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Séance en hémicycle du 7 décembre 2011 à 15h00

Résumé de la séance

Les mots clés de cette séance

  • SNCF
  • accident
  • ferroviaire
  • fret
  • indemnisation
  • logement

Sommaire

La séance

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Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Gérard Bapt, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Bapt

Ma question s'adresse à M. le ministre de l'économie et des finances.

Monsieur le ministre, hier a été voté dans cet hémicycle le projet de loi de finances rectificative, deuxième plan de rigueur, conséquence de l'imprévision dont vous et vos prédécesseurs avez fait preuve depuis dix ans dans la gestion des finances publiques. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) En dix ans, la dette publique a augmenté de près de 900 milliards d'euros ; en cinq ans, elle a augmenté de plus 25 points de produit intérieur brut.

Au moins autant que les conséquences de la crise du capitalisme financier pour les trois dernières années, ce sont les baisses d'impôts, réservées aux plus riches des contribuables et aux plus grandes sociétés, notamment celles du CAC 40, qui sont responsables des déficits et de l'emballement de la dette !

Vous avez refusé de revenir sur les néfastes mesures de la loi TEPA : exonération des droits de succession pour les plus gros héritages, défiscalisation des heures supplémentaires alimentant l'explosion du chômage des jeunes comme des seniors, bouclier fiscal encore maintenu jusqu'en 2013 ! Pendant le débat budgétaire, vous avez refusé nos amendements sur la taxation des transactions financières, sur la suppression de la niche Copé, sur la remise en cause du blocage des allocations logement pour les locataires qui ploient sous les charges.

De plus, mesure emblématique, vous avez augmenté la TVA, ce qui va rapporter 1,8 milliard d'euros supplémentaires, alors qu'en juin dernier, il y a à peine six mois, vous allégiez l'impôt sur la fortune de 1,8 milliard d'euros, c'est-à-dire qu'à travers la TVA vous allez faire payer, à l'euro près, aux classes moyennes et aux classes populaires, l'équivalent de la baisse de l'impôt sur les grandes fortunes que vous avez décidée il y a six mois au profit des plus aisés des contribuables !

Ma question est donc simple, monsieur le ministre : à l'occasion du troisième plan de rigueur qui se prépare, allez-vous enfin demander des efforts significatifs aux contribuables les plus aisés, contribuant ainsi à une cohésion sociale qui devrait être impérative en face de la crise et rompant avec la politique d'injustice que vous avez menée ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à Mme Valérie Pécresse, ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'État, porte-parole du Gouvernement. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienValérie Pecresse, ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'état, porte-parole du Gouvernement

Monsieur Bapt, vous le savez, le budget pour 2012 qui a été présenté au Parlement est un budget de réduction des déficits.

Debut de section - PermalienValérie Pecresse, ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'état, porte-parole du Gouvernement

Il s'inscrit dans la voie du désendettement. Et il est prudent puisqu'il prévoit 6 milliards de réserve de précaution, ce qui nous permettrait de faire face à un accident possible de croissance.

Debut de section - PermalienValérie Pecresse, ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'état, porte-parole du Gouvernement

Il n'y aura donc pas de troisième plan de rigueur, monsieur Bapt.

Par ailleurs, dans le budget, l'axe fort du Gouvernement, c'est que les efforts demandés aux Français doivent être équitablement répartis. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Ils sont donc essentiellement demandés, vous le savez bien, aux grands groupes et pas aux PME, aux ménages aisés et pas aux ménages les plus modestes et les plus fragiles. Les minima sociaux sont totalement sanctuarisés : ils évolueront aussi vite que l'inflation, de même que les retraites (« C'est faux ! » sur plusieurs bancs du groupe SRC) parce que, en accélérant la réforme des retraites, nous avons pu protéger les retraités.

Debut de section - PermalienValérie Pecresse, ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'état, porte-parole du Gouvernement

Vous dites que, pour vous, la justice fiscale est une priorité, et c'est bien la nôtre. C'est pourquoi nous taxons plus ceux qui ont plus de patrimoine, ceux qui ont plus de revenus, ceux qui ont plus d'immobilier. Quant à la réforme de l'ISF, vous savez bien qu'elle est financée par les plus hauts patrimoines (Exclamations sur les bancs du groupe SRC), qui paieront pour la suppression de la première tranche de l'ISF.

Oui à la justice, et oui à la compétitivité, qui est le second axe de notre politique fiscale, avec le maintien du crédit impôt recherche et avec la suppression de la taxe professionnelle.

Voilà notre stratégie ! (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes UMP et NC. – Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Philippe Vitel, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Vitel

Monsieur le président, mes chers collègues, ma question s'adresse à M. le ministre de l'économie et des finances.

Monsieur le ministre, après avoir traversé une crise économique et financière sans précédent depuis 1929 et la Grande dépression, les pays européens sont confrontés à la crise des dettes souveraines.

Dans cet environnement globalement tourmenté, le Président de la République a tracé le cap dans un discours prononcé jeudi dernier à Toulon.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Vitel

Et ce discours a immédiatement été traduit en actes lors de la rencontre avec la chancelière allemande, Angela Merkel, lundi. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Des propositions communes ont ainsi été faites pour sortir l'Europe de la crise et elles seront présentées vendredi prochain aux vingt-sept membres de l'Union européenne.

Une fois de plus, le couple franco-allemand a pris ses responsabilités en engageant des initiatives décisives pour sauver la zone euro, alors qu'au même instant certains responsables de l'opposition ne tenaient, eux, que des propos germanophobes (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) totalement improductifs pour la construction de l'avenir de l'Europe.

Ils oubliaient tout simplement que la relation franco-allemande est un héritage commun depuis des décennies, et cela, quelle que soit la couleur politique des dirigeants de nos deux pays. Souvenons-nous : de Gaulle-Adenauer, Giscard-Schmidt, Mitterrand-Kohl, Chirac-Schröder et, maintenant, Sarkozy-Merkel.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Vitel

Monsieur le ministre, pouvez-vous rappeler à la représentation nationale, les grands axes des propositions franco-allemandes à même de sauver la zone euro et de préserver cet acquis précieux, fruit de cinquante ans de construction européenne ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. François Baroin, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Debut de section - PermalienFrançois Baroin, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie

Monsieur le député Vitel, tout d'abord je vous prie d'excuser l'absence du Premier ministre qui est actuellement en déplacement en province.

Vous avez eu raison de souligner l'importance du lien qui existe entre la France et l'Allemagne. Sans donner de conseil à quiconque, je dirai que nous sommes tous, les uns et les autres dans cet hémicycle, coresponsables d'une unité de regard dans la construction européenne au cours de ces cinquante dernières années. C'est l'un des acquis des mandats du Président Mitterrand que d'avoir conforté ce couple franco-allemand. Je pense que chacun entendra le message de la responsabilité en cette période de turbulence qui agite singulièrement la zone euro.

C'est donc bien côte à côte et non pas face à face que la France et l'Allemagne apparaîtront jeudi et vendredi au sommet européen. En effet, la rencontre entre la Chancelière Merkel et le Président Sarkozy a permis des avancées qui apportent des réponses à la problématique des crises à répétition que nous traversons depuis dix-huit mois.

D'abord, sur le plan institutionnel : renforcement de la gouvernance, instauration de rendez-vous mensuels au niveau des chefs d'État et de gouvernement afin de coordonner des ajustements tant que la crise durera et que l'activité économique ne sera pas stabilisée à la hausse et dans la durée.

Debut de section - PermalienFrançois Baroin, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie

Deuxième enseignement, deuxième proposition : intégration plus importante dans une convergence fiscale et budgétaire ; coordination des politiques publiques entre les vingt-sept si possible, entre les dix-sept certainement.

Troisième enseignement, troisième proposition franco-allemande : renforcement des sanctions. C'est souhaité, car on ne peut pas engager la signature des États et se fixer des règles, des bornes, puis ne pas être sanctionné quand on ne les respecte pas. Cette coresponsabilité dans l'application des sanctions sera importante.

Quatrième élément : la Grèce sera un cas spécifique du traitement de la crise. Il n'y aura pas d'implication du secteur privé dans les autres cas de solidarité européenne, ce qui représente une avancée et un message positif adressé aux marchés. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et GDR.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. François de Rugy, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.

Debut de section - PermalienPhoto de François de Rugy

Monsieur le président, mes chers collègues, ma question s'adresse à M. le ministre de l'industrie.

Monsieur le ministre, depuis quelques semaines, notre assemblée est le théâtre d'une véritable campagne d'intoxication (Protestations sur les bancs du groupe UMP), intense et concertée avec Nicolas Sarkozy, sur la question du nucléaire.

Vous multipliez les outrances et les caricatures (Rires et exclamations sur les bancs du groupe UMP.) sur l'accord législatif conclu entre socialistes et écologistes, qui traite en toute transparence de l'avenir énergétique de notre pays. (Vives exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Vous agitez le spectre d'une augmentation des prix, de la perte de compétitivité de notre industrie et du chômage. (Mêmes mouvements.)

Pour en finir avec l'agitation des peurs et des fantasmes, je voudrais vous interroger sereinement sur la réalité constatée.

Vous nous parlez du prix de l'électricité. Oui ou non, le prix de l'électricité d'origine nucléaire – qui a déjà augmenté de 20 % depuis le début de la mandature – va-t-il continuer à augmenter au motif qu'il serait sous-évalué, comme l'a reconnu le Président de la République lui-même ?

Vous nous assurez que la question de la sécurité de nos installations nucléaires ne se pose pas. Oui ou non, la sécurité des installations nucléaires présente-t-elle de graves dysfonctionnements, comme l'a reconnu votre collègue M. Guéant il y a deux jours, à l'occasion du test en situation réelle mené par l'association Greenpeace ?

Debut de section - PermalienPhoto de François de Rugy

Vous nous accusez de mettre en péril l'industrie française et des emplois. Vous avez bien du mal à faire oublier qu'il y a un million de chômeurs de plus depuis 2007. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Mais puisque vous voulez en parler, parlons-en ! Oui ou non, la France a-t-elle perdu 10 000 emplois depuis un an dans le secteur des énergies renouvelables, notamment à cause du moratoire sur l'énergie solaire ?

Oui ou non, êtes-vous prêt à sortir de la guerre de religion pour regarder la réalité en face, celle d'une diversification énergétique au bénéfice de la France ? (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes GDR et SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Éric Besson, ministre chargé de l'industrie, de l'énergie et de l'économie numérique.

Debut de section - PermalienÉric Besson, ministre chargé de l'industrie, de l'énergie et de l'économie numérique

Monsieur le député de Rugy, il y a tant de choses dans votre question que j'imagine que vous me laissez choisir les thèmes sur lesquels je suis supposé vous répondre.

Debut de section - PermalienÉric Besson, ministre chargé de l'industrie, de l'énergie et de l'économie numérique

Sur le thème de l'accord Verts-PS, je vous propose un test simple : essayez de télécharger cet accord en allant successivement sur le site du parti socialiste puis sur celui des Verts. Vous n'allez pas imprimer le même accord ! (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.) Cela en dit long : vous n'êtes même pas capables de donner à télécharger le même document !

Debut de section - PermalienÉric Besson, ministre chargé de l'industrie, de l'énergie et de l'économie numérique

Je vous propose un autre test : écoutez les commentaires de vos deux candidats sur cet accord. D'un côté, Mme Éva Joly dit : il ne me fait pas rêver et il n'est pas vraiment applicable.

Debut de section - PermalienÉric Besson, ministre chargé de l'industrie, de l'énergie et de l'économie numérique

De l'autre côté, François Hollande explique : il engage les états-majors mais pas moi.

Debut de section - PermalienÉric Besson, ministre chargé de l'industrie, de l'énergie et de l'économie numérique

Cet accord prévoit la sortie du nucléaire par étapes jusqu'à l'arrêt des vingt-quatre réacteurs. Alors qu'il était tout d'abord question d'en arrêter huit pendant le premier quinquennat, on nous explique désormais que ce serait peut-être deux, renvoyant d'autres éventuelles fermetures aux deuxième ou troisième quinquennats.

S'agissant du retraitement, on aurait mal compris. Dans un premier temps, vous parliez de reconversion ; maintenant François Hollande nous explique au contraire que la filière est très importante et qu'elle mérite des investissements.

Pardon si j'ai l'air d'ironiser, mais sur des sujets sérieux, il faudrait quand même que vous nous disiez l'exacte vérité. (Protestations sur les bancs du groupe SRC et sur plusieurs bancs du groupe GDR.)

La réalité est simple pour le Gouvernement : efficacité énergétique ; développement des énergies renouvelables et, quoi que vous en disiez, nous sommes en avance sur les objectifs du Grenelle, je tiens les chiffres à votre disposition ; soutien à l'électricité nucléaire qui nous donne notre indépendance énergétique…

Debut de section - PermalienÉric Besson, ministre chargé de l'industrie, de l'énergie et de l'économie numérique

…et un prix de l'électricité 40 % inférieur à celui pratiqué dans la plupart des pays européens. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Jean-Christophe Lagarde, pour le groupe Nouveau Centre.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Christophe Lagarde

Ma question s'adresse à M. le ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration.

Lundi dernier, les opérations commando lancées par Greenpeace afin d'infiltrer différentes centrales nucléaires françaises lui ont permis d'atteindre des zones sensibles et d'y rester pendant plusieurs heures. Ces opérations ont donc mis en évidence de graves failles dans la sécurité des installations en question.

La réaction d'EDF, l'exploitant de ces sites, qui prétend que tout a toujours été sous contrôle, n'est pas acceptable. Les militants ont pu se promener librement pendant quelques minutes dans certaines centrales et plusieurs heures dans d'autres. Quel danger n'aurions-nous pas encouru si ces personnes avaient été plus malintentionnées !

Les intentions de ces intrus, on les connaît : remettre en cause la stratégie de l'industrie nucléaire française, mais ce n'est pas notre sujet. Il ne suffit pas de dénoncer, il faut être capable de remédier à ces failles.

La sécurité des centrales nucléaires françaises est assurée par des pelotons spécialisés de la gendarmerie nationale, financés par EDF.

Vous avez reconnu ces failles et indiqué votre volonté d'y remédier. Je ne doute pas que vous vouliez le faire et que vous soyez à même de commencer à agir en ce sens.

Pour le groupe Nouveau Centre, il faut cependant aller plus loin. Premièrement, même si le règlement de notre assemblée ne nous le permet plus, à nous – je m'adresse donc également à tous les groupes de cette assemblée –, les parlementaires doivent être associés aux travaux d'une commission d'enquête pour déterminer où sont effectivement les failles, sans se reposer sur le seul Gouvernement. Deuxièmement, nous pensons qu'il faut créer un organe de contrôle permanent, sous l'autorité du Parlement, pour permettre un audit annuel de la sécurité publique de nos installations nucléaires. Troisièmement, monsieur le ministre, il faut évidemment qu'une autorité unique, votre ministère, soit responsable de cette sécurité, sans mélange des genres entre les différentes problématiques de la sûreté nucléaire. Enfin, puisque l'on peut s'approcher si facilement de nos centrales, la présence de forces militaires est également nécessaire pour en assurer la sécurité, comme au centre spatial de Kourou, en Guyane. (Applaudissements sur les bancs du groupe NC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Claude Guéant, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration.

