La Commission entend M. Pierre Lellouche, secrétaire d'État chargé du commerce extérieur, et M. Gilles-Pierre Lévy, président de la deuxième chambre de la Cour des comptes, sur le soutien public aux entreprises exportatrices et la situation du commerce extérieur.
Mes chers collègues, je souhaite la bienvenue, en votre nom et en mon nom personnel, à M. Pierre Lellouche, secrétaire d'État chargé du commerce extérieur, et à M. Gilles-Pierre Lévy, président de la deuxième chambre de la Cour des comptes, l'un et l'autre auditionnés pour la première fois par notre commission dans le cadre de leurs fonctions actuelles.
Cette audition a été proposée par notre rapporteur spécial du commerce extérieur, M. Olivier Dassault, que je remercie de cette initiative.
Les résultats de la balance commerciale au premier semestre 2011 ne sont pas bons. Comme le montre la présentation chiffrée de notre rapporteur spécial, le déficit commercial atteint des niveaux record depuis le début de l'année, et il est peu probable que la tendance se modifie d'ici au 31 décembre. Cette situation n'est pas seulement conjoncturelle, puisque cette dégradation se poursuit continûment depuis 2005, le niveau de déficit étant devenu particulièrement inquiétant depuis l'année dernière.
Rapporté au PIB, le déficit français se situe dans la moyenne européenne. Mais le décrochage de la France par rapport à l'Allemagne, en particulier, est préoccupant. Ainsi, l'année dernière, l'excédent commercial de nos voisins allemands dépassait 150 milliards d'euros alors que notre déficit atteignait 51 milliards.
Pour comprendre les raisons de cette situation et pour réfléchir aux solutions envisageables, nous avons souhaité faire appel d'abord à l'expertise de la Cour des comptes. Dans son rapport public de février dernier, elle a consacré un développement au soutien public aux entreprises exportatrices. Aussi M. Lévy pourra-t-il nous livrer l'appréciation de la Cour sur le degré d'adaptation de notre panoplie d'aides à l'exportation. En outre, la Cour ayant également travaillé sur la comparaison entre la France et l'Allemagne, peut-être pourra-t-il nous éclairer sur la nature du système allemand, quelque peu différent du nôtre.
M. le secrétaire d'État nous exposera ensuite son analyse des causes du recul français – rappelons que la part des exportations françaises dans le PIB mondial a perdu plus de deux points au cours des dix dernières années – et nous indiquera comment le Gouvernement entend y remédier.
Vous l'avez dit, monsieur le président : la situation est grave. Notre commerce extérieur va mal.
Pour expliquer sa dégradation depuis 2000, on peut invoquer une fois de plus la perte de compétitivité de nos entreprises, la rudesse de la concurrence à laquelle nous sommes confrontés, due notamment à la place croissante des pays émergents, le manque d'ouverture des marchés extérieurs, la désindustrialisation de notre pays ou encore l'appréciation continue de l'euro. D'année en année, notre commission en fait l'amer constat : les faits et les chiffres sont alarmants.
Je vous renvoie au document de synthèse qui vous a été remise, et qui présente deux avantages. D'une part, il offre les données statistiques les plus à jour. Je tiens à remercier le cabinet de M. le secrétaire d'État et son administration pour leur diligence. D'autre part, ce document vous évite de subir une litanie d'explications chiffrées – ce qui n'enlève rien, hélas, à l'inquiétude que m'inspire la dégradation de nos performances.
Venons-en aux faits.
Aux travaux de la commission des finances sur le commerce extérieur s'ajoute cette année l'excellente insertion au rapport public de la Cour des comptes, dont je félicite M. le président Lévy.
Monsieur le secrétaire d'État, nous souhaitons prendre le temps d'examiner avec vous la situation très alarmante de notre commerce extérieur, afin de vous aider à définir et à appliquer les stratégies qui permettront à nos entreprises de regagner du terrain à l'exportation. Je sais que c'est là votre principale préoccupation.
Pour y voir plus clair, je souhaite vous poser plusieurs questions.
Tout d'abord, combien de temps encore pourrons-nous tenir notre rang dans les échanges internationaux et, surtout, à quel prix ? Car, si nous parvenons à rester le cinquième exportateur mondial, notre part de marché subit une diminution inquiétante : elle n'est plus, en valeur, que de 3,4 % en 2010, alors qu'elle dépassait 5 % il y a dix ans. La réduction des marges, solution trouvée par nos entreprises pour tenter de maintenir leur compétitivité prix, ne fait qu'affaiblir leur situation financière et ne saurait évidemment servir de stratégie à long terme.
D'autant que notre pays a, plus que jamais, besoin de croissance. La situation de nos finances publiques et l'engagement impérieux à les assainir que nous avons contracté auprès de nos partenaires européens nous imposent de retrouver par tous les moyens une croissance forte. Or notre commerce extérieur, par sa contribution négative à l'évolution de notre PIB, obère lourdement nos performances économiques.
La brutale dégradation de notre balance commerciale depuis le début de l'année amène d'autres questions apparemment simples, mais cruciales.
À titre d'information, à quel montant estimez-vous le déficit commercial total pour 2011 ?
Quelle explication apportez-vous à cette dégradation du solde enregistré depuis le début de l'année ?
Quelle stratégie envisagez-vous pour que la France retrouve enfin des résultats moins négatifs, sinon positifs ?
Je laisserai le président de notre commission développer la question, soulevée par la Cour des comptes, de la politique de l'assurance-crédit, car elle lui tient à coeur, en particulier de l'amélioration de l'information fournie sur ce point à la représentation nationale.
Pour ma part, je me concentrerai sur la réforme d'Ubifrance, puisque vous avez courageusement choisi d'en refonder la stratégie en délaissant une démarche quantitative qui n'a pas produit tous les résultats escomptés au profit d'une approche qualitative. Je sais que vous vous êtes personnellement beaucoup investi dans cette nouvelle stratégie, monsieur le secrétaire d'État. Pouvez-vous nous en dire plus ?
Par ailleurs, vous savez combien je m'intéresse au portage des PME par les grands groupes. Comment comptez-vous le soutenir davantage ?
Pouvez-vous également nous dire où en est le projet, que vous aviez lancé, de mieux valoriser les filières professionnelles par l'intermédiaire du volontariat international en entreprise – le VIE ?
Enfin, je souhaiterais connaître votre point de vue sur l'utilisation de deux dispositifs de soutien.
Premièrement, les crédits d'études, tels que le FASEP-Études – le Fonds d'études et d'aide au secteur privé. Une fois l'étude réalisée, rien ne semble garantir qu'elle profitera aux entreprises françaises, puisque des appels d'offres internationaux sont alors lancés. Or le coût de ce dispositif a sensiblement augmenté entre 2009 et 2010, passant de 22 à près de 30 millions d'euros. Pourrions-nous disposer d'un indicateur un peu plus précis de la performance de ces études ? Surtout, comment faire en sorte que les dépenses engagées bénéficient bien à nos entreprises ?
Second dispositif : le crédit d'impôt pour les dépenses de prospection. Son coût est de 13 millions d'euros et demeure stable entre 2009 et 2010. En dépit des critiques de la Cour des comptes, ce coût n'est pas très élevé au regard du dispositif global et du budget de l'État. À mes yeux, nous avons tout intérêt à conserver cet outil, qui permet de valoriser des savoir-faire spécifiquement français.
