu à participer à cette réflexion prouve que ces territoires ont un avenir et qu'ils ne doivent pas être abandonnés.
S'il fallait retenir une seule préconisation, ce serait celle-ci : il est primordial que les territoires ruraux accèdent aux nouvelles technologies et au très haut débit. C'est la première condition, l'étape préalable à toutes les formes de développement, économique ou social, de ces territoires.
On sent que ce rapport est plus passionné que technique. Je crains d'ailleurs que nous n'ayons pas beaucoup d'objections à lui opposer.
Originaire de la campagne, vivant en milieu urbain et député d'une zone rurbaine, je reste partagé. Les réalités ne sont pas noires ou blanches : les zones rurbaines prennent une place de plus en plus importante dans notre pays. Cela a des conséquences en matière d'immobilier, d'accès au logement, de coût de rénovation et de consommation d'espaces agricoles.
Sur ce dernier point, consommer utile constitue un véritable enjeu. Or les milieux ruraux, les milieux urbains et la puissance publique ont des difficultés à dialoguer sur les projets d'infrastructures. Ainsi, alors que la mise en oeuvre du schéma national des infrastructures de transport (SNIT) doit être une priorité en zone rurale, l'actualité nous montre que de nombreuses initiatives se heurtent à des oppositions qui leur sont finalement fatales. Je songe notamment à la remise en cause d'un projet de ferme photovoltaïque parce que le site envisagé est inclus dans l'aire de reproduction d'une espèce particulière d'aigle. De même, les appels à projet pour la construction de parcs éoliens connaissent des difficultés en zone rurale.
Vous avez parlé de sentiment d'abandon et d'inéquité. Mais la gouvernance a également son importance. Or elle dépend beaucoup des hommes et des femmes concernés : il faut qu'un leader apparaisse et mette en oeuvre quelques idées fortes. Votre travail ne conduit-il pas à la conclusion qu'un mouvement de recentralisation serait nécessaire en zone rurale ? La question est un peu provocatrice, mais c'est ce que l'on ressent à vous lire. Après tout, faire l'éloge de la DATAR, c'est remettre en question la décentralisation.
Vous avez par ailleurs regretté l'abandon, dans la législation, de la notion de pays en tant que catégorie administrative. La réponse à cet état de fait n'est-elle pas l'intercommunalité ? En effet, les communautés de communes développent des labels, défendent des produits de terroir. Il est vrai que la construction des établissements intercommunaux tend à prendre du retard, parfois en raison de querelles de clocher. Il reste que cet échelon semble le plus pertinent pour gérer des problèmes tels que la maîtrise du foncier, la gestion des droits à construire, le développement économique – grâce aux appellations d'origine –, le développement touristique ou le déploiement des nouvelles technologies de l'information et de la communication. À cet égard, je suis surpris de voir la recommandation sur les communications électroniques figurer seulement en dix-huitième position.
Tant mieux, car il s'agit d'un enjeu capital.
S'agissant du milieu rural, vous avez évoqué la nécessité d'un équilibre et l'expression d'un désir d'égalité et d'équité, mais aussi insisté sur la diversité des situations. Aménager le territoire revient-il à faire la même chose qu'en milieu urbain ou rurbain ? Ne faut-il pas trouver une autre voie ? Ainsi, les contraintes spécifiques de l'éducation en milieu rural – regroupements pédagogiques, difficultés de transport, cycles de vie pour les enfants et les parents – ne doivent-elles pas nous conduire à faire appel aux nouvelles technologies et donc à faire du développement de celles-ci une priorité ?
Il est vrai que les deux rapporteurs font preuve d'une passion fondée sur une implantation locale particulièrement forte et ancienne.
La situation du monde rural me semble relativement facile à expliquer. D'un côté, l'État tend à « détricoter » ses réseaux : la perte de services publics est une réalité, de même que la mise en oeuvre de la révision générale des politiques publiques. En tant qu'élus locaux, nous sommes les premiers à nous élever contre la fermeture des tribunaux, la restructuration des services d'hospitalisation ou la suppression de classes scolaires.
De l'autre, on voit certains territoires adopter des méthodes innovantes : certains élus prennent des initiatives et portent des projets. On peut le constater : les territoires ruraux bougent. Néanmoins, une grande partie des projets imaginés ne peut voir le jour faute de moyens financiers.