Debut de section - PermalienClaude Guéant, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration

Monsieur le député, je veux d'abord faire deux observations.

D'une part, la gendarmerie a bien évidemment fait le choix de ne pas utiliser la force à l'égard des intrus, c'est-à-dire de ne pas mettre leur sécurité en danger.

D'autre part, à aucun moment l'intégrité physique des centrales n'a été menacée. En particulier, personne n'a pu pénétrer sur les lieux de production de l'énergie nucléaire.

Cela étant, il est exact que plusieurs personnes sont entrées à l'intérieur de la centrale de Nogent-sur-Seine, ce qui traduit un dysfonctionnement. Ce n'est pas acceptable,…

Debut de section - PermalienClaude Guéant, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration

…et il nous faut bien sûr tirer toutes les conséquences, toutes les leçons, de ce qui s'est passé.

Dans la journée même de lundi, le Premier ministre a organisé une réunion au cours de laquelle plusieurs décisions ont été prises. La première, c'est de faire en sorte que les mesures de protection passive de l'ensemble de nos centrales nucléaires soient durcies. La deuxième, c'est de revoir la directive nationale de sécurité concernant les installations sensibles, nucléaires et autres que nucléaires. La troisième, c'est de renforcer encore la coordination entre les différents directeurs dans ce domaine.

Ajoutons qu'une enquête interministérielle à laquelle concourent les diverses inspections générales compétentes a immédiatement été ouverte, qui doit permettre de formuler des propositions techniques précises. À cet égard, vos suggestions méritent toute considération. Je note cependant que les suites qui leur seront données dépendent tout autant de l'Assemblée nationale que du Gouvernement. En tout cas, il nous faut bien entendu intervenir tout de suite et c'est ce que nous faisons. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Jean-Pierre Dufau, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Dufau

Ma question s'adresse à Mme la ministre du budget et des comptes publics et porte sur les paradis fiscaux.

Lors de son premier discours de Toulon il y a environ trois ans, le Président de la République affirmait péremptoirement : « les paradis fiscaux, c'est fini ! » Effet d'annonce !

Le 4 novembre dernier, après le sommet du G20, Nicolas Sarkozy fustigeait encore onze États qui figurent toujours sur liste noire et annonçait, tout aussi péremptoire, une liste de vingt-neuf grandes banques systémiques internationales qui seraient soumises à des obligations de transparence et de régulation renforcées. Toujours des annonces !

Chacun sait que ces paradis fiscaux sont le paradis des fraudeurs. Les sommes d'argent colossales qui y transitent sont aussi des fonds spéculatifs qui aggravent lourdement la crise financière.

Les conventions fiscales que la France a signées avec certains de ces États sont loin d'être une panacée et de permettre la transparence et l'efficacité de la lutte contre l'évasion fiscale. Les paradis fiscaux ont malheureusement des beaux jours devant eux.

En effet, vous avez vous-même récemment déclaré, madame la ministre, que, malgré les conventions fiscales, les États concernés ne répondent qu'à 30 % des demandes de renseignements, et encore seulement sur des points mineurs.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Dufau

J'en viens à ma question.

Pouvez-vous, devant la représentation nationale, donner le montant de la fraude liée à ces paradis fiscaux, qui, chaque année, aggrave le déficit de notre pays ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et sur plusieurs bancs du groupe GDR.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à Mme Valérie Pécresse, ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'État, porte-parole du Gouvernement.

Debut de section - PermalienValérie Pecresse, ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'état, porte-parole du Gouvernement

Ce Gouvernement, monsieur le député, a engagé la lutte contre les paradis fiscaux comme jamais aucun autre gouvernement ne l'avait fait. (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Debut de section - PermalienValérie Pecresse, ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'état, porte-parole du Gouvernement

D'abord, nous avons utilisé la contrainte. Nous avons publié une liste des États non coopératifs et nous avons instauré des amendes pour tous les flux financiers à destination de ces États.

Debut de section - PermalienValérie Pecresse, ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'état, porte-parole du Gouvernement

Nous avons demandé et obtenu que l'ensemble des banques françaises s'engagent à ne plus travailler avec eux.

Debut de section - PermalienValérie Pecresse, ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'état, porte-parole du Gouvernement

Oui, elles l'ont fait, monsieur le député.

Tous les flux financiers vers ces États sont lourdement taxés, à un taux qui peut atteindre 50 %.

Que s'est-il donc passé ? Un grand nombre de ces États ont décidé de lever leur secret bancaire et de signer avec la France des conventions d'échange d'informations. Nous avons ainsi conclu plus de trente-cinq conventions d'échange d'informations ! Vous l'admettrez, c'est un immense progrès, puisque cela permet la levée du secret bancaire dans ces pays.

La France fait néanmoins preuve d'une extrême vigilance. C'est pour cette raison que j'ai annoncé et que je vous ai demandé d'adopter, dans le projet de loi de finances pour 2012, le maintien de la juridiction de la police fiscale, cette police spéciale que nous avons créée pour aller contrôler les comptes à l'étranger. Elle poursuivra son action pendant les trois années qui suivent la signature des conventions.

Le délai de prescription passera de trois ans à dix ans pour tous les comptes détenus illégalement à l'étranger.

Je vous annonce, en outre, que le fichier Evafisc des évadés fiscaux, que nous avons créé, contient désormais 95 000 informations qui nous permettent de mener à bien les contrôles. Vous le savez, ceux-ci ont permis de récupérer 16 milliards d'euros l'an dernier ! (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Jean-Pierre Nicolas, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Nicolas

Monsieur le président, mes chers collègues, ma question s'adresse à M. le ministre de l'intérieur.

Sur l'initiative du groupe socialiste Europe Écologie les Verts du Sénat, préfiguration du cartel électoral constitué entre ces deux formations politiques… (Protestations sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Nicolas

…une proposition de loi visant à accorder le droit de vote et l'éligibilité aux élections municipales aux étrangers extracommunautaires sera discutée demain par la Haute Assemblée.

Après le retour dans le programme socialiste des emplois jeunes et du « travailler moins », l'opposition nous ressort une autre vieille marotte. Mais personne n'est dupe. Comme par hasard, cela arrive à quelques mois des élections, pour faire monter l'extrême droite : vieille technique bien connue sous les années Mitterrand ! (Protestations sur les bancs du groupe SRC.)

Mais aujourd'hui, même Jean Pierre Chevènement ne veut pas se laisser instrumentaliser par ce débat, c'est dire !

Pour nous, à l'UMP, c'est clair : pour nous, c'est non ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.) Le droit de vote est attaché à la nationalité et doit le rester. Si des étrangers résidant en France veulent s'impliquer davantage dans la gestion de la communauté nationale, alors ils peuvent faire la démarche de devenir des citoyens français. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Cette proposition du parti socialiste et des Verts ne facilitera pas l'intégration. Elle est surtout démagogique et vise à ramasser des clientèles communautaires. (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Et jusqu'où ira-t-on, puisque le rapporteur de ce texte à l'Assemblée nationale précise dans son rapport qu'il est souhaitable que l'éligibilité vaille également pour les fonctions de maire.

Monsieur le ministre, ma question est simple : Pouvez-vous dire à la représentation nationale et à nos concitoyens quelle est la position du Gouvernement à ce sujet ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP - Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Claude Guéant, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration.

Debut de section - PermalienClaude Guéant, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration

Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, monsieur le député Jean-Pierre Nicolas, la position du Gouvernement est très claire : le Gouvernement est résolument hostile à la proposition de loi qui vise à donner le droit de vote aux étrangers pour les élections municipales. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienClaude Guéant, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration

Il est contre pour des raisons juridiques, des raisons de principes et des raisons pratiques.

Pour des raisons juridiques, d'abord, parce que, dans notre pays, depuis des siècles, la nationalité va avec la citoyenneté : on vote parce que l'on est citoyen et l'on est citoyen parce que l'on est français.

Debut de section - PermalienClaude Guéant, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration

Pour des raisons de principes, ensuite, parce que notre politique est une politique d'intégration. Nous voulons intégrer les étrangers qui vivent en France. C'est pour cela qu'ils ont d'ailleurs la plénitude des droits associatifs et des droits sociaux.

Au terme du parcours d'intégration, s'ils le souhaitent, ils peuvent devenir français, vous l'avez dit. Il nous semble paradoxal de donner une tranche de citoyenneté à quelqu'un qui ne veut pas devenir français.

Pour des raisons pratiques, enfin, parce que la proposition de loi qui est présentée ne propose pas la possibilité de devenir maire, pour un étranger, mais en revanche, celle de devenir conseiller municipal.

Cela signifie que, dans certains conseils municipaux, l'on peut tout à fait trouver une majorité ou une proportion importante d'étrangers. Cela, je le dis, crée un véritable risque de communautarisme. (Rires et exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

En effet, imaginons un débat sur les cantines scolaires : ne risque-t-on pas d'établir des règles contraires au principe de laïcité ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.) Nous risquons également d'avoir un débat sur la fréquentation des piscines : ne risque-t-on pas de fixer des règles d'utilisation des piscines contraires à l'égalité des droits entre les hommes et les femmes ? (Eexclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Oui, nous courons ces risques. C'est pourquoi nous sommes hostiles à cette proposition de loi.

Je l'ai déjà dit, la politique d'immigration du Gouvernement est une politique de maîtrise des flux, afin que les Français se sentent bien avec les personnes qu'ils accueillent chez eux et que les étrangers se sentent bien chez nous.

Un député du groupe SRC. C'est le reflux !

Debut de section - PermalienClaude Guéant, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration

Nous refusons de rendre possibles de nouveaux de clivages et des tensions supplémentaires. Or, le texte proposé ouvre cette perspective. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP. – Protestations sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Michel Vaxès, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Vaxès

Ma question, à laquelle s'associent nos collègues André Gerin et Jacques Valax, s'adresse à M. le ministre de l'industrie.

Thierry Le Hénaff projette de céder gratuitement le pôle vinylique d'Arkema, soit environ 15 % de son chiffre d'affaires représentant plus d'un milliard d'euros, à l'ami de M. Madoff, le gestionnaire de fonds américain Gary Klesch.

Le Français reprendrait à sa charge 470 millions d'euros de dettes et verserait 100 millions d'euros de trésorerie à l'Américain. De l'aveu de M. Le Hénaff, ces largesses ne remettront pas en cause l'excédent brut d'exploitation de son groupe, c'est dire l'excellente santé d'Arkema !

Témoin de la promesse de ce royal cadeau, la bourse de Paris a fait faire mercredi dernier un bond historique de 17 % à l'action d'Arkema.

Côté salariat, cet arrangement n'a pas du tout la même saveur. Contre leur volonté, 1 780 salariés français, aujourd'hui employés d'Arkema, passeraient sous le contrôle de Gary Klesch, évidemment après les élections, puisque l'accord ne sera finalisé qu'au cours du deuxième semestre 2012.

Klesch, dont l'expérience se limite pour l'essentiel au négoce, affiche à son palmarès le rachat en 1998, puis la liquidation en 2000, des chaussures Myrys.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Vaxès

Les salariés ont donc bien raison de se demander comment ce chasseur de primes réussira en chimie, là où le chimiste Arkema dit ne pas pouvoir rendre plus profitable son pôle vinylique.

Monsieur le ministre, votre gouvernement laissera-t-il amputer notre patrimoine industriel et brader onze de nos sites chimiques pour satisfaire aux exigences de spéculateurs, aux dépens de l'intérêt des salariés et de celui de la France ? (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Éric Besson, ministre chargé de l'industrie, de l'énergie et de l'économie numérique.

Debut de section - PermalienÉric Besson, ministre chargé de l'industrie, de l'énergie et de l'économie numérique

Monsieur le député Vaxès, Arkema a en effet annoncé son intention de céder ses activités vinyliques au groupe suisse Klesch.

Ce groupe, qui est spécialisé dans l'aluminium, l'énergie et la chimie, est un grand goupe, puisqu'il emploie 3 000 personnes et réalise un chiffre d'affaires de plus de 3 milliards d'euros. En France, 1780 salariés d'Arkema sont concernés, dont 1000 dans les Bouches-du-Rhône.

Le groupe Klesch, que nous avons reçu au ministère, a pris des engagements extrêmement clairs : les 1780 salariés concernés d'Arkema, que ce soit dans les Bouches-du-Rhône ou dans l'ensemble de la France, seront tous repris par le groupe Klesch.

Le groupe s'est aussi engagé à maintenir à l'identique leurs contrats de travail. Tous les salariés conserveront leur emploi, leur niveau de salaire, leur ancienneté et leurs conditions de travail.

Par ailleurs, le groupe Klesch a répété qu'il s'agissait d'un investissement industriel de long terme, complémentaire des activités du groupe, centrées sur les procédés d'électrolyse. Il a décidé d'investir financièrement pour développer les activités vinyliques en France.

Vous avez raison, monsieur Vaxès, nous serons particulièrement vigilants sur le respect de ces engagements vis-à-vis des investissements comme de l'impact pour l'emploi.

Vous le savez, nous nous battons globalement pour le maintien des activités chimiques en France. C'est d'ailleurs à cela que correspondent la création du comité stratégique de filière, la réforme de la taxe professionnelle ou encore la part qui lui est imputée dans le crédit d'impôt recherche.

Les résultats sont là, monsieur le député :la chimie en France, ce sont 29 000 entreprises, 170 000 emplois directs, 10 % de la valeur ajoutée industrielle et un cinquième des dépôts de brevets industriels.

Nous serons donc vigilants mais je ne pense pas que la situation corresponde au tableau que vous venez de nous décrire. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Joël Regnault, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Joël Regnault

Monsieur le président, mes chers collègues, ma question s'adresse à M. le ministre chargé des affaires européennes.

L'Europe a été une conquête pour les États et encore plus pour les peuples européens. Aujourd'hui, stigmatisée aux yeux de nos concitoyens, elle apparaît comme une charge, un fardeau.

La situation qu'elle traverse rend nécessaire une véritable refondation de sa gouvernance. Nous avons tous vécu au-dessus de nos moyens et il est temps, pour tous les États européens, de revenir à l'équilibre. C'est pourquoi il est urgent et nécessaire de revisiter les traités européens. C'est une étape indispensable qui doit être menée à bien dans les meilleurs délais.

Pour autant, il ne s'agit pas de perdre notre souveraineté…

Debut de section - PermalienPhoto de Joël Regnault

…ni de la transférer, comme veulent le faire croire certains, qu'ils soient socialistes, populistes ou les deux à la fois. (Rires sur les bancs du groupe SRC.) Il s'agit, bien au contraire, de reprendre en main notre destin.

C'est ce que fait en ce moment le chef de l'État, notamment lorsqu'il refuse que les budgets nationaux soient soumis au contrôle de la Cour de justice de l'Union européenne, car c'est ici même, chers collègues, au sein de notre Parlement national, que bat le coeur de notre démocratie.

