Consultez notre étude 2010 — 2011 sur les sanctions relatives à la présence des députés !

Séance en hémicycle du 17 janvier 2012 à 15h00

Résumé de la séance

Les mots clés de cette séance

  • destitution
  • haute
  • magistrat

Sommaire

La séance

Source

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Olivier Dussopt, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.

Debut de section - PermalienPhoto de Olivier Dussopt

Monsieur le Premier ministre, les Français n'ont pas attendu que les agences de notation sanctionnent votre politique pour faire le constat de votre échec. (Protestations sur les bancs du groupe UMP.) Depuis cinq ans, ce sont 350 000 emplois perdus dans l'industrie, avec une désindustrialisation comme nous n'en avons jamais connu – c'est un million de chômeurs en plus et le sentiment que l'État ne contrôle plus rien.

Les salariés de l'industrie se sentent floués. Ils devaient travailler plus pour gagner plus. Or, dans le meilleur des cas, ils travaillent autant pour gagner moins et, bien souvent, ils ne travaillent plus du tout.

Dans les terres industrielles et manufacturières de notre pays, c'est l'amertume qui domine vis-à-vis de votre politique. C'est évidemment le cas à Gandrange, en Lorraine, où notre candidat François Hollande va présenter aujourd'hui, son projet pour l'industrie. (Protestations et rires sur les bancs du groupe UMP.)

Le site de Gandrange restera le symbole du cynisme et des fausses promesses de Nicolas Sarkozy qui avait tenté de masquer son échec en promettant de ne pas laisser tomber les salariés. Aujourd'hui, il ne reste que des regrets, de la rancoeur et du ressentiment à l'encontre de celui qui les a abandonnés.

Votre politique industrielle s'est caractérisée par un abandon de la recherche et de l'innovation, source de compétitivité – même les agences de notation le soulignent. Elle s'est surtout caractérisée par un manque de volonté.

Il aurait fallu une initiative européenne contre les délocalisations ; le duo Merkel-Sarkozy se contente d'un traité incertain sur une lointaine discipline budgétaire. Il aurait fallu relancer la croissance ; vous avez fait le choix de l'austérité. Il aurait fallu mettre fin aux excès de la finance ; vous y avez renoncé.

Aucune de vos mesures, aucun de vos coups de massue sur le pouvoir d'achat n'a protégé les Français et encore moins notre industrie. Gandrange restera le symbole de votre échec mais aussi celui de l'irresponsabilité, des promesses non tenues, des désillusions, le symbole de l'abandon de l'industrie, de territoires et de populations.

Monsieur le Premier ministre, la législature touche à sa fin. Regardez les salariés de l'industrie dans les yeux, assumez votre bilan. Assumez les promesses non tenues et votre échec en matière de politique industrielle. Dites-leur qu'en 2007 vous les avez trompés. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. ministre chargé de l'industrie, de l'énergie et de l'économie numérique.

Debut de section - PermalienÉric Besson, ministre chargé de l'industrie, de l'énergie et de l'économie numérique

Monsieur le député, puisque Gandrange est dans l'actualité, puisque François Hollande a voulu probablement aller rendre hommage à l'action du Gouvernement (Exclamations sur les bancs du groupe SRC), je reprendrai très précisément l'ensemble des engagements pris par Arcelor devant le Président de la République et qui ont été tenus.

Arcelor a reclassé l'intégralité des salariés, comme il avait été entendu. Arcelor a signé une convention de revitalisation qui a permis de créer 400 emplois nouveaux en Moselle. Arcelor a financé à hauteur de 10 millions d'euros le fonds lorrain des matériaux qui investit dans les sociétés innovantes. Arcelor finance le centre de formation des apprentis de Yutz où 700 jeunes sont formés en permanence. Arcelor engage 30 millions d'euros d'investissements structurants en Moselle.

Par conséquent, tous les engagements pris devant le Président de la République ont été scrupuleusement respectés.

Quant au haut fourneau de Florange, la direction affirme qu'il n'y aura aucune fermeture, aucun licenciement. ArcelorMittal investit d'ailleurs 4 millions d'euros dans la maintenance de cet équipement pour en permettre le redémarrage dans les meilleures conditions.

Vous savez par ailleurs que le Gouvernement soutient fortement le projet ULCOS de captage et stockage du dioxyde de carbone, qui permettra de faire de Florange l'un des sites les plus compétitifs en Europe.

Permettez-moi de vous rappeler, monsieur le député, qu'ArcelorMittal a besoin, pour maintenir son activité, d'un élément précieux : l'électricité. Or, grâce à notre filière nucléaire, nous disposons d'une électricité peu chère et qui bénéficie à tous les électro-intensifs.

Debut de section - PermalienÉric Besson, ministre chargé de l'industrie, de l'énergie et de l'économie numérique

Demandez-leur ce que serait l'application du scandaleux programme Verts-PS que vous avez signé ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienÉric Besson, ministre chargé de l'industrie, de l'énergie et de l'économie numérique

Ceux qui veulent démanteler la filière nucléaire française sont mal placés pour donner des leçons de politique industrielle. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

Debut de section - PermalienRoselyne Bachelot-Narquin, ministre des solidarités et de la cohésion sociale

Ça, c'est envoyé !

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Yves Nicolin, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Nicolin

Ma question s'adresse à M. le ministre chargé des transports.

Monsieur le ministre, notre majorité a légiféré, conformément aux engagements du Président de la République, en faveur d'un service minimum dans les transports publics terrestres. Cette loi sur le service minimum a constitué une amélioration certaine pour les usagers, et le dispositif fonctionne dans 98 % des cas.

Pour mémoire, il impose aux agents de se déclarer grévistes quarante-huit heures à l'avance, afin de prévoir un plan de transports adapté et d'informer les usagers.

Nous devons, monsieur le ministre, être attentifs au détournement de la loi sur le service minimum dont des dizaines de milliers d'usagers de la SNCF sont en ce moment même victimes depuis deux mois et demi,…

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Nicolin

…dans la Loire, la Haute-Loire et le Rhône, sur le trafic TER.

En effet, depuis soixante-quinze jours, une poignée d'irréductibles soutenus désormais par le seul syndicat SUD – la CGT s'étant retirée du conflit –, arc-boutés sur une position inflexible, détournent la loi sur le service minimum.

Depuis soixante-quinze jours, plus de 20 000 usagers galèrent pour se rendre au travail, au collège ou au lycée.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Nicolin

Certains ont déjà perdu leur emploi, d'autres sont obligés de se lever plusieurs heures plus tôt.

Aujourd'hui, ces usagers n'en peuvent plus.

Les grévistes se déclarant bien dans les délais légaux, la SNCF n'a d'autre choix que de déprogrammer des trains ; mais, au dernier moment, ces grévistes se présentent à leur poste, ne laissant pas à la SNCF le temps de reprogrammer ces trains.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Nicolin

Ainsi, ces cheminots n'étant plus grévistes, ils sont payés mais les trains ne circulent pas. Ils n'ont réussi qu'à pénaliser les usagers.

Face à ce détournement de la loi, nous devons agir. Le prochain examen de la proposition de loi instaurant un service minimum dans les transports aériens peut nous permettre, grâce à un amendement que je déposerai avec plusieurs collègues, dont François Rochebloine, de faire cesser ces abus.

Monsieur le ministre, le Gouvernement est-il prêt à nous appuyer ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Thierry Mariani, ministre chargé des transports.

Debut de section - PermalienThierry Mariani, ministre chargé des transports

Monsieur le député, vous avez raison, cela n'a que trop duré. Avec Xavier Bertrand, nous sommes entièrement d'accord sur ce point : la loi sur le service minimum…

Debut de section - PermalienThierry Mariani, ministre chargé des transports

… permet à ceux qui souhaitent faire grève de le faire, mais elle permet aussi aux Français, qui ont le droit d'avoir des informations, d'être informés et d'être transportés. Cette loi est aujourd'hui dévoyée par certains. Comme vous-même et comme votre collègue François Rochebloine, je ne peux que regretter ces agissements.

Ce conflit, vous l'avez dit, dure depuis plus de deux mois. La CGT s'en est retirée. Et aujourd'hui, une poignée de minoritaires continuent à bafouer tous les principes qui constituaient l'esprit de la loi. Je rappelle que l'objectif de la déclaration individuelle préalable à la grève est de permettre à la SNCF de s'organiser pour assurer des niveaux de service adaptés au nombre des grévistes. Depuis début novembre, cet objectif a été dévoyé, puisque, comme vous l'avez dit, sur cette ligne qui vous est chère, certains se déclarent grévistes pour finalement travailler à la dernière minute.

Dans quelques jours, votre assemblée examinera la proposition de loi de votre collègue Diard, et à titre personnel, comme d'ailleurs Xavier Bertrand, je suis tout à fait ouvert à des amendements qui permettraient de respecter le principe de la loi de 2007. Oui, le droit de grève est intangible. Mais, oui, l'exigence d'informer les usagers doit elle aussi être intangible.

Debut de section - PermalienThierry Mariani, ministre chargé des transports

Je le répète, ce qui se passe aujourd'hui sur cette ligne est inadmissible. Sachez que, si nous sommes certes ouverts à la discussion, il y aura peut-être un moment où il faudra agir autrement. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Alain Bocquet, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Bocquet

Monsieur le Premier ministre, le sommet dit « social » de demain, dont 73 % des Français n'attendent rien, promet une cure d'austérité renforcée. Le social n'est pourtant pas la cause de la crise, mais plutôt sa solution. Si les Français avaient les moyens de vivre mieux, la croissance serait au rendez-vous.

Votre obsession d'enrichir les plus riches, votre addiction au CAC40 nous ont plongés dans une crise profonde. En trente ans, les dividendes versés aux actionnaires sont passés de 5 % de la valeur ajoutée à 25 %. En 2010, les entreprises ont distribué plus en dividendes, 210 milliards, qu'en investissements, 180 milliards ! Voilà où le bât blesse.

Pour un sommet vraiment social, la redistribution des richesses s'impose. Revalorisez les salaires, pensions et minima sociaux ; portez le SMIC à 1 700 euros ; interdisez les licenciements boursiers et stoppez net la casse des services publics ! Réindustrialisez la France en tenant compte des propositions des salariés et des syndicats.

Il faut reprendre le pouvoir sur les banques et la Bourse ; en finir avec les exonérations sociales patronales : 30 milliards par an sans effet sur l'emploi.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Bocquet

Il faut taxer les revenus financiers et abandonner ce projet antisocial d'augmenter la TVA, qui pèse déjà deux fois plus sur les familles moyennes et populaires.

Allez-vous enfin sortir de vos dogmes ultralibéraux qui ont coulé l'économie française et paupérisé notre peuple ? Si vous vous engagiez dans cette voie, le sommet de demain serait véritablement social. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR et sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Xavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé.

Debut de section - PermalienXavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé

Monsieur le député, vous parlez d'emploi. Parlez-en avec vos amis socialistes dans le département du Nord ! (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Debut de section - PermalienXavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé

Il y a, dans le département du Nord, 85 000 titulaires du RSA socle. Et le conseil général du Nord s'était engagé à signer avec l'État le cofinancement de 3 000 contrats aidés pour ramener vers l'emploi ceux qui en sont le plus éloignés. Trois mille sur 85 000 !

Et vous-mêmes, avec vos alliés socialistes, comment se fait-il que vous n'ayez même pas tenu vos promesses, puisque vous aviez promis d'en signer 3 000 et que seuls 1 800 ont été signés ? (Protestations sur les bancs du groupe GDR et du groupe SRC.) Alors même que cela coûte moins cher aux départements de financer des contrats aidés, alors même que cela ramène vers l'emploi ceux qui en sont privés, alors même que 1 200 personnes de plus seraient sorties du chômage dans le seul département du Nord si les socialistes avaient tenu leur engagement écrit ! Qu'est-ce que vous répondez à ça ? (Mêmes mouvements.)

Alors, je veux bien prendre des avis, je veux bien prendre des conseils, mais pas recevoir des leçons d'une gauche qui ne fait rien sur les territoires où elle est en responsabilité. Il y a des limites à tout ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP . – Huées sur les bancs du groupe SRC.)

Nous, nous agissons. Nous, nous avançons, même si c'est difficile. Et ce sommet sur l'emploi, ce ne sera pas un sommet pour simplement se réunir. Ce sera un sommet pour prendre des décisions. L'activité partielle, la formation des demandeurs d'emploi, ce sont des idées de bon sens, puisque même M. Hollande, pour une fois a eu les idées claires : il est vrai qu'il a dû écouter le Président de la République le 31 décembre dernier, et qu'il a dû aussi reprendre les propositions du Gouvernement. Vous, vous pouvez critiquer. Sur place, vous n'agissez pas. Nous, on avance ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. François Rochebloine, pour le groupe Nouveau Centre.

Debut de section - PermalienPhoto de François Rochebloine

Cette question, à laquelle j'associe mes collègues Dino Cinieri et Paul Salen, s'adresse au ministre du travail ou au ministre des transports.

Depuis le 3 novembre dernier, les usagers des lignes ferroviaires de la région stéphanoise subissent les conséquences d'un mouvement social à la SNCF particulièrement difficile, puisqu'il affecte chaque jour la circulation des TER entre Le Puy, Roanne, Saint-Étienne et Lyon.

Ainsi, depuis deux mois et demi, des milliers de clients usagers sont chaque jour littéralement piégés et véritablement pris en otage par des suppressions de trains, des retards répétés, des trains surchargés, des informations contradictoires en gare, sans compter les inévitables incidents techniques.

Cette situation est inacceptable d'autant que tout indique que ce conflit s'enlise du fait d'une minorité agissante. Nous assistons à la mise en échec de la loi sur le service minimum garanti dans les transports publics. Il est d'ailleurs important de souligner que plusieurs organisations syndicales ne soutiennent pas cette grève.

Dans un conflit aussi localisé que celui-ci, dont la gestion se situe aux marges du droit et dont les raisons finissent par échapper totalement aux usagers, nous comprenons et partageons l'exaspération de nos concitoyens. Je me dois de vous alerter, monsieur le ministre, sur les tensions ainsi créées, comme nous l'avons vu ce matin à Givors.

Ma question est simple : combien de temps peut-on encore tolérer une telle situation qui, à l'évidence, détourne l'esprit d'une loi qui avait apporté un vrai confort aux usagers grâce à la prévisibilité du service, fondée sur une déclaration préalable de l'intention de faire grève quarante-huit heures à l'avance ?

Que comptez-vous faire pour que le service minimum garanti soit véritablement respecté, pour que l'on mette fin aux abus ainsi constatés, et pour que puisse enfin cesser cette grève qui pénalise quotidiennement plusieurs milliers de voyageurs ? (Applaudissements sur les bancs du groupe NC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Thierry Mariani, ministre chargé des transports.

Debut de section - PermalienThierry Mariani, ministre chargé des transports

Monsieur Rochebloine, comme je l'ai dit à M. Nicolin, cette situation est intolérable. Me tournant vers les parlementaires de la majorité, parce que nous savons qu'à gauche, ils ne sont pas prêts à prendre leurs responsabilités, (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) j'ajoute que, si certains veulent contourner la loi, il vous appartient de la compléter. Vous en aurez l'opportunité dans quelques jours.

Oui, le droit de grève est garanti, et nous l'avons toujours garanti. Mais il n'est pas admissible que certaines organisations irresponsables – je constate comme vous que d'autres se sont retirées de ce mouvement –, prennent aujourd'hui les passagers de cette ligne en otage. Il est inadmissible que la loi de 2007 sur le service minimum, que l'opposition a combattue et qui fait aujourd'hui l'unanimité parmi nos concitoyens parce qu'elle garantit un service dans les transports, soit aujourd'hui détournée de cette manière.

Vous vous saisirez dans quelques jours d'une loi sur un service garanti dans les transports aériens. Vous aurez, à cette occasion, la possibilité de compléter la loi sur le service minimum. Monsieur Rochebloine, comme je l'ai dit tout à l'heure à M. Nicolin, je pense qu'il n'y a pas à transiger sur cette question : le droit de grève est respecté, les salariés peuvent s'exprimer, mais ce n'est pas une raison pour biaiser avec le droit, contourner les textes, et pourrir l'existence quotidienne des passagers sur certaines lignes. Je le répète : nous sommes totalement opposés à ce qui se passe sur cette ligne. Maintenant il est temps d'agir . Je constate que les organisations syndicales responsables ont pris leurs responsabilités. Sur cette ligne, il est temps d'adapter le droit. Oui, le service doit être garanti ; oui, la loi de 2007 ne doit pas être contournée. Sachez que le Gouvernement restera très ferme sur ce sujet. (Applaudissements sur certains bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Jérôme Cahuzac, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.

Debut de section - PermalienPhoto de Jérôme Cahuzac

Aucun parlementaire de la majorité n'ayant cru bon d'aborder la décision prise par une agence de notation, je me permets d'interroger le Premier ministre sur ce sujet. (« Laquelle ? » sur les bancs du groupe UMP.) Les clameurs qui montent montrent que la déploration est unanime parmi nous : nous regrettons tous cette décision qui une très mauvaise nouvelle pour notre pays.

À la fin de l'année 2008, dans un discours de Toulon dont tout le monde garde l'énoncé en mémoire, le Président de la République avait pris l'engagement solennel que le fonctionnement des agences de notation serait encadré et régulé. Monsieur le Premier ministre, qu'a fait la France pendant toute cette période pour encadrer et réguler le travail des agences de notation ?

Deuxième remarque, et deuxième question : monsieur le Premier ministre, le Président de la République et le Gouvernement n'ont de cesse, depuis des années, d'indiquer leur volonté de voir France et Allemagne converger, au moins sur le plan économique. Or, au cours de l'année 2011, force est de reconnaître qu'en Allemagne, la croissance fut de 3 % et en France, de 1,6 %.

Debut de section - PermalienPhoto de Jérôme Cahuzac

Le chômage est historiquement bas en Allemagne et historiquement élevé en France ; le commerce extérieur est excédentaire en Allemagne de 160 milliards d'euros, et déficitaire de 75 milliards d'euros en France ; bref, les choses vont beaucoup mieux en Allemagne qu'en France. Monsieur le Premier ministre, croyez-vous vraiment que c'est en augmentant la TVA, et fut-ce en l'appelant TVA sociale, que vous allez permettre à notre pays de rejoindre l'Allemagne ?

Enfin, troisième remarque, vous avez déclaré que cette décision serait sans conséquences pour la France. Or, beaucoup craignent qu'à la suite de la dégradation de la note de la dette souveraine française, des établissements bancaires soient dégradés, ainsi que la Caisse des dépôts et consignations, banque de la sécurité sociale, la CADES, l'UNEDIC, Réseaux ferrés de France. Bref : que comptez-vous faire pour éviter que les Français, qu'ils soient consommateurs, contribuables ou usagers, ne paient davantage ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. François Baroin, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Debut de section - PermalienFrançois Baroin, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie

Mesdames et messieurs les députés, monsieur le président Cahuzac, les trois agences de notation que sont Fitch, Moody's et Standard & Poor's se sont prononcées dans la semaine. Vous avez mis en lumière la décision de Standard & Poor's, c'est votre droit, on peut néanmoins le regretter.

Debut de section - PermalienFrançois Baroin, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie

Nous voulons valoriser la décision des deux autres agences qui ont maintenu et confirmé le triple A et l'excellente notation de la dette française. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Je regrette vraiment qu'il n'y ait pas eu le même degré d'implication le lundi à l'égard de l'annonce de Moody's que celui avec lequel certains de vos collègues, devant les militants, ont mis en valeur avec beaucoup d'entrain ce qui n'était pas une bonne nouvelle pour la France. C'est bien la France qui est regardée, ce n'est pas un quitus donné à l'action du Gouvernement de François Fillon ou à l'action du Président de la République. C'est donc un élément d'intérêt général.

Deuxième élément de réponse, monsieur Cahuzac, vous évoquez l'Allemagne. L'Allemagne est évidemment un élément de repère pour nous. C'est la raison pour laquelle, sous l'autorité du Premier ministre et du Président de la République, nous avons méthodiquement entrepris un travail de convergence, sur les plans budgétaire, économique et fiscal. Je me suis entretenu avec mon homologue Wolfgang Schäuble, la semaine dernière. Nous remettrons le livre vert à la chancelière et au Président la semaine prochaine, dans le cadre du conseil économique et financier franco-allemand. Il contiendra des propositions, une méthode, un calendrier et des objectifs de convergence sur l'impôt sur les sociétés. Permettez-moi néanmoins de vous rappeler, s'agissant de l'Allemagne, qu'il n'y a pas de salaire minimum, qu'il y a été appliqué une modération salariale et que le choix d'une faiblesse de la pension et de la réversion y a été fait. Nous ne voulons pas altérer notre modèle social fondé sur la solidarité et sur l'État-providence. Si l'Allemagne est un modèle, nous ne pouvons pas non plus le décliner en permanence et dans tous les secteurs. Il y a une identité française à respecter sur le plan social.

Enfin, s'agissant des perspectives d'avenir, nous n'avons pas de temps à perdre. Il faut agir pour réduire le coût du travail et améliorer la compétitivité. Le Président de la République et le Premier ministre recevront demain les partenaires sociaux et offriront des perspectives d'avenir pour notre pays. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Jean-François Copé, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Copé

Monsieur le président, ma question s'adresse à M. le Premier ministre.

La crise économique que traverse notre continent, l'Europe, et notre pays, la France, génère – et c'est naturel – beaucoup de préoccupations chez un grand nombre de nos compatriotes.

Mais les crises sont aussi des révélateurs de tempéraments pour les dirigeants politiques. (Exclamations et rires sur les bancs du groupe SRC.) Où en serions-nous aujourd'hui si, à l'initiative du Président de la République, nous n'avions pas mis en oeuvre la réforme des retraites, la règle de non-remplacement d'un fonctionnaire sur deux et la modernisation notre système de santé ou de nos tribunaux ? (Protestations sur les bancs du groupe SRC.– Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Copé

Au nom du groupe de l'UMP, je tiens à saluer le sang-froid dont font preuve le Président de la République et notre Gouvernement dans cette période. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Les Français ont une exigence de vérité. À l'occasion de cette crise, nous changeons d'époque, des décisions devront être prises concernant l'emploi, la compétitivité – c'est pourquoi il faut faire baisser le coût du travail –, la justice – d'où la taxe sur les transactions financières ou bien encore l'effort massif sur la formation et l'apprentissage.

La crise est aussi un révélateur de tempéraments.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Copé

De ce point de vue, comme beaucoup, j'ai été choqué par la délectation avec laquelle M. Hollande a accueilli l'annonce de la dégradation de la France par l'agence Standard and Poor's. J'ai été, comme beaucoup, indigné de voir M. Hollande, depuis les Antilles, (Protestations sur les bancs du groupe SRC.) dans une salle, il est vrai, à moitié vide…

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Copé

…penser que ce qui est une mauvaise nouvelle pour la France serait une bonne nouvelle pour lui ! (Vives protestations sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

Je vous en prie, mes chers collègues, un peu de calme !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Copé

Je m'inquiète de voir M. Hollande s'étouffer dans ses contradictions. Et vos hurlements en sont une belle illustration.

Lorsque la France est dégradée par Standard and Poor's, ce serait à cause de Nicolas Sarkozy ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.– Huées sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienFrançois Fillon, Premier ministre

Mesdames et messieurs les députés, monsieur Jean-François Copé, nous avons assisté vendredi à une sorte de petit tsunami médiatique qui était parfois aussi indécent que déplacé.

Debut de section - PermalienFrançois Fillon, Premier ministre

En effet, les agences de notation, sont des indicateurs utiles qui doivent être écoutés.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

Monsieur Bartolone, monsieur Jibrayel, je vous en prie !

Debut de section - PermalienFrançois Fillon, Premier ministre

Elles sont des indicateurs utiles, parce qu'elles influent sur les marchés. En même temps, les agences de notation ne font pas la politique de la France et elles ne la feront pas plus demain. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Ces agences sont utiles, à condition que l'on lise avec attention leurs avis. Il existe trois agences.

La première, Fitch, le 16 décembre a confirmé le triple A de notre pays avec une perspective négative, en indiquant qu'elle agissait ainsi en raison de son inquiétude sur l'aggravation de la crise en Europe.

Vendredi, Standard and Poor's a dégradé seize pays de la zone euro, allant jusqu'à placer sous perspective négative des pays qui n'ont pas de dette ou quasiment pas de déficit, comme le Luxembourg ou les Pays-Bas.

Debut de section - PermalienFrançois Fillon, Premier ministre

Enfin, lundi, Moody's a confirmé le triple A stable de la France, tout en indiquant qu'elle poursuivait le réexamen de la notation de l'ensemble des pays européens.

Il est vrai que nous aurions aimé entendre l'opposition faire preuve d'autant d'imagination dans ses commentaires à l'occasion de l'annonce de lundi que de celle de vendredi. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Plusieurs députés du groupe SRC. Longuet, Longuet !

