COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES
Mercredi 7 juillet 2010
La séance est ouverte à onze heures trente-cinq.
(Présidence de M. Pierre Méhaignerie, président de la commission)
La Commission des affaires sociales entend Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé et des sports, M. François Baroin, ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'État, Mme Nadine Morano, secrétaire d'État chargée de la famille et de la solidarité, et de Mme Nora Berra, secrétaire d'État chargée des aînés, sur l'application de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2010.
Je suis heureux de vous recevoir mesdames les ministres, monsieur le ministre, pour faire le point sur l'application de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2010.
L'obligation incombant aux commissions permanentes de procéder à un bilan de l'application des lois, six mois après leur promulgation, est antérieure à la réforme constitutionnelle de 2008, mais elle a en quelque sorte anticipé sur l'esprit de cette réforme, dont l'un des principaux axes consiste à mettre l'accent sur le contrôle parlementaire. Désormais, les rapports sur la mise en application des lois peuvent même donner lieu, en séance publique, à un débat sans vote ou à une séance de questions.
Notre commission n'a pas non plus attendu la révision constitutionnelle pour veiller à la correcte application des lois de financement de la sécurité sociale, car ces textes comportent chaque année des dispositions importantes. Ils sont appelés à revêtir une importance encore plus grande s'ils acquièrent le monopole des mesures affectant les recettes de la sécurité sociale.
Par ailleurs, les règles spécifiques sous l'empire desquelles les lois de financement sont adoptées doivent nous rendre d'autant plus vigilants sur leurs conditions d'application. Le recours automatique à la procédure accélérée ne peut que légitimer notre volonté de nous interroger sur le délai de parution de textes réglementaires visant à appliquer des dispositions adoptées dans des conditions dérogatoires à la procédure ordinaire.
Deux dispositions contraignent le Gouvernement à informer le Parlement de l'application des lois. La première, résultant de la loi de simplification du droit de 2004, vaut pour tous les textes : le Gouvernement doit présenter, six mois après l'entrée en vigueur d'une loi, un rapport sur sa mise en application. Pour ce qui est des lois de financement, le Gouvernement n'a pas respecté cette obligation au cours des années récentes. De même, son échéancier des décrets d'application mis en ligne sur le site Internet Légifrance n'est pas très à jour. Il est vrai qu'il est soumis à une seconde obligation d'information, spécifique aux lois de financement, puisque chaque année, l'annexe 3 au projet de loi de financement de la sécurité sociale doit rendre compte de la mise en oeuvre des dispositions de la loi de financement de l'exercice en cours.
Le rendez-vous annuel, que nous avons aujourd'hui avec les ministres, a au moins une utilité concrète : il nous permet d'inciter l'exécutif à suivre de près la mise en application de textes dont l'origine lui revient en grande partie et à s'assurer qu'elle s'effectue dans des délais convenables.
L'exemple des deux précédentes lois de financement est particulièrement éclairant à cet égard. En juin 2008, nous avions dû faire preuve d'une grande sévérité et déplorer que l'application de la loi se révèle aussi lente, avec un taux de publication des textes réglementaires globalement inférieur à 20 %. Après ce coup de semonce, le taux s'est spectaculairement redressé en 2009, tout en demeurant néanmoins inférieur à 50 %.
Cette année, 9 des 97 articles de la loi de financement adoptée par le Parlement ont été intégralement censurés par le Conseil constitutionnel. Sur les 88 articles restants, seuls 39 appelaient la publication d'au moins un texte réglementaire d'application ou d'une convention. À ce jour, 27 de ces 39 articles n'ont fait l'objet d'aucun texte d'application. Autrement dit, l'amélioration constatée à l'occasion de l'exercice précédent est restée sans lendemain et le taux d'exécution est retombé à 20 % seulement.
Ce n'est pas le volume de la loi de financement pour 2010 qui explique ce moins bon taux d'application. En 2009, le nombre d'articles nécessitant des mesures réglementaires d'application, qui était de 56, était supérieur de près de deux tiers à celui de 2008, ce qui n'avait pas empêché une amélioration du taux d'application. En 2010, nous constatons au contraire que la diminution d'un tiers du nombre d'articles par rapport à 2009 n'a pas eu d'incidence positive sur ce taux. Les explications de nature quantitative sont d'autant moins pertinentes, que même avec une loi de financement de taille plus réduite, la tâche demeure considérable : sur les deux cents jours écoulés depuis la promulgation de la loi, un taux d'application de 100 % nécessiterait la parution d'un texte tous les trois à quatre jours en moyenne.
Les retards peuvent se justifier par diverses causes, parmi lesquelles la forte activité des administrations et du Conseil d'État pour publier les très nombreux textes d'application exigés par la loi dite « HPST ». En outre, la parution des textes n'est pas nécessairement urgente, si les dispositions de la loi ne sont pas d'application immédiate. Parfois, elle est l'aboutissement d'un long processus de caractère interministériel, auquel s'ajoute la consultation préalable des conseils d'administration des caisses compétentes ou de la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL). Enfin, l'adoption des décrets en Conseil d'État implique une procédure plus longue du fait des contraintes propres à cette institution, ce qui explique certainement pour partie un taux de réalisation nettement inférieur à celui des décrets simples.
La non-parution des textes d'application traduit, sinon un retard ou une négligence de la part de l'exécutif, la lenteur avec laquelle certaines dispositions entrent en vigueur. Elle n'en donne pas moins à réfléchir, particulièrement dans le cas de l'assurance maladie : puisque la construction de l'objectif national des dépenses d'assurance maladie (ONDAM) intègre des économies qui résultent des mesures nouvelles prévues par la loi de financement, la première mesure à prendre pour tenir l'ONDAM est donc déjà de publier rapidement les décrets d'application.
Dès lors, les ministres peuvent-ils évaluer le coût des retards de mise en application de la loi par rapport aux prévisions initiales ? Certaines mesures d'économies, au lieu d'exercer un plein impact en année n, ne le feront que tardivement, voire seulement durant l'année n + 1. Ainsi, le nouveau régime d'exonération du ticket modérateur pour les soins de suivi post affections de longue durée (ALD), créé par l'article 35 et présenté comme une source d'économies, n'est pas encore opérationnel.
En outre, le Gouvernement a confirmé son intention de mettre en oeuvre les propositions de la mission confiée à M. Raoul Briet, à laquelle j'ai pris part. Elles visent à abaisser progressivement le seuil d'alerte et à renforcer l'intervention du comité d'alerte, ce qui impose de réagir rapidement pour redresser les comptes, si nécessaire. C'est là un enjeu réel de l'application de la loi de financement de la sécurité sociale et une nouvelle motivation pour exercer chaque année un contrôle vigilant de cette application.
En matière de recettes, de trésorerie, de gestion du risque et de lutte contre les fraudes, l'application de la loi de financement pour 2010 peut être tenue pour satisfaisante, même si beaucoup de dispositions de nature financière sont d'application directe. C'est le cas de l'article 33, qui habilite les régimes de sécurité sociale à recourir à l'emprunt. Le plafond a été fixé pour 2010 à un niveau sans précédent : 65 milliards d'euros pour le seul régime général. M. le ministre peut-il nous confirmer que ce plafond est suffisant et faire le point sur les conditions dans lesquelles est géré, durant l'exercice 2010, le stock de dette accumulé à l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale (ACOSS) depuis le début de 2009 ?
On relève cette année une particularité. À peine promulgué, l'article 10 a été modifié par l'article 96 de la loi de finances rectificative pour 2009, qui avait pour objet de soumettre les organismes complémentaires d'assurance maladie à une contribution exceptionnelle dans le cadre de leur participation à la mobilisation contre la grippe A (H1N1). La rédaction initiale fixait le taux de la contribution à 0,94 %. Celui-ci avait été calibré de telle sorte que le produit de la taxe corresponde aux frais d'achat de vaccins que les complémentaires auraient été conduites à prendre en charge si les modalités d'organisation de la campagne de vaccination avaient permis de suivre la procédure habituelle de remboursement, qui prévoit la prise en charge du ticket modérateur par les complémentaires. Le coût de la campagne était estimé à 710 millions d'euros, de telle sorte que leur contribution devait atteindre 300 millions d'euros.
Ce coût a été révisé à la baisse en raison d'un taux de TVA plus faible que celui qui avait été anticipé, soit une économie de 97 millions d'euros sur l'achat des vaccins. En outre, les 9 millions de doses données à l'Organisation mondiale de la santé (OMS) ne sont pas assujetties à la contribution. Le taux a donc été ramené à 0,77 %, pour un produit d'environ 230 millions d'euros. Enfin, depuis cette modification, le coût de la campagne a encore été revu à la baisse, puisqu'il est estimé à 310 millions d'euros, ce qui pourrait justifier un nouvel ajustement du taux.