Qui, dans les territoires ruraux, met en place et fait vivre les services publics contribuant à la cohésion sociale ? Les collectivités territoriales. L'État se désengage et les collectivités prennent le relais. Ce sont elles qui financent les écoles municipales de musique, les bibliothèques, les garderies, les centres de loisirs. Nous n'avons pas donné à nos territoires les moyens de se développer et de faire face aux besoins légitimes exprimés – et le constat vaut pour toutes les majorités politiques successives.
L'organisation territoriale doit être complètement repensée. Je ne suis pas sûr que la nouvelle carte de la coopération intercommunale soit en mesure de répondre aux besoins. Dans certains départements, on a fait n'importe quoi, en fonction du poids politique de chaque élu local. C'est un coup pour rien et je le regrette.
Le reproche que je ferais à votre rapport est qu'il n'évoque pas la question de la péréquation financière. J'entends régulièrement dire qu'il faudrait répartir de l'ordre de 25 milliards d'euros à l'échelle nationale. Ne jugez-vous pas nécessaire de faire des propositions en ce domaine ?
Vous avez évoqué la nécessité de mettre en place des ressources d'ingénierie publique – et donc de la matière grise. Il est vrai que les territoires en ont besoin : ils ne pourront pas oeuvrer pour le développement local s'ils ne disposent pas de temps, d'une gouvernance affirmée et de moyens financiers – ce qui implique l'institution d'une véritable péréquation.
Le désenclavement des territoires est une priorité. Mais avons-nous vraiment les moyens de consacrer des dizaines de milliards d'euros au développement des réseaux de LGV – le SNIT prévoit la construction de 2 000 kilomètres de ligne supplémentaires d'ici à 2020, et de 2 500 kilomètres ensuite ? Ne serait-il pas préférable de mobiliser cet argent en faveur du très haut débit ? Ce dernier me semble être un facteur de désenclavement encore plus important que le transport terrestre.
La recommandation n° 13 sur les services publics et au public évoque le rôle que les sous-préfectures sont susceptibles de jouer. Mais elles n'en ont plus les moyens ! Elles ne sont pas en mesure de proposer de l'ingénierie publique et finiront par disparaître. L'intention est louable, mais je crains qu'elle ne reste sans lendemain.
Je conclurai sur les agences régionales de santé (ARS), chargées de porter les politiques de santé et les politiques médico-sociales et dont on laisse entendre qu'elles prennent en compte les besoins des territoires en matière sanitaire. En fait, l'action des ARS n'est pas motivée par la volonté d'assurer un égal accès aux soins, mais par une simple logique comptable. Les ARS, État dans l'État, ont une vision purement financière de la santé. Nous devons nous interroger sur leur rôle.
Je partage votre vision de l'aménagement du territoire. Celui-ci doit être abordé de façon globale et non divisé entre aménagements urbain et rural, car il existe de plus en plus d'interconnexions entre les deux milieux. Par exemple, la consultation des représentants d'un parc naturel régional peut conduire à faire évoluer sensiblement le SCOT d'une grande agglomération. De même, certains aspects de la politique de la ville gagnent à s'appuyer sur des démarches rurales, notamment pour ce qui concerne les circuits courts d'approvisionnement alimentaire.
La péréquation ne doit pas seulement concerner le financement des différentes collectivités, mais aussi les tarifs des services publics.
Par ailleurs, nous devons bien mesurer les conséquences concrètes de la RGPP, qui fait subir aux secteurs les plus fragilisés les coûts les plus importants. À Ambert, ville reculée du département du Puy-de-Dôme, le manque de moyens a contraint le sous-préfet à supprimer le service des cartes grises alors que la population concernée, âgée et modeste, est amenée à changer souvent de véhicule.
L'État doit assumer ses responsabilités. Une circulaire publiée le 30 décembre 2011, élaborée conjointement par les services de l'Éducation nationale et par l'Association nationale des élus de la montagne (ANEM), vise à prendre en compte les spécificités des écoles situées en zone de montagne. Or le ministère n'en a tenu aucune considération : des fermetures de classes ont été décidées sans étude d'impact ni concertation avec les collectivités territoriales. Ce mépris de l'État central envers les territoires ruraux est inacceptable.