Debut de section - PermalienFrançois Fillon, Premier ministre

En réalité, ces trois agences, à leur manière, disent la même chose : une très grande incertitude pèse sur l'économie européenne.

Debut de section - PermalienFrançois Fillon, Premier ministre

Il est donc parfaitement inutile de se jeter avec gourmandise sur leurs jugements pour leur faire dire ce qu'elles ne disent pas.

Debut de section - PermalienFrançois Fillon, Premier ministre

D'ailleurs, pour une fois, les marchés ont été un peu moins erratiques que les responsables politiques : les taux auxquels notre pays emprunte à dix ans sont descendus à 3,04 %, le spread entre la France et l'Allemagne s'est réduit aujourd'hui de 6,5 points et même la bourse a salué positivement l'évolution de la situation de ces derniers jours. (Protestations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Debut de section - PermalienFrançois Fillon, Premier ministre

Ces jugements, auxquels nous accordons de l'importance, ne nous feront pas dévier de la stratégie que nous avons décidée et que nous nous sommes fixée ensemble.

Cette stratégie consiste à tenir strictement nos engagements en matière de réduction des déficits et de réalisation des engagements budgétaires.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Gosnat

Quatre millions de chômeurs, quatre millions de pauvres !

Debut de section - PermalienFrançois Fillon, Premier ministre

Nous nous étions engagés à faire descendre le déficit de sept points, à 5,7 % en 2011 ; nous le ferons et nous serons même en dessous de 5,7 %.

De la même façon, nous serons au rendez-vous de 2012 avec un engagement de déficit à 4,5 % pour atteindre l'équilibre en 2016 et non en 2017 comme le prévoit le programme du parti socialiste.

Entre 2011 et 2012, nous avons fait 51 milliards d'euros d'économies. Pour la première fois, nous avons diminué les dépenses et la masse salariale de l'État. En 2011, nous avons réduit le déficit public de 30 milliards d'euros.

Aucun gouvernement n'en a jamais fait autant sous la Cinquième République ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienFrançois Fillon, Premier ministre

Désormais, mesdames et messieurs les députés, la priorité doit être la recherche de la croissance.

Debut de section - PermalienFrançois Fillon, Premier ministre

Ce sera d'abord le sommet européen du 30 janvier prochain qui devra notamment examiner les propositions importantes que la France met sur la table pour une action européenne au service de la croissance.

Debut de section - PermalienFrançois Fillon, Premier ministre

Ce sera surtout le sommet qui aura lieu demain avec les partenaires sociaux. Il s'agira d'étudier ensemble comment la France peut aller chercher la croissance en améliorant la compétitivité de son économie.

Nous proposerons des mesures conjoncturelles mais nous ouvrirons aussi le débat sur des propositions structurelles relatives à la question de la formation des chômeurs, de la baisse du coût du travail…

Debut de section - PermalienFrançois Fillon, Premier ministre

et du financement de la protection sociale, mais aussi relatives aux accords de compétitivité dans les entreprises, qui ont été l'une des raisons du succès allemand de ces dernières années, et enfin à la question de la taxe sur les transactions financières.

Debut de section - PermalienFrançois Fillon, Premier ministre

Mesdames et messieurs les députés, notre pays a besoin d'efforts, d'unité et de rigueur, mais il a surtout besoin d'unité nationale.

Je le dis solennellement : nous ne demandons pas à l'opposition d'approuver nos choix et notre bilan, nous lui demandons simplement de ne pas aggraver les difficultés de notre pays et celles des dirigeants européens. (Les députés du groupe UMP et certains députés du groupe NC se lèvent et applaudissent longuement. –Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Thierry Benoit, pour le groupe Nouveau Centre.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Benoit

Ma question, à laquelle j'associe tout le groupe Nouveau Centre, s'adresse à Xavier Bertrand, ministre de la santé.

Monsieur le ministre, vous avez annoncé en octobre dernier la réforme du cursus universitaire des étudiants orthophonistes.

Cette réforme vise, dans un premier temps, à revaloriser le niveau d'études des orthophonistes au grade de master 1 à la fin de leurs quatre années d'études.

Cette mesure me paraît entièrement justifiée au vu de la difficulté des examens d'entrée dans les centres de formation et du travail préparatoire fourni par les étudiants pour être admis dans ces écoles.

Bien souvent, les futurs orthophonistes doivent passer une ou plusieurs années sur les bancs des classes préparatoires au concours qui ne sont pas reconnues par l'État. Il était donc important de reconnaître les efforts des étudiants et nous nous en félicitons.

Cependant, vous prévoyez également d'introduire dans ce cursus initial une cinquième année d'études afin de répondre aux besoins de rééducation spécifique de certains patients, notamment des victimes d'accidents vasculaires cérébraux, de la maladie d'Alzheimer ou de la maladie de Parkinson.

Cette deuxième année risque de créer une médecine à deux vitesses et d'accentuer les problèmes de désertification médicale.

Monsieur le ministre, vous n'êtes pas sans savoir que certains de nos territoires souffrent d'une carence en médecine générale mais aussi en médecine spécialisée.

La moyenne nationale est de trente-deux orthophonistes pour 100 000 habitants, ce qui est peu. De plus, 52 % d'entre eux ont choisi d'exercer dans des agglomérations de plus de 200 000 habitants !

Ma question est donc simple, monsieur le ministre : quelles mesures comptez-vous prendre pour que l'État reconnaisse à son juste niveau la qualification des orthophonistes en France tout en évitant le risque d'une médecine à deux vitesses ?

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Xavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé.

Debut de section - PermalienXavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé

Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, monsieur le député, avec Laurent Wauquiez et Nora Berra…

Debut de section - PermalienXavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé

…nous travaillons sur ce dossier pour mieux valoriser cette profession, améliorer et densifier la future reconnaissance universitaire.

Avec le diplôme de niveau master 1, 6 000 heures seront reconnues. Aujourd'hui les orthophonistes sont reconnus pour 2 400 heures de travail théorique auxquelles s'ajoute le travail personnel, qui n'est pas seulement important mais très important.

Le diplôme de niveau master 1 leur apporte davantage que ce qu'ils avaient auparavant. Je le dis parce que nous entendons parfois le contraire et ce n'est pas vrai.

Par ailleurs, il n'est pas question de créer une profession à deux vitesses. Certains s'interrogent : ne risque-t-on pas, avec un niveau M 1 et un niveau M 2, une trop grande spécialisation ? les patients vont-ils s'y retrouver ?

Laurent Wauquiez et moi-même avons bien reçu le message. Nous nous en tiendrons au M 1 et nous étudierons la question du M 2 car il ne s'agit pas d'inquiéter qui que ce soit. Par ailleurs, nous avons conscience des difficultés de démographie médicale.

Je n'aime pas les médecines à deux vitesses et je n'aimerais pas une profession à deux vitesses, d'autant moins si l'on y ajoute les problèmes de démographie médicale, car ce serait la pire des choses pour les patients.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Paul Bacquet

Et les dépassements d'honoraires, qu'est-ce que c'est ?

Debut de section - PermalienXavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé

Nous continuons à envisager de nouvelles solutions.

Mais n'oublions pas que cette remasterisation ne concerne pas seulement la profession d'orthophoniste. D'autres professions ont aussi accepté de réelles avancées, et nous devons tenir compte de l'équilibre pour chacune d'elles.

J'en viens à la question de la démographie médicale. Nous n'avons jamais refusé et nous ne refuserons jamais les demandes d'ouverture d'écoles d'orthophonie et de relèvement du numerus clausus des conseils régionaux en lien avec les universités.

Je ne veux pas avoir à gérer la pénurie, comme cela a été le cas depuis des années, en raisons des erreurs des années 1990.

Par ailleurs, selon moi, la seule voie de l'avenir sera la libre installation et certainement jamais la coercition ni l'obligation. Voilà notre vision ! (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Pierre-Alain Muet, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers. gauche

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Alain Muet

Monsieur Copé, les Antilles, c'est la France ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Ma question s'adresse à M. le Premier ministre. Qui peut croire que la perte du triple A sera sans conséquences ? Certainement pas Nicolas Sarkozy qui lance ce troisième plan de rigueur qu'est la TVA sociale pour satisfaire le patronat et, croit-il, pour satisfaire les marchés.

Ce plan, qui n'aura pas plus d'impact que les précédents sur le triple A, est sûrement une triple erreur. Vous dites vouloir alléger les cotisations patronales, mais quelles cotisations ? Il n'y a plus de cotisations patronales au niveau du SMIC. Vous dites vouloir faire payer la protection sociale par les importations : ce ne sont pas les produits qui paient la TVA, mais les consommateurs. Si la TVA pouvait servir de droits de douane, cela se saurait.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Alain Muet

En réalité, comme l'exprime avec lucidité l'un des vôtres, Alain Madelin, la TVA sociale est une politique de déflation salariale. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.) Et si elle a un éventuel effet sur la compétitivité, c'est tout simplement parce qu'elle baisse le pouvoir d'achat des salaires. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

La réalité de votre politique, c'est une baisse du pouvoir d'achat des salariés et des retraités, qui enfoncera un peu plus notre pays dans la récession.

En mai 2004, répondant à une question du président de la commission des finances du Sénat, le ministre des finances de l'époque expliquait que l'effet de la TVA sociale serait catastrophique sur la croissance et que pour chaque point de hausse de TVA compensant une baisse des cotisations sociales, on perdrait un demi-point de croissance. Comment s'appelait ce ministre des finances, mes chers collègues ? Il s'appelait Nicolas Sarkozy ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Je vous laisse juger. Il est temps que la France emprunte un autre chemin, celui du redressement et de la justice. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC. – Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à Mme Valérie Pécresse, ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'État, porte-parole du Gouvernement.

Debut de section - PermalienValérie Pecresse, ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'état, porte-parole du Gouvernement

Monsieur le député, permettez-moi de relever une incohérence entre votre discours et celui du président Cahuzac.

Debut de section - PermalienValérie Pecresse, ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'état, porte-parole du Gouvernement

Tous les deux, vous nous vantez régulièrement le modèle allemand comme un modèle de réussite.

Plusieurs députés du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. Pas du tout.

Debut de section - PermalienValérie Pecresse, ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'état, porte-parole du Gouvernement

Vous venez de citer les agences de notation. Vous venez de citer le commerce extérieur allemand, le taux de chômage allemand, le taux de croissance allemand, le taux de déficit allemand. Permettez-moi alors de vous dire que les Allemands ont choisi de faire la TVA sociale. Pourquoi ? Parce qu'ils ont décidé que pour produire en Allemagne, il fallait baisser les charges sociales sur le travail. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Je vous rappelle que pour 100 euros de salaire, on paie cinquante euros de charges sociales en France contre trente-huit en Allemagne. Or, quand a des produits qui sont plus chers parce qu'on a plus de charges sociales, on produit moins en France : on produit à l'étranger, on délocalise.

Nous, nous ne voulons pas de cela. Nous voulons une politique de compétitivité de la France pour que les entreprises françaises ne délocalisent pas, pour qu'elles produisent en France, qu'elles recrutent en France, qu'elles augmentent les salaires en France. C'est cela la politique que souhaite le Président de la République.

Debut de section - PermalienValérie Pecresse, ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'état, porte-parole du Gouvernement

Quant au financement de notre sécurité sociale, rien n'est arbitré. (Protestations sur les bancs du groupe GDR.) Nous en parlerons demain avec les partenaires sociaux. Quelle que soit la solution retenue, sachez que nous défendons une politique pour la croissance et pour l'emploi dans notre pays. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Jean-Luc Reitzer, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Luc Reitzer

Ma question s'adresse à M. le ministre d'État, ministre des affaires étrangères et européennes.

Monsieur le ministre, vous rentrez aujourd'hui d'un déplacement en Birmanie, où un ministre français des affaires étrangères se rendait pour la première fois depuis l'indépendance du pays en 1948.

Ce déplacement a connu un grand retentissement non seulement en France, mais dans le monde entier.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Luc Reitzer

Après un demi-siècle d'oppression par la junte militaire, nous assistons aujourd'hui à une transformation spectaculaire de la Birmanie. Certains parlent même d'un « printemps birman ».

Depuis l'arrivée à la tête du pays d'un gouvernement civil, la vie politique birmane change en profondeur et il y a enfin des signes d'ouverture tels que le vote de lois sur le droit de grève, de manifestation, d'association (Exclamations sur les bancs du groupe GDR) ou la création d'une Commission nationale sur les droits de l'homme. (Mêmes mouvements.)

Le LND, parti d'Aung San Suu Kyi, a été légalisé et cette dernière est enfin autorisée à se présenter aux élections partielles d'avril prochain.

Vendredi dernier, 651 prisonniers dont 300 prisonniers politiques ont été libérés. Enfin, le cessez-le-feu a été signé avec l'ensemble des minorités ethniques.

Monsieur le ministre, vous qui venez de rencontrer le prix Nobel de la paix, mais également le président birman, quelle est votre analyse de la situation politique en Birmanie ? Les progrès constatés sont-ils irréversibles?

Les États-Unis et l'Union européenne imposent encore des sanctions au pays pour punir les violations des droits de l'homme : faut-il désormais les lever ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Alain Juppé, ministre d'État, ministre des affaires étrangères et européennes.

Debut de section - PermalienAlain Juppé

Monsieur le député, quand je suis arrivé à Rangoon samedi dernier, le président Thein Sein, comme vous venez de le rappeler, avait libéré 651 prisonniers parmi lesquels la quasi-totalité des prisonniers politiques.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland Muzeau

Cela n'en fait pas un démocrate pour autant ! Quand allez-vous au Maroc ?

Debut de section - PermalienAlain Juppé

J'ai eu la chance de pouvoir rencontrer plusieurs d'entre eux et ce fut un moment d'une intense émotion. Comme ont été très intenses les entretiens que j'ai eus avec Mme Aung San Suu Kyi à qui j'ai remis, au nom du Président de la République, les insignes de commandeur de la Légion d'honneur. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC et sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

De ces entretiens, de ceux que j'ai eus avec les principaux responsables des partis d'opposition, mais aussi avec le président de la République, les présidents de la chambre haute et de la chambre basse du Parlement et mon homologue, ministre des affaires étrangères, j'ai retiré une double conviction. D'abord, du côté du pouvoir, il existe une vraie volonté d'ouverture et de démocratisation. Ensuite, du côté de Mme Aung San Suu Kyi, qui sera candidate aux prochaines élections partielles du 1er avril, et du côté des représentants de l'opposition, il existe une vraie volonté de dialogue constructif avec le pouvoir.

Debut de section - PermalienAlain Juppé

Certes, des retours en arrière sont possibles, mais il est de notre intérêt d'accompagner ce mouvement.

Debut de section - PermalienAlain Juppé

C'est dans cet esprit que, dès lundi, je proposerai à nos partenaires européens de mettre au point un plan progressif de levée des sanctions qui ont isolé la Birmanie du monde extérieur. C'est dans cet esprit que j'ai annoncé l'augmentation de l'aide bilatérale de la France et la possible intervention de l'Agence française du développement.

La Birmanie est aujourd'hui l'un des pays les pauvres du monde, mais elle a des ressources exceptionnelles. Nous avons donc intérêt à l'accompagner dans son développement.

Debut de section - PermalienAlain Juppé

Au-delà de la défense des intérêts de la France, la vraie mission de la diplomatie française, c'est aussi se battre pour des valeurs et être sans ambiguïté aux côtés de ceux qui se battent pour la liberté, pour la démocratie, pour les droits de l'homme. C'est là qu'est la vraie grandeur de la France ! (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Alain Cacheux, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Cacheux

Monsieur le secrétaire d'État chargé du logement, il y a quelques jours, vous déclariez que le Président de la République s'apprêtait à faire des annonces fortes en matière de logement. À trois mois du premier tour des élections présidentielles, il était temps !

Comme à chacun de mes collègues du groupe socialiste, vous allez sans doute me répondre en citant l'augmentation du nombre de logements locatifs sociaux construits chaque année.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Cacheux

Reconnaissez toutefois, monsieur le secrétaire d'État, que cette augmentation ne doit rien aux efforts de l'État mais tient à la mobilisation des collectivités locales et des organismes. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.) En effet les aides à la construction de logements sociaux sont passées de 800 millions en 2008 à 450 millions d'euros en 2012. Vous avez supprimé plus de 800 millions de crédits budgétaires consacrés à l'amélioration de l'habitat privé et à la rénovation urbaine et vous avez ponctionné le 1 % logement que vous condamnez à court terme. Vous n'épargnez pas non plus les organismes d'HLM puisque vous les ponctionnez de 245 millions d'euros, auxquels viennent s'ajouter les 225 millions d'euros que représente la hausse de la TVA.

En matière d'accession, le bilan n'est guère plus brillant. Depuis cinq ans, votre politique n'est faite que de volte-face. En témoignent la suppression de la déduction des intérêts d'emprunt trois ans après que la fameuse loi TEPA l'a instaurée et la récente réintroduction, au bout d'un an, des conditions de ressources pour accéder au prêt à taux zéro. Je pourrais encore citer le dispositif Scellier, injuste et fortement inflationniste.

Que constate-t-on aujourd'hui ? La part des dépenses de logement a durablement augmenté dans le budget des ménages ; les prix de vente des logements ont connu une hausse de 140 % depuis 2002 ; 1,5 million de ménages sont en attente de logement social.

Ma question sera simple : quelle est la nature des annonces fortes que s'apprête à faire le Président de la République ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Benoist Apparu, secrétaire d'État chargé du logement.

Debut de section - PermalienBenoist Apparu, secrétaire d'état chargé du logement

Monsieur le député, comme vous le prévoyiez en faisant les questions et les réponses, je vais vous citer une nouvelle fois le bilan du Gouvernement en matière de logement social.

Plusieurs députés du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. Zéro !

Debut de section - PermalienBenoist Apparu, secrétaire d'état chargé du logement

Je vous rappellerai tout d'abord que lorsque vous étiez au Gouvernement, vous produisiez 50 000 logements sociaux par an ; ce gouvernement aura produit sur l'ensemble du quinquennat une moyenne de 125 000 logements sociaux par an. Dans le seul département du Nord – votre département, monsieur Cacheux –, nous aurons financé en 2011 4 500 logements sociaux. Combien en aviez-vous financé en 2000 dans ce même département ? Moins de 1 800 !

La différence entre vous et nous, c'est que vous, vous faites des discours et que nous, nous avons des résultats en matière de logement social.

Notre politique ne résume évidemment pas au seul financement de logements sociaux. Cette année, sur l'ensemble des constructions de logements, ce gouvernement aura contribué à 400 000 mises en chantier de logements sur l'ensemble de notre territoire. C'est une réussite.

Debut de section - PermalienBenoist Apparu, secrétaire d'état chargé du logement

Ces chiffres sont des records. Ce quinquennat est bel et bien un quinquennat de constructions de logements. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à Mme Anne Grommerch, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Anne Grommerch

Monsieur le ministre chargé de l'industrie, de l'énergie et de l'économie numérique, vous vous êtes rendu la semaine dernière à Yutz, en Moselle, où vous avez pu visiter le centre de formation aux métiers de l'industrie et de la métallurgie, le CEFASIM, et souligner l'importance de l'apprentissage pour la compétitivité de notre industrie.

Vous avez par ailleurs rencontré les syndicats du site ArcelorMittal de Florange et vous avez à nouveau évoqué les engagements pris par ArcelorMittal et l'État français pour ce qui concerne le site de Gandrange.

S'agissant de ces deux sites du groupe ArcelorMittal, l'engagement du Président de la République et du Gouvernement est fort et n'a jamais failli, et la visite aujourd'hui de François Hollande et Martine Aubry à Gandrange paraît bien tardive aux yeux de tous les salariés de la sidérurgie lorraine. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Hollande a attendu d'être en campagne pour se préoccuper de la situation de la sidérurgie lorraine, oubliant au passage les promesses non tenues de François Mitterrand à la Lorraine et à sa sidérurgie ! (Protestations sur les bancs du groupe SRC.) Permettez-moi de vous rappeler ses propos à Longwy, en octobre 1981 : « Aucun poste de travail ne peut être supprimé dans la sidérurgie sans qu'un autre n'ait été créé auparavant dans un autre secteur ». Pourtant, des milliers d'emplois ont disparu en Lorraine. Comment osez-vous nous parler d'abandon et d'échec, Monsieur Dussopt ?

Monsieur le ministre, vous qui vous impliquez beaucoup dans ces dossiers, notamment pour ce qui est du plan de revitalisation de Gandrange et du projet ULCOS à Florange, pouvez-vous nous rappeler les engagements pris par ArcelorMittal sur ces deux sites ainsi que l'action engagée par le Gouvernement pour défendre l'industrie lorraine et tous ses salariés ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Éric Besson, ministre chargé de l'industrie, de l'énergie et de l'économie numérique.

Debut de section - PermalienÉric Besson, ministre chargé de l'industrie, de l'énergie et de l'économie numérique

Madame la députée, je me suis exprimé il y a un instant sur les engagements pris par ArcelorMittal pour les sites industriels de Moselle : je le répète, ils ont tous été tenus.

Debut de section - PermalienÉric Besson, ministre chargé de l'industrie, de l'énergie et de l'économie numérique

Vous le savez bien, vous qui êtes très impliquée dans ce dossier et qui m'avez accompagné jeudi dernier lors de la visite du centre d'apprentissage de Yutz, en Moselle, centre de formation exemplaire financé pour partie par ArcelorMittal, par lequel 700 jeunes passent chaque année.

Votre question me permet de rappeler l'ensemble des efforts faits par le Gouvernement pour aider la sidérurgie lorraine.

D'abord, nous intervenons conjoncturellement lorsqu'il y a une difficulté sur un haut fourneau. À Florange, par exemple, ce sont l'État et l'UNEDIC qui financent le chômage partiel que vient d'évoquer Xavier Bertrand : les salariés peuvent conserver intégralement leur salaire dans cette période intermédiaire.

Surtout, nous intervenons positivement pour renforcer la compétitivité de notre industrie sidérurgique.

J'ai déjà parlé du projet ULCOS pour lequel nous nous mobilisons. Je suis allé voir à Bruxelles les trois commissaires européens en charge de ce dossier.

Je pense encore au projet d'institut de recherche technologique sur les matériaux, intitulé « M2P », qui porte sur les matériaux, la métallurgie et les procédés. Avec cet institut basé à Metz, la France disposera d'un centre de recherche et développement de taille mondiale, comptant plus de 300 chercheurs.

Je pense enfin à l'ensemble de la politique industrielle que nous avons menée depuis 2007. Les industriels de la sidérurgie bénéficient ainsi pleinement de la suppression de la taxe professionnelle, avec 2 milliards d'euros économisés chaque année, ainsi que du renforcement du crédit impôt recherche, comme ils ont eu l'occasion de nous le dire l'autre jour.

Le Gouvernement se mobilise ainsi pour l'avenir de la sidérurgie. François Hollande et Martine Aubry pourront le constater par eux-mêmes. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Michel Vergnier, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Vergnier

Ma question s'adresse au Premier ministre.

La dégradation de la France est d'abord le désaveu de la politique que vous avez conduite et des perspectives que vous avez élaborées dans toutes vos lois de finances successives. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Malgré vos arguments, que vous adaptez d'ailleurs sans cesse, il y aura des répercussions importantes pour les collectivités territoriales. En effet, la perte de liquidités va entraîner un accès au crédit beaucoup plus difficile, avec à la fois la difficulté de trouver des établissements bancaires qui s'engagent et une augmentation probable des taux.

Si tel était le cas, cela aurait des conséquences dramatiques pour l'investissement de ces collectivités, qui représente – faut-il le rappeler ? – 74 % de l'investissement public.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Vergnier

Après le gel des dotations, déjà pénalisant vu l'évolution des prix, elles seraient amenées à réduire encore davantage leurs projets, avec les répercussions que l'on connaît sur la vie des entreprises, en particulier les entreprises locales, qui sont très inquiètes pour l'emploi de leurs salariés.

Vous avez laissé dériver Dexia et l'on sait à quelle situation doivent faire face les collectivités qui ont des emprunts toxiques. Un contrôle public, voire un établissement public clairement identifié, s'avèrent plus que jamais nécessaires pour financer ces collectivités. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Vergnier

C'est en les rassurant et non en les dénigrant, comme vous le faites trop souvent, que vous pourriez en faire des partenaires pour sortir de cette période difficile.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Vergnier

Qu'envisagez-vous dans ce domaine ? Quelles réponses comptez-vous apporter à tous ces élus qui s'inquiètent et qui partagent tous des objectifs de service public, d'intérêt général et de développement des territoires ? (« Bravo ! » et applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. François Baroin, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Debut de section - PermalienFrançois Baroin, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie

Monsieur le député, je ne partage pas votre analyse. Si vous ne me croyez pas, regardez l'évolution et les tendances des marchés.

Debut de section - PermalienFrançois Baroin, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie

Nous avons pu placer plus de 8 milliards lundi à court terme avec des taux à la baisse. L'évolution des spreads est elle aussi orientée à la baisse.