Certes, la France sait se montrer prodigue, et il faut de temps en temps être fair-play, même dans une rude compétition internationale. Mais, comme l'a dit Balzac, les gens généreux font de mauvais commerçants. Or, monsieur le secrétaire d'État, il est grand temps que la France réapprenne à devenir une nation commerçante.
Je suis particulièrement honoré de vous présenter une contribution de la Cour à vos travaux sur la situation du commerce extérieur, contribution dont, nous semble-t-il, M. le secrétaire d'État a approuvé l'essentiel en février dernier.
Dans son rapport public annuel pour 2011, la Cour n'a pas cherché à formuler un diagnostic nouveau sur la dégradation du commerce extérieur français. Elle s'est en revanche efforcée d'étudier l'efficacité et l'efficience des dispositifs publics destinés à favoriser l'accès de nos entreprises aux marchés extérieurs : d'une part, le soutien public aux entreprises exportatrices, d'autre part la gestion des garanties publiques par la COFACE.
Dans un courrier en date du 23 février dernier, M. le secrétaire d'État a indiqué au Premier président que son plan d'action pour l'export en 2011 rejoignait très largement les recommandations formulées en quatre points par la Cour. Tout d'abord, notre dispositif public de soutien aux entreprises exportatrices est assez complet. Deuxième message : on pourrait, au moins dans certains domaines, l'utiliser mieux. Troisièmement, il convient de souligner les limites du volontarisme en matière d'aide publique à l'exportation. Enfin, la Cour a évoqué la possibilité de mieux associer le Parlement à la définition des aides à l'exportation, notamment en ce qui concerne les garanties. M. le rapporteur spécial vient d'y faire allusion.
Sur le premier point, notre dispositif public, relativement complet, soutient la comparaison avec les instruments mobilisés par nos partenaires – et concurrents – économiques.
La Cour a distingué trois types d'instruments. D'abord, les procédures de financement, qui permettent d'octroyer des conditions financières avantageuses aux offres françaises et de favoriser la conclusion des contrats d'exportation. Ensuite, l'accompagnement des entreprises, qui consiste par exemple à prendre en charge certaines de leurs dépenses de prospection ou à les conseiller dans leur parcours international. Enfin, la diplomatie économique, qui appuie les entreprises les plus stratégiques dans la conclusion de ce qu'il est convenu d'appeler les « grands contrats ».
Au total, l'effort de l'État, sous forme de crédits budgétaires, représente quelque 500 millions d'euros par an. Mais il faut également – et même surtout – tenir compte des considérables engagements hors bilans liés aux garanties octroyées par la COFACE aux contrats export. Ils représentaient fin 2010 78,2 milliards d'euros au titre de l'assurance-crédit. Ces risques budgétaires font l'objet d'une information détaillée dans le compte général de l'État annexé au projet de loi de règlement.
Par rapport à ses concurrents – puisque vous avez évoqué cet aspect, monsieur le président de la commission –, la Cour a constaté que la France fait beaucoup pour ses entreprises, et qu'il lui serait difficile de faire davantage.
En effet, nos marges de manoeuvre sont structurellement limitées. Elles le sont du fait du jeu de la concurrence, mais aussi par le droit communautaire, par l'arrangement de l'OCDE sur les lignes directrices des crédits à l'exportation et par les règles de l'Organisation mondiale du commerce. Dès lors, les outils mobilisés par les principaux pays de l'OCDE pour soutenir leurs entreprises exportatrices sont relativement subsidiaires par rapport à l'action du marché. Ils sont peu ou prou les mêmes, et la stratégie adoptée par la France la conduit à s'adapter en permanence aux pratiques de ses concurrents.
Les outils dont nous ne disposons pas – guichet de prêt direct à l'exportation au lieu d'un mécanisme de garantie, interventions en capital dans les opérations à l'international – sont difficilement accessibles, soit parce que nous devons respecter nos engagements internationaux, soit, de manière plus prosaïque, parce qu'il faudrait leur consacrer des moyens budgétaires très élevés. Cela limite fortement notre volontarisme commercial.
Dès lors, pour un pays comme le nôtre, confronté à la concurrence de pays émergents qui ne sont pas contraints par ces règles ou qui le sont moins que nous, la promotion d'une régulation des échanges, dite d'« appropriation des règles internationales », peut être aussi avantageuse qu'une escalade des procédures. Nous devrions donc nous contenter d'utiliser certains instruments de financement – dont l'aide liée – afin de contrer les distorsions de concurrence, plutôt que des outils « offensifs », étant donné leur coût potentiel pour nos finances publiques.
Au total, notre pays est l'un des membres de l'OCDE qui aide le plus ses entreprises à l'export. Selon les estimations de la Cour, environ 3 % du volume des exportations françaises ont fait l'objet d'un soutien public entre 2005 et 2008. Le chiffre peut paraître faible ; il l'est plus qu'au Japon, mais moins qu'aux États-Unis, où il ne dépasse pas 0,7 %, qu'en Allemagne – 1,2 % – et qu'en Italie – 2,2 %. En moyenne, environ 10 à 15 % des entreprises exportatrices bénéficient chaque année d'un soutien public.
En somme, si la France a un problème avec son commerce extérieur, cela ne peut être dû que de manière marginale à son dispositif de soutien public.
Cela étant, pouvons-nous en faire un meilleur usage ? Le deuxième message de la Cour consiste à répondre par l'affirmative – sans méconnaître le professionnalisme des acteurs du soutien à l'export.
Outre les dispositifs de garantie octroyés par la COFACE, nous bénéficions des outils dits d'aide liée, qui permettent de subordonner notre aide au développement, dans certaines conditions, au recours à des entreprises françaises.
Quant aux acteurs chargés d'accompagner les entreprises, à Ubifrance s'ajoutent la COFACE et son assurance prospection, Oséo qui a développé une nouvelle gamme de produits, les relais en France et à l'étranger que sont les chambres de commerce et les conseils régionaux, dont les crédits d'intervention, rappelons-le, sont équivalents à ceux d'Ubifrance.
Cette pluralité d'initiatives a incité les pouvoirs publics à réorganiser le soutien aux entreprises exportatrices, ce qui est d'autant plus nécessaire que de nombreux acteurs privés peuvent eux aussi accompagner celles-ci. Les efforts consentis ne sont pas minces : on songe notamment à la création d'une commission interministérielle aux contrats internationaux, ou à l'amélioration de la coordination des acteurs au sein d'une « équipe de France de l'export ».
Cela étant, la Cour a constaté que l'on pouvait encore progresser dans trois domaines. D'abord, en clarifiant le rôle que jouent respectivement la COFACE, Oséo et Ubifrance dans l'aide à la prospection.
Ensuite, en répartissant mieux les actions à l'étranger du réseau d'Ubifrance, d'une part, et de celui des chambres de commerce, d'autre part. Enfin, en intégrant mieux les conseils régionaux à la coordination de notre politique de soutien aux entreprises exportatrices.
Au demeurant, la Cour a souligné qu'un ciblage plus rigoureux était nécessaire.
Tout d'abord, l'effet de levier du soutien public est mal évalué, notamment en ce qui concerne Ubifrance, et son effet global sur les exportations peut apparaître limité.
Ensuite, certains instruments, trop peu efficaces pour inciter à eux seuls à l'exportation, risquent de provoquer des effets d'aubaine. La Cour a donc recommandé de les supprimer. Il s'agit du SIDEX, petite subvention à la prospection pour les PME, du crédit d'impôt pour les dépenses de prospection, ou des avances remboursables réservées à certains investissements des industries de défense.