En matière de politique publique, quels sont les indicateurs pertinents pour mesurer les inégalités ? Quelle grille d'analyse utiliser pour évaluer les moyens nécessaires ? Et par voie de conséquence, de quels recours disposons-nous contre la discrimination territoriale ? On pourrait envisager une extension des compétences du Défenseur des droits.
J'en viens enfin à la réforme de la politique agricole commune. Pour ma part, je ne pense pas qu'il soit nécessaire de faire glisser une partie des aides vers l'aménagement du territoire – même si je sais que de nombreuses collectivités territoriales y sont favorables, y voyant de nouvelles ressources en faveur du développement rural. Une telle politique ne doit pas être menée au détriment de l'agriculture. Je préfère les termes de la recommandation n° 16, appelant à maintenir et développer « des filières territorialisées avec des productions de qualité, des niches à valeur ajoutée, des circuits courts et des activités de transformation sur place ». Orienter les aides agricoles vers un certain type de production, ce n'est pas la même chose que les consacrer à l'aménagement et au développement local.
L'aménagement des territoires ruraux est un sujet vaste et complexe. Il se situe à l'intersection de nombreuses politiques publiques dont l'objectif est d'éviter la formation de la « fracture territoriale ». Les territoires ruraux sont confrontés à des enjeux importants pour lesquels les attentes sont fortes : haut débit et téléphonie mobile, offre de soins, transports, présence des services publics ou développement économique.
Je me concentrerai sur les deux premiers enjeux : la fracture numérique et l'accès aux soins. Ce sont des thèmes éloignés des notions intellectuelles que sont les SCOT et les pays, mais aussi des proclamations purement politiciennes de certains qui essaient de nous faire croire que, demain, ils rouvriront les bureaux de poste, les perceptions, les services de chirurgie, les maternités et les tribunaux. Je ne demande qu'à voir !
En ce qui concerne la téléphonie mobile et le haut débit, comme sans doute nombre de mes collègues, j'entends régulièrement les élus locaux se plaindre que les belles promesses cent fois réitérées des opérateurs n'empêchent pas que perdurent les zones mal couvertes. La situation n'est pas satisfaisante, et les chiffres annoncés me semblent pour le moins trompeurs. Par exemple, si 98 % des foyers français bénéficient d'un accès à l'ADSL, le seuil retenu dans la définition du haut débit se monte à 512 kilobitsseconde seulement. Si l'on prend pour référence un flux de 2 mégabitsseconde – ce qui est aujourd'hui un minimum – cet indicateur descend à 77 %. Et la moitié seulement de la population peut prétendre à une connexion de 8 mégabitsseconde permettant de souscrire une offre combinée couvrant la télévision, le téléphone et internet. En outre, seulement un million et demi de foyers sont raccordables à la fibre optique, et 550 000 effectivement abonnés. Au rythme de déploiement actuel, il faudrait tout un siècle pour desservir l'ensemble de la population. Le dispositif retenu par les pouvoirs publics ne semble pas satisfaisant : il repose sur l'engagement des opérateurs privés qui ne déploient leur réseau que dans les zones rentables, c'est-à-dire urbaines.
En matière de téléphonie mobile, le taux de couverture officiel – 99,8 % de la population – m'apparaît également trompeur, car le référentiel se borne aux zones habitées, à l'extérieur des bâtiments et en situation fixe. Quant au programme d'extension de couverture, lancé en 2003 et renforcé en 2008, il est loin d'être achevé et encore moins pertinent : une commune est considérée couverte dès lors que son centre-ville est desservi. En tout état de cause, si un rural souhaite toujours pouvoir passer des appels, il lui faudrait être abonné auprès des trois opérateurs que sont SFR, Bouygues et Orange : les pouvoirs publics n'ont pas été capables d'imposer la mutualisation des antennes.
J'en viens à l'offre de soins. Nous assistons à l'apparition de véritables déserts médicaux, non seulement dans les zones rurales, mais aussi dans les territoires semi-urbains. La Picardie connaît une pénurie de praticiens hospitaliers : 500 postes à temps plein sont actuellement vacants. De même, et c'est alarmant, nombre de médecins généralistes partent en retraite sans installer leur successeur. Je ne parle même pas des spécialistes : obtenir un rendez-vous chez un dentiste ou un ophtalmologiste relève du parcours du combattant. Une telle situation n'est pas acceptable ; notre monde rural ne constitue pas des « réserves d'Indiens ». Je reste persuadé que les incitations ne sont pas suffisantes. Nous devons renoncer au saupoudrage de primes et nous montrer plus incisifs, par exemple avec un numerus clausus à l'échelle régionale qui bloquerait les installations dans les zones surdenses au profit de celles où règne la pénurie. Je sais l'impopularité d'une telle mesure chez certains parlementaires comme dans le corps médical libéral, mais il faut en passer par là, sans quoi nous ne parviendrons pas à arrêter la désertification médicale.