Être souverain, c'est rester maître chez soi, c'est défendre notre indépendance nationale. Or qui d'autre que l'opposition, toujours prompte à donner des leçons, propose justement la fin de notre indépendance énergétique avec la fin du nucléaire ? Qui d'autre propose la fin de notre indépendance géopolitique avec la fin du veto français à l'ONU ? Qui d'autre fragilise notre souveraineté budgétaire en refusant la règle d'or, que nos amis allemands ont adoptée à l'unanimité ?

Debut de section - PermalienPhoto de Joël Regnault

Pour notre part, nous avons une certaine idée de la France, et « la France ne peut être la France sans la grandeur », comme disait le général de Gaulle, alors que l'opposition n'a pour seule ambition qu'une France au rabais. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Aussi, monsieur le ministre, pouvez-vous rappeler les fondamentaux de la construction européenne et nous assurer que la France continuera de peser par son implication sur la scène européenne ?

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Jean Leonetti, ministre chargé des affaires européennes.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Paul Bacquet

Attention, c'est une question piège ! Il ne faut pas dire de bêtises ! (Sourires sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienJean Leonetti, ministre chargé des affaires européennes

Vous avez raison, monsieur le député, la perte de la souveraineté, c'est la dette. Or une famille, une entreprise ou un État perd sa liberté et sa souveraineté lorsque le créancier frappe à sa porte pour réclamer son dû et qu'il n'y a pas de quoi le payer.

Mais la liberté, c'est aussi respecter la règle qu'on s'est soi-même prescrite. C'est, comme vous l'avez dit, observer la règle d'or, que la majorité soutient et que l'opposition conteste.

La souveraineté, ce n'est pas non plus l'isolement. En Europe, quand nous allons plus loin dans l'intégration, c'est pour être plus forts ensemble, plus libres ensemble. C'est la raison pour laquelle aucune administration, aucune agence, aucun juge ne peut remettre en cause les choix de la France. Comment pourrait-on imaginer que la souveraineté soit en danger, alors que c'est vous qui votez les budgets, alors que c'est vous qui continuerez à les voter et à les contrôler ?

Comment la souveraineté ou la liberté de nos concitoyens pourrait-elle être mise en danger uniquement parce que l'impôt sur les sociétés serait identique en France et en Allemagne ? Comment notre pays pourrait-il perdre sa liberté et sa souveraineté alors que ce sont les chefs d'État et de gouvernement qui décident ?

Monsieur le député, une Europe plus intégrée, cela ne signifie pas une Europe moins souveraine et une France moins souveraine. Certains, à la gauche de l'hémicycle, voudraient démondialiser le monde. D'autres voudraient sortir la France du monde. Nous, nous pensons que la France doit être grande et puissante, dans l'Europe et grâce à l'Europe. Il y a deux façons d'aimer son pays : celle du nationaliste, qui aime son pays et déteste tous les autres ; celle du patriote, qui aime tout simplement son pays. Nous sommes des patriotes et nous serons pour une France forte dans une Europe forte. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Olivier Dussopt, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.

Debut de section - PermalienPhoto de Olivier Dussopt

Madame la ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'État, vous venez, en réponse à Gérard Bapt, d'oser affirmer que la justice sociale était au coeur de la politique du Gouvernement. Tout le monde sait que c'est faux, et les Français d'abord.

La vérité, c'est que vous êtes au pouvoir depuis dix ans, et qu'il vous faut assumer l'explosion de la dette, qui est le fruit de votre politique.

La vérité, c'est que c'est vous qui venez d'augmenter la TVA sur l'eau, sur le logement social, sur les transports (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC), pour réunir 1,8 milliard d'euros alors même que vous avez baissé l'ISF de 1,8 milliard il y a six mois.

La vérité, c'est la Cour des comptes qui nous la dit : vos largesses fiscales sont responsables de 13 à 14 milliards de déficit ces deux dernières années, ce qui correspond à l'effort que vous demandez aujourd'hui aux Français avec vos deux plans d'austérité. (Mêmes mouvements.)

La vérité, mesdames et messieurs les ministres, c'est que vous affaiblissez la France en lui faisant renoncer à son indépendance et en nous mettant à la remorque des initiatives allemandes plutôt qu'en favorisant un partenariat équilibré. (Mêmes mouvements.)

Madame la ministre, si vous ne voulez pas reconnaître cette situation, les Français en ont conscience. Ils savent surtout qu'ils ne peuvent plus vous faire confiance, ni pour la croissance ni pour l'emploi et encore moins pour la justice sociale. Ils savent que même les marchés ne vous croient plus. Ils savent surtout et aussi que, autour de François Hollande, nous leur proposons une autre politique (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) qui associe le sérieux budgétaire, la relance économique, l'emploi et un partenariat européen vraiment équilibré.

Madame la ministre, je ne vous demande même plus de changer de politique : cela fait dix ans que vous persévérez dans l'erreur. Je ne vous pose que deux questions simples.

Debut de section - PermalienPhoto de Olivier Dussopt

Allez-vous enfin reconnaître que les déficits publics ne sont pas le fruit de la crise que nous traversons, mais aussi et surtout le résultat de la politique que vous menez ? Allez-vous changer de politique fiscale, au lieu de taxer une fois par semaine, et chaque semaine avec une nouvelle taxe, les Français qui n'en peuvent plus ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à Mme Valérie Pécresse, ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'État, porte-parole du Gouvernement.

Debut de section - PermalienValérie Pecresse, ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'état, porte-parole du Gouvernement

Monsieur le député, vous avez lu comme moi le rapport de la Cour des comptes sur l'origine des déficits publics de la France : 40 % de nos déficits ont pour origine la crise de 2008-2009.

Plusieurs députés du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. Et le reste ?

Debut de section - PermalienValérie Pecresse, ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'état, porte-parole du Gouvernement

Pour le reste, mesdames et messieurs les députés, 50 % sont liés à l'héritage. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP. – Vives protestations sur les bancs du groupe SRC.)

Plusieurs députés du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. Dix ans ! Dix ans !

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

Maintenant que vous vous êtes exprimés, mes chers collègues, veuillez écouter Mme la ministre.

Debut de section - PermalienValérie Pecresse, ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'état, porte-parole du Gouvernement

Cet héritage, ce sont des déficits structurels pour lesquels la droite et la gauche doivent assumer toutes leurs responsabilités. Dois-je vous rappeler que, sous le gouvernement de Lionel Jospin, quand la croissance était de 3 à 4 %, M. Fabius, au lieu de réduire les déficits, a fait, avec M. Jospin, le choix de réduire les impôts ? À l'époque, grâce aux niches fiscales, quelqu'un qui percevait 1 million d'euros pouvait ne pas payer un euro d'impôt sur le revenu ! (Huées sur les bancs du groupe UMP.) Les niches fiscales, c'est nous qui les avons plafonnées ! Les stock-options, c'est nous qui les avons taxés, de même que les retraites chapeaux et les parachutes dorés ! (Exclamations continues sur les bancs du groupe SRC.)

Nous avons pris vingt-cinq mesures sur les ménages les plus aisés, et jamais, dans notre pays, les filets de protection sociale n'ont été aussi solides. Les dépenses sociales de l'État ont augmenté de 37 % pendant le quinquennat. Nous avons fait le revenu de solidarité active, avec Martin Hirsch, qui n'était pourtant pas UMP, et qui est le bouclier social du quinquennat. Nous avons augmenté le minimum vieillesse. Nous avons accru l'allocation adulte handicapé de 25 %. Voilà la politique sociale de ce Gouvernement !

À l'avenir, oui, nous allons nous désendetter, faire des économies, réduire les déficits. Mais vous, qu'est-ce que vous allez faire ? (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC. – Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Claude Birraux, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Birraux

Ma question s'adresse à M. le ministre chargé de l'industrie, de l'énergie et de l'économie numérique.

La semaine dernière, deux membres de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques ont fait, avec les inspecteurs de l'Autorité de sûreté nucléaire, l'ASN, deux descentes inopinées dans les centrales de Paluel et du Blayais. Investis par les présidents des deux assemblées, et prenant à coeur notre mission, nous avons voulu voir de nos yeux comment le retour d'expérience de Fukushima était appliqué sur le plan technique et scientifique. Nous avons exercé notre mission avec responsabilité, sérieux, respectueux des institutions et des travailleurs, et investis de l'autorité que confère l'élection. Pour ma part, j'ai participé à l'inspection de Paluel de dix-neuf heures trente-cinq à deux heures du matin.

Lundi matin, des trublions, irresponsables, sont entrés par effraction dans la centrale de Nogent, contre-feu spectaculaire et dérisoire à l'action technique, raisonnée et scientifique des élus.

Monsieur le ministre, quelles leçons en tirez-vous ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Éric Besson, ministre chargé de l'industrie, de l'énergie et de l'économie numérique.

Debut de section - PermalienÉric Besson, ministre chargé de l'industrie, de l'énergie et de l'économie numérique

Monsieur le député, votre question concerne deux domaines différents : celui de la sûreté nucléaire, d'une part, celui de la sécurité nucléaire, d'autre part.

Dans le domaine de la sûreté, je veux saluer le travail de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques. Vous avez participé vous-même, la semaine dernière, à des inspections inopinées menées par l'ASN. Ces inspections du gendarme de la sûreté nucléaire sont utiles et nécessaires pour la sûreté. L'ASN a d'ores et déjà publié sur son site Internet, dans la plus totale transparence, les conclusions qu'elle a tirées de celle du site de Paluel et les demandes qu'elle a faites à EDF. C'est cela que le Gouvernement considère être la bonne façon de traiter le nucléaire, avec une exigence absolue en matière de sûreté et de transparence, dans une démarche d'amélioration constante, sous le contrôle d'une autorité indépendante.

Les actions menées ce lundi par Greenpeace touchent la question de la sécurité. Ces actions, qui ont été coordonnées au niveau national, ont mis en danger des personnes et des sites, et elles sont, le Président de la République l'a dit d'entrée, parfaitement irresponsables.

Pour autant, elles nous ont permis de constater un dysfonctionnement.

Debut de section - PermalienÉric Besson, ministre chargé de l'industrie, de l'énergie et de l'économie numérique

La plupart des sites visés ont bien résisté aux tentatives d'intrusion, mais une intrusion a pu être réalisée sur un site, celui de Nogent-sur-Seine. Comme l'a indiqué voilà un instant Claude Guéant, ministre de l'intérieur, nous avons demandé une enquête approfondie concernant cette intrusion. Nous en tirerons les leçons opérationnelles. Après un audit des dispositifs anti-intrusion des sites concernés, des modifications pourront être apportées à notre doctrine de défense, et la directive nationale de sécurité relative au nucléaire sera renforcée.

La volonté du Premier ministre, comme l'a souligné le ministre de l'intérieur, est de tirer toutes les leçons de l'action irresponsable qui a été menée lundi matin. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Serge Blisko, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.

Debut de section - PermalienPhoto de Serge Blisko

Ma question s'adresse à M. le garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés.

Un réduit de douze mètres carrés où s'entassent six personnes au milieu des rats et des cafards, et que l'on inonde régulièrement pour lutter contre la température excessive ; des matelas posés à même le sol ; des ventilateurs hors d'état de marche ; des conduites d'arrivée d'eau des WC détournées pour servir de douche à proximité d'installations électriques aux nombreux fils dénudés ; de nombreux lavabos privés de système d'évacuation d'eau ; les égouts qui refluent… Monsieur le garde des sceaux, je viens de vous décrire l'état insalubre des cellules du centre pénitentiaire de Nouméa, en Nouvelle-Calédonie, qui « accueille » 438 personnes, pour un nombre théorique de 218 places.

La situation est si dramatique et dangereuse que le contrôleur général des lieux de privation de liberté a décidé de dénoncer ce scandale par la publication de ses recommandations au Journal officiel d'hier. C'est une procédure rare qui démontre l'urgence à agir face à la situation indigne et à la grave atteinte aux droits de l'Homme que subissent les détenus dans cet établissement.

Le programme des 13 200 places nouvelles de prison est en cours d'achèvement. Le Président de la République en a annoncé 30 000 supplémentaires. Avons-nous besoin de ces places, alors que la situation intolérable en Nouvelle-Calédonie met en danger la vie de chaque personne au quotidien ? Aucun programme ne semble prévu pour raser et reconstruire aux normes l'établissement pénitentiaire de Nouméa avant l'horizon 2016.

Je n'ose croire que des citoyens français vivant en Nouvelle-Calédonie, loin de la métropole, puissent être traités de manière contraire à toutes les conventions internationales et aux règles pénitentiaires européennes et françaises.

Face à cette situation intolérable et scandaleuse, monsieur le garde des sceaux, il y a urgence à agir. Donnez-nous un calendrier précis des travaux de reconstruction de ce centre pénitentiaire ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et sur quelques bancs du groupe GDR.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à Mme Valérie Pécresse, ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'État, porte-parole du Gouvernement.

Debut de section - PermalienValérie Pecresse, ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'état, porte-parole du Gouvernement

Monsieur Blisko, je vous prie d'excuser le garde des sceaux, Michel Mercier, qui est retenu au Sénat et qui ne peut donc vous répondre lui-même.

Le Gouvernement est totalement mobilisé (« Ah ! » sur les bancs du groupe SRC) pour résoudre la question du centre pénitentiaire de Nouméa, qui est effectivement surpeuplé et vétuste. Le Président de la République, lors de son déplacement en Nouvelle-Calédonie, en août dernier, a annoncé la construction d'un centre pénitentiaire neuf de 500 places à Nouméa.

Debut de section - PermalienValérie Pecresse, ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'état, porte-parole du Gouvernement

Le commissaire de la République est en charge de trouver les emprises nécessaires pour ce nouveau centre – trois sites ont été présélectionnés. La décision définitive de la localisation de ce nouveau centre pénitentiaire sera prise début 2012.

Évidemment, sans attendre la construction de ce nouveau centre, nous avons déjà agi. Depuis 2001, près de 10 millions d'euros ont d'ores et déjà été investis pour améliorer les choses. Vous le savez, un centre de détention spécifique neuf a été construit pour les mineurs. Par ailleurs, une extension de trente-deux places a été aménagée pour lutter contre la surpopulation et nous avons mené toute une série d'opérations de sécurisation, notamment vis-à-vis des risques incendie.

Monsieur le député, il est évident que nous devons désengorger très rapidement cette nouvelle prison. C'est pour cela que le garde des sceaux vient d'annoncer qu'à côté de la prison actuelle, un centre pour peines aménagées de quatre-vingts places sera installé très rapidement pour permettre à ceux qui sont en fin de peine d'effectuer celle-ci en dehors du centre pénitentiaire de Nouméa.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à Mme Laure de La Raudière, pour le groupe de l'Union pour un mouvement. populaire

Debut de section - PermalienPhoto de Laure de La Raudière

Ma question s'adresse à M. le ministre chargé de l'industrie, de l'énergie et de l'économie numérique.

