La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à vingt et une heures quarante-cinq.)
L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi de MM. Hervé Féron, Pascal Deguilhem, Jean-Marc Ayrault et plusieurs de leurs collègues portant instauration d'une épreuve de « formation aux premiers secours » pour les candidats au diplôme national du brevet des collèges (nos 3691, 3774).
La parole est à M. Hervé Féron, rapporteur de la commission des affaires culturelles et de l'éducation.
Monsieur le président, monsieur le ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et de la vie associative, mes chers collègues, la proposition de loi que j'ai grand plaisir à vous présenter vise à faire de la formation aux premiers secours une priorité à l'école.
Des milliers de décès dus aux accidents domestiques ou aux accidents de la route auraient pu être évités tous les ans si des soins de premier secours avaient été prodigués à temps aux victimes.
La loi du 9 août 2004 relative à la politique de santé publique et la loi du 13 août 2004 de modernisation de la sécurité civile ont pris acte de cet enjeu de santé publique en instaurant dans les établissements d'enseignement public et privé sous contrat une obligation de formation aux gestes qui peuvent sauver des vies.
Chacun conviendra qu'une telle formation constitue à la fois un enjeu de santé publique et un enjeu pédagogique et éducatif. Ainsi, dans le primaire, un dispositif APS, « Apprendre à porter secours », a été initié dès 1997 par les ministères de l'éducation nationale et de la santé. Intégré dans les programmes scolaires, il comporte un apprentissage des principes simples pour porter secours.
Les dispositions législatives et réglementaires adoptées depuis lors ont, en principe, donné un nouvel élan à ce dispositif qui prend notamment appui sur trois éléments.
Premièrement, il repose sur les programmes d'enseignement du primaire de 2008 qui précisent qu'il est attendu de l'élève qu'il puisse, au titre des compétences sociales et civiques du socle commun, prodiguer, à la fin du CM2, quelques gestes de premier secours.
Deuxièmement, il se réfère au livret personnel de compétences de l'élève, entré en vigueur à la rentrée scolaire 2010, qui doit indiquer si l'attestation « Apprendre à porter secours » a été délivrée ou non.
Troisièmement, il s'appuie sur la règle selon laquelle, depuis 2006, pour s'inscrire au concours de recrutement de professeurs des écoles, une attestation certifiant une qualification en secourisme est exigée.
Dans le second degré, le législateur a prévu, aux termes de l'article L. 312-16 du code de l'éducation, qu'un cours d'apprentissage sur les premiers gestes de secours doit être délivré aux élèves de collège et de lycée. Ainsi, au collège, l'élève bénéficie, en principe du moins, de la formation appropriée jusqu'à l'obtention de l'unité d'enseignement PSC1, « prévention et secours civiques de niveau 1 », qui tient compte de la formation dispensée à l'école primaire. Selon le référentiel de compétences de sécurité civile, chaque élève doit devenir un « citoyen de sécurité civile à part entière ». Les compétences acquises dans ce domaine en font bien, en cas d'accident, « le premier maillon de la chaîne de secours en France ».
En matière de formation de premiers secours, le cadre législatif et réglementaire est donc très riche. Cependant, force est de constater qu'il n'a pas encore permis de généraliser une formation essentielle à la construction d'une société plus solidaire et plus responsable.
En effet, les données disponibles tendent à indiquer que les objectifs fixés par le législateur ne pourront pas être atteints rapidement.
Ainsi, 480 525 écoliers seulement ont été formés depuis 2007, soit 3,8 % des élèves pour l'année scolaire 2007-2008 ; 4,3 % en 2008-2009 et 4,7 % en 2009-2010. Dans le second degré, 166 773 collégiens seulement ont été formés depuis 2007, soit 2,7 % des élèves en 2007-2008 ; 4,3 % en 2008-2009, et 16,3 % des élèves en 2009-2010.
Conscient de ce bilan mitigé, le ministère de l'éducation nationale intensifie ses efforts de formation. L'année prochaine, 730 moniteurs devraient rejoindre les 5 500 qui exercent déjà, qu'ils soient médecins, infirmiers scolaires, enseignants ou CPE. En outre, une convention a été signée entre la MAIF et le ministère de l'éducation nationale visant à améliorer l'accès des élèves à la formation ; une autre est en préparation avec la Croix-Rouge. Par ailleurs, une réflexion est engagée sur l'intégration de cette formation dans les programmes d'éducation physique et sportive.
Nous saluons ces initiatives, mais nous craignons qu'elles ne soient pas suffisantes pour enraciner, rapidement, l'apprentissage des premiers secours à l'école. Pour y parvenir, il faudrait que cette formation bénéficie de l'effet levier qu'ont traditionnellement dans notre système éducatif les examens sur les connaissances et les compétences acquises par les élèves.
C'est pourquoi la présente proposition de loi prévoit d'adosser cette formation au brevet des collèges. Le choix de ce diplôme s'impose pour trois raisons.
Tout d'abord, le rattachement de la formation à un examen organisé en classe de troisième permet de toucher la quasi-totalité d'une classe d'âge : en 2009, 80 % des élèves ont passé le brevet alors qu'il n'ont été que 64,5 % à accéder à la filière générale du lycée.
Ensuite, la condition qu'il est proposé d'ajouter pour obtenir le diplôme national du brevet s'appuie sur un enseignement déjà dispensé, du moins en principe. En effet, sur le fondement des lois précitées du 9 août et du 13 août 2004, une unité d'enseignement, appelée « prévention et secours civiques de niveau 1 », a été instituée en 2007 et le référentiel relatif à cette unité d'enseignement précise que sa durée est d'environ dix heures.
Enfin, depuis la loi du 23 avril 2005 d'orientation et de programme pour l'avenir de l'école, le diplôme national du brevet atteste la maîtrise des connaissances et des compétences du socle commun. Cette maîtrise est certifiée par le livret personnel de compétences, dont je rappelle qu'il doit indiquer si la formation « prévention et secours civiques de niveau 1 » a été suivie par l'élève. Toutefois, aujourd'hui, ainsi que le précise une circulaire du 18 juin 2010, cette attestation n'est pas nécessaire pour la validation du socle commun ni, par conséquent, pour l'obtention du brevet. Il convient donc de mettre un terme à cette non-reconnaissance de la formation par le brevet et de donner à cet enseignement la place qui doit être la sienne à l'école.
Dans ce but, l'article 1er de la proposition de loi prévoit de compléter les conditions d'obtention de ce diplôme, définies à l'article L. 332-6 du code de l'éducation, afin de les lier au suivi d'une formation en milieu scolaire de dix heures aux premiers secours.