Debut de section - PermalienFrançois Baroin, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie

Nous avons été précautionneux dans la loi de finances pour 2012 – je parle sous le contrôle du président Cahuzac –, puisque nous avons retenu une moyenne de 3,7 % pour les emprunts à dix ans. Or nous avons eu, au cours des derniers jours, un peu plus de 3 %. Il ne faut donc pas basculer dans un affolement inutile,…

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Glavany

C'est dans l'euphorie qu'il faudrait basculer ?

Debut de section - PermalienFrançois Baroin, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie

…même si le calendrier électoral peut favoriser quelques développements de cette nature, et revenir à la réalité.

Vous avez en revanche raison sur un point, comme je peux en témoigner, étant moi-même élu local : il y a eu une tension, au cours de la période d'instabilité de la zone euro, à la sortie de l'été, en ce qui concerne l'accès au crédit pour les collectivités locales. Conscient de cette réalité, le Gouvernement n'est pas resté inerte.

Nous avons d'abord engagé en douceur, avec les États belge et luxembourgeois, la restructuration de Dexia. Nous avons agi pour mettre en place un dispositif durable d'accès au crédit, en l'occurrence une institution publique qui sera la fille de la Banque postale et de la Caisse des dépôts et consignations, et qui sera opérationnelle au cours des prochains mois.

À titre de pierre d'attente, et vu l'urgence, nous avons, sous l'autorité du Premier ministre François Fillon, prévu une enveloppe de 5 milliards. Sur cette somme, 2,5 milliards sont pour la Caisse des dépôts et consignations et 1,6 milliard pour les établissements de crédit ; 700 millions sont actuellement disponibles pour faire face au cours du premier trimestre, le temps de la mise en oeuvre opérationnelle de l'établissement public.

Si d'aventure il y avait d'autres difficultés de cette nature, je me tiendrais, monsieur le député, vous le savez, à votre disposition pour favoriser les relations entre les collectivités qui souhaitent emprunter pour financer leurs projets et les établissements créditeurs qui auraient besoin d'être encouragés et rassurés. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Gérard Menuel, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Menuel

Monsieur le ministre de l'intérieur, vous avez présenté ce matin, aux côtés de l'Observatoire national de la délinquance et des réponses pénales, les résultats obtenus en 2011 en matière de lutte contre la délinquance.

En effet, depuis 2003, soit près de dix ans, les statistiques de la délinquance sont publiées et analysées par l'Observatoire, afin d'avoir un regard objectif et non partisan sur l'évolution de la délinquance dans notre pays. C'est une avancée incontestable pour notre démocratie.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Menuel

Il est vrai qu'en matière de sécurité on ne peut jamais être totalement satisfait des résultats. Mais les faits sont là : pour la neuvième année consécutive, la délinquance est en baisse. Ces résultats sont d'autant plus remarquables que la délinquance avait fortement augmenté entre 1997 et 2002, dans des proportions inédites.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Menuel

Grâce à l'action des gouvernements successifs depuis 2002, les services de police et de gendarmerie disposent désormais des moyens de lutter efficacement contre les délinquants.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Menuel

Cette majorité a également fait un choix clair entre les victimes et les délinquants. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Monsieur le ministre, pouvez-vous indiquer à la représentation nationale, comme vous l'avez fait ce matin aux côtés de l'Observatoire, quels sont les principaux résultats en matière de lutte contre toutes les formes de délinquance pour l'année 2011 et quelles sont les priorités d'action fixées aux policiers et aux gendarmes pour l'année 2012 ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Claude Guéant, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration.

Debut de section - PermalienClaude Guéant, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration

Monsieur le député, effectivement, en 2011, pour la neuvième année consécutive, la délinquance a été en recul dans notre pays, avec 12 000 faits de moins. (Protestations sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienClaude Guéant, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration

Depuis 2002, elle a baissé de 16,5 %, soit 678 000 faits exactement. (Nouvelles protestations sur les bancs du groupe SRC.)

En 2011, dans 38,6 % des cas, les auteurs de crimes et de délits ont été arrêtés et déférés à la justice. C'est 50 % de plus qu'il y a dix ans.

Debut de section - PermalienClaude Guéant, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration

Si l'on va dans le détail, selon la nomenclature qui nous est proposée par l'Observatoire national de la délinquance, que constate-t-on en 2011 ? Les atteintes aux biens sont une fois de plus en baisse, de même que les infractions économiques et financières.

Debut de section - PermalienClaude Guéant, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration

Les atteintes violentes à l'intégrité physique des personnes sont stabilisées, avec 0,1 % d'augmentation. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Bien sûr, tout n'est pas parfait. Nous devons nous adapter à des phénomènes nouveaux, par exemple les cambriolages qui sont conduits par des bandes venant des pays d'Europe centrale et orientale, qui exigent un travail entre les États, les justices et les polices criminelles de l'ensemble des pays concernés.

C'est vrai, nous pouvons toujours mieux faire. Mais je lisais tout à l'heure dans un quotidien, qualifié généralement de « grand journal du soir », un article sur la « maigreur » des résultats en matière de sécurité des années Sarkozy.

Debut de section - PermalienClaude Guéant, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration

Eh bien, excusez-moi, mais presque 700 000 victimes de moins en 2011 par rapport à 2002, c'est un bilan – c'est un vrai bilan. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Ce bilan, c'est celui du Président de la République, mais aussi des gouvernements qui se sont succédé. C'est le bilan de votre majorité.

Debut de section - PermalienClaude Guéant, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration

C'est le bilan de tous ceux qui ont soutenu l'action du Gouvernement. En 2012,…

Debut de section - PermalienClaude Guéant, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration

…en insistant sur la présence sur la voie publique, qui rassure nos concitoyens,…

Debut de section - PermalienClaude Guéant, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration

…avec votre soutien, nous ferons mieux encore. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à Mme Pascale Got, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.

Debut de section - PermalienPhoto de Pascale Got

Monsieur le ministre chargé de l'industrie, de l'énergie et de l'économie numérique, savez-vous combien coûte aujourd'hui le litre d'essence à la pompe ? Près de 1,60 euro pour le super sans plomb. Du jamais vu !

Une fois de plus, le pouvoir d'achat des Français va chuter sans que le Gouvernement juge utile d'intervenir. Bien sûr, vous allez vous retrancher derrière les difficultés économiques, derrière la baisse de l'euro, bref nous dire en gros : « c'est pas nous, c'est la crise ».

Mais ce n'est pas la crise qui a créé vingt-quatre nouvelles taxes depuis 2007. Ce n'est pas la crise qui a laissé filer le prix des produits alimentaires et ceux du gaz. Ce n'est pas la crise qui a protégé le pouvoir d'achat des plus riches en baissant l'impôt sur la fortune.

Pendant que Total continue de faire des bénéfices considérables, vous laissez prendre les Français en otage par la hausse des prix de l'essence.

Et comme si cela ne suffisait pas, vous allez créer la TVA antisociale qui va laminer ce qui reste du pouvoir d'achat des classes moyennes et des plus pauvres.

Face à la hausse des carburants, allez-vous vous contenter de reprendre les propos de Mme Lagarde en demandant aux Français de prendre leur vélo ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Éric Besson, ministre chargé de l'industrie, de l'énergie et de l'économie numérique.

Debut de section - PermalienÉric Besson, ministre chargé de l'industrie, de l'énergie et de l'économie numérique

Madame la députée, c'est vrai, le prix des carburants se situe à un niveau historiquement élevé. Sans faire de démagogie…

Debut de section - PermalienÉric Besson, ministre chargé de l'industrie, de l'énergie et de l'économie numérique

…et en essayant de dire les choses très clairement, cela s'explique par trois facteurs : une demande internationale qui reste élevée du fait de la demande des pays émergents, une tension dans un certain nombre de pays – je pense à l'Iran, aux grèves au Nigeria –, enfin la baisse de l'euro.

Si la baisse de l'euro constitue une bonne nouvelle pour notre industrie et nos exportateurs, la contrepartie est un renchérissement des importations de pétrole.

Face à cette situation, nous renforçons le dialogue, au plan international, entre les producteurs et les consommateurs de pétrole afin de lutter contre la volatilité des prix. Et nous accroissons la transparence sur les prix et la concurrence grâce au siteprix-carburants.gouv.fr, afin que les Français puissent faire des comparaisons, puisque, vous le savez, il existe des écarts significatifs.

Enfin, nous poursuivons nos efforts pour que les Français se dotent de véhicules plus économes, moins consommateurs d'essence. Vous avez noté qu'en quatre ans la consommation moyenne par véhicule a considérablement baissé.

Mais allons plus loin. Si vous voulez dire que cela renforce le besoin d'accroître notre indépendance énergétique, vous avez entièrement raison. Cependant, toutes vos propositions tendent à renforcer nos importations d'hydrocarbures et à accroître notre déficit commercial.

Debut de section - PermalienÉric Besson, ministre chargé de l'industrie, de l'énergie et de l'économie numérique

Si vous voulez dire que nous avons besoin de protéger le pouvoir d'achat des ménages et le coût de l'énergie pour nos industries, vous avez raison. Cependant, j'ai entendu tout à l'heure que cela vous gênait que l'on évoque l'accord Verts-PS. Sauf à nous dire qu'il est caduc, que vous y avez renoncé, ou qu'il a été signé sur un coin de table comme le dit Arnaud Montebourg, c'est bien toujours votre seule proposition. Or celle-ci est détestable pour notre industrie comme pour les ménages français. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à Mme Dominique Le Sourd, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Le Sourd

Monsieur le ministre de la culture et de la communication, c'est avec une immense joie et beaucoup d'émotion que nous avons accueilli, dimanche dernier, une excellente nouvelle pour le secteur culturel français. En effet, c'est un film français, The Artist, qui a été le grand vainqueur des Golden Globes en remportant les distinctions de meilleure comédie, meilleur acteur de comédie pour Jean Dujardin et meilleure musique. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Ce triomphe sans précédent pour un film français vient après le prix du meilleur réalisateur décerné à Michel Hazanavicius, l'auteur de The Artist, par l'Association des critiques de l'audiovisuel américain, jeudi 12 janvier. C'est naturellement une grande satisfaction pour la France et ses industries culturelles.

Je note, monsieur le ministre, que notre majorité a toujours été aux côtés des artistes, afin d'encourager les talents français et de favoriser la création. Je note également qu'un certain nombre d'artistes, dont Michel Hazanavicius, ont écrit à M. Hollande pour s'indigner que le programme socialiste ne comprenne aucune mesure valable concernant la culture (Exclamations sur les bancs du groupe SRC) et que la seule certitude soit la suppression de la Haute autorité pour la diffusion des oeuvres et la protection des droits sur Internet, l'HADOPI, qui permet aujourd'hui de protéger la création. Or nous ne pouvons consentir à brader l'exception culturelle française, socle de notre identité dans le monde. La culture mérite mieux.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Le Sourd

Aussi, monsieur le ministre, pouvez-nous nous confirmer la place imminente que tiennent la culture et le septième art dans la politique de notre Gouvernement ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Frédéric Mitterrand, ministre de la culture et de la communication.

Debut de section - PermalienFrédéric Mitterrand, ministre de la culture et de la communication

Madame la députée, effectivement le triomphe remporté par The Artist, merveilleux film de Michel Hazanavicius, aux Golden Globes honore tout le cinéma français.

Produit par Thomas Langmann, digne héritier de son père Claude Berri, interprété à la perfection par Jean Dujardin et Bérénice Bejo, The Artist, oeuvre d'une singularité, d'une poésie et d'une maîtrise inouïe de la culture cinématographique, souligne aussi la pertinence du modèle culturel de notre pays.

Cette réussite s'inscrit dans un contexte particulièrement brillant pour notre cinéma qui, avec plus de 216 millions de spectateurs, bat les records des lointaines années soixante et occupe 40 % des parts de marché.

Honneur à nos créateurs qui, avec Les Intouchables, Polisse, La guerre est déclarée, notamment, obtiennent aussi des résultats exceptionnels.

Qui voit Le Havre de Aki Kaurismaki…

Debut de section - PermalienFrédéric Mitterrand, ministre de la culture et de la communication

…sent bien aussi à quel point notre cinéma est accueillant aux réalisateurs étrangers.

Le ministère exerce une action forte et constante pour le cinéma : crédit d'impôt pour les productions étrangères qui viennent en France, réforme du Fonds Sud qui, avec des moyens augmentés, renouvelle les liens avec les cinématographies émergentes, soutien pour le passage à la diffusion numérique, Ciné Lycée dans les classes, appui aux écoles dont la célèbre Fémis, sécurisation du financement du CNC, soutien aux principaux festivals, et notamment le festival de Cannes.

Certes, il reste des points d'ombre : la crise qui affecte les laboratoires techniques, les difficultés de certains exploitants à trouver les bons films. Mais le ministère et le CNC suivent avec vigilance et travaillent aux solutions les plus favorables pour le maintien des emplois et la valorisation de notre savoir-faire.

Une lettre récente adressée par de nombreux cinéastes au candidat du parti socialiste pointe la quasi-absence de toute référence à une politique du cinéma qui se résumerait aux seules attaques contre l'HADOPI. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Je sais pour ma part seulement où se trouvent l'élan, la diversité et l'amour du cinéma dont ce Gouvernement, mon ministère et les succès actuels apportent à chaque instant la preuve. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

Avant de suspendre la séance, je vous rappelle que nous allons maintenant procéder à l'élection, par scrutin dans les salles voisines de la salle des séances, d'un juge suppléant de la Cour de justice de la République.

J'ouvre le scrutin qui est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée.

Je rappelle que le scrutin est secret et des bulletins imprimés sont à votre disposition. Pour que le vote soit valable, le bulletin contenu dans l'urne ne doit comporter qu'un seul nom. Enfin, les délégations de vote ne sont pas admises.

Le scrutin sera clos à dix-sept heures.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures cinq, est reprise à seize heures vingt.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

J'ai reçu de M. le Premier ministre une lettre m'informant de sa décision de charger M. André Flajolet, député du Pas-de-Calais, d'une mission temporaire auprès de Mme la ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La conférence des présidents, réunie ce matin, propose de compléter comme suit l'ordre du jour de la semaine du 31 janvier 2012 :

Mardi 31 janvier, le soir : nouvelle lecture de la proposition de loi relative à la simplification du droit ;

Mercredi 1er février, l'après-midi et le soir, après la proposition de résolution sur le principe de précaution, et jeudi 2 février, l'après-midi, après le débat sur les partenariats public-privé :

Suite de la nouvelle lecture de la proposition de loi relative à la simplification du droit ;

Nouvelle lecture de la proposition sur la protection de l'identité ;

Deuxième lecture de la proposition relative à l'établissement d'un contrôle des armes à feu.

Il n'y a pas d'opposition ?

Il en est ainsi décidé.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

L'ordre du jour appelle les explications de vote, au nom des groupes, et le vote, par scrutin public, sur l'ensemble du projet de loi de programmation relatif à l'exécution des peines (nos 4001, 4112).

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Marc Dolez pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Dolez

Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, depuis cinq ans, le Gouvernement mène une politique sécuritaire qui conduit à un enchevêtrement de textes, adoptés à la va-vite et toujours plus répressifs.

Loin d'avoir des résultats notables sur le taux de récidive, cette politique n'a pour conséquence que de renforcer l'engorgement des établissements pénitentiaires, le nombre de détenus dans les prisons françaises ayant encore augmenté de près de 5 % en un an.

Dans la même logique, ce projet de loi orienté vers le tout carcéral prévoit de porter la capacité d'accueil du parc carcéral à 80 000 places en 2017. Ce nouveau programme de construction engagera l'État dans un investissement de plus de 3 milliards d'euros, une part importante s'effectuant selon les modalités du partenariat public-privé, dont on connaît les risques de dérive face à un tel mouvement de privatisation.

S'il est indispensable de remettre aux normes les établissements pénitentiaires conformément aux prescriptions des règles pénitentiaires européennes, nous contestons en revanche l'obsession d'accroître toujours plus le nombre de places de prison. Nous voulons rappeler ici notre attachement au principe, prescrit notamment par le Conseil de l'Europe, selon lequel une peine d'emprisonnement ferme doit être exceptionnelle et constituer une sanction de dernier recours lorsque la gravité de l'infraction rend toute autre sanction ou mesure manifestement inadéquate.

L'esprit du projet de loi contrevient directement à ce principe. Cela est d'autant plus inacceptable que les conditions de détention demeurent, dans notre pays, indignes et inhumaines, comme le constate une nouvelle fois le récent rapport de l'Observatoire international des prisons.

Au nom d'une logique gestionnaire, le texte propose également la densification des établissements pénitentiaires et la création d'établissements pour courtes peines. Cela marque un renoncement à aménager les peines d'emprisonnement de moins de deux ans, alors que, pour mieux prévenir la récidive, toutes les études montrent qu'il est préférable d'exécuter les peines en milieu ouvert. C'est vrai pour les majeurs comme pour les mineurs. À cet égard, la banalisation des centres éducatifs fermés n'est pas une bonne solution.

Selon tous les professionnels, il est indispensable de disposer de structures diversifiées qui permettent d'adapter la réponse judiciaire à la situation personnelle du mineur. Nous déplorons le refus persistant du Gouvernement d'entendre l'avis de ces professionnels : magistrats, éducateurs, surveillants pénitentiaires…D'ailleurs, dix-huit associations et syndicats viennent de lancer un appel commun contre le projet de loi, appel intitulé : « Construire 30 000 nouvelles places de prison est un non-sens humain, économique et juridique ». On ne saurait être plus explicite !

Bref, ce texte s'inscrit parfaitement dans la lignée d'une politique sécuritaire qui fait de la prison la peine de référence, tout en refusant de donner aux professionnels de la justice les moyens humains et matériels nécessaires à l'accomplissement de leurs missions.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Dolez

Pour toutes ces raisons, les députés du groupe GDR voteront résolument contre ce projet de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Éric Ciotti, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Ciotti

Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, chers collègues, à l'inverse de M. Dolez, le groupe UMP votera avec détermination le projet de loi de programmation relatif à l'exécution des peines.

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Ciotti

Ce texte est particulièrement ambitieux dans la mesure où il répond aujourd'hui à certains dysfonctionnements majeurs qui ont été constatés en matière d'exécution des peines. Ainsi, 100 000 peines de prison ferme, définitives et exécutoires, n'étaient pas exécutées à la fin de l'année 2010 : c'est ce que j'avais pointé dans le rapport que m'avait demandé de rédiger le Président de la République.

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Ciotti

Ce rapport a été la base d'une cinquantaine de propositions dont beaucoup se retrouvent aujourd'hui dans le projet de loi présenté par le garde des sceaux, lequel a beaucoup oeuvré pour améliorer l'exécution des peines. Le stock de peines non exécutées a, en effet, considérablement diminué : en quelques mois, 20 000 peines de prison ferme ont été exécutées grâce à l'engagement du Gouvernement et du garde des sceaux – que je salue.

Ce texte est particulièrement complet puisqu'il fixe un cap. Il donne une ligne pour les années 2013 à 2017 avec, à la base, un constat : notre pays manque cruellement de places de prison. Contrairement à ce que l'on vient d'entendre, la France est le pays d'Europe, en tout cas l'un des pays d'Europe où le nombre de places de prison est le plus faible. L'objectif de 80 000 places – c'est-à-dire 24 000 de plus qu'aujourd'hui – fixé par ce projet permettra seulement à notre pays de revenir vers la moyenne de l'Union européenne, soit 140 places de prison pour 100 000 habitants, au lieu de 83 aujourd'hui. L'écart, extrêmement important, fait qu'aujourd'hui les décisions pénales sont contingentées par des considérations matérielles et que nous sommes entrés dans une logique d'aménagement systématique des peines.

Au-delà de ces places de prison supplémentaires, le texte de loi prévoit l'amélioration de la prise en charge des mineurs – ce point est extrêmement important –, avec vingt centres éducatifs de plus jusqu'en 2017. Il permet aussi de prévenir la récidive, s'agissant notamment des criminels les plus dangereux.

Je veux saluer sur ce point le travail remarquable de notre rapporteur Jean-Paul Garraud, qui a beaucoup oeuvré sur la prévention de la récidive. Je veux également saluer l'action du Gouvernement qui, tirant les conséquences du drame du Chambon-sur-Lignon où a eu lieu l'assassinat de la jeune Agnès, a introduit un amendement prévoyant – enfin ! – une information partagée afin d'en finir avec les incohérences qui ont été à l'origine de ce drame, le système éducatif ignorant le profil du criminel accueilli dans cet établissement scolaire.

Par ailleurs, à la demande du président Warsmann, le texte mettra en place des peines complémentaires de confiscation afin de frapper les criminels et les délinquants au portefeuille.

Au total, ce sont des moyens considérables mis à la disposition de la justice de 2013 à 2017, avec une loi de programmation très précise : 3,5 milliards de crédits d'engagement, 7 000 emplois créés, dont 200 magistrats, 120 éducateurs et près d'une centaine de greffiers – autant de moyens qui permettront de fluidifier le bon fonctionnement de la chaîne pénale et de favoriser l'exécution des peines.

Ce texte, qui répond à une problématique majeure, nous a également permis de mesurer avec un grand intérêt les propositions et les positions du parti socialiste en la matière puisque l'orateur du groupe socialiste, Dominique Raimbourg, a inauguré un contexte et un concept nouveaux en parlant de « fermeté bienveillante ». (Exclamations et rires sur les bancs du groupe UMP.)

La doctrine du groupe socialiste se fonde désormais sur cette idée quelque peu antinomique qui associe fermeté et bienveillante, deux mots qui peuvent paraître contradictoires.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Glavany

Il existe bien une « bêtise resplendissante » !

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Ciotti

Ont été également confirmés les propos de Mme Lebranchu,…

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Ciotti

…qui souhaitait 20 000 places de prison en moins au nom de la déflation carcérale, du numerus clausus ou de la libération conditionnelle automatique.

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Ciotti

La position du groupe socialiste et la qualité de ce texte sont autant de raisons qui nous invitent à le voter ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.

La parole est à Mme George Pau-Langevin, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.

Debut de section - PermalienPhoto de George Pau-Langevin

Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, nous constatons qu'en soutenant un tel texte, la majorité persévère dans ses errements.

Votre projet de loi est fondé sur l'idée selon laquelle les peines prononcées doivent être exécutées.

Debut de section - PermalienPhoto de George Pau-Langevin

Évidemment ! Qui pourrait dire le contraire ? Cet aveu d'échec serait risible s'il ne s'agissait pas de situations dramatiques. Vous avez allongé les peines, vous avez prononcé des peines plancher, vous avez demandé aux magistrats de prononcer des peines de plus en plus longues et, après tous ces mouvements de menton, vous vous rendez finalement compte que vous ne parvenez pas à faire exécuter toutes les peines prononcées ! C'est une politique de gribouille (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) et nous serions fondés à nous en amuser si des femmes et des hommes ne devaient pas en pâtir. (Même mouvement.)

Pourquoi sommes-nous opposés à ce texte ? Le problème n'est pas de savoir que les peines ne sont pas exécutées, mais pourquoi elles ne le sont pas, et comment elles le seront. Avec ce texte, vous allez totalement à rebours de la loi pénitentiaire que nous avons votée, loi qui apportait une précision essentielle, à savoir qu'il y avait plusieurs manières d'exécuter une peine, que des alternatives à l'exécution d'une peine pouvaient être mises en place. Vous sacrifiez malheureusement ce sujet extrêmement intéressant. Vous abandonnez la politique de prévention de la délinquance. Le recentrage des conseillers d'insertion et de probation sur la prise en charge des condamnés aboutit à confier les enquêtes pré-sentencielles à des associations habilitées. Vous ne prêtez pas attention au fait que, faute de privilégier la sortie de prison, la perte d'énergie et d'argent est aujourd'hui considérable. Si on veut lutter contre la récidive, nous devons mettre à profit le temps que les gens passent en prison pour leur faire suivre une thérapie leur permettant de comprendre les raisons de leur incarcération et pour leur proposer des formations.

Debut de section - PermalienPhoto de George Pau-Langevin

Il faut également lutter contre l'illettrisme, contre le mal de vivre qui a conduit ces gens en prison. Au lieu de cela, vous nous dites qu'il faut créer davantage de places de prison. C'est une course-poursuite ! En effet, plus vous créerez de places, plus les prisons seront surpeuplées ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Nous nous trouvons donc, aujourd'hui, à nouveau face à une surpopulation insupportable des établissements pénitentiaires. Notre pays fait, à ce titre, l'objet de remontrances des instances européennes. Ce projet de loi va donc dans le mauvais sens. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Nous pensons, pour notre part, qu'il est nécessaire de renforcer le suivi sociojudiciaire des condamnés. (Protestations sur les bancs du groupe UMP.) Nous vous avons proposé ces mesures avec lesquelles vous étiez, selon vos dires, d'accord. Or vous faites l'inverse !

