COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES
Mardi 29 juin 2010
La séance est ouverte à dix-sept heures quinze.
(Présidence de M. Pierre Méhaignerie, président de la commission)
La Commission des affaires sociales examine, sur le rapport de M. Dominique Dord, le projet de loi, adopté par le Sénat, complétant les dispositions relatives à la démocratie sociale issues de la loi n° 2008-79 du 20 août 2008 (n° 2592).
Je salue le ministre Éric Woerth et lui donne la parole sur ce projet de loi complétant les dispositions relatives à la démocratie sociale, qui nous arrive du Sénat.
Le projet de loi que vous examinez aujourd'hui est une étape importante de la rénovation de la démocratie sociale.
La loi du 20 août 2008, qui permettait de passer d'un système de présomption irréfragable de la représentativité à un système d'élection, prévoyait dans son article 2 une loi visant à renforcer l'effectivité de la représentation collective du personnel dans les petites entreprises et à y mesurer l'audience des organisations syndicales. Ignorer cette disposition reviendrait à compromettre la solidité juridique – la constitutionnalité même – de la loi de 2008, en privant de droit de vote 4 millions de salariés – soit 20 % des salariés du privé. Imagine-t-on exclure de la participation à une élection nationale les habitants des petites communes ?
Organiser ce scrutin ne représentera pas une charge administrative supplémentaire pour les petites entreprises. Le vote sera « sur sigles », ce qui permettra de définir la représentativité, tout en évitant un dialogue trop personnalisé au sein de l'entreprise. Au reste, il ne s'agit pas de désigner des représentants à quelque instance que ce soit.
Ce projet de loi très pragmatique institue dans son article 6 des commissions semblables à celles créées par la loi du 4 mai 2004. Cette disposition a été critiquée, et de manière parfois abrupte, mais je ne crois pas qu'il faille lui conférer plus d'importance qu'elle n'en a. Les commissions paritaires territoriales ne changeront pas la nature du dialogue social ; facultatives, elles doivent faire l'objet d'un accord des partenaires sociaux ; elles n'ont pas vocation à s'immiscer dans la vie des entreprises – le Sénat a interdit à leurs membres d'entrer dans celles-ci – mais à vérifier le respect des accords interprofessionnels ou de branche. Beaucoup de commissions de même nature existent d'ailleurs déjà, par exemple au niveau départemental, sans que cela pose problème.
Dans la mesure où un conflit de représentativité pourrait survenir si les différents scrutins des salariés sont proches, nous avons considéré qu'il était préférable de reporter de deux ans les élections prud'homales. J'ai demandé à M. Jacky Richard, conseiller d'État, de réfléchir à la forme que celles-ci pourraient prendre.
Lorsque nous avons consacré la primauté du dialogue social sur le débat politique, nous avons voulu donner la priorité à l'accord sur la contrainte législative. La loi de 2008 en a tiré les leçons, en exigeant des acteurs du dialogue social qu'ils justifient de leur représentativité.
Aujourd'hui, plus de 4 millions de salariés – mais cela vaut aussi pour leurs employeurs – restent privés de toute forme d'organisation collective, ce qui explique sans doute leur méfiance ou leur indifférence à l'égard des syndicats et le décalage entre ce qu'ils vivent et le débat social organisé à l'échelle nationale.
Ce texte traduit la volonté des partenaires sociaux, exprimée dans la position commune du 9 avril 2008. Je proposerai même un certain nombre de modifications à l'article 6, afin que celui-ci soit plus fidèle encore à cet accord.
Je rappelle que le projet de loi est soutenu par l'Union nationale des professions libérales (UNAPL), par la Fédération nationale des syndicats d'exploitants agricoles (FNSEA), par l'Union de syndicats et groupements d'employeurs représentatifs dans l'économie sociale (USGERES) et par l'Union professionnelle artisanale (UPA).
Contrairement à ce que l'on entend ça et là, ce texte ne consacre pas la présence syndicale dans les très petites entreprises et ne donne pas lieu à de nouvelles contraintes administratives. Il comporte seulement trois mesures : l'organisation d'un scrutin pour mesurer l'audience des organisations syndicales ; la création de commissions paritaires territoriales ; le report des élections prud'homales.
La mesure d'audience des organisations syndicales est un sujet qui fait peu débat. La loi de 2008 a fait des résultats électoraux le critère le plus déterminant de la représentativité des syndicats. Pour être représentatif, il faut désormais obtenir 10 % des suffrages exprimés au niveau des entreprises et 8 % au niveau des branches et au niveau interprofessionnel. Mais ces 8 %, en l'état actuel du droit, ne peuvent tenir compte que des entreprises où des élections professionnelles ont été organisées, ce qui laisse de côté quatre millions de salariés travaillant dans 1,2 million d'entreprises.
Juridiquement, peut-on priver ces salariés de toute possibilité d'exprimer leur préférence pour un syndicat qui sera appelé à les représenter dans des négociations et à signer des accords les concernant ? Dans un avis rendu le 29 avril 2010, le Conseil d'État a estimé que non, rappelant le principe d'égalité ainsi que le principe de participation des travailleurs posé dans le préambule de la Constitution de 1946 : « Tout travailleur participe, par l'intermédiaire de ses délégués, à la détermination collective des conditions de travail ainsi qu'à la gestion des entreprises ».
Politiquement, peut-on ignorer la question ? Dans la loi du 20 août 2008, les parlementaires, conscients du problème, ont prévu qu'une future loi devrait régler le problème. Nous allons en examiner les dispositions. Je vous proposerai quelques amendements visant notamment à améliorer la définition du corps électoral pour le scrutin de représentativité.
Le report de deux ans des élections prud'homales, souhaité par le Gouvernement, est justifié par des considérations de calendrier : en 2012-2013 se tiendra le vote de représentativité dans les TPE et les résultats de la mesure globale de l'audience des syndicats dans les branches et au niveau national interprofessionnel seront publiés pour la première fois ; 2014 sera l'année des élections municipales, territoriales, européennes et sénatoriales. Les précédents conseils de prud'hommes avaient déjà été prorogés de 2007 à 2008 pour éviter de telles coïncidences.
Ce report est aussi lié au débat sur l'avenir des élections prud'homales. Un conseiller d'État, M. Jacky Richard, a produit à la demande du Gouvernement un rapport sur cette question.