La Cour souligne enfin des effets d'« abonnement » à certaines procédures. Que l'on me comprenne bien : il est logique que le soutien public soit concentré sur certains secteurs. L'aéronautique, la défense, l'énergie et les transports maritimes représentent ainsi, selon les années, 50 à 80 % des engagements souscrits par la COFACE. Dix entreprises, qui réalisent 5 % des exportations françaises, bénéficient, selon les années, de 65 % à 85 % de l'assurance-crédit. Certes, de nombreux secteurs, dont les biens de consommation et l'agro-alimentaire, ne sont pas éligibles à ces financements et de nombreuses entreprises considèrent qu'elles peuvent s'en passer. Cela étant, dans le cas de certains soutiens publics, une politique de diversification des entreprises bénéficiaires est envisageable. Je songe notamment à l'aide liée.
Le troisième message de la Cour, que l'on pourra ou non juger décourageant, souligne les limites de tout discours volontariste en matière de soutien à l'exportation. Deux exemples importants en attestent : l'insistance sur les entreprises primo-exportatrices, d'une part ; l'éventuel glissement du soutien aux exportations vers un soutien à l'internationalisation des entreprises, de l'autre.
Sur le premier point, un objectif quantitatif d'augmentation des primo-exportateurs bénéficiant d'un soutien public a été fixé, alors que, malgré la baisse indéniable du nombre d'entreprises exportatrices, la Cour n'a pas trouvé d'étude confirmant l'existence d'un « gisement potentiel » d'entreprises désirant exporter et qui n'auraient été ni identifiées ni aidées par un guichet public. Au demeurant, cette stratégie qui cible les PME n'est malheureusement pas sans limites. En effet, au niveau macroéconomique, les PME ne contribuent que faiblement aux exportations, du moins à court terme. De plus, un tiers des entreprises primo-exportatrices – et davantage parmi les PME – n'exportent plus l'année suivante. Cette stratégie pourrait donc encourager des entreprises qui n'y sont pas financièrement préparées à s'exposer à des risques dont elles peineront à assumer les conséquences. En outre, même si les sommes en jeu ne sont pas très importantes, cette stratégie pourrait être coûteuse pour les finances publiques, car elle accroîtrait le taux d'échec de certaines procédures, dont l'assurance prospection.
Le second exemple, délicat et ambigu, est le glissement éventuel du soutien aux exportations au soutien à l'internationalisation des entreprises, dont les conséquences en termes d'emploi peuvent être sensiblement différentes. Rappelons que, lorsque la COFACE garantit un contrat conclu à l'étranger, elle le garantit à 100 %, même si la part française de production et d'emploi est inférieure à ce pourcentage. Or on a progressivement réduit la part française minimale acceptée par la COFACE, afin de tenir compte des pratiques de nos concurrents, du caractère de plus en plus mondialisé des entreprises, en particulier françaises, et des exigences des acheteurs étrangers, qui demandaient qu'une part du contrat soit produite sur leur sol. Les pouvoirs publics devraient donc être particulièrement attentifs aux conséquences d'une telle réorientation du soutien public vers l'internationalisation des entreprises, et aux limites liées aux délocalisations dont elle pourrait s'accompagner – même si, la Cour en est bien consciente, ces effets ne sont pas toujours évitables.
Quatrième et dernier point, également évoqué par M. le rapporteur spécial : la Cour s'est demandée comment mieux associer le Parlement à la définition de la politique de soutien aux entreprises exportatrices. À l'heure actuelle, le Parlement autorise les crédits budgétaires liés aux différentes interventions de l'État. En revanche, en ce qui concerne les garanties, il n'est informé des risques pris, de leur nature et de leur montant qu'ex post, par les annexes au projet de loi de règlement – de plus en plus complètes sur ce point, il est vrai. Il pourrait donc sembler souhaitable de soumettre les nouvelles garanties accordées aux exportations à un plafond préalable voté par le Parlement, ou, du moins, de mieux informer celui-ci au moment du vote du projet de loi de finances initiale.
En conclusion, pour en revenir à la difficile question de la comparaison avec certains de nos concurrents, n'oublions pas que les dispositifs publics d'aide à l'exportation ne constituent que l'une des sources de succès du commerce extérieur. La spécialisation des entreprises dans les créneaux qui font l'objet d'une forte demande mondiale, notamment de la part des pays émergents, leur compétitivité en prix et en qualité, la gestion de leur sous-traitance, y compris à l'étranger, la solidité de leurs réseaux commerciaux restent sans doute des éléments clés dans la plupart des secteurs. Or c'est notamment dans ces domaines que les entreprises allemandes sont souvent mieux armées que les françaises – outre l'existence en Allemagne d'un réseau d'entreprises « moyennes-grandes » que la France a du mal à constituer, entre nos très grandes entreprises, échelon auquel nous sommes très compétitifs, et nos très petites entreprises.
En 2009, du point de vue de l'exposition de l'État au risque, les encours garantis au titre de l'assurance-crédit à l'exportation assurée par la COFACE atteignaient 53 milliards d'euros, déduction faite des sinistres passés ; je ne connais pas le montant correspondant en 2010. Pourriez-vous nous confirmer, monsieur le secrétaire d'État, l'importance de ces engagements ?
Avez-vous, par ailleurs, réfléchi, comme vous le suggère la Cour des comptes, non seulement aux modalités d'information du Parlement, mais au rôle accru que celui-ci pourrait jouer, soit en votant des plafonds de garanties par pays, soit en étant informé de la progression des encours et en se réservant la possibilité d'intervenir ? Cette question n'est pas mineure. On l'a vu récemment à propos de certaine loi de finances rectificative, l'exécutif comme le Parlement accordent une grande importance à des dépenses qui se chiffrent en dizaines de millions d'euros ; ici, nous parlons de dizaines de milliards !
C'est pour moi un grand honneur d'être auditionné par votre commission. J'ai conscience de la gravité de la situation. Du reste, je ne l'ai pas cachée au moment de ma nomination : j'ai dit d'emblée que les chiffres étaient mauvais ; malheureusement, ils se sont aggravés depuis. Je vais donc vous tenir un discours de vérité afin de faire oeuvre de pédagogie au niveau national. Car si, chaque mois, la publication des chiffres donne lieu à un concert de lamentations, au bout de quelques heures, tout le monde a oublié.
Je l'ai dit, et je l'ai écrit à Didier Migaud, je partage pour l'essentiel les impressions de la Cour. Le commerce extérieur n'est que l'autre face du problème auquel nous sommes aujourd'hui confrontés : la France est heurtée de plein fouet par la mondialisation. La crise des dettes souveraines, les déficits publics, le déficit du commerce extérieur sont trois aspects du même problème : la compétitivité de la France. En effet, qu'est-ce que le commerce extérieur, sinon la différence entre ce que nous consommons et ce que nous sommes capables de produire ici et d'exporter ailleurs ? C'est donc bien notre capacité de production qui est en cause. La priorité, c'est de produire en France, puis d'accompagner nos entreprises à l'étranger.
À l'heure actuelle, les chiffres se dégradent, pour différentes raisons structurelles que je vais énumérer. De manière générale, ils révèlent un basculement sans précédent de la production d'un bout à l'autre de la planète, basculement qui est à l'origine de l'endettement des ex-pays riches et de leur appauvrissement. Si j'osais parodier la fameuse formule prononcée par François Mitterrand en 1983 à propos des euromissiles, je dirais que les indignés et les déficits sont à l'Ouest et que les emplois et les excédents sont à l'Est ! Dès lors, il faut tenter de définir les conditions d'une compétitivité retrouvée de l'industrie française.
