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Intervention de Dominique Dord

Réunion du 29 juin 2010 à 17h00
Commission des affaires sociales

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaDominique Dord, rapporteur :

Lorsque nous avons consacré la primauté du dialogue social sur le débat politique, nous avons voulu donner la priorité à l'accord sur la contrainte législative. La loi de 2008 en a tiré les leçons, en exigeant des acteurs du dialogue social qu'ils justifient de leur représentativité.

Aujourd'hui, plus de 4 millions de salariés – mais cela vaut aussi pour leurs employeurs – restent privés de toute forme d'organisation collective, ce qui explique sans doute leur méfiance ou leur indifférence à l'égard des syndicats et le décalage entre ce qu'ils vivent et le débat social organisé à l'échelle nationale.

Ce texte traduit la volonté des partenaires sociaux, exprimée dans la position commune du 9 avril 2008. Je proposerai même un certain nombre de modifications à l'article 6, afin que celui-ci soit plus fidèle encore à cet accord.

Je rappelle que le projet de loi est soutenu par l'Union nationale des professions libérales (UNAPL), par la Fédération nationale des syndicats d'exploitants agricoles (FNSEA), par l'Union de syndicats et groupements d'employeurs représentatifs dans l'économie sociale (USGERES) et par l'Union professionnelle artisanale (UPA).

Contrairement à ce que l'on entend ça et là, ce texte ne consacre pas la présence syndicale dans les très petites entreprises et ne donne pas lieu à de nouvelles contraintes administratives. Il comporte seulement trois mesures : l'organisation d'un scrutin pour mesurer l'audience des organisations syndicales ; la création de commissions paritaires territoriales ; le report des élections prud'homales.

La mesure d'audience des organisations syndicales est un sujet qui fait peu débat. La loi de 2008 a fait des résultats électoraux le critère le plus déterminant de la représentativité des syndicats. Pour être représentatif, il faut désormais obtenir 10 % des suffrages exprimés au niveau des entreprises et 8 % au niveau des branches et au niveau interprofessionnel. Mais ces 8 %, en l'état actuel du droit, ne peuvent tenir compte que des entreprises où des élections professionnelles ont été organisées, ce qui laisse de côté quatre millions de salariés travaillant dans 1,2 million d'entreprises.

Juridiquement, peut-on priver ces salariés de toute possibilité d'exprimer leur préférence pour un syndicat qui sera appelé à les représenter dans des négociations et à signer des accords les concernant ? Dans un avis rendu le 29 avril 2010, le Conseil d'État a estimé que non, rappelant le principe d'égalité ainsi que le principe de participation des travailleurs posé dans le préambule de la Constitution de 1946 : « Tout travailleur participe, par l'intermédiaire de ses délégués, à la détermination collective des conditions de travail ainsi qu'à la gestion des entreprises ».

Politiquement, peut-on ignorer la question ? Dans la loi du 20 août 2008, les parlementaires, conscients du problème, ont prévu qu'une future loi devrait régler le problème. Nous allons en examiner les dispositions. Je vous proposerai quelques amendements visant notamment à améliorer la définition du corps électoral pour le scrutin de représentativité.

Le report de deux ans des élections prud'homales, souhaité par le Gouvernement, est justifié par des considérations de calendrier : en 2012-2013 se tiendra le vote de représentativité dans les TPE et les résultats de la mesure globale de l'audience des syndicats dans les branches et au niveau national interprofessionnel seront publiés pour la première fois ; 2014 sera l'année des élections municipales, territoriales, européennes et sénatoriales. Les précédents conseils de prud'hommes avaient déjà été prorogés de 2007 à 2008 pour éviter de telles coïncidences.

Ce report est aussi lié au débat sur l'avenir des élections prud'homales. Un conseiller d'État, M. Jacky Richard, a produit à la demande du Gouvernement un rapport sur cette question.

La création de commissions paritaires est une question si sensible que je crois utile de faire un rappel historique. Le Mouvement des entreprises de France (MEDEF) et la Confédération générale des petites et moyennes entreprises (CGPME) figuraient parmi les signataires de la position commune du 9 avril 2008, dont l'article 11 disposait : « Afin d'améliorer et développer le dialogue social dans les entreprises, en particulier les PME et TPE, il est convenu de rechercher les conditions pour lever les obstacles en simplifiant et en améliorant la cohérence des dispositifs existants et en se donnant les moyens de renforcer l'effectivité de la représentation collective du personnel, afin d'élargir le plus possible le nombre de salariés bénéficiant d'une représentation collective ». Le même article prévoyait la création d'un groupe de travail paritaire chargé d'examiner « les modalités spécifiques aux TPE permettant de renforcer le développement du dialogue social, en y associant au mieux les salariés concernés ». L'article 6 me semble en découler, même s'il s'agit par ailleurs, formellement, d'une transposition de la lettre commune du 20 janvier 2010, compromis signé par quatre syndicats de salariés et par l'UPA. Le MEDEF et la CGPME s'étaient retirés des négociations, mais plusieurs autres organisations patronales se sont déclarées favorables à une telle mesure : l'UNAPL, l'USGERES et la FNSEA.

Le Gouvernement propose un deuxième compromis implicite aux opposants à la création des commissions paritaires pour les TPE : les commissions ne seront pas obligatoires, puisque leur création dépendra de la volonté exprimée au cas par cas par les partenaires sociaux. De plus, contrairement à ce que demandait la lettre commune du 20 janvier, leurs membres représentant les salariés ne seront pas élus. Enfin, le Sénat a amendé le dispositif, afin qu'il soit écrit noir sur blanc que les commissions ne seront pas créées pour contrôler les entreprises et que leurs membres ne pourront entrer dans celles-ci contre la volonté du chef d'entreprise. Pour ma part, je vous proposerai de réécrire les missions des commissions de sorte qu'il soit bien clair qu'elles n'ont aucune compétence assimilable à une forme de contrôle.

Cela doit nous conduire à éviter une dramatisation excessive de ce débat, pendant lequel nous devrons bien plutôt nous attacher à rechercher un compromis global.

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