Vous venez de préciser, monsieur Ciotti, que, de 2013 à 2017, les moyens de la justice seraient augmentés. C'est formidable : on va donc recruter et se donner des moyens ! Mais, au lieu d'inscrire cette mesure dans un projet de loi, pourquoi n'agissez-vous pas dès aujourd'hui ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.) Au lieu de cela, vous avez voté un budget de la justice qui entérine la misère ! À chaque fois que nous discutons de ce budget, on nous dit qu'il faut recruter, mais, malheureusement, les emplois promis sont à peine suffisants pour pallier les départs à la retraite !

Une fois encore, on se moque de nous, on se moque de l'opinion publique qui a véritablement besoin d'être rassurée quant à la réalité de l'exécution des peines ! Vous partez de principes idéologiques et vous nous promettez finalement que, demain, l'on incarcérera un monde incalculable de gens, et que, demain, des emplois seront créés, alors que, pour assurer la sécurité des Français, il faut, d'ores et déjà, donner des moyens, recruter des personnels : éducateurs, greffiers… C'est ainsi que nous avancerons ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Michel Hunault, pour le groupe Nouveau Centre.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Hunault

Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, monsieur le rapporteur, il nous faut, certes, éviter de légiférer sous le coup de l'émotion. Mais vous avez entendu, hier, la grand-mère d'Agnès, Solange Marin, qui vous a remercié, monsieur le garde des sceaux, et qui a appelé les parlementaires à voter ce texte.

De quoi s'agit-il ? Nous sommes tous d'accord, dans cet hémicycle, pour dénoncer le manque de moyens humains et pour reconnaître que des moyens supplémentaires sont indispensables à une bonne administration de la justice.

Pour autant, il n'est pas acceptable que, comme l'a rappelé Éric Ciotti, sur 100 000 peines de prison prononcées chaque année, seulement 40 % d'entre elles soient aujourd'hui exécutées et que, donc, près des deux tiers ne le soient pas. Si nous voulons redonner crédibilité à la justice et confiance en la justice, nous devons améliorer l'exécution des peines, d'autant que la loi pénitentiaire prévoit des alternatives à la prison, puisque les condamnés à deux ans d'emprisonnement ou moins peuvent exécuter leur peine en dehors de la prison. Il faut néanmoins augmenter le nombre de places en établissement pénitentiaire, ce à quoi tend ce projet de loi qui prévoit la création de 20 000 places supplémentaires. Je vous ai soutenu sur ce point, au nom de mes collègues du Nouveau Centre, monsieur le garde des sceaux. J'ai également appelé votre attention sur le fait que nous devons veiller, dans le cadre du partenariat public-privé, à ce que cela profite à l'ensemble du tissu économique de la nation. Le projet de loi prévoit également un plus grand nombre de centres éducatifs fermés. Enfin, monsieur le garde des sceaux, lutter contre la récidive implique davantage de moyens humains et financiers pour le suivi des délinquants.

Ces mesures n'auraient aucun sens sans cette loi de programmation que vous nous invitez à voter et à laquelle nous apporterons notre soutien.

Je me tourne vers Éric Ciotti et mes collègues de l'UMP pour leur dire que, lorsque le Nouveau Centre dépose un certain nombre d'amendements tendant, notamment, à reconsidérer la remise automatique des peines pour les récidives en matière de crime sexuel, il aimerait également avoir leur soutien. Il convient de tenir compte de la dangerosité du détenu avant de le laisser sortir.

C'est au prix de cette exigence, monsieur le garde des sceaux, que nous vous apportons votre confiance. (Applaudissements sur les bancs du groupe NC et sur quelques bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

Nous allons maintenant procéder au scrutin public sur l'ensemble du projet de loi.

(Il est procédé au scrutin.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants 466

Nombre de suffrages exprimés 464

Majorité absolue 233

Pour l'adoption 292

Contre 172

(Le projet de loi est adopté.)

Vote sur l'ensemble

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Dumont

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures quarante, est reprise à seize heures quarante-cinq, sous la présidence de Mme Laurence Dumont.)

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Dumont

L'ordre du jour appelle la discussion du texte de la commission mixte paritaire sur les dispositions restant en discussion du projet de loi organique portant diverses dispositions relatives au statut de la magistrature (4142).

La parole est à M. François Vannson, rapporteur de la commission mixte paritaire.

Debut de section - PermalienPhoto de François Vannson

Madame la présidente, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, notre assemblée est aujourd'hui saisie du texte adopté par la commission mixte paritaire réunie le 10 janvier dernier pour examiner les dispositions restant en discussion du projet de loi organique relatif à l'âge des magistrats, devenu projet de loi organique portant diverses dispositions relatives au statut de la magistrature à l'issue des travaux de la CMP.

Après une lecture dans chaque assemblée, il ne restait plus que deux articles en navette. Le Sénat avait en effet, en première lecture, adopté conformes trois articles, respectivement relatifs au comité médical national, aux conditions de nomination des magistrats référendaires à la Cour de cassation et à la mobilité statutaire, et maintenu la suppression de l'article 3 relatif aux décorations des magistrats, avec lequel j'ai toujours été en désaccord.

Ne restaient donc plus en discussion devant la CMP que l'article 2, relatif aux magistrats placés, et, surtout, l'article 1er, le coeur du texte, qui applique aux magistrats l'accélération du calendrier de la réforme des retraites, tel que prévu pour les fonctionnaires des trois fonctions publiques par l'article 88 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2012.

Je salue la démarche constructive du rapporteur du texte pour le Sénat, M. Jean-Yves Leconte, qui a accepté de se rallier à la rédaction de l'article 1er. La loi de financement de la sécurité sociale pour 2012 étant promulguée, j'estime pour ma part que l'on n'aurait pas compris que l'effort demandé à tous les fonctionnaires ne soit pas demandé aux magistrats.

Sur l'article 2, le rapporteur du Sénat s'est rallié à l'exclusion de la priorité d'affectation des magistrats placés après deux années d'exercice de ces fonctions, des emplois qui correspondent à des fonctions d'encadrement intermédiaire requérant des profils particuliers, dits B bis.

Il ne restait donc qu'un point de désaccord entre les deux assemblées : la question de la durée maximale d'exercice des fonctions de magistrats placés. Le texte adopté par l'Assemblée la porte de six ans à douze ans au plus sur toute la carrière, pour répondre à la fois aux voeux de certains de ces magistrats et aux besoins des juridictions, sans que cela enlève aux intéressés la garantie de pouvoir y mettre fin après deux années d'exercice. Cette disposition n'était pas inutile mais, afin de ne pas faire échouer la CMP sur ce point, je me suis rangé à la rédaction du Sénat.

Aussi espéré-je, mes chers collègues, que vous adopterez le rapport de la commission mixte paritaire afin que les dispositions de ce projet de loi organique entrent en vigueur prochainement. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Dumont

La parole est à M. le garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés.

Debut de section - PermalienMichel Mercier, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés

Madame la présidente, mesdames, messieurs les députés, je me félicite que la commission mixte paritaire ait abouti à un accord sur le projet de loi organique portant diverses dispositions relatives au statut de la magistrature.

Ce texte a pour objet d'accélérer la montée en charge de l'augmentation, par génération, de la limite d'âge des magistrats, prévue par la loi organique du 10 novembre 2010.

C'est le pendant, pour les magistrats, de la modification du calendrier de l'augmentation des âges d'ouverture des droits et d'annulation de la décote proposée par le Gouvernement pour l'ensemble des fonctionnaires civils ainsi que pour les militaires. Cette mesure fait partie du plan d'équilibre des finances publiques annoncé par le Premier ministre le 7 novembre 2011, « afin de réduire plus rapidement le déficit des régimes d'assurance vieillesse et de sécuriser ainsi les pensions de retraites ».

Le projet de loi initial comportait un article unique, qui aligne le calendrier de relèvement de la limite d'âge par génération applicable aux magistrats sur celui prévu pour l'ensemble des fonctionnaires civils relevant des trois fonctions publiques ainsi qu'aux militaires. Celui-ci laisse inchangée la limite d'âge précédemment fixée pour les magistrats nés avant le 1er janvier 1952. En revanche, pour les magistrats nés à compter de cette date, l'accélération du relèvement de la limite d'âge interviendra à raison d'un mois pour ceux nés en 1952, de deux mois pour ceux nés en 1953, de trois mois pour ceux nés en 1954 et de quatre mois pour ceux nés en 1955.

Lors de l'examen du texte par l'Assemblée nationale, quatre amendements relatifs eux aussi à la carrière des magistrats et à la gestion du corps judiciaire ont été adoptés. Je veux saluer à cet égard l'apport de votre assemblée ainsi que l'excellent travail de votre rapporteur.

Ces dispositions organiques viennent modifier le statut de la magistrature, pour répondre à des difficultés techniques rencontrées par la Chancellerie dans la gestion du corps judiciaire ou dans la mise en oeuvre de dispositifs statutaires existants. Elles revêtent toutes une urgence particulière.

Tant l'assouplissement de la règle de priorité d'affectation à la Cour de cassation des conseillers et avocats généraux référendaires que celui de la règle de mobilité pour l'accès aux emplois hors hiérarchie, qui avaient été adoptés par votre assemblée, ont été votés conformes par le Sénat. Il en est allé de même pour les dispositions relatives au comité médical national et au comité médical d'appel. C'est une bonne chose, car ces dispositions apportent une réponse indispensable à des difficultés pratiques. Cela nous permettra de poursuivre dans la voie d'une politique rénovée et dynamique des ressources humaines engagée par la Chancellerie au cours de ces dernières années.

La CMP était donc saisie de deux articles ainsi que de l'intitulé.

En premier lieu, le Sénat a accepté de rétablir l'article 1er relatif à la retraite des magistrats.

En second lieu, la CMP est parvenue à un accord sur la disposition relative aux magistrats placés auprès des chefs de cour d'appel. Leur présence contribue à la bonne marche des juridictions.

Le Sénat s'est rallié à l'exclusion des emplois d'encadrement intermédiaire dits B bis du bénéfice de la priorité d'affection des magistrats placés. La priorité d'affectation dont bénéficient ces magistrats sur des postes de la juridiction siège de la cour auprès de laquelle ils sont placés ne pourra plus porter sur des emplois d'encadrement intermédiaire. Ces emplois doivent, en effet, être occupés par des magistrats ayant démontré de véritables capacités d'encadrement et d'animation au cours de leur carrière.

Dans ce compromis, la commission mixte paritaire n'a en revanche pas retenu l'augmentation de la durée des fonctions de magistrats placés de six ans consécutifs à douze ans sur l'ensemble de la carrière.

Cette évolution répondait aux voeux de certains magistrats, mais n'aurait concerné en pratique qu'un nombre limité de situations. Le bénéfice de carrière que constitue la priorité d'affectation est acquis au magistrat placé au terme de deux ans. Ceux qui souhaitent prolonger cette position sont donc candidats.

Le Gouvernement prend acte de ce compromis trouvé sur la situation des magistrats placés.

Mesdames, messieurs, la commission mixte paritaire est parvenue à un texte d'équilibre, et je m'en réjouis, car il satisfait aux objectifs essentiels poursuivis par le projet de loi organique. C'est en vertu d'une nécessaire démarche d'équité qu'il aligne le calendrier de relèvement de la limite d'âge des magistrats sur le régime général des trois fonctions publiques. L'amélioration des dispositifs de gestion de carrière des magistrats et du corps judiciaire est venue l'enrichir. Je souhaite donc, bien entendu, que l'Assemblée nationale se rallie à ce texte.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Dumont

Dans la discussion générale, la parole est à M. Philippe Gosselin.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Gosselin

Madame la présidente, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, nous nous apprêtons à adopter un texte visant à appliquer aux magistrats l'accélération du calendrier de la réforme des retraites prévue pour les fonctionnaires des trois fonctions publiques. C'est la déclinaison logique de la réforme générale des retraites que ce gouvernement a voulu mettre en place, non pas évidemment pour faire particulièrement plaisir mais parce que c'était tout simplement nécessaire. C'est s'adapter ou périr.

Une fois n'est pas coutume, nous avons trouvé un accord avec nos collègues sénateurs en commission mixte paritaire. C'est une forme d'exploit en ce moment. Un tel consensus est rare et mérite d'être souligné. Le Sénat semble en effet plutôt occupé à détricoter ce que fait l'Assemblée nationale,…

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Gosselin

…souvent au détriment de l'intérêt général, et dans un but plutôt partisan. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

Je salue donc ici le rapporteur de l'Assemblée et celui du Sénat, qui ont travaillé dans un esprit d'ouverture et d'apaisement, avec intelligence.

Ce consensus ne me surprend cependant pas. En effet, comme je l'avais souligné lors de la première lecture, la semaine dernière, ce projet de loi n'est qu'une application quasi mécanique au corps des magistrats d'un dispositif déjà voté dans le cadre du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2012. Il s'agit simplement d'aligner le régime applicable aux magistrats sur celui des autres fonctionnaires. C'était une pure question d'équité. Pour que la mesure puisse s'appliquer aux magistrats de l'ordre judiciaire, une loi organique était nécessaire, d'où ce projet de loi.

Le texte laisse inchangée la limite d'âge précédemment fixée pour les magistrats nés avant le 1er janvier 1952. C'était un point essentiel. En revanche, il y aura une accélération du relèvement de la limite d'âge de l'ordre d'un à quatre mois pour ceux qui sont nés entre 1952 et 1955, et la limite d'âge à soixante-sept ans s'appliquera pleinement pour ceux qui sont nés à compter de 1955. Les choses sont désormais simples.

Le Gouvernement a ensuite profité d'un texte relatif au statut des magistrats pour proposer plusieurs avancées qui étaient attendues, comme la création effective du comité médical national, propre aux magistrats, ou la redéfinition de la mobilité statutaire, afin de permettre aux magistrats d'accomplir leur mobilité auprès de juridictions administratives, financières ou internationales.

Vous le voyez, mes chers collègues, il n'y a que des bonnes raisons d'adopter ce texte ou, à l'inverse que de mauvaises raisons à vouloir le rejeter. Dans ces conditions, vous vous en doutez, le groupe UMP vous propose de le voter. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de George Pau-Langevin

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous examinons aujourd'hui les conclusions d'une CMP qui, pour une fois et de manière assez étonnante, est parvenue à un accord.

Debut de section - PermalienPhoto de George Pau-Langevin

Nous avons fait preuve d'une bonne volonté extraordinaire…

Debut de section - PermalienPhoto de George Pau-Langevin

…et j'ai d'ailleurs failli changer d'avis en vous écoutant… (Sourires.)

Le texte concernait la limite d'âge des magistrats, et son objet était effectivement assez simple puisqu'il s'agissait d'appliquer aux magistrats la réforme des retraites…

Debut de section - PermalienPhoto de George Pau-Langevin

…à laquelle nous sommes opposés. Vous étiez obligés de passer par une loi organique, et nous avons dit dans les débats tout le mal que nous pensions de cette réforme.

Nous avons donc manifesté notre opposition, et ce d'autant plus que vous aviez choisi la procédure accélérée, ce qui est toujours surprenant pour des textes dont la discussion pourrait parfaitement suivre une procédure normale.

Debut de section - PermalienPhoto de George Pau-Langevin

Une des conséquences négatives du report de l'âge de départ à la retraite, auquel vous tenez tant, c'est que, comme la carrière des magistrats les plus gradés est prolongée, leurs collègues en milieu de carrière verront la leur bloquée.

Alors que vous demandez toujours plus aux magistrats, les discours prononcés à l'occasion des audiences de rentrée sont très éclairants quant à l'état d'esprit d'une grande partie de cette corporation, qui a véritablement le sentiment que ses conditions de travail se dégradent. En ralentissant leur carrière, vous pesez également sur leurs rémunérations, bien que vous comptiez beaucoup sur eux. La manière dont cette majorité traite le corps des magistrats est inexplicable et nous ne parvenons pas à la comprendre.

Nos réserves à l'égard du texte tiennent également au fait que vous avez repoussé l'amendement de M. Dosière, lequel posait une vraie question, celle des décorations en cours de carrière. En tant que parlementaires, nous n'acceptons pas d'être décorés pendant nos mandats.

Debut de section - PermalienMichel Mercier, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés

Sinon, nous accepterions volontiers ! (Sourires.)

Debut de section - PermalienPhoto de George Pau-Langevin

Nous n'en avons en effet pas le droit. Nous aurions donc pu, mutatis mutandis, appliquer la même disposition aux magistrats.

Un tel refus était de nature à nous inciter à voter contre ce texte. Fort heureusement, il s'est passé en CMP quelque chose de positif. La majorité de notre assemblée avait profité de ce projet de loi pour y introduire la question des magistrats placés – amenés, souvent durant des années, à remplacer leurs collègues en arrêt de maladie ou en congé de maternité –, en rallongeant la période pendant laquelle les magistrats pouvaient être placés, à l'encontre des principes d'inamovibilité et d'indépendance des magistrats auxquels nous sommes tous attachés. Le fait de pouvoir être ainsi déplacé est en effet de nature à donner prise sur eux.

La CMP a retiré cette innovation que nous désapprouvions. Dans ces conditions, même si nous restons opposés au texte, en ce qu'il applique la réforme des retraites et allonge la carrière des magistrats, le groupe socialiste, dans la mesure où vous avez supprimé la disposition relative aux magistrats placés attentatoire au statut protecteur de la magistrature, s'abstiendra sur ce texte.

Debut de section - PermalienPhoto de Pascal Brindeau

Madame la présidente, monsieur le garde des sceaux, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, à ce stade de la procédure législative, nous sommes appelés à débattre d'un texte dont les dispositions sont quasiment identiques à celles que notre assemblée avait adoptées en première lecture.

Après le rejet par le Sénat des deux premiers articles du projet de loi organique, la commission mixte paritaire a finalement rétabli l'article 1er dans la rédaction de l'Assemblée et conservé l'une des deux dispositions relatives aux magistrats placés, supprimant celle qui prévoyait d'augmenter la durée maximale d'exercice de ce type de fonction.

On ne peut que se féliciter du compromis trouvé par la CMP, premier du genre depuis le renouvellement du Sénat, car supprimer l'article 1er, article unique du projet initial, aurait privé le texte de son objet, qui est d'appliquer aux magistrats de l'ordre judiciaire le calendrier de relèvement de la limite d'âge par génération dont relèvent actuellement l'ensemble des fonctionnaires.

En première lecture, notre principal débat portait sur l'opportunité, un an après la réforme des retraites, de relever la limite d'âge des magistrats. Les dispositions que le Gouvernement nous propose découlent directement de la loi portant réforme des retraites, qui, dans une démarche de responsabilité envers les générations futures, afin d'assurer l'équilibre financier du système par répartition, avait, d'une part, porté de soixante à soixante-deux ans l'âge d'ouverture des droits à pension en 2018 et, d'autre part, relevé l'âge auquel est attribuée une retraite à taux plein. Cette réforme a, je le rappelle, recueilli l'approbation unanime des députés du Nouveau Centre.

Afin de garantir le maintien de l'indépendance de l'autorité judiciaire contre des modifications de circonstance, la Constitution impose de recourir à un projet de loi organique distinct lorsqu'il est question de modifier le statut des magistrats ainsi que leur limite d'âge. Suite à cette réforme, un projet de loi organique avait donc été adopté l'an passé par notre assemblée en vue de reculer la limite d'âge des magistrats de deux années, dans un souci d'équité.

Il convient de le préciser, le projet de loi organique que nous examinons aujourd'hui pour la seconde fois ne remet pas en cause la limite d'âge prévue par la loi du 10 novembre dernier : il en modifie le calendrier. Il vise ainsi à appliquer aux magistrats l'accélération du calendrier de relèvement de l'âge d'ouverture des droits à la retraite et de l'âge d'attribution de la retraite à taux plein applicables aux affiliés au régime général et aux fonctionnaires des trois fonctions publiques. La limite d'âge à soixante-sept ans s'appliquerait désormais pleinement pour les magistrats nés à compter de 1955.

L'article 1er du texte définit donc les modalités d'élévation progressive de la limite d'âge pour les magistrats nés après 1952. En revanche, il ne porte pas sur l'âge d'ouverture des droits à pension des magistrats, qui demeure, je le rappelle, fixé à soixante-deux ans, conformément à la loi portant réforme des retraites.

Cette disposition a pour objet de régler un problème difficile, celui consistant à assurer la pérennité des retraites, problème que seule notre majorité parlementaire s'est attachée à résoudre au cours de ces dernières années. Je rappelle, monsieur le garde des sceaux, le soutien des députés de notre groupe à cette réforme. Cette mesure est en effet nécessaire pour préserver le financement de notre système de retraite par répartition.

Enfin, la commission des lois a enrichi en première lecture le texte initial en apportant des modifications à l'ordonnance du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature.

Nos collègues de l'opposition ont contesté ces dispositions, prétextant qu'il s'agissait de cavaliers législatifs. Or les articles ne visent pas l'objectif initial du projet de loi organique, ils présentent de réelles avancées pour le statut de la magistrature. Ils permettent en effet, en tenant compte des spécificités liées au statut de la magistrature, de remédier à certaines incohérences du dispositif existant, tout en améliorant plusieurs dispositions de gestion de carrière. Ainsi, les dispositions relatives à la mobilité des magistrats, à la création d'un comité médical, à l'accès à la Cour de cassation constituent objectivement des progrès attendus par les magistrats. Pour ces raisons, je me félicite au nom du Nouveau Centre que, malgré les critiques portées contre ces dispositions, la commission mixte paritaire et le Sénat ne les aient pas remises en cause.

Certains de nos collègues, pour justifier leur désaccord avec certaines d'entre elles, avaient évoqué l'indépendance de la magistrature. Or je considère que ce serait faire injure aux magistrats que de remettre en cause cette question de l'indépendance.

Mes chers collègues, parce qu'il permet, dans un souci d'équité, d'appliquer aux magistrats, au même titre qu'à l'ensemble des fonctionnaires, l'accélération du relèvement de la limite d'âge, et parce qu'il apporte, par le biais d'articles additionnels, de réelles avancées pour le statut de la magistrature, le groupe Nouveau Centre apportera son soutien à ce projet de loi organique. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Paul Lecoq

Madame la présidente, monsieur le garde des sceaux, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, c'est avec un étonnement certain que notre groupe a pris connaissance de l'accord trouvé en commission mixte paritaire entre les sénateurs et les députés sur ce projet de loi organique concernant la retraite des magistrats.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Paul Lecoq

En effet, les sénateurs ont accepté la rédaction initiale de l'article 1er, transposant aux magistrats l'accélération de la réforme des retraites prévue dans le PLFSS.

Pour notre part, députés partie prenante du Front de gauche, nous redisons notre opposition totale à ce texte.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Paul Lecoq

La réforme des retraites de 2012 faisait déjà de la France l'un des pires pays de l'Europe en matière de droits à la retraite pour ses salariés (Exclamations sur les bancs du groupe UMP), en conjuguant recul des bornes d'âge et augmentation de la durée de cotisation. Repousser encore la limite d'âge, c'est aggraver ce mauvais coup porté à tous ceux qui travaillent.

Certes, le présent texte ne fait qu'élargir ce funeste dispositif aux magistrats, qui ne sont pas les plus à plaindre, me direz-vous, surtout dans l'actuelle situation d'explosion du chômage, mais ce projet de loi est représentatif de la politique de casse sociale du Gouvernement.

À ce titre, il semble que les sénateurs aient quelque peu mangé leur chapeau, car, chacun le sait, voter ce projet de loi organique, c'est valider tacitement la réforme des retraites de 2010 et son aggravation en 2011.

Voter ce texte, c'est accepter la logique de rigueur qui donne pourtant des résultats catastrophiques dans toute l'Europe. C'est dire amen à ceux qui travaillent au délitement des droits sociaux au seul prétexte de rassurer les marchés, fauteurs de crise. C'est s'incliner devant le rouleau compresseur de l'idéologie néolibérale, responsable de la situation de paupérisation généralisée que nous vivons aujourd'hui.

Les députés communistes, républicains et du parti de gauche ne fermeront pas les yeux sur ce texte. Nous continuons de nous opposer à la catastrophique réforme des retraites. Notre candidat porte, pour l'élection présidentielle, un programme de rétablissement du droit à la retraite à soixante ans à taux plein et sans décote pour tous.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Paul Lecoq

Nous ne sommes pas de ceux qui proposent d'avancer un peu l'âge de la retraite pour ceux qui ont un travail pénible à condition de retarder celui de tous les autres.

C'est donc tout naturellement que nous voterons contre ce texte.

Au-delà de la question de la limite d'âge pour les magistrats, différents cavaliers législatifs avaient été ajoutés en première lecture. Il s'agissait de faire passer en catimini et dans l'urgence un certain nombre de réformes concernant le statut des magistrats.