Sous l'impulsion du Président de la République, la France organise, cette semaine, les Journées du numérique. Lundi, le Premier ministre a annoncé le lancement du site data. gouv. fr, de l'Open data français, avec la mise en ligne de 350 000 données publiques, ce qui conduira à davantage de transparence et de démocratie et permettra le développement de services nouveaux pour les Français. Mardi, le Président de la République inaugurait le nouveau centre de recherche Google à Paris. C'est une chance pour le développement des entreprises innovantes françaises de ce secteur. C'est aussi la preuve que notre politique d'incitation à la recherche et à l'innovation est une des plus attrayantes en Europe. Mercredi, jeudi et vendredi, ce sont plus d'un millier de fondateurs de start-up Internet, de leaders d'opinion, d'entrepreneurs, d'investisseurs, de journalistes et de blogueurs du monde entier qui se réuniront à Paris à l'occasion de la manifestation LeWeb 2011.

Grâce à l'action du Président de la République, la France est entrée pleinement dans l'ère du numérique. Chers collègues, ce sont des enjeux en matière de croissance et d'emplois. Ce sont aussi des enjeux sociétaux majeurs : l'homme connecté redessine la société. C'est une transformation en profondeur de celle-ci qui s'opère.

Face à l'ampleur que cette révolution va occasionner dans nos vies, nous ne pouvons que regretter l'absence des ténors socialistes sur ces sujets, (Protestations sur les bancs du groupe SRC) qui n'ont pas jugé nécessaire d'aborder la question du numérique lors des débats des primaires à la télévision ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Cet archaïsme s'oppose à la vision résolument ambitieuse que nous avons de l'utilisation des nouvelles technologies.

Monsieur le ministre, pouvez-vous nous dire, quelles seront les prochaines étapes de la stratégie de la France pour le numérique ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et sur quelques bancs du groupe NC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Éric Besson, ministre chargé de l'industrie, de l'énergie et de l'économie numérique.

Debut de section - PermalienÉric Besson, ministre chargé de l'industrie, de l'énergie et de l'économie numérique

Madame la députée Laure de la Raudière, je suis heureux de vous répondre sur des questions que vous connaissez parfaitement bien. Vous le savez, nous avons adopté le plan France numérique 2012 en octobre 2008. Le bilan a été récemment publié. Vous avez pu constater que 95 % des actions que nous avons décidées ont été mises en place. J'en rappelle certains éléments : 100 % des Français ont désormais accès à l'Internet haut débit par l'ADSL ou par le satellite.

Plusieurs députés du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. C'est faux !

Debut de section - PermalienÉric Besson, ministre chargé de l'industrie, de l'énergie et de l'économie numérique

De même, 100 % des Français sont passés, grâce à la TNT, de quatre ou cinq chaînes analogiques à dix-neuf chaînes gratuites en qualité numérique pour l'image et le son. Une partie des fréquences dégagées – ce que l'on appelle le dividende numérique – a été affectée au très haut débit mobile. La France sera, dès l'an prochain, l'un des premiers pays d'Europe à lancer la téléphonie mobile de quatrième génération. Par ailleurs, 4,5 milliards d'euros des investissements d'avenir ont été mobilisés pour financer notre économie numérique. Je rappelle, pour prendre un dernier exemple, que 76 % de nos procédures administratives sont, aujourd'hui, dématérialisées – accessibles en ligne – contre 30 % en 2007.

Avec France numérique 2020, nous avons fixé plusieurs objectifs. J'en citerai trois : 100 % des Français doivent être raccordés au très haut débit fixe et mobile, 100 % de nos entreprises – et particulièrement les TPE et les PME – doivent être actives sur Internet et 100 % des démarches administratives doivent être disponibles sur Internet, entraînant la suppression progressive des procédures « papier ».

Vous le constatez, les deux ambitions de ces orientations France numérique 2020 sont, d'abord, le passage du haut au très haut débit mobile et, ensuite, la numérisation totale de notre économie au bénéfice de la vie quotidienne de nos concitoyens, au bénéfice de la croissance, de la compétitivité et de l'emploi. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et sur quelques bancs du groupe NC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Guy Delcourt, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Delcourt

Ma question s'adresse à M. Claude Guéant, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration.

Les Français s'interrogent, monsieur le ministre : « Que fait le ministre de l'intérieur ? Où est le ministre de l'intérieur ? » (Protestations sur les bancs du groupe UMP.) Il distribue les PV de la police à la presse, il scrute les bois, il abonde la presse people de rumeurs nauséabondes. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Il instrumentalise le parquet, la police. Il fouille dans la vie privée des journalistes, de leur famille, de leurs enfants. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC. – Protestations sur les bancs du groupe UMP.) Il écoute les conversations téléphoniques.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Delcourt

Non seulement, il porte la parole du Front national, mais il en applique les théories ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) J'en veux pour preuve la réponse à M. Nicolas.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Delcourt

Les policiers et les gendarmes sont en détresse, au bout du rouleau.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Delcourt

Ce ne sont plus des gardiens de la paix que veut le ministre, mais des agents des forces spéciales comme dans les pays totalitaires ! (Vives protestations sur les bancs du groupe UMP.)

Le ministre de l'intérieur affaiblit l'image des valeurs de la France. Il livre aux nationalistes les étudiants étrangers. Les Français n'ont plus de ministre de l'intérieur. Comme en 2007, ils ont à la tête du ministère chargé de leur sécurité, le directeur de la campagne du candidat Sarkozy ! (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)

Allez-vous, enfin, monsieur le ministre, assurer les charges du ministère de l'intérieur de la France ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC. – Huées sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Claude Guéant, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration.

Debut de section - PermalienClaude Guéant, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration

mi nistre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration. Monsieur le député Guy Delcourt, vous faisiez allusion à une interview que j'ai donnée récemment. J'aurais préféré ne pas être interrogé sur la question d'un contrôle qui aurait touché M. Strauss-Kahn en 2006. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Franck Gilard

Vous saviez, à gauche, que DSK était malade !

Debut de section - PermalienClaude Guéant, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration

J'en ai d'ailleurs donné la raison au cours de l'interview : je considère, en effet, qu'il est temps que la France tourne la page de ce trop long feuilleton. Notre pays mérite d'autres débats.(Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Cela dit, on m'a posé une question à laquelle j'ai répondu en disant la vérité, à savoir qu'il était vrai que j'avais entendu parler de cette affaire et que celle-ci n'avait pas donné lieu à une procédure. Voilà tout ! Voulez-vous que je dise des mensonges ? Voulez-vous que je dissimule la vérité lorsque l'on me pose une question ? Telle n'est pas ma conception des choses. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Je vous rappelle que c'est un article de presse qui avait fait allusion à cette question voilà plusieurs mois déjà. Il avait d'ailleurs été relayé par certains responsables…

Debut de section - PermalienClaude Guéant, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration

…du parti socialiste qui s'intéressaient à la question.

Puisque vous mettez en cause l'efficacité du Gouvernement, je suis bien obligé de vous répondre, une fois de plus – puisque je le dis à peu près toutes les semaines – que, depuis 2002, la délinquance a reculé dans notre pays de 17 % (Exclamations sur les bancs du groupe SRC), qu'elle recule tous les ans. Le taux d'élucidation des affaires a crû, pendant cette période, de 40 %. On retrouve, aujourd'hui, les auteurs de 37 % des crimes et délits commis, grâce notamment aux progrès de la police technique et scientifique et, singulièrement, au Fichier national automatisé des empreintes génétiques contre lequel l'opposition n'a cessé de mener un combat acharné ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.) Tout le monde se souvient des débats qui ont eu lieu dans cette Assemblée à ce propos !

Debut de section - PermalienClaude Guéant, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration

Alors, assez de leçons, monsieur Delcourt ! Dire la vérité, ce n'est pas, pour reprendre une expression utilisée sur vos bancs, faire les poubelles ! Intéressez-vous plutôt au point de savoir qui les remplit ! (« Bravo ! » et applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Jean-Pierre Decool, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Decool

Ma question s'adresse à M. Xavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé.

Monsieur le ministre, l'affaire de l'amiante est un véritable drame sanitaire, comme en attestent les 3 000 décès par an, mais aussi les estimations de 100 000 morts d'ici à 2025.

Les victimes, je les côtoie. La souffrance n'a pas vocation à être un sujet de gauche ou de droite. Celle qui est vécue par les familles de victimes de l'amiante ne doit donc faire l'objet d'aucune récupération partisane.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Decool

Je tiens à appeler votre attention sur l'arrêt rendu, le 27 octobre dernier, par la cour d'appel de Douai, qui ordonne aux victimes de l'amiante de rembourser une partie des indemnités perçues, à la suite du pourvoi en cassation du Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante, le FIVA.

Plusieurs députés du groupe GDR. C'est scandaleux !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Decool

D'une part, cet arrêt prévoit la fin de la « linéarité » dans le calcul des rentes des victimes de l'amiante, considérées comme des accidentés du travail, et oblige à calculer ces rentes selon le modèle de l'assurance maladie, moins généreux. D'autre part, la somme perçue de l'assurance maladie devra désormais être déduite de l'indemnisation accordée par le FIVA.

Environ 300 victimes de l'amiante pourraient être concernées par cette décision de justice, pour des remboursements de sommes comprises entre 5 000 et 15 000 euros, alors qu'elles sont bien souvent dans l'incapacité de le faire, ces versements étant considérés comme acquis.

Les familles de victimes de l'amiante sont indignées et désemparées par cette décision de la cour d'appel de Douai, et nous pouvons les comprendre.

Je ne doute pas, monsieur le ministre, de votre volonté de faire progresser le dossier.

Face à cette situation très problématique, pouvez-vous indiquer devant la représentation nationale les moyens et les intentions du Gouvernement pour trouver une solution aux conséquences désastreuses que pourrait avoir une telle décision de justice pour les victimes de l'amiante concernées et leurs familles ? (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC et sur de nombreux bancs des groupes SRC et GDR.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Xavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé.

Debut de section - PermalienXavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé

Il est des sujets difficiles à traiter, monsieur le député. Celui-ci l'est particulièrement. Vous avez d'ailleurs été nombreux sur tous ces bancs à me saisir – certains ont même demandé à être reçus au ministère, ils le seront dans les jours qui viennent. Normalement, je devrais vous répondre qu'il y a autorité de la chose jugée et qu'un ministre n'a pas à s'immiscer dans une décision de justice. Ce n'est pas la réponse que je ferai car ce sujet aussi particulier appelle des mesures particulières. (« Très bien ! » sur plusieurs bancs.)

J'ai donc écrit à Mme Favre, la présidente du FIVA, instance dans laquelle sont représentés les partenaires sociaux, notamment les associations de victimes, pour demander que toutes les situations soient examinées au cas par cas.

Debut de section - PermalienXavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé

Certains parlent d'étalement. Il y a peut-être aussi d'autres mesures à prendre.

Le problème est que si la décision en question a été prise par la cour d'appel en application directe d'une décision de la Cour de cassation, le FIVA – les recours n'étant pas suspensifs – a versé les sommes aux personnes concernées. Des associations locales avaient bien attiré l'attention des victimes de l'amiante sur le fait que la décision n'était pas définitive et qu'il valait mieux attendre pour toucher les sommes. Mais des personnes particulièrement démunies les ont tout de même touchées. Peut-on le leur reprocher ? Je n'en suis pas sûr.

Voilà pourquoi, même si, je le sais, je ne suis pas dans mon rôle et j'outrepasse certainement mes fonctions, j'ai demandé à Mme Favre de reprendre l'ensemble des dossiers de façon à étudier les mesures les plus adaptées. La justice, évidemment, a été rendue, mais on ne peut faire comme si c'était un sujet comme les autres. Je suis prêt à en parler avec l'ensemble des parlementaires concernés. Je souhaite que Mme Favre, présidente du FIVA, qui est aussi présidente de chambre à la Cour de cassation et qui connaît ces sujets, puisse agir : pour lui faciliter les choses, je prends mes responsabilités en lui donnant cette possibilité. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC et sur de nombreux bancs des groupes SRC et GDR.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Patrick Bloche, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Bloche

Ma question s'adresse à M. le ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration.

Dix ans que vous êtes au pouvoir ! Dix ans que vous êtes devenus les champions, toutes catégories, de l'insécurité : insécurité publique, mais aussi insécurité économique, insécurité sociale, insécurité démocratique.

Dans ce dernier domaine, vous n'avez eu de cesse de vous attaquer à tous les contre-pouvoirs, notamment aux médias. Le plongeon vertigineux de la France, qui est passée en dix ans de la onzième à la quarante-quatrième place au classement mondial des pays respectant la liberté d'information, en témoigne mieux que tout discours.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Bloche

Depuis l'affaire dite des fadettes, nous sommes entrés, et pas par effraction, dans une tout autre dimension. La Cour de Cassation vient de confirmer qu'un Procureur de la République a délibérément violé la loi sur la protection du secret des sources des journalistes pour protéger le pouvoir en place.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Bloche

Compromission d'un Procureur de la République, compromission du patron de la direction centrale du renseignement intérieur, mobilisation des services de police pour espionner des journalistes : les actes qui nous sont révélés sont d'une exceptionnelle gravité.

Monsieur Guéant, vous étiez à l'époque secrétaire général de l'Élysée et, à ce titre, avec M. Hortefeux, donneur d'ordres. Aujourd'hui, devenu ministre de l'intérieur, vous tentez d'étouffer ce qui est devenu une affaire d'État. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Quand allez-vous enfin avoir le courage politique de vous expliquer et, surtout, d'assumer vos responsabilités ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à Mme Valérie Pécresse, ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'État, porte-parole du Gouvernement. (Vives exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienValérie Pecresse, ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'état, porte-parole du Gouvernement

Il faut éviter le mélange des genres, monsieur Patrick Bloche. Vous êtes député, ne vous prenez pas pour un procureur ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Il y a un principe fondamental dans la République, un principe constitutionnel, celui de la séparation des pouvoirs. Tous les faits que vous évoquez font l'objet de procédures judiciaires. N'attendez donc pas du Gouvernement, qui respecte l'indépendance de la justice et la séparation des pouvoirs, qu'il commente des procédures judiciaires. (« Bravo ! » sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

"Fadettes"

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures, est reprise à seize heures quinze.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

L'ordre du jour appelle les explications de vote communes au nom des groupes et les votes par scrutin public sur les propositions de loi organique et ordinaire de M. François de Rugy et de plusieurs de ses collègues relatives à la transparence de la vie publique et à la prévention des conflits d'intérêts (nos 3838, 3866).

Jeudi dernier, le Gouvernement a demandé à l'Assemblée nationale de se prononcer par un seul vote sur les articles, à l'exclusion de tout amendement, et sur l'ensemble de chacune de ces deux propositions de loi.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

Dans les explications de vote communes, la parole est à M. François de Rugy, pour le groupe GDR.

Debut de section - PermalienPhoto de François de Rugy

Monsieur le président, monsieur le ministre chargé des relations avec le Parlement, chers collègues – je n'ose dire nombreux collègues ! –, je ne reviendrai pas sur les différentes avancées que nous proposons dans ces textes en matière de transparence de la situation financière des élus et de prévention des conflits d'intérêts. Nous en avons longuement discuté jeudi dernier dans cet hémicycle, et les arguments échangés ont permis de démontrer que ces questions sont bien au coeur des préoccupations de nos concitoyens.

