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Intervention de Yves Bur

Réunion du 7 juillet 2010 à 11h30
Commission des affaires sociales

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaYves Bur, rapporteur pour les recettes et l'équilibre général :

L'obligation incombant aux commissions permanentes de procéder à un bilan de l'application des lois, six mois après leur promulgation, est antérieure à la réforme constitutionnelle de 2008, mais elle a en quelque sorte anticipé sur l'esprit de cette réforme, dont l'un des principaux axes consiste à mettre l'accent sur le contrôle parlementaire. Désormais, les rapports sur la mise en application des lois peuvent même donner lieu, en séance publique, à un débat sans vote ou à une séance de questions.

Notre commission n'a pas non plus attendu la révision constitutionnelle pour veiller à la correcte application des lois de financement de la sécurité sociale, car ces textes comportent chaque année des dispositions importantes. Ils sont appelés à revêtir une importance encore plus grande s'ils acquièrent le monopole des mesures affectant les recettes de la sécurité sociale.

Par ailleurs, les règles spécifiques sous l'empire desquelles les lois de financement sont adoptées doivent nous rendre d'autant plus vigilants sur leurs conditions d'application. Le recours automatique à la procédure accélérée ne peut que légitimer notre volonté de nous interroger sur le délai de parution de textes réglementaires visant à appliquer des dispositions adoptées dans des conditions dérogatoires à la procédure ordinaire.

Deux dispositions contraignent le Gouvernement à informer le Parlement de l'application des lois. La première, résultant de la loi de simplification du droit de 2004, vaut pour tous les textes : le Gouvernement doit présenter, six mois après l'entrée en vigueur d'une loi, un rapport sur sa mise en application. Pour ce qui est des lois de financement, le Gouvernement n'a pas respecté cette obligation au cours des années récentes. De même, son échéancier des décrets d'application mis en ligne sur le site Internet Légifrance n'est pas très à jour. Il est vrai qu'il est soumis à une seconde obligation d'information, spécifique aux lois de financement, puisque chaque année, l'annexe 3 au projet de loi de financement de la sécurité sociale doit rendre compte de la mise en oeuvre des dispositions de la loi de financement de l'exercice en cours.

Le rendez-vous annuel, que nous avons aujourd'hui avec les ministres, a au moins une utilité concrète : il nous permet d'inciter l'exécutif à suivre de près la mise en application de textes dont l'origine lui revient en grande partie et à s'assurer qu'elle s'effectue dans des délais convenables.

L'exemple des deux précédentes lois de financement est particulièrement éclairant à cet égard. En juin 2008, nous avions dû faire preuve d'une grande sévérité et déplorer que l'application de la loi se révèle aussi lente, avec un taux de publication des textes réglementaires globalement inférieur à 20 %. Après ce coup de semonce, le taux s'est spectaculairement redressé en 2009, tout en demeurant néanmoins inférieur à 50 %.

Cette année, 9 des 97 articles de la loi de financement adoptée par le Parlement ont été intégralement censurés par le Conseil constitutionnel. Sur les 88 articles restants, seuls 39 appelaient la publication d'au moins un texte réglementaire d'application ou d'une convention. À ce jour, 27 de ces 39 articles n'ont fait l'objet d'aucun texte d'application. Autrement dit, l'amélioration constatée à l'occasion de l'exercice précédent est restée sans lendemain et le taux d'exécution est retombé à 20 % seulement.

Ce n'est pas le volume de la loi de financement pour 2010 qui explique ce moins bon taux d'application. En 2009, le nombre d'articles nécessitant des mesures réglementaires d'application, qui était de 56, était supérieur de près de deux tiers à celui de 2008, ce qui n'avait pas empêché une amélioration du taux d'application. En 2010, nous constatons au contraire que la diminution d'un tiers du nombre d'articles par rapport à 2009 n'a pas eu d'incidence positive sur ce taux. Les explications de nature quantitative sont d'autant moins pertinentes, que même avec une loi de financement de taille plus réduite, la tâche demeure considérable : sur les deux cents jours écoulés depuis la promulgation de la loi, un taux d'application de 100 % nécessiterait la parution d'un texte tous les trois à quatre jours en moyenne.

Les retards peuvent se justifier par diverses causes, parmi lesquelles la forte activité des administrations et du Conseil d'État pour publier les très nombreux textes d'application exigés par la loi dite « HPST ». En outre, la parution des textes n'est pas nécessairement urgente, si les dispositions de la loi ne sont pas d'application immédiate. Parfois, elle est l'aboutissement d'un long processus de caractère interministériel, auquel s'ajoute la consultation préalable des conseils d'administration des caisses compétentes ou de la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL). Enfin, l'adoption des décrets en Conseil d'État implique une procédure plus longue du fait des contraintes propres à cette institution, ce qui explique certainement pour partie un taux de réalisation nettement inférieur à celui des décrets simples.