La création de commissions paritaires est une question si sensible que je crois utile de faire un rappel historique. Le Mouvement des entreprises de France (MEDEF) et la Confédération générale des petites et moyennes entreprises (CGPME) figuraient parmi les signataires de la position commune du 9 avril 2008, dont l'article 11 disposait : « Afin d'améliorer et développer le dialogue social dans les entreprises, en particulier les PME et TPE, il est convenu de rechercher les conditions pour lever les obstacles en simplifiant et en améliorant la cohérence des dispositifs existants et en se donnant les moyens de renforcer l'effectivité de la représentation collective du personnel, afin d'élargir le plus possible le nombre de salariés bénéficiant d'une représentation collective ». Le même article prévoyait la création d'un groupe de travail paritaire chargé d'examiner « les modalités spécifiques aux TPE permettant de renforcer le développement du dialogue social, en y associant au mieux les salariés concernés ». L'article 6 me semble en découler, même s'il s'agit par ailleurs, formellement, d'une transposition de la lettre commune du 20 janvier 2010, compromis signé par quatre syndicats de salariés et par l'UPA. Le MEDEF et la CGPME s'étaient retirés des négociations, mais plusieurs autres organisations patronales se sont déclarées favorables à une telle mesure : l'UNAPL, l'USGERES et la FNSEA.
Le Gouvernement propose un deuxième compromis implicite aux opposants à la création des commissions paritaires pour les TPE : les commissions ne seront pas obligatoires, puisque leur création dépendra de la volonté exprimée au cas par cas par les partenaires sociaux. De plus, contrairement à ce que demandait la lettre commune du 20 janvier, leurs membres représentant les salariés ne seront pas élus. Enfin, le Sénat a amendé le dispositif, afin qu'il soit écrit noir sur blanc que les commissions ne seront pas créées pour contrôler les entreprises et que leurs membres ne pourront entrer dans celles-ci contre la volonté du chef d'entreprise. Pour ma part, je vous proposerai de réécrire les missions des commissions de sorte qu'il soit bien clair qu'elles n'ont aucune compétence assimilable à une forme de contrôle.
Cela doit nous conduire à éviter une dramatisation excessive de ce débat, pendant lequel nous devrons bien plutôt nous attacher à rechercher un compromis global.
Je peux concevoir qu'il faille une représentativité syndicale « absolue ». Mais, la façon dont les PME et les TPE seront représentées paraît très éloignée du mode de fonctionnement au quotidien de ces entreprises. La relation entre le salarié et l'entrepreneur, qui comporte une dimension personnelle – paternaliste diront certains –, doit être maintenue.
Vous nous assurez que ces commissions ne seront consultées qu'à la demande du chef d'entreprise, qu'elles n'auront aucune mission de contrôle et que, de toute façon, les salariés peuvent déjà consulter des délégués syndicaux – en sorte que les syndicats sont déjà entrés dans ces entreprises. Il y a donc tout lieu de croire que ces commissions seront inutiles.
Même si votre intention est louable, je crains que l'effet d'annonce ne soit négatif et que le fonctionnement de nos PME et de nos TPE ne soit, une nouvelle fois, entravé. Quand on sait le poids de ces entreprises dans l'économie nationale, cette disposition n'est pas la bienvenue. Les chefs d'entreprise n'ont pas besoin d'être mis en position de défiance. Le texte peut être voté, à condition que l'article 6 soit profondément amendé, ou supprimé.
Nous avons tous conscience qu'il existe un problème de constitutionnalité. S'il n'y a pas de mesure de représentativité dans les entreprises de moins de onze salariés, les syndicats pourront user de la question préalable de constitutionnalité et c'est l'ensemble de la loi de 2008 qui sera sanctionné par le juge.
Le Gouvernement répond à cette question sans pour autant traiter le reste du problème : la situation sociale des salariés des petites entreprises. Ce que nous venons d'entendre nous rajeunit, car nous avons déjà eu ce débat dans le passé. À ceux d'entre vous qui pensent que les syndicats ne peuvent pas entrer dans les petites entreprises, je voudrais rappeler qu'en 1990, nous avons institué le « conseiller du salarié », qui intervient dans les procédures de licenciement au sein de ces entreprises. Et personne, que je sache, n'a remis cette disposition en cause !
Ce texte est pour nous insuffisant ; nous proposerons donc un certain nombre d'amendements. Nous sommes ainsi favorables à la création de délégués du personnel par bassin d'emploi, de façon que chaque entreprise ait un correspondant.
La vision idyllique des relations entre patrons et salariés de petites entreprises ne correspond pas – hélas – à la réalité. Celle-ci est bien plus diverse. Bien souvent, il n'existe aucun contrepoids au pouvoir des employeurs et les règles du code du travail demeurent largement ignorées, comme en témoigne le contentieux prud'homal, qui concerne à 80 % ces petites entreprises, alors qu'elles ne regroupent que 20 % des salariés.
L'UPA, qui représente 800 000 entreprises artisanales, a signé en 2001, avec l'ensemble des syndicats, un accord qui fait honneur à la démocratie sociale, sur le financement du dialogue social à l'intérieur des petites entreprises. Depuis, la CGPME et le MEDEF n'ont cessé d'attaquer cet accord, que le Gouvernement a fini par étendre. Nous assistons, à propos du présent texte, à la poursuite de ce combat. Quel en est l'enjeu ? La direction des chambres des métiers, qui verront leurs membres élus au mois d'octobre. L'accord de 2001 sera un argument dont usera la CGPME à l'encontre de l'UPA. Et avec l'aide du président du groupe UMP, elle compte instrumentaliser la représentation nationale pour détricoter ce texte. Libre à ceux qui veulent participer à cette opération de la promouvoir. Mais qu'au moins les choses soient claires : nous ne pouvons, une fois de plus, que poser la question de la représentativité patronale. Quelle légitimité a la CGPME pour discuter de ce qui se passe dans les entreprises artisanales ? Dans mon département des Landes, j'identifie mal ce réseau, alors que l'UPA est très active. En 2001, les artisans et les représentants syndicaux ont apporté un souffle de modernité, soutenus par le Gouvernement. Je constate aujourd'hui l'existence d'un courant inverse, porté par le président du groupe UMP et usant d'expressions qui nous rappellent une conception surannée du dialogue social.
(M. Pierre Morange, vice-président, remplace M. Pierre Méhaignerie à la présidence de la séance.)