Même si aucune hiérarchie ne doit être établie parmi les propositions contenues dans le rapport, je souhaite m'attarder sur la politique de logement en milieu rural. La recommandation n° 20 évoque la lutte contre le logement insalubre et la précarité énergétique ainsi que l'adaptation des habitations à la dépendance et le renforcement du parc social en milieu rural.
Sur ce dernier point, mon expérience de président d'office public d'HLM me donne à voir une tendance à conforter les centres-villes alors que les petits villages voisins abritent plusieurs maisons vides. Dans ces petites communes, dont le budget de fonctionnement est de 25 000 ou 30 000 euros, les membres du conseil municipal nous regardent avec des yeux ronds lorsqu'on demande une caution de 200 000 ou 300 000 euros pour quelques logements. Pourtant, la Caisse des dépôts et consignations exige des collectivités territoriales des garanties pour les prêts destinés à financer la construction ou la réhabilitation en milieu rural. On peut faire appel à la Caisse de garantie du logement locatif social (CGLLS) mais cela coûte très cher à l'office HLM. Le logement social nécessite donc une politique adaptée aux besoins spécifiques du milieu rural.
Comme bien des élus de circonscriptions rurales, je vous ai écouté avec beaucoup d'intérêt. Votre passion et votre connaissance du monde rural se ressentent dans vos propos.
J'approuve votre position en ce qui concerne la PAC et l'emploi des aides du deuxième pilier. Il est vrai que la ruralité ne s'identifie pas à l'agriculture, elle est aussi l'agriculture. À cet égard, j'ai apprécié la remarque d'André Chassaigne.
Je suis inquiète que l'on continue à subventionner l'agriculture sans plafonner les aides. Nous risquons de renchérir l'installation, et donc que le nombre d'exploitations diminue. Dans ces conditions, non seulement on verrait moins de services publics, de médecins ou d'écoles en milieu rural, mais aussi moins d'exploitants agricoles, exception faite de quelques industriels de l'agriculture.
Vous avez évoqué les SCOT. Dans la circonscription dont je suis l'élue, ce document a des effets très positifs. Les maires se sont beaucoup investis dans son élaboration. Je pense donc également qu'il faut en généraliser l'usage, d'autant qu'il apprend aux élus à travailler ensemble. La réforme territoriale, plutôt que d'imposer la vision préfectorale, aurait gagné à laisser faire les élus : le périmètre pertinent des communautés de communes se serait progressivement identifié à celui des SCOT, et l'évolution aurait été mieux acceptée sur le terrain.
La recommandation n° 4 invite à clarifier l'avenir des pays. Pourriez-vous être plus précis sur ce point ?
Un canton de ma circonscription situé à 20 kilomètres de Paris, le plateau Briard, est le seul espace de la petite couronne présentant des caractères propres au milieu rural. Il souffre des maux spécifiques aux territoires ruraux, comme l'absence d'infrastructures de communications électroniques – fibre optique et très haut débit ne sont pas au rendez-vous –, la nécessité de maîtriser le foncier, la lutte contre l'étalement urbain et la préservation des espaces naturels et agricoles. Mais comme cette zone est francilienne, elle est également soumise aux exigences de la loi du 13 décembre 2000 dite SRU. L'exigence de souplesse dans l'application des politiques de l'État en matière de logement, évoquée dans la recommandation n° 20, se justifie donc tout particulièrement dans ce territoire. Qu'en pensez-vous ?
Je félicite Stéphane Demilly pour son réquisitoire contre le libéralisme ! Nous constatons en effet le même phénomène en matière de communications électronique et dans le secteur de la santé : lorsque le marché exerce des services publics, il ne les assure que là où c'est rentable. Cela a été le cas, en Gironde, lors de l'arrivée de l'ADSL : pour que le département entier puisse bénéficier du haut débit, il a fallu créer un syndicat regroupant le conseil général et les intercommunalités, mobiliser de l'argent public et rétribuer France Télécom afin qu'il réalise les installations.