La non-parution des textes d'application traduit, sinon un retard ou une négligence de la part de l'exécutif, la lenteur avec laquelle certaines dispositions entrent en vigueur. Elle n'en donne pas moins à réfléchir, particulièrement dans le cas de l'assurance maladie : puisque la construction de l'objectif national des dépenses d'assurance maladie (ONDAM) intègre des économies qui résultent des mesures nouvelles prévues par la loi de financement, la première mesure à prendre pour tenir l'ONDAM est donc déjà de publier rapidement les décrets d'application.

Dès lors, les ministres peuvent-ils évaluer le coût des retards de mise en application de la loi par rapport aux prévisions initiales ? Certaines mesures d'économies, au lieu d'exercer un plein impact en année n, ne le feront que tardivement, voire seulement durant l'année n + 1. Ainsi, le nouveau régime d'exonération du ticket modérateur pour les soins de suivi post affections de longue durée (ALD), créé par l'article 35 et présenté comme une source d'économies, n'est pas encore opérationnel.

En outre, le Gouvernement a confirmé son intention de mettre en oeuvre les propositions de la mission confiée à M. Raoul Briet, à laquelle j'ai pris part. Elles visent à abaisser progressivement le seuil d'alerte et à renforcer l'intervention du comité d'alerte, ce qui impose de réagir rapidement pour redresser les comptes, si nécessaire. C'est là un enjeu réel de l'application de la loi de financement de la sécurité sociale et une nouvelle motivation pour exercer chaque année un contrôle vigilant de cette application.

En matière de recettes, de trésorerie, de gestion du risque et de lutte contre les fraudes, l'application de la loi de financement pour 2010 peut être tenue pour satisfaisante, même si beaucoup de dispositions de nature financière sont d'application directe. C'est le cas de l'article 33, qui habilite les régimes de sécurité sociale à recourir à l'emprunt. Le plafond a été fixé pour 2010 à un niveau sans précédent : 65 milliards d'euros pour le seul régime général. M. le ministre peut-il nous confirmer que ce plafond est suffisant et faire le point sur les conditions dans lesquelles est géré, durant l'exercice 2010, le stock de dette accumulé à l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale (ACOSS) depuis le début de 2009 ?

On relève cette année une particularité. À peine promulgué, l'article 10 a été modifié par l'article 96 de la loi de finances rectificative pour 2009, qui avait pour objet de soumettre les organismes complémentaires d'assurance maladie à une contribution exceptionnelle dans le cadre de leur participation à la mobilisation contre la grippe A (H1N1). La rédaction initiale fixait le taux de la contribution à 0,94 %. Celui-ci avait été calibré de telle sorte que le produit de la taxe corresponde aux frais d'achat de vaccins que les complémentaires auraient été conduites à prendre en charge si les modalités d'organisation de la campagne de vaccination avaient permis de suivre la procédure habituelle de remboursement, qui prévoit la prise en charge du ticket modérateur par les complémentaires. Le coût de la campagne était estimé à 710 millions d'euros, de telle sorte que leur contribution devait atteindre 300 millions d'euros.

Ce coût a été révisé à la baisse en raison d'un taux de TVA plus faible que celui qui avait été anticipé, soit une économie de 97 millions d'euros sur l'achat des vaccins. En outre, les 9 millions de doses données à l'Organisation mondiale de la santé (OMS) ne sont pas assujetties à la contribution. Le taux a donc été ramené à 0,77 %, pour un produit d'environ 230 millions d'euros. Enfin, depuis cette modification, le coût de la campagne a encore été revu à la baisse, puisqu'il est estimé à 310 millions d'euros, ce qui pourrait justifier un nouvel ajustement du taux.

Par ailleurs, même si l'article 14, qui a augmenté les minima de perception sur les cigarettes et le tabac à rouler, est évidemment d'application directe, j'aimerais savoir quelle réaction vont adopter les ministres face à la scandaleuse guerre des prix à laquelle on assiste actuellement.

Enfin, nous attendons tous avec grand intérêt, avant le 15 septembre, la transmission du rapport sur les retraites chapeaux demandé par l'article 15 de la loi.

Je vais à présent suppléer mon collègue Jean-Pierre Door, qui ne peut assister à notre réunion. Il avait rapporté les 20 articles relatifs à l'assurance maladie qui ne traitaient pas spécifiquement du secteur médico-social, ainsi que les 5 articles concernant la branche des accidents du travail et des maladies professionnelles.

Si, l'an dernier, le bilan de la mise en oeuvre de la loi était globalement satisfaisant, on constate cette année que la mise en application de ses dispositions est décevante. Elle a pris beaucoup plus de retard : six mois après la publication de la précédente loi de financement, 13 des 30 textes réglementaires nécessaires à sa mise en application avaient été publiés, alors que, cette année, sur les 19 textes réglementaires prévus par la loi ou jugés nécessaires à leur application par le Gouvernement, dont 5 décrets en Conseil d'État, 5 décrets simples et 9 arrêtés, seuls 3 textes, un décret simple et 2 arrêtés, ont été pris à ce jour, et aucun des décrets en Conseil d'État prévus n'a été publié.