L'article 1er de la proposition de loi précise que la formation aux premiers secours serait dispensée par des volontaires du service civique. L'article 2 prévoit que ces derniers effectueraient cette mission dans le cadre des conventions conclues entre les départements et les SDIS, les services départementaux d'incendie et de secours.
Cette convention, qui a vocation à régler les relations entre la collectivité territoriale et les établissements publics – à savoir les SDIS qui sont les mieux placés pour organiser, localement, l'apprentissage des gestes de premiers secours –, devrait offrir un cadre adapté à l'offre de formation, propre à dynamiser celle-ci. En outre, faire assurer cette formation par des jeunes ayant choisi de s'engager au titre du service civique, ne pourrait qu'en renforcer la dimension citoyenne.
Par ailleurs, en nous appuyant sur les SDIS et sur les unions départementales de sapeurs pompiers, comme je le proposerai en défendant un amendement, nous mettrions en place un cadre qui pourrait susciter des vocations d'autant plus nécessaires que les corps des sapeurs-pompiers connaissent actuellement une crise de recrutement.
Au total, nous voulons mettre en place un dispositif volontariste qui s'adresse à une tranche d'âge ayant la maturité nécessaire pour percevoir les enjeux.
Ce texte aura aussi pour grand mérite de valoriser des compétences non académiques, ce qui constitue un plus dans un système scolaire qui dévalorise les élèves les plus fragiles et qui pourrait être qualifié d'hyperdisciplinaire.
En conclusion, mes chers collègues, je formule le voeu que nous nous retrouvions tous autour de cette initiative réaliste et de bon sens dont la portée éducative sera considérable et qui permettra d'ouvrir l'école de la République sur son environnement.
Certains d'entre vous se sont inquiétés du coût d'un tel dispositif : 27 millions d'euros, selon la direction générale de l'enseignement scolaire. Mais c'est dans l'hypothèse d'une mise en oeuvre immédiate, exigeant le recrutement de personnels supplémentaires. Or, si les amendements que je vous propose étaient adoptés, cette formation serait dispensée par les moniteurs existants et d'autres intervenants comme les volontaires du service civique. En outre, l'application de la loi serait différée – autant de mesures destinées à faire baisser les besoins de financement. Enfin, je vous rappelle qu'il ne s'agira que de mobiliser un petit pourcentage d'un budget supérieur à un milliard d'euros.
Je vous proposerai d'adopter huit amendements pour la plupart rédactionnels. Deux d'entre eux, inspirés par ce souci de réalisme que j'évoquais, ont une portée plus grande : le premier vise à prévoir une entrée en vigueur du dispositif en 2014 afin de donner à l'éducation nationale le temps de s'organiser ; le second tend à permettre que la formation aux premiers secours puisse être assurée par des intervenants autres que les volontaires du service civique.
Je vous invite à faire le pari d'une école plus solidaire, plus engagée et plus ouverte. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
La parole est à M. Luc Chatel, ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et de la vie associative.
Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, monsieur le rapporteur, l'actualité est malheureusement jalonnée de ces drames devant lesquels notre première réaction tient bien souvent en ces quelques mots : « S'ils avaient su… » : s'ils avaient su comment réagir ; s'ils avaient su porter secours par les bons gestes ; s'ils avaient su simplement aider pour sauver.
Notre école n'est évidemment pas protégée de ces accidents qu'il est impossible de prévoir. Parce qu'elle est le lieu fondamental des apprentissages pour toute une classe d'âge, parce qu'elle est ce lieu d'une appréhension globale des perspectives de santé, parce qu'elle est le creuset de notre solidarité, elle a assurément toute légitimité pour accueillir une formation aux premiers secours. Je ne conteste absolument pas ce point, bien au contraire.
Je tiens d'ailleurs à signaler que, depuis plusieurs années, elle s'est engagée dans la mise en oeuvre de cette ambition, avec ce que l'on appelle la formation PSC1, prévention et secours civiques de niveau 1, dont vous me permettrez de préciser comment elle s'inscrit au sein de la scolarité.
Le PSC1 est aujourd'hui reconnu au sein du livret personnel de compétences au même titre que l'attestation scolaire de sécurité routière.
Comme pour cette dernière, le suivi du PSC1 est donc reconnu par la délivrance d'une attestation, elle-même incluse dans le livret personnel de compétences. Mais soyons clair, monsieur le rapporteur : cette attestation n'est pas exigée pour la validation du socle commun de connaissances et de compétences et n'est en aucun cas obligatoire pour l'obtention du diplôme national du brevet.
Au cours des quatre dernières années, cette formation, dispensée aux élèves de troisième, n'a cessé de monter en puissance : en 2007-2008, 8,5 % des élèves de troisième, soit 63 613 élèves avaient reçu cette formation ; en 2008-2009, ils étaient 9,8 %, soit 73 848 élèves ; en 2009-2010, ils étaient 12,4 %, soit 92 925 élèves. L'augmentation du nombre d'élèves ayant reçu cette formation aura donc été de 50 % en deux ans.
Pour assurer cette formation, l'éducation nationale dispose d'un personnel nombreux et formé à ses exigences. Aujourd'hui, 173 instructeurs actifs, soit entre quatre et six par académie, organisent les formations initiales et 5 500 moniteurs interviennent dans les établissements scolaires publics et privés : infirmières, médecins scolaires, enseignants, CPE, personnels administratifs. Pour cette année scolaire, 2011-2012, soixante-treize sessions de formation initiale de moniteurs sont prévues dans les budgets de formation des académies, ce qui portera à plus de 6 200 le nombre de moniteurs aptes à transmettre cette formation à la fin de l'année, soit 730 moniteurs supplémentaires pour juin 2012.
En outre, nous veillons à adapter cette formation à l'évolution des exigences et des outils : c'est pourquoi nous avons prévu cette année 450 journées de formation continue des moniteurs.
Vous le voyez, mesdames et messieurs les députés, notre engagement est déterminé et en progression. II est aussi ouvert et concerté : ouvert aux énergies extérieures à l'école ; concerté avec les acteurs investis dans ce domaine.
C'est tout le sens du partenariat que nous avons noué en décembre 2010 par un accord cadre avec la MAIF, accord cadre confirmé le 21 juin dernier par une convention par laquelle la MAIF s'engage à prendre en charge financièrement la formation pédagogique des instructeurs et, parallèlement, à assurer la formation de moniteurs dans les académies déficitaires.
Dans le cadre du plan santé 2011-2015, je signerai également très prochainement un accord avec un autre grand partenaire : la Croix-Rouge, qui pourra ainsi mobiliser son réseau de bénévoles ou de professionnels, notamment pour le premier axe d'action envisagé : la formation aux premiers secours et à la prévention des risques.