À notre grand étonnement, ces cavaliers ont aussi fait l'objet d'un accord en CMP. Nous regrettons que le Gouvernement use de cette façon brouillonne et irrespectueuse de légiférer. En réformant à la hussarde, on se prive d'une vraie concertation et d'une vraie réforme. L'émiettement des dispositions ne permet pas d'écrire la loi de façon satisfaisante. Notons également que ces dispositions ajoutées en catastrophe ne font l'objet d'aucune étude d'impact – mais nous y sommes habitués.

Parmi ces différentes mesures figurait l'extension à douze ans de la durée pendant laquelle un magistrat pourrait exercer la fonction de magistrat placé. Nous étions fortement opposés à cette dérive qui aurait conduit à interdire aux magistrats placés l'accès à tous les postes correspondant à leur grade. Cette disposition a disparu du texte ; c'est le seul point positif que nous pouvons relever dans la copie de la commission mixte paritaire.

Les magistrats placés constituent un contingent à la libre disposition du chef de cour. Ils ne bénéficient d'aucune garantie de pérennité dans l'exercice de leurs fonctions. Il est donc indispensable de limiter leur précarité.

Les magistrats placés doivent faire face à des vacances de postes volontairement organisées. C'est ce qui a eu lieu lors de la réforme de la carte judiciaire : des mois durant, des juridictions vouées à être supprimées ont fonctionné avec des magistrats placés.

Si cette fonction peut être nécessaire, elle doit rester exceptionnelle et constitue une atteinte au statut des magistrats. Porter de six à douze ans sa durée reviendrait à créer une véritable carrière de magistrats précaires. C'est précisément dans l'autre direction qu'il faut aller. Le syndicat de la magistrature préconise ainsi de réduire la durée de cette fonction à quatre ans, au rebours du dispositif initialement proposé.

Pour nous, bien loin de diminuer les droits des personnels de justice, la première des politiques à mener consiste à leur donner les moyens de travailler correctement.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Paul Lecoq

Ce dont ils ont besoin, c'est une augmentation sans précédent de leurs moyens humains et techniques pour réaliser leurs missions de service public. Or le ministère de la justice est l'un des premiers sinistrés de la révision générale des politiques publiques

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Gosselin

C'est faux ! Le budget est en augmentation de 1 % !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Paul Lecoq

Alors que la droite engorge les tribunaux avec un empilement record de textes répressifs et sécuritaires, elle en supprime par dizaines et des postes par milliers ! La Conférence nationale des présidents de tribunaux de grande instance s'est ainsi fortement inquiétée de voir commencer l'année 2012 sous le signe de « difficultés matérielles et budgétaires » pour les acteurs de la justice.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Paul Lecoq

Vous dites que c'est faux, monsieur le rapporteur, mais c'est tout de même le constat du Syndicat de la magistrature. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Paul Lecoq

Les syndicalistes ont, eux aussi, le droit de s'exprimer, et permettez-moi, mes chers collègues, de les écouter et de les entendre. Et faites tout de même confiance aux présidents des tribunaux de grande instance. Il me semble que vous participez tous aux séances solennelles de rentrée et, donc, que vous entendez les présidents des tribunaux de grande instance expliquer qu'il y a des déficits en matière d'effectifs. Mais soit vous ne voulez pas les écouter, soit vous n'êtes pas capables de relayer leurs problèmes à l'Assemblée nationale alors que c'est votre devoir de représentants du peuple ! (Même mouvement.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Paul Lecoq

Les cinq années de la présidence Sarkozy auront été celles de toutes les souffrances pour les hommes et les femmes qui travaillent pour assurer le service public de la justice. Aux dires des présidents de tribunaux, la situation est d'une gravité sans précédent. Permettez-moi de citer le président du tribunal de grande instance de Lyon, M. Paul-André Breton : « Notre travail se limite de plus en plus à la gestion d'une pénurie dramatique de moyens face à une inflation insupportable des charges dans un contexte de fréquentes improvisations juridiques. » La réforme à faire en matière de justice, ce n'est certainement pas de faire travailler plus longtemps les magistrats !

Puisque nous nous apprêtons à toucher à leur statut, pourquoi ne pas avoir enfin aligné les conditions de nomination des magistrats du parquet sur celles des magistrats du siège ?

Debut de section - PermalienMichel Mercier, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés

C'est ce que vient d'annoncer, vendredi dernier, le Président de la République.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Paul Lecoq

Si vous saviez, monsieur le ministre, combien nous avons eu d'annonces du Président de la République depuis cinq ans ! Il y a les annonces et il y a la réalité... Il est d'ailleurs normal qu'il annonce plein de choses positives juste avant une élection présidentielle.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Paul Lecoq

Même le procureur Jean-Claude Marin demande désormais un tel alignement ! Je rappelle que, début décembre, les procureurs de la République, dans une démarche sans précédent, ont solennellement attiré l'attention du chef de l'État sur la gravité de la situation des parquets français.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Paul Lecoq

Leur fronde – du jamais vu ! – porte aussi bien sur leur statut que sur les moyens qui leur sont alloués. Vous ne les avez pas, eux non plus, entendus.

Chacun le voit, la crise historique traversée par l'institution mérite d'autres réponses que celles que vous apportez en ce moment, lesquelles se résument au populisme pénal et à l'organisation de la pénurie. La liste est longue des réformes menées tambour battant contre les magistrats, contre les justiciables et contre les principes républicains. Je ne prendrai qu'un seul exemple : celui du forfait de 35 euros que chaque citoyen français devra payer pour saisir un juge en matière commerciale, rurale, immobilière ou en droit du travail. En créant ce péage, votre majorité a réussi l'exploit d'instaurer la justice payante.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Paul Bacquet

Ce n'est pas le forfait médical, mais le forfait judiciaire !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Paul Lecoq

Nous avons voté contre ce projet de loi mais, en plus, vous ne nous aviez pas dit, monsieur le ministre, que ces 35 euros sont dus à chaque acte.

Debut de section - PermalienMichel Mercier, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés

C'est faux.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Paul Lecoq

Si, monsieur le garde des sceaux. Allez voir dans les tribunaux : à chaque fois que l'on est obligé de saisir un acteur de la justice, on doit désormais payer 35 euros.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Paul Lecoq

J'invite ceux qui ne veulent pas me croire à aller dans les tribunaux de leur circonscription rencontrer les juges et les autres acteurs de la justice, et ils verront que ce péage est dû à chaque fois.

Arrivé au terme d'une série interminable de textes, ce projet de loi organique d'accélération du calendrier de la réforme des retraites n'est qu'une minuscule facette de l'action dramatique de l'UMP en matière de justice. Chacun comprendra donc pourquoi les députés communistes, républicains et du parti de gauche voteront résolument contre ce projet de loi.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Dumont

La discussion générale est close.

Il n'y a pas de demande d'explication de vote.

Je mets donc aux voix l'ensemble du projet de loi, compte tenu du texte de la commission mixte paritaire.

(L'ensemble du projet de loi est adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Dumont

Mes chers collègues, le scrutin pour l'élection d'un juge suppléant de la Cour de justice de la République a été clos à dix-sept heures.

Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants 137

Nombre de suffrages exprimés 131

Majorité absolue 66

M. Dominique Raimbourg ayant obtenu, avec 131 voix, la majorité absolue des suffrages exprimés, je le proclame juge suppléant de la Cour de justice de la République. (Applaudissements.)

La conférence des présidents a fixé au mardi 24 janvier la date à laquelle aura lieu sa prestation de serment.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Dumont

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-sept heures vingt, est reprise à dix-sept heures vingt-cinq.)

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Dumont

L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi organique portant application de l'article 68 de la Constitution.

La parole est à M. le garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés.

Debut de section - PermalienMichel Mercier, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés

Madame la présidente, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les députés, le projet de loi organique soumis à votre examen vient parachever la réforme constitutionnelle du 23 février 2007 par laquelle ont été réécrits les articles 67 et 68 de la Constitution relatifs au régime de responsabilité du chef de l'État.

En 2007, le constituant a consacré le principe d'irresponsabilité du Président de la République pour les actes accomplis en cette qualité et établi un régime d'inviolabilité qui le protège de tout acte de procédure pendant la durée de son mandat. Cette double protection est indispensable à l'exercice de ses fonctions. En effet, aux termes mêmes de la Constitution, « Il assure le fonctionnement régulier des pouvoirs publics ainsi que la continuité de l'État. Il est le garant de l'indépendance nationale, de l'intégrité du territoire et du respect des traités. » Il assure ainsi, dans la Ve République, la plus haute fonction du pouvoir exécutif ; il est, pour reprendre une expression bien connue et dont la véracité peut se vérifier, « la clé de voûte de notre système institutionnel ». C'est parce qu'il est le représentant de la nation et qu'il participe directement à l'exercice de la souveraineté que le Président de la République bénéficie des immunités qui s'attachent à cette qualité. Il doit en effet pouvoir exercer le mandat dont il est investi en toute indépendance, et en dehors de toute pression ou intimidation qui l'empêcheraient de mener à bien sa mission.

Suivant les recommandations de la commission présidée par M. le professeur Avril, le constituant a cependant souhaité assortir ce régime protecteur d'un dispositif de sauvegarde permettant la mise en cause la responsabilité du Président de la République dans l'hypothèse où il aurait manqué à ses devoirs de manière tellement grave et tellement manifeste qu'il se rendrait, par là même, indigne de poursuivre l'exercice du mandat que lui a confié le peuple français. À cet effet, l'article 68 de la Constitution, dans sa rédaction issue de la révision de 2007, a substitué la notion de « manquement manifestement incompatible avec l'exercice du mandat » à celle, il est vrai surannée, de « haute trahison ».

C'est au Parlement, constitué en Haute Cour, que l'article 68 a confié le pouvoir de mettre en oeuvre la procédure de destitution du Président de la République. C'est là un choix cohérent dès lors que l'objet de cette procédure n'est en aucun cas de mettre en cause pénalement le chef de l'État, même si la destitution peut ouvrir la voie à l'engagement à son encontre, dans un second temps, de poursuites pénales dans les conditions du droit commun. Son unique objet est d'apprécier la dignité du titulaire de la fonction à exercer celle-ci, et seule la représentation nationale peut légitimement interrompre ce mandat directement confié par le peuple.

Il revenait dès lors au législateur organique de fixer les modalités d'application de l'article 68. Le projet soumis à votre examen détermine ainsi les conditions de recevabilité des propositions de résolution tendant à la réunion de la Haute Cour, les modalités d'examen de ces propositions ainsi que le déroulement des débats devant la Haute Cour.

Tout d'abord, le projet encadre la procédure afin qu'elle ne soit pas utilisée à des fins dilatoires ou partisanes, celle-ci restant réservée à des cas exceptionnels de manquements incompatibles avec la poursuite du mandat présidentiel.

Le texte prévoit ainsi que, pour être recevables, les propositions de résolution doivent être motivées et recueillir la signature d'au moins un dixième des membres de l'assemblée devant laquelle elle est déposée. Je rappelle que, si la résolution est déclarée recevable, son adoption nécessite un vote à la majorité des deux tiers des membres de la première assemblée saisie.

L'appréciation de la recevabilité des propositions de résolution, ainsi inscrite dans le texte, contribue à renforcer l'efficacité et l'équilibre de la procédure. À l'initiative du rapporteur, la commission des lois a souhaité confier ce contrôle de recevabilité au bureau de l'assemblée concernée. Je crois, en effet, que du fait de son rôle institutionnel et de sa composition, le bureau est le plus légitime à exercer cette fonction de contrôle.

Ce contrôle de recevabilité, confié au bureau, portera notamment sur la justification par la proposition de résolution des « motifs susceptibles de caractériser un manquement au sens du premier alinéa de l'article 68 de la Constitution ». Cela permettra de s'assurer que la proposition s'inscrit bien dans le champ d'application de l'article 68 de la Constitution.

Pour éviter également la tentation de procédures dilatoires et les mises en cause à répétition du Président de la République, votre commission a prévu qu'un député ou un sénateur ne pourrait signer plus d'une proposition de résolution tendant à la réunion de la Haute Cour durant un même mandat présidentiel.

Afin de garantir un examen rapide et des débats de bonne tenue, le projet de loi fixe par ailleurs des délais rapprochés et les moyens d'éclairer efficacement la Haute Cour.

Le texte initial prévoyait les délais de transmission de la proposition de la résolution entre les assemblées. À l'initiative de M. le rapporteur, les délais d'examen de la proposition de résolution ont été précisés. Devant la première assemblée saisie, la proposition de résolution sera inscrite à l'ordre du jour au plus tard le treizième jour suivant son examen au fond par la commission des lois, le vote intervenant avant le quinzième jour.

Vous avez souligné, monsieur le rapporteur, que la clôture de la session du Parlement pouvait faire obstacle au respect du délai constitutionnel de quinze jours. Vous avez donc proposé que, dans cette hypothèse, l'inscription à l'ordre du jour intervienne au plus tard le premier jour de la session ordinaire suivante.

L'objectif de cette adjonction est de rendre possible l'application du dispositif de la loi organique quel que soit le moment auquel il est déclenché. Je ne suis toutefois pas certain que le législateur organique ne méconnaisse pas les limites de sa compétence en complétant ainsi les dispositions de l'article 68 de la Constitution.

Si la proposition de résolution est adoptée, la Haute Cour disposera d'un mois pour se prononcer. L'ensemble de ces délais constitue l'assurance d'une issue rapide de la procédure, tout en apportant les garanties nécessaires à la qualité des débats.

Quant au rôle et à la composition du bureau de la Haute Cour et de celui de la commission ad hoc chargée de recueillir les informations nécessaires aux travaux de la Haute Cour, votre commission a renforcé encore les garanties de la procédure, en fixant le nombre des membres de ces organes afin d'en garantir chaque fois le pluralisme politique. La commission ad hoc disposera de prérogatives identiques à celles reconnues aux commissions d'enquêtes, lui permettant ainsi de réunir toutes les informations nécessaires à la Haute Cour,

En plus de l'ensemble des parlementaires, seuls pourront participer aux débats de la Haute Cour le Président de la République, qui pourra se faire assister ou représenter, et le Premier ministre.

Mesdames et messieurs les députés, le dispositif voulu par le constituant à l'article 68 de la Constitution garantit l'équilibre et le bon fonctionnement de nos institutions. Le projet de loi organique, enrichi par votre commission des lois, permet d'apporter les précisions nécessaires à la mise en oeuvre de cet équilibre, afin de conserver à la procédure de destitution le caractère exceptionnel qui a été voulu par le constituant et qui est seul compatible avec l'esprit de nos institutions.

Je vous remercie. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Dumont

La parole est à M. Philippe Houillon, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Houillon

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, dans aucun régime démocratique le chef de l'État n'est un justiciable comme les autres.

Partout, il se révèle indispensable de concilier, d'un côté, la continuité de l'État et la séparation des pouvoirs et, d'un autre côté, la nécessité de pouvoir mettre en cause un chef de l'État qui commettrait des actes particulièrement graves.

C'est cette conciliation que s'est efforcé de réaliser le constituant en 2007. C'est cette réforme que vient parachever le projet de loi organique que notre assemblée examine aujourd'hui.

Avant la réforme de 2007, le statut pénal du chef de l'État avait fait l'objet d'interprétations jurisprudentielles partiellement divergentes de la part du Conseil constitutionnel d'une part et de la Cour de cassation d'autre part.

S'inspirant des travaux de la commission de réflexion présidée par le professeur Pierre Avril en 2002, la loi constitutionnelle du 23 février 2007 a clarifié le statut juridique du Président de la République, défini aux articles 67 et 68 de la Constitution.

D'abord, le constituant a réaffirmé le traditionnel principe d'irresponsabilité du Président de la République pour les actes accomplis dans l'exercice de ses fonctions.

Ensuite, la réforme de 2007 a précisé la portée du principe d'inviolabilité dont bénéficie le chef de l'État pour les actes sans lien avec la fonction présidentielle : aucune action juridictionnelle contre le Président de la République ne peut avoir lieu durant son mandat. Cette inviolabilité n'est toutefois que temporaire, puisque la nouvelle rédaction de l'article 67 de la Constitution prévoit que « les instances et procédures auxquelles il est ainsi fait obstacle peuvent être reprises ou engagées contre lui à l'expiration d'un délai d'un mois suivant la cessation des fonctions. »

Enfin, la loi constitutionnelle de 2007 a rénové les conditions dans lesquelles, par dérogation aux deux principes qui précèdent, le Président de la République peut exceptionnellement être mis en cause. Le constituant a abandonné la notion un peu vieillie de haute trahison et a mis fin aux ambiguïtés de la procédure, mi-politique mi-pénale, de jugement par la Haute Cour de justice.

Le nouvel article 68 de la Constitution permet désormais au Parlement constitué en Haute Cour de destituer le chef de l'État « en cas de manquement à ses devoirs manifestement incompatible avec l'exercice de son mandat. » La procédure retenue est totalement parlementaire et ne présente plus aucun caractère juridictionnel.

Le nouvel article 68 est relativement précis sur la saisine et le fonctionnement de la Haute Cour.

Il prévoit en particulier que la mise en cause du Président doit faire l'objet d'un accord de chaque assemblée à la majorité des deux tiers de ses membres. Après quoi, la décision du Parlement, réuni en Haute Cour, intervient dans le mois suivant, à nouveau à la majorité des deux tiers de ses membres, à l'issue d'un vote à bulletin secret.

Je rappelle d'ailleurs que, dans un souci de protection de la fonction présidentielle, c'est à l'initiative de M. André Vallini qu'a été retenue en 2007 cette exigence de majorité des deux tiers, alors que le projet initial ne prévoyait qu'une majorité simple.

S'agissant des autres aspects de la procédure, l'article 68 confie au législateur organique le soin de fixer ses conditions d'application. C'est ainsi que le projet de loi organique que nous examinons aujourd'hui traite de deux phases de la procédure : les quatre premiers articles définissent la procédure pouvant conduire à l'adoption par les deux assemblées d'une proposition de résolution visant à réunir la Haute Cour ; les autres articles définissent la procédure devant la Haute Cour, notamment en instituant une commission parlementaire chargée de réunir toutes les informations nécessaires à ses travaux.

Tout en l'approuvant, la commission des lois a modifié assez substantiellement ce projet de loi organique.

La modification essentielle porte sur la mission de filtrage de la proposition de résolution tendant à réunir la Haute Cour, que l'article 2 du projet initial entendait confier à la commission des lois de la première assemblée saisie. Selon le texte du Gouvernement, la commission des lois devait s'assurer que la proposition n'était pas « dénuée de tout caractère sérieux. » À défaut, la proposition n'aurait pu être mise en discussion.

Un tel filtrage ne faisait pas partie des recommandations du rapport de la commission Avril de 2002. Il était à la fois contestable sur le fond et discutable du point de vue de sa constitutionnalité.

C'est pourquoi, à mon initiative, ce filtrage par la commission des lois a été supprimé et remplacé par un simple contrôle de la recevabilité de la proposition de résolution, confié au bureau de l'assemblée concernée. Celui-ci devra ainsi vérifier que la proposition de résolution satisfait à trois conditions.

Première condition : elle doit avoir été signée par un dixième des membres de l'assemblée concernée. Je précise que, à l'initiative de notre collègue Jean-Jacques Urvoas, une limitation a été introduite afin d'éviter les mises en cause répétitives du chef de l'État : chaque parlementaire ne pourra signer qu'une seule proposition de résolution durant un même mandat présidentiel.

Deuxième condition : la proposition de résolution visant à réunir la Haute Cour doit être motivée. La commission des lois a ajouté que la proposition devrait « justifier des motifs susceptibles de caractériser un manquement » au sens du premier alinéa de l'article 68 de la Constitution. Le bureau de l'assemblée pourra donc déclarer irrecevables les propositions de résolution fantaisistes ou manifestement abusives.

Troisième et dernière condition : la proposition de résolution doit avoir été transmise au Président de la République et au Premier ministre.

En dehors de cette question centrale de la recevabilité de la proposition de résolution, la commission des lois a apporté plusieurs autres modifications d'importance.

D'abord, comme le suggérait la commission présidée par le professeur Avril, des délais ont été ajoutés devant la première assemblée saisie : l'examen de la proposition de résolution interviendrait dans les treize jours suivant la transmission du texte par la commission des lois, le vote ayant lieu au plus tard deux jours après. Sans empiéter sur les règles habituelles de fixation de l'ordre de jour, l'objectif est d'éviter qu'une procédure ne traîne en longueur, ce qui ne serait bon pour aucun des acteurs concernés.

Ensuite, devant la deuxième assemblée saisie, la commission des lois a prévu que, si la clôture de la session du Parlement venait faire obstacle au respect du délai constitutionnel de vote dans les quinze jours, l'inscription à l'ordre de jour de la proposition de résolution interviendrait alors au plus tard le premier jour de la session ordinaire suivante.

S'agissant de la suite de la procédure, la commission des lois a estimé utile de fixer dans la loi organique le nombre de membres du bureau de la Haute Cour et de la commission chargée de préparer ses travaux – respectivement vingt-deux et douze –, en précisant à chaque fois que la composition de ces organes devra refléter celle de chaque assemblée : le pluralisme politique sera ainsi garanti à tous les stades de la procédure.

Enfin, il a paru nécessaire de préciser que, en plus de l'ensemble des parlementaires, pourront seuls participer aux débats de la Haute Cour, le Président de la République, qui pourra se faire assister ou représenter, et le Premier ministre.

Compte tenu de ces différentes modifications, le projet de loi organique que nous examinons aujourd'hui me paraît parfaitement répondre à une double exigence : permettre de rendre enfin effective la procédure de destitution prévue à l'article 68 de la Constitution, tout en protégeant la fonction présidentielle.

Je vous invite donc, mes chers collègues, à suivre la commission des lois et, comme elle, à adopter ce projet de loi organique. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Dumont

J'ai reçu de M. Roland Muzeau et des membres du groupe de la Gauche démocrate et républicaine une motion de renvoi en commission déposée en application de l'article 91, alinéa 6, du règlement.

La parole est à M. Patrick Braouezec.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Braouezec

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, depuis le début des années 2000, les différentes réformes constitutionnelles n'ont été pensées que pour renforcer la présidentialisation du régime, les pouvoirs personnels du Président, qu'il s'agisse de l'élargissement du champ référendaire et de l'instauration du quinquennat en 2000 que de l'inversion du calendrier électoral en 2001 qui instaure la concomitance des élections présidentielle et législative et soumet la seconde à la première.

En ce qui concerne l'application de l'article 68 de la Constitution, modifié par la loi constitutionnelle du 23 février 2007, il aura fallu attendre cinq ans pour que soient mises en oeuvre les conditions de son application, qui donnent les modalités exactes de la destitution du Président de la République. Vous avouerez que c'est vraiment long mais que, au regard de la crise systémique vécue par de nombreux pays, cette question est bien mineure.

S'il est important de connaître les conditions selon lesquelles un président peut être destitué, force est de constater qu'en l'état de nos institutions il y a peu de chances que la destitution du chef de l'État soit un jour prononcée, sauf dans des circonstances exceptionnelles où « les institutions de la République, l'indépendance de la nation, l'intégrité de son territoire ou l'exécution de ses engagements internationaux sont menacés d'une manière grave et immédiate » pour reprendre les termes de l'article 16 de la Constitution portant sur les pouvoirs exceptionnels du chef de l'État, avec lequel la procédure dont nous débattons maintenant entre en contradiction.

Dès lors, il faut bien préciser que les termes de ce projet de loi n'ont d'autre intérêt que celui de démontrer que nous nous trouvons devant une crise de la démocratie. Il serait temps d'avoir un vrai et sérieux débat parlementaire pour mettre à plat ce qui ne fonctionne plus dans nos institutions et dans notre vie politique et élaborer un diagnostic qui permettrait d'identifier les fausses solutions qui ne font qu'aggraver la situation.

Force est de constater que la démocratie politique française connaît une crise profonde, comme en atteste une abstention de plus en plus massive aux élections, notamment dans les milieux populaires. Les formes classiques de la représentation politique survivent mais leur légitimité s'amenuise et leur efficacité décline. On peut même affirmer que le modèle de gouvernance de la Ve République est à bout de souffle.

Une question se pose alors : comment sortir de cette situation mortifère pour la démocratie? On parle, à juste titre, de la parité entre hommes et femmes dans l'exercice du mandat d'élu, mais les élites qui nous gouvernent au plan national ne se sont guère préoccupées d'avoir la même démarche pour permettre la juste représentation des couches ouvrières et populaires dans les institutions et les collectivités. Pourtant, le renouveau de la démocratie en France en dépend pour l'essentiel.

Il est donc indispensable de créer les conditions qui permettront à chacun, quelle que soit sa situation sociale, de se sentir partie prenante des débats, avec la possibilité de participer concrètement et réellement au choix et aux orientations qui intéressent le quotidien, du local au mondial.