Sur les 25 articles relatifs à l'assurance maladie ou aux accidents du travail, 15 ne nécessitaient la parution d'aucun texte réglementaire. Il n'est pas utile de les énumérer.

Selon les informations qui nous ont été communiquées, d'autres textes devraient être pris prochainement, parmi lesquels :

– les deux décrets prévus à l'article 35 pour créer un nouveau régime d'exonération du ticket modérateur pour les soins de suivi post affections de longue durée (ALD), mesure présentée comme devant faciliter la sortie du régime des ALD pour les patients guéris, et donc génératrice d'économies ; en tout cas, elle devait participer d'une politique d'optimisation du régime des ALD, et il serait souhaitable qu'elle soit rapidement mise en oeuvre ;

– le décret mettant en oeuvre, à titre expérimental, la consultation annuelle de prévention pour les 16-25 ans ;

– le décret qui précisera les aménagements apportés à la procédure de mise sous accord préalable prévue à l'article 41 de la loi ; il s'agit d'une mesure très utile, qui permettra aux caisses de développer leurs programmes de contrôle en stigmatisant moins les médecins, dans le cadre de la procédure contractuelle ; à l'heure où les dépenses d'indemnités journalières croissent de nouveau rapidement, elle mérite d'être mise en oeuvre rapidement ;

– l'arrêté fixant, en application de l'article 59, la contribution des régimes obligatoires aux agences régionales de santé (ARS) ; celles-ci fonctionnant depuis le 1er avril, il est temps que leur personnel soit définitivement constitué, afin qu'elles puissent se consacrer pleinement à leurs importantes missions ;

– les décrets nécessaires à l'application de l'article 62, qui étend aux conjoints-collaborateurs des avocats et des professionnels libéraux la couverture obligatoire du risque invalidité-décès ;

– l'arrêté fixant le montant de la participation des régimes obligatoires d'assurance maladie au financement du dispositif d'interconnexion ANTARES, qui devrait être publié au cours de l'été 2010 ;

– les décrets en Conseil d'État et les arrêtés nécessaires à la mise en place des dispositifs de régulation des dépenses de transports sanitaires et des prescriptions hospitalières de médicaments délivrés en ville prévus aux articles 45 et 47 ;

– le décret prévu à l'article 48 pour détailler la date limite pour l'arrêt du financement dérogatoire des hôpitaux locaux sous forme de dotation globale et décrivant les modalités de transition particulières de la convergence intrasectorielle pour ces établissements de santé ;

– l'arrêté donnant une base légale au paiement qu'effectuera une caisse pivot à l'hôpital transfrontalier de Puigcerdà, en Catalogne.

Enfin, Jean-Pierre Door souhaite connaître la position des ministres sur plusieurs points.

Où en est la refonte du régime des ALD ? Ce régime concentre une part croissante de nos dépenses de santé et, s'il est légitime que la collectivité consente un effort important en faveur des malades, il est tout aussi légitime de veiller à ce que ces fonds publics soient utilisés de façon optimale. Des propositions ont été faites en vue de réaliser des économies ou d'optimiser les dépenses de l'assurance maladie.

S'agissant de la responsabilité civile des médecins, notamment des chirurgiens, obstétriciens et anesthésistes, et du plafond de garantie de leur couverture d'assurance, le dispositif auquel nous sommes parvenus en commission mixte paritaire, dans la dernière ligne droite de la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2010, est-il pleinement satisfaisant ? Les assurances privées peuvent-elles couvrir dans de bonnes conditions des situations où, si l'on craint que les indemnités à verser ne soient très lourdes, les condamnations sont très rares ? Ne vaudrait-il pas mieux qu'en la matière, la collectivité publique soit en quelque sorte son propre assureur ? Le fonds de roulement de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux (ONIAM) ne le permettrait-il pas ?

D'après les éléments d'informations qui ont été transmis, la situation budgétaire de l'Établissement de préparation et de réponse aux urgences sanitaires (EPRUS) laissera apparaître, au 31 décembre 2010, et sans modification des dotations déjà votées – 41 millions d'euros pour l'État et 44 millions d'euros pour l'assurance maladie – un excédent de 85 millions d'euros pour l'État et de 235 millions d'euros pour l'assurance maladie. Que compte faire Mme la ministre de la santé face à cette situation ?

Enfin, comment se fait-il que les mesures d'application de l'article 74, qui avait pour objet d'instaurer un système de bonus-malus pour inciter les entreprises à s'engager davantage dans une démarche de prévention des accidents du travail, en renforçant l'efficacité ou en généralisant les dispositions d'incitation financière existant, n'aient toujours pas été édictées ?

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