Par ailleurs, même si l'article 14, qui a augmenté les minima de perception sur les cigarettes et le tabac à rouler, est évidemment d'application directe, j'aimerais savoir quelle réaction vont adopter les ministres face à la scandaleuse guerre des prix à laquelle on assiste actuellement.
Enfin, nous attendons tous avec grand intérêt, avant le 15 septembre, la transmission du rapport sur les retraites chapeaux demandé par l'article 15 de la loi.
Je vais à présent suppléer mon collègue Jean-Pierre Door, qui ne peut assister à notre réunion. Il avait rapporté les 20 articles relatifs à l'assurance maladie qui ne traitaient pas spécifiquement du secteur médico-social, ainsi que les 5 articles concernant la branche des accidents du travail et des maladies professionnelles.
Si, l'an dernier, le bilan de la mise en oeuvre de la loi était globalement satisfaisant, on constate cette année que la mise en application de ses dispositions est décevante. Elle a pris beaucoup plus de retard : six mois après la publication de la précédente loi de financement, 13 des 30 textes réglementaires nécessaires à sa mise en application avaient été publiés, alors que, cette année, sur les 19 textes réglementaires prévus par la loi ou jugés nécessaires à leur application par le Gouvernement, dont 5 décrets en Conseil d'État, 5 décrets simples et 9 arrêtés, seuls 3 textes, un décret simple et 2 arrêtés, ont été pris à ce jour, et aucun des décrets en Conseil d'État prévus n'a été publié.
Sur les 25 articles relatifs à l'assurance maladie ou aux accidents du travail, 15 ne nécessitaient la parution d'aucun texte réglementaire. Il n'est pas utile de les énumérer.
Selon les informations qui nous ont été communiquées, d'autres textes devraient être pris prochainement, parmi lesquels :
– les deux décrets prévus à l'article 35 pour créer un nouveau régime d'exonération du ticket modérateur pour les soins de suivi post affections de longue durée (ALD), mesure présentée comme devant faciliter la sortie du régime des ALD pour les patients guéris, et donc génératrice d'économies ; en tout cas, elle devait participer d'une politique d'optimisation du régime des ALD, et il serait souhaitable qu'elle soit rapidement mise en oeuvre ;
– le décret mettant en oeuvre, à titre expérimental, la consultation annuelle de prévention pour les 16-25 ans ;
– le décret qui précisera les aménagements apportés à la procédure de mise sous accord préalable prévue à l'article 41 de la loi ; il s'agit d'une mesure très utile, qui permettra aux caisses de développer leurs programmes de contrôle en stigmatisant moins les médecins, dans le cadre de la procédure contractuelle ; à l'heure où les dépenses d'indemnités journalières croissent de nouveau rapidement, elle mérite d'être mise en oeuvre rapidement ;
– l'arrêté fixant, en application de l'article 59, la contribution des régimes obligatoires aux agences régionales de santé (ARS) ; celles-ci fonctionnant depuis le 1er avril, il est temps que leur personnel soit définitivement constitué, afin qu'elles puissent se consacrer pleinement à leurs importantes missions ;
– les décrets nécessaires à l'application de l'article 62, qui étend aux conjoints-collaborateurs des avocats et des professionnels libéraux la couverture obligatoire du risque invalidité-décès ;
– l'arrêté fixant le montant de la participation des régimes obligatoires d'assurance maladie au financement du dispositif d'interconnexion ANTARES, qui devrait être publié au cours de l'été 2010 ;
– les décrets en Conseil d'État et les arrêtés nécessaires à la mise en place des dispositifs de régulation des dépenses de transports sanitaires et des prescriptions hospitalières de médicaments délivrés en ville prévus aux articles 45 et 47 ;
– le décret prévu à l'article 48 pour détailler la date limite pour l'arrêt du financement dérogatoire des hôpitaux locaux sous forme de dotation globale et décrivant les modalités de transition particulières de la convergence intrasectorielle pour ces établissements de santé ;
– l'arrêté donnant une base légale au paiement qu'effectuera une caisse pivot à l'hôpital transfrontalier de Puigcerdà, en Catalogne.
Enfin, Jean-Pierre Door souhaite connaître la position des ministres sur plusieurs points.
Où en est la refonte du régime des ALD ? Ce régime concentre une part croissante de nos dépenses de santé et, s'il est légitime que la collectivité consente un effort important en faveur des malades, il est tout aussi légitime de veiller à ce que ces fonds publics soient utilisés de façon optimale. Des propositions ont été faites en vue de réaliser des économies ou d'optimiser les dépenses de l'assurance maladie.
S'agissant de la responsabilité civile des médecins, notamment des chirurgiens, obstétriciens et anesthésistes, et du plafond de garantie de leur couverture d'assurance, le dispositif auquel nous sommes parvenus en commission mixte paritaire, dans la dernière ligne droite de la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2010, est-il pleinement satisfaisant ? Les assurances privées peuvent-elles couvrir dans de bonnes conditions des situations où, si l'on craint que les indemnités à verser ne soient très lourdes, les condamnations sont très rares ? Ne vaudrait-il pas mieux qu'en la matière, la collectivité publique soit en quelque sorte son propre assureur ? Le fonds de roulement de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux (ONIAM) ne le permettrait-il pas ?
D'après les éléments d'informations qui ont été transmis, la situation budgétaire de l'Établissement de préparation et de réponse aux urgences sanitaires (EPRUS) laissera apparaître, au 31 décembre 2010, et sans modification des dotations déjà votées – 41 millions d'euros pour l'État et 44 millions d'euros pour l'assurance maladie – un excédent de 85 millions d'euros pour l'État et de 235 millions d'euros pour l'assurance maladie. Que compte faire Mme la ministre de la santé face à cette situation ?
Enfin, comment se fait-il que les mesures d'application de l'article 74, qui avait pour objet d'instaurer un système de bonus-malus pour inciter les entreprises à s'engager davantage dans une démarche de prévention des accidents du travail, en renforçant l'efficacité ou en généralisant les dispositions d'incitation financière existant, n'aient toujours pas été édictées ?
Avec 580 milliards d'euros de dépenses, la France est l'État providence le plus développé d'Europe. S'il s'agit d'un formidable moyen de réduire les inégalités, dont nous avons pu mesurer l'efficacité en temps de crise, notre commission a rappelé, tout au long de l'année, que nous sommes soumis à une exigence de responsabilité, de lisibilité, de justice, mais aussi d'efficience. Le président des semaines sociales de France, M. Jérôme Vignon, a rappelé lors de son audition que, si nos dépenses sont les plus élevées d'Europe, nos résultats ne sont pas à leur mesure, ce qui fixe une ligne directrice à notre commission comme au Gouvernement.
À la différence de la loi de financement pour 2009, qui comportait de très nombreux articles consacrés à l'assurance vieillesse, celle pour 2010 en contient peu. Une disposition importante y a néanmoins trouvé place : la réforme de la majoration de durée d'assurance (MDA) pour enfant dans le régime général et les régimes alignés. Une contrainte juridique forte existait depuis l'arrêt de la Cour de cassation de février 2009, qui faisait peser un risque juridictionnel important sur ce dispositif essentiel pour les retraites des femmes. Il a donc été décidé de le réformer sans attendre la réforme des retraites. 7 des 9 articles relatifs à l'assurance vieillesse nécessitent des mesures réglementaires d'application qui, pour l'essentiel, sont en phase finale d'élaboration.
Je souhaite néanmoins obtenir des précisions sur deux points. Tout d'abord, il semble que des difficultés soient apparues lors de la rédaction du décret d'application de l'article 69 issu d'une initiative du sénateur Dominique Leclerc, qui vise à interdire dans la fonction publique le cumul entre l'assurance vieillesse des parents au foyer (AVPF) et la majoration de durée d'assurance. Pouvez-vous nous apporter des éclaircissements à ce sujet ?
Par ailleurs, l'article 70 prévoit de transférer au Fonds de solidarité vieillesse (FSV) le financement de certains avantages non contributifs, aujourd'hui financés par les régimes eux-mêmes. Mais, alors que la mesure devait entrer en vigueur au 1er juillet 2010, le décret n'est pas toujours pas paru. Cela implique-t-il que la date d'application de la mesure sera repoussée ?
Une fois n'est pas coutume : l'application de la loi de financement pour 2010 est satisfaisante. Il est vrai qu'un seul article – l'article 79, prévoyant l'octroi d'un prêt pour l'amélioration de l'habitat aux assistants maternels – nécessitait la publication d'un texte réglementaire, qui est paru en juin.
Je me félicite que les assistants maternels, propriétaires ou non, puissent bénéficier d'un prêt à l'habitat dans des conditions assez favorables. J'appelle cependant votre attention sur le fait que, la période de remboursement s'étendant sur près de dix ans, ce qui est particulièrement long, ceux qui souhaitent interrompre leur activité pour des raisons familiales, ou sont momentanément sans employeur, risquent de se trouver dans une situation financière problématique.
Je me contenterai de trois questions.