En ce qui concerne le rapport de nos deux collègues, je le considère comme un excellent état des lieux, mais je trouve les recommandations un peu timides et « fourre-tout ».
Il va falloir effectuer des choix. Je désespère parfois de la bonne volonté des uns et des autres : pour avancer, il faut toujours une unanimité qui prend un temps fou. C'est pourquoi il faut rendre les SCOT obligatoires car l'aménagement du territoire a besoin d'un cadre.
S'agissant de l'organisation territoriale, les pays s'enchevêtrent dans les intercommunalités et les communes pour aboutir à un véritable imbroglio. La réforme des collectivités territoriales, se heurtant à des échéances électorales, a accouché d'une souris. Ne pensez-vous pas qu'il faudrait lancer, en début de mandature, une réforme globale et ambitieuse destinée à mettre en place une organisation territoriale définitive, susceptible de faire vivre les territoires grâce à une péréquation des richesses et des services ?
Élu d'une zone rurale depuis vingt-neuf ans, je ne trouve pas que les communes rurales bénéficient aujourd'hui de moins de services qu'elles n'en avaient hier. Penser cela revient à méconnaître la ruralité. En fait, elles ont accès à des services différents et en pleine mutation. Ce n'est pas leur rendre service que d'invoquer systématiquement une baisse de la qualité.
On a évoqué plusieurs fois les problèmes relatifs à la santé. Mais plus personne n'est prêt à se rendre dans un petit hôpital qui éprouve des difficultés à assurer sa mission. Mieux vaut transformer l'établissement en lieu de soins afin de permettre à des personnes âgées de rester dans la région ou d'assurer les suites d'une hospitalisation. Cet exemple prouve que les services ne sont pas moins nombreux, mais qu'ils ont évolué. Il suffit de songer à ce que réalisent les communautés de communes : on ne voit plus un canton sans une médiathèque, un centre de loisirs ou une cantine – autant d'infrastructures qui n'existaient pas il y a dix ou vingt ans.
C'est le cas quand les élus se sont pris en main et quand ils ont tiré profit des crédits attribués par le département, la région et l'État.
En ce qui concerne le très haut débit – qu'il ne faut pas confondre avec le haut débit –, il faut absolument proposer l'accès à la fibre optique dans toutes les habitations, c'est-à-dire le FTTH, fiber to the home. En zone rurale, le coût d'installation atteint aujourd'hui de 1 000 à 2 000 euros par prise. Si l'État ne prend pas en charge la moitié du coût, nous n'y parviendrons pas. Or le grand emprunt a fixé le plafond à 400 euros.
Enfin, en ce qui concerne l'enseignement scolaire, votre rapport gagnerait à intégrer une réflexion sur la nécessité de faire travailler ensemble collèges, écoles primaires et maternelles afin de proposer aux habitants des zones rurales une véritable ingénierie de formation.
Le travail réalisé depuis un an, et auquel je rends hommage, n'aura d'intérêt que s'il se poursuit par un dialogue avec toutes les administrations concernées, quitte à leur laisser six mois pour digérer cette masse d'informations. Je suggère de faire le point sur le sujet à l'automne prochain, avec les représentants de la DATAR et des services ministériels. Ce rapport ne doit pas rester sur une étagère.
J'en viens à la question de l'offre de soins et de services sociaux. Dans ce domaine, les villes moyennes situées dans de vastes territoires ruraux en voie de désertification, et dotées d'un hôpital ou d'autres services publics, ont un rôle particulier à jouer. La réflexion doit être approfondie sur ce point.
En ce qui concerne l'attractivité des territoires à l'égard de la profession médicale, qu'il s'agisse de praticiens hospitaliers ou de médecins libéraux, il serait sans doute nécessaire d'aller plus loin que ce que préconise la recommandation n° 14. Bien sûr, il convient de favoriser l'exercice regroupé des professionnels, d'envisager d'autres mesures d'incitation dans les territoires particulièrement peu denses et de repenser le cursus de formation des médecins. Mais les jeunes professionnels ne doivent pas supporter toute la responsabilité d'une telle politique : il faut également mettre un terme au développement de ghettos pléthoriques. Enfin, nous devons fixer un objectif de proximité des soins, essentiel dans certaines spécialités comme la cardiologie.