Ce type de convention comporte plusieurs avantages. Il permet le partage d'expériences, notamment au contact d'acteurs qui sont très investis sur ces questions. Il permet également de mobiliser des personnels aguerris à ces enjeux. Aussi, je vous le dis : nous prolongerons ce type de conventionnement afin de démultiplier notre action et de conduire une politique de formation active.
Car cet enjeu fondamental, s'il concerne évidemment l'école, ne relève pour autant pas de la seule responsabilité de l'éducation nationale, monsieur le rapporteur.
C'est pourquoi nous menons une réflexion concertée avec les ministères de l'intérieur et de la santé pour envisager le début de cette formation en amont de la classe de troisième, notamment en prenant appui sur les initiations déjà dispensées dans le primaire dans le cadre de l'action « Apprendre à porter secours », ainsi que dans le cadre des programmes scolaires.
Notre engagement en faveur de la formation aux premiers secours est donc fort. Et devant cet enjeu, devant l'importance que peut revêtir la maîtrise de ces gestes, nous savons combien nous pouvons encore mieux faire.
Je ne discute pas, monsieur le rapporteur, l'intérêt, la noblesse et la générosité de la mesure que vous proposez. Mais je voudrais vous demander, à l'heure où les enquêtes internationales nous démontrent que nous devons nous recentrer sur les missions fondamentales de l'école, s'il est pertinent d'intégrer ce nouvel enjeu dans un diplôme dont l'objectif premier est précisément de reconnaître la maîtrise de ces fondamentaux. Est-il pertinent de consacrer à cette formation des heures d'enseignement obligatoire ? Et est-ce à l'école seule d'assurer une formation aux premiers secours à destination de tous les jeunes ? Sincèrement, je ne le crois pas.
Je le crois d'autant moins que ce que vous proposez viendrait altérer non seulement la nature même du PSC1, mais aussi celle du diplôme national du brevet.
Car le PSC1, aujourd'hui, est une attestation délivrée par un moniteur à un élève qui a suivi de façon assidue et active la formation. Cette attestation ne résulte absolument pas d'une évaluation formelle des acquis, à la différence notable des autres acquis exigés pour obtenir le DNB.
Permettez-moi également d'entrer dans la logique de votre mesure. Vous proposez que le PSC1 devienne obligatoire pour l'obtention du DNB, c'est-à-dire : que son attribution soit accordée par un moniteur, sans décision collégiale ; que ce PSC1 ne soit pas compensable avec les autres composantes du DNB ; et, a contrario, que l'absence de sa validation entraîne la non-délivrance du DNB.
Cela signifierait donc que le PSC1 aurait, au sein du DNB, plus d'importance que la maîtrise des sept compétences du socle commun de connaissances et de compétences, le contrôle continu et les épreuves terminales. Cela me paraît démesuré, monsieur le rapporteur, au regard des objectifs premiers de ce diplôme.
C'est aussi inenvisageable d'un point de vue organisationnel. Car supposez que, pour une raison locale particulière, la formation ne puisse avoir lieu, ou qu'il advienne que des élèves ne bénéficient pas de l'intégralité des dix heures de formation – en raison, par exemple, d'une absence liée à la maladie – et qu'ils ne se voient ainsi pas remettre leur attestation : la conséquence pour ces élèves serait, vous en conviendrez, totalement disproportionnée par rapport à l'importance du DNB.
En outre, organiser cette nouvelle épreuve, et donc mettre en oeuvre toute la logistique requise pour l'ensemble d'une classe d'âge, entraînerait une tension supplémentaire dans le dispositif déjà lourd du DNB : elle requerrait un effort global des acteurs éducatifs, qui sont déjà très investis. Car c'est là une responsabilité lourde, dont il faut mesurer l'impact global sur le fonctionnement de notre système éducatif.
Je veux ensuite, monsieur le rapporteur, évoquer l'impact budgétaire de cette proposition. Dans le contexte que vous connaissez, un premier chiffrage réalisé par mes services me permet de vous donnez quelques éléments. Votre proposition, ce sont 66 000 sessions de formation supplémentaires et plus de 7,7 millions d'euros pour le recrutement de près d'un millier de volontaires du service civique. Je passe sur le coût engendré par leur propre formation. Mais surtout, à ce premier effort financier, il faudrait ajouter plus de 27 millions d'euros pour que ces volontaires soient accompagnés dans les classes par un enseignant. Et je ne parle même pas du coût du matériel nécessaire à la formation.
Monsieur le rapporteur, votre idée est généreuse. Elle est fondée sur un constat que nous faisons tous. Mais j'ai la conviction qu'elle reste une fausse bonne idée. La formation aux premiers secours est assurément un enjeu de société majeur. Le service civique est un formidable dispositif pour les jeunes. Mais lier les deux au sein de notre école sans envisager les exigences et les suites d'une telle mesure entraînerait, à mon sens, plus de désagréments que d'avantages. Cela reviendrait, ensuite, à ignorer l'effort d'ores et déjà engagé pour assurer cette formation.
Car l'éducation nationale, en matière de formation aux premiers secours, dispose d'un système qui fonctionne et monte progressivement en puissance, d'un système qui s'appuie sur l'expérience de moniteurs formés et reconnus, d'un système qui valide une compétence acquise sans en faire pour autant un réquisit pour l'obtention d'un diplôme censé reconnaître la maîtrise des fondamentaux.
Monsieur le rapporteur, la question que je voudrais vous poser en conclusion, c'est de savoir pourquoi nous ne ferions pas confiance aux acteurs éducatifs qui, chaque jour, s'engagent auprès de nos enfants, sur ce sujet des premiers secours comme sur tous les autres. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Dans la discussion générale, la parole est à M. Pascal Deguilhem, premier orateur inscrit.
Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, bien que réduite, dans son intitulé, à la modification de l'examen national du brevet, cette proposition de loi concerne en réalité l'ensemble de la population de ce pays. Nous tentons, à travers ce texte, de réduire notre incapacité à faire qu'une majorité de citoyens soient formés aux premiers secours.
Ce n'est pas que le législateur ne s'en soit pas préoccupé, loin de là. Il y a sur le sujet une foultitude de textes, parmi lesquels on peut retenir les lois de santé publique ou de modernisation de la sécurité civile, qui ont instauré dans les établissements d'enseignement une obligation de formation aux gestes destinés à sauver des vies.