Je suis, moi aussi, choqué par cette « charge » du MEDEF et de la CGPME, reprise par le président du groupe UMP et par un certain nombre de parlementaires de la majorité, à commencer par Dominique Tian, dont les affinités avec les positions du MEDEF sont bien connues.
L'opposition à ce texte, qui n'est que la suite logique de la loi de 2008, est pour le moins surprenante. Les exposés des motifs de certains amendements issus de la majorité laissent même supposer que le Gouvernement ne dit pas la vérité quant au contenu de la loi de 2008 ! Il est cocasse que ce soit Alain Vidalies et moi-même qui prenions le soin de rappeler les dispositions de ce texte.
Nos collègues de la majorité, mésestimant les difficultés que rencontrent les salariés des TPE, acceptent l'idée caricaturale selon laquelle la « pénétration » d'un représentant d'une organisation syndicale dans une petite entreprise mettrait celle-ci en danger. Comment en sommes-nous arrivés là, alors qu'un accord a été signé entre les syndicats et une organisation patronale dont personne ne peut contester la représentativité, et que le Gouvernement a accepté un certain nombre de compromis ? Certes, le dialogue social est loin d'être parfait, mais nous sommes nombreux à pouvoir témoigner, sur les différents bancs, de son existence dans les TPE. Il faut le faire progresser, car il est inconcevable que 4 millions de salariés n'aient pas voix au chapitre en matière de représentativité.
Je souhaite connaître la position du Gouvernement sur cette série d'amendements, dont l'unique objet est de casser ce projet de loi. J'ai noté avec intérêt que le rapporteur s'efforçait d'être fidèle à la position commune, mais je crains qu'il ne reste pas grand-chose de ses amendements. Décidément, nous nous trouvons dans une situation étonnante !
La présomption irréfragable de représentativité, vieille de quarante ans, ne correspondait pas à la réalité du monde syndical. Le Gouvernement a choisi de s'appuyer sur la position commune du 9 avril 2008, et de mesurer l'audience des syndicats par le biais des élections professionnelles plutôt que par celui des élections prud'homales, où tous les salariés votent. J'avais, à l'époque, rappelé qu'une telle mesure laisserait de côté 4 millions de salariés. Le présent texte est d'ailleurs issu d'un amendement que M. Poisson et moi-même avions déposé à cette occasion.
Bien évidemment, le groupe Nouveau Centre est favorable à ce projet, même s'il appellerait des précisions s'agissant des employés de maison ou des salariés ayant plusieurs employeurs.
L'article 6 a suscité l'arrivée dans nos boîtes aux lettres de messages demandant sa suppression ou, à l'inverse, insistant pour son maintien. J'avoue être surpris par l'émoi qu'il soulève. La possibilité de créer de telles commissions – car elles ne seront que facultatives – existe, comme l'a rappelé le rapporteur, depuis 1982 et une position commune des partenaires sociaux de 2001 a formalisé leur existence : cet article n'a donc rien de novateur.
Pour autant, notre groupe, attaché au dialogue social, le soutient. Combien de fois a-t-on entendu les TPE se plaindre d'avoir été oubliées dans un texte ou regretter que les dispositions soient mal adaptées à leur taille ? Ce texte, loin d'imposer des contraintes aux employeurs – comme beaucoup le craignent – leur permettra de discuter à un niveau régional des dispositions qui les concernent, dans le cadre des branches et des interprofessions. Il permettra aussi d'éviter des litiges. Conseiller prud'homal, j'ai souvent vu des employeurs qui pensaient être dans leur droit perdre leur cas parce qu'ils étaient mal informés. Ils trouveront donc auprès de ces commissions une source d'information et pourront ainsi, notamment, faire davantage bénéficier leurs salariés des crédits de la formation professionnelle.
J'apporte donc mon soutien au ministre. Cependant, parce qu'il est essentiel pour une démocratie sociale apaisée de mesurer aussi la représentativité patronale, j'ai déposé des amendements en ce sens. Cela me semble entrer parfaitement dans l'objet de ce texte.
Je m'exprimerai à titre personnel.
Si nul ne comprendrait que quatre millions de salariés travaillant dans 1,2 million d'entreprises demeurent étrangers à toute représentativité syndicale, je considère néanmoins qu'outre qu'elle ne manquera pas de générer des coûts supplémentaires, une telle loi complexifiera inutilement la vie des petites entreprises. Or, ce serait d'autant plus dommageable que nous peinons à sortir de la crise et que nombre d'entre elles souffrent encore de la faible consommation des ménages.
Enfin, les employeurs et les salariés sont-ils vraiment favorables à la création de commissions paritaires dont le rôle apparaît d'ailleurs mal défini puisqu'elles ne pourront pas, par exemple, pénétrer dans les entreprises et exercer une mission de contrôle ?
Le texte que nous examinons est censé « compléter les dispositions relatives à la démocratie sociale » issues de la loi de 2008. Or, cette dernière ne prévoyait pas l'organisation d'élections au sein des entreprises de moins de onze salariés. Quant à la « position commune », à laquelle il a été fait allusion, elle ne faisait pas état de la plupart des préconisations que ce projet est supposé mettre en oeuvre – j'en veux pour preuve l'opposition des organisations patronales et, probablement, de certains syndicats ouvriers. Je considère donc que ce projet n'aurait pas dû être présenté tel quel et que ce fut une erreur d'avoir écarté la possibilité d'évaluer la représentativité des uns et des autres à la faveur des élections prud'homales. Se « rattraper » de la sorte, à la demande des syndicats ouvriers notamment, entraînerait des difficultés considérables au sein des PME.
Quant à l'article 6, il est pour le moins paradoxal : il dispose que les commissions paritaires assureront un suivi de l'application des conventions et apporteront une aide en matière de dialogue social mais, à l'initiative du Sénat qui désirait parer à une crainte largement partagée, il précise que leurs membres n'auront pas la faculté de pénétrer à l'intérieur d'une entreprise sans l'accord de l'employeur ! Comment les commissions pourront-elles dès lors vérifier l'application d'un accord ? Quoi qu'il en soit, certains acceptant et d'autres non, de fortes pressions ne manqueront pas de s'exercer sur les employeurs de PME et de TPE qui, pourtant, promeuvent la plupart du temps un dialogue social fondé sur la confiance, voire parfois sur des relations d'affection et d'amitié.