Le commerce mondial, aujourd'hui, ce sont quelque 15 300 milliards de dollars d'exportations. Au premier rang, on trouve la Chine, qui totalise 1 580 milliards, soit 10 % du total des exportations. Ce chiffre était encore de 3 % il y a dix ans, ce qui la plaçait au septième rang ; peu auparavant, il ne dépassait pas 1 %. Derrière elle, au coude à coude, les États-Unis, très déficitaires, et l'Allemagne, excédentaire ; ils représentent chacun 1 280 milliards environ. Vient ensuite le Japon, excédentaire, avec 770 milliards. La France est cinquième, avec 581 milliards, soit 3,4 % de parts de marché ; le président Cahuzac l'a dit, ce dernier chiffre a perdu deux points en dix ans. Du reste, cette baisse est mécanique, les anciens pays riches laissant à la Chine leur part d'un gâteau dont la taille a par ailleurs augmenté.
Du point de vue des flux commerciaux, le monde se partage donc en deux zones. La première est constituée des grandes nations excédentaires, c'est-à-dire les grands pays émergents d'Asie et d'Amérique latine et ceux qui sont portés par leur sous-sol : la Chine, dont l'excédent commercial atteint 183 milliards de dollars ; la Russie, riche en pétrole et en gaz, et dont l'excédent est de 152 milliards ; le Brésil – 11 milliards – et le Moyen-Orient – 444 milliards. S'y ajoutent deux exceptions occidentales : l'Allemagne et le Japon. Toutes les autres grandes nations sont déficitaires. Il s'agit de ce que j'appelle les anciens pays riches, notamment les pays européens, dont, naturellement, la France et l'Angleterre, mais aussi le Canada.
Les chiffres du commerce extérieur français se sont notablement aggravés en 2011. D'un déficit de 37,5 milliards d'euros au premier semestre, dont 11,6 au titre de nos relations avec la seule Chine, nous allons ainsi passer à 75 milliards en fin d'année, soit 20 milliards de plus que notre record de 2008. Notons que le déficit de nos relations commerciales avec la Chine représentait l'an dernier 26 des 51 milliards de notre déficit commercial. Je le regrette d'autant plus que je me sens responsable de cette situation, même si elle me dépasse en grande partie, puisque, comme le disait le président Lévy, l'État n'est que la force commerciale d'accompagnement et que le problème est en grande partie structurel.
À ces mauvais résultats, on peut trouver deux circonstances atténuantes. La première est l'explosion de notre facture énergétique, responsable de plus de 50 % du creusement de notre déficit commercial par rapport au deuxième semestre 2010. La seconde est l'euro fort, qui a freiné nos exportations à hauteur de 0,6 %. En d'autres termes, sur les 25 milliards de déficit supplémentaires par rapport à 2010, 12 environ peuvent être attribués à l'augmentation de notre facture énergétique et 3 à la surévaluation de l'euro par rapport aux monnaies concurrentes. Reste un socle structurel de défaut de compétitivité qui doit faire l'objet de toutes nos attentions.
Comparons ce qui est comparable. La différence entre le déficit français et l'excédent allemand est de 200 milliards d'euros, soit 8 % du PIB. Or l'Allemagne paie aussi une facture énergétique, au demeurant plus élevée que la nôtre : 47 milliards d'euros au premier semestre 2011, contre 30 milliards pour la France, soit respectivement 3 et 2,5 % du PIB. On le sait, notre énergie nucléaire nous donne l'avantage. En outre, l'Allemagne, elle aussi, travaille en euros. Et pourtant, elle continue d'accumuler les excédents.
La France est le seul pays européen dont les exportations n'ont pas retrouvé le niveau qui était le leur avant la crise. Nos exportations ne représentent plus que 40 % de celles de l'Allemagne, contre 55 % il y a dix ans, et 12 % des exportations de l'UE-27 vers le reste du monde.
Vous l'avez dit, monsieur Emmanuelli : c'est notre industrie qui « cale » à l'export. Le déficit hors énergie atteint 7,1 milliards d'euros au premier semestre 2011, contre 2,8 milliards au deuxième semestre 2010. Ce niveau est malheureusement lui aussi sans précédent. Le premier déficit hors énergie de notre balance commerciale est celui de l'industrie manufacturière : il représente 24,5 milliards, soit deux tiers du déficit total.
Venons-en aux fameux grands contrats. Longtemps, le commerce extérieur s'est résumé aux déplacements du Président de la République à l'étranger pour vendre des centrales nucléaires, des avions et des trains. Mesdames et messieurs les députés, je dois à la vérité de dire que nos clients d'hier sont devenus nos concurrents et que certains secteurs ont évolué : c'est le cas de l'armement, ou de l'énergie nucléaire, contestée dans de nombreux pays. On ne peut donc plus dire, comme on me le disait encore lorsque j'ai pris mes fonctions : « Nos PME n'exportent pas, mais ce n'est pas grave, car nous avons les grands groupes et les grands contrats. »
Pour les défendre, nous nous battons énergiquement, et nous obtenons des résultats : en 2010, nous en avons signé 40 % de plus et l'ensemble représente 21 milliards d'euros. Au premier semestre 2011, on atteint le chiffre de 11,4 milliards : c'est notre meilleure performance depuis la crise. Mais cela ne suffit pas au regard du déficit structurel de notre machine industrielle. Les deux Mistral que j'ai vendus en juin à M. Medvedev représentent un enjeu politique important, mais ils ne rapportent que 1,2 milliard d'euros. Réduire le problème du commerce extérieur de la France aux seuls grands contrats, c'est se tromper de cible.
Notre mission est d'oeuvrer à la réindustrialisation et d'accompagner les PME à l'exportation.
Notre tissu exportateur est composé de 94 800 entreprises, soit deux fois moins qu'en Italie et quatre fois moins qu'en Allemagne. Il est aussi plus morcelé que celui de nos voisins : 93 % de ces entreprises sont des PME, 74 % des très petites entreprises - TPE. Il est donc concentré sur les grands groupes, surtout sur quelques-uns d'entre eux. Nos 1 000 plus grandes entreprises réalisent ainsi 70 % de nos ventes à l'étranger. En outre, notre appareil productif est extrêmement focalisé sur l'Union européenne, concernée par 62 % de nos ventes, contre 8,1 % seulement pour les BRIC. L'Allemagne a adopté au contraire une stratégie de diversification vers les marchés émergents, dont la part dans ses ventes représente déjà 12 % et continue de croître.
Tel est le diagnostic sur lequel nous avons longuement travaillé, bien loin de nous contenter des éléments que l'on nous avait initialement fournis. Nous sommes donc confrontés à un véritable problème structurel, irréductible à la valeur de l'euro, à la facture énergétique ou à la place des grands groupes. Il s'agit d'une crise du « produit en France ». Le commerce extérieur n'est pas un à-côté de notre politique économique ; il devrait au contraire être au coeur de notre effort de construction industrielle.
Pour reprendre la fameuse formule du président Obama, « New markets, new jobs ». Pour créer des emplois, il faut aller les chercher à l'exportation et, comme l'a dit M. Lévy, identifier les produits qui correspondent à la demande mondiale.
