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Intervention de Hervé Féron

Réunion du 6 octobre 2011 à 21h45
Épreuve de formation aux premiers secours — Discussion d'une proposition de loi

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaHervé Féron :

Monsieur le président, monsieur le ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et de la vie associative, mes chers collègues, la proposition de loi que j'ai grand plaisir à vous présenter vise à faire de la formation aux premiers secours une priorité à l'école.

Des milliers de décès dus aux accidents domestiques ou aux accidents de la route auraient pu être évités tous les ans si des soins de premier secours avaient été prodigués à temps aux victimes.

La loi du 9 août 2004 relative à la politique de santé publique et la loi du 13 août 2004 de modernisation de la sécurité civile ont pris acte de cet enjeu de santé publique en instaurant dans les établissements d'enseignement public et privé sous contrat une obligation de formation aux gestes qui peuvent sauver des vies.

Chacun conviendra qu'une telle formation constitue à la fois un enjeu de santé publique et un enjeu pédagogique et éducatif. Ainsi, dans le primaire, un dispositif APS, « Apprendre à porter secours », a été initié dès 1997 par les ministères de l'éducation nationale et de la santé. Intégré dans les programmes scolaires, il comporte un apprentissage des principes simples pour porter secours.

Les dispositions législatives et réglementaires adoptées depuis lors ont, en principe, donné un nouvel élan à ce dispositif qui prend notamment appui sur trois éléments.

Premièrement, il repose sur les programmes d'enseignement du primaire de 2008 qui précisent qu'il est attendu de l'élève qu'il puisse, au titre des compétences sociales et civiques du socle commun, prodiguer, à la fin du CM2, quelques gestes de premier secours.

Deuxièmement, il se réfère au livret personnel de compétences de l'élève, entré en vigueur à la rentrée scolaire 2010, qui doit indiquer si l'attestation « Apprendre à porter secours » a été délivrée ou non.

Troisièmement, il s'appuie sur la règle selon laquelle, depuis 2006, pour s'inscrire au concours de recrutement de professeurs des écoles, une attestation certifiant une qualification en secourisme est exigée.

Dans le second degré, le législateur a prévu, aux termes de l'article L. 312-16 du code de l'éducation, qu'un cours d'apprentissage sur les premiers gestes de secours doit être délivré aux élèves de collège et de lycée. Ainsi, au collège, l'élève bénéficie, en principe du moins, de la formation appropriée jusqu'à l'obtention de l'unité d'enseignement PSC1, « prévention et secours civiques de niveau 1 », qui tient compte de la formation dispensée à l'école primaire. Selon le référentiel de compétences de sécurité civile, chaque élève doit devenir un « citoyen de sécurité civile à part entière ». Les compétences acquises dans ce domaine en font bien, en cas d'accident, « le premier maillon de la chaîne de secours en France ».

En matière de formation de premiers secours, le cadre législatif et réglementaire est donc très riche. Cependant, force est de constater qu'il n'a pas encore permis de généraliser une formation essentielle à la construction d'une société plus solidaire et plus responsable.

En effet, les données disponibles tendent à indiquer que les objectifs fixés par le législateur ne pourront pas être atteints rapidement.

Ainsi, 480 525 écoliers seulement ont été formés depuis 2007, soit 3,8 % des élèves pour l'année scolaire 2007-2008 ; 4,3 % en 2008-2009 et 4,7 % en 2009-2010. Dans le second degré, 166 773 collégiens seulement ont été formés depuis 2007, soit 2,7 % des élèves en 2007-2008 ; 4,3 % en 2008-2009, et 16,3 % des élèves en 2009-2010.

Conscient de ce bilan mitigé, le ministère de l'éducation nationale intensifie ses efforts de formation. L'année prochaine, 730 moniteurs devraient rejoindre les 5 500 qui exercent déjà, qu'ils soient médecins, infirmiers scolaires, enseignants ou CPE. En outre, une convention a été signée entre la MAIF et le ministère de l'éducation nationale visant à améliorer l'accès des élèves à la formation ; une autre est en préparation avec la Croix-Rouge. Par ailleurs, une réflexion est engagée sur l'intégration de cette formation dans les programmes d'éducation physique et sportive.

Nous saluons ces initiatives, mais nous craignons qu'elles ne soient pas suffisantes pour enraciner, rapidement, l'apprentissage des premiers secours à l'école. Pour y parvenir, il faudrait que cette formation bénéficie de l'effet levier qu'ont traditionnellement dans notre système éducatif les examens sur les connaissances et les compétences acquises par les élèves.

C'est pourquoi la présente proposition de loi prévoit d'adosser cette formation au brevet des collèges. Le choix de ce diplôme s'impose pour trois raisons.

