Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, monsieur le rapporteur, l'actualité est malheureusement jalonnée de ces drames devant lesquels notre première réaction tient bien souvent en ces quelques mots : « S'ils avaient su… » : s'ils avaient su comment réagir ; s'ils avaient su porter secours par les bons gestes ; s'ils avaient su simplement aider pour sauver.
Notre école n'est évidemment pas protégée de ces accidents qu'il est impossible de prévoir. Parce qu'elle est le lieu fondamental des apprentissages pour toute une classe d'âge, parce qu'elle est ce lieu d'une appréhension globale des perspectives de santé, parce qu'elle est le creuset de notre solidarité, elle a assurément toute légitimité pour accueillir une formation aux premiers secours. Je ne conteste absolument pas ce point, bien au contraire.
Je tiens d'ailleurs à signaler que, depuis plusieurs années, elle s'est engagée dans la mise en oeuvre de cette ambition, avec ce que l'on appelle la formation PSC1, prévention et secours civiques de niveau 1, dont vous me permettrez de préciser comment elle s'inscrit au sein de la scolarité.
Le PSC1 est aujourd'hui reconnu au sein du livret personnel de compétences au même titre que l'attestation scolaire de sécurité routière.
Comme pour cette dernière, le suivi du PSC1 est donc reconnu par la délivrance d'une attestation, elle-même incluse dans le livret personnel de compétences. Mais soyons clair, monsieur le rapporteur : cette attestation n'est pas exigée pour la validation du socle commun de connaissances et de compétences et n'est en aucun cas obligatoire pour l'obtention du diplôme national du brevet.
Au cours des quatre dernières années, cette formation, dispensée aux élèves de troisième, n'a cessé de monter en puissance : en 2007-2008, 8,5 % des élèves de troisième, soit 63 613 élèves avaient reçu cette formation ; en 2008-2009, ils étaient 9,8 %, soit 73 848 élèves ; en 2009-2010, ils étaient 12,4 %, soit 92 925 élèves. L'augmentation du nombre d'élèves ayant reçu cette formation aura donc été de 50 % en deux ans.
Pour assurer cette formation, l'éducation nationale dispose d'un personnel nombreux et formé à ses exigences. Aujourd'hui, 173 instructeurs actifs, soit entre quatre et six par académie, organisent les formations initiales et 5 500 moniteurs interviennent dans les établissements scolaires publics et privés : infirmières, médecins scolaires, enseignants, CPE, personnels administratifs. Pour cette année scolaire, 2011-2012, soixante-treize sessions de formation initiale de moniteurs sont prévues dans les budgets de formation des académies, ce qui portera à plus de 6 200 le nombre de moniteurs aptes à transmettre cette formation à la fin de l'année, soit 730 moniteurs supplémentaires pour juin 2012.
En outre, nous veillons à adapter cette formation à l'évolution des exigences et des outils : c'est pourquoi nous avons prévu cette année 450 journées de formation continue des moniteurs.
Vous le voyez, mesdames et messieurs les députés, notre engagement est déterminé et en progression. II est aussi ouvert et concerté : ouvert aux énergies extérieures à l'école ; concerté avec les acteurs investis dans ce domaine.
C'est tout le sens du partenariat que nous avons noué en décembre 2010 par un accord cadre avec la MAIF, accord cadre confirmé le 21 juin dernier par une convention par laquelle la MAIF s'engage à prendre en charge financièrement la formation pédagogique des instructeurs et, parallèlement, à assurer la formation de moniteurs dans les académies déficitaires.
Dans le cadre du plan santé 2011-2015, je signerai également très prochainement un accord avec un autre grand partenaire : la Croix-Rouge, qui pourra ainsi mobiliser son réseau de bénévoles ou de professionnels, notamment pour le premier axe d'action envisagé : la formation aux premiers secours et à la prévention des risques.
Ce type de convention comporte plusieurs avantages. Il permet le partage d'expériences, notamment au contact d'acteurs qui sont très investis sur ces questions. Il permet également de mobiliser des personnels aguerris à ces enjeux. Aussi, je vous le dis : nous prolongerons ce type de conventionnement afin de démultiplier notre action et de conduire une politique de formation active.
Car cet enjeu fondamental, s'il concerne évidemment l'école, ne relève pour autant pas de la seule responsabilité de l'éducation nationale, monsieur le rapporteur.
C'est pourquoi nous menons une réflexion concertée avec les ministères de l'intérieur et de la santé pour envisager le début de cette formation en amont de la classe de troisième, notamment en prenant appui sur les initiations déjà dispensées dans le primaire dans le cadre de l'action « Apprendre à porter secours », ainsi que dans le cadre des programmes scolaires.