Cela étant, je ne partage pas entièrement l'analyse du président Lévy : je suis persuadé que nous n'avons pas encore identifié tous nos gisements de PME et de créativité. Nombre de PME pourraient vendre leurs produits si elles disposaient des outils adaptés, y compris dans l'agro–alimentaire. Nous avons donc besoin d'une politique de filière.
Pour cela, il faut faire travailler ensemble Ubifrance, les chambres de commerce, les directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi – les DIRECCTE – et les régions. Nous avons déjà commencé, grâce à la collaboration des présidents de région et de M. Rousset. J'ai ainsi été auditionné, à ma demande, par l'Association des régions de France, et nous travaillons à des chartes régionales qui devraient aboutir à la création de maisons de l'export sur le modèle de celle de Lille, car les PME ont besoin d'un guichet unique où trouver l'information sur les marchés, les moyens financiers d'accompagnement, bref toutes les aides à l'export, qu'elles émanent de la région, de l'État ou d'entreprises privées.
Nous avons signé le 12 juillet une charte nationale qui fixe des objectifs à chacun des acteurs qui composent les maillons de la chaîne, conformément aux recommandations de la Cour. S'y ajoutent quatre chartes régionales en Alsace, en Auvergne, en Lorraine et en Rhône-Alpes. Nous espérons ainsi susciter une émulation qui incitera les chambres régionales, Oséo, la COFACE, Ubifrance et les régions à unir leurs forces pour identifier et aider les PME qui en ont besoin.
Du côté de l'État, conformément, là encore, aux préconisations de la Cour, nous avons cherché à améliorer la productivité d'Ubifrance, institution récente qui doit beaucoup à Christine Lagarde. Nous disposons maintenant d'une force de frappe commerciale dont l'efficacité n'a pas échappé à nos partenaires, notamment américains et britanniques. En matière d'accompagnement des PME, Ubifrance accomplit sa mission : nous sommes présents dans cinquante-six pays, où nous organisons le réseau de vente à l'étranger et accompagnons le travail de nos ambassades et de nos postes économiques, davantage tournés vers les contrats dits régaliens.
Il fallait, vous l'avez dit, éviter les effets d'aubaine. Pour faire un bon usage de l'argent public, il ne suffit pas d'accompagner les entreprises, il faut aussi s'assurer de la signature effective de contrats. Ainsi, les directeurs pays d'Ubifrance, que je rencontrerai demain, doivent s'engager sur des objectifs qualitatifs, et non sur le seul nombre d'entreprises accompagnées.
Avec la COFACE et Oséo, nous avons rationalisé les offres financières d'accompagnement, celles des banques étant souvent insuffisantes, et créé une « export box ».
S'y ajoute une mesure dont j'attends un effet psychologique : le Président de la République et le Premier ministre ont accepté que les chefs d'entreprise qui les accompagnent à l'étranger soient désormais pour moitié des patrons de PME.
S'agissant justement du portage des PME par les grands groupes, cher à Olivier Dassault, nous avons plus de grands groupes qu'en Allemagne, mais leurs investissements à l'étranger ne se traduisent pas nécessairement en termes d'emploi. Cela tient aussi aux critères de compétitivité sur place, notamment en Asie.
Voilà pourquoi je veux ressusciter la vieille notion de patriotisme économique, malgré les limites juridiques rappelées par M. Lévy. J'ai ainsi demandé à chacun des patrons du CAC 40 de privilégier, à prix et à qualité équivalents, ses sous-traitants à l'export, comme le font les Coréens, les Chinois, les Brésiliens, les Américains ou les Allemands. Nous avons préparé une charte export, et j'ai obtenu à ce jour l'accord de treize groupes ; avec votre aide, nous convaincrons les autres de les rejoindre à l'automne.
En outre, désormais, l'octroi d'une assurance-crédit à un grand groupe dépendra du nombre d'emplois concernés dans les PME sous-traitantes. Cela répond en partie à votre question, monsieur Cahuzac. Je suis favorable à ce que le Parlement contrôle davantage l'aide publique afin de la subordonner à la création d'emplois, comme en Chine ou au Vietnam.
Nous avons aussi beaucoup travaillé sur les VIE, qui fonctionnent très bien : 6 500 jeunes sont en poste, dont 85 % trouveront un emploi au terme de leur contrat. Je souhaite en effet ouvrir ces postes aux filières professionnelles : un groupe de travail interministériel s'y emploie, et nous le ferons cet automne à l'occasion de la remise d'un grand prix national du VIE.
En outre, tous les dispositifs de financement et d'accompagnement existants sont maintenus, notamment CAP Export, CAP Plus Export et le FASEP. À propos de ce dernier, la question du déliement de l'aide se pose. J'ai demandé à l'Inspection des finances un rapport comparatif sur ce sujet. Lorsqu'un contrat d'étude bénéficie de l'argent public, il doit permettre de faire travailler des entreprises françaises, surtout lorsque des crédits français servent de garantie. Les règles internationales n'autorisent pas toujours ce type de dispositif, mais certains pays prennent, plus ou moins ouvertement, des libertés avec elles. Pourquoi serions-nous les seuls vertueux ? Il ne s'agit pas de protectionnisme, mais de réalisme. Après avoir perdu deux millions d'emplois industriels au cours des deux dernières décennies, nous ne pouvons éluder cette question.
J'ai besoin des parlementaires pour faire évoluer les mentalités sur ce point. Il m'est arrivé d'inaugurer des installations financées à grands frais par le contribuable mais où la part française d'emploi était quasi nulle. Je ne le ferai plus.
Cela me conduit à aborder la réciprocité dans l'accès aux marchés publics. J'avais soulevé le problème lorsque j'étais chargé des affaires européennes. Sur ce point, les textes internationaux sont clairs : selon l'OMC, l'accès aux marchés publics doit être réciproque. Or il est arrivé que l'argent du contribuable européen finance des entreprises de grands pays émergents dont les prix relevaient du dumping, alors que nos entreprises étaient exclues de ces marchés en Europe et dans ces pays.
La bataille de la réciprocité est une bataille totale, qui engage notre crédibilité. Car, si nous ne faisons pas respecter cette règle, des réflexes protectionnistes se feront jour en France et en Europe qui nuiront au commerce mondial. Nous devons nous battre pour la liberté du commerce et pour l'égalité des normes. Ce qui est très difficile, car le cycle de Doha est en panne en raison des divergences sino-américaines. Nous travaillons à une sortie de crise en vue du sommet de Cannes, notamment pour les pays les plus pauvres.
Sur cette question, j'attends avec impatience le texte européen initialement prévu pour l'été et dont nous espérons prendre connaissance à l'automne, une fois que les commissaires européens auront bien voulu trancher entre les tendances divergentes au sein de la Commission. Je l'ai toujours dit, les mêmes règles doivent s'appliquer à tous, et si l'on nous place devant le fait accompli, l'Europe doit réagir au lieu de se contenter de créer des commissions.
Autre point lié à cette problématique : la différenciation entre pays développés et pays en voie de développement. Malgré nos déficits à l'égard de certains pays émergents, nous continuons à alimenter la « machine à dons » au nom du développement, et avec le consensus de la droite et de la gauche. Franchement, on ne peut que s'interroger. J'espère aussi que l'Europe sera plus offensive dans l'utilisation des moyens de défense commerciale.