Au fond, ce texte n'a pas d'autre but que de faire entrer dans ce type d'entreprises des syndicats largement présents dans le secteur public, alors que les salariés du secteur privé, eux, ne s'y reconnaissent absolument pas.
Je tiens, tout d'abord, à saluer le remarquable travail de M. le rapporteur.
Hier soir, j'ai discuté avec un chef d'entreprise allemand dont je gage que les propos sur la syndicalisation de 93 % des salariés de son pays feraient rêver les syndicalistes français. Néanmoins, a-t-il poursuivi, les différences entre nos deux pays sont sur ce plan-là si importantes qu'aucune comparaison n'est possible.
Par ailleurs, s'il me semble opportun de favoriser le dialogue social et la représentation du personnel dans les entreprises de moins de onze salariés, il est également notable que certains syndicats font parfois preuve de dogmatisme, voire d'extrémisme, à tel point que l'inquiétude des employeurs peut fort bien se comprendre.
En outre, si je suis convaincue que le dialogue social doit être mené sereinement par les employeurs et les salariés, je ne le suis en revanche pas du tout par l'utilité des commissions paritaires : à quoi serviront-elles, en effet, dès lors qu'elles ne pourront pas pénétrer dans les entreprises sans l'accord de l'employeur ?
L'article 6 laisse à penser que le dialogue social au sein des PME et des TPE est très insuffisant. Or, comme le montrent des sondages de mai 2010 et de novembre 2009, 58 % des chefs d'entreprises rejettent la création de ces nouvelles institutions représentatives, tandis que 80 % des salariés considéraient ne pas avoir besoin d'intermédiaires pour négocier avec leur employeur. Ces commissions paritaires ne complexifieront-elles donc pas encore plus les relations entre les partenaires sociaux ?
Par ailleurs, si tous les dispositifs nécessaires existent déjà – nombre de collègues en sont convenus –, pourquoi rendre la loi encore plus bavarde ? Et si ce projet apporte du nouveau, en quoi celui-ci consiste-t-il ?
Enfin, l'ajout du Sénat à l'article 6 suscite plus de problèmes qu'il n'en résout, car il crée une nouvelle occasion de rapports de force sur l'entrée des membres des commissions dans les entreprises.
Si je comprends le problème de constitutionnalité posé par la non-représentation de quatre millions de salariés, cela ne me semble pas pour autant justifier une telle réforme. Dans une TPE, le fait que le chef d'entreprise voie quotidiennement ses salariés – qui sont dès lors tout pour lui sauf des numéros – rend le dialogue social plus direct et naturel, de sorte que l'intervention d'un intermédiaire n'est en rien utile. J'ajoute que le chef d'entreprise n'a aucun intérêt à se brouiller avec ses salariés car, outre que le climat social se dégraderait rapidement, la perte de compétitivité est immédiate quand un salarié sur les cinq ou dix de l'entreprise ne travaille plus efficacement. De plus, ces employeurs n'étant pas procéduriers et ne bénéficiant pas des services d'un directeur des ressources humaines, il est à peu près assuré qu'en cas de conflit, le jugement des prud'hommes sera en leur défaveur ! J'ajoute, enfin, que les salariés sont déjà collectivement représentés par les syndicats des branches professionnelles ainsi que par les unions syndicales régionales, départementales et locales.
Par ailleurs, le projet comprend deux volets : la mesure de l'audience syndicale des TPE, via des élections sur sigles syndicaux, et la création de commissions paritaires au niveau national, régional, départemental ou local. Si je suis quant à moi résolument favorable au premier, qui découle de l'article 2 de la loi de 2008 portant rénovation de la démocratie sociale, je ne suis en revanche pas d'accord avec le second pour les raisons précédemment évoquées. En outre, la loi d'août 2008 n'impose pas l'instauration d'une représentation collective du personnel dans les entreprises de moins de onze salariés, l'application du premier volet étant suffisante pour respecter les règles de représentativité.
De plus, selon une étude réalisée en mai 2010 par Opinion Way pour Fiducial, 79 % des employeurs sont défavorables à une telle représentation collective du personnel – et 64 % des salariés étaient dans le même cas aux mois d'octobre et de novembre 2009. La même étude précise par ailleurs que 82 % des salariés des TPE jugent bonne ou très bonne la qualité du dialogue social avec leur employeur. L'UPA elle-même, pourtant à l'origine de ce texte, reconnaît dans sa lettre de conjoncture trimestrielle de mars 2010 que 72 % des artisans sont défavorables à la création d'une commission paritaire territoriale, lieu de dialogue et d'échange, et non de négociation. Si employeurs et salariés sont donc opposés à ces dispositions, qui satisfont-elles ?
De surcroît, si le texte ne fait pas obligation d'instituer ces commissions, je note, d'une part, que la très grande variété d'accords qu'il permet – accords de branche professionnelle, interbranches, interprofessionnels, etc. – favorisera mécaniquement leur installation et, d'autre part, que l'accord signé par l'UPA et par les centrales syndicales de salariés instaurant une contribution de 0,15 % de la masse salariale pour « favoriser le dialogue social » chez les artisans et dans les TPE poussera naturellement les composantes de l'UPA – bâtiment, alimentation, services – et, peut-être, l'UPA en tant que telle à mettre en place ce type de commissions sans lesquelles elle ne pourrait justifier ce nouveau prélèvement.
L'affirmation selon laquelle les commissions n'auront aucun pouvoir de contrôle est quant à elle purement gratuite dès lors que le texte leur permet d' « assurer un suivi de l'application des conventions et accords collectifs de travail ».
Enfin, aucun accord national interprofessionnel n'est intervenu en 2008 mais simplement la signature d'une « position commune », sans valeur juridique contraignante et n'abordant que marginalement la question du dialogue social dans les TPE. J'ajoute que dans ladite « position » ne figurait aucunement la notion de commission paritaire, le texte évoquant seulement « les modalités spécifiques aux TPE permettant de renforcer le développement du dialogue social, en y associant au mieux les salariés concernés ». Or, la mesure de l'audience des syndicats dans les TPE répond à cet objectif.
(M. le président Pierre Méhaignerie reprend la présidence de la séance.)
J'ai été un peu choqué par certains propos : lorsque vous faites votre métier d'opposants, mesdames et messieurs les membres de l'opposition, il ne nous vient quant à nous jamais à l'esprit de prétendre que vous agissez au service de tel ou tel syndicat !
