Si je comprends le problème de constitutionnalité posé par la non-représentation de quatre millions de salariés, cela ne me semble pas pour autant justifier une telle réforme. Dans une TPE, le fait que le chef d'entreprise voie quotidiennement ses salariés – qui sont dès lors tout pour lui sauf des numéros – rend le dialogue social plus direct et naturel, de sorte que l'intervention d'un intermédiaire n'est en rien utile. J'ajoute que le chef d'entreprise n'a aucun intérêt à se brouiller avec ses salariés car, outre que le climat social se dégraderait rapidement, la perte de compétitivité est immédiate quand un salarié sur les cinq ou dix de l'entreprise ne travaille plus efficacement. De plus, ces employeurs n'étant pas procéduriers et ne bénéficiant pas des services d'un directeur des ressources humaines, il est à peu près assuré qu'en cas de conflit, le jugement des prud'hommes sera en leur défaveur ! J'ajoute, enfin, que les salariés sont déjà collectivement représentés par les syndicats des branches professionnelles ainsi que par les unions syndicales régionales, départementales et locales.
Par ailleurs, le projet comprend deux volets : la mesure de l'audience syndicale des TPE, via des élections sur sigles syndicaux, et la création de commissions paritaires au niveau national, régional, départemental ou local. Si je suis quant à moi résolument favorable au premier, qui découle de l'article 2 de la loi de 2008 portant rénovation de la démocratie sociale, je ne suis en revanche pas d'accord avec le second pour les raisons précédemment évoquées. En outre, la loi d'août 2008 n'impose pas l'instauration d'une représentation collective du personnel dans les entreprises de moins de onze salariés, l'application du premier volet étant suffisante pour respecter les règles de représentativité.
De plus, selon une étude réalisée en mai 2010 par Opinion Way pour Fiducial, 79 % des employeurs sont défavorables à une telle représentation collective du personnel – et 64 % des salariés étaient dans le même cas aux mois d'octobre et de novembre 2009. La même étude précise par ailleurs que 82 % des salariés des TPE jugent bonne ou très bonne la qualité du dialogue social avec leur employeur. L'UPA elle-même, pourtant à l'origine de ce texte, reconnaît dans sa lettre de conjoncture trimestrielle de mars 2010 que 72 % des artisans sont défavorables à la création d'une commission paritaire territoriale, lieu de dialogue et d'échange, et non de négociation. Si employeurs et salariés sont donc opposés à ces dispositions, qui satisfont-elles ?
De surcroît, si le texte ne fait pas obligation d'instituer ces commissions, je note, d'une part, que la très grande variété d'accords qu'il permet – accords de branche professionnelle, interbranches, interprofessionnels, etc. – favorisera mécaniquement leur installation et, d'autre part, que l'accord signé par l'UPA et par les centrales syndicales de salariés instaurant une contribution de 0,15 % de la masse salariale pour « favoriser le dialogue social » chez les artisans et dans les TPE poussera naturellement les composantes de l'UPA – bâtiment, alimentation, services – et, peut-être, l'UPA en tant que telle à mettre en place ce type de commissions sans lesquelles elle ne pourrait justifier ce nouveau prélèvement.
L'affirmation selon laquelle les commissions n'auront aucun pouvoir de contrôle est quant à elle purement gratuite dès lors que le texte leur permet d' « assurer un suivi de l'application des conventions et accords collectifs de travail ».
Enfin, aucun accord national interprofessionnel n'est intervenu en 2008 mais simplement la signature d'une « position commune », sans valeur juridique contraignante et n'abordant que marginalement la question du dialogue social dans les TPE. J'ajoute que dans ladite « position » ne figurait aucunement la notion de commission paritaire, le texte évoquant seulement « les modalités spécifiques aux TPE permettant de renforcer le développement du dialogue social, en y associant au mieux les salariés concernés ». Or, la mesure de l'audience des syndicats dans les TPE répond à cet objectif.