Je me réjouis que nos appels réitérés à la création du Fonds national de financement de la protection de l'enfance, destiné à compenser les charges résultant, pour les départements, de la mise en oeuvre de la loi du 5 mars 2007 relative à la protection de l'enfance, aient été entendus, puisque le décret a été publié en mai. Mais comment ce fonds sera-t-il financé ? La Caisse nationale d'allocations familiales (CNAF) avait provisionné 30 millions d'euros à cette fin en 2007, dont la loi de financement pour 2008 a prévu le report. De leur côté, la direction générale de l'action sociale et la direction générale des collectivités locales estiment que ce fonds ne relève pas de leur budget. Pouvez-vous nous éclairer à ce sujet ?
Ma deuxième question porte sur les droits familiaux de retraite. Vous supprimez la possibilité de départ anticipé pour les femmes ayant quinze ans de service et trois enfants. Je comprends le but de la mesure, mais les économies escomptées valaient-elles la peine de provoquer la panique de nombreuses femmes ? D'autres dispositifs ne méritaient-ils pas d'être réformés, comme l'assurance vieillesse des parents au foyer (AVPF) et plus encore la majoration de 10 % pour les parents ayant élevé trois enfants, dont on sait qu'elle bénéficie proportionnellement plus aux hommes et aux cadres qu'aux femmes ayant une petite retraite ? Sa fiscalisation ou sa forfaitisation serait une mesure de justice et sans doute d'économie autrement plus bénéfique aux femmes que celles qui figurent dans le projet de loi portant réforme des retraites.
Enfin, parallèlement à la suppression progressive de la condition d'âge minimum pour toucher une pension de réversion, la loi de 2003 a prévu l'abrogation de l'assurance veuvage au 1er janvier 2011. Or, la condition d'âge a été rétablie par la loi de financement 2009, ce qui pourrait avoir des effets financiers désastreux pour les veuves dites précoces, qui perdent leur conjoint avant 55 ans. Il est urgent de trouver une solution au problème. Préconisez-vous un rétablissement de l'allocation veuvage ou la création d'une allocation spécifique, éventuellement financée par la branche famille, qui avait été un temps évoquée ? Nous serons nombreux à suivre attentivement ce dossier.
Je rappelle que le Gouvernement a annoncé que la date limite pour choisir de partir après quinze ans d'activité sera reportée du 13 juillet au 31 décembre 2010.
Sur les 88 articles de la loi de financement pour 2010, 42 appelaient la publication d'un texte d'application ou d'une circulaire, or seuls 16 textes d'application ont été publiés, ce qui peut paraître insuffisant. Cependant, de très nombreux textes paraîtront dans le courant du mois. En outre, comme l'a rappelé M. Bur, la publication de certains textes ne relève pas de l'urgence.
Pour le champ dont j'ai la responsabilité, c'est-à-dire les recettes, l'équilibre général, la trésorerie et la lutte contre la fraude, nous allons les publier prochainement. Sur les 17 textes d'application nécessaires, 9 sont déjà parus et 3 autres paraîtront dans le courant du mois. Ils seront complétés dans des délais que je vous préciserai.
À propos de l'article 10, M. Bur m'a interrogé sur le montant de la contribution exceptionnelle à la charge des organismes complémentaires. Cette contribution ayant été calculée sur le ticket modérateur habituel pour les vaccins, dont le coût s'est avéré plus faible que prévu, il est logique qu'elle soit revue à la baisse, ce que fera le prochain projet de loi de financement de la sécurité sociale.
Les circulaires d'application des articles 17 et 18, en consultation auprès des professionnels, seront publiées courant juillet. Cette publication à mi-année n'entraînera aucune perte de recettes.
L'article 19, issu d'un amendement du sénateur Nicolas About et revu en commission mixte paritaire, instaure un prélèvement sur le produit des appels à des numéros surtaxés, qu'il s'agisse de SMS ou de numéros Audiotel, effectués dans le cadre des programmes télévisés et radiodiffusés comportant des jeux et des concours. Le rendement de cette mesure est estimé, pour la première année, à 15 millions d'euros. Les redevables ne seront en mesure de respecter leurs obligations déclaratives qu'à compter du mois de juillet. L'arrêté fixant le modèle de la déclaration mensuelle commune au prélèvement sur les jeux, concours et paris devra être publié au Journal officiel dans le courant du mois. Par ailleurs, une circulaire en cours de préparation, qui commentera le dispositif et les obligations déclaratives, sera publiée en septembre.
Le transfert du recouvrement des cotisations à l'assurance chômage de l'UNEDIC à l'ACOSS, prévu à l'article 24, sera effectué en janvier 2011. Par ailleurs, le décret relatif à l'expérimentation, qui se déroulera dès le mois de septembre dans le département du Rhône sera publié dans les jours qui viennent, de sorte que l'expérimentation se déroulera selon le calendrier prévu.
M. Bur, qui est intervenu hier au cours du débat d'orientation des finances publiques, préconise une forte réduction des niches sociales. Le président de la commission a rappelé que les dépenses sociales représentent 580 milliards, soit 55 à 56 % d'un total de dépenses qui se monte à environ 1 100 milliards. Le modèle de redistribution français étant de haut niveau tant pour la partie fiscale que pour la redistribution des dépenses sociales, il serait juste, si nous revisitons une partie des niches fiscales à hauteur à 75 milliards, de reconsidérer aussi les 45 milliards que représentent les niches sociales. Pour les niches fiscales et sociales, j'ai fixé un objectif d'économies de 8,5 à 10 milliards. La réduction de 2 milliards des allégements généraux dans le cadre de la réforme des retraites et la hausse des contributions sur les retraites chapeaux et les stocks options ont déjà été annoncées. Ces questions seront traitées dans ce cadre du prochain projet de loi de financement.
J'en viens au deuxième chapitre, relatif à la trésorerie, qui n'appelait qu'un seul texte d'application. L'article 32 ne visait d'abord qu'à préciser clairement le financeur de certaines prestations comme l'allocation aux adultes handicapés, l'allocation au parent isolé servie dans les DOM ou l'appui social individualisé, afin de permettre leur comptabilisation en compte de tiers, conformément à la nature des prestations servies pour le compte de l'État. Le projet de décret simple est en cours de préparation. Il s'appuiera sur une étude de la CNAF consacrée à la gestion des indus, qui n'est pas encore finalisée. Les délais seront respectés, puisque la réforme s'appliquera pour la première fois aux comptes de l'exercice 2010.
Troisième chapitre : les dispositions relatives au contrôle et à la lutte contre la fraude représentent un engagement fort, que je poursuivrai. L'article 87, qui a modifié le dispositif des pénalités financières des branches famille et vieillesse, vise à étendre le champ d'application du dispositif des pénalités financières prononcées par les directeurs des caisses de ces branches. Les tiers qui se sont rendus complices d'une fraude sont susceptibles d'être sanctionnés. Pour des raisons de principe, les tentatives de fraude seront également sanctionnées, même si elles n'ont entraîné aucun préjudice financier. Le cumul d'une situation de travail dissimulé et de la perception d'une prestation sous condition de ressources ou d'inactivité deviendra passible de sanctions. Nous renforçons donc puissamment les dispositifs et les moyens de lutte contre la fraude. Un décret en Conseil d'État est nécessaire pour modifier plusieurs articles de la partie réglementaire du code de la sécurité sociale. Le projet de décret a nécessité une phase de concertation avec la délégation nationale à la lutte contre la fraude et les caisses nationales concernées, la CNAF et la Caisse nationale d'assurance vieillesse (CNAV). Soumis fin juin au Conseil d'État et actuellement en instance devant sa section sociale, il pourrait être publié en septembre.
M. Bur m'a également interrogé sur l'article 90, dont le I et le II généralisent la procédure expérimentée en 2008 et 2009 au sein de dix caisses du régime général et du régime agricole, afin de mieux contrôler les arrêts de travail dus à une maladie ou un accident. L'article 90 coordonne plus efficacement les actions de contrôle médical des caisses d'assurance maladie et celles conduites par les employeurs au titre de leur droit de contre-visite. La loi a renvoyé à un décret simple la fixation de plusieurs délais nécessaires à la mise en oeuvre des dispositifs prévus par l'article. Le projet de décret simple a été soumis le 22 juin au conseil de la Caisse nationale d'assurance maladie des travailleurs salariés (CNAMTS) et, le 1er juillet, au conseil d'administration de la Mutualité sociale agricole. Il est en cours de contreseing et sa publication est imminente.