Le code de l'éducation prévoit aujourd'hui cette formation, tant dans les collèges que dans les lycées. Dans son Bulletin officiel, l'éducation nationale précisait déjà, en 1997, les contours de cette formation dans le cadre de l'éducation civique pour permettre de développer dès l'école un véritable esprit de solidarité.
D'autres que le législateur, par la voie de grands organismes, par exemple la Croix-Rouge, ont beaucoup fait pour promouvoir l'apprentissage des gestes qui sauvent.
La belle ambassadrice Adriana Karembeu a sans doute aussi contribué à faire bouger les chiffres à la hausse.
Mais rien, fondamentalement, n'a changé. Vous avez rappelé que, aujourd'hui, trop peu d'élèves peuvent bénéficier de cette formation.
Trop peu de Français, comparativement à des pays européens particulièrement en pointe sur la question, sont initiés aux premiers secours.
Et pourtant, nous sommes tous concernés. Cela peut être important dans la vie de tous les jours, au sein de la famille, où il s'agit de secourir un proche et pas nécessairement un inconnu. Dans le temps scolaire lui-même, notre collègue Pérat rappelait en commission l'importance de connaître les premiers gestes à l'occasion d'accidents survenus au cours des séances d'éducation physique ou sur les terrains du sport scolaire. Dans le monde du travail, enfin, la connaissance des premiers secours peut aussi trouver à s'exercer.
En France, on estime que la survie, suite à un arrêt cardiaque par fibrillation ventriculaire pourrait passer de 3 à 30 % si l'alerte et les gestes de premiers secours étaient apportés de façon précoce.
Cela nous interroge d'autant plus que dans les trois quarts des cas, ces accidents cardiaques ont lieu en présence de personnes dont on peut regretter qu'une seule d'entre elles sur dix, en moyenne, est en capacité de réaliser ces premiers gestes.
D'ailleurs, une centaine de collègues de la majorité ont rappelé dans l'exposé des motifs d'une proposition de loi déposée au mois de mai dernier que de la rapidité des secours et de la qualité des premiers gestes effectués dépend souvent l'avenir d'une victime. Or, poursuivaient-ils, rares sont ceux qui connaissent les gestes simples qui permettent de protéger, d'alerter et de secourir sur le lieu de l'accident. Parfois même, certaines personnes promptes à porter secours peuvent avoir en toute bonne volonté des gestes mal appropriés.
C'est la raison pour laquelle il est urgent, et vous le reconnaissez avec nous, de renforcer la formation aux premiers secours.
Le véhicule que proposaient nos collègues, et que nous proposons aujourd'hui, était l'examen du brevet, en y intégrant une formation obligatoire aux premiers secours : le PSC1.
Nous ne sommes pas les seuls à partager cette idée. Les professionnels de santé la partagent également. Cette proposition permettrait de répondre à une double ambition : d'une part, uniformiser cette formation au niveau national, et d'autre part, valoriser cet apprentissage dans le cadre d'un diplôme national.
Lors de l'examen du texte en commission, certains membres de la majorité ont rejeté l'article 1er, qui prévoit que l'obtention du brevet est conditionnée au suivi d'une formation de dix heures aux premiers secours, et ce en invoquant deux motifs.
Le premier de ces motifs est que le brevet aurait pour seule vocation – et c'est aussi ce que j'ai cru entendre dans vos propos, monsieur le ministre – d'évaluer les acquisitions scolaires. Je ne crois pas que nous soyons ici pour ouvrir le débat sur ce que doivent être les apprentissages à l'école, d'autant plus que je suis persuadé que, dans cette enceinte, tous les collègues ont la même haute idée de l'école. Mais tout de même, il faut rappeler ici ce que nous avons entendu en commission : il était « incongru », il était « baroque », disait notre collègue Grosperrin, de prendre en compte l'apprentissage de la civilité et l'adoption de comportements civiques et responsables dans une note de vie scolaire. Pourtant, nous le savons, ces apprentissages représentent des enjeux majeurs pour le système éducatif.
Le second motif invoqué est la crainte que cette disposition n'alourdisse le système. À cet égard, c'est peut-être l'intitulé de notre proposition de loi qui a pu troubler certains d'entre vous. Peut-être aurait-il été préférable de proposer un autre titre : « prise en compte effective du suivi d'une formation aux premiers secours pour l'obtention du brevet ».
On peut certes attendre que les objectifs de l'article L. 312-16 soient satisfaits. C'est le chemin que vous souhaitez emprunter. Mais on peut aussi, par la voie que nous vous proposons, se donner les moyens de rendre tout simplement les premiers secours obligatoires.
Cela aurait aussi un sens pour les jeunes, qui bénéficieraient presque tous de cette formation PSC 1 de façon uniforme, au même niveau, en quatrième ou en troisième. Ils pourraient effectuer une remise à niveau sur les mêmes bases acquises, quelques années plus tard, à l'occasion de la journée défense et citoyenneté. Ce serait alors la piqûre de rappel indispensable que plusieurs d'entre vous ont évoqué en commission.
Nous avons choisi, pour faire que cette obligation de formation soit satisfaite, de mettre au coeur du dispositif les volontaires engagés du service civique ayant préalablement reçu la formation nécessaire.
Il ne s'agit en aucun cas de les substituer au personnel formé de l'éducation national – nous pouvons d'ailleurs saluer les efforts du ministère sur ce point, tout comme celui des organismes disposant de moniteurs diplômés. Il s'agit simplement, dans le prolongement de la loi instituant le service civique, que nous avons presque tous votée, de confirmer le lien entre éducation et citoyenneté. C'est à mon sens une priorité.
Des réserves ont été émises en commission concernant le cadre d'une convention avec les SDIS, dès lors qu'ils ne sont pas assimilables à des associations ou fondations reconnues d'utilité publique. Dans ce cas, que les conventions soient faites avec les unions départementales, comme le propose notre rapporteur, c'est le bon sens.
Mais quelle valeur attribuer à ces réserves, alors même que dès à présent, des engagés du service civique débutent des missions dans les services de police et de gendarmerie ?
C'est le cas dans mon département où la mission qui vient d'être mise en place en gendarmerie consistera, dans les collèges, en l'animation et l'éducation à la sécurité. C'est là un autre pan prévu dans nos textes pour les collèges.
Les volontaires engagés dans un service civique pourraient donc faire de l'éducation à la sécurité, mais pas de formation aux premiers secours. J'essaie de trouver l'erreur.
Monsieur le ministre, nous avons entendu vos réserves sur cette question, mais nous partageons la même ambition et les mêmes objectifs. Au-delà de quelques préventions de forme, nous pourrions, j'en suis persuadé, en adoptant cette proposition de loi, permettre rapidement à l'ensemble des citoyens de ce pays d'être formé aux gestes qui sauvent. N'est-ce pas là l'essentiel ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, cette proposition de loi vise à conditionner l'obtention du brevet des collèges à la validation, par les élèves, d'une formation obligatoire dénommée « prévention et secours civiques de niveau 1 », ou PSC 1, d'une durée totale de dix heures.