Tout d'abord, le rattachement de la formation à un examen organisé en classe de troisième permet de toucher la quasi-totalité d'une classe d'âge : en 2009, 80 % des élèves ont passé le brevet alors qu'il n'ont été que 64,5 % à accéder à la filière générale du lycée.

Ensuite, la condition qu'il est proposé d'ajouter pour obtenir le diplôme national du brevet s'appuie sur un enseignement déjà dispensé, du moins en principe. En effet, sur le fondement des lois précitées du 9 août et du 13 août 2004, une unité d'enseignement, appelée « prévention et secours civiques de niveau 1 », a été instituée en 2007 et le référentiel relatif à cette unité d'enseignement précise que sa durée est d'environ dix heures.

Enfin, depuis la loi du 23 avril 2005 d'orientation et de programme pour l'avenir de l'école, le diplôme national du brevet atteste la maîtrise des connaissances et des compétences du socle commun. Cette maîtrise est certifiée par le livret personnel de compétences, dont je rappelle qu'il doit indiquer si la formation « prévention et secours civiques de niveau 1 » a été suivie par l'élève. Toutefois, aujourd'hui, ainsi que le précise une circulaire du 18 juin 2010, cette attestation n'est pas nécessaire pour la validation du socle commun ni, par conséquent, pour l'obtention du brevet. Il convient donc de mettre un terme à cette non-reconnaissance de la formation par le brevet et de donner à cet enseignement la place qui doit être la sienne à l'école.

Dans ce but, l'article 1er de la proposition de loi prévoit de compléter les conditions d'obtention de ce diplôme, définies à l'article L. 332-6 du code de l'éducation, afin de les lier au suivi d'une formation en milieu scolaire de dix heures aux premiers secours.

L'article 1er de la proposition de loi précise que la formation aux premiers secours serait dispensée par des volontaires du service civique. L'article 2 prévoit que ces derniers effectueraient cette mission dans le cadre des conventions conclues entre les départements et les SDIS, les services départementaux d'incendie et de secours.

Cette convention, qui a vocation à régler les relations entre la collectivité territoriale et les établissements publics – à savoir les SDIS qui sont les mieux placés pour organiser, localement, l'apprentissage des gestes de premiers secours –, devrait offrir un cadre adapté à l'offre de formation, propre à dynamiser celle-ci. En outre, faire assurer cette formation par des jeunes ayant choisi de s'engager au titre du service civique, ne pourrait qu'en renforcer la dimension citoyenne.

Par ailleurs, en nous appuyant sur les SDIS et sur les unions départementales de sapeurs pompiers, comme je le proposerai en défendant un amendement, nous mettrions en place un cadre qui pourrait susciter des vocations d'autant plus nécessaires que les corps des sapeurs-pompiers connaissent actuellement une crise de recrutement.

Au total, nous voulons mettre en place un dispositif volontariste qui s'adresse à une tranche d'âge ayant la maturité nécessaire pour percevoir les enjeux.

Ce texte aura aussi pour grand mérite de valoriser des compétences non académiques, ce qui constitue un plus dans un système scolaire qui dévalorise les élèves les plus fragiles et qui pourrait être qualifié d'hyperdisciplinaire.

En conclusion, mes chers collègues, je formule le voeu que nous nous retrouvions tous autour de cette initiative réaliste et de bon sens dont la portée éducative sera considérable et qui permettra d'ouvrir l'école de la République sur son environnement.

Certains d'entre vous se sont inquiétés du coût d'un tel dispositif : 27 millions d'euros, selon la direction générale de l'enseignement scolaire. Mais c'est dans l'hypothèse d'une mise en oeuvre immédiate, exigeant le recrutement de personnels supplémentaires. Or, si les amendements que je vous propose étaient adoptés, cette formation serait dispensée par les moniteurs existants et d'autres intervenants comme les volontaires du service civique. En outre, l'application de la loi serait différée – autant de mesures destinées à faire baisser les besoins de financement. Enfin, je vous rappelle qu'il ne s'agira que de mobiliser un petit pourcentage d'un budget supérieur à un milliard d'euros.

Je vous proposerai d'adopter huit amendements pour la plupart rédactionnels. Deux d'entre eux, inspirés par ce souci de réalisme que j'évoquais, ont une portée plus grande : le premier vise à prévoir une entrée en vigueur du dispositif en 2014 afin de donner à l'éducation nationale le temps de s'organiser ; le second tend à permettre que la formation aux premiers secours puisse être assurée par des intervenants autres que les volontaires du service civique.

Je vous invite à faire le pari d'une école plus solidaire, plus engagée et plus ouverte. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

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