L'article 91 prévoit d'expérimenter pendant deux ans, dans plusieurs régions et administrations, un transfert du contrôle des congés de maladie des fonctionnaires aux caisses primaires d'assurance maladie et aux échelons locaux du service du contrôle médical qui sont placés près d'elles. Pour le contrôle des arrêts maladie des fonctionnaires relevant de la fonction publique d'État, la loi imposait qu'une convention entre l'État et la CNAMTS soit signée dans un délai de trois mois à compter de la publication de la loi de financement. La signature est intervenue le 26 mars. Pour les fonctionnaires relevant de la fonction publique territoriale et de la fonction publique hospitalière, l'article 91 prévoit des modalités de mise en oeuvre de l'expérimentation différentes de celles qui ont été retenues pour les fonctionnaires de l'État, les délais de signature de la convention-cadre ayant été allongés. Les conventions-cadres nationales pour chacune de ces deux fonctions publiques sont en cours de signature.
Pour chacune des trois fonctions publiques, la mise en oeuvre de l'expérimentation doit s'accompagner d'un décret en Conseil d'État. Il permettra la création d'un traitement des données à caractère personnel, qui sera partagé entre les caisses primaires d'assurance maladie, les services du contrôle médical et les administrations participant à l'expérimentation.
En ce qui concerne la fonction publique d'État, le décret en Conseil d'État a été soumis le 9 mars à l'avis de la CNAMTS. Il a reçu, le 15 avril, l'avis favorable de la CNIL et, le 11 mai, celui du Conseil d'État. Il est en cours de contreseing et sa publication est imminente. Ainsi, les textes permettant la mise en oeuvre de l'expérimentation dans la fonction publique d'État sont soit finalisés soit en cours de finalisation, de sorte que l'expérimentation commencera ce mois-ci dans les six départements concernés. Pour les deux autres fonctions publiques, un décret en Conseil d'État permettant le traitement des données à caractère personnel, sur le modèle de ce qui a été décidé pour la fonction publique d'État, devra être pris avant que l'expérimentation puisse débuter. Le Conseil d'État en sera saisi cet automne.
L'article 92 permettra à l'assurance maladie de réaliser des contrôles sur la base d'un échantillon pour les professions de santé qui ont une activité importante. Les actes facturés par certains professionnels de santé, comme les pharmaciens ou les laboratoires de biologie médicale, portent sur des volumes tels qu'un contrôle exhaustif de leur activité n'est pas envisageable. L'échantillonnage a été rendu possible, sur le modèle des contrôles déjà réalisés pour la tarification à l'activité dans les hôpitaux. Après des échanges de nature technique avec l'assurance maladie, Mme Bachelot et moi-même avons soumis le projet de décret à la concertation, fin juin, auprès des pharmaciens et des laboratoires de biologie médicale. Après quelques nécessaires ajustements de procédure, il devrait être soumis au Conseil d'État en juillet, afin que l'assurance maladie puisse utiliser ce nouvel outil dès l'année prochaine.
Pour l'application de l'article 93, qui porte sur l'interruption de l'action en recouvrement, un projet de circulaire est en cours, qui a été soumis pour observation aux caisses nationales de sécurité sociale concernées. Il devrait être signé et publié dans les prochains jours.
J'en viens au quatrième chapitre, c'est-à-dire aux questions qui m'ont été posées sur l'ONDAM pour 2010. Apprenant que le comité d'alerte avait évalué le risque de dépassement à 600 millions d'euros, Mme Bachelot, M. Woerth et moi-même avons immédiatement réagi, afin que l'objectif que vous avez voté soit strictement respecté. Des mesures correctrices, dont le rendement est estimé pour cette année à 600 millions d'euros, compenseront intégralement le dépassement prévu. La mesure principale est la mise en réserve de crédits budgétaires, comme le préconise le rapport Briet. Par ailleurs, le prix de certains médicaments sera baissé.
Toutes les conclusions du rapport Briet ont été validées lors de la conférence du 20 mai sur le déficit. Pour que l'ONDAM gagne en sincérité, nous souhaitons renforcer le rôle du comité d'alerte chargé d'émettre un avis sur sa construction. Dans le même temps, le seuil d'alerte sera progressivement abaissé. Le contrôle des dépenses effectué dans le cadre de l'ONDAM s'appliquera désormais à tous les champs. Nous rendrons régulièrement compte de ce pilotage global aux commissions des affaires sociales de l'Assemblée nationale et du Sénat. Je ne doute pas que vous y serez vigilants. La publication des textes nécessaires à la réalisation des économies sera également examinée par le comité de pilotage.
Nous avons souhaité que le pilotage des crédits relevant de l'ONDAM soit effectué en fonction de l'exécution constatée au fur et à mesure de l'année. À cette fin, une fraction des dotations sera mise en réserve. Si nous devons effectuer de nouvelles dépenses en cours d'année ou si l'ONDAM n'est pas respecté, nous puiserons dans cette fraction. Cette démarche est la preuve d'une inflexion notable dans la gestion des comptes de l'assurance maladie, comme j'ai eu l'occasion de le montrer hier au cours du débat d'orientation des finances publiques.
Cette année, nous avons veillé à ce que les textes permettant de réaliser des économies soient publiés rapidement. C'est le cas de celui qui permet la baisse du taux de remboursement de certains médicaments. D'autres, prévus dans la loi de financement pour 2010 et utiles à la maîtrise de l'assurance maladie, ne sont pas encore parus, mais cela ne remet pas en cause l'objectif de maîtrise médicalisée fixé pour l'assurance maladie.
Enfin, je rappelle que le prix du tabac, qui a fait récemment la une de l'actualité, est librement déterminé par les fabricants et homologué par un arrêté après une vérification par mes services du respect des règles existantes. L'arrêté publié le 5 juillet avalise le fait qu'un fabricant a supprimé des références et repositionné certaines de ses marques, ce qui constitue une pratique régulière. En dépit de la disparition récente du dispositif du prix minimum – je ne reviens pas sur la modification introduite à ce sujet par la Cour européenne –, les prix d'accès au tabac restent inchangés. En France, on ne commercialise pas le paquet de cigarettes à moins de 5,10 euros et celui du tabac à rouler à moins de 5 euros. La politique de santé publique menée par le Gouvernement, sous l'impulsion énergique de Mme Bachelot, s'appuie sur des prix du tabac élevés et dissuasifs. Une guerre des prix entre fournisseurs ou une baisse significative des prix est donc exclue.
Avant la fin de l'année, je proposerai une évolution de la fiscalité du tabac visant à dissuader les fabricants de baisser leur prix, même si la décision récente prise en ce sens par certains d'entre eux concerne moins de 3 % du volume des cigarettes vendues en France. Nous agirons parce que notre objectif intangible est de lutter contre le fléau que représente le tabagisme, surtout pour les jeunes.
La première question de M. Bur porte sur le bilan, à six mois, des textes d'application de la loi de financement pour 2010. M. Baroin l'a rappelé : le 6 juillet, 25 % des décrets d'application ont été publiés et, pour le champ de la santé stricto sensu, ce pourcentage tombe à 14 %. Conscients qu'il n'est pas satisfaisant, nous faisons le nécessaire pour qu'il soit amélioré de manière rapide et significative. Les concertations menées sur plusieurs projets de décrets importants aboutiront prochainement. Certains textes seront alors transmis au Conseil d'État et aux caisses, tandis que les autres seront contresignés.
Notre retard a plusieurs causes. La loi dite « HPST » a rendu nécessaire l'adoption de plus de 300 textes d'application. Mes services ont été très sollicités par ce vaste chantier et les séances d'examen en section sociale du Conseil d'État sont presque exclusivement consacrées à cette loi. D'autre part, certaines dispositions de la loi de financement ont, par nature, un impact structurant sur notre système de santé, ce qui impose des concertations avec les professionnels concernés par les textes d'application. C'est le cas de l'exonération du ticket modérateur à 100 % des actes de suivi des patients sortis du dispositif d'ALD. L'article 35 n'aura pas d'impact direct, puisque les patients continuent de bénéficier d'une prise en charge à 100 % des actes de suivi et des examens biologiques, mais son impact indirect, lié à la suppression du forfait ALD de 40 euros pour le médecin traitant, devrait rapporter près de 8 millions d'euros. Par ailleurs, une concertation est nécessaire pour l'extension et l'allégement de la procédure de mise sous accord préalable ou l'extension du dispositif de régulation des dépenses des produits de la liste en sus aux dépenses de transports et des prescriptions hospitalières remboursées sur les soins de ville.