Je regretterai cependant une fois de plus la procédure décidément bien singulière qui permet au Gouvernement de reléguer les propositions de loi de l'opposition dans une sorte de huis clos parlementaire, le débat se déroulant dans un hémicycle d'autant plus vide que la certitude est absolue de voir la discussion muselée par une réserve générale qui empêche le moindre vote sur les articles et les amendements.

Nous aurions pourtant pu intégrer les propositions de nos collègues socialistes – Jean-Michel Clément en parlera sans doute après moi – ou même celles du député UMP Lionel Tardy, qui a défendu plusieurs amendements allant dans le même sens que nous.

Alors que nos concitoyens sont exaspérés par la succession des affaires touchant le sommet de l'État, affaire Woerth et autres, en total décalage avec la promesse d'une République irréprochable, il est incompréhensible que ces textes aient été discutés devant une demi-douzaine de députés.

Debut de section - PermalienPhoto de François de Rugy

Voilà qui en dit long sur le décalage que notre pratique parlementaire engendre avec une opinion publique qui veut la transparence.

J'ai reçu tout à l'heure les responsables d'un réseau citoyen, Avaaz, qui a réuni en moins de vingt-quatre heures plus de 65 000 signatures de citoyennes et citoyens nous appelant à ratifier cette proposition. Je vous rappelle aussi que 72 % des personnes interrogées dans un récent sondage considèrent que les élus sont corrompus, chiffre jamais atteint, et d'autant plus inacceptable que nous savons qu'il ne correspond pas à la réalité. Nous ne pouvons pas rester passifs face aux détournements de la loi, celle sur le financement des partis, par exemple, qui nourrissent ce sentiment.

Je vous invite donc, mes chers collègues, à apporter par votre vote une première réponse, en vous engageant résolument sur la voie de la transparence par l'obligation de déclaration de patrimoine et d'intérêts, car c'est l'opacité qui nourrit le soupçon souvent infondé de conflit d'intérêts.

Je vous demande de mettre fin au détournement des règles de financement des partis politiques, qui, de micro-partis en affiliations douteuses à des formations d'outre-mer qui n'avaient pas été prévues pour cela, jette le discrédit sur l'ensemble de notre vie politique. Le ministre, M. Sauvadet, a tenté, au cours de la discussion, de mettre les rieurs de son côté et a voulu minimiser la multiplication des micro-partis en disant : « Il y a plus de 275 micro-partis, mais la France, c'est le pays des 300 fromages. » Je ne suis pas sûr que l'image des fromages soit la mieux choisie pour parler de ce problème ! Si nous avons 300 fromages, tant mieux pour notre gastronomie, mais il y a une seule République, et cette République qui est notre bien commun se trouve salie et abîmée par de telles pratiques.

Notre proposition de loi vise à ce que les sanctions applicables aux élus qui ne respectent pas leurs obligations soient véritablement dissuasives. J'ai entendu au cours de la discussion, de la part de notre collègue Claude Bodin, de l'UMP, des appels à l'autodiscipline qui m'ont paru bien décalés et peu en phase avec ce que vous appliquez, chers collègues de la majorité, à monsieur et madame tout le monde au quotidien ; je pense notamment aux infractions au code de la route.

J'ai moi-même fait l'expérience de la transparence totale, sur les revenus liés à l'exercice du mandat, les moyens de fonctionnement, le budget pour les collaborateurs, et même la réserve parlementaire, une vieille tradition de notre assemblée, que nous ne proposons d'ailleurs pas de supprimer mais dont nous demandons qu'elle soit égalitaire et transparente. Loin de susciter des questions gênantes ou de nouvelles suspicions, j'ai mesuré chaque jour sur le terrain, comme d'autres collègues qui ont fait de même, à quel point nos concitoyens approuvent cela, bien au-delà de leurs jugements sur nos positions politiques par ailleurs. Au-delà du clivage gauche-droite, je crois que nous aurions pu agir.

Je remercie les députés socialistes de leur soutien. Aujourd'hui, mesdames et messieurs de la majorité, nous avons l'occasion de faire ensemble un pas en avant en adoptant ce texte de transparence. C'est ce que je vous appelle à faire, au nom de mes collègues écologistes. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Claude Leteurtre, pour le groupe Nouveau centre.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Leteurtre

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les propositions de loi soumises au débat de ce jour visent à améliorer l'efficacité du dispositif législatif en vigueur en matière de transparence financière, de manière à rétablir la confiance entre les citoyens et leurs représentants.

À première vue, les intentions de leurs auteurs sont louables, et les députés du groupe Nouveau centre partagent ces exigences de transparence et d'encadrement du financement de la vie publique ; nous avions notamment défendu, lors de l'examen du « paquet électoral », l'instauration d'une peine de deux ans d'emprisonnement pour les parlementaires fournissant sciemment une déclaration de patrimoine mensongère. Mais c'est bien là le seul point d'accord que nous avons avec nos collègues, qui ne se sont jusqu'à présent associés à aucune loi visant à améliorer la transparence.

Les députés du groupe Nouveau centre souhaitent faire part de leur incompréhension quant aux différentes mesures proposées.

Tout d'abord, il convient de le souligner, un important mouvement législatif s'est mis en place, depuis plusieurs années, dans le sens d'une plus grande moralisation de la vie politique et de l'encadrement de son financement. Par exemple, la loi anti corruption du 13 novembre 2007 a permis de mettre en conformité le dispositif national de lutte contre la corruption avec les engagements internationaux souscrits par la France. Plus récemment, deux lois du 14 avril 2011, l'une relative à l'élection des députés et sénateurs, l'autre à la transparence financière de la vie politique, nous ont donné une fois de plus l'occasion de débattre de cette question. Ces lois ont permis de renforcer le rôle de la commission pour la transparence financière et de créer pour les élus une nouvelle incrimination : la déclaration mensongère de patrimoine.

Par ailleurs, c'est bien le Président de la République qui a décidé de confier à M. Jean-Marc Sauvé, vice-président du Conseil d'État, la responsabilité d'une commission de réflexion pour la prévention des conflits d'intérêts dans la vie publique. Il aurait été bienvenu de prendre en compte les conclusions de cette commission, notamment celle qui propose de regrouper toutes les instances chargées de la transparence dans le domaine public, alors qu'il nous est proposé ici de créer une autorité administrative supplémentaire.

Au regard de ces nombreuses initiatives, il aurait été plus judicieux que nos collègues du groupe GDR prennent part à ce mouvement en faveur de la transparence financière, mais ils ont toujours voté contre.

Enfin, en proposant des mesures telles que la publication de la réserve parlementaire, en renforçant toujours davantage la transparence du financement de la vie politique et de la situation patrimoniale des élus, le risque est bien d'obtenir l'inverse du résultat escompté, en alimentant la défiance et la suspicion, qui ne font que séparer toujours plus la classe politique de nos concitoyens. Car ceux d'entre eux qui considèrent que les élus ne rendent pas assez de comptes, ceux-là mêmes qui considèrent que nous n'avons aucune éthique, penseront toujours que nous n'en faisons pas assez.

Certes, la sphère publique doit s'attacher à démontrer son exemplarité, mais elle ne peut accepter de se soumettre sans limites à des exigences populistes qui, à terme, ne feront que nourrir le voyeurisme et l'antiparlementarisme. Pour ces raisons, le groupe Nouveau centre ne participera pas au vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

Le scrutin public sur l'ensemble de la proposition de loi organique et l'ensemble de la proposition de loi ordinaire est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.

La parole est à M. Claude Bodin, pour le groupe UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Bodin

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, comme nous avons eu l'occasion de le dire lors du débat qui s'est tenu dans cet hémicycle la semaine dernière, la transparence de la vie politique est chose parfaitement louable. Cependant, elle ne saurait être une fin en soi ; c'est une pratique quotidienne et personnelle des élus au service de la démocratie. Celle-ci ne doit pas être entravée par l'accumulation de dispositifs ayant pour finalité une transparence absolue qui ne peut exister ou ne pourrait être que totalitaire.

La législation en la matière ne doit pas mener à l'immobilisme des élus, un immobilisme qui serait induit par une sorte de principe de précaution, au prétexte que l'élu pourrait être incriminé pour telle ou telle décision contestée. Faut-il que, par peur d'être accusé, l'élu ne fasse rien ?

À l'évidence, chers collègues, la transparence de l'action publique et la prévention des conflits d'intérêts constituent une préoccupation majeure de chacun d'entre nous. Mais ce qui est, en l'espèce, particulièrement gênant, c'est la volonté d'une infime partie de la classe politique…

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Glavany

Il n'y a pas de classe politique ! Ça n'existe pas !

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Bodin

…de s'autoproclamer unique détentrice d'un label « défenseur de la transparence de la vie publique », alors que la plupart des lois intervenues dans ce domaine ont été des lois transpartisanes.

Il s'agit, pour être efficace, de réfléchir ensemble, dans un climat apaisé et constructif, aux meilleurs moyens d'assurer une plus grande transparence de notre vie politique et de dégager les solutions les plus pertinentes.

Je ne crois pas que les solutions préconisées par les textes que nous examinons soient des plus opportunes, notamment en ce qui concerne la publication des déclarations de patrimoine des élus et de leurs proches. En effet, le groupe UMP estime qu'il est plus pertinent de prévenir, dans une logique de responsabilité individuelle, que de punir, voire de condamner à l'avance.

Pour conclure, je citerai les paroles d'Emmanuel-Joseph Sieyès, député du tiers état et académicien : « L'autorité vient d'en haut, la confiance vient d'en bas. » Autrement dit, chers collègues, pour que l'autorité soit respectée, il faut que les Français aient confiance en leurs dirigeants. Renforcer la suspicion en mettant à l'ordre du jour de façon récurrente ce type de propositions de loi ne fait qu'ajouter à la défiance envers les élus et alimenter l'antiparlementarisme.

Adopter ces propositions de loi reviendrait à admettre que les élus n'ont aucune éthique et qu'il faut donc les surveiller en permanence pour les empêcher de contourner les lois à leur seul profit. Adopter ces propositions de loi, c'est présumer coupables tous les élus, et cela ne peut rester sans conséquences sur la relation que nous entretenons avec nos compatriotes. Ce n'est pas la conception que l'UMP se fait de la politique, et c'est la raison pour laquelle nous ne voterons pas ces deux textes. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Jean-Michel Clément, pour le groupe SRC.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Michel Clément

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, beaucoup d'orateurs ont dit, jeudi dernier, que la transparence ne saurait être une fin en soi. Cette formule pourrait laisser croire, à tort, à l'existence d'un consensus sur nos bancs, que certains ont tenté de démontrer. Je commencerai par rappeler, au nom du groupe socialiste, que nous considérons la transparence comme un principe essentiel à la démocratie, et que nous devons toujours nous efforcer de l'améliorer. C'est dans cet esprit que nous avons abordé le débat sur les propositions de loi de notre collègue François de Rugy.

S'interroger sur les excès d'une transparence « totale » ne signifie pas que nous nous inquiétons d'une transparence « raisonnable ». Au moment où l'Élysée fait campagne pour 2012 avec l'argent du contribuable, (Protestations sur les bancs du groupe UMP), nous n'imaginons pas refuser une plus grande clarté sur l'usage des fonds publics.

Le même raisonnement s'applique à la prévention des conflits d'intérêts, question sur laquelle nous notons le peu d'empressement de la majorité à examiner les recommandations du rapport Sauvé.

Ces préalables clarifiés, j'en viens aux textes de cet après-midi.

Le groupe SRC partage les propositions de notre collègue de Rugy sur un grand nombre de points.

C'est bien la majorité qui s'oppose à une clarification des règles de financement des campagnes. Le groupe SRC, pour sa part, soutient la volonté de mettre un terme au détournement des dérogations à la législation sur le financement public des partis pour les formations ne présentant des candidats aux législatives qu'outre-mer. Une faille de la législation actuelle permet en effet à une formation politique qui ne recueille que mille voix d'être riche à millions. Voilà ce que cautionne le groupe UMP !

Nous souhaitons aussi le plafonnement des dons des personnes physiques aux partis politiques et le renforcement des sanctions en cas de déclaration patrimoniale mensongère de la part d'un parlementaire.

C'est toujours le groupe UMP qui refuse le débat et nous impose un vote bloqué des articles. Nous pouvons en conclure que la position défendue fin 2010 par MM. Copé et Jacob est toujours celle de la majorité. Nous en déduisons que celle-ci trouve normal qu'aucune poursuite pénale n'ait été engagée dans les quelques cas d'enrichissement sans cause qui ont pu être constatés, au moment où elle stigmatise les fraudeurs. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Nous rejoignons enfin la position des auteurs de ces propositions de loi concernant la déclaration annuelle de revenus des élus.

Beaucoup d'idées fausses, de préjugés et de contre-vérités circulent dans l'opinion. Nous n'avons rien à cacher aux citoyens sur le montant de nos indemnités, il est public.

En ce qui concerne la prévention des conflits d'intérêts, l'inscription dans la loi de la définition donnée dans la proposition n° 1 du rapport Sauvé peut avoir du sens pour améliorer le lien de confiance entre les élus et les citoyens.

Après avoir évoqué ces nombreux points de convergence, j'indiquerai nos réserves.

Le système actuel relatif aux déclarations de patrimoine permet à la Commission pour la transparence financière de la vie politique de vérifier que l'exercice d'un mandat n'a pas coïncidé avec un enrichissement inexpliqué. On ne voit pas quel objectif poursuivrait une déclaration publiée sur Internet, si ce n'est de satisfaire une curiosité malsaine. C'est un renforcement des moyens d'action de la commission qui apparaît nécessaire.

En outre, nous aurions préféré, à une composition strictement juridictionnelle, une composition mixte de l'Autorité de déontologie de la vie publique.

Pour conclure, nous saluons les avancées intéressantes proposées par ces deux textes, dont nous partageons les objectifs en dépit des réserves exprimées.

Le groupe SRC votera sans ambiguïté ces deux textes. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

Mes chers collègues, nous venons d'entendre les explications de vote communes pour deux lois, une loi organique et une loi ordinaire. Nous allons donc procéder aux deux votes.

Nous allons tout d'abord procéder au scrutin public sur l'ensemble de la proposition de loi organique.

(Il est procédé au scrutin.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants 324

Nombre de suffrages exprimés 322

Majorité absolue 162

Pour l'adoption 124

Contre 198

(La proposition de loi organique n'est pas adoptée.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

Nous allons maintenant procéder au scrutin public sur l'ensemble de la proposition de loi.

(Il est procédé au scrutin.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants 327

Nombre de suffrages exprimés 324

Majorité absolue 163

Pour l'adoption 127

Contre 197

(La proposition de loi n'est pas adoptée.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

L'ordre du jour appelle maintenant les explications de vote et le vote, par scrutin public, sur l'ensemble de la proposition de loi relative à l'encadrement des loyers et au renforcement de la solidarité urbaine (3868, 3958).