Le problème de fond – la compétitivité – doit faire consensus. Il est impensable, alors même que les organisations syndicales et les forces politiques de notre pays sont tombées d'accord pour constater un écart d'au moins 10 % entre nous et les Allemands, que la réalité fasse débat. Nous devons nous améliorer, qu'il s'agisse de coût du travail, de dialogue social, ou de fiscalité, au bénéfice de notre outil de production. Nous nous y appliquons mais les « lois Hartz » ont mis sept ans à faire sentir leurs effets sur la compétitivité allemande. Les choix stratégiques que nous avons faits ces dernières années vont dans la bonne direction, mais il nous faudra du temps pour remédier à nos problèmes qui sont d'ordre structurel. Il est facile de délocaliser une entreprise mais il faut dix ans pour la reconstruire.
Les Italiens, qui sont de très bons vendeurs, sont en train de créer, pour soutenir leurs PME, un site Internet « Italie » pour vendre tous les produits italiens. Nous allons nous en inspirer. Je pense aussi à une médaille de l'export pour valoriser le travail de ceux qui se battent sur les marchés étrangers. Je travaille avec Alain Juppé pour renforcer le travail de vente des diplomates et surmonter la contradiction qu'il y aurait en France à être un bon diplomate et un bon vendeur. Nous devons définir une stratégie pour la filière agroalimentaire, où les marges de progression sont considérables si nous faisons des efforts d'organisation – et il n'y a pas que le vin… La coupe du monde de football à Qatar en 2022 représente aussi un marché de 200 milliards de dollars. Enfin, nous démarchons très activement le monde arabe.
Un dernier mot avant d'aller rejoindre Pierre Méhaignerie pour mettre au point notre rapport commun sur la compétitivité de l'économie française. Certes, il y a consensus sur le déficit de compétitivité, que ce soit en termes de qualité – nous avons des produits de milieu de gamme, là où les Allemands occupent le haut de gamme – ; en termes de prix – les Allemands ne rognent pas leurs prix alors que c'est pour nous la première variable d'ajustement – ; ou en termes d'innovation et de recherche – le crédit d'impôt recherche permettra peut-être de le combler. En revanche, nous n'avons pas de déficit de compétitivité vis-à-vis des entreprises de l'industrie manufacturière couvertes par des conventions collectives. Les coûts allemands sont inférieurs aux nôtres là où les conventions collectives ne s'appliquent pas, c'est-à-dire dans une toute petite partie des entreprises industrielles allemandes et dans l'agroalimentaire. Au cours des dix dernières années, les coûts du travail dans l'industrie manufacturière française ont plus progressé chez nous qu'en Allemagne mais ils restent à un niveau inférieur. C'est ce qui ressort des quelque quatre-vingts auditions menées par la mission d'information sur la compétitivité de l'économie française.
Je vous renvoie au rapport de Rexecode, à celui signé par la CFDT et le MEDEF et à toutes les discussions de terrain avec ceux qui se frottent à la concurrence allemande.
Et moi au futur rapport de la mission d'information parlementaire présidée par M. Accoyer, et dont M. Méhaignerie est le corapporteur.
Le site Internet est une recommandation que j'avais faite en 2007 quand je participais au comité de pilotage de la campagne « Image de la France » lancée par l'Agence française pour les investissements internationaux – l'AFII. Une médaille de l'export serait également une très bonne idée, et pourquoi pas ? un ordre avec différents grades, tel celui des arts et lettres. Nous espérons comme vous, monsieur le secrétaire d'État, l'adoption avant la fin de l'année d'une directive sur la réciprocité.
Nous respectons les préconisations de l'OCDE en matière de soutien public aux exportations et nous comptons sur vous, monsieur le secrétaire d'État, pour taper sur la table du G20 afin que la règle s'applique à tous, ce qui n'est malheureusement pas le cas. Cette distorsion de concurrence n'a-t-elle pas contribué aussi à l'évolution de notre solde extérieur, excédentaire il y a une dizaine d'années et désormais lourdement déficitaire ? Accompagner davantage les PME est une nécessité, qui hélas n'est pas nouvelle. Le dispositif « Partenariat France », à l'initiative de l'un de vos prédécesseurs, qui visait à faire accompagner des PME par de grandes entreprises a obtenu des résultats. Aujourd'hui, quel est le bilan de l'association Pacte PME qui a pris le relais ?
Je remercie Olivier Dassault pour son travail inlassable en faveur de notre commerce extérieur. La situation est tellement grave aujourd'hui que j'espère que les Français prendront conscience que les problèmes de la dette et du déficit sont la conséquence de notre désindustrialisation. Tout doit être fait pour à nouveau fabriquer en France, dans tous les secteurs.
Pour préparer le G20, nous avons organisé au niveau ministériel une réunion à Paris juste avant l'été car nous avons observé que, pour les contrats importants, la compétition se déplace vers le financement. Les grands pays émergents mettent sur la table non seulement la technologie, mais aussi le chèque. Cela rend la compétition très difficile. M. Cahuzac a raison de s'inquiéter du niveau d'exposition de la France aux grands contrats car les clients y sont sensibles, même si nous proposons des transferts de technologie et des mesures d'accompagnement, tout en restant dans la légalité, c'est-à-dire sans subvention d'État. Certains pays comme le Mexique partagent toutefois la position de la France et j'espère que nous aurons satisfaction à Cannes et que les déclarations deviendront contraignantes.
Le Pacte PME est la traduction concrète de la charte que j'ai proposée il y a quelques mois. Je regrette que treize entreprises seulement l'aient signée pour l'instant, bien qu'elle engage simplement un grand groupe, qui signe un contrat à l'étranger, à consulter sa sous-traitance, son écosystème, ce que font systématiquement nos compétiteurs.
En France, le métier de ministre du commerce extérieure est double. Il lui faut assurer à la fois la promotion commerciale, et la négociation avec l'Organisation mondiale du commerce, l'Union européenne, les grands pays, au sujet des normes ; le tout avec un mini-cabinet. Ce sont deux métiers différents bien que complémentaires, exercés au Royaume-Uni par exemple par deux personnes distinctes.
Les agriculteurs qui souhaitent exporter sont souvent isolés. Pourtant, certains marchés sont accessibles à des exploitants, et pas seulement aux fédérations. Dans cette perspective, envisagez-vous un rapprochement stratégique avec le ministère de l'Agriculture ?
Vous avez invoqué le patriotisme économique, monsieur le secrétaire d'État. Il y a moins d'un an, au ministère de la Défense, la direction générale de l'armement a confié le marché du porteur polyvalent terrestre – le matériel tactique de l'armée de terre – à une entreprise italienne. Même si elle a un sous-traitant en France, 80 % de la valeur ajoutée sera réalisée en Italie. Pourquoi puisque l'entreprise Renault Défense avait respecté strictement le cahier des charges ?
Que vous inspire, monsieur le secrétaire d'État, l'installation à Hongkong de la direction générale de Schneider, un groupe de 150 000 personnes ?
Je salue votre franchise et votre clarté, monsieur le secrétaire d'État. Peut-on faire la part, dans la dégradation de notre commerce extérieur, entre le structurel et le conjoncturel ? Qu'est-ce qui explique le décrochage brutal de l'agriculture, de l'industrie agroalimentaire, de la métallurgie par rapport à l'Allemagne ?
Vous avez dit aussi que les PME n'avaient pas besoin d'exporter. Je viens d'une région où il existe un tissu de PME très innovantes, mais elles reculent devant le maquis que représentent les marchés situés au fin fond de la Chine ou du Vietnam, d'autant qu'elles doivent pour y accéder, s'adresser à de multiples interlocuteurs – la région, les chambres de commerce,… Elles n'ont pas les moyens d'effectuer de telles démarches.