Nous sommes tous d'accord : la généralisation des gestes de premier secours est une nécessité, car elle permettra de sauver des vies, et nous ne pouvons que nous accorder sur cet objectif. Mais faut-il pour autant, comme nous y invite la proposition de loi, instaurer une épreuve de formation aux premiers secours pour les candidats au diplôme national du brevet des collèges ?
Nous ne le pensons pas, pour trois raisons.
La première de ces raisons porte sur l'organisation du brevet. L'article premier, qui propose de conditionner l'obtention du brevet national au suivi d'une formation aux premiers secours ne dénature-t-il pas ce diplôme qui a vocation à sanctionner l'acquisition du socle commun ? Une telle évolution ne viendrait-elle pas modifier les objectifs et les missions prioritaires de l'enseignement scolaire ?
La deuxième raison est plus pragmatique. Former les citoyens à la prévention et aux premiers secours est en effet un objectif essentiel, mais il va être atteint par l'application des textes actuels, et nous ne souhaitons pas casser la dynamique existante en faisant porter l'obligation uniquement sur le brevet des collèges. En effet, actuellement, en application de l'article L. 312-13-1 du code de l'éducation, issu de la loi de modernisation de la sécurité civile du 13 août 2004, le PSC 1 est déjà une composante du livret personnel de compétence, au même titre que l'attestation de sécurité routière de niveau 1 et de niveau 2. Or cette mesure est en cours de déploiement. Son suivi est assuré par un comité de pilotage interministériel composé des ministères chargés de l'éducation nationale, de la santé, et de l'intérieur. Ainsi, depuis 2007, le nombre de collégiens formés au PSC 1 n'a cessé de progresser, avec une augmentation de la proportion d'élèves de troisième formés d'environ 50 %. Nous sommes passés, d'après les chiffres du ministère, de 63 000 élèves en 2007-2008 à près de 93 000 pour l'année scolaire 2009-2010.
La troisième raison est d'ordre budgétaire. Selon les estimations du ministère de l'éducation nationale, une mesure d'obligation de formation de tous les élèves de troisième coûterait 27 millions d'euros, sans prendre en compte le matériel nécessaire aux formations. Si l'on ne peut que s'accorder sur le fait qu'il est important que les efforts entrepris depuis quelques années pour déployer la formation aux premiers secours soient intensifiés, le dispositif proposé, qui alourdirait le budget de l'éducation nationale, ne peut être adopté dans le contexte budgétaire que nous connaissons.
Mes chers collègues, nous partageons l'objectif d'une généralisation des gestes de premier secours, et nous avançons sur cette voie. Mais il nous semble que la proposition de loi qui nous est soumise, si elle résulte d'une bonne intention, viendrait alourdir le budget de l'éducation nationale et le diplôme national du brevet. C'est la raison pour laquelle les députés du groupe UMP ne la voteront pas. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, le retard de la France en matière de formation aux premiers secours est patent et représente un véritable enjeu de santé publique.
Il justifie largement que l'on s'attache à y remédier et à tendre vers la généralisation, dans le milieu scolaire, d'une formation qualifiante et reconnue.
C'est pourquoi la proposition de loi que nous examinons aujourd'hui, ajoute une condition supplémentaire à l'obtention du diplôme du brevet : celle du suivi effectif, par les jeunes collégiens, d'une formation aux premiers secours.
Certes, cette formation existe déjà, à l'école primaire, depuis plus de dix ans. En 2004, la loi l'a rendue obligatoire dans les établissements d'enseignement du premier et du second degré.
Depuis 2006, les nouveaux professeurs des écoles doivent justifier, pour s'inscrire au concours de recrutement, d'une attestation certifiant une qualification en secourisme.
En 2007, au collège, une unité d'enseignement, appelée « prévention et secours civiques de niveau 1 » a été instituée, les compétences acquises devant faire de l'élève « le premier maillon de la chaîne de secours en France en cas d'accident. »
Malgré tout, bien qu'obligatoire, cette formation est loin d'être généralisée dans les établissements scolaires. Sans vouloir citer de chiffres précis, il semble que moins de 10 % des collégiens bénéficient actuellement de cette formation. C'est trop peu, et il apparaît donc nécessaire de renforcer l'efficacité des textes existants.
C'est le sens du texte proposé : faire de la formation aux premiers secours une des priorités à l'école, et conditionner l'obtention du brevet au suivi de cette formation au collège.
Notre proposition de loi va également plus loin.
Être formé aux premiers secours, apprendre les gestes élémentaires ou les réflexes nécessaires qui peuvent sauver la vie, ou du moins la protéger, c'est inculquer des principes forts de solidarité.
En terme de citoyenneté, conduire des actions porteuses d'engagement, qui plus est, celles d'un engagement personnel, me paraît important pour le devenir de nos collégiens.
Dans la mesure où cette formation sera sanctionnée par l'obtention d'un diplôme, le premier de la scolarité du second degré, elle s'en trouve valorisée et aura désormais la place qui lui revient dans l'enseignement et l'éducation à la responsabilité du jeune citoyen, prévue par le code de l'éducation.
Pourquoi avons-nous fait le choix du diplôme national du brevet ? Parce que ce diplôme sanctionne la formation à l'issue de la scolarité suivie au collège. De plus, le taux d'accès d'une génération d'élèves au brevet atteint 80 %, alors que seulement 65 % des élèves suivent la filière générale du lycée. C'est donc pratiquement toute une classe d'âge qui se retrouve en troisième.
Depuis la loi d'orientation et de programme pour l'avenir de l'école de 2005, le brevet atteste la maîtrise des connaissances et des compétences du socle commun.
Cette maîtrise est certifiée par le livret personnel de compétence, qui doit indiquer le suivi de la formation : « prévention et secours civiques de niveau 1 », mais cette attestation n'est pas nécessaire pour la validation du socle commun des connaissances et par conséquent, pour l'obtention du brevet.
Nous proposons donc, dans l'article premier, d'apporter une nouvelle compétence sanctionnée par un diplôme, et nous apportons une compétence à un âge ou les jeunes sont réceptifs, sensibilisés à des problèmes sociétaux.
J'y vois même, pour certains d'entre eux, l'occasion de se sentir valorisés, dans l'acquisition d'une compétence non académique ouvrant l'école à l'environnement social.