Si le texte me semble globalement bon, l'article 6 soulève en ce qui me concerne une seule question : qu'en est-il du dialogue social au sein des TPE ? Non seulement la plupart des études attestent de son effectivité, mais ni les chefs d'entreprises, ni les salariés ne demandaient un tel dispositif. Qu'en est-il donc du coût de ce dernier ? Quelles améliorations concrètes introduit-il ? Par ailleurs, alors qu'il importe de prendre des décisions et de s'y tenir, ce projet ne pèche-t-il pas par trop d'ambiguïtés ? Ne favorise-t-il pas la défiance quand nous avons au contraire besoin de confiance et, enfin, ne laisse-t-il pas accroire que nous sommes face à un vide juridique, quand ce n'est manifestement pas le cas ?
In fine, je suis très gêné à l'idée que l'on laisse penser des chefs d'entreprises et des salariés des TPE qu'ils ne « savent pas faire » et que l'État doit intervenir pour améliorer la qualité de leur dialogue social.
Parce que, en 2008, nous convenions tous de l'existence d'un déficit de représentativité syndicale comme de dialogue social, ce texte complète selon moi remarquablement le précédent : si l'on tient à ce que nos syndicats soient représentatifs, comment ne pas donner à quatre millions de salariés des TPE l'instance de dialogue dont ils ont besoin ?
La discrimination est grande entre les entreprises de plus et de moins de onze salariés : outre que c'est de ces dernières que sont issus la grande majorité des conflits portés devant les prud'hommes, ni l'intéressement, ni la participation, ni un certain nombre d'autres avantages n'y sont répandus – autant de faits contribuant d'ailleurs à les rendre moins attractives pour les salariés.
Je suis donc très favorable à un texte qui peut de surcroît être encore amélioré grâce, notamment, à l'un des amendements de M. le rapporteur à l'alinéa 7 de l'article 6.
Si ce projet, monsieur Tian, ne correspond pas selon vous à l'esprit de la loi de 2008, rien ne vous empêche de l'infléchir dans un sens progressiste. Par ailleurs, si les salariés des PME et des TPE ne se reconnaissent pas dans les syndicats, vous n'y êtes pas pour peu puisque votre politique a largement contribué à opposer les secteurs public et privé. Et puisqu'il a souvent été question de sondages à ce propos, je vous fais part d'un nouveau résultat selon lequel 63 % des Français considèrent que la politique sociale du Gouvernement est mauvaise. Cela vous empêche-t-il de persévérer ?
Par ailleurs, vous confondez partenariat et lien de subordination : ayant été professionnellement des deux côtés de la barrière dans une même branche d'activité, je peux vous assurer que le lien entre salarié et chef d'entreprise relève bien de la seconde catégorie.
Je considère, de surcroît, que seul le développement du dialogue social dans les entreprises de moins de onze salariés permettra de modifier les chiffres dont Alain Vidalies et Roland Muzeau ont fait état.
Ainsi, certains de nos collègues de la majorité ne seraient pas les relais d'un syndicat patronal ? Notre collège Patrick Ollier écrivait pourtant récemment : « Nous avons tous reçu une lettre de la CGPME nous demandant de ne pas mettre de contraintes supplémentaires aux entreprises », ce texte risquant, par ailleurs, d'« affaiblir un dialogue social aujourd'hui naturel ». Je le répète : ne confondons donc pas dialogue social et lien de subordination ! Un dernier exemple, à ce propos, si vous le permettez : s'il était de bonne politique d'autoriser les ruptures conventionnelles de contrat de travail de gré à gré pour mettre fin à certaines situations sans issue, le nombre de ces ruptures a explosé avec la crise, passant de 1 600 à 60 000 ! Ne me dites pas que ces salariés ont accepté librement et dans la joie de perdre leur travail ! Je ne tiens vraiment pas à ce que l'on se méprenne à nouveau sur ce qu'est la situation des salariés dans les TPE.
Si le taux de syndicalisation en Allemagne, auquel Marie-Christine Dalloz a fait allusion, nous réjouit plutôt, il ne faut pas oublier que l'appartenance à un syndicat y est quasiment obligatoire. M. John Monks, ancien responsable de la Confédération européenne des syndicats, me disait d'ailleurs récemment qu'il ne comprenait pas bien l'organisation des relations entre partis politiques de gauche et syndicats dans notre pays, adhérer aux seconds impliquant l'adhésion aux premiers dans un certain nombre d'États.
Quoique membre du Groupe socialiste, je suis président d'un syndicat patronal et c'est en tant que tel que je demande au quatrième ministre du travail de la mandature quand il envisage de traiter la question de la représentativité des organisations patronales.
Par ailleurs, M. le rapporteur pourrait-il quant à lui préciser le périmètre d'action des commissions paritaires territoriales – notamment en matière de formation professionnelle – et a-t-il bien l'intention de défendre un amendement à ce propos ? Enfin, ces dernières – qui, je le rappelle, existent déjà – seront-elle généralisées, auquel cas on comprend mal qu'elles soient facultatives, ou bien y aura-t-il substitution des nouvelles commissions à celles déjà en place ?
Cet article 6 suscite des débats passionnels.
La subordination à laquelle Catherine Lemorton a fait allusion n'exclut en rien le dialogue social au sein des TPE, je peux en attester, le chef d'entreprise étant nécessairement très proche de ses salariés.
Lorsque j'ai rencontré dans ma circonscription les représentants de la CGPME, de l'UPA et du MEDEF, je leur ai dit que je ne voterais pas une loi qui ferait pénétrer les syndicats dans les TPE mais, en l'occurrence, l'amendement de M. le rapporteur me semble constituer un excellent compromis qui devrait les rassurer sur ce point.
Je remercie M. le rapporteur pour le travail qu'il a accompli et dont j'espère qu'il finira par déboucher sur un consensus.
De grâce, pas d'anathèmes entre nous ! Assumons nos parcours et nos choix ! S'il est logique que la gauche relaie des propositions de la CGT, il ne l'est pas moins que nous en fassions de même pour d'autres organisations syndicales.
Par ailleurs, je déplore que la représentativité patronale ou salariale ne soit pas plus importante dans notre pays, en sorte que nous puissions promouvoir une gestion plus sereine de nos institutions sociales.
