Je suis particulièrement honoré de vous présenter une contribution de la Cour à vos travaux sur la situation du commerce extérieur, contribution dont, nous semble-t-il, M. le secrétaire d'État a approuvé l'essentiel en février dernier.
Dans son rapport public annuel pour 2011, la Cour n'a pas cherché à formuler un diagnostic nouveau sur la dégradation du commerce extérieur français. Elle s'est en revanche efforcée d'étudier l'efficacité et l'efficience des dispositifs publics destinés à favoriser l'accès de nos entreprises aux marchés extérieurs : d'une part, le soutien public aux entreprises exportatrices, d'autre part la gestion des garanties publiques par la COFACE.
Dans un courrier en date du 23 février dernier, M. le secrétaire d'État a indiqué au Premier président que son plan d'action pour l'export en 2011 rejoignait très largement les recommandations formulées en quatre points par la Cour. Tout d'abord, notre dispositif public de soutien aux entreprises exportatrices est assez complet. Deuxième message : on pourrait, au moins dans certains domaines, l'utiliser mieux. Troisièmement, il convient de souligner les limites du volontarisme en matière d'aide publique à l'exportation. Enfin, la Cour a évoqué la possibilité de mieux associer le Parlement à la définition des aides à l'exportation, notamment en ce qui concerne les garanties. M. le rapporteur spécial vient d'y faire allusion.
Sur le premier point, notre dispositif public, relativement complet, soutient la comparaison avec les instruments mobilisés par nos partenaires – et concurrents – économiques.
La Cour a distingué trois types d'instruments. D'abord, les procédures de financement, qui permettent d'octroyer des conditions financières avantageuses aux offres françaises et de favoriser la conclusion des contrats d'exportation. Ensuite, l'accompagnement des entreprises, qui consiste par exemple à prendre en charge certaines de leurs dépenses de prospection ou à les conseiller dans leur parcours international. Enfin, la diplomatie économique, qui appuie les entreprises les plus stratégiques dans la conclusion de ce qu'il est convenu d'appeler les « grands contrats ».
Au total, l'effort de l'État, sous forme de crédits budgétaires, représente quelque 500 millions d'euros par an. Mais il faut également – et même surtout – tenir compte des considérables engagements hors bilans liés aux garanties octroyées par la COFACE aux contrats export. Ils représentaient fin 2010 78,2 milliards d'euros au titre de l'assurance-crédit. Ces risques budgétaires font l'objet d'une information détaillée dans le compte général de l'État annexé au projet de loi de règlement.
Par rapport à ses concurrents – puisque vous avez évoqué cet aspect, monsieur le président de la commission –, la Cour a constaté que la France fait beaucoup pour ses entreprises, et qu'il lui serait difficile de faire davantage.
En effet, nos marges de manoeuvre sont structurellement limitées. Elles le sont du fait du jeu de la concurrence, mais aussi par le droit communautaire, par l'arrangement de l'OCDE sur les lignes directrices des crédits à l'exportation et par les règles de l'Organisation mondiale du commerce. Dès lors, les outils mobilisés par les principaux pays de l'OCDE pour soutenir leurs entreprises exportatrices sont relativement subsidiaires par rapport à l'action du marché. Ils sont peu ou prou les mêmes, et la stratégie adoptée par la France la conduit à s'adapter en permanence aux pratiques de ses concurrents.
Les outils dont nous ne disposons pas – guichet de prêt direct à l'exportation au lieu d'un mécanisme de garantie, interventions en capital dans les opérations à l'international – sont difficilement accessibles, soit parce que nous devons respecter nos engagements internationaux, soit, de manière plus prosaïque, parce qu'il faudrait leur consacrer des moyens budgétaires très élevés. Cela limite fortement notre volontarisme commercial.
Dès lors, pour un pays comme le nôtre, confronté à la concurrence de pays émergents qui ne sont pas contraints par ces règles ou qui le sont moins que nous, la promotion d'une régulation des échanges, dite d'« appropriation des règles internationales », peut être aussi avantageuse qu'une escalade des procédures. Nous devrions donc nous contenter d'utiliser certains instruments de financement – dont l'aide liée – afin de contrer les distorsions de concurrence, plutôt que des outils « offensifs », étant donné leur coût potentiel pour nos finances publiques.
Au total, notre pays est l'un des membres de l'OCDE qui aide le plus ses entreprises à l'export. Selon les estimations de la Cour, environ 3 % du volume des exportations françaises ont fait l'objet d'un soutien public entre 2005 et 2008. Le chiffre peut paraître faible ; il l'est plus qu'au Japon, mais moins qu'aux États-Unis, où il ne dépasse pas 0,7 %, qu'en Allemagne – 1,2 % – et qu'en Italie – 2,2 %. En moyenne, environ 10 à 15 % des entreprises exportatrices bénéficient chaque année d'un soutien public.
En somme, si la France a un problème avec son commerce extérieur, cela ne peut être dû que de manière marginale à son dispositif de soutien public.
Cela étant, pouvons-nous en faire un meilleur usage ? Le deuxième message de la Cour consiste à répondre par l'affirmative – sans méconnaître le professionnalisme des acteurs du soutien à l'export.
Outre les dispositifs de garantie octroyés par la COFACE, nous bénéficions des outils dits d'aide liée, qui permettent de subordonner notre aide au développement, dans certaines conditions, au recours à des entreprises françaises.
Quant aux acteurs chargés d'accompagner les entreprises, à Ubifrance s'ajoutent la COFACE et son assurance prospection, Oséo qui a développé une nouvelle gamme de produits, les relais en France et à l'étranger que sont les chambres de commerce et les conseils régionaux, dont les crédits d'intervention, rappelons-le, sont équivalents à ceux d'Ubifrance.
Cette pluralité d'initiatives a incité les pouvoirs publics à réorganiser le soutien aux entreprises exportatrices, ce qui est d'autant plus nécessaire que de nombreux acteurs privés peuvent eux aussi accompagner celles-ci. Les efforts consentis ne sont pas minces : on songe notamment à la création d'une commission interministérielle aux contrats internationaux, ou à l'amélioration de la coordination des acteurs au sein d'une « équipe de France de l'export ».
Cela étant, la Cour a constaté que l'on pouvait encore progresser dans trois domaines. D'abord, en clarifiant le rôle que jouent respectivement la COFACE, Oséo et Ubifrance dans l'aide à la prospection.