Un engagement citoyen trouve ainsi un cadre parfait dans notre école républicaine.
Pour dispenser cette formation, il n'est nullement question de remettre en cause les partenariats déjà mis en place, ni de remplacer le travail des enseignants et des infirmières scolaires, quoique ces dernières soient trop peu nombreuses dans les collèges.
Donc, pour renforcer la dimension citoyenne apportée à cet apprentissage, celui-ci pourrait être confié à des jeunes, les volontaires du service civique, effectuant leur mission d'intérêt général au sein des Services d'incendie et de secours, des volontaires formés pour remplir cette mission dans le cadre scolaire.
Certes, cet investissement a un coût, à court terme.
En revanche, en permettant à des jeunes de dispenser les premiers gestes de secours lors d'accidents, en leur faisant prendre conscience de l'importance de leurs gestes, ils seront peut-être aptes à sauver des vies, demain. Ce seront alors de véritables économies qui seront réalisées pour notre société.
Cette proposition de loi, les auditions l'ont montré, a rencontré un assentiment certain de la part du ministère de l'éducation nationale, ainsi qu'auprès de la fédération nationale des sapeurs-pompiers et des conseils généraux.
Je crois, mes chers collègues, que nous devons encourager cette initiative, et c'est la raison pour laquelle je ne peux que vous engager à adopter cette proposition de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la proposition de loi que nous examinons entend créer une épreuve supplémentaire pour les candidats au diplôme national du brevet. L'intention du rapporteur est louable, qui considère qu'il y a une impérieuse nécessité à mettre chaque jeune en mesure de prodiguer des soins de premiers secours : il s'agit, comme il l'écrit dans l'exposé des motifs, de réduire la mortalité : « Chaque année, en France, 60 000 personnes décèdent d'un arrêt cardiaque, 20 000 décès sont imputables aux accidents domestiques et la route a tué 4 000 personnes. On estime que, dans 30 % des cas, le décès aurait pu être évité s'il avait été prodigué des soins de premiers secours dans les minutes suivant l'accident. » Faut-il en conclure qu'il nous faudra, à l'avenir, compter principalement sur les jeunes collégiens pour intervenir dans de telles situations ?
Lors de la réunion de la commission, j'ai formulé deux observations que je voudrais reprendre ici. Comment se fait-il que, dans notre pays, chaque fois que notre société rencontre un problème, on ait tendance à demander à l'école, ou plus exactement au système éducatif, de le prendre en charge et surtout de le résoudre ? Ne croyez-vous pas, mes chers collègues, que les enseignants, les jeunes, qu'ils soient dans le primaire, au collège ou au lycée, ont déjà suffisamment de matières à étudier et d'épreuves à passer et qu'il n'est peut-être pas nécessaire d'en ajouter d'autres, quand bien même ce serait en se fondant sur un constat dont on ne nie pas la justesse ? Ce que demandent les programmes et les rythmes scolaires, ce n'est pas plus d'enseignements, mais un enseignement de meilleure qualité et probablement plus personnalisé.
Ma seconde remarque est plus spécifique à la proposition de loi. Nous parlons de collégiens c'est-à-dire de jeunes ayant entre onze et quinze ans. Certes – nous partageons en cela l'avis du rapporteur –, l'apprentissage des gestes de premiers secours est utile, mais pense-t-on réellement que c'est à des garçons et à des filles aussi jeunes qu'il faut confier la responsabilité d'intervenir dans les situations qu'évoque l'exposé des motifs ? Loin d'être polémique, la question mérite d'être examinée avec la plus grande attention.
En conséquence, ne voulant pas être comptable de votre temps, comme mon collègue Xavier Breton, je ne voterai pas cette proposition de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la proposition de loi de mes collègues Hervé Féron, et Pascal Deguilhem instaurant une épreuve de formation aux premiers secours pour les candidats au diplôme national du brevet a un objectif : faire baisser le nombre de décès imputables aux accidents domestiques et aux accidents de la route.
L'exposé des motifs le précise : chaque année, en France, 60 000 personnes décèdent d'un arrêt cardiaque, 20 000 décès sont imputables aux accidents domestiques et la route tue 4 000 personnes. Dans 30 % des cas, le décès aurait pu être évité si des soins de premiers secours avaient été prodigués dans les minutes qui suivent l'accident.
L'exposé des motifs n'est pas polémique : former les collégiens aux premiers secours répond à un enjeu de santé publique, de prévention et de sécurité civique. Nous proposons donc que, pour obtenir le brevet des collèges, ils suivent la formation Prévention et secours civiques de niveau 1. Cette formation peut être dispensée durant une dizaine d'heures sans prérequis à partir de dix ans : elle est donc largement accessible aux collégiens.
Une circulaire du 24 mai 2006, relative à l'éducation à la responsabilité en milieu scolaire, proposait déjà que les collégiens soient formés aux gestes de premiers secours. Force est de constater que, depuis 2007, faute de volonté politique et de moyens, seuls 166 773 collégiens ont été formés. Durant l'année scolaire qui vient de s'achever, ce sont seulement 16,3 % des élèves qui ont été formés. Deux ans auparavant, seulement 2,7 % des collégiens l'avaient été. Le progrès est notable, mais nous partons de très loin.
Forts de ce constat, nous présentons cette proposition de loi qui, pour de nombreuses raisons, va plus loin que le dispositif élaboré il y a cinq ans.
Nous ne proposons pas d'imposer aux collégiens une épreuve de plus pour valider leur premier examen. Il s'agit aussi de créer un moment de prise de conscience chez le collégien par des rencontres citoyennes.
Le choix de volontaires du service civique pour assurer cette formation n'est pas innocent. Nous souhaitons provoquer un moment d'échanges entre le candidat et ces jeunes qui, pour une période de six ou douze mois, se sont mis au service de la société. Cet état d'esprit, nous l'espérons, sera aussi transmis aux collégiens. Plus qu'une formation aux gestes qui sauvent, il s'agira d'éveiller leur conscience citoyenne, l'envie de s'investir au service de l'intérêt général. Ce sont là deux piliers de notre République, qui parfois semble s'être perdue dans le confort égoïste de notre société occidentale, riche et protégée.
Ensuite, mes chers collègues, le choix du SDIS n'est pas non plus anodin. Nous proposons aux collégiens une nouvelle rencontre, cette fois avec les sapeurs-pompiers. Les 205 000 sapeurs-pompiers volontaires constituent l'ossature de la sécurité civile en France et plus particulièrement en zone rurale, où ils sont généralement les seuls à pouvoir intervenir dans les plus brefs délais. Dans mon département rural, 85 % des pompiers sont des volontaires et ils interviennent dans 75 % des missions.