Dans les explications de vote, la parole est à M. Pierre Gosnat, pour le groupe GDR.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Gosnat

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État chargé du logement, mes chers collègues, lors des débats sur cette proposition de loi d'encadrement des loyers et de renforcement de la solidarité urbaine , les députés de la majorité et M. le secrétaire d'État se sont livrés à un exercice d'équilibriste consistant à affirmer qu'ils partageaient avec nous le constat de crise du logement tout en qualifiant nos propositions de « fausses bonnes idées ».

Chers collègues de la majorité, vous reconnaissez qu'il manque des logements, que se loger est devenu un parcours du combattant, surtout dans les zones dites tendues ; vous dressez par là même un réquisitoire sans appel contre votre propre politique. Pourtant, vous balayez d'un revers de manche tout dispositif qui n'émerge pas de vos bancs.

Cette excellente proposition de loi comporte pourtant des mesures à la hauteur des exigences. Ce texte part d'un constat simple, celui du renchérissement et de la pénurie de logements. Après dix ans de pouvoir de droite et sept lois sur le logement depuis 2002, le bilan de la politique de la majorité est très contestable : il manque un million de logements sociaux, 3,5 millions de personnes sont en situation d'habitation précaire, 82 % des citoyens déclarent qu'il est difficile de se loger, 60 % d'entre eux craignent de devenir SDF.

Selon un article du Parisien paru le 21 septembre dernier, 59 % des Français se déclarent favorables à une limitation des loyers et des prix de vente. Pour eux, la priorité n'est pas tant de devenir propriétaire que d'être bien logés. Or, en dix ans, les prix ont explosé. À Paris, les prix des locations ont doublé, et, en petite et grande couronne, ils ont progressé de plus de 40 %.

Le niveau actuel des loyers entretient le phénomène de ségrégation territoriale et sociale. Jadis facteur d'élévation sociale et d'intégration républicaine, le logement est devenu au cours des années l'un des marqueurs fondamentaux des nouvelles inégalités et injustices.

Cette situation est le résultat d'une politique délibérée de marchandisation du logement. J'en fixe l'origine à la loi Barre de 1977. À cette époque, le logement ne représentait que 13 % du budget des ménages. Aujourd'hui, les loyers sans les charges accaparent en moyenne 25 % des budgets familiaux. Cette part atteint 50 % pour les ménages les plus fragiles. Depuis plusieurs années, les politiques gouvernementales surfinancent le logement privé, nourrissant les phénomènes spéculatifs. Le logement est devenu un investissement comme les autres, un moyen de rémunération du capital. Parallèlement, le Gouvernement s'est désengagé massivement du financement du logement social alors que la demande n'a jamais été aussi massive.

Dans ce contexte, cette proposition de loi, de quatre articles, concerne à la fois le logement privé et le logement social.

En préambule, nous interdisons toute expulsion à l'encontre de personnes rencontrant des difficultés économiques et sociales.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Gosnat

Ainsi, nous renforçons le devoir de solidarité qui incombe à l'ensemble de notre société.

Nous voulons aussi développer l'offre de logements sociaux. C'est pourquoi nous proposons de renforcer l'article 55 de la loi SRU – de solidarité et de renouvellement urbain – en imposant un seuil de 30 % de logements sociaux obligatoires pour les villes situées dans des zones tendues et de 25 % sur le reste du territoire. Les sanctions contre les villes qui n'appliquent pas la loi seront considérablement renforcées : multiplication par dix des pénalités ; restrictions de la dotation globale de fonctionnement et des subventions publiques ; transfert de compétences vers le préfet, chargé d'appliquer la loi SRU…

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Gosnat

…et interdiction de construire des programmes de plus de dix logements privés.

Quant aux logements vacants, qui représentent près de 6 % du parc locatif, il faut absolument les mettre à la disposition des locataires. Nous proposons donc de rendre obligatoire, en zone tendue, le droit de réquisition du préfet, et de renforcer la taxe sur les logements vacants.

Pour le logement privé, nous proposons qu'un plafond de loyer soit fixé par arrêté préfectoral dans chaque bassin de vie. Une telle disposition pourrait permettre une baisse des loyers dans certaines villes, notamment à Paris. Lors du débat en séance, vous avez déclaré, monsieur le secrétaire d'État, que cette mesure diminuerait la rentabilité locative et découragerait les investisseurs. Vous avez même ajouté que si un propriétaire était contraint de louer à 800 euros au lieu de 1000 euros, cela conduirait à la dégradation du bâti ! Mais 800 euros ou 1000 euros, n'est-ce pas déjà considérable quand on sait que le SMIC est à l200 euros par mois ? Trouvez-vous normal que la location d'un bien immobilier moyen rapporte plus qu'un mois de travail ?

Vos dires témoignent à eux seuls de la priorité que vous donnez à votre action, à savoir maintenir et renforcer la rentabilité des investissements immobiliers. Dès lors, comment contenir le prix du logement ? Ce n'est clairement pas l'orientation que vous donnez à votre politique.

Pour nous, le logement n'est pas une marchandise comme les autres. C'est un bien d'utilité publique qui doit être encadré par les pouvoirs publics, comme c'est le cas en Allemagne et aux Pays-Bas.

C'est le sens de cette proposition de loi, reprise par le programme du Front de gauche, l'humain d'abord, que je vous demande de voter aujourd'hui. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Francis Hillmeyer, pour le groupe Nouveau Centre.

Debut de section - PermalienPhoto de Francis Hillmeyer

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, l'Assemblée a examiné cette proposition en commission, puis en séance. Il convient aujourd'hui de passer au vote et, si nous avons tous, sur ces bancs, fait le constat d'une situation réellement problématique en matière de logement en France, nous n'y apportons pas les mêmes solutions.

Debut de section - PermalienBenoist Apparu, secrétaire d'état chargé du logement

On peut avoir des idées différentes !

Debut de section - PermalienPhoto de Francis Hillmeyer

Il est vrai que le diagnostic que vous posez, il faut l'entendre : en Île-de-France, dans le Genevois français, dans une partie de la région PACA et quelques métropoles, la situation reste en effet très tendue. Mais si les solutions proposées par le texte permettaient de les résoudre,…

Debut de section - PermalienPhoto de Francis Hillmeyer

…cela se saurait depuis longtemps, car le texte ne répond pas au problème essentiel, à savoir l'insuffisance de l'offre.

Revenons sur vos propositions.

Vous proposez d'interdire les expulsions pour loyer impayé. Nous constatons que les règles actuelles sont très fermes. Les locataires sont protégés par la trêve hivernale, et surtout, soyons clairs, votre proposition d'interdire les expulsions aurait des effets pervers : si vous adoptez une telle mesure, les propriétaires vont tout simplement retirer leurs logements du marché locatif.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland Muzeau

Vous aurez la nuit du 4 août au mois de décembre !

Debut de section - PermalienPhoto de Francis Hillmeyer

En la matière, vous ne pouvez espérer améliorer un marché qui rassemble propriétaires et locataires en allant contre les intérêts des premiers.

Vous proposez ensuite l'encadrement du prix des loyers. Pour répondre à ce type d'abus, le Gouvernement a fait adopter dans la loi de finances adoptée à l'Assemblée une taxation spécifique sur les micro-logements. Pourtant, nous avons appris que les sénateurs socialistes ont fait adopter un amendement de suppression de cette taxe sur les loyers abusifs.

Cette position, mes chers collègues, est incompréhensible.

Debut de section - PermalienBenoist Apparu, secrétaire d'état chargé du logement

Très bien !

Debut de section - PermalienPhoto de Francis Hillmeyer

Elle pose même la question de la volonté réelle du PS d'« encadrer les loyers », comme ditM. Le Bouillonnec.

Debut de section - PermalienPhoto de Francis Hillmeyer

À cet égard, le Nouveau Centre souhaite clairement que nous revenions à la disposition adoptée par l'Assemblée.

Concernant le renforcement de l'article 55 de la loi SRU, sachez que c'est la proposition dont nous, centristes, nous sentons le plus proche. Nous pensons en effet qu'il faudrait imposer un pourcentage de mixité sociale dans chaque résidence nouvelle. Qu'il faille pour cela relever le seuil de logements sociaux obligatoires à 30 % en zone tendue et à 25 % sur le reste du territoire, nous pouvons en débattre, mais il ne faut pas oublier que l'application de cette disposition en zone rurale peut s'avérer très difficile à mettre en place. Ce renforcement nécessite donc un plus vaste débat.

En conclusion, nous estimons que limiter le montant des loyers ou interdire les expulsions ne créerait pas de logements. Aussi, les députés du groupe Nouveau Centre et apparentés voteront contre cette proposition de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe NC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.

La parole est à M. Lionel Tardy, pour le groupe UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Lionel Tardy

Monsieur le président, monsieur le Secrétaire d'État, mes chers collègues, le problème du logement est l'une des principales préoccupations des Français et, dans certaines zones, il est même devenu le problème numéro un. Nous nous devons de le traiter, mais c'est sans doute bien là le seul point d'accord entre le groupe UMP et le groupe GDR.

Le texte qui nous est soumis aujourd'hui, comme nous l'avons signalé lors de son examen la semaine dernière, propose des solutions toutes plus irréalistes et démagogiques les unes que les autres.

Debut de section - PermalienPhoto de Lionel Tardy

Demander, par exemple, l'interdiction des expulsions, c'est permettre aux locataires de ne plus payer leurs loyers, alors que, dans certains cas, la menace de l'expulsion est la seule sanction réaliste.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland Muzeau

On vous dit qu'on demande cela pour les gens de bonne foi !

Debut de section - PermalienPhoto de Lionel Tardy

Le blocage des loyers est tout aussi irréaliste.

Debut de section - PermalienPhoto de Lionel Tardy

En effet, pour qu'il y ait un parc de logements à louer, il faut des propriétaires.

Il y a bien une solution, consistant à faire de l'État le seul propriétaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Lionel Tardy

Cette solution a été expérimentée en d'autres temps et dans d'autres pays, mais nous ne pensons pas qu'elle soit viable.

Debut de section - PermalienPhoto de Lionel Tardy

Il faut donc des propriétaires privés qui investissent, qui perçoivent des revenus leur permettant d'investir non seulement dans l'achat mais aussi dans l'entretien des logements.

Debut de section - PermalienPhoto de Lionel Tardy

Voulez-vous favoriser le développement de l'insalubrité et de l'habitat indigne ? Avec vos propositions, on y va tout droit !

Debut de section - PermalienPhoto de Lionel Tardy

Si vos mesures étaient adoptées, vous rassureriez ceux qui ont un logement et qui ont peur de le perdre, mais, dans le même temps, vous fermeriez la porte au nez de ceux qui n'en ont pas, à savoir les plus jeunes et tous les Français en situation précaire.

Le Gouvernement ne vous a pas attendus pour lancer une ambitieuse politique du logement.

Debut de section - PermalienPhoto de Lionel Tardy

Une politique peut-être moins spectaculaire et médiatique que vos propositions, mais efficace.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland Muzeau

Vous n'avez qu'à demander à la fondation Abbé Pierre !

Debut de section - PermalienPhoto de Lionel Tardy

Il n'y a pas de mystère, il faut construire encore plus de logements. Il faut résorber la pénurie, et non, comme vous proposez de le faire, se contenter de la répartir.

En 2000, 30 000 logements sociaux ont été financés. En 2010, on est passé à 131 500.

Debut de section - PermalienPhoto de Lionel Tardy

Nous avons favorisé l'investissement locatif privé. La qualité des logements s'est également améliorée, tant pour la taille que pour le confort.

Debut de section - PermalienPhoto de Lionel Tardy

Avec le Grenelle de l'environnement, un énorme chantier de mise aux normes énergétiques a été lancé.

Debut de section - PermalienPhoto de Lionel Tardy

Il reste certes beaucoup à faire, nous en sommes tous conscients.

Debut de section - PermalienPhoto de Lionel Tardy

Mais ce n'est certainement pas en adoptant les mesures proposées par ce texte que nous y arriverons, bien au contraire.

Le groupe UMP votera donc, vous l'aurez compris, contre cette proposition de loi. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Jean-Yves Le Bouillonnec, pour le groupe SRC.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Yves Le Bouillonnec

Notre pays connaît une grave crise du logement : 3,5 millions de nos concitoyens sont confrontés à un problème de logement et plus de 100 000 décisions d'expulsion ont été prises en 2010. Si cette situation vous satisfait, mes chers collègues, tant mieux pour vous. En tout cas, elle ne satisfait pas les Français et nous la dénonçons.

Nos collègues du groupe GDR ont eu raison de s'intéresser à nouveau, comme nous l'avions fait il y a quelques mois, à cette situation pour faire bouger les lignes, ce que vous n'avez jamais voulu faire. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Vous êtes restés attachés à une politique libérale qui veut que, lorsqu'on construit du logement, cela rapporte à quelques-uns, et que lorsqu'on construit du logement social, celui-ci est inadapté aux deux tiers des demandeurs de logement.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Yves Le Bouillonnec

Vous nous expliquez que si l'expulsion n'était plus possible, les propriétaires ne voudraient plus louer. Mais, chers collègues, quand un citoyen est expulsé dans notre pays, il devient prioritaire pour le droit au logement opposable. Cela veut dire que, le lendemain matin, il va demander à la commission d'être déclaré prioritaire et, comme on ne lui attribue pas de logement, le tribunal administratif condamne l'État à une astreinte.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Yves Le Bouillonnec

Où est l'erreur ? Où est Kafka ?

La mission d'évaluation de la mise en oeuvre du droit au logement opposable a rapporté l'histoire de gens de bonne foi qui, devant être expulsés, avaient déposé leur dossier de logement. Celui-ci n'aboutissant pas, ils avaient saisi la commission mise en place dans le cadre de la loi DALO, où ils avaient été déclarés prioritaires. Ne bénéficiant pas malgré tout de logement, ils avaient saisi le tribunal administratif. Quelques jours après leur expulsion avec le concours de la force publique, le tribunal administratif condamnait l'État. Il faut mettre fin à ce genre de situation, mes chers collègues.

Il faut faire cesser l'inacceptable, la République ne peut pas mettre des gens dans la rue. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.) Si on expulse des gens, ce qui peut être légitime et légal, il faut impérativement que cela ne se fasse pas sans offre de relogement, c'est le sens de la proposition de nos collègues GDR.

Bien sûr, il faut encadrer les loyers. Pour la première fois le Gouvernement a admis que le loyer participait à la crise, mais il l'a fait de manière insuffisante. Il faut encadrer les loyers, et même les bloquer quand leurs montants deviennent inacceptables. Il faut fixer des loyers de référence par territoire, seul moyen d'éviter ces abus qui coûtent en définitive des fortunes à la collectivité nationale.

Nos collègues ont raison de demander que les condamnations des villes qui ne respectent pas les obligations que leur fixe la loi sur le renouvellement urbain soient alourdies parce que, dans la région parisienne en particulier, les amendes pour non-respect des 20 % de logements sociaux n'ont aucun effet.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Yves Le Bouillonnec

Les dispositions qui nous sont proposées sont fondées et le groupe socialiste va donc les voter.