Vous m'avez également demandé si le retard de l'application de la loi de financement aurait des conséquences sur l'ONDAM. C'est un point auquel je suis très attentive. Le comité de suivi de l'ONDAM, que j'ai présidé le 19 avril, avec MM. Baroin et Woerth, a anticipé un risque de dépassement de l'ordre de 600 millions d'euros, avec un effet de base de 100 millions. Nous avons aussitôt mis en oeuvre des mesures correctrices, qui couvriront la totalité du risque : reprise de provisions de 1 % sur la liste en sus, pour 45 millions d'euros, reprise des provisions non engagées sur les produits de la liste en sus à la suite des réintégrations d'anticancéreux, pour 90 millions d'euros, minoration des crédits du Fonds de modernisation des établissements de santé publics et privés (FMESPP) en partie rectificative du projet de loi de financement pour 2011, pour les produits de la déchéance quadriennale dudit fonds, à hauteur de 105 millions d'euros, anticipation des baisses de prix des médicaments, prévue en 2011 et mise en oeuvre dès 2010, pour 100 millions d'euros, révision de la nomenclature concernant les actes de chirurgie de la cataracte, modification du mode de calcul des indemnités journalières, et non-notification des crédits MIGAC dans le secteur hospitalier, à hauteur de 80 millions d'euros. Le gel des crédits a été préconisé par M. Briet mais, puisque ceux-ci seront délégués ultérieurement en fonction du respect de l'ONDAM, mieux vaudrait parler de mise en réserve que de gel. C'est également le cas dans le secteur médico-social, sur lequel reviendront Mmes Morano et Berra, pour 1,1 % de la dotation. Ces différentes actions permettent de couvrir en totalité le risque de dépassement.
J'en viens aux questions sectorielles qui m'ont été posées.
En ce qui concerne la contribution exceptionnelle des organismes complémentaires à la campagne de lutte contre la grippe A (H1N1), le coût des vaccins, plus faible que prévu, est estimé aujourd'hui à 317 millions d'euros, soit 56 % de moins que le coût estimé pour calculer leur contribution. Une baisse du taux s'impose donc et, la loi n'ayant pas prévu d'ajustement automatique, une mesure législative devra intervenir dans la partie rectificative pour 2010 de la prochaine loi de financement. Le rendement attendu de la contribution est de 35 % de 310 millions, soit 110 millions. L'assiette devant s'établir à 32,3 millions en 2010, le taux doit être fixé à 0,34 %. Cette mesure devra également régler les modalités pratiques de récupération pour les organismes complémentaires, puisque, sur le dernier acompte, il faudra vraisemblablement procéder à des restitutions nettes en leur faveur.
Je regrette autant que M. Bur la baisse du prix de certaines cigarettes, que je juge irresponsable. Même si elle concerne peu de fabricants, ceux-ci sont particulièrement percutants auprès des jeunes et des femmes. Or, le tabac est un facteur de mortalité important : il cause 60 000 décès par an, dont 33 000 imputables au cancer des voies aériennes. Le dispositif actuel laisse aux industriels une trop grande marge de contournement, qui s'exerce au détriment de la santé publique. Je me réjouis donc que le ministre du budget prévoie, dans le prochain projet de loi de financement, un dispositif de substitution au mécanisme du prix seuil. La faculté de fixer le niveau des minima de perception, comme il le fait dans d'autres domaines, entre zéro et la limite fixée par le droit de consommation applicable à la cigarette de la classe de prix la plus demandée lui sera déléguée. Les minima pourront ainsi être relevés lors de chaque homologation ou à tout autre moment de l'année. L'entrée en vigueur du nouveau dispositif serait fixée au 1er janvier 2011.
En ce qui concerne les agences régionales de santé (ARS), l'arrêté prévu à l'article 59 est en cours d'élaboration. Il prévoit une contribution des régimes d'assurance maladie de 117,91 millions d'euros au titre du fonctionnement et de 10,08 millions d'euros au titre des actions de prévention. Les budgets primitifs des agences régionales, validés par les ministres de tutelle et publiés le 1er avril 2010, intègrent les contributions des régimes d'assurance maladie à hauteur de 94,56 millions d'euros. Les premières décisions modificatives en cours d'approbation par leur conseil de surveillance intègrent les compléments de ces contributions, qui représentent 33,43 millions d'euros.
Les ARS disposent des autorisations budgétaires pour recruter et payer la totalité des personnels transférés des régimes d'assurance maladie, mais en trésorerie, elles n'ont pas encore reçu les versements de ces régimes. En revanche, dès le 2 avril, elles ont perçu 80 % de la dotation de la subvention de l'État. Sur la base de cette trésorerie, elles peuvent assurer le paiement de leur personnel, qu'ils proviennent de l'État ou de l'assurance maladie. Il serait néanmoins judicieux que les premiers versements interviennent en septembre.
En ce qui concerne l'article 60 et le dispositif ANTARES, le projet d'arrêté est rédigé. Il prévoit le versement d'une dotation de 9,54 millions d'euros au bénéfice du fonds de concours ouvert par le ministère de l'intérieur, qui recueille l'ensemble des contributeurs. Le projet d'arrêté est inscrit au prochain ordre du jour du conseil d'administration de la CNAMTS. Il pourra ensuite être signé et publié. Le transfert qu'il prévoit est financièrement neutre pour l'assurance maladie. La dotation MIGAC, qui avait été identifiée à cet effet, sera gelée à due proportion du montant figurant dans l'arrêté.
L'article 48 prévoit la transposition de la tarification à l'activité (T2A) aux hôpitaux locaux, mesure très attendue par ceux-ci. J'en ai encore eu confirmation hier, en visitant avec le Président de la République l'hôpital local de Brie-Comte-Robert. La transition doit cependant être précédée d'une série de travaux techniques recensés en lien avec l'Association nationale des hôpitaux locaux. Tous les établissements doivent transmettre leurs données d'activité, comme le font actuellement 90 % d'entre eux. L'Agence nationale d'appui à la performance des établissements de santé et médico-sociaux (ANAP) accompagnera les 10 % qui rencontrent des difficultés dans ce domaine. Il faut également garantir la qualité du codage, dont l'exhaustivité est en cours d'évaluation par l'Agence technique de l'information sur l'hospitalisation (ATIH), préparer la facturation – les prérequis seront définis par l'ATIH, en lien avec la CNAMTS –, et estimer l'impact financier des effets revenus liés au passage du financement de la dotation globale à un financement par la T2A. Une évaluation est en cours. Ce projet, piloté par la direction générale de l'offre de soins (DGOS), sera suivi et coordonné au sein d'un comité de pilotage composé de l'Association nationale des hôpitaux locaux, de l'Association nationale des médecins généralistes des hôpitaux locaux, de l'ATIH et de la direction de la sécurité sociale. Une fois ces travaux menés à bien, le projet de décret sera préparé. Sa publication interviendra en 2011.
Toujours à l'article 48, l'arrêté dit Puigcerdà n'a pas encore été pris non en raison de difficultés particulières, mais parce que sa publication ne correspond pas à un besoin urgent, compte tenu du stade d'avancement du projet. La mise en service de l'hôpital, que j'ai visité il y a quelques semaines, n'est prévue que pour 2012.
J'en viens à la question de M. Door sur la dotation pour 2010 de l'Établissement de préparation et de réponse aux urgences sanitaires (EPRUS). Compte tenu de la programmation prévisionnelle pour 2011 en produits de santé, qui s'élève à 104 millions d'euros, dont la moitié est à la charge de l'assurance maladie, j'envisage de ne pas doter l'EPRUS en 2011 de la part assurance maladie. Dans ces conditions, la sous-exécution, fin 2011, des crédits d'assurance maladie sera réduite à 139 millions d'euros.
S'agissant de la responsabilité civile et professionnelle des médecins, l'article 44 a permis de faire quelques progrès, en créant la possibilité pour l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux (ONIAM) de se substituer aux professionnels de santé, non seulement en cas de transaction amiable, mais en cas de contentieux. J'ai pris l'engagement devant vous de doubler le montant de la garantie plancher et de relever le plafond de l'aide de l'assurance maladie à la prime d'assurance à 19 800 euros par an, contre 18 000 euros actuellement. Bien que des progrès soient intervenus, les praticiens libéraux ont fait savoir par un mouvement de grève que ces mesures leur semblent insuffisantes. Selon eux, l'augmentation du plancher de garantie pourrait provoquer celle des cotisations. De plus, l'article 44 n'éloigne pas complètement le risque de ruine des professionnels, puisqu'il n'instaure aucun dispositif d'écrêtement des indemnités dues par un professionnel ayant entraîné une pathologie évolutive ne se consolidant qu'à l'âge adulte. Nous avons donc, M. Baroin, Mme Lagarde et moi-même, confié à M. Gilles Johanet, ancien directeur de la CNAMTS et conseiller référendaire à la Cour des comptes, une mission de concertation pour prendre contact avec l'ensemble des professionnels – libéraux, assureurs, représentants de l'ONIAM –, afin de proposer des améliorations au dispositif prévu à l'article 44, évaluer les conséquences d'un relèvement du plancher de garanties sur l'évolution des primes d'assurance et imaginer éventuellement des mécanismes d'encadrement. M. Johanet rendra ses conclusions avant la fin de ce mois. Nous envisagerons alors des mesures que nous vous proposerons dans la prochaine loi de financement.
Je vous prie tout d'abord de bien vouloir excuser l'absence de M. Woerth, retenu par d'autres engagements.