Qu'en est-il donc précisément du risque d'inconstitutionnalité de ce texte en cas de suppression de l'article 6 ?
Un consensus semble se faire jour quant à la nécessité de faire voter les salariés des TPE – même si les partis de gauche ne veulent pas d'une élection « sur sigles » qui, pour nous, a l'avantage d'éviter une personnalisation susceptible d'altérer la nature du dialogue social dans les TPE.
S'agissant d'une éventuelle inconstitutionnalité – et sans qu'il soit bien entendu question de préjuger de la décision du Conseil constitutionnel –, le Conseil d'État a indiqué que l'institutionnalisation de deux catégories de salariés, dont l'une n'exprimerait pas sa préférence syndicale, était évidemment contraire au principe d'égalité. Alors que 5 % des salariés de notre pays sont syndiqués et que 95 % d'entre eux sont cependant couverts par des accords collectifs, qui s'appliquent donc notamment aux salariés des TPE, il ne me paraît pas anormal d'inciter ceux-ci à voter ! Outre que l'approfondissement du dialogue social ne peut qu'augmenter le sens des responsabilités des uns et des autres, un tel texte n'abolira en rien les relations de proximité qui caractérisent les TPE : il n'est pas question de « syndicaliser » les salariés – au sens où cela reviendrait à les « politiser » – pas plus que de compliquer le fonctionnement de ces entreprises.
Les commissions, quant à elles, sont facultatives et leurs missions sont générales. Je rappelle, de surcroît, que ce sont des syndicats d'employeurs – UPA, UNAPL, FNSEA – et de salariés qui en ont demandé la création. Lieux d'échanges, elles permettront, par exemple, d'évoquer les problèmes liés à l'emploi, au dialogue social ou aux bonnes pratiques professionnelles. J'ajoute que si elles sont déjà présentes dans un certain nombre de secteurs – boulangerie, coiffure, etc. –, elles n'existent pas jusqu'ici spécifiquement au titre des TPE. Je le répète : il s'agit, de la sorte, de mettre un peu d'huile dans les rouages du dialogue social régional et non d'introduire des représentants syndicaux ou des représentants du personnel dans les TPE. J'ajoute qu'un tel dispositif ne coûte rien.
Je précise, monsieur Vercamer, que les salariés employés chez des particuliers voteront aussi, de même que ceux qui ont plusieurs employeurs – une seule fois dans ce dernier cas, bien sûr !
Enfin, les oppositions de principe me semblent d'autant moins justifiées que les sénateurs ont prévenu toute dérive – dont celle d'une intrusion brutale dans les TPE qui ferait voler en éclat le consensus existant – et que le Gouvernement soutiendra des amendements déposés par M. le rapporteur. S'il est adopté par les intéressés, ce dispositif ne peut qu'amener un surcroît de dialogue social, et non nuire à celui qui existe.
Je remercie mes collègues de leurs interventions.
Monsieur Domergue, ces dispositions ne produiront qu'une complexification minimale, voire proche de zéro : outre que les scrutins auront lieu tous les quatre ans, ils ne dureront pas plus de cinq minutes, puisque le vote se fera par correspondance ou par internet. Fait significatif, le rapport Richard propose, entre autres pistes, que le mode d'élection prud'homale s'inspire de ce mode de votation.
Messieurs Vidalies et Muzeau, il est vrai que les syndicats sont déjà présents dans ces entreprises. J'ai organisé quatre réunions dans ma circonscription avec l'ensemble des responsables de TPE qui, si prévenus qu'ils étaient contre ce texte, ont fini par considérer qu'il n'y avait pas de quoi fouetter un chat ! Pour filer la métaphore animale, ils savent fort bien que le loup – si loup il y a – est déjà dans la bergerie : en cas de conflit, n'importe quel salarié de TPE sait qu'il peut frapper à la porte d'une union syndicale départementale ! Ce texte, précisément, vise à créer un lieu de dialogue en amont afin de désamorcer les conflits, dans lesquels des syndicalistes extérieurs à l'entreprise peuvent déjà intervenir.
Je remercie Francis Vercamer pour son soutien à l'article 6 en particulier.
Vous avez mille fois raison, monsieur Jeanneteau : il est hors de question de compliquer la vie des TPE et nul ne peut dire que consacrer cinq minutes au vote tous les quatre ans irait en ce sens ! En revanche, le « télescopage des calendriers » gouvernemental – l'urgence de voter ce texte afin d'éviter l'inconstitutionnalité – et patronal – les chefs de TPE travaillent à la simple survie de leur entreprise – est bien réel.
Monsieur Tian, j'admire la cohérence dont vous faites preuve en ayant déposé un amendement de suppression à chacun des articles.
Madame Dalloz, monsieur Lefrand, je reviendrai sur le rôle précis des commissions à travers un amendement prenant en compte les inquiétudes qui se sont fait jour.
Les sondages auxquels vous avez fait allusion, monsieur Tardy, peuvent être interprétés d'une manière différente : si patrons et salariés de TPE sont sceptiques, voire hostiles à la représentation syndicale ou patronale telle qu'elle existe aujourd'hui, c'est parce qu'elle est à mille lieux de ce qu'ils vivent au sein de leurs entreprises – c'est d'ailleurs la raison d'être de mon amendement visant à ce que siègent obligatoirement au sein des commissions des représentants salariaux et patronaux effectivement issus des TPE.
Monsieur Aboud, il n'est pas question de donner des leçons de dialogue social aux entreprises. Ce dispositif sur la représentativité des partenaires sociaux ne procède d'ailleurs pas de notre décision, mais bien de la position commune d'avril 2008.
Monsieur Heinrich, il est en effet indispensable d'offrir aux 4 millions de salariés des TPE non seulement une modalité d'expression, mais aussi un lieu à cette fin. Je vous remercie donc de soutenir ce dispositif. Vous avez également évoqué ce que pourrait être la substance des débats dans ces commissions paritaires : l'intéressement, la participation, les avantages divers – en un mot, tout ce qui pourrait contribuer à l'attractivité des TPE. De fait, nombre de patrons de TPE déplorent que leurs meilleurs salariés soient tentés de les quitter pour trouver dans de grandes entreprises des avantages de cet ordre et des parcours professionnels attractifs.
Madame Lemorton, je ne partage pas votre jugement sur la rupture conventionnelle du contrat de travail, car celle-ci procède du même esprit que le présent projet : la convention et l'organisation sont plus fécondes pour les entreprises que le conflit.