En conclusion, je voudrais dire que ce qui serait fondamentalement républicain, c'est que la crise s'arrête aux portes des logements que l'on n'a pas encore construits et que nos concitoyens attendent, c'est que la crise s'arrête à la porte des centres d'hébergement que l'on n'a pas encore ouverts pour ceux qui, cet hiver encore, dormiront dans les rues. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

Nous allons maintenant procéder au scrutin public sur l'ensemble de la proposition de loi.

(Il est procédé au scrutin.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants 316

Nombre de suffrages exprimés 316

Majorité absolue 159

Pour l'adoption 130

Contre 186

(La proposition de loi n'est pas adoptée.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

L'ordre du jour appelle les explications de vote et le vote, par scrutin public, sur l'ensemble de la proposition de loi visant à encadrer les prix des produits alimentaires (nos 3745, 3957).

Jeudi dernier, le Gouvernement a demandé à l'Assemblée de se prononcer par un seul vote sur les articles, à l'exclusion de l'amendement n° 3745%2C3957/1">1 et sur l'ensemble de la proposition de loi.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

Dans les explications de vote, la parole est à M. Pierre Gosnat, pour le groupe GDR.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Gosnat

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État chargé du logement, mes chers collègues, cette proposition de loi s'appuie sur un double constat : d'une part, la dégradation durable des prix d'achat des productions agricoles issues de l'agriculture française ; d'autre part, l'augmentation constante des prix de vente des produits alimentaires aux consommateurs.

Nous aurions tort de penser que les niveaux toujours plus bas ou les fluctuations brutales des prix d'achat des productions sont liés aux simples évolutions conjoncturelles des marchés. Il s'agit d'un problème structurel qui affecte l'agriculture française dans son ensemble.

Les faits sont tenaces : comme le révèle le premier rapport de l'Observatoire des prix et des marges des produits alimentaires, le partage de la valeur ajoutée au sein des filières est de plus en plus déséquilibré en faveur de la grande distribution.

Et ce déséquilibre n'est pas le fruit du hasard. Il résulte de plus de trente années de déréglementation des échanges agricoles et des échanges commerciaux à l'échelle internationale, communautaire mais aussi nationale. Cette déréglementation, accentuée par le Gouvernement avec la loi de modernisation économique, a abouti à la soumission des agriculteurs aux exigences de l'aval, c'est-à-dire des groupes de la grande distribution.

Ces grands groupes, avec leurs centrales d'achat, imposent leurs exigences de prix cassés aux producteurs pour s'assurer des marges commerciales exorbitantes. Cette évolution a des conséquences bien identifiées : le nombre d'exploitations a diminué de 26 % et l'emploi agricole de 22 % en seulement dix ans. Le revenu agricole moyen stagne depuis plus de quinze ans. Des milliers d'exploitants familiaux sont plongés dans la pauvreté.

Il y a deux ans, le rapporteur de ce texte, mon ami André Chassaigne, avait déjà déposé une proposition de loi visant à instaurer un véritable droit au revenu des agriculteurs. Elle présentait certains outils comme le coefficient multiplicateur pour encadrer les prix et les marges de la grande distribution. Nous étions alors en pleine crise de la filière laitière et le ministre de l'agriculture nous avait simplement demandé d'attendre un miracle gouvernemental, c'est-à-dire la mise en application de la loi de modernisation de l'agriculture et de la pêche, qui devait résoudre tous les problèmes.

Que s'est-il passé depuis l'adoption de cette loi ? Les résultats parlent d'eux-mêmes : les producteurs laitiers refusent la contractualisation qui se fait toujours sur le dos des mêmes.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Gosnat

Les producteurs de fruits et légumes ne croient pas davantage à la solution divine du renforcement des organisations de producteurs. Quant à la gestion des risques climatiques par l'extension de l'assurance privée, elle prête à sourire puisqu'il a fallu réhabiliter soudainement un fonds de garantie public des calamités en cette année 2011.

Aujourd'hui, force est de constater que les problèmes demeurent, et que la question des prix et des revenus agricoles est la grande oubliée de notre politique agricole et alimentaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Gosnat

C'est pour apporter des réponses dès maintenant, et sans attendre le grand soir de 2012, que nous avons déposé ce texte.

Son article 3, qui propose la mise en place d'une conférence annuelle sur les prix agricoles regroupant tous les acteurs, pouvait sans doute permettre d'ouvrir une première porte collectivement. Mais M. le ministre s'est arc-bouté en séance contre les propositions du rapporteur en reprenant l'argument galvaudé de l'incompatibilité du texte avec le droit communautaire. Il est curieux, ce droit de la concurrence, qui ne s'applique pas pour certaines productions, comme les énergies renouvelables, mais qui serait indépassable lorsqu'il s'agit de nourrir les hommes.

Chers collègues, les produits agricoles et alimentaires ne sont pas des biens de consommation comme les autres. Les grands groupes de la distribution ne doivent pas se voir confier les pleins pouvoirs dans leurs relations avec les agriculteurs, sous peine de mettre en péril des pans entiers de notre agriculture, tandis que s'opère un véritable racket sur les consommateurs, captifs des hypermarchés, et dont le pouvoir d'achat se dégrade.

Notre responsabilité est d'apporter des réponses à la hauteur des enjeux et des besoins. Les mesures que nous vous présentons ne visent qu'à rétablir un juste équilibre entre tous les acteurs de la filière, au bénéfice des consommateurs et des paysans.

C'est pourquoi je vous invite à soutenir des mesures d'encadrement des prix et des marges qui sont aujourd'hui indispensables. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR et sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

(M. Jean-Christophe Lagarde remplace M. Bernard Accoyer au fauteuil de la présidence.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Christophe Lagarde

La parole est à M. Francis Hillmeyer, pour le groupe Nouveau Centre.

Debut de section - PermalienPhoto de Francis Hillmeyer

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, la crise du secteur agricole l'a montré, les agriculteurs ne doivent plus être considérés comme une variable d'ajustement par les intermédiaires qui fixent le prix du lait de manière unilatérale. L'agriculteur, le producteur, doit retrouver toute sa place dans le processus de fixation du prix.

Et si le diagnostic de cette proposition de loi visant à l'encadrement des prix alimentaires contient des éléments incontestables, les députés du groupe Nouveau Centre et apparentés estiment que les solutions proposées ne sont pas forcément adaptées.

On nous propose d'appliquer un coefficient multiplicateur sur l'ensemble des produits alimentaires dont le taux fixé par l'État entre le prix d'achat au fournisseur et le prix de vente au consommateur s'appliquerait à la chaîne des différents intermédiaires. Le coefficient multiplicateur, le Nouveau Centre a âprement défendu sa mise en place afin d'assurer la transparence sur la formation des prix dans l'agriculture. C'est un amendement du sénateur centriste Daniel Soulage qui, en 2005, l'a introduit dans la loi, traduisant une volonté affichée par les centristes depuis 2002. Nous défendons régulièrement son utilisation. Si nous l'avons adopté et inscrit dans la loi, c'est bien pour qu'il soit utilisé.

Mais si le Gouvernement a été trop timide, nous devons le dire, la profession, à travers ses représentants syndicaux, s'est également montrée divisée.

Debut de section - PermalienPhoto de Francis Hillmeyer

Toutefois, nous sommes réservés quant à sa généralisation car les marchés de fruits et légumes par exemple sont extrêmement volatils. Par ailleurs, l'Union européenne s'y opposerait sans doute.

On nous propose ensuite de définir un prix minimum indicatif pour chacune des productions. Mais un prix minimum indicatif pour chaque type de production renvoie au prix de revient, lequel dépend des coûts de production et, par conséquent, peut varier grandement.

De même, les députés centristes restent dubitatifs concernant la proposition de l'article 3, à savoir la mise en place d'une négociation annuelle sur les prix permettant de déterminer un prix plancher d'achat aux producteurs. Compte tenu de la grande diversité des produits concernés, cette grand-messe aurait à notre sens d'extrêmes difficultés à aboutir.

Finalement, la meilleure des pistes, à défaut d'être la solution parfaite, reste la contractualisation que nous avons soutenue avec la loi de modernisation de l'agriculture et de la pêche.

Debut de section - PermalienPhoto de Francis Hillmeyer

Pour conclure, si le Nouveau Centre juge ce texte intéressant car il porte une vraie question quotidienne de nos concitoyens, le scepticisme l'emporte concernant les dispositifs de réponse que nos collègues du groupe GDR y apportent. Dans ces conditions, le groupe Nouveau Centre n'apportera pas son soutien à cette proposition de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe NC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Christophe Lagarde

Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.

La parole est à M. Louis Cosyns, pour le groupe UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Louis Cosyns

Nous aussi, sur les bancs de la majorité, nous souhaitons garantir aux producteurs et aux consommateurs un prix de vente pour les uns et un prix d'achat pour les autres qui soient justes.

Cependant, nous ne pouvons soutenir un texte qui va à l'encontre du droit communautaire, d'autant moins d'ailleurs que les solutions qu'il préconise ne sont pas en mesure de résoudre la question du revenu agricole.

Croyez-le bien : nous avons pleinement conscience de la nécessité impérieuse de garantir à nos agriculteurs des revenus décents. D'ailleurs, sur les bancs de l'UMP, nous avons maintes fois dénoncé les marges excessives de la grande distribution. Et, voyez-vous, c'est précisément la raison pour laquelle nous avons installé l'Observatoire de la formation des prix et des marges. Là encore, c'est sans vos voix que cette avancée a été réalisée.

Debut de section - PermalienPhoto de Louis Cosyns

Nous pouvons nous rejoindre sur le diagnostic mais sûrement pas sur les solutions que vous préconisez.

Premièrement, vous nous proposez d'avoir recours à un coefficient multiplicateur pour l'ensemble des produits agricoles et agroalimentaires. Cette proposition d'extension du coefficient multiplicateur n'est pas nouvelle ; elle a déjà été soumise à la représentation nationale au cours des débats sur la LMA. Cette question a été tranchée négativement, et je pense que c'était préférable.

L'argument développé à l'époque n'a d'ailleurs pas changé : en imposant un tel mécanisme aux enseignes, il y a toutes les chances qu'elles aillent se fournir en produits dont les conditions de vente ne sont pas encadrées. Dans un tel cas de figure, personne ne serait gagnant, et sûrement pas les producteurs.

Votre proposition de loi prévoit un second mécanisme : le prix minimal d'achat. Là encore, si l'intention est plus que louable, je crains que les modalités concrètes ne soient plus difficiles à mettre en oeuvre. Car ne nous faisons pas d'illusions : l'instauration d'un prix plancher pour les produits français constituerait une distorsion de concurrence flagrante. Il va de soi en effet qu'une telle mesure n'est pas conforme au droit communautaire. Au passage, cela aurait pour effet d'accroître la différence de prix entre les productions françaises et celles venues de l'étranger. Résultat, c'est le consommateur qui trinquerait, et cela nul ne peut l'accepter.

Comme vous avez anticipé les arguments que je viens de vous opposer, vous prenez soin de préciser que ce prix serait indicatif : la belle affaire ! Les coûts de production, je vous le rappelle, relèvent précisément de la mission de l'Observatoire de la formation des prix et des marges et, comme je l'ai dit dans la discussion générale, je ne vois pas bien ce qu'apporterait un tel dispositif.

Mais ce que je voudrais dire de plus important, c'est que nous n'avons pas attendu cette initiative du groupe GDR pour nous pencher sur la question des prix et des marges dans la grande distribution.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Paul Lecoq

Il ne faut pas seulement se pencher, il faut agir !

Debut de section - PermalienPhoto de Louis Cosyns

Seulement, de notre côté, nous sommes réalistes : nous savons que la piste des prix administrés nous conduirait dans le mur. Je l'ai déjà dit, une telle politique n'est pas conforme au droit en vigueur.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Paul Lecoq

Elle n'est pas conforme à vos idéaux, à la concurrence libre et non faussée, au traité de Maastricht !

Debut de section - PermalienPhoto de Louis Cosyns

Au-delà de cet argument juridique, il y a un argument pratique. Avec un tel mécanisme, comment nos paysans iraient-ils conquérir des marchés à l'export ? Assurément, vos solutions engendreraient une perte de compétitivité et, franchement, nous n'en avons pas besoin !

Et puis il y a un point que l'opposition semble avoir oublié. Nous avons récemment adopté un texte qui entend répondre aux problèmes que vous soulevez. Ce texte, c'est la LMA ! En effet, avec la contractualisation, la LMA s'est fixé pour objectif d'assurer une plus grande visibilité aux revenus des producteurs. Elle entend également favoriser un meilleur encadrement des pratiques commerciales et renforcer le pouvoir de négociation des organisations de producteurs. Certes, tout n'est pas réglé, loin de là, mais la LMA est un texte récent : laissons-lui le temps de faire ses preuves.

Debut de section - PermalienPhoto de Louis Cosyns

Il ne sert à rien d'empiler les couches législatives ; attendons que les acteurs prennent pleinement possession des outils que nous avons mis à leur disposition. J'entends souvent certains membres des groupes de l'opposition fustiger l'inflation normative. Eh bien, en ce qui concerne la législation agricole, appliquez-vous à vous-mêmes ce que vous prêchez pour les autres !

Ma conclusion est simple. Alors que le Gouvernement et la majorité à laquelle j'appartiens ont mené une action ambitieuse et courageuse, l'opposition a systématiquement dénigré nos initiatives. Aucune de nos actions n'a trouvé grâce à vos yeux, car vous préférez la surenchère au réalisme, en faisant mine de méconnaître le cadre juridique avec lequel la représentation nationale doit composer en permanence. En effet, c'est au mépris évident du droit communautaire que vous avez élaboré ce texte,…

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Paul Lecoq

Bien sûr ! Nous ne sommes d'accord ni avec Maastricht ni avec Lisbonne !

Debut de section - PermalienPhoto de Louis Cosyns

…un texte qui, d'ailleurs, a préféré l'affichage politique aux solutions crédibles, et vous en êtes parfaitement conscients.

Enfin, en matière de politique agricole, nous n'avons pas à rougir de ce que nous avons fait. Malgré la violence de la crise et la contraction de nos marges de manoeuvre budgétaires, je le dis haut et fort : nous n'avons jamais laissé tombé nos éleveurs, nos producteurs et nos agriculteurs. Fort de ce bilan et de la conviction que votre texte est juridiquement inopérant, le groupe UMP votera contre cette proposition de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Christophe Lagarde

La parole est à Mme Frédérique Massat, pour le groupe SRC.

Debut de section - PermalienPhoto de Frédérique Massat

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la proposition de loi visant à encadrer les prix des produits alimentaires vise à introduire de l'équilibre dans les relations commerciales entre les agriculteurs et les distributeurs. Nous savons tous que c'est une nécessité pour la survie de notre agriculture.

Elle propose la mise en place d'un coefficient multiplicateur, la mise en oeuvre pour chaque production d'un prix minimum indicatif décidé par les interprofessions, ainsi qu'une conférence annuelle sur les prix.

Le groupe socialiste partage les inquiétudes des députés du groupe GDR devant la baisse du revenu des agriculteurs. Il nous faut trouver des solutions au décalage de plus en plus grand entre les prix payés aux agriculteurs et les prix payés par les consommateurs. Ce décalage est inacceptable et montre l'absence de solidarité entre les acteurs au sein des filières.