Ils doivent aujourd'hui assurer des interventions de plus en plus nombreuses. Durant les trente dernières années, le nombre d'interventions a été multiplié par vingt. Elles se sont diversifiées, avec des effectifs en diminution et nettement moins importants que dans les pays voisins : on compte un sapeur-pompier volontaire pour 270 habitants en France, contre un pour soixante-dix habitants en Allemagne.
Les dispositions de la loi du 13 août 2004 de modernisation de la sécurité civile en faveur des sapeurs-pompiers volontaires n'ont pas enrayé la constante diminution de leurs effectifs. Par ailleurs, la durée des engagements est de plus en plus courte et, si l'on compte la période de formation, il est à craindre que la situation ne devienne inquiétante à court terme. La rencontre entre les personnels des SDIS et les jeunes collégiens sera aussi l'occasion de tisser des liens entre eux, et, pourquoi pas, de susciter des vocations chez ces derniers.
Si nous avons choisi de conditionner l'obtention du brevet des collèges, c'est parce que, depuis 2007, ce diplôme n'est plus seulement la validation d'un socle de savoirs. Il englobe désormais des éléments de savoir-vivre et de savoir-être. En effet, depuis cette date, ce diplôme comporte aussi une note dite de « vie scolaire », qui évalue l'assiduité de l'élève, son respect du règlement intérieur, sa participation à la vie de l'établissement et son obtention de l'attestation scolaire de sécurité routière.
L'ajout de la formation PSC1 au brevet des collèges peut aussi permettre de revaloriser ce diplôme aux yeux de l'élève. Celui-ci ne sera plus seulement détenteur d'un savoir académique. Grâce à cette formation, il sera en mesure de devenir le premier maillon de la chaîne de secours. Il pourra sauver des vies.
Vous l'avez compris, notre proposition de loi vise à répondre à un enjeu de santé publique. Nous avons choisi pour cela de favoriser et de promouvoir des valeurs comme le vivre-ensemble, le volontariat, l'engagement citoyen, en proposant que la formation soit dispensée par les volontaires du service civique.
En imposant cette épreuve aux candidats du diplôme du brevet des collèges, nous souhaitons conserver la place privilégiée de l'école de la République pour cette formation, tout en créant un lien avec les sapeurs-pompiers. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Monsieur le président, en application de l'article 96 du règlement de l'Assemblée, le Gouvernement demande la réserve des votes sur la présente proposition de loi.
Monsieur le ministre, je vous ai entendu prononcer avec plaisir les mots de « générosité », de « noblesse », parler des « bonnes intentions » de cette proposition de loi. La plupart de nos interlocuteurs – toutes les personnes auditionnées lors de l'examen de la proposition de loi, presque tous les députés qui se sont exprimés en commission – ont utilisé ce vocabulaire. J'ai donc l'impression qu'un socle commun nous réunit tous.
Dans la première partie de votre intervention, monsieur le ministre, vous avez évoqué divers éléments qui recoupent presque tous ceux que nous avons développés dans le cadre de nos interventions en défense de cette proposition de loi : nous formulons donc tous un même diagnostic. Nous sommes d'accord sur l'engagement de l'éducation nationale et sur la progression à laquelle vous avez fait référence. Il y a effectivement une progression, mais les chiffres, vous le reconnaîtrez, démontrent l'insuffisance des moyens aujourd'hui mis en oeuvre.
Vous avez dit, monsieur le ministre, que cet engagement ne relève pas de la seule responsabilité de l'éducation nationale. Cela correspond bien aux moyens nouveaux que nous proposons dans notre proposition de loi. Il n'y a pas de révolution, nous proposons quelques moyens supplémentaires, en complémentarité de l'action de l'éducation nationale, appelée elle-même à se développer et à progresser.
La formation aux premiers secours, qui existe déjà, n'est pas validée dans le cadre du brevet des collèges. J'ai envie de répondre à Xavier Breton que nous conditionnons l'obtention du brevet à la formation, et non aux résultats. Cette formation est déjà prévue par la loi. Éric Berdoati évoque une épreuve supplémentaire. Il ne s'agit pas de cela, mais de valider, à l'occasion de l'obtention du brevet des collèges, une formation qui n'est pas reconnue aujourd'hui dans ce cadre. Or il serait important qu'elle le soit, car la formation aux premiers secours est le prolongement des compétences sociales et civiques qui figurent dans le socle commun. Elle est, bien sûr, un enjeu de société, mais aussi un enjeu éducatif et un enjeu pédagogique.
Vous m'avez demandé, monsieur le ministre, si nous faisions confiance aux acteurs éducatifs, qui s'emploient chaque jour à travailler avec les enfants. Évidemment : notre texte ne propose rien d'autre que ce qui se développe aujourd'hui, mais apporte des moyens complémentaires. En plus de tout ce que l'éducation nationale développe et a l'intention de développer, nous préconisons la mise à disposition de « services civiques », employés par les SDIS, voire par les unions départementales de sapeurs pompiers – c'est l'objet d'un de nos amendements –, puisqu'elles ont emporté l'appel d'offres et sont chargées de la formation des volontaires « service civique », tous employeurs confondus.
Vous avez évoqué le chiffre de 27 millions d'euros. Peut-être me suis-je mal exprimé dans mon propos introductif, mais cette somme a été calculée en prenant pour hypothèse le fait que nous atteindrions d'un seul coup les objectifs des précédentes lois. Nous proposons de différer l'exécution de ce texte à 2014, pour laisser à l'éducation nationale le temps de monter en puissance. Il est faux de penser que cela coûterait subitement 27 millions d'euros. J'ai rappelé que le budget était d'un peu plus de 1 milliard d'euros.
Xavier Breton parle d'une progression de 50 % du nombre de collégiens formés : permettez-moi de dire que c'est un peu facile, car 50 % de pas grand-chose, cela ne fait pas beaucoup !
Nous reconnaissons volontiers cette progression, mais nous voulons l'amplifier.
Notre proposition de loi, dites-vous, repose sur les intentions les plus louables. Dans ces conditions, je me demande si votre opposition n'est pas simplement de principe.
Éric Berdoati, vous détournez le sens de notre proposition. Notre objectif n'est pas de confier aux collégiens en âge de passer le brevet la responsabilité de sauver le monde !
Françoise Imbert et Colette Langlade ont parfaitement démontré que notre démarche visait à éduquer à la solidarité et à former à la citoyenneté active, à un âge où les collégiens sont particulièrement réceptifs. Un ancien instituteur, aujourd'hui président de conseil général, nous l'a confirmé. Au moment du brevet, les jeunes sont très sensibles à ces valeurs nobles que sont la conscience citoyenne et le sens de l'intérêt général, ces deux piliers de notre République. C'est tout le sens de notre proposition de loi.