Il existe un phénomène nouveau, appelé insourcing. Dans ma circonscription, était installé un des géants de l'électronique, Flextronics qui a tout liquidé. Eh bien, cinq ans après, parce qu'il n'arrive pas à obtenir la même qualité de fabrication, son concurrent, le groupe chinois Wahoo réimplante des entreprises de même niveau technologique – je pourrais même vous dire où. Sommes-nous capables d'accompagner le phénomène car, à vrai dire, les performances de l'AFII ne m'ont guère convaincu ?
Pour inciter les PME à exporter, il y aurait des solutions simples. Dans les stages que les grandes écoles de commerce proposent en milieu ou en fin de cycle, l'Asie représente un tiers des offres, contre 80-90 % en Allemagne. Ne pourrait-on pas en faire autant ? J'approuve l'idée d'inviter des patrons de PME dans l'avion présidentiel. Et je voudrais soumettre à votre réflexion la stratégie d'implantation de Coca-Cola. Trois ans avant, on élabore un business plan exceptionnel en réseau avec toutes les entreprises qui travaillent avec eux. L'investissement n'est pas que financier et le projet se déploie sur plusieurs années au profit de tout un essaim de PME-PMI.
Je partage entièrement le diagnostic de M. le secrétaire d'État, mais la multiplicité des acteurs ne facilite pas la tâche des PME. Les champs d'intervention respectifs d'Ubifrance, d'Oséo, de la COFACE, devraient être plus clairement délimités. Les chambres de commerce et d'industrie jouent également un rôle important. La Cour des comptes dénonce l'absence de prise en compte du rôle des régions. La région Alsace, qui n'a pas de déficit extérieur et témoigne d'un dynamisme éprouvé, pourrait servir d'exemple et faire partager son expérience.
L'Allemagne obtient de meilleurs résultats avec des aides moindres. Pour m'être occupée de beaucoup de filiales de groupes allemands implantées en France, je peux vous assurer que la culture est toute différente. L'entreprise est un bien familial que l'on transmet de génération en génération tandis qu'en France, le propriétaire la vend au bout d'une génération pour des motifs fiscaux.
Enfin, je suis persuadée qu'il faudra autoriser aux entreprises exportatrices une plus grande flexibilité dans le droit du travail car un chef d'entreprise ne peut pas mettre fin à un contrat de travail qui résulte d'un marché spécifique à l'exportation.
Pour exporter, notre comportement est beaucoup trop bureaucratique. Nos grands groupes n'hésitent pas à « plomber » les PME françaises, et j'en ai des exemples concrets. Il faut prendre son temps pour établir des relations de confiance dans la durée. Il ne s'agit pas de faire « un coup ». Dans les agents chargés de soutenir l'exportation, on trouve de tout et un ambassadeur m'avait expliqué que les nominations se faisaient en fonction du PIB par habitant du pays d'accueil. Il y a quinze jours encore, nos partenaires brésiliens de São Paulo m'ont informé qu'ils souhaitaient voir les Français participer au réseau de transport en commun qu'ils veulent créer. Aussitôt, j'écris au président de la RATP et à celui de la SNCF. Le premier me répond dans les vingt-quatre heures ; quinze jours après, le second n'a toujours pas trouvé le timbre, tout occupé qu'il est à fermer les agences de la SNCF… Cette anecdote illustre le comportement que peuvent avoir nos plus hauts responsables. Ce qui me choque, c'est que les mauvais n'aient pas de compte à rendre.
Je partage l'essentiel des propos de M. le secrétaire d'État. Quand j'étais à sa place, mon diagnostic était le même. La source de la plupart de nos problèmes se situe dans notre pays. C'est bien notre compétitivité qui est en cause dans la dégradation du commerce extérieur, beaucoup plus que nos instruments d'aide au commerce extérieur, dont l'utilité – que je ne nie pas – est marginale.
Si la moitié de notre commerce extérieur est fait par des grands groupes, cela signifie a contrario l'autre moitié ne l'est pas. Nous devons donc porter une attention soutenue à l'exportation des PME, et même des TPE. L'excellence française s'affirme aussi dans ce que l'on appelle l'artisanat d'art et nous ne tirons pas assez profit de la vitrine qu'il offre à l'exportation. Le Président de la République pourrait de temps en temps emmener dans son avion des artisans d'art, plutôt que toujours les mêmes grands patrons.
Autre sujet de réflexion : le portage, un thème traditionnel. Je me demande si nous ne faisons pas fausse route en accordant autant d'importance aux grands groupes censés entraîner des plus petites entreprises dans leur sillage. Les très petites entreprises ou les entreprises moyennes ne pourraient-elles pas elles aussi servir de locomotive ?
S'agissant des outils d'accompagnement, il faut aller encore plus loin dans l'intégration. À la faveur de la crise, Oséo a acquis, grâce à ses délégations en région, une notoriété et une capacité qui ont l'ont mis en position de compléter sa gamme avec le soutien à l'exportation. Donner à cette banque publique des PME, au moins dans un premier temps, une délégation permettrait une meilleure diffusion des produits de la COFACE.
L'intégration des institutions devrait également être plus poussée. Ubifrance émerge, mais le partenariat avec les chambres de commerce sera affecté par la réforme du réseau consulaire et la montée en puissance de la chambre régionale. Je redoute les effets d'une nouvelle démultiplication d'acteurs qui font la même chose chacun de leur côté. La coopération doit absolument être organisée en région, dans le cadre d'une charte, le mieux étant que les régions confient aux chambres régionales et au réseau consulaire – qui le feraient mieux qu'elles – le soutien à l'exportation.
À l'international, il faut regrouper tous les acteurs autour d'Ubifrance, que ce soit les chambres de commerce et d'industrie françaises à l'étranger ou les conseillers du commerce extérieur. On a pris le bon chemin mais on ne va pas assez vite. L'urgence commande d'aller plus loin dans l'intégration de tous ces outils.
La présentation écrite de notre collègue Dassault montre que, jusqu'en 2003, l'excédent commercial hors énergie dépassait 10 milliards d'euros. Dès 2004, le solde chute de moitié avant de plonger dans le rouge très brutalement à partir de 2007. Quant à notre part de marché relative en valeur dans l'Union européenne, le tournant se situe après 2004. Avant, elle dépasse 8 %, puis elle chute à 6 % en 2010. Les chiffres figurant dans les tableaux ne me semblent pas correspondre aux discours tenus sur la compétitivité de l'économie française, à moins que certaines des mesures prises par la droite depuis qu'elle est au pouvoir n'expliquent la dégradation…
Connaissant le monde agricole et ses grandes entreprises, je pense que nous faisons une grave erreur qui nous coûte très cher. Tous gouvernements confondus, nous jouons exclusivement sur une cinquantaine de très grandes sociétés. Pour le dire autrement qu'Hervé Novelli, comme pour l'impôt sur les sociétés qui pèse deux fois moins lourd sur les sociétés du CAC40 que sur les autres, notre politique à l'export est captée par les grands groupes qui en sont les bénéficiaires exclusifs. Nous devrions faire l'inverse en prenant les PME comme fer de lance. Je ne suis pas d'accord du tout avec ce qui a été dit sur le portage. Comme les grandes entreprises sont obligées d'offrir des compensations à leurs clients, elles donnent bien souvent de la sous-traitance à des PME locales, et n'aident nullement les PME françaises à exporter. Il suffit de regarder comment Lula a négocié plusieurs de nos gros contrats. Un tel biais est une constante de notre politique, mais nous avons été aveuglés. Un exemple. La France était l'un des grands exportateurs de sucre, mais nous avons inventé des dispositifs tels que nous ne le sommes plus, parce que nous avons créé des sortes de rentes foncières. Nous ne sommes plus performants et nous cédons du terrain devant les Brésiliens qui ont une puissance de frappe considérable, et même devant l'Allemagne qui, aujourd'hui, exporte du sucre ! Obnubilés que nous sommes par les avions et les trains, nous travaillons pour EADS et Alstom, en ignorant complètement nos PME. Il faudrait inverser le processus.
