Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, bien que réduite, dans son intitulé, à la modification de l'examen national du brevet, cette proposition de loi concerne en réalité l'ensemble de la population de ce pays. Nous tentons, à travers ce texte, de réduire notre incapacité à faire qu'une majorité de citoyens soient formés aux premiers secours.
Ce n'est pas que le législateur ne s'en soit pas préoccupé, loin de là. Il y a sur le sujet une foultitude de textes, parmi lesquels on peut retenir les lois de santé publique ou de modernisation de la sécurité civile, qui ont instauré dans les établissements d'enseignement une obligation de formation aux gestes destinés à sauver des vies.
Le code de l'éducation prévoit aujourd'hui cette formation, tant dans les collèges que dans les lycées. Dans son Bulletin officiel, l'éducation nationale précisait déjà, en 1997, les contours de cette formation dans le cadre de l'éducation civique pour permettre de développer dès l'école un véritable esprit de solidarité.
D'autres que le législateur, par la voie de grands organismes, par exemple la Croix-Rouge, ont beaucoup fait pour promouvoir l'apprentissage des gestes qui sauvent.
La belle ambassadrice Adriana Karembeu a sans doute aussi contribué à faire bouger les chiffres à la hausse.
Mais rien, fondamentalement, n'a changé. Vous avez rappelé que, aujourd'hui, trop peu d'élèves peuvent bénéficier de cette formation.
Trop peu de Français, comparativement à des pays européens particulièrement en pointe sur la question, sont initiés aux premiers secours.
Et pourtant, nous sommes tous concernés. Cela peut être important dans la vie de tous les jours, au sein de la famille, où il s'agit de secourir un proche et pas nécessairement un inconnu. Dans le temps scolaire lui-même, notre collègue Pérat rappelait en commission l'importance de connaître les premiers gestes à l'occasion d'accidents survenus au cours des séances d'éducation physique ou sur les terrains du sport scolaire. Dans le monde du travail, enfin, la connaissance des premiers secours peut aussi trouver à s'exercer.
En France, on estime que la survie, suite à un arrêt cardiaque par fibrillation ventriculaire pourrait passer de 3 à 30 % si l'alerte et les gestes de premiers secours étaient apportés de façon précoce.
Cela nous interroge d'autant plus que dans les trois quarts des cas, ces accidents cardiaques ont lieu en présence de personnes dont on peut regretter qu'une seule d'entre elles sur dix, en moyenne, est en capacité de réaliser ces premiers gestes.
D'ailleurs, une centaine de collègues de la majorité ont rappelé dans l'exposé des motifs d'une proposition de loi déposée au mois de mai dernier que de la rapidité des secours et de la qualité des premiers gestes effectués dépend souvent l'avenir d'une victime. Or, poursuivaient-ils, rares sont ceux qui connaissent les gestes simples qui permettent de protéger, d'alerter et de secourir sur le lieu de l'accident. Parfois même, certaines personnes promptes à porter secours peuvent avoir en toute bonne volonté des gestes mal appropriés.
C'est la raison pour laquelle il est urgent, et vous le reconnaissez avec nous, de renforcer la formation aux premiers secours.
Le véhicule que proposaient nos collègues, et que nous proposons aujourd'hui, était l'examen du brevet, en y intégrant une formation obligatoire aux premiers secours : le PSC1.
Nous ne sommes pas les seuls à partager cette idée. Les professionnels de santé la partagent également. Cette proposition permettrait de répondre à une double ambition : d'une part, uniformiser cette formation au niveau national, et d'autre part, valoriser cet apprentissage dans le cadre d'un diplôme national.
Lors de l'examen du texte en commission, certains membres de la majorité ont rejeté l'article 1er, qui prévoit que l'obtention du brevet est conditionnée au suivi d'une formation de dix heures aux premiers secours, et ce en invoquant deux motifs.
Le premier de ces motifs est que le brevet aurait pour seule vocation – et c'est aussi ce que j'ai cru entendre dans vos propos, monsieur le ministre – d'évaluer les acquisitions scolaires. Je ne crois pas que nous soyons ici pour ouvrir le débat sur ce que doivent être les apprentissages à l'école, d'autant plus que je suis persuadé que, dans cette enceinte, tous les collègues ont la même haute idée de l'école. Mais tout de même, il faut rappeler ici ce que nous avons entendu en commission : il était « incongru », il était « baroque », disait notre collègue Grosperrin, de prendre en compte l'apprentissage de la civilité et l'adoption de comportements civiques et responsables dans une note de vie scolaire. Pourtant, nous le savons, ces apprentissages représentent des enjeux majeurs pour le système éducatif.
Le second motif invoqué est la crainte que cette disposition n'alourdisse le système. À cet égard, c'est peut-être l'intitulé de notre proposition de loi qui a pu troubler certains d'entre vous. Peut-être aurait-il été préférable de proposer un autre titre : « prise en compte effective du suivi d'une formation aux premiers secours pour l'obtention du brevet ».
On peut certes attendre que les objectifs de l'article L. 312-16 soient satisfaits. C'est le chemin que vous souhaitez emprunter. Mais on peut aussi, par la voie que nous vous proposons, se donner les moyens de rendre tout simplement les premiers secours obligatoires.
Cela aurait aussi un sens pour les jeunes, qui bénéficieraient presque tous de cette formation PSC 1 de façon uniforme, au même niveau, en quatrième ou en troisième. Ils pourraient effectuer une remise à niveau sur les mêmes bases acquises, quelques années plus tard, à l'occasion de la journée défense et citoyenneté. Ce serait alors la piqûre de rappel indispensable que plusieurs d'entre vous ont évoqué en commission.
Nous avons choisi, pour faire que cette obligation de formation soit satisfaite, de mettre au coeur du dispositif les volontaires engagés du service civique ayant préalablement reçu la formation nécessaire.
Il ne s'agit en aucun cas de les substituer au personnel formé de l'éducation national – nous pouvons d'ailleurs saluer les efforts du ministère sur ce point, tout comme celui des organismes disposant de moniteurs diplômés. Il s'agit simplement, dans le prolongement de la loi instituant le service civique, que nous avons presque tous votée, de confirmer le lien entre éducation et citoyenneté. C'est à mon sens une priorité.
Des réserves ont été émises en commission concernant le cadre d'une convention avec les SDIS, dès lors qu'ils ne sont pas assimilables à des associations ou fondations reconnues d'utilité publique. Dans ce cas, que les conventions soient faites avec les unions départementales, comme le propose notre rapporteur, c'est le bon sens.
Mais quelle valeur attribuer à ces réserves, alors même que dès à présent, des engagés du service civique débutent des missions dans les services de police et de gendarmerie ?
C'est le cas dans mon département où la mission qui vient d'être mise en place en gendarmerie consistera, dans les collèges, en l'animation et l'éducation à la sécurité. C'est là un autre pan prévu dans nos textes pour les collèges.
Les volontaires engagés dans un service civique pourraient donc faire de l'éducation à la sécurité, mais pas de formation aux premiers secours. J'essaie de trouver l'erreur.
Monsieur le ministre, nous avons entendu vos réserves sur cette question, mais nous partageons la même ambition et les mêmes objectifs. Au-delà de quelques préventions de forme, nous pourrions, j'en suis persuadé, en adoptant cette proposition de loi, permettre rapidement à l'ensemble des citoyens de ce pays d'être formé aux gestes qui sauvent. N'est-ce pas là l'essentiel ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)