Chacune des vingt recommandations – qui visent toutes à rendre nos territoires plus attractifs – mériterait une longue réflexion. Mais je m'en tiendrai à la septième et à la vingtième, relatives au logement et à l'urbanisme.
Vous appelez à « introduire un élément de souplesse dans les politiques de l'État en matière de logement », en particulier dans la délimitation des zonages. C'est une préoccupation légitime, mais comment y parvenir ?
Par ailleurs, le rapport propose d'« inciter les communes à transférer aux intercommunalités les pouvoirs de décision en matière d'urbanisme et à se doter de documents d'urbanisme ». Il est vrai que l'élaboration des SCOT doit avoir une dimension collective, mais nous ne devons pas déposséder les maires de leurs pouvoirs en matière d'urbanisme, dans la mesure où c'est certainement la partie la plus passionnante de leur mission. Un maire est avant tout un bâtisseur. Il faut donc trouver le bon équilibre.
Ce rapport offre une vision panoramique de la situation en zone rurale, notamment pour ce qui concerne la présence des services publics.
Je regrette les vicissitudes législatives que les pays ont connues avant de disparaître à l'occasion de la réforme territoriale. La ruralité a des besoins, en face desquels nous devons mettre des moyens, y compris institutionnels. L'intérêt du pays, en tant que catégorie administrative, consistait à recouvrir une réalité identitaire et à renforcer la cohésion. Il est regrettable d'avoir mis un terme à cette démarche. Par ailleurs, le cadre institutionnel doit être adapté à la diversité des situations sur nos territoires.
Jérôme Bignon a fait référence au problème de l'artificialisation des sols. Si nous voulons donner la priorité à un aménagement intelligent et éviter la consommation de terres arables, il est indispensable d'établir une hiérarchie des sols. Or les documents permettant d'en estimer la valeur ne sont pas accessibles : comment savoir où se trouvent les terres agricoles méritant d'être protégées ? Ne serait-il pas nécessaire de confier cette mission à une institution comme la SAFER ou à un établissement public foncier ?
Je remarque que certains s'opposent à l'artificialisation jusqu'au jour où ils souhaitent vendre, auquel cas ils tendent plutôt à revendiquer la constructibilité. C'est vrai pour les particuliers comme pour les élus locaux. Il est donc important de se doter de schémas d'urbanisme et de reconnaître de réels pouvoirs aux institutions locales.
La recommandation n° 17 suggère de favoriser le développement de toutes les formes de tourisme rural. Mais c'est ce que nous faisons depuis de nombreuses années, sans que les résultats ne soient au rendez-vous ! Alors que le tourisme s'est considérablement développé en région parisienne pour un chiffre d'affaires très important, en zone rurale il s'est au mieux maintenu, au pire réduit. Il me paraît donc nécessaire d'insister sur la qualité de l'hébergement, quitte à prévoir des aides. Mais il faut surtout améliorer la promotion et la commercialisation, car Atout France s'intéresse avant tout aux territoires les plus attractifs – la région parisienne ou le littoral – et non au milieu rural.
En ce qui concerne le logement, je suis satisfait de l'importance donnée à la rénovation et à la lutte contre la précarité énergétique, notamment en montagne. Mais il faut également prêter une attention spécifique au logement locatif social. Dans ce domaine, les aides tendent – et c'est compréhensible – à se concentrer sur les territoires où se trouve la plus forte demande. Or il y a beaucoup à faire, en milieu rural, pour améliorer la qualité des hébergements. Il convient donc de bonifier les rares fonds propres dont disposent les offices départementaux d'HLM, car ils n'ont pas la possibilité de lancer des rénovations dans de bonnes conditions, alors qu'ils pouvaient le faire auparavant grâce aux primes à l'aménagement du logement à usage locatif (PALULOS).
Vous avez dit que les aides du second pilier de la PAC devaient être redistribuées vers d'autres secteurs que celui de l'agriculture – c'est le sens de la recommandation n° 16 – et qu'il fallait arrêter les aides à l'hectare. Comme vous le savez, celles-ci ne font pas partie du second pilier, mais du premier. Le second pilier est en particulier destiné à aider les zones les plus défavorisées, notamment la montagne, grâce à l'indemnité compensatoire de handicaps naturels (ICHN), la prime à l'herbe, les aides à la modernisation des bâtiments d'élevage. Son action est primordiale pour les exploitations les plus fragiles. Or contrairement à ce qui a été dit, ces aides ne sont pas illimitées, mais plafonnées aux 25 ou 50 premiers hectares selon le cas.