Je suis consciente, monsieur le rapporteur, que vous ne pouviez cette année nous féliciter, comme vous l'aviez fait l'an dernier, pour la célérité avec laquelle nous avons pris les mesures d'application de la loi de financement pour 2010… Plusieurs facteurs ont contribué à retarder leur publication : la lourde charge de travail de la section sociale du Conseil d'État, le remaniement ministériel et la préparation de la réforme des retraites. Il va sans dire que nous ferons tout pour remédier sans délai à cette situation. Je me tiens prête à répondre à toutes vos questions à ce sujet.
En ce qui concerne la partie vieillesse, la principale disposition de la loi de financement concerne la réforme du dispositif de majoration de durée d'assurance. Cette réforme a permis de consolider le dispositif que menaçait une jurisprudence de la Cour de cassation. Sa mise en oeuvre nécessite la publication de deux textes réglementaires. Le décret en Conseil d'État traite les questions de procédure et de coordination entre régimes. Il vient d'être transmis au Conseil d'État et sera complété prochainement par un décret simple.
Pour le reste, il est indéniable que plusieurs textes réglementaires seront nécessaires à la bonne application des autres dispositions concernant la vieillesse. Le Gouvernement fera en sorte que leur publication intervienne avant la fin de l'année.
Pour le champ médico-social, la loi de financement permet de mettre en oeuvre les engagements du Président de la République relatifs au plan handicap, qui prévoit la création de 50 000 places avant sept ans. En 2010, plus de 5 500 places nouvelles diversifiées et adaptées aux besoins de chacun ont été financées. Le Parlement a adopté une mesure de justice très attendue et essentielle à nos yeux : l'intégration des frais de transport des personnes handicapées dans le budget des établissements. Elle mettra un terme à des inégalités de traitement patentes. Le décret d'application, en cours d'examen au Conseil d'État, sera signé avant la fin du mois.
Le texte prévoit également l'intégration des crédits nécessaires à la prise en charges des instituts médico-éducatifs (IME) belges dans l'ONDAM médico-social. L'arrêté du 9 juin fixe à 60 millions d'euros le montant total des dépenses relevant du champ de la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA), afférant au placement des personnes handicapées dans des établissements conventionnés belges.
Par ailleurs, le texte a apporté une réponse juste au problème lié à l'augmentation du forfait journalier hospitalier pour les personnes percevant l'allocation pour adulte handicapé (AAH) qui vivent en maison d'accueil spécialisée (MAS), afin de leur garantir un reste à vivre minimal, à l'instar des personnes vivant en foyers d'accueil médicalisés (FAM). Le décret d'application a été publié le 7 janvier. Mais, sensibles aux remarques qui sont remontées du terrain, nous publierons dans les semaines à venir un arrêté visant à sécuriser la définition des ressources à prendre en compte pour calculer le reste à vivre de 30 % de l'AAH prévu par le décret. Une circulaire explicative précisera les conditions de mise en oeuvre du dispositif, particulièrement des modalités de facturation du forfait journalier en cas de bénéfice de la garantie prévue par le décret.
Pour la branche famille, le texte prévoit une nouvelle mesure visant à développer l'accueil chez les assistants maternels. Elle s'inscrit dans le cadre de l'effort exceptionnel du Gouvernement afin de développer la garde d'enfant. En vue de lever les obstacles qui pèsent sur l'installation des assistants maternels, nous leur ouvrons le bénéfice du prêt à taux zéro. Le décret du 9 juin 2010 relatif au prêt à l'amélioration de l'habitat précise les conditions d'application de cette mesure.
S'agissant de la branche des accidents du travail et des maladies professionnelles (AT-MP), les partenaires sociaux ont souligné, dans l'accord interprofessionnel du 12 mars 2007, la nécessité de rénover le système des incitations financières à la prévention des risques professionnels. L'article 74 de la loi de financement a instauré un système de bonus-malus plus efficace. Il crée un bonus, par le biais d'une nouvelle incitation pour les entreprises qui réalisent des investissements de prévention, et un malus, puisqu'il simplifie les mécanismes de majoration en cas de risque avéré ou récurrent. Le projet d'arrêté d'application de ces mesures doit être soumis aujourd'hui même à l'avis des partenaires sociaux, dans le cadre de la commission des accidents du travail et des maladies professionnelles. Par ailleurs, bien qu'il ne s'agisse pas d'un texte d'application de la loi de financement, je rappelle que le décret portant réforme des règles de tarification de la branche AT-MP a été publié le 5 juillet.
J'en viens à la question de Mme Clergeau sur l'arrêt du dispositif qui, dans la fonction publique, permettait au parent de trois enfants de partir à la retraite après quinze ans de travail. Ce dispositif avait été créé en 1924 pour inciter les femmes à retourner la maison, parce qu'on considérait que leur place était au foyer… Or, il existe une corrélation réelle entre le taux d'activité des femmes et le taux de natalité. Nous avons pris, par conséquent, une mesure de justice et de convergence en supprimant cette mesure qui n'existait pas dans le privé. Sur le fond, les personnes concernées auront jusqu'au 31 décembre pour se décider. En outre, le projet de loi porté par M. Woerth prévoit une mesure favorable aux femmes : désormais, les indemnités journalières de maternité seront comptabilisées pour le calcul de leur retraite.
Mme Clergeau a également rappelé que les assistants maternels bénéficieraient d'un prêt à taux zéro étalé sur dix ans au plus. Cette durée a été mûrement réfléchie. Elle leur permettra de verser des mensualités qui ne grèveront pas leur budget. Libre aux intéressés de prendre une assurance au cas où ils cesseraient leur activité.
Conformément à l'engagement du Président de la République, le décret relatif au Fonds national de protection de l'enfance est sorti le 18 mai dernier. Ce fonds sera abondé, dans un premier temps, de 30 millions d'euros sur trois ans, provenant de la branche famille. D'autres crédits d'État pourront être mobilisés en loi de finances.
M. Denis Jacquat a évoqué un possible ajustement de l'article 69 s'agissant du cumul entre l'assurance vieillesse des parents au foyer (AVPF) et la majoration de durée d'assurance (MDA). Nous ne l'excluons pas, non pas pour modifier le mécanisme, mais uniquement pour le rendre plus opérationnel en clarifiant les règles de priorité entre les deux dispositifs.
S'agissant enfin de l'assurance veuvage, je veux rassurer Mme Clergeau : comme Éric Woerth l'a dit le 16 juin dernier, le dispositif sera prorogé, le Gouvernement le proposera dans le cadre du prochain projet de loi de financement.
Je ne reviendrai pas sur les aspects financiers de la loi de financement, mais simplement sur les trois articles qui concernent plus spécifiquement les aînés.
L'article 46 a trait à l'encadrement des tarifs d'hébergement dans les établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD). Le décret d'application de cette mesure est joint à celui qui réforme la tarification de ces établissements. Tous deux sont actuellement examinés par le Conseil d'État. Dès leur publication, que j'espère rapide, ils permettront de mieux contrôler les prestations complémentaires délivrées dans ces établissements.
L'article 53 élargit la compétence de la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA) à l'analyse des coûts des établissements médico-sociaux et rend obligatoire la transmission des tarifs pratiqués par les établissements. Cette disposition nécessite un décret simple, dont nous avons souhaité que la rédaction coïncide avec l'élaboration de la convention d'objectifs et de gestion entre l'État et la CNSA. Cette convention est en cours de discussion et elle sera finalisée avant la fin de l'année, tout comme le décret.
L'article 54, qui ouvre la possibilité de créer des pharmacies à usage intérieur dans les EHPAD, est d'application directe. La disposition prendra donc effet à partir du 1er janvier 2011, sans qu'il soit besoin d'un décret spécifique.
S'agissant enfin de la mise en réserve des fonds, je rappelle que la délégation des crédits aux agences régionales de santé se fait en deux temps : après une première délégation en cours d'année, une seconde intervient à l'automne afin d'allouer les crédits en fonction des besoins et des régions concernés. Cette mise en réserve ne freinera en rien la poursuite des plans – plan de solidarité grand âge et plan Alzheimer – car, dans ces domaines, les consommations se font très lentement en raison des délais nécessaires pour ouvrir les places et recruter les personnels.
Si nous sommes un peu contraints par le temps, c'est parce que cette audition, qui devait initialement se tenir hier après-midi, a été repoussée au motif que nous étions nombreux à vouloir participer au débat d'orientation des finances publiques. Nous devrons nous demander, au moment du débat sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale, s'il est bien opportun de nous réunir à l'issue de l'adoption du texte en conseil des ministres…
Quoi qu'il en soit, je ne puis qu'inviter mes collègues à se montrer synthétiques.