Monsieur Gille, ces nouvelles commissions paritaires n'ont nullement vocation à se substituer à celles qui existent déjà aux termes du code du travail, et qui ont un pouvoir de négociation beaucoup plus large.
Monsieur Robinet, vous avez relevé le caractère passionnel de ce débat. Il faut, en effet, prendre la peine de nous écouter les uns les autres et de n'utiliser que des arguments objectifs : cela devrait nous permettre de rassurer les petites entreprises.
Enfin, j'ai bien noté, madame Rosso-Debord, votre position sur l'amendement.
Je souhaite que l'ensemble du texte soit adopté, articles 4 et 6 compris. La suppression du second serait un signal très négatif adressé aux partenaires sociaux. Je suis donc prêt à retirer de cet article tout ce qui fâche ou inquiète – y compris l'amendement introduit par le Sénat pour limiter les pouvoirs de la commission paritaire, puisque, paradoxalement, il ne semble pas rassurer.
Quant au membre de phrase de l'alinéa 7 de ce même article 6 qui, dans le texte du Gouvernement, dispose que les commissions paritaires assureront « un suivi de l'application des conventions et accords collectifs de travail » et apporteront « une aide en matière de dialogue social aux salariés et aux employeurs des entreprises de moins de onze salariés », il pourrait être remplacé par un autre texte, qui pourrait prendre deux formes.
La première consisterait à énumérer ce que pourraient être les missions des commissions paritaires – par exemple, débattre des questions d'hygiène et sécurité pour des entreprises artisanales qui n'ont pas de comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail, des conditions d'emploi des travailleurs saisonniers, des modalités d'ouverture de commerces le dimanche et des garanties apportées à cet égard aux salariés, de l'expérimentation de dispositifs de prévention des conflits, de l'élaboration de plans de formation et de référentiels de métiers, etc. Tous ces éléments n'ont rien d'une inquisition dirigée contre les entreprises, mais relèvent d'un débat collectif.
Pour éviter cependant une liste qui risquerait d'être incomplète, j'ai présenté un amendement englobant tous ces sujets. Il reprend littéralement la formulation figurant dans la position commune signée en avril 2008 par les organisations salariales et patronales représentatives que nous savons. Pour les TPE, cette position commune indiquait qu'il faudrait « renforcer le développement du dialogue social ». Mon amendement propose donc de remplacer la fin de l'alinéa 7 par la rédaction suivante : « afin d'apporter aux salariés et aux employeurs des entreprises de moins de onze salariés un appui collectif visant à améliorer les relations de travail et à renforcer le développement du dialogue social ».
Monsieur le ministre, mes collègues sont partagés entre l'exigence du partenariat et du débat comme facteurs de progrès social et de responsabilité, et la conscience des entraves apportées à l'activité des entreprises par des réglementations excessives. Une partie de notre retard dans les domaines industriel et agricole tient à cette accumulation des réglementations, que le président Pompidou déplorait déjà. Un agriculteur me disait hier encore à propos de la loi de modernisation agricole : « On en remet une couche tous les ans et on va droit dans le mur ! ».
Le progrès social peut l'emporter à condition que nous sachions traiter ce problème de normes et de réglementations. Là où la situation mondiale exigerait souplesse et rapidité, nous avons trop souvent rigidité et lenteur. Les interrogations de nos collègues sont dont très légitimes.
Nous en venons maintenant à la discussion des articles du projet de loi.
Article 1er(art. L. 2122-5 du code du travail) : Détermination de l'audience des syndicats de salariés au niveau des branches
La Commission est saisie de l'amendement AS 9 de M. Dominique Tian, tendant à la suppression de l'article 1er.
La Commission rejette l'amendement AS 9.
Elle est ensuite saisie de l'amendement AS 10 du même auteur.
La Commission rejette l'amendement AS 10.
Elle adopte ensuite successivement les deux amendements rédactionnels AS 18 et AS 19 du rapporteur.
Puis, elle adopte l'article 1er modifié.
Article 2 (art. L. 2122-6 du code du travail) : Détermination de l'audience des syndicats de salariés dans les branches de la production agricole
La Commission adopte l'article 2 sans modification.
Article 3 (art. L. 2122-9 du code du travail) : Détermination de l'audience des syndicats de salariés au niveau national et interprofessionnel
La Commission adopte l'amendement rédactionnel AS 20 du rapporteur.
Puis, elle adopte l'article 3 modifié.
Article 4 (art. L. 2122-10-1 à L. 2122-10-11 et L. 2122-13 du code du travail) : Mesure de l'audience des syndicats de salariés dans les entreprises de moins de onze salariés
La Commission est saisie de l'amendement AS 11 de M. Dominique Tian, tendant à la suppression de l'article.
La Commission rejette l'amendement AS 11.
Elle examine ensuite l'amendement AS 12 de M. Dominique Tian.
La Commission rejette l'amendement AS 12.
Puis elle examine l'amendement AS 21 du rapporteur.
Les représentants des intermittents du spectacle m'ont indiqué que la plupart d'entre eux n'étaient pas sous contrat le 31 décembre. Mieux vaudrait donc prendre en compte les salariés qui ont eu un contrat sur l'ensemble du mois de décembre.
Pourquoi ne pas plutôt prendre en considération l'effectif moyen de l'année ? Certaines entreprises connaissent un surcroît d'activité en décembre…
Avis favorable à l'amendement.
La Commission adopte l'amendement AS 21.
Elle adopte ensuite successivement l'amendement rédactionnel AS 22 et l'amendement de précision AS 23, tous deux du rapporteur.
Elle examine ensuite l'amendement AS 1 de M. Alain Vidalies.
Nous souhaitons que le vote porte sur des personnes, qui seraient des délégués de site, et non pas sur des sigles.
La Commission rejette l'amendement AS 1.
Puis elle est saisie de l'amendement AS 24 du rapporteur.
L'amendement dispense les très petites entreprises qui n'ont pas d'ordinateur de devoir en acheter un pour que leurs salariés votent. Dans ce cas, ils voteront par correspondance.
La Commission adopte l'amendement AS 24.
Elle examine ensuite l'amendement AS 25 du rapporteur.
Cet amendement de précision tend à confirmer que le scrutin ne crée pas de charges supplémentaires pour les entreprises.
La Commission adopte l'amendement AS 25.