Sachant que l'enveloppe de la PAC n'est pas extensible – l'enjeu est d'ailleurs d'en maintenir le montant au niveau actuel après 2013 –, et qu'il existe déjà des aides échappant aux agriculteurs depuis la mise en place de la modulation, j'estime qu'une réorientation des aides à l'agriculture vers le développement rural serait un très mauvais calcul.
Je suis d'accord avec l'idée selon laquelle l'enjeu prioritaire, dans le monde rural, réside dans la réduction de la fracture numérique.
En matière de gouvernance, il est essentiel d'introduire une flexibilité et de simplifier le paysage intercommunal. En tant que président d'une communauté de communes, j'ai mis en place, dans un pays préexistant, une structure informelle destinée à promouvoir des conventionnements entre communautés sur des actions spécifiques. De cette façon, le projet est mené par une communauté pilote également responsable du budget. C'est dans ce sens qu'il faut se diriger : la question n'est pas tant de choisir entre pays et communautés de communes que d'organiser la coopération entre les communautés, car la mise en commun des services permet de réaliser des économies.
Je mets en garde contre la tentation de retirer au maire sa responsabilité en matière de permis de construire. L'instruction peut être déléguée à des services communs, mais la décision finale doit lui revenir. Il n'y a que pour les programmes locaux de l'habitat que la question pourrait se poser.
Au sujet de l'offre de soins, j'ai entendu des propositions qui paraissent simplistes à l'ancien médecin de campagne que je suis. Je vous renvoie à mon rapport d'information sur la permanence des soins : il montre que l'inégalité de répartition des professions de santé a des causes complexes, parmi lesquelles la féminisation de la profession – sept internes sur dix sont des femmes. Ma mission d'information avait d'ailleurs formulé quelques préconisations dont certaines commencent à être mises en oeuvre.
En ce qui concerne la coordination interministérielle, plutôt que de rattacher l'aménagement du territoire aux services du Premier ministre, pourquoi ne pas créer un grand ministère du développement durable, comprenant l'agriculture, la pêche et l'environnement ?
La recommandation n° 13 appelle au respect de la charte sur l'organisation et l'offre de services publics et au public en milieu rural. Mais cela relève d'une volonté, et non de la loi. Nous en connaissons les signataires : il est possible de déterminer rapidement quel organisme s'y conforme et lequel s'y soustrait. Il serait sans doute nécessaire de dresser un état des lieux en ce domaine.
De même, lorsque l'on incite à « maintenir un socle de services publics sur l'ensemble du territoire », il convient de savoir quelle définition donner d'un tel socle. Il n'existe pas un schéma type d'organisation des services publics, parce qu'il n'existe pas un seul type de territoire rural. Il faut donc pratiquer le « cousu main » et trouver des solutions adaptées.
Ce que l'on présente comme un recul des services publics est parfois une réorganisation, une adaptation destinée à tenir compte du développement des nouvelles technologies, de l'apparition de nouveaux besoins ou de l'arrivée de nouvelles populations. N'oublions pas que l'organisation des services publics repose souvent sur des schémas élaborés à la Libération.
Germinal Peiro a rappelé les responsabilités incombant à l'État. C'est vrai pour les compétences régaliennes – santé, éducation, sécurité – mais l'État n'est pas le seul opérateur des services publics : les intercommunalités, les collectivités ont leur rôle à jouer. Dans de nombreux endroits, la mairie est la première maison de service public, voire de service rendu au public. Et je ne parle pas des entreprises publiques, comme La Poste, ou des organismes publics qui interviennent en milieu rural.
Je me trouvais dimanche dernier au congrès des maires du Maine-et-Loire, et j'ai été frappé de la méconnaissance des élus en matière de fonds européens. Certes, une partie d'entre eux maîtrise parfaitement la question au point de pratiquer la surenchère, mais de nombreuses communes et communautés passent à côté de cette opportunité. Bien sûr, un élu local a la responsabilité de s'informer, mais cette situation pose un vrai problème de fond.