Cela suppose le renforcement du pouvoir d'agir des habitants sur leur territoire. La co-construction des activités socio-économiques entre élus, mais aussi avec les habitants, les services administratifs et techniques, doit être au coeur d'une nouvelle gouvernance des territoires, pour permettre la mise en mouvement des citoyens et ainsi sortir de l'opposition archaïque entre élite et population. Mettre en synergie, dans une dynamique commune, démocratie élective et démocratie participative, tel est bien l'un des grands défis de notre époque.

Il serait temps de sortir des formules incantatoires sur la démocratie participative et la citoyenneté pour commencer à les traduire concrètement en actes. Il serait temps de sortir de la République et de la démocratie des élites et des experts pour construire une République et une démocratie du peuple, pour et par le peuple.

Pour l'heure, dans ce contexte de crise, la dictature des marchés impose sa loi.

Le peuple grec a été sommé d'obtempérer, et ce sera bientôt le tour du peuple français. Dans l'Europe du traité de Lisbonne, les marchés et les banques ne tolèrent pas la démocratie. Pour eux, elle devient un luxe inadmissible, et les citoyens ne peuvent qu'approuver les orientations et les décisions prises par leurs dirigeants. Leurs votes ne valent que s'ils sont conformes à l'idéologie dominante.

Les États, dont la France, ont oublié qu'ils étaient signataires du Pacte international sur les droits économiques et sociaux de 1966, dont l'article 11 reconnaît le droit pour toute personne et sa famille de bénéficier d'un niveau de vie suffisant – alimentation, logement, santé et éducation –, ce qui condamne de facto le désengagement social. Je rappelle que la Déclaration de 1789 n'est pas seulement celle des droits de l'homme, c'est aussi celle des droits du citoyen, et qu'elle prévoyait bien le contrôle populaire des finances publiques.

Ajoutons que, sous l'emprise du capitalisme financier, aucun pays de l'Union européenne ne peut prétendre être un instrument de paix et de coopération. Parlons plutôt d'une machine de guerre économique prête à dévorer les peuples et leur environnement pour retrouver une croissance destinée à nourrir les groupes industriels et financiers.

Cette même Union européenne, en s'inscrivant délibérément dans le cadre d'une compétition mondiale animée par la seule recherche du profit, contribue activement, et depuis longtemps, à l'augmentation des inégalités et à l'aggravation de tous les déséquilibres Nord-Sud.

Désormais, sous les traits arrogants du Président de la République et de la Chancelière allemande, l'Union européenne mène une politique qui attise ouvertement les rivalités et les antagonismes intracommunautaires, ce qui menace de dresser les peuples européens les uns contre les autres. Il est grand temps de sortir la France des griffes de tous ces grands prédateurs pour la rendre responsable et solidaire.

Cela suppose de réfléchir à une nouvelle Constitution, ce qui ne peut se faire qu'en mettant en place une Constituante, qui devrait revoir de fond en comble la Constitution de 1958. C'est cela que nous devrions discuter.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Braouezec

Au contraire, c'est en plein dans le sujet !

En effet, au-delà du présidentialisme, la Constitution de 1958 fut l'instrument du pire fléau contemporain, la délégation de pouvoir, dont la dévastation idéologique de masse est effroyable et souvent masquée. De manière cohérente avec cela, la démocratie est réduite aux élections, et les partis politiques sont cantonnés à devenir des appareils de recrutement d'électeurs.

L'individu, le citoyen devient, quant à lui, objet de pouvoir au lieu d'être acteur de pouvoir. C'est la notion même de citoyenneté qui est en cause.

L'enjeu fondamental est donc la question du « pouvoir par en haut » et du « pouvoir par en bas ». Se pose alors celle de l'État : le « trop d'État » est un slogan du libéralisme qui nous gouverne. Il ne s'agit pas de savoir s'il y a assez ou trop d'État, il s'agit de savoir de qui l'État est l'instrument de pouvoir. Est-il l'instrument du pouvoir exercé sur le peuple ou l'instrument de pouvoir du peuple sur ses affaires ?

Intolérable aussi est la formule « État-providence », qui ne fait que recouvrir le désengagement social de l'État. Le fait que la dette soit non plus seulement celle du Sud ou de la Grèce mais aussi celle des États-Unis montre que c'est un problème structurel. L'État a pour fonction de satisfaire avec les ressources de l'impôt les besoins publics mais, pour ce faire, il doit rémunérer le profit privé, aux dépens de la satisfaction des besoins publics.

On voit dès lors que la pierre de touche est la notion de souveraineté populaire. Celle-ci a été le cheval de bataille de tous les progressistes du XIXe siècle, contre la confiscation de la révolution par la bourgeoisie. Elle a été portée au rang de valeur universelle par la Charte des Nations unies, dont je rappelle les termes : « Nous, peuples des Nations unies avons décidé d'unir nos efforts. En conséquence, nos gouvernements, etc. »

La souveraineté populaire est le contraire du populisme, qui consiste à flatter le peuple pour qu'il abdique entre les mains d'un chef ou d'une oligarchie : elle implique une intervention permanente, les élus étant l'instrument de sa mise en oeuvre. N'oublions pas, en outre, que la souveraineté populaire ne procède pas d'une idéalisation de la spontanéité du peuple : elle suppose une démocratie de l'éducation et de l'information.

J'en donnerai un bel exemple qui, il est vrai, date de la IVe République.

En 1954, lors du vote sur la Communauté européenne de défense, des délégués de villages, d'ateliers, venus deux par deux avec des paquets de pétition, ont demandé à parler à leur député, formant une file d'attente d'un kilomètre devant l'Assemblée nationale. La majorité a basculé, et la majorité de ratification est devenue une majorité de rejet. La démonstration de la souveraineté populaire était faite ; il est vrai que les institutions le permettaient.

On a beaucoup vilipendé la IVe République et il ne s'agit pas pour moi d'en faire l'apologie. Ses principes démocratiques étaient peut-être néanmoins plus forts que ceux de la Ve République. Il serait intéressant, d'ailleurs, de ressortir des cartons le premier projet de Constitution de la IVe République, hérité de la culture de la résistance populaire et du programme du Conseil national de la Résistance et rejeté sous l'influence du discours prononcé par de Gaulle à Bayeux.

Alors, oui, nous avons besoin d'une constituante comme celle qui s'est mise en place en Islande. Las, les médias français se gardent bien de relayer cette nouvelle, à croire qu'ils ont peur que les citoyens français décident de suivre cet exemple !

À la suite de la mobilisation populaire contre la crise financière, l'Islande a mis en route le processus d'une assemblée constituante. Cette crise était particulièrement brutale pour les Islandais, et la faillite d'une de leurs banques leur aurait coûté 40 % du PIB s'ils avaient dû en assumer le coût. La plupart des souscripteurs de la dette islandaise étant britanniques et hollandais, les gouvernements négocièrent un remboursement avec un prêt à 5,5%, mais les Islandais protestèrent si bruyamment – casseroles à l'appui – que le Président de la République refusa de promulguer la loi ratifiant le dit accord. Les banques furent nationalisées. Il en fut décidé ainsi par 93 % des suffrages, lors d'un référendum auquel participèrent 60 % du corps électoral.

Depuis lors, l'Islande a dévalué sa monnaie, dont la parité avec le dollar a diminué de moitié, ce qui a provoqué la relance des exportations de poisson et d'aluminium et dopé le tourisme.

Le recours à la souveraineté populaire pour adopter une nouvelle Constitution est un effet de la mobilisation de la société contre la crise. C'est un indice de la volonté de changement dans un domaine où les partis restent malheureusement trop conservateurs. Les citoyens sont loin d'être irresponsables, et certains États feraient bien de les écouter et de les entendre.

Au regard de tous ces éléments, et même si certains ont considéré que j'étais hors sujet, il est bien évident que le groupe GDR demande le renvoi en commission : l'heure devrait être non pas à voter les modalités d'application de cet article 68 de la Constitution mais bien à discuter avec l'ensemble des citoyens de la mise en place d'une Constituante – et peut-être à demander aux candidats de s'engager en ce sens –, cette Constituante devant respecter l'exercice du droit des peuples à disposer d'eux-mêmes en restaurant la séparation des pouvoirs et en redonnant au peuple la maîtrise de son destin.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Houillon

Je répondrai d'un mot aux développements de M. Braouezec.

Il est vrai – je lui demande pardon de l'avoir fait – que j'ai dit que son propos, que j'ai écouté avec infiniment d'attention, était totalement hors sujet. Il était question, par exemple, de la situation en Islande. C'est un discours idéologique teinté de lutte des classes qui a été tenu, dont tous les termes visaient à ce que fût modifiée la Constitution. Or ce n'est pas notre sujet.

Je ne sais pas pourquoi – je n'ai au reste entendu aucun argument en ce sens – il faudrait renvoyer en commission un texte qui se propose justement d'appliquer et non pas de changer notre Constitution, à moins de confier à la commission, par un tel renvoi, une mission sur la souveraineté des peuples, la question des banques en Islande ou que sais-je encore. Je ne crois pas que ce soit le voeu de la majorité de cette assemblée.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Houillon

Ce texte a fait l'objet d'un examen très minutieux ; vous l'avez d'ailleurs signalé au début de votre discours, monsieur Braouezec. Cela signe, s'il en était besoin, le fait qu'il n'y a évidemment pas matière à le renvoyer en commission. Il est le fruit, tout d'abord, du travail très complet de la commission présidée par le professeur Avril et, ensuite, de celui de notre commission des lois.

Je n'ai entendu, de votre part, aucun argument de nature à prouver qu'il faudrait le renvoyer en commission, si ce n'est dans le cadre des propos très généraux, tout à fait intéressants, certes, mais sans grand rapport avec notre texte, que vous développâtes.

Il faut donc rejeter cette motion de renvoi en commission.

Debut de section - PermalienMichel Mercier, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés

Je tiens à répondre à M. Braouezec, ne serait-ce qu'en raison de la considération que j'ai pour lui.

Son très bel exposé était tout à fait hors sujet. Il visait à nous proposer une autre constitution.

Cela étant, j'ai trouvé très bizarre qu'il prenne, pour justifier le changement de constitution qu'il appelle de ses voeux, l'exemple du rejet de la Communauté européenne de défense en 1954.

Je veux vous rappeler, monsieur Braouezec, que le député qui a interpellé le gouvernement d'alors sur la CED était un ancien général, député des Alpes-Maritimes. Malheureusement, le président d'honneur de l'Assemblée nationale, député du Rhône, a cru devoir contresigner cette interpellation. Quel en fut le résultat ? On le sait, l'Europe a été placée sous le chapeau militaire des États-Unis. Est-ce conforme à vos voeux ? Je n'en suis pas sûr, et je regrette que le président du Conseil de l'époque n'ait pas fait montre, sur ce dossier, du même courage que sur d'autres.

Debut de section - PermalienMichel Mercier, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés

C'est vous qui avez choisi cet exemple ; j'essaie donc de vous répondre précisément, et je le trouve particulièrement mal choisi s'il s'agit de plaider auprès de nous en faveur d'un changement de Constitution.

J'appartiens à une formation politique qui n'était pas forcément convaincue, dès le premier jour, des vertus des institutions de 1958. Elles ont cependant su montrer au fil du temps leur capacité d'adaptation, leur plasticité. Ce sont, finalement, des institutions qui permettent l'exercice démocratique d'une République efficace.

Il nous appartient, avec ce projet de loi organique, de parfaire la révision constitutionnelle de 2008, qui dote la Constitution d'un équilibre renouvelé en offrant aux Français de participer plus largement au fonctionnement de nos institutions et en accordant au Parlement une plus large place dans notre démocratie.

Pour l'ensemble de ces raisons, je pense que la commission a bien travaillé. Le propos de M. Braouezec est sûrement très intéressant et pourra, un autre jour, faire l'objet d'un colloque (Sourires) ; il ne justifie pas, en tout cas, un renvoi en commission.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Dumont

Au titre des explications de vote, la parole est à M. Michel Hunault, pour le groupe Nouveau Centre

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Hunault

Je serai très bref, car le rapporteur et, surtout, le garde des sceaux ont excellemment répondu à notre collègue Braouezec, que j'ai écouté avec beaucoup d'attention. Je le remercie de la qualité de ses propos, mais, comme le garde des sceaux et le rapporteur, j'ai trouvé qu'ils étaient hors sujet.

Je me demande, cher collègue, si nous avons bien assisté aux mêmes travaux. En effet, vous avez dit des choses très intéressantes sur la démocratie participative, mais le dernier texte que la majorité a été appelée à voter la semaine dernière avait précisément pour objet d'instaurer un référendum d'initiative populaire. Sous l'égide du garde des sceaux, nous en avons précisé les conditions, et c'est cette majorité qui a adopté cette réforme de nature à assurer une meilleure participation de nos concitoyens s'agissant des grands problèmes de notre démocratie. En revanche, votre groupe, me semble-t-il, a voté contre ce projet.

J'en conclus donc à une contradiction entre les propos que vous venez de tenir à la tribune et votre vote d'il y a huit jours. Vous avez alors voté contre une mesure qui avait précisément pour ambition de contribuer à cette démocratie participative.

Je crois donc qu'il n'y a pas lieu de voter votre motion.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Dumont

La parole est à M. Patrice Calméjane, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrice Calméjane

Comme l'a dit M. le rapporteur, ce texte a fait l'objet d'un large débat en commission où quelques amendements ont en outre été pris en compte. Il n'y a donc aucune raison de voter aujourd'hui le renvoi en commission.

Je rappelle par ailleurs à M. Braouezec qu'il est difficile de comparer l'Islande, qui ne compte que 310 000 habitants – à peine trois fois la population de sa circonscription ! – à la France, qui en compte plus de 65 millions et ne saurait être gouvernée de la même façon. Cela n'enlève rien au respect que je porte à l'Islande et à la façon dont ce pays a géré sa crise, mais il faut raison garder lorsque l'on effectue des comparaisons.

Pour ces raisons, j'appelle mes collègues à rejeter cette motion afin que nous poursuivions notre discussion sur ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Dumont

La parole est à M. Patrick Braouezec, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Braouezec

Vous avez remarqué, monsieur le ministre et monsieur le rapporteur, que cette motion de renvoi en commission est surtout une alerte ou un prétexte…

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Braouezec

…d'autant que je ne me fais guère d'illusion : même si ce texte revient en commission, le résultat sera le même.

Il me semble néanmoins qu'il serait utile que nous nous interrogions, les uns et les autres, sur cette démocratie représentative dont le ministre continue à vanter les mérites alors qu'elle est à bout de souffle. Quand, dans certains quartiers, lors des trois dernières élections – régionales, européennes et cantonales –, moins de 20 % de la population se dérange pour aller voter, sans même parler de ceux qui ne sont pas inscrits sur les listes électorales, cela devrait nous amener à nous interroger sur nos institutions et sur notre Constitution.

Debut de section - PermalienMichel Mercier, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés

C'est vrai, mais c'est un autre sujet…

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Braouezec

Quant au référendum d'initiative populaire dont M. Hunault vient de chanter les louanges, arrêtons de prendre les gens pour des imbéciles ! Vous le savez fort bien, un tel référendum ne pourra jamais être mis en oeuvre. D'abord, il ne partira pas des citoyens mais de nos assemblées, avec un minimum de 185 parlementaires. Ensuite, il faudra rassembler 4,5 millions de citoyens en moins de quatre-vingt-dix jours pour que l'on commence à voir si l'on peut instruire le dossier. Avouez que ce n'est pas vraiment la meilleure façon de rendre du pouvoir au peuple !

(La motion de renvoi en commission, mise aux voix, n'est pas adoptée.)

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Dumont

Dans la discussion générale, la parole est à M. Patrice Calméjane.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrice Calméjane

Madame la présidente, monsieur le garde des sceaux, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, nous débattons aujourd'hui d'un sujet d'importance pour le fonctionnement de la Ve République : la nouvelle procédure de destitution du chef de l'État, prévue à l'article 68 de la Constitution.

Nombre de nos collègues de l'opposition nous ont reproché d'avoir tardé à inscrire ce texte à l'ordre du jour, mais la complexité des mécanismes institutionnels en jeu méritait sans nul doute le temps de la réflexion. Il est en outre paradoxal de nous demander de traiter rapidement une disposition que vous n'avez pas votée…

Issu de la révision constitutionnelle du 23 février 2007, cet article institue une procédure de destitution du Président de la République « en cas de manquement à ses devoirs manifestement incompatible avec l'exercice de son mandat ».

Certes, le chef de l'État bénéficie d'un régime protecteur : parce qu'il est le représentant de la nation et qu'il participe directement à l'exercice de la souveraineté, il doit pouvoir pleinement exercer le mandat dont il est investi en toute indépendance.

Ainsi, pour les actes qui peuvent être détachés du mandat – commis avant le mandat ou ne présentant pas de lien direct avec celui-ci – le président bénéficie de l'inviolabilité, c'est-à-dire qu'il ne peut être l'objet d'aucune action devant une juridiction ou une administration pendant la durée du mandat. En revanche, cette immunité cesse avec ses fonctions et le chef de l'État relève alors du droit commun.

D'autre part, pour les actes qu'il accomplit en qualité de chef de l'État, le Président de la République est irresponsable. Il n'a à en répondre ni pendant ni après son mandat, sous deux réserves : en cas de génocide ou de crime contre l'humanité et, désormais, en cas de « manquement à ses devoirs manifestement incompatibles avec l'exercice de son mandat », comme le prévoit, dans sa nouvelle rédaction, l'article 68 de la Constitution.

En effet, le constituant a souhaité assortir ce régime protecteur d'un dispositif de sauvegarde qui permet la mise en cause de la responsabilité du Président de la République dans l'hypothèse absolument exceptionnelle où il aurait manqué à ses devoirs de manière tellement grave et manifeste qu'il se rendrait, par là même, indigne de poursuivre l'exercice du mandat que lui a pourtant confié le peuple français,

Dans le nouvel article 68, on a préféré, comme critère de saisine de la Haute Cour, cette conception du « manquement manifestement incompatible avec l'exercice du mandat » à la notion de « haute trahison ».

D'ailleurs, il convient de préciser que la principale innovation apportée par la loi constitutionnelle du 23 février 2007 est la suppression de la Haute Cour de justice, remplacée par la Haute Cour. Et c'est désormais au Parlement, et à lui seul, constitué en Haute Cour, que l'article 68 confie le pouvoir de mettre en oeuvre la procédure de destitution.

La procédure retenue est totalement parlementaire et ne présente plus aucun caractère juridictionnel. Contrairement au dispositif antérieur, les parlementaires ne sont pas des juges politiques, mais des représentants prenant une décision politique, afin de préserver les intérêts supérieurs de la nation. Il s'agit de se prononcer sur la dignité du titulaire de la fonction à exercer celle-ci, et seule la représentation nationale peut légitimement interrompre un mandat directement confié par le peuple à la personne du chef de l'État.

L'article 68 est relativement précis en ce qui concerne la saisine et le fonctionnement de la Haute Cour. Il prévoit en particulier que la mise en cause du Président doit faire l'objet d'un accord de la majorité des deux tiers des membres de chaque assemblée. Après quoi la décision du Parlement réuni en Haute Cour intervient dans le mois suivant, à nouveau à la majorité des deux tiers de ses membres, à l'issue d'un vote à bulletins secrets.

S'agissant des autres éléments de procédure, l'article 68 confie au législateur organique le soin de fixer ses conditions d'application. C'est précisément l'objet du projet de loi organique que nous allons examiner, qui permet de préciser les deux phases de la procédure.

Ainsi, les articles 1 à 3 bis définissent la procédure pouvant conduire à l'adoption par les deux assemblées d'une proposition de résolution visant à réunir la Haute Cour. Pour leur part, les articles 4 à 7 définissent la procédure applicable devant la Haute Cour.

Sans revenir sur l'intégralité des dispositions du projet de loi organique, ce qui serait fastidieux, je crois utile de m'attarder sur certains points qui démontrent que le projet, tel qu'issu de la commission des lois, répond pleinement aux exigences d'équilibre et d'indépendance des institutions.

Tout d'abord, il est primordial, pour la stabilité de notre pays, que la procédure de destitution du chef de l'État soit strictement réglementée et limitée à des situations précises.

Ce projet prend en compte les exigences particulières liées au statut du Président de la République. Il est prévu que la proposition de réunion de la Haute Cour prend juridiquement la forme d'une proposition de résolution. Il est également précisé que cette proposition de résolution doit être motivée. L'exposé des griefs reprochés au chef de l'État est indispensable à la discussion de la proposition. Concrètement, il s'agira d'indiquer, avec suffisamment de précision, en quoi certains faits seraient susceptibles de constituer un « manquement aux devoirs du Président de la République manifestement incompatible avec l'exercice de son mandat ».

Le texte comporte également des dispositions évitant toute banalisation de la procédure de destitution. Il précise que la proposition de résolution doit être signée par au moins un dixième des membres de l'assemblée devant laquelle elle est déposée, soit cinquante-huit députés ou trente-cinq sénateurs : avant 2007, la saisine de la Haute Cour de justice obéissait à la même condition.

À l'initiative de notre collègue Jean-Jacques Urvoas, notre commission des lois a souhaité introduire un garde-fou supplémentaire : au cours d'un même mandat présidentiel, un député ou un sénateur ne peut être signataire de plus d'une proposition de résolution tendant à la réunion de la Haute Cour.

Ces différentes garanties étant apportées, il était essentiel que la procédure suive efficacement son cours, qu'elle ne soit pas uniquement lancée à des fins partisanes, mais qu'elle ne puisse pas non plus être bloquée par la volonté d'une majorité.

C'est une des raisons pour lesquelles le rapporteur, Philippe Houillon, a proposé de supprimer le mécanisme de filtrage prévu initialement à cet article, qui consistait en une appréciation par la commission des lois de l'Assemblée ou du Sénat du « caractère sérieux » de la proposition de résolution tendant à réunir la Haute Cour. Notre commission des lois a substitué au dispositif initial un simple contrôle de la recevabilité de la proposition de résolution que j'ai évoqué précédemment. Elle l'a confié au bureau de l'assemblée devant laquelle la proposition de résolution a été déposée, cet organe ayant pour avantages d'offrir une composition pluraliste et de refléter la configuration politique de chaque assemblée.

Une fois déclarée recevable par le Bureau, la proposition de résolution sera ensuite envoyée pour examen à la commission des lois, comme le prévoit le premier alinéa de l'article 2. Cet examen au fond portera alors sur l'opportunité de la réunion de la Haute Cour et, en raison de l'absence de droit d'amendement, ne pourra se conclure que par le rejet ou l'adoption, sans modification, de la proposition de résolution.

La commission des lois ne disposerait donc d'aucun droit de veto. En cas de rejet de la proposition de résolution, sa discussion se poursuivra ensuite en séance publique, le vote négatif de la commission invitant simplement l'assemblée plénière à rejeter à son tour la proposition.

La version initiale de ce projet de loi organique avait par ailleurs pour défaut de ne pas prévoir de délai d'inscription à l'ordre du jour de la proposition de résolution tendant à réunir la Haute Cour. Notre commission a donc prévu que la proposition de résolution est inscrite à l'ordre du jour au plus tard le treizième jour suivant les conclusions de la commission des lois, et que le vote intervient au plus tard le quinzième jour.

Enfin, je tiens à saluer l'effort de transparence qui prévaudra durant les différents stades de la procédure. Les auditions menées par la commission parlementaire ad hoc, chargée de réunir les informations nécessaires à l'accomplissement de la mission de la Haute Cour, seront rendues publiques, de même que le rapport qu'elle distribuera aux membres de la Haute Cour avant qu'ils ne mènent leurs propres travaux.

Ce projet de loi organique pose également le principe de la publicité des débats de la Haute Cour, alors qu'au contraire l'ancienne Haute Cour de justice pouvait exceptionnellement ordonner le huis clos.

Nous devons être satisfaits de l'équilibre trouvé. La nouvelle procédure de destitution se trouve clarifiée. La mise en cause du chef de l'État ne saura être invoquée par la représentation nationale que dans des circonstances exceptionnelles. Dans le même temps, des garanties d'efficacité, de pluralisme et de transparence sont apportées.

Le groupe UMP votera donc ce texte équilibré et juste. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Urvoas

Madame la présidente, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, au plan strict, le débat que nous avons aujourd'hui ne porte pas sur le statut pénal du Président de la République, en tout cas pas sur son statut actuel. Les arguments que j'ai défendus le 20 décembre dernier dans cet hémicycle, en faveur d'une réforme en profondeur de ce statut, demeurent donc évidemment valables.

L'objet du présent projet est uniquement de préciser les termes – qui sont pourtant déjà très détaillés – de l'article 68 de la Constitution, et les marges de manoeuvre du législateur organique sont assez contraintes dans la détermination de la procédure.

On l'a souligné, sont en effet d'ores et déjà imposés par la Constitution des conditions de délai, des conditions relatives au fonctionnement de la Haute Cour et même des conditions relatives aux votes.