Notre engagement en faveur de la formation aux premiers secours est donc fort. Et devant cet enjeu, devant l'importance que peut revêtir la maîtrise de ces gestes, nous savons combien nous pouvons encore mieux faire.
Je ne discute pas, monsieur le rapporteur, l'intérêt, la noblesse et la générosité de la mesure que vous proposez. Mais je voudrais vous demander, à l'heure où les enquêtes internationales nous démontrent que nous devons nous recentrer sur les missions fondamentales de l'école, s'il est pertinent d'intégrer ce nouvel enjeu dans un diplôme dont l'objectif premier est précisément de reconnaître la maîtrise de ces fondamentaux. Est-il pertinent de consacrer à cette formation des heures d'enseignement obligatoire ? Et est-ce à l'école seule d'assurer une formation aux premiers secours à destination de tous les jeunes ? Sincèrement, je ne le crois pas.
Je le crois d'autant moins que ce que vous proposez viendrait altérer non seulement la nature même du PSC1, mais aussi celle du diplôme national du brevet.
Car le PSC1, aujourd'hui, est une attestation délivrée par un moniteur à un élève qui a suivi de façon assidue et active la formation. Cette attestation ne résulte absolument pas d'une évaluation formelle des acquis, à la différence notable des autres acquis exigés pour obtenir le DNB.
Permettez-moi également d'entrer dans la logique de votre mesure. Vous proposez que le PSC1 devienne obligatoire pour l'obtention du DNB, c'est-à-dire : que son attribution soit accordée par un moniteur, sans décision collégiale ; que ce PSC1 ne soit pas compensable avec les autres composantes du DNB ; et, a contrario, que l'absence de sa validation entraîne la non-délivrance du DNB.
Cela signifierait donc que le PSC1 aurait, au sein du DNB, plus d'importance que la maîtrise des sept compétences du socle commun de connaissances et de compétences, le contrôle continu et les épreuves terminales. Cela me paraît démesuré, monsieur le rapporteur, au regard des objectifs premiers de ce diplôme.
C'est aussi inenvisageable d'un point de vue organisationnel. Car supposez que, pour une raison locale particulière, la formation ne puisse avoir lieu, ou qu'il advienne que des élèves ne bénéficient pas de l'intégralité des dix heures de formation – en raison, par exemple, d'une absence liée à la maladie – et qu'ils ne se voient ainsi pas remettre leur attestation : la conséquence pour ces élèves serait, vous en conviendrez, totalement disproportionnée par rapport à l'importance du DNB.
En outre, organiser cette nouvelle épreuve, et donc mettre en oeuvre toute la logistique requise pour l'ensemble d'une classe d'âge, entraînerait une tension supplémentaire dans le dispositif déjà lourd du DNB : elle requerrait un effort global des acteurs éducatifs, qui sont déjà très investis. Car c'est là une responsabilité lourde, dont il faut mesurer l'impact global sur le fonctionnement de notre système éducatif.
Je veux ensuite, monsieur le rapporteur, évoquer l'impact budgétaire de cette proposition. Dans le contexte que vous connaissez, un premier chiffrage réalisé par mes services me permet de vous donnez quelques éléments. Votre proposition, ce sont 66 000 sessions de formation supplémentaires et plus de 7,7 millions d'euros pour le recrutement de près d'un millier de volontaires du service civique. Je passe sur le coût engendré par leur propre formation. Mais surtout, à ce premier effort financier, il faudrait ajouter plus de 27 millions d'euros pour que ces volontaires soient accompagnés dans les classes par un enseignant. Et je ne parle même pas du coût du matériel nécessaire à la formation.
Monsieur le rapporteur, votre idée est généreuse. Elle est fondée sur un constat que nous faisons tous. Mais j'ai la conviction qu'elle reste une fausse bonne idée. La formation aux premiers secours est assurément un enjeu de société majeur. Le service civique est un formidable dispositif pour les jeunes. Mais lier les deux au sein de notre école sans envisager les exigences et les suites d'une telle mesure entraînerait, à mon sens, plus de désagréments que d'avantages. Cela reviendrait, ensuite, à ignorer l'effort d'ores et déjà engagé pour assurer cette formation.
Car l'éducation nationale, en matière de formation aux premiers secours, dispose d'un système qui fonctionne et monte progressivement en puissance, d'un système qui s'appuie sur l'expérience de moniteurs formés et reconnus, d'un système qui valide une compétence acquise sans en faire pour autant un réquisit pour l'obtention d'un diplôme censé reconnaître la maîtrise des fondamentaux.
Monsieur le rapporteur, la question que je voudrais vous poser en conclusion, c'est de savoir pourquoi nous ne ferions pas confiance aux acteurs éducatifs qui, chaque jour, s'engagent auprès de nos enfants, sur ce sujet des premiers secours comme sur tous les autres. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)