Colette Langlade ainsi que Pascal Deguilhem ont insisté sur l'importance du choix des SDIS et des services civiques. Là aussi, il s'agit de la construction de la citoyenneté active en complémentarité avec l'éducation nationale. Il était important de redonner du sens à cette proposition de loi, car il me semble, monsieur le ministre, chers collègues, que vous l'ayez mal comprise. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
J'appelle maintenant les articles de la proposition de loi dans le texte dont l'Assemblée a été saisie initialement, puisque la commission n'a pas adopté de texte.
En application de l'article 96 du règlement, le Gouvernement a demandé la réserve des votes.
La réserve est de droit.
Il s'agit de rédiger ainsi le début de l'alinéa 2 de l'article 1er :
« À compter de la session 2014, l'obtention… (le reste sans changement). »
Cet amendement vise à permettre une montée en puissance progressive du dispositif proposé : en prévoyant que celui-ci ne s'appliquera qu'à compter de la session 2014 de l'examen du brevet, l'éducation nationale disposera du temps nécessaire pour généraliser la formation dans de bonnes conditions.
Il s'agit d'un amendement rédactionnel. Dans la mesure où le Gouvernement est défavorable à l'ensemble de la proposition de loi, il ne peut être qu'émettre un avis défavorable à l'amendement.
(Le vote de l'amendement n° 8 est réservé.)
À l'alinéa 2, après le mot « assurée », nous proposons d'insérer le mot : « notamment ».
La rédaction actuelle de l'article 1er tendrait à confier aux seuls volontaires du service civique la formation aux premiers secours en milieu scolaire. L'amendement vise à s'assurer notamment que les personnels de l'éducation nationale – enseignants ou infirmiers scolaires par exemple – ayant suivi une formation en secourisme, pourront continuer, comme ils peuvent le faire aujourd'hui, à participer à cette action éducative.
Monsieur le rapporteur, permettez au membre de la commission des lois que je suis d'indiquer que la portée juridique de l'adverbe « notamment » est très discutable.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Je ne suis pas favorable à votre amendement, monsieur le rapporteur. Je rappelle que l'éducation nationale compte aujourd'hui 5 500 moniteurs – infirmières, médecins scolaires, enseignants – qui interviennent dans les établissements scolaires pour former les élèves aux premiers secours. J'ai évoqué tout à l'heure la convention que j'ai eu l'occasion de signer avec la MAIF. Une autre le sera bientôt avec la Croix-Rouge.
Avec cet amendement, vous proposez que des volontaires du service civique participent à cette mission de formation des élèves. Je veux vous rappeler que seule une association française ou une fondation reconnue d'utilité publique peuvent engager des volontaires du service civique. La Croix-Rouge et la MAIF peuvent d'ores et déjà avoir recours à des volontaires du service civique. Votre amendement est donc satisfait.
(Le vote de l'amendement n° 2 est réservé.)
Je suis saisi d'un amendement n° 3 .
Il s'agit d'une correction d'une erreur matérielle.
Le Gouvernement n'étant pas favorable à la proposition de loi, il n'est pas favorable non plus à cet amendement.
(Le vote de l'amendement n° 3 est réservé.)
(Le vote de l'article 1er est réservé.)
Je suis saisi d'un amendement n° 7 portant article additionnel après l'article 1er.
La parole est à M. le rapporteur.
Il s'agit d'un amendement de coordination concernant l'application de l'article 1er de la proposition de loi en Polynésie et en Nouvelle-Calédonie.
La commission a donné un avis défavorable.
Même avis que la commission.
(Le vote de l'amendement n° 7 est réservé.)
La commission et le Gouvernement y sont défavorables.
(Le vote de l'amendement n° 4 est réservé.)
L'amendement, qui a été rejeté par la commission, entend compléter l'article 2 par les mots : « ou avec le concours des unions départementales de sapeurs-pompiers. » Il vise à préciser que les volontaires du service civique peuvent effectuer leur mission de formation aux gestes de premiers secours avec le concours des unions départementales de sapeurs-pompiers, qui rassemblent les amicales de sapeurs-pompiers et comprennent toutes des sections de secourisme. Or ce sont elles qui forment d'ores et déjà les jeunes volontaires du service civique à la PSC1. Elles disposent donc d'une expertise de formateur qui pourrait être utilement employée en milieu scolaire pour atteindre les objectifs que nous poursuivons.
J'ajoute que c'est la Fédération nationale des sapeurs-pompiers qui nous a suggéré de ne pas nous priver de cette ressource. Je vous invite donc, mes chers collègues, à voter cet amendement.
Dans son article L. 312-13-1, le code de l'éducation prévoit que la formation aux premiers secours est assurée par des formations habilitées ou des associations agréées pour les formations aux premiers secours. Si les unions départementales de sapeurs-pompiers sont agréées pour la formation aux premiers secours, rien n'interdit actuellement qu'elles concourent à délivrer cette formation, y compris en ayant recours à des engagés du service civique.
Votre proposition, monsieur le rapporteur, est donc satisfaite par les dispositions en vigueur. Le Gouvernement propose que vous retiriez cet amendement. À défaut, il émettra un avis défavorable.
C'est une surprise ! (Sourires.)
J'imagine que vous retirez l'amendement ?
Le Gouvernement y est défavorable.
(Le vote de l'amendement n° 1 est réservé.)
En application de l'article 44, alinéa 3, de la Constitution, le Gouvernement demande à l'Assemblée nationale de se prononcer par un seul vote sur les amendements, les articles et l'ensemble de la proposition de loi.
Je rappelle que la conférence des présidents a décidé que les explications de vote et le vote, par scrutin public, sur l'ensemble de la proposition, auront lieu le mercredi 12 octobre, après le débat préalable au Conseil européen.
Prochaine séance, mardi 11 octobre 2011 à quinze heures :
Questions au Gouvernement ;
Quatre votes solennels sur :
Le projet de loi relatif aux droits des consommateurs ;
La proposition de loi relative aux hydrocarbures non conventionnels ;
La proposition de loi relative à l'urbanité ;
La proposition de loi relative au taux de sucre des produits vendus dans les régions d'outre-mer ;
Discussion de la proposition de loi relative à la simplification du droit et à l'allègement des démarches administratives.
La séance est levée.
(La séance est levée à vingt-deux heures cinquante-cinq.)
Le Directeur du service du compte rendu de la séance de l'Assemblée nationale,
Nicolas Véron