Auparavant, les élus pouvaient s'appuyer sur les services des sous-préfectures ou du département. C'est moins le cas aujourd'hui, si bien que de nombreux dossiers n'aboutissent pas car ceux qui les portent se découragent. Alors que les fonds européens sont mieux pourvus, il serait nécessaire de veiller à ce que leur accès soit mieux équilibré, de réaliser des arbitrages.
Il faudrait au moins deux heures pour répondre précisément aux questions de chacun. Toutes les observations qui ont été formulées sont pertinentes, car elles sont le fruit d'une expérience de terrain. Le compte rendu de la réunion permettra de s'y reporter.
Je reprends à mon compte la proposition de Bernard Lesterlin : je suggère de faire le point sur le sujet dans six mois, de discuter avec les administrations concernées et d'observer les suites qu'elles auront données à notre rapport. Cela me paraît la meilleure formule d'autant que, si nous pouvons apporter quelques précisions, nous n'avons pas réponse à tout. Nous entrons dans une période électorale : sur des sujets tels que l'offre de soins ou l'accès aux nouvelles technologies, chaque candidat sera de toute façon amené à faire des propositions.
Comme toutes nos réunions, celle-ci fera l'objet d'un compte rendu. Je propose de l'adresser aux administrations concernées à titre de complément au rapport. Elles auront ainsi une idée du regard que la commission du développement durable et de l'aménagement du territoire porte sur ce sujet, même si ce regard est nécessairement incomplet.
Lors du point d'étape, le 5 mai, Bernard Accoyer avait exprimé sa crainte que le sujet d'étude choisi soit trop ambitieux. Le risque était de se contenter de survoler les choses, ou d'adopter des positions de compromis. Mais Germinal Peiro et moi n'avons pas eu besoin de tels compromis car, d'une manière générale, nous sommes plutôt tombés d'accord. Nous avons cherché à poser les problèmes, à établir des priorités, en laissant aux acteurs concernés le soin de proposer des solutions.
L'objectif de ce groupe de travail, je le rappelle, était d'évaluer la politique d'aménagement du territoire en milieu rural. De ce point de vue, nous déplorons la rareté des indicateurs susceptibles de mesurer l'efficacité de cette politique, en dépit des règles posées par la loi organique relative aux lois de finances. Nous avons ainsi appris, à notre grande stupéfaction, que l'action de la DATAR ne faisait l'objet d'aucune évaluation. Une des premières conséquences de ce rapport devra donc être la définition d'indicateurs appropriés.
Nous avons posé des jalons ; il appartiendra à nos successeurs de poursuivre le travail.
Membres présents ou excusés
Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire
Réunion du mercredi 22 février 2012 à 9 h 30
Présents. - M. Jean-Pierre Abelin, M. Yves Albarello, M. Jérôme Bignon, M. Philippe Boënnec, M. Maxime Bono, M. Joseph Bossé, M. Jean-Claude Bouchet, M. Christophe Bouillon, M. Jean-Paul Chanteguet, M. André Chassaigne, M. Frédéric Cuvillier, Mme Claude Darciaux, M. Marc-Philippe Daubresse, M. Stéphane Demilly, M. Daniel Fidelin, M. Alain Gest, M. Didier Gonzales, M. Michel Havard, M. Armand Jung, M. Jean Lassalle, M. Thierry Lazaro, M. Jacques Le Nay, M. Bernard Lesterlin, M. Gérard Lorgeoux, M. Jean-Pierre Marcon, Mme Christine Marin, M. Gérard Menuel, M. Yanick Paternotte, Mme Marie-Françoise Pérol-Dumont, M. Philippe Plisson, Mme Catherine Quéré, M. Joël Regnault, Mme Marie-Line Reynaud, M. René Rouquet, M. Martial Saddier, M. Jean-Marie Sermier
Excusés. - Mme Chantal Berthelot, M. Jean-Yves Besselat, M. Philippe Briand, M. Olivier Dosne, M. André Flajolet, M. Jean-Claude Fruteau, M. Joël Giraud, M. Serge Grouard, Mme Fabienne Labrette-Ménager, M. Philippe Meunier, M. Bertrand Pancher, M. Max Roustan
Assistaient également à la réunion. - M. Christophe Caresche, M. Germinal Peiro, M. Francis Saint-Léger, M. Lionel Tardy