Nous sommes aujourd'hui appelés à discuter d'un texte que je juge, à titre personnel, respectueux de la procédure de destitution qu'a adoptée le constituant, même si je rappelle que, le 19 février 2007, lors du Congrès qui avait apporté cette vingt et unième modification à notre Constitution, le groupe auquel j'ai aujourd'hui l'honneur d'appartenir s'était abstenu, parce qu'il ne validait évidemment pas la manière dont la proposition avait été faite.

Ce projet de loi organique prévoit tout d'abord une procédure rapide et strictement encadrée, afin de préserver le bon fonctionnement des institutions, qui laisse d'ailleurs le dernier mot au suffrage universel. Cela apparaît utile dans la mesure où l'on ne prévoit pas, comme aux États-Unis, le remplacement automatique du Président mais de nouvelles élections.

Ensuite, la procédure a vocation à être exceptionnelle puisqu'elle ne vise que des hypothèses qui le sont également. Les conséquences seront lourdes puisqu'elle pourra aboutir à destituer un homme ou une femme, élu par le peuple souverain.

En fait, cette procédure n'est une mise en cause ni de la responsabilité civile ou pénale du chef de l'État ni de sa responsabilité politique.

Rappelons que, pour le constituant, la procédure de destitution imaginée ne constitue pas une condamnation de l'homme ou de la femme, mais une mesure de protection de la fonction dont celui-ci ou celle-ci a mis la dignité en cause. C'est la différence fondamentale avec le modèle américain. Elle laisse aux membres du Parlement la responsabilité de définir ce qu'est un « manquement manifestement incompatible » avec la fonction présidentielle.

La destitution n'est donc pas une peine mais davantage un mécanisme de protection de la dignité de la fonction ou, pour reprendre une formule du rapport Avril, « la consécration d'une responsabilité institutionnelle ».

Au demeurant, même avant 2007, la Constitution contenait déjà un mécanisme d'empêchement. Il figurait – il figure toujours – dans l'article 7 qui prévoit que, « saisi par le Gouvernement, le Conseil constitutionnel constate l'empêchement du Président, statuant à la majorité de ses membres ».

Je suis surpris que, au cours des débats de 2007, personne ne l'ait évoqué puisqu'il me semble que, d'un point de vue formel, cette procédure rendait inutile tout autre forme d'empêchement. Et, à la réflexion, on peut même estimer qu'elle justifie la solution retenue par le constituant : autant il est raisonnable de faire constater objectivement l'état d'empêchement par une juridiction, autant l'appréciation d'une situation politique doit relever de la représentation nationale.

En troisième lieu, je constate que ce projet de loi recoupe presque totalement le texte adopté par le Sénat le 18 novembre 2011. Nos collègues sénateurs, à l'initiative de François Patriat, lassés d'attendre un projet gouvernemental, avaient en effet lancé, en octobre 2009, une démarche incitative afin de pallier la carence du Gouvernement.

Elle fut dans un premier temps repoussée à l'initiative de l'UMP, alors encore majoritaire au Palais du Luxembourg – c'était en janvier 2010. À la faveur du basculement du Sénat à gauche, le texte a pu être à nouveau étudié par la commission des lois le 8 novembre 2011, puis être adopté par la nouvelle majorité le 18 novembre 2011.

Nous aurions pu plaider la discussion du texte, tant il est vrai que, dans la Constitution, aucun des articles n'établit de hiérarchie entre les projets et les propositions de loi. Ces deux textes sont également respectables et source de droit. Par conséquent, lorsqu'il existe un projet et une proposition traitant du même sujet, rien n'impose que l'on examine d'abord le projet, surtout quand la proposition est antérieure. Mais, ne voulant pas entrer dans un débat artificiel, nous acceptons de nous placer sur le terrain choisi par le Gouvernement.

En dernier lieu, il était tout de même temps que nous débattions de ce texte puisque, de manière assez étonnante, à la suite de l'adoption, le 10 janvier dernier, du projet de loi organique portant application de l'article 11 de la Constitution, la réforme constitutionnelle entamée le 23 juillet 2008 a été parfaite avant la réforme engagée le 23 février 2007.

C'est en effet une curiosité que d'avoir dans la loi fondamentale une disposition qui, faute de dispositions communes aux deux assemblées, ne peut être mise en oeuvre, même si elle vise, en pratique, des situations de crise mettant en cause le chef de l'État qui ne se sont jamais présentées sous la Ve République.

On peut parler de coquille vide, notamment depuis que l'ordonnance du 2 janvier 1959 portant loi organique sur la Haute Cour de justice n'est plus applicable, même si elle n'a pas été formellement abrogée. D'ailleurs, l'Assemblée et le Sénat ont supprimé de leurs règlements respectifs les articles relatifs à la Haute Cour de justice tout en faisant référence à la Haute Cour.

Cependant – et ce n'est pas sans conséquences –, l'article 157 du règlement de l'Assemblée prévoit que lorsque la loi organique aura été adoptée, cet article pourra être complété par les précisions nécessaires – elles le seront et j'en dirai un mot dans un instant.

Il est donc temps, dix ans après l'annonce de la réforme du statut pénal du chef de l'État présentée par Jacques Chirac, alors en campagne électorale, comme une « urgente nécessité », de la combler et il était temps que nous y imprimions notre marque.

Les modalités proposées s'inspirent, et c'est heureux, des propositions élaborées par un comité nommé en 2002 et présidé par l'éminent professeur Pierre Avril. Que l'on me permette de passer rapidement en revue trois d'entre elles.

D'abord, l'initiative nécessite l'appui d'un dixième des membres d'une assemblée. Il s'agit d'une reprise de la disposition des articles 158 du règlement de l'Assemblée et 86 du règlement du Sénat qui, dans leurs versions antérieures à 2009, prévoyaient qu'« aucune proposition de résolution portant mise en accusation devant la Haute Cour de justice n'est recevable, si elle n'est signée par le dixième au moins des députés ou des sénateurs ».

Un tel seuil renforce le caractère solennel, car exceptionnel, de la procédure sans la rendre impossible et évite par là même que le Président de la République puisse être l'objet d'un harcèlement par un seul ou par un nombre non significatif de parlementaires. Je me félicite d'ailleurs – le rapporteur a eu l'amabilité de le rappeler – que la commission des lois ait adopté un amendement que j'avais déposé et qui prévoyait en sus que les signataires de ladite résolution ne puissent en signer plus d'une par mandat présidentiel. Cela interdira encore un peu plus à la procédure d'être ramenée au simple rang d'instrument du débat politique.

Ensuite, le droit d'amendement n'est pas autorisé. Si cette exclusion du droit d'amendement n'était pas absolument nécessaire, nous admettons l'idée qu'elle puisse présenter quelques avantages.

En premier lieu, elle assure que la procédure ne traîne pas en longueur et s'inscrit dans la logique d'une procédure qui n'a lieu d'être engagée que dans les hypothèses les plus graves. En effet, la résolution ne porte pas sur la qualification des faits, actes ou comportements imputables au Président de la République et dont on estime qu'ils rendent impossible la poursuite de son mandat : la résolution a pour objet de demander la convocation de la Haute Cour et doit être motivée. D'éventuels amendements ne pouvant porter que sur la motivation, on peut considérer que, si les parlementaires ne sont pas à même d'identifier clairement et du premier coup les raisons pour lesquelles la convocation de la Haute Cour s'impose, c'est qu'il n'y a pas lieu d'en formuler la demande.

En deuxième lieu, le dépôt d'amendements survenant en commission ou en séance publique, il y a fort à parier que leur discussion donnerait lieu à des débats délicats qui pourraient se révéler préjudiciables au bon fonctionnement des institutions.

En troisième lieu, il est possible de faire un parallèle avec l'exclusion du droit d'amendement dans le cadre des résolutions parlementaires de l'article 34-1 de la Constitution expressément énoncé par les articles 136 du règlement de l'Assemblée et 50 du règlement du Sénat.

Enfin, parce que nous sommes, dans le cas d'espèce, hors procédure législative, cette restriction apparaît compréhensible et donc acceptable.

Troisième modalité inspirée du comité Avril, la commission des lois se bornera à étudier la recevabilité de la procédure de résolution. Ce point est important et la position du rapporteur est pour beaucoup dans notre position positive, à ce stade, sur le texte. Il était en effet inenvisageable d'accepter la version du texte gouvernemental qui prévoyait un droit de veto de la commission des lois, c'est-à-dire, concrètement, le pouvoir donné à la majorité du moment de s'opposer à toute démarche non validée par l'exécutif.

Cette originalité ne figurait d'ailleurs ni dans le rapport Avril ni dans le rapport que vous aviez signé préalablement à la révision de février 2007. Elle était probablement empruntée au système américain qui prévoit, dans le mécanisme de l'impeachment, l'intervention préalable de la commission des affaires judiciaires de la Chambre des représentants.

Cette suggestion était somme toute assez révélatrice. Après nous avoir expliqué que la révision du 23 juillet 2008 contribuait à revaloriser l'Assemblée – opinion que nous avons toujours combattue –, la plupart des lois organiques se sont caractérisées par un durcissement préventif contre le Parlement et, en son sein, contre l'opposition.

Ce fut notamment – et de quelle manière – le cas dans la loi organique du 15 avril 2009 sur le droit d'amendement. Ce fut aussi le cas de la réforme de notre règlement en mai 2009 ou encore de la loi organique du 13 juillet 2010 sur les nominations présidentielles. Il est donc heureux que la commission des lois ait accepté de supprimer la possibilité pour la majorité d'annuler une procédure. Cette « facétie provocatrice », comme l'a nommée Pierre Avril quand nous l'avons interrogé, n'avait aucune raison d'exister.

Quatrième point, une commission ad hoc va recueillir les informations nécessaires aux travaux de la Haute Cour. Elle remplace une commission d'instruction qui, avant la révision constitutionnelle de 2007, était placée auprès de la Haute Cour. Compte tenu de l'abandon de la logique pénale, nous aurions été hostiles au choix d'un mécanisme juridictionnel d'instruction qui n'aurait pas correspondu au fait que la procédure ne vise pas à juger le Président de la République, mais à se prononcer sur la nécessité de sa destitution.

Il fallait absolument éviter la confusion que le constituant a rejeté entre, d'une part, la responsabilité juridique – qu'il reviendra, le cas échéant, aux juges de droit commun d'apprécier dans l'hypothèse où le Président serait destitué –, et, d'autre part, la responsabilité constitutionnelle – dont l'objet est seulement de déclarer, quelle que soit la nature des faits, comportements ou actes reprochés, que la fonction de chef d'État serait entachée si son titulaire n'était pas destitué.

La composition de cette commission ad hoc, telle qu'elle découle de nos débats en commission des lois, tout comme ses pouvoirs, nous semblent là encore correspondre à la solution préconisée par le comité Avril.

Je rappelle cependant notre voeu que le règlement de l'Assemblée puisse résoudre une question que le texte ne tranche pas : celle du mode de désignation du président et du rapporteur de cette commission. Il nous semble par conséquent logique de prévoir que l'une des deux revienne de droit à un représentant du groupe dont serait membre le premier signataire de la proposition.

Nous n'avons donc pas encore décidé de notre position finale sur ce texte, monsieur le garde des sceaux.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Urvoas

Il se peut que nous le votions ou que nous nous abstenions. Nous nous abstiendrions parce que nous n'acceptons pas le statut pénal du Président tel qu'il figure dans l'article 68 de la Constitution, statut que nous ne voudrions pas valider. Reste que nous pourrions, au strict plan du droit, voter ce projet puisque nous estimons, en effet, qu'il correspond à ce qui figure dans la Constitution.

Si nous approuvions le projet, ce ne serait que la deuxième fois depuis le début de la législature, après le texte relatif à la question prioritaire de constitutionnalité, si tant est d'ailleurs que la Constitution soit une « chose sainte » comme la nommait Michel Debré en septembre 1958.

En outre, le travail conduit par le rapporteur mérite notre considération.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Urvoas

Je tiens à saluer sa capacité d'écoute et sa volonté d'amender le texte du Gouvernement.

Nous ne pouvons, pour finir, que souhaiter, à l'instar du professeur Olivier Beaud dans la conclusion de sa contribution intitulée : « Irresponsabilité et immunité du Président de la République sous la Ve République », parue en 2008 dans un ouvrage dont l'un des coauteurs est le président de l'Assemblée, que cet article n'aura pas à être trop souvent sollicité. Et, surtout, qu'il n'éloignera pas de l'essentiel, à savoir la réactivation et l'approfondissement du sens de la responsabilité politique de ceux à qui échoit l'honneur de présider la République.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Hunault

Madame la présidente, monsieur le garde des sceaux, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, après ce suspens sur la position qu'arrêtera l'opposition mardi prochain, je me montrerai plus clair et vous donnerai, en présence notamment de Raymond Durand, toujours très présent, la position du groupe Nouveau Centre.

Après le récent examen du projet de loi portant application de l'article 11 de la Constitution et alors que nous arrivons au terme de la législature, le projet de loi organique qui nous est soumis parachève la mise en application effective de l'ensemble des dispositions adoptées en Congrès à Versailles en juillet 2008.

Au cours de ces dernières années, nous avons eu, dans le cadre de la réforme de la Constitution, de nombreux débats sur la modernisation des institutions, les droits et prérogatives de l'opposition comme de la majorité et, plus largement, sur le rôle du Parlement au sein de notre démocratie.

C'est dans la continuité de cette démarche que nous sommes appelés à examiner les modalités de mise en application de l'article 68 de la Constitution relatif à la procédure de destitution du Président de la République.

La modification du titre IX de la Constitution aura eu le mérite de mettre fin à un flou juridique et constitutionnel qui entourait le statut pénal du chef de l'État. Objet de positions divergentes à la fois du Conseil constitutionnel et de la Cour de cassation, la question de la responsabilité pénale du Président de la République se devait d'être clarifiée.

Désormais, la Constitution pose le principe de l'irresponsabilité du Président de la République pour les actes qu'il accomplit en cette qualité et son inviolabilité provisoire pour les faits extérieurs ou antérieurs à la fonction présidentielle. Le régime pénal du Président de la République repose ainsi sur deux principes fondamentaux que sont à la fois la séparation des pouvoirs et la continuité de l'État.

Clef de voûte des institutions, le Président de la République est le représentant de la nation et doit à ce titre bénéficier des immunités qui s'attachent à cette qualité, immunités devant lui permettre d'assurer le fonctionnement régulier des pouvoirs publics. La Constitution reconnaît ainsi que le Président de la République n'est pas et ne peut être un justiciable comme les autres.

Pour en revenir au coeur des dispositions du projet de loi organique, rappelons que l'article 68 de la Constitution prévoit une procédure spécifique de destitution prononcée par le Parlement constitué en Haute Cour, et ce en cas de « manquement à ses devoirs manifestement incompatible avec l'exercice de son mandat ».

Comme l'a excellemment rappelé notre rapporteur, l'initiative de proposer la réunion de la Haute Cour revient donc intégralement au Parlement. Ainsi, en faisant dépendre la procédure de destitution d'une initiative parlementaire, les constituants ont clairement fait le choix d'une procédure parlementaire dénuée de tout caractère juridictionnel.

Au-delà du débat sur l'opportunité d'un tel choix, il nous revient aujourd'hui de déterminer les modalités d'exercice de cette procédure, en ayant à l'esprit le souci d'éviter un écueil majeur, celui de la responsabilité politique du chef de l'État devant le Parlement. Car la transformation de la procédure de destitution en une motion de censure politique du Parlement contre le Président risquerait de mettre à mal l'équilibre de nos institutions, particulièrement en période de cohabitation.

L'exposé des motifs du projet de loi organique précise, à ce titre, que la procédure de destitution « n'a ni pour objet ni pour effet de conférer à une minorité de parlementaires le droit de contester en toute circonstance ou à des fins partisanes l'action du Président de la République et de rendre celui-ci politiquement responsable devant le Parlement ». Le texte rappelle que « seul le Gouvernement, qui détermine et conduit la politique de la nation, assume cette responsabilité, dans les conditions prévues aux articles 49 et 50 de la Constitution ».

Ce faisant, si nous souhaitons que ces principes puissent trouver une application concrète, nous devons veiller à ce que la procédure de destitution soit entourée de garanties effectives, que le rapporteur nous a rappelées tout à l'heure. À cet égard, je tiens à saluer son travail, et celui de la commission des lois, qui a su, en s'inspirant notamment du rapport de la commission Avril, enrichir le texte de dispositions allant en ce sens.

En premier lieu, l'article 68 de la Constitution prévoit d'ores et déjà que « les décisions prises en application du présent article le sont à la majorité des deux tiers des membres composant l'assemblée concernée ou la Haute Cour ». En complément de ce dispositif, le projet de loi soumet l'enclenchement de la procédure à certaines conditions. La proposition de résolution doit être signée par au moins un dixième des membres de l'assemblée devant laquelle elle est déposée. En outre, chaque membre du Parlement ne pourra signer, au cours de la durée d'un mandat présidentiel, qu'une seule proposition.

Par ailleurs, afin qu'une majorité politique ne puisse pas dénaturer le contenu d'une proposition de résolution, le texte prévoit qu'aucun amendement n'est recevable, à aucun stade de son examen.

En résumé, nous voulons rester fidèles à la volonté des constituants, nous voulons rester vigilants quant à la mise en application de cette procédure, qui, rappelons-le, n'a pas vocation à mettre en place une motion de censure politique du Parlement contre le Président de la République. Il convient, en ce sens, de préserver le caractère exceptionnel de cette procédure. L'objet de notre discussion n'est pas de revenir – et je rejoins en ceci Jean-Jacques Urvoas – sur le statut pénal du chef de l'État, mais de mettre en application l'article 68.

À l'image du travail exigeant de son rapporteur, la commission des lois a voulu encadrer cette procédure. C'est pourquoi, au nom du groupe Nouveau Centre, j'appelle tous nos collègues à voter ce texte. (Applaudissements sur les bancs des groupes NC et UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Dolez

Madame la présidente, monsieur le garde des sceaux, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, il aura donc fallu attendre cinq ans pour que voie le jour le texte fixant les conditions de mise en oeuvre de l'article 68 de la Constitution, modifié par la loi constitutionnelle du 23 février 2007 et relatif à la procédure de destitution du Président de la République.

Pourquoi avoir attendu que le mandat de l'actuel locataire de l'Élysée touche à sa fin ? Ceci expliquant peut-être cela, ladite procédure de destitution n'a en réalité qu'une très faible portée pratique.

Debut de section - PermalienMichel Mercier, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés

Heureusement !

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Dolez

Le Premier ministre d'alors, Dominique de Villepin, le reconnaissait lui-même : « Ce texte ne remet pas en cause l'équilibre institutionnel de la Ve République, mais au contraire le renforce. »

De fait – et le texte proposé aujourd'hui nous conforte dans cette appréciation –, les dispositions de l'article 68 n'entretiennent qu'un rapport très lointain avec la procédure d'impeachment à l'américaine dont elles prétendent s'inspirer. La comparaison entre les deux procédures est d'ailleurs très éclairante.

La Constitution fédérale des États-Unis distingue en effet la procédure de mise en accusation de la procédure de condamnation : l'impeachment proprement dit, c'est-à-dire la mise en accusation, est votée comme une loi ordinaire, à la majorité simple de la Chambre des représentants. Ce vote a pour conséquence d'ouvrir le procès devant le Sénat, qui joue alors le rôle de notre Haute Cour, et peut destituer le Président à la majorité des deux tiers.

Rien de tel dans le dispositif qui nous est proposé, où la procédure de mise en accusation requiert d'emblée une résolution des deux assemblées prise à la majorité des deux tiers, dans les mêmes conditions que le vote du Parlement constitué ultérieurement en Haute Cour, de sorte que la Haute Cour ne pourra être réunie que lorsque la destitution est pratiquement certaine.

De la même manière, la Constitution américaine dispose explicitement que « le président, le vice-président et tous les fonctionnaires civils des États-Unis seront destitués de leurs charges sur mise en accusation et condamnation pour trahison, corruption ou autres crimes et délits majeurs ». Autrement dit, l'impeachment peut intervenir en matière pénale et s'apparente à une procédure juridictionnelle. Le procès devant le Sénat est d'ailleurs alors présidé par le président de la Cour suprême.

Rien de tel, là non plus, dans la réforme constitutionnelle intervenue en 2007, qui a explicitement consacré le principe d'irresponsabilité et d'inviolabilité du chef de l'État. Le deuxième alinéa de l'article 67 est explicite, le chef de l'État « ne peut, durant son mandat et devant aucune juridiction ou autorité administrative française, être requis de témoigner non plus que faire l'objet d'une action, d'un acte d'information, d'instruction ou de poursuite. Tout délai de prescription ou de forclusion est suspendu. »

La comparaison avec la Constitution américaine montre combien celle-ci respecte le principe de séparation et d'équilibre des pouvoirs et combien la nôtre est déséquilibrée.

Le Gouvernement nous objecte, bien sûr, que l'innovation que constitue la procédure de destitution représente une avancée et rééquilibre les pouvoirs en faveur du Parlement. C'est vraiment se payer de mots, car, dans le cadre de nos institutions, la destitution du chef de l'État n'a aucune chance d'être jamais prononcée, non seulement à cause du verrou précédemment évoqué de la majorité qualifiée et de la lourdeur de la procédure, mais aussi en raison du déséquilibre institutionnel profond de la Ve République, tant est patent le renforcement de la « dérive monarchique de nos institutions » que le candidat Jacques Chirac lui-même évoquait en 1995.

Depuis, hélas, la présidentialisation du régime s'est encore accrue, avec l'instauration du quinquennat en 2000 et l'inversion du calendrier électoral en 2001, qui soumet désormais les élections législatives au résultat de la présidentielle. Cette dérive a de graves conséquences sur la vie politique, avec 1'accentuation du fait majoritaire et le renforcement de la bipolarisation, ce qui agrandit le fossé entre gouvernants et gouvernés.

Le mal le plus flagrant de cette République réside bien dans l'irresponsabilité politique d'un Président qui s'est arrogé, dans la pratique, des pouvoirs allant bien au-delà de ce que prévoit la lettre de la Constitution.

Dans un régime où la séparation et l'équilibre des pouvoirs sont garantis, comme aux États-Unis, la procédure de destitution a un sens. Dans le cadre de la Ve République, une telle procédure apparaît incohérente et bancale. La situation serait évidemment tout à fait différente dans le cadre de la VIe République, fondée sur un régime véritablement parlementaire, que nous appelons de nos voeux et que mon collègue Patrick Braouezec a largement évoquée tout à l'heure. La question du statut pénal du chef de l'État ne soulèverait alors ni le problème d'un privilège de juridiction ni celui de l'inviolabilité de la personne. Pour les actes sans rapport avec ses fonctions, il serait un justiciable comme n'importe quel autre citoyen, et ne pourrait échapper aux juridictions de droit commun.

La réforme de 2007, elle, va dans le sens inverse. Elle est peut-être conforme à la doctrine dominante et à la jurisprudence du Conseil constitutionnel, mais elle ne répond pas à la préoccupation légitime de beaucoup de nos concitoyens. C'est précisément pour les faits détachables de sa fonction, qui lui sont donc antérieurs ou extérieurs, qu'il paraît aujourd'hui incompréhensible, voire insupportable, que le Président de la République bénéficie d'une immunité de fait, fût-elle temporaire. Pourquoi faudrait-il attendre cinq ans avant que le Président réponde d'actes sans rapport avec ses fonctions ?

S'agissant des actes en lien avec ses fonctions, l'immunité est entière, exception faite des actes traduisibles devant la Cour pénale internationale et pour « manquement à ses devoirs manifestement incompatible avec l'exercice de son mandat », expression qui remplace les termes de « haute trahison », mais dont il n'y a pas de définition. Cette expression s'avère en réalité plus lourde de risques qu'elle ne consacre de réelle avancée.

La responsabilité pénale du Président de la République est une question ancienne et complexe, qui a d'autant plus divisé les constitutionnalistes qu'elle est évidemment inséparable de la conception que l'on a de la République et de la place du Président au sein des institutions.

Nous avons, pour notre part, la conviction que le Président de la République ne peut être au-dessus des lois, même s'il faut bien entendu s'assurer de l'existence de filtres, pour éviter qu'il ne fasse l'objet d'un harcèlement judiciaire abusif.

Le Gouvernement et sa majorité font le choix de consacrer l'inviolabilité et l'irresponsabilité du chef de l'État en matière civile et pénale, pour lui substituer une procédure de destitution dont les conditions de mise en oeuvre sont si restrictives et dont l'esprit est si contraire à l'évolution des pratiques institutionnelles qu'elle ne sera jamais qu'une coquille vide.

Pour leur part, les députés communistes, républicains, citoyens et du parti de gauche voteront contre ce texte. Car, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, ils restent fidèles à l'esprit et à la lettre de l'article 31 de la belle Constitution montagnarde du 24 juin 1793,…

Debut de section - PermalienMichel Mercier, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés

Jamais appliquée !

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Dolez

…hélas jamais appliquée : « Les délits des mandataires du peuple et de ses agents ne doivent jamais être impunis. Nul n'a le droit de se prétendre plus inviolable que les autres citoyens ». (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.)

Debut de section - PermalienPhoto de Frédérique Massat

Madame la présidente, monsieur le garde des sceaux, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, avant d'aborder le contenu de ce projet de loi organique, je souhaiterais prendre quelques minutes pour revenir sur la méthode.

Il y a une semaine, était voté le projet de loi portant application de l'article 11 de la Constitution relatif à l'organisation d'un référendum d'initiative populaire. Dans nos interventions, nous avons dénoncé la lenteur avec laquelle ce gouvernement avait tardé à présenter un texte permettant d'appliquer la réforme constitutionnelle de 2008.

Mais cela n'est rien en comparaison avec le nombre d'années qu'il aura fallu attendre pour enfin voir ce texte-ci aboutir. Annoncée par Jacques Chirac dès la campagne électorale de mars 2002, la réforme du statut pénal du chef de l'État avait été présentée comme une urgente nécessité parce qu'elle concernait « les fondements mêmes de la République ». L'urgence était telle qu'un projet de loi avait fini par être déposé en juillet 2003, pour n'être examiné qu'en 2007, soit quelques jours avant la fin du mandat de Jacques Chirac. Autant dire que cela partait mal !

Ainsi, plus de quatre ans après les promesses de campagne de Jacques Chirac, la révision constitutionnelle du 23 février 2007 portant modification du titre IX de la Constitution créait une nouvelle procédure : la destitution du Président de la République.

Mais, si la Constitution permet désormais aux parlementaires de se constituer en Haute Cour et de destituer le Président de la République « en cas de manquement manifestement incompatible avec l'exercice de son mandat », encore fallait-il qu'une loi organique soit votée pour rendre ce dispositif applicable.

Or, depuis 2007, et malgré les promesses répétées du Gouvernement, aucun texte n'a été présenté, si ce n'est aujourd'hui. Pourtant, à plusieurs reprises, les sénateurs socialistes ont tenté de faire en sorte que ce sujet fasse l'objet d'une discussion. En octobre 2009, François Patriat, Robert Badinter et les sénateurs socialistes avaient déposé une proposition de loi organique visant à fixer les conditions d'application de l'article 68 de la Constitution. La majorité UMP de l'époque avait balayé cette proposition en votant une motion de renvoi en commission. La garde des sceaux, Michèle Alliot-Marie, avait déclaré qu'un projet de loi organique serait présenté au cours du premier semestre 2010. L'année 2010 est passée, ce projet de loi n'a pas été présenté.

Un an et demi plus tard, constatant que l'examen du projet de loi organique n'était toujours pas d'actualité, et profitant du basculement du Sénat à gauche, les sénateurs socialistes ont présenté à nouveau leur proposition de loi organique. Elle a été adoptée par les sénateurs de gauche, et elle est très proche du texte qui nous est aujourd'hui proposé par le Gouvernement.

Face à la menace de voir aboutir une proposition de loi socialiste, le Gouvernement a finalement été contraint de déposer et d'inscrire à l'ordre du jour le tant attendu projet de loi organique.

Au passage, on pourra tout de même constater que notre actuel Président de la République a réussi à bénéficier pendant tout son mandat du volet protecteur de la réforme de 2007, c'est-à-dire l'immunité, sans pour autant être exposé à la menace d'une procédure de destitution. Pour celui qui, autrefois, vantait les mérites d'une République exemplaire, quelle triste réalité !

On constatera que, à droite, l'histoire se répète. Tout comme son prédécesseur Jacques Chirac, Nicolas Sarkozy aura attendu les dernières semaines de son mandat pour faire passer ce texte qui – rappelons-le – n'aurait certainement jamais vu le jour sans la pression des socialistes au Sénat.

Après ce petit historique qui illustre la réticence de cette majorité à mettre en oeuvre la procédure de destitution du Président de la République, je souhaite évoquer rapidement ce projet de loi. Je profite d'ailleurs de cette tribune pour saluer les travaux de la commission des lois, qui ont permis de sérieuses avancées en adoptant un certain nombre d'amendements socialistes, portés notamment par Jean-Jacques Urvoas, permettant ainsi à ce texte de se rapprocher de celui des sénateurs socialistes.

Mes chers collègues, alors que nous sommes à moins de cent jours des prochaines élections présidentielles, le climat actuel est là pour nous rappeler combien cette élection se distingue des autres. L'intérêt porté par nos concitoyens à cette échéance traduit l'importance qu'ils attachent à la fonction présidentielle.

Parce qu'elle peut aboutir à destituer un homme ou une femme élu au suffrage universel par le peuple souverain, cette destitution doit rester exceptionnelle. Et pour que le peuple souverain ait le dernier mot, il est prévu que la destitution entraîne mécaniquement une élection présidentielle anticipée au plus tard dans les trente-cinq jours.

Ainsi, s'il y avait nécessité à prévoir une contrepartie au régime d'irresponsabilité pénale du Président de la République tel que consacré par l'article 67 de la Constitution, il fallait toutefois veiller à ne pas créer une disposition qui aurait pu se transformer en motion de censure politique du Parlement à l'encontre du Président de la République.

De plus, toujours dans l'idée de conserver le caractère exceptionnel de cette démarche, les socialistes avaient présenté et fait adopter en 2007 un amendement portant la majorité nécessaire à l'adoption de la proposition de résolution aux deux tiers, afin d'éviter que des coalitions de circonstance ne permettent de faire un usage politicien de cette nouvelle procédure.

De la même manière, un amendement socialiste a précisé qu'un parlementaire ne pourra être autorisé qu'une seule fois durant son mandat à signer une proposition de résolution.

Je me félicite également de la suppression du filtre de la commission des lois initialement prévu par ce texte.

Néanmoins, concernant le fait de réserver l'initiative de l'engagement de la procédure à un dixième des parlementaires, il serait souhaitable, comme le prévoyait le texte socialiste du Sénat, d'imposer plutôt la signature de soixante députés ou de soixante sénateurs.

À l'heure où la confiance de nos concitoyens dans le monde politique ne cesse de s'étioler, ce texte est une formidable occasion pour leur démontrer que le législateur n'est pas frileux lorsqu'il s'agit d'apporter des améliorations à notre République.

C'est également l'occasion de vous prouver mes chers collègues, monsieur le ministre, que nous, députés socialistes, nous serions capables, pour faire avancer la démocratie, de voter un projet de loi présenté par un gouvernement de droite, alors que, au Sénat, la proposition de loi de nos collègues sénateurs n'a pas eu votre approbation, monsieur le ministre, ni le vote des sénateurs de droite. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienMichel Mercier, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés

Nous présentions notre propre texte !

Debut de section - PermalienPhoto de Frédérique Massat

Le texte présenté par les sénateurs socialistes est arrivé bien avant le vôtre, monsieur le ministre, reconnaissez-le !

Debut de section - PermalienPhoto de François de Rugy

Madame la présidente, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, nous sommes cinq en séance, six en comptant le rapporteur. Je ne sais pas si cela démontre l'intérêt que les collègues de la majorité portent à la fonction présidentielle et à sa protection, mais cela pourrait tout de même être considéré comme un indice.

Debut de section - PermalienMichel Mercier, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés

Moi aussi je suis là ! Et n'oubliez pas Mme la présidente !

Debut de section - PermalienPhoto de François de Rugy

Monsieur le ministre, je ne vous comptais pas parmi les collègues parlementaires, mais bien comme le représentant du Gouvernement. Peut-être anticipez-vous déjà votre retour au Parlement, mais je ne me serais pas permis une telle prétention. (Sourires)

Je voudrais faire deux remarques générales avant de parler du texte lui-même. En général, la majorité dit ne pas vouloir protéger le Président de la République, mais la fonction présidentielle. Permettez-moi de trouver amusant que vous vous souciiez, en fin de mandat, de protéger la fonction présidentielle. J'ai tendance à penser, comme beaucoup de Français, que celui qui a le moins protégé la fonction présidentielle depuis bientôt cinq ans, c'est le Président de la République lui-même ! Je pourrais même élargir ce constat aux cinq années précédentes, lorsqu'il n'avait de cesse d'attaquer le Président de la République pour lequel il était censé travailler, Jacques Chirac.

Au-delà du caractère ironique de mes propos, le fait que la fonction présidentielle ait été à ce point attaquée par le comportement même du Président de la République est un vrai problème. Certains ont parlé du comportement personnel du Président de la République ; pour ma part, je retiens surtout la façon dont certaines décisions ont été prises, s'agissant du pouvoir de nomination ou des rapports avec la justice, dont l'actualité nous donne encore un exemple avec un nouvel épisode de l'affaire Courroye.

Ma seconde remarque générale porte sur la question de l'impunité. Je sais que nos collègues de la majorité sont assez sensibles sur ce point. Cela pourrait d'ailleurs constituer un point d'accord avec moi. Je pense qu'il n'y a rien de pire que l'idée selon laquelle certains citoyens de notre pays bénéficieraient d'une sorte d'impunité. L'idée s'est installée dans notre pays que celles et ceux qui enfreignent la loi pourraient bénéficier d'une façon ou d'une autre d'une forme d'impunité. Le fait qu'un crime ou un délit puisse rester impuni est sans doute l'une des pires injustices, et il n'y a rien de mieux pour faire reculer le sentiment d'injustice que de faire reculer l'impunité.

Or, justement, vous proposez d'installer au sommet de l'État, là où l'on devrait montrer l'exemple, une forme d'impunité. En effet, ce projet de loi organique arrive bien tardivement. Il est attendu depuis une proposition de Jacques Chirac, alors Président de la République, en 2002, et il ne nous est soumis qu'en fin de législature. Or, selon de nombreux spécialistes de droit constitutionnel, cette absence d'application d'un article de la Constitution n'entraîne pas seulement l'irresponsabilité, mais l'impunité totale pour le chef de l'État.

Cette forme de sanctuarisation du Président de la République est inacceptable dans une démocratie comme la nôtre. Il est inacceptable que le chef d'un État de droit ne puisse pas répondre devant la justice d'actes antérieurs à sa prise de fonction, ou détachables de l'exercice de sa fonction. Je le dis d'autant plus que le Président de la République actuel n'a eu de cesse, pour des actes qu'il estimait avoir été commis à son encontre pendant l'exercice de son mandat, de porter plainte et de se porter partie civile dans un certain nombre de procès, l'un d'entre eux l'opposant même à l'un de ses collègues ancien Premier ministre, sous l'autorité duquel il avait exercé une fonction très importante de ministre. Dans d'autres affaires beaucoup plus banales, qui n'avaient rien à voir avec la politique, il a tout de même estimé nécessaire – contrairement à ses prédécesseurs – de porter plainte ou de se constituer partie civile.

Je rappelle que, lorsque, en 1974, Valéry Giscard d'Estaing, élu Président de la République, avait été cité par René Dumont, candidat écologiste à l'élection présidentielle, devant le tribunal correctionnel pour délit d'affichage illégal au cours de la campagne, les juges n'avaient pas décliné leur compétence pour juger des faits antérieurs à la prise de fonction du Président de la République. Je ne vois pas pourquoi cette jurisprudence est remise en cause depuis la décision du Conseil constitutionnel de 1999, notamment par la réforme constitutionnelle de 2008.

Les dernières tribulations de Jacques Chirac montrent qu'il est urgent de légiférer pour en finir avec l'irresponsabilité du chef de l'État en matière judiciaire. Ce qui a choqué les Français, dans l'affaire Chirac, c'est non seulement la légèreté des peines prononcées, qui révèle que le système qui a été mis en place n'a pas véritablement été condamné, mais surtout l'extrême lenteur de la justice, qui a jugé cette affaire tant d'années après la commission de ces délits. Bien sûr, cela a servi d'argument à la défense, et le serpent se mord la queue : on commence par retarder le procès, et l'on prétend ensuite qu'il est trop tard pour juger.

La réforme constitutionnelle a donné au chef de l'État l'immunité vis-à-vis de toute juridiction ou autorité administrative, le temps de son mandat. En contrepartie, cette réforme prévoyait une procédure de destitution en cas de manquement à ses devoirs manifestement incompatible avec l'exercice de son mandat. Auparavant, le président n'était responsable des actes accomplis dans l'exercice de ses fonctions qu'en cas de haute trahison. Mais, depuis la réforme constitutionnelle, il ne s'est rien passé, comme si l'on voulait pouvoir exonérer l'actuel chef de l'État de toute poursuite éventuelle. Cette innovation constitutionnelle reste théorique depuis son adoption.

Alors que l'article 67 de la Constitution aménage une irresponsabilité pénale au bénéfice du Président de la République, empêchant toute instruction et toute poursuite pendant la durée de son mandat, l'article 68, qui prévoit la mise en jeu de sa responsabilité politique devant le Parlement, par la voie d'une procédure de destitution, est en effet aujourd'hui inapplicable, faute d'une loi organique.

Cette situation schizophrénique est inscrite profondément dans les gènes de la Ve République, qui a instauré un régime présidentialisé – certains ont même évoqué une « monarchie présidentielle » – qui, en contrepartie de l'élection du Président de la République au suffrage universel, avait tendance à amoindrir ou à effacer les contre-pouvoirs. Il convient néanmoins de noter que le général de Gaulle engageait régulièrement sa responsabilité politique devant les Français entre deux élections présidentielles, par des référendums, des élections législatives, et qu'il en tirait les conséquences. C'est d'ailleurs ce qu'il a fait en 1969, alors que la Constitution ne l'y obligeait nullement. Même par rapport à la pratique initiale, les institutions se sont déséquilibrées encore davantage.

Nous pourrions comparer ce projet de loi organique à la proposition de loi constitutionnelle que nous avons défendue en décembre dernier, dont notre collègue Noël Mamère était le rapporteur au nom des écologistes, et qui visait à réformer la responsabilité civile et le statut pénal du chef de l'État.

Évidemment, il ne faut pas que toute personne puisse poursuivre le chef de l'État à tout moment, sans le moindre filtre. Mais, une fois qu'un filtre est trouvé, les actes antérieurs à la prise de fonction d'un Président de la République doivent pouvoir faire l'objet de poursuites : il ne doit pas y avoir d'impunité.

C'est pourquoi nous voterons contre un projet de loi organique qui, dans son état actuel, présente encore bien des défauts, comme nous avions voté contre la réforme constitutionnelle et comme nous avions dénoncé – nous n'étions pas nombreux à le faire – la décision du Conseil constitutionnel qui, de fait, a créé cette impunité.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Dumont

La discussion générale est close.

La parole est à M. le garde des sceaux.

Debut de section - PermalienMichel Mercier, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés

Permettez-moi de répondre aux orateurs, que je remercie d'avoir pris part à ce débat.

Plusieurs d'entre eux ont considéré que ce texte arrivait bien trop tard et ont demandé pourquoi nous le présentions maintenant, « au dernier moment ». Je rappelle à Mme Massat, à M. Dolez et à M. de Rugy que, comme son nom l'indique, la Constitution de 1958 date de 1958. (Sourires.)

Debut de section - PermalienMichel Mercier, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés

Je le précise, au cas où vous n'en auriez pas pleinement conscience. De 1958 à 2007, vous avez eu aussi l'occasion de réformer l'article 68 de la Constitution : or vous ne l'avez même pas fait à la fin d'un mandat, vous n'avez rien fait.

Debut de section - PermalienMichel Mercier, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés

Pardon, madame Massat, il ne s'agit pas de vous, car vous être très jeune.

Debut de section - PermalienMichel Mercier, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés

Deux autres de vos collègues sont beaucoup moins pardonnables. M. Dolez, redoutant sans doute la Constitution de 1958, s'est même appuyé sur celle de 1793.

Debut de section - PermalienPhoto de François de Rugy

Il n'était pas non plus député à l'époque !

Debut de section - PermalienMichel Mercier, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés

La Constitution de 1793, a-t-il dit, est la meilleure. Mais c'est parce qu'on ne l'a jamais appliquée ! (Sourires.) Si on l'avait appliquée, peut-être ne serions-nous là ni les uns ni les autres.

Tout au long de son intervention, M. Dolez nous a parlé du régime parlementaire, mais toujours pour évoquer le régime d'assemblée.Ce n'est pas tout à fait la même chose. Cette confusion en dit long. Je ne doute pas de la science de M. Dolez, mais, lorsqu'il assimile un régime parlementaire à un régime d'assemblée…

Debut de section - PermalienMichel Mercier, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés

Non, mais tout au long de votre exposé, vous nous avez décrit un pur régime d'assemblée, celui qui a été refusé par les Français en 1946, lors du premier référendum. Le peuple français s'est toujours prononcé pour un régime différent du régime d'assemblée.

Je remercie M. Calméjane d'avoir su situer le débat sur l'équilibre des institutions et la protection de la fonction de Président de la République.

Debut de section - PermalienMichel Mercier, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés

Je remercie également M. Urvoas qui a fait preuve d'une grande honnêteté intellectuelle dans son intervention. Il a, en effet, bien voulu remarquer que le projet de loi organique disait exactement ce qui figure dans la Constitution.

Je le redis à l'Assemblée nationale, le législateur organique est toujours enfermé dans des limites extrêmement strictes : le Conseil constitutionnel est obligatoirement saisi et la loi organique ne peut dire que ce qui figure dans la Constitution et le mettre en application.

Je remercie M. Urvoas d'avoir souligné ce point et M. Calméjane de l'avoir démontré.

Pour l'ensemble de ces raisons, nous pourrons très facilement suivre le texte que le rapporteur a bâti à partir de celui présenté par le Gouvernement.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Dumont

J'appelle maintenant, dans le texte de la commission, les articles du projet de loi organique.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Dumont

Les articles 1er à 3, 3 bis et 4 ne font l'objet d'aucun amendement.

(Les articles 1er à 3, 3 bis et 4, successivement mis aux voix, sont adoptés.)

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Dumont

Je suis saisie d'un amendement n° 2 .

La parole est à M. Jean-Jacques Urvoas pour le soutenir, mais peut-être pourrait-il présenter en même temps l'amendement n° 4  ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Urvoas

Très volontiers, madame la présidente. Tous mes amendements suivent d'ailleurs la même philosophie. Je serai concis, car l'argumentation s'entend d'elle-même.

La notion de « représentant du Président de la République » nous pose problème. Dans la Constitution, à aucun moment il n'est fait état d'une telle notion. Comment cela se pourrait-il, d'ailleurs, dans la mesure où la légitimité du Président de la République lui est conférée par le suffrage universel, c'est-à-dire par la confiance d'une majorité des Français au moment où il s'est présenté ? S'il était amené à être l'objet d'une procédure de destitution, il s'agirait d'une mise en cause intuitu personæ, c'est-à-dire d'une mise en cause d'un individu.

En effet, rappelons que la destitution n'est pas une peine, mais une mesure de protection de la fonction présidentielle risquant d'être abîmée par le comportement de celui qui en est le titulaire momentané.

L'idée de faire représenter le Président de la République nous semble assez bizarre. C'est pourquoi nous suggérons de supprimer, dans l'article 5, les mots « ou son représentant ». En conséquence, ce serait le Président de la République qui serait entendu par la commission dans les conditions qui ont déjà été définies.

Nous proposons de supprimer la notion de représentant, mais, si elle ne l'était pas, nous vous suggérons – et c'est la logique des autres amendements – de la remplacer par celle de « conseil ».

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Urvoas

Avec ce mot, au moins, on sait de quoi l'on parle. Dans le monde judiciaire, la notion de « conseil » est bien délimitée. En outre, elle n'intervient pas seulement dans ce domaine, mais aussi simplement en appui d'une situation donnée. Elle nous paraît de nature à dissiper les ambiguïtés qui pourraient subsister dans la notion de « représentant », qui est novatrice et, à ce titre, suspecte.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Dumont

Quel est l'avis de la commission sur les amendements nos 2 et 4  ?

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Houillon

La commission des lois a émis un avis défavorable sur ces deux amendements.

Monsieur Urvoas, il faut distinguer la représentation et l'assistance : dans le cas de la représentation, une personne prend la place d'une autre ; dans celui de l'assistance, la personne concernée est présente, mais elle est assistée de quelqu'un que vous souhaitez appeler « conseil ».

C'est la commission Avril qui a suggéré que le Président de la République puisse être représenté. La commission constituée, en nombre égal, de vice-présidents de l'Assemblée nationale et du Sénat doit statuer dans un délai certes extrêmement bref, mais pendant lequel un événement peut toujours requérir l'attention du Président de la République et l'empêcher d'être entendu en personne par ladite commission : il doit donc pouvoir se faire représenter pour dire ce qu'il a à dire au cours de l'instruction. C'est la raison pour laquelle nous préférons conserver la notion de représentation.

Dans la pratique – vous l'avez observé –, le Président de la République n'est entendu par la commission que s'il en fait lui-même la demande. Par conséquent, cela ne change pas grand-chose, car, s'il souhaite être entendu, il se rendra lui-même devant la Haute Cour. Néanmoins, laissons-lui la possibilité d'être représenté en cas d'événement imprévisible.

Le texte de la commission des lois prévoit que le Président de la République peut se faire assister par « toute personne de son choix ». Par l'amendement n° 4 , vous proposez que ce soit par un « conseil ». Mais, puisque vous ne définissez pas ce « conseil » en renvoyant, par exemple, à une profession réglementée, il peut s'agir de « toute personne de son choix ». Par conséquent, autant conserver l'expression. Par définition, quelqu'un qui assiste et qui se trouve à côté de la personne considérée, en l'occurrence le Président de la République, exerce une fonction d'assistance, donc de conseil.

Debut de section - PermalienMichel Mercier, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés

Je partage largement l'argumentation développée par M. le rapporteur.

J'ajouterai une remarque sur l'amendement n° 4 . Le mot de « conseil » a une certaine consonance, évoquant une procédure judiciaire. Or cette procédure n'a rien de judiciaire : elle ne juge pas la personne du chef de l'État mais vise à établir si la dignité de la fonction et celle de celui qui l'occupe sont compatibles.

Debut de section - PermalienMichel Mercier, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés

Pour cette raison supplémentaire, je partage l'avis du rapporteur et j'émets un avis défavorable.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Urvoas

Il n'y a pas un abîme entre l'amendement et la position du rapporteur ou du ministre.

Je reviens sur l'amendement n° 2 et la notion de représentant. Le rapporteur l'a dit très justement, si c'est le Président de la République qui est auditionné à sa demande, on ne voit pas pourquoi il se ferait représenter. Le texte de la commission maintient une échappatoire qui paraît superfétatoire. Le législateur organique serait donc bien inspiré d'être assez précis, même si nous espérons tous que ce cas de figure ne se présentera jamais.

(Les amendements nos 2 et 4 , successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)

(L'article 5 est adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Dumont

Je suis saisie d'un amendement n° 3 .

La parole est à M. Jean-Jacques Urvoas, pour le soutenir. Peut-être pourrait-il également présenter l'amendement n° 1  ?

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Houillon

M. Urvoas conviendra qu'il s'agit là d'une question très périphérique. Par l'amendement n° 3 , il propose de remplacer les mots « dans des conditions fixées par le Bureau de la Haute Cour » par les mots « dans les conditions fixées par le Bureau de la Haute Cour ». Mais « des » est un article indéfini et les conditions ne sont pas encore adoptées, puisqu'il faut attendre ce texte pour qu'elles le soient. L'expression « dans les conditions » supposerait qu'elles existent déjà. Par conséquent, maintenons la rédaction de la commission des lois et la formule « dans des conditions », puisqu'elles sont encore à venir. Mais cela n'a qu'une importance très limitée.

La commission est donc défavorable à l'amendement n° 3 ainsi qu'à l'amendement n° 1 , dont nous avons déjà débattu.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Mallot

La rédaction de Jean-Jacques Urvoas est plus précise !

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Dumont

Quel est l'avis du Gouvernement sur ces deux amendements ?

Debut de section - PermalienMichel Mercier, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés

Avis défavorable à l'amendement n° 1 . Nous avons déjà débattu de ces questions.

Sur l'amendement n° 3 , j'étais prêt à faire plaisir à M. Urvoas, mais je ferai encore davantage plaisir au rapporteur en émettant un avis défavorable !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Mallot

Quel sectarisme ! (Sourires.)

(Les amendements nos 3 et 1 , successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)

(L'article 6 est adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Dumont

Nous avons achevé l'examen des articles du projet de loi organique.

Je rappelle que la conférence des présidents a décidé que les explications de vote et le vote, par scrutin public, sur l'ensemble du projet de loi organique, auront lieu le mardi 24 janvier, après les questions au Gouvernement.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Dumont

Prochaine séance, mercredi 18 janvier 2012 à quinze heures :

Questions au Gouvernement ;

Proposition de loi relative à l'exercice des professions de santé par les titulaires d'un diplôme obtenu hors Union européenne ;

Proposition de loi sur l'éthique du sport et le droit des sportifs.

La séance est levée.

(La séance est levée à dix-neuf heures quinze.)

Le Directeur du service du compte rendu de la séance de l'Assemblée nationale,

Nicolas Véron