Je regrette en premier lieu que ces conditions de travail nous empêchent d'avoir avec les ministres le véritable échange que suppose cet exercice. Je serai donc synthétique, quitte à me montrer quelque peu brutale…
Il est vrai qu'au regard de la faible proportion des décrets d'application qui ont été publiés à ce jour, on peut se demander si le contrôle parlementaire a véritablement un sens, d'autant que l'on nous dit que la plupart des décrets ne seront pas rédigés ou publiés avant la fin de l'année, c'est-à-dire que nous aurons déjà voté la prochaine loi de financement, alors que la précédente n'aura pas été intégralement exécutée ! Si l'on ne veut pas que les dispositions qui nous sont proposées apparaissent comme répondant avant tout à une volonté d'affichage, il est impératif que les décrets d'application soient pris dans des délais raisonnables. Et si tout ceci tient au fait que le Gouvernement est occupé par d'autres textes, la réponse coule de source : il faut légiférer moins !
L'exercice de contrôle auquel nous sommes aujourd'hui conviés me paraît d'autant plus limité que la ministre de la santé a annoncé il y a quelques jours, sans doute pour tenter d'amadouer l'électorat des professionnels de santé, qu'elle ne prendrait pas certains décrets d'application de la loi dite « HPST ».
Vous devriez vous en réjouir puisque vous vous y étiez opposés…
La question n'est pas celle-ci mais de savoir si le vote du Parlement a une quelconque signification aux yeux du Gouvernement ! À quoi bon contrôler l'application de la loi si le Gouvernement s'assoit sur ce que nous votons ? Nos collègues de la majorité s'étaient offusqués quand le ministre de l'identité nationale avait indiqué qu'il ne prendrait pas un décret d'application au motif que la mesure votée était inapplicable. Mais aujourd'hui, personne ne s'étonne qu'un ministre puisse refuser d'appliquer des mesures structurelles, dont nous sommes nombreux à considérer qu'elles sont nécessaires pour limiter l'augmentation des dépenses de santé.
L'impact financier du dispositif de lutte contre le virus A (H1N1) a été moins important que prévu. Doit-on comprendre de ce que vous avez dit à propos du financement de l'EPRUS, madame la ministre de la santé, que la participation des régimes obligatoires sera revue à la baisse ?
Nous entendons beaucoup dire, sur le terrain, que les mécanismes de financement des agences régionales de santé ne permettraient pas de décloisonner les différents « tuyaux d'orgue », pour reprendre votre expression. Cela tient-il simplement au fait que des décrets d'application font défaut ou faut-il revoir l'ensemble du dispositif ?
Monsieur le ministre du budget, nous avions regretté le choix qui avait été fait l'an dernier de faire porter la dette sociale par l'ACOSS. Nous contestons aussi votre intention de prolonger la durée de vie de la Caisse d'amortissement de la dette sociale (CADES). Pourriez-vous nous communiquer une estimation du surcoût lié au recours au portage par l'ACOSS ? N'aurait-il pas mieux valu augmenter les ressources de la CADES ou prolonger sa durée d'amortissement ?
Je souhaite revenir sur la question des décrets d'application : quand on vote un texte, on a souvent l'impression que le travail est fait. Or, quand les décrets d'application prennent du retard voire quand ils sont délibérément ignorés, l'oeuvre du législateur s'en trouve largement amputée. Il paraît d'autant plus indispensable de mettre un terme à une telle dérive que, dans une période budgétaire tendue, il est impératif d'aller rapidement vers les objectifs que nous nous fixons en matière de santé publique, tout en recherchant constamment les économies qui peuvent être faites dans ce secteur et en suivant au plus près les dépenses de santé grâce à des mécanismes d'alerte particulièrement réactifs.
Le fait que les décrets ne paraissent pas nous plonge dans le désarroi : alors que les parlementaires s'investissent dans ce travail considérable qu'est l'examen du projet de loi de financement, ils sont tout simplement dans l'incapacité de se rendre compte si ce qu'ils ont voté l'année précédente a été effectivement mis en application. Qu'il faille huit, neuf ou dix mois pour sortir un décret est assez désespérant et traduit même un certain mépris vis-à-vis des parlementaires. Comment s'étonner dès lors que nous soyons tous aujourd'hui quelque peu énervés ?
À propos de l'article 94 relatif à la lutte contre ce véritable drame qu'est le travail au noir, il nous a été indiqué que le décret serait rédigé par l'ACOSS – pourquoi pas par le ministère ? –pour qui la complicité devrait être « intentionnelle », ce qui signifierait que le donneur d'ordre devrait avoir eu, non seulement, connaissance de l'infraction mais aussi la volonté de s'y associer. Ce n'est absolument pas ce que les parlementaires avaient voulu lors du vote de la loi de financement !
Il y a beaucoup de textes, de décrets et de circulaires. Je rejoins bien sûr ce que vient de dire Dominique Tian, mais je crois surtout qu'il faut moins de lois – y compris, mes chers collègues, moins de propositions de loi ! Un précédent ministre des finances disait que ce qui distingue un pays qui réussit d'un pays qui échoue, c'est un demi-point de croissance en plus ou en moins. Or, de nombreux observateurs extérieurs, qui considèrent que l'Europe a beaucoup d'atouts, jugent que le système réglementaire français est très excessif et qu'il est un facteur de blocage des initiatives, d'augmentation des coûts et d'un certain retard d'adaptation par rapport à nos voisins.
Madame Touraine, il a été moins onéreux de faire porter le financement par l'ACOSS que par la CADES, d'autant que l'on ne retrouvera jamais des taux d'intérêt aussi bas – entre 0,29 et 0,32 % ! Cette dette, comme d'ailleurs l'ensemble de la dette française, a ainsi été gérée au plus près.
Je suis moi aussi de culture parlementaire, je me suis beaucoup investi dans l'examen d'un certain nombre de textes, je comprends donc les critiques exprimées par MM. Domergue et Tian. Il est vrai, s'agissant tout particulièrement du projet de loi de financement de la sécurité sociale, que le temps où le législateur se prononce et le temps où l'administration publie semblent incompatibles. Tout au plus puis-je vous assurer que, pour la partie qui relève de mon ministère, j'exercerai une pression vertueuse pour que nous soyons rapidement en phase avec la volonté du législateur.
La situation a été exceptionnelle dans la mesure où nous avons examiné une loi de réorganisation du système de santé d'une ampleur sans précédent depuis cinquante ans, puisqu'elle portait à la fois sur l'hôpital, sur la médecine de ville, sur la restructuration totale de l'administration de la santé, sur le décloisonnement entre l'hôpital, la ville et le médico-social. Même s'ils n'étaient pas d'accord sur les modalités, tous ses acteurs reconnaissent que ce remodelage de notre système de santé était indispensable, certaines dispositions ayant même été adoptées à l'unanimité. Nous nous sommes ainsi retrouvés sur le caractère indispensable de la création des agences régionales de santé. Comment un tel travail n'aurait-il pas embouteillé la section sociale du Conseil d'État ?
J'avais pris des engagements extrêmement forts en qui concerne le travail réglementaire sur ce texte et il sera pratiquement achevé à la date anniversaire de la loi, le 21 juillet prochain, comme l'avait demandé le président de la République. Ce travail est donc derrière nous et nous allons retrouver un rythme normal qui nous permettra de publier les textes réglementaires dans les délais nécessaires. Vous devriez ainsi pouvoir à nouveau nous adresser l'an prochain les compliments que vous nous aviez fait l'an dernier.
Mme Marisol Touraine a évoqué les mesures relatives à la permanence des soins et aux contrats santé-solidarité. Il est vrai que des difficultés d'application m'ont fait mettre ce dispositif en réserve, mais je n'ai pas pour autant abandonné la démarche proactive qui est la mienne sur ces deux sujets. J'ai demandé que cette période soit mise à profit par les acteurs de terrain pour démontrer qu'ils pouvaient résoudre par le volontariat les difficultés posées par la permanence des soins et que certains médecins pourraient s'engager à exercer une part de leur activité en zone sous-dense. Je suis donc soucieuse, à la fois, de respecter la volonté du Parlement et très vigilante de garantir l'implication des professionnels de santé.
S'agissant du coût de la campagne contre le virus A(H1N1) et de l'EPRUS, la campagne de vaccination aura coûté 520 millions d'euros, y compris 73,5 millions de dons à l'OMS qui relèvent de la politique de coopération avec d'autres pays. Nous sommes en train de traiter les remontées chiffrées, afin de donner une estimation précise du coût. Les achats de vaccins ont coûté 334,17 millions d'euros, y compris les 73,5 millions d'euros de dons. L'indemnisation globale liée aux résiliations est de 48 millions d'euros. Nous avons d'ores et déjà trouvé un accord avec Novartis et Sanofi et la notification d'une indemnisation correspondante a été faite à GSK. Ayant eu l'occasion de m'exprimer longuement devant les commissions d'enquête de l'Assemblée et du Sénat, je n'insisterai pas davantage sur ce sujet.