Entre 2005 et 2006, la facture énergétique s'alourdit… C'est entre 2007 et 2010 que le déficit se creuse. Et, depuis 2005, nous avons perdu deux points de part de marché dans l'Union européenne, ce qui est colossal. Il reste à trouver les vraies raisons. Je me demande si toutes les normes que nous dicte notre bonne conscience pour être un bon élève ne jouent pas à notre détriment, les autres ne les respectant pas toujours. Nous avons mis dans une loi organique, sur laquelle il sera difficile de revenir, les recommandations de l'OCDE que nous sommes les seuls au monde à appliquer.
Dans la position qui est la mienne, je n'ai pas à porter de jugement de valeur sur la façon dont la convention de l'OCDE est appliquée. En revanche, le Parlement a tous les moyens d'enquêter sur les marchés sensibles. Beaucoup d'informations sont disponibles et ce serait faire oeuvre utile que d'y mettre un peu de lumière. En tout cas, au nom du Gouvernement, je peux dire que nous appliquons scrupuleusement les textes et je souhaite que tout le monde fasse de même.
Monsieur Balligand, je vais regarder avec le Trésor pour vous répondre sur la rupture à partir de 2003. Plusieurs événements ont pu jouer, comme l'entrée de la Chine à l'OMC au début des années 2000, les accords de libre-échange conclus par l'Union européenne, et les « lois Hartz » qui ont mis du temps à se faire sentir. Nous avons subi la concurrence allemande dans beaucoup de domaines, y compris l'agroalimentaire. L'Allemagne a dépassé la France en matière agricole. Nous représentions 9 % du marché mondial il y a dix ans, nous sommes à 6 % et l'Allemagne à 7 %. Pour comprendre pourquoi, je me suis rendu dans plusieurs salons agricoles à travers le monde et j'en ai conclu que c'était vraiment un problème d'organisation des filières.
Notre agriculture a été construite autour de la politique agricole commune, et pas autour de l'exportation vers les marchés émergents. La concurrence brésilienne est très récente. Nous avons, quant à nous, des produits exceptionnels et reconnus comme tels, mais, compte tenu de la taille des entreprises, ils ne passent généralement pas la limite du département. À nous d'organiser les filières et de développer l'échelon régional. Je passe un temps considérable à essayer de faire travailler ensemble les présidents de chambre régionale et les présidents de région, auxquels je n'ai pas vocation à me substituer puisque la loi leur a donné cette compétence. Il faut mettre en place un continuum et je demande aux présidents de région de ne pas disperser leurs efforts. Quand ils ont, pour ainsi dire, leur propre politique étrangère et des postes d'expansion économique à l'étranger, on fait payer le contribuable plusieurs fois. Si la région est meilleure qu'Ubifrance ou l'État, alors qu'elle agisse ! mais au nom de tout le monde. Région, chambre régionale, Oséo – qui est en effet un vrai succès – COFACE, Ubifrance, DIRECCTE,… Il faut essayer, dans un effort de rationalisation, d'atteindre la masse critique en région et, si possible, créer un lieu unique où les PME peuvent venir, comme à Lille où la Maison de l'export marche très bien. Philippe Vigier a raison : une PME de vingt ou même cinquante personnes, qui a un produit attractif, n'a ni le temps ni les moyens d'aller chercher les informations dans ce maquis.
Il est tout aussi impératif d'améliorer le réseau export à l'international. C'est pourquoi nous avons entrepris de réformer profondément notre réseau de postes d'expansion économique, monsieur Brard. Les conseillers commerciaux ont accepté que leur notation et leur mobilité soient évaluées non seulement par leur hiérarchie, mais aussi par les entreprises qu'ils assistent. Il s'agit d'une véritable révolution. Ubifrance va aussi travailler au contrat effectivement signé. Le dispositif commercial commence donc à se mettre en place. J'attends des régions des contrats d'objectifs portant sur le nombre d'entreprises à identifier, à accompagner ; et de contrats signés. J'espère que la campagne électorale ne nous fera pas prendre du retard car l'enjeu dépasse le clivage droite-gauche.
À São Paulo, nous sommes présents, monsieur Brard, et notre ambassadeur, M. Saint-Geours, est très actif. Au Brésil, nous avons vu les PME françaises à l'oeuvre. Ainsi, tout le réseau de téléphériques qui a désenclavé les favelas de Rio a été réalisé par une entreprise française, Poma, spécialisée au départ dans les téléphériques pour les stations de ski. Elle a accompli un travail fantastique et changé la vie de centaines de milliers de Brésiliens qui étaient auparavant complètement coupés de la ville.
J'ai demandé au Conseil économique et social de m'aider à rénover l'institution séculaire des conseillers du commerce extérieur. On doit pouvoir utiliser la force de frappe et la bonne volonté de beaucoup de gens qui consacrent de leur temps, après leur travail, pour accompagner les entreprises qui arrivent et, en région, pour les faire travailler plus efficacement en réseau. J'ai bon espoir.
Je signale à M. Emmanuelli que nous nous démenons comme des diables pour défendre le foie gras de sa région. Nous avons des difficultés avec une foire en Allemagne, dont les organisateurs ont banni les producteurs de foie gras raison au nom de la défense des animaux. Or c'est la principale foire agricole au monde et elle veut boycotter une filière qui représente 35 000 emplois. Le ministre de l'Agriculture et moi-même sommes à la manoeuvre.
La question de M. Rodet sur le matériel militaire et les règles de concurrence européennes mériterait d'être posée au ministre de la Défense et à la DGA.
La délocalisation de Schneider à Hongkong m'a surpris même si M. Tricoire parle couramment le mandarin. Je suis tout à fait pour le dialogue franco-chinois, mais faut-il le pousser jusqu'à aller délocaliser à Hongkong et à Pékin toutes les entreprises qui travaillent avec la Chine ? Alors, pourquoi pas les producteurs de bordeaux haut de gamme ? Je doute que le président de Boeing s'installe en Chine. Un groupe français reste français. Il reste porteur d'une identité, d'une technologie et, le plus possible, d'emplois en France. On peut investir à l'étranger, trouver des sous-traitants, mais il faut déjouer les méandres des codes d'investissement qui ne sont pas toujours aussi favorables aux étrangers que les nôtres.
Chez nous, les transferts de technologies sont libres, une société chinoise peut librement acquérir un quart des installations du port du Havre. La réciproque n'est pas vraie. Sans être le moins du monde protectionniste, je vous mets en garde contre la naïveté. La compétition est rude et nous devons nous battre à armes égales, dans le respect de chacun. Toutefois, chacun est libre de faire comme il l'entend pourvu qu'il ne bénéficie pas de subventions publiques. Dans le cas inverse, l'État est en droit de demander que les emplois soient en France.