Puis elle examine l'amendement AS 26 du même auteur.
La Commission adopte l'amendement AS 26.
Puis elle adopte l'article 4 modifié.
Article 5 (art. L. 2122-7, L. 2232-2, L. 2232-6, L. 2232-7, L. 7111-8 et L. 7111-10 du code du travail, art. L. 423-9 et L. 423-10 du code de l'aviation civile et art. 11 de la loi n° 2008-789 du 20 août 2008) : Coordination
La Commission est saisie de l'amendement AS 13 de M. Dominique Tian, tendant à la suppression de l'article 5.
La Commission rejette l'amendement AS 13.
Elle adopte ensuite successivement les trois amendements de coordination AS 27, AS 28 et AS 29 du rapporteur.
Puis elle adopte l'article 5 modifié.
Après l'article 5
La Commission est saisie des amendements AS 2 et AS 3 de M. Francis Vercamer.
Je défendrai en même temps les deux amendements. L'un et l'autre tendent à mesurer l'audience des organisations patronales, le second étant de repli.
Ce n'est pas là l'objet du texte qui vous est soumis. C'est d'abord aux partenaires sociaux qu'il revient d'aborder cette question. La représentativité syndicale a été abordée avec les partenaires sociaux, ce qui a donné lieu au texte adopté en 2008. Il faut continuer à travailler sur ce sujet de la représentativité des organisations patronales, mais à chaque jour suffit sa peine.
L'amendement AS 2 est contestable en ce qu'il tranche d'emblée entre le principe « une entreprise, une voix » et le principe « autant de voix que de salariés » ; cela mérite un débat. Quant à l'amendement AS 3, il présente un risque d'inconstitutionnalité, dans la mesure où il prévoit une sorte d'injonction au Gouvernement.
Sur le fond, la mesure de la représentativité patronale est inéluctable et interviendra sans doute rapidement. C'est dans l'intérêt même des centrales patronales – mais c'est à elles de s'en saisir, et nous n'avons pas à leur donner de leçons.
La Commission rejette successivement les deux amendements AS 2 et AS 3.
Article 6 (art. L. 2234-4 du code du travail) : Institution de commissions paritaires pour les très petites entreprises
La Commission est saisie des deux amendements identiques AS 8 de M. Jean Leonetti et plusieurs de ses collègues et AS 14 de M. Dominique Tian, tendant à supprimer l'article 6.
Il faut éviter de faire dire à cet article ce qu'il ne dit pas. Le dialogue social suppose confiance et respect mutuel : c'est ce que permettent les commissions paritaires et il serait dommage d'y renoncer. Les propositions de M. le rapporteur apporteront par ailleurs des clarifications tout à fait acceptables.
On ne fait pas le bonheur des gens contre eux. Pourquoi imposer une mesure que les salariés ne demandent pas et contre laquelle les chefs d'entreprise se dressent vent debout ? La suppression de l'article 6 est une bonne oeuvre pour éviter de complexifier une situation déjà complexe.
Compte tenu des interrogations qu'avait suscitées chez moi la lecture du texte, j'ai cosigné l'amendement AS 8. Les éclaircissements du rapporteur et du ministre, ainsi que l'amendement AS 31 du rapporteur, me conviennent et je retire donc cette signature.
La Commission adopte les amendements identiques AS 8 et AS 14.
En conséquence, l'article 6 est supprimé. Les amendements AS 4 de M. Alain Vidalies, AS 30 et AS 31 du rapporteur, AS 5 de M. Francis Vercamer, AS 32 du rapporteur, AS 6 rectifié et AS 7 de M. Alain Vidalies, ainsi qu'AS 33 et AS 34 du rapporteur n'ont plus d'objet.
Article 7 : Rapport sur la mise en place des commissions paritaires pour les TPE et sur la négociation interprofessionnelle sur la représentation du personnel
La Commission est saisie de l'amendement AS 15 de M. Dominique Tian, tendant à la suppression de l'article 7.
Après le rejet de l'article 6, l'adoption de cet amendement de suppression paraîtrait logique...
Mieux vaut rejeter l'amendement, afin de pouvoir rediscuter du texte.
Il est vrai que, le rapport de l'article 7 ne devant pas traiter seulement des commissions paritaires, mieux vaut en effet le conserver.
La Commission rejette l'amendement AS 15.
Elle adopte ensuite l'amendement de précision AS 35 du rapporteur.
Puis, elle adopte l'article 7 modifié.
Après l'article 7
La Commission est saisie de l'amendement AS 16 de M. Dominique Tian, portant article additionnel après l'article 7.
Les seuils sont un obstacle à la création d'emplois. Il conviendrait donc, à titre expérimental, de s'en affranchir.
Il est dangereux de toucher aux seuils, qui déterminent des droits et diverses modalités d'exercice des relations sociales, ainsi que l'existence des comités d'hygiène et de sécurité.
Le dialogue social doit toujours prédominer sur la loi, sur ce sujet aussi : attendons la conclusion des discussions en cours, entre partenaires sociaux, sur les institutions représentatives du personnel. Avis défavorable.
La Commission rejette l'amendement AS 16.
Article 8 : Report des élections prud'homales
La Commission est saisie de l'amendement AS 17 de M. Dominique Tian, tendant à la suppression de l'article 8.
La Commission rejette l'amendement AS 17.
Elle adopte ensuite l'amendement de précision AS 36 du rapporteur.
Elle adopte l'article 8 modifié.
Si le texte sorti du Sénat – où notre groupe, comme l'opposition en général, s'était abstenu, – avait pu être un peu amélioré par les amendements défendus par le rapporteur, nous nous serions probablement abstenus à notre tour sur l'ensemble du projet. Compte tenu de la suppression de l'article 6, nous voterons contre ce texte, en attendant de voir ce que réserve la séance publique.
Je ne suis pas satisfait de la réponse du rapporteur sur l'articulation des diverses commissions au niveau régional. Votre projet semble prévoir qu'il y ait deux sortes de commissions – celles où on parle et celles où l'on négocie. Toujours est-il que le rejet de l'article 6 change la situation – mais sans doute nos collègues se ressaisiront-ils lors de l'examen en séance publique. En attendant de voir comment les choses évolueront, notre groupe réserve son vote.
La Commission adopte alors l'ensemble du projet de loi modifié.
La séance est levée à dix-neuf heures vingt.