Au 31 décembre 2010 et sans modification de dotations déjà votées – 41 millions d'euros pour l'État et 44 millions pour l'assurance-maladie – la situation prévisionnelle de l'EPRUS laisse apparaître un excédent de 85 millions d'euros pour l'État et de 235 millions pour l'assurance-maladie. Les crédits de l'assurance-maladie ne sont pas, madame Touraine, des crédits effectivement versés mais constituent en quelque sorte un droit de tirage, les versements n'ayant lieu qu'en fonction des besoins réels exprimés par l'établissement sur une base mensuelle. Sans événement exceptionnel de nature à infléchir la programmation prévisionnelle, les versements de la subvention pour charge de service public 2010 de l'État et de la dotation 2010 de l'assurance-maladie ne seront donc pas nécessaires. La suppression de ces deux dotations limiterait l'excédent de dotations, fin 2010, à 44 millions d'euros pour l'État et à 191 millions pour l'assurance-maladie.
Les remontées que vous signalez à propos des ARS viennent-elles des associations de luttes contre le VIH ?
Dans les directions des ARS elles-mêmes, on a le sentiment que les financements restent difficiles à débloquer et qu'ils remontent en suivant les « tuyaux d'orgue », ce qui empêche les agences d'exercer leurs missions d'interconnexion.
Beaucoup d'entre nous se demandent, madame la ministre de la santé, si, en fin d'année, un nouveau texte sur la santé publique ne devrait pas être précédé d'un débat-bilan sur la loi dite « HPST » et sur sa mise en place sur le terrain.
Je suis à la disposition du Parlement. Il serait tout à fait légitime, intéressant et intelligent d'avoir un débat avant la révision d'un texte aussi important qu'une loi de santé publique. Je rappelle toutefois que nous avons, au préalable, un rendez-vous impératif, celui de la loi bioéthique, avec pour date butoir le 11 février 2011 qui marquera la fin du moratoire sur la recherche sur les cellules souches embryonnaires.
Vous avez dit, madame la ministre de la santé, que le travail réglementaire sur la loi dite « HPST » avait été votre priorité. Pouvez-vous m'indiquer si seront prochainement publiés les décrets relatifs aux nouvelles missions de santé publique dévolues aux pharmacies d'officine ?
Vous avez, par ailleurs, reconnu qu'il était indispensable de remettre à plat le mode de rémunération de ces pharmaciens, qui sont confrontés à des difficultés économiques croissantes, et d'adapter le modèle économique de l'officine à un marché des médicaments structurellement moins dynamique qu'auparavant. La commission de réflexion intra-professionnelle présidée par M. Michel Rioli vous a remis un rapport qui préconise un certain nombre de mesures quant à la rémunération des nouvelles missions confiées aux pharmaciens. Pouvez-vous nous dire où en est aujourd'hui la réflexion à ce propos ? Ces propositions trouveront-elles une traduction dans le prochain projet de loi de financement ? Ce serait sans doute un moyen de remédier aux difficultés économiques des officines. J'ajoute que la marge linéaire dégressive lissée du médicament est très largement à l'origine de ces difficultés et que des mesures relevant non pas de la loi de financement mais du domaine réglementaire pourraient être prises rapidement pour y remédier. Vous avez d'ailleurs pris des engagements en ce sens auprès des représentants des pharmaciens.
Vous avez indiqué, madame la secrétaire d'État en charge des aînés, qu'aucun décret était nécessaire pour ouvrir, à partir du 1er janvier 2011, la possibilité de créer des groupements de coopération entre le social et le médico-social afin de gérer des pharmacies à usage interne aux EHPAD. Cette mesure étant liée à l'expérimentation du forfait soins dans ces établissements, dont leurs directeurs demandent la prolongation, vous paraît-il possible de tenir cette date ?
(M. Jean Mallot, secrétaire, remplace le président Pierre Méhaignerie à la présidence de la séance).
Alors que la question des transports sanitaires est pendante depuis plusieurs années, l'arrêté ministériel relatif à l'expérimentation n'en est encore qu'au stade préparatoire. Pourriez-vous nous en dire un peu plus à ce propos, notamment en ce qui concerne l'intégration très attendue dans le forfait soins des frais de transport des personnes polyhandicapées, que nous avions déjà évoquée l'an dernier lors de l'examen du projet de loi de financement ?
S'agissant du plafonnement du forfait journalier dans les maisons d'accueil spécialisées, le décret du 7 janvier 2010 a fort heureusement précisé qu'il n'était pas question de réduire les ressources des personnes handicapées et que le minimum garanti était effectivement porté à 30 % de l'allocation aux adultes handicapés. Les annonces de ces derniers jours quant à l'évolution des ressources provoquent néanmoins une certaine inquiétude, qu'il serait sans doute bon de lever.
Il faut bien évidemment poursuivre notre démarche d'évaluation, qui présente au moins l'intérêt de montrer qu'un grand nombre de décrets font aujourd'hui défaut. Cela est d'autant plus surprenant que le Gouvernement n'a de cesse d'insister sur la nécessité de renflouer les caisses de la sécurité sociale : le retard – dont j'espère qu'il n'est pas lié à l'application de la Révision générale des politiques publiques (RGPP) dans les ministères… – dans la mise en oeuvre des mesures de recettes ou de dépenses n'en est que plus désolant. J'ai bien entendu vos explications sur ce retard, madame la ministre, mais vous comprendrez que les parlementaires se sentent frustrés et se demandent même s'il peut arriver que certains décrets ne soient jamais pris. Je suppose qu'en dépit de tout cela, le forfait hospitalier a effectivement été relevé…
Cette disposition n'était pas de nature législative.
S'agissant des recettes, Yves Bur nous a promis monts et merveilles pour 2011, comme s'il allait renflouer la sécurité sociale à lui tout seul… Nous serons très vigilants quant à la mise en oeuvre de ces mesures, notamment celles qui concernent les stock-options et les retraites chapeau : nul doute, mon cher collègue, que vous veillerez à ce que les décrets d'application soient pris au plus vite.
Je regrette moi aussi le retard exceptionnel que nous avons pris, d'autant que nos cabinets ont travaillé d'arrache-pied, et je déplore l'encombrement de la section sociale du Conseil d'État. Comme à l'accoutumée, ce ne sont pas les mesures de recettes qui posent problème, car elles sont d'application immédiate, mais les mesures d'économies dans les dépenses, qui exigent des concertations et des réglages.
Il peut arriver que les décrets d'application de certaines lois ne soient jamais pris, mais c'est rarement le cas des lois de financement de la sécurité sociale. Je rappelle, en outre, qu'une loi qui a été votée exerce des effets juridiques, même en l'absence de dispositions d'application.
J'en viens aux questions de M. Guy Malherbe. L'avis de l'Autorité de la concurrence sur le décret d'application de l'article 38, relatif aux missions des pharmaciens, vient de nous parvenir et le décret sera soumis au Conseil d'État le 13 juillet.
S'agissant, de façon beaucoup plus globale, des difficultés que rencontrent certaines – et non la majorité d'entre elles – pharmacies d'officine, j'ai demandé à la direction de la sécurité sociale de réaliser un diagnostic détaillé de leur situation, en collaboration avec la direction générale de l'offre de soins et après consultation des instances professionnelles. Les résultats viennent de m'en être donnés. Nous poursuivons les négociations avec les professionnels, mais les éventuelles mesures qui seront soumises à l'arbitrage devront s'insérer dans le contexte budgétaire contraint de l'ONDAM. Une attention particulière sera portée à la situation des officines rurales et à l'incitation au regroupement des officines en surnombre, grâce aux outils que donne la loi. Au-delà des mesures conjoncturelles qui pourraient être décidées, un travail de moyen terme doit être engagé avec les pharmaciens pour étudier une évolution du mode de rémunération – vous avez évoqué la marge linéaire dégressive, qui a maintenant une vingtaine d'années – qui ne soit plus fondé sur un pourcentage du chiffre d'affaires, mais qui pourrait inclure une rémunération à l'acte. C'est un sujet complexe auquel je suis attentive, non pas parce qu'il s'agit de mon métier d'origine, mais parce que je suis persuadée que cette évolution s'inscrit dans la lignée de ce que nous avons fait en ce qui concerne les missions du pharmacien.
S'agissant des frais de transport des personnes handicapées accueillies en établissement médico-social, la dotation prévue dans la loi de financement de la sécurité sociale pour 2010 est de 18 millions d'euros pour six mois et de 36 millions en année pleine. Le décret est prêt et sera publié avant la fin du mois.
L'expérimentation de la possibilité de créer des pharmacies à usage intérieur, mais aussi de l'introduction des médicaments dans le forfait soins, est en cours dans les EHPAD. Elle a toutefois démarré avec un certain retard et son évaluation à ce jour serait ainsi incomplète. Nous ne tirons donc pas de conclusion pour l'instant. Les deux inspecteurs qui pilotent l'expérimentation remettront leur rapport en septembre. Nous verrons alors s'il est pertinent de prolonger l'expérimentation et pour quelle durée.
La séance est levée à treize heures quinze.