La solution de la contractualisation, telle qu'elle a été avancée par la loi de modernisation de l'agriculture, est inopérante. Nous l'avions dénoncée lors de l'examen du texte ; aujourd'hui, nous ne pouvons que le constater.

Des conflits très importants persistent, surtout dans le secteur laitier. Nous avons nous-mêmes proposé un mécanisme d'indexation des prix payés aux producteurs sur l'évolution des coûts des facteurs de production. Ce système existe par exemple dans le domaine du transport, mais le Gouvernement et la majorité refusent de l'imposer pour les agriculteurs.

Nous ne partageons pas entièrement les analyses de nos collègues du groupe GDR à propos notamment de l'efficacité du coefficient multiplicateur, déjà prévu pour faire face aux situations de crise. Mais cette proposition de loi a le mérite de nous obliger à ouvrir le débat, et nous pensons que la navette parlementaire serait très utile pour travailler un texte dont les objectifs sont partagés par l'ensemble des agriculteurs et des élus de gauche.

Il s'agit de permettre aux agriculteurs de vivre du prix de leur production : personne ne peut voter contre cette légitime revendication. C'est pourquoi nous, les députés socialistes, radicaux et citoyens, nous voterons cette proposition de loi. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Christophe Lagarde

Nous allons maintenant procéder au scrutin public sur l'ensemble de la proposition de loi.

(Il est procédé au scrutin.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Christophe Lagarde

Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants 297

Nombre de suffrages exprimés 295

Majorité absolue 148

Pour l'adoption 116

Contre 179

(La proposition de loi n'est pas adoptée.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Christophe Lagarde

L'ordre du jour appelle maintenant les explications de vote et le vote par scrutin public sur la proposition de résolution de Mme Martine Billard et plusieurs de ses collègues, portant sur l'accessibilité universelle pour les personnes en situation de handicap (3853).

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Christophe Lagarde

Dans les explications de vote, la parole est à Mme Martine Billard, pour le groupe GDR.

Debut de section - PermalienPhoto de Martine Billard

Monsieur le président, madame la secrétaire d'État auprès de la ministre des solidarités et de la cohésion sociale, la loi du 11 février 2005 pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées dispose que « constitue un handicap, au sens de la présente loi, toute limitation d'activité ou restriction de participation à la vie en société subie dans son environnement par une personne, en raison d'une altération substantielle, durable ou définitive d'une ou plusieurs fonctions physiques, sensorielles, mentales, cognitives ou psychiques, d'un polyhandicap ou d'un trouble de santé invalidant ». En conséquence, la réglementation devait s'articuler autour de trois éléments : le repérage, l'atteinte et l'usage.

Cette définition large de l'accessibilité, à savoir « un accès à tout, pour tous », accès à la culture, aux loisirs, au logement, aux déplacements, à l'emploi, avec comme objectif une autonomie maximale, laissait espérer une évolution rapide pour les personnes en situation de handicap.

Une étude de l'INSEE relève qu'un peu plus de 10 % de la population est en situation de handicap et que près de 21 % des personnes vivant dans une habitation sans aménagement particulier déclarent rencontrer des difficultés dans les actes de la vie quotidienne.

Or l'adaptation du bâti des établissements recevant du public, des lieux de travail et des logements collectifs, préalable incontournable à l'autonomie, n'a pas avancé au rythme fixé par la loi. La mise en conformité de la voirie, des espaces publics – jardins, parkings, trottoirs – et des transports publics – métros, bus, trains, trams – est loin d'être achevée, et le délai de dix ans fixé en 2005 ne sera à l'évidence pas tenu si les pouvoirs publics ne mènent pas une politique très volontariste.

Pourtant, les aménagements à réaliser, comme les rampes d'accès, la sonorisation des véhicules de transport public ou l'abaissement des bordures de trottoir, sont souvent utiles à tous et rappellent aux citoyens que les situations de handicap font partie des réalités de la vie. En ce sens, l'annonce d'un report de l'accessibilité universelle à une date ultérieure qui semble se profiler serait un très mauvais signe et conduirait immanquablement à une démobilisation de l'ensemble des acteurs, qu'ils soient publics ou privés.

En effet, les moyens mis à disposition ne sont pas à la mesure des enjeux, et ce ne sont pas les propos de Mme la secrétaire d'État lors de la discussion générale qui peuvent nous rassurer. En effet, le catalogue de mesures et les chiffres que vous avez énumérés montrent les limites de la politique que vous menez. Et le verre n'est pas à moitié plein : il est quasiment vide !

Il est vrai que de nombreuses difficultés existent dans la mise en oeuvre de l'accessibilité des bâtiments. Vous le saviez déjà en 2005 ; aussi était-il possible dès cette date de prévoir les moyens pour faire face aux difficultés.

La mise en place de l'Observatoire interministériel de l'accessibilité, où siègent des professionnels du bâtiment et des travaux publics mais aussi des architectes et des représentants des associations et des administrations, est une bonne mesure. Cependant, si les moyens financiers ne suivent pas, nous en resterons à l'observation sans passer à la réalisation.

Quant aux dérogations, c'est bien le Gouvernement qui, à quatre reprises, a cherché à les imposer. Il aura fallu toute la vigilance des associations, que je tiens à saluer, et la sanction à la fois du Conseil d'État et du Conseil constitutionnel, pour bloquer, du moins pour un temps, ces dispositions scandaleuses. Les reculs envisagés concernent notamment l'accessibilité des locaux de travail et du bâti neuf.

Parallèlement, la proposition de loi de simplification des normes applicables aux collectivités locales déposée par le sénateur UMP M. Éric Doligé prévoit également des dérogations inquiétantes. Là encore, madame la secrétaire d'État, vous avez cherché à nous rassurer. Mais nous restons vigilants, car, depuis 2002, combien de fois avons-nous vu les promesses du Gouvernement de s'opposer à une proposition de loi s'évanouir dans l'hémicycle sous la pression de lobbies divers et variés !

La mise en oeuvre de l'accessibilité et donc du droit à l'autonomie n'est pas à la mesure des objectifs fixés par la loi du 11 février 2005. Aussi souhaitons-nous envoyer un signal fort à l'adresse des différents décideurs, qu'il s'agisse du Gouvernement, des pouvoirs publics, des collectivités territoriales, mais aussi des acteurs privés, propriétaires immobiliers, promoteurs et chefs d'entreprises. C'est la raison de cette résolution, en forme de rappel, que le groupe GDR vous engage à adopter. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR et sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Leteurtre

Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, le groupe Nouveau Centre, vous le savez tous, est très attaché à l'accession pour les personnes en situation de handicap aux mêmes droits que ceux dont jouissent l'ensemble des citoyens. C'est pour ces raisons que nous avions d'ailleurs voté en faveur de la loi de 2005 portée par Mme Montchamp, qui constituait alors une avancée considérable en la matière.

Sept ans après l'entrée en vigueur de ce texte tant attendu qui comportait des avancées majeures tant pour la reconnaissance du handicap que pour sa prise en charge par l'ensemble de notre société, force est de constater que le bilan de son application est positif. En effet, c'est au rang de ces grandes avancées que figurent la définition légale du handicap et la reconnaissance du handicap mental et psychique ; la revalorisation de l'allocation aux adultes handicapés – AAH – de 25 % et la création de la prestation de compensation du handicap ; l'installation dans chaque département d'une maison départementale des personnes handicapées, ou MDPH, pour faciliter leurs démarches ; l'objectif enfin d'une véritable intégration sociale des personnes handicapées, avec l'affirmation d'un droit d'accès à l'école et à l'emploi mais aussi à la cité, grâce à la mise en accessibilité effective des bâtiments, voiries et transports d'ici 2015.

Cette loi a également permis à près de 80 000 personnes de bénéficier aujourd'hui d'une PCH de 980 euros en moyenne par mois, contre 450 euros auparavant ; et l'AAH a augmenté de 25 % depuis 2007.

Elle avait clairement énoncé l'accessibilité de tout pour tous comme objectif pour 2015. L'obligation portait sur le cadre bâti, les espaces publics, la voirie, les systèmes de transport et leur intermodalité.

Cette exigence d'accessibilité des bâtiments pour toutes les personnes handicapées, l'une des principales avancées de la loi de 2005, était absolue pour les bâtiments neufs, éventuellement assortie de dérogations pour les bâtiments existants. On peut comprendre les difficultés d'adaptation du bâti ancien. Mais, pour les bâtiments neufs, la règle de l'accessibilité est intangible, et je me réjouis de l'obligation nouvelle faite aux promoteurs d'imposer un volume de chambres ou de logements accessibles à 100 % dans les locations saisonnières ou temporaires.

Aujourd'hui, l'obligation d'accessibilité totale des immeubles ne concerne que les parties communes ; les logements doivent être facilement adaptables par des travaux simples, ce qui convient pour des logements ordinaires loués ou achetés. Le groupe Nouveau Centre est très attaché à cette exigence d'accessibilité, qui traduit l'engagement concret et pratique de notre société en faveur de l'intégration pleine et entière des personnes handicapées.

Néanmoins, il y a sûrement un effort supplémentaire à faire pour former des professionnels, accompagner les opérateurs concernés et discuter avec les collectivités locales, en tenant compte des usages précis des bâtiments ou des services.

Pour ce faire, mieux vaut reprendre la concertation qu'imposer des contraintes. Nous obtiendrons plus rapidement les résultats attendus, avec une plus grande efficacité, en optimisant l'utilisation des fonds publics.

Nous pouvons, nous devons donc encore trouver bien des moyens d'améliorer la situation. Mais ce débat me donne l'occasion de rappeler qu'il est important de ne pas limiter la notion d'accessibilité. Elle ne s'applique pas uniquement au bâti neuf ou ancien, à l'école, aux lieux de travail, aux espaces de vie privés ou publics, aux transports, aux lieux de loisirs.

L'accessibilité, c'est également la possibilité de recevoir et de comprendre facilement l'information visuelle, sonore, audio-visuelle. C'est pouvoir prétendre à tous les dispositifs communs qui assurent l'indépendance et la liberté du citoyen. C'est pouvoir suivre l'intégralité des programmes de télévision. C'est pouvoir utiliser les nouvelles technologies de la communication et c'est aussi profiter d'une signalétique adaptée.

« Nos cités n'ont pas été pensées pour l'ensemble des citoyens. Il faut que les villes s'adaptent à leurs citoyens, ce n'est pas aux citoyens de s'adapter à la ville » disait Michel Fardeau. C'est, je le crois, la philosophie qui a guidé l'action gouvernementale jusqu'à présent.

Nous ne voterons pas contre une proposition de résolution qui rappelle un principe aussi fondamental que l'accessibilité universelle pour les personnes handicapées. Mais nous pensons que la contrainte n'est pas la bonne solution. Aussi, le groupe Nouveau Centre s'abstiendra.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Christophe Lagarde

Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.

La parole est à M. Dominique Le Méner, pour le groupe UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Le Mèner

Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, chers collègues, nul doute que rester mobilisés pour la cause des personnes handicapées est un devoir pour chaque élu…

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Le Mèner

..et cette proposition de résolution s'inscrirait dans cet esprit si elle n'apparaissait quelque peu décalée par rapport à la situation qui prévaut désormais. La question de la place que réserve notre société à ceux dont un accident de la vie ou l'âge limite de façon permanente la liberté d'action est essentielle. Il serait incompréhensible et injuste de la limiter plus encore par indifférence ou désinvolture.

Heureusement, ce n'est plus le cas aujourd'hui. Nous sommes heureux d'appartenir à une majorité qui, avec le vote de la loi du 11 février 2005 pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées, a su relever les défis de l'accessibilité et de la compensation du handicap.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Le Mèner

J'en rappelle brièvement les principes : l'accessibilité pour tous, quel que soit le handicap, y compris pour les personnes à mobilité réduite, ce qui est un progrès essentiel dans la formulation et surtout dans l'action ; l'accessibilité lors de l'ensemble des déplacements : il s'agit de mettre fin au parcours du combattant des déplacements en ville, qu'il s'agisse des espaces publics ou des transports.

La loi du 11 février 2005 est le résultat d'une large concertation avec toutes les associations représentatives, et cette concertation se poursuit car les associations sont entendues régulièrement.

Enfin, on a fixé comme cap 2015, objectif qui n'est pas négociable, ainsi que le Président de la République l'a rappelé à la conférence du handicap.

C'est aussi par la concertation permanente que nous devons franchir les nouvelles étapes, de façon pragmatique, notamment au niveau local dans les commissions départementales de sécurité et d'accessibilité. Dans les communes, les entreprises, à la SNCF, à la RATP et dans les médias, chacun est à l'oeuvre.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Paul Lecoq

Et à l'Assemblée nationale, c'est pour quand ?

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Le Mèner

Il s'agit de redoubler d'efforts si l'on veut tenir le cap de 2015 au milieu de la tempête économique. Certes, des élus locaux ont exprimé leur inquiétude face à des budgets de plus en plus contraints. Mais cette inquiétude n'est en rien désintérêt. Des dérogations sont prévues en cas d'impossibilité technique ou pour préserver le patrimoine. Mais il ne saurait y avoir de dérogation pour convenances budgétaires !

On peut comprendre certaines difficultés à adapter le bâti ancien. Pour le neuf, en revanche, l'obligation d'accessibilité est intangible et je me réjouis qu'on ait imposé aux promoteurs d'offrir un certain volume de logements accessibles à 100 % dans les locations saisonnières. Néanmoins, il y a sûrement un effort supplémentaire à faire en direction de la formation des professionnels, dans l'accompagnement des opérateurs concernés et dans la discussion avec les collectivités locales, en tenant compte des usages précis des bâtiments ou des services. C'est par la concertation qu'on atteindra les résultats attendus, en cherchant l'efficacité et en faisant la meilleure utilisation des fonds publics, non en imposant de nouvelles contraintes.

On peut évoquer le chemin qui reste à faire. Mais retournons-nous sur celui que nous avons déjà parcouru : malgré la crise, notre pays a fait un effort historique en faveur des handicapés. Les budgets qui leur sont consacrés ont augmenté de 20 %, pour revaloriser l'AAH, créer 26 000 places pour adultes et enfants dans les établissements, permettre le cumul de l'AAH et des revenus d'activité et, action la plus emblématique dans cette politique volontariste souhaitée par le Président de la République, permettre à 200 000 enfants handicapés de devenir, dans nos écoles, des enfants comme les autres.

N'est-ce pas la plus belle image de notre détermination que nous pouvons offrir à la nation que de favoriser, dès le plus jeune âge, l'intégration de ces enfants victimes de handicap ? Quelle plus belle ambition pour la nation, selon la formule de Tahar Ben Jelloun, que de ne pas transformer les handicaps en inégalités ?

Voilà autant d'éléments qui enlèvent tout fondement, toute justification à cette proposition de résolution. Au nom du groupe UMP, je vous demande de la rejeter.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Christophe Lagarde

La parole est à Mme Martine Carrillon-Couvreur, pour le groupe SRC.

Debut de section - PermalienPhoto de Martine Carrillon-Couvreur

Monsieur le président, chers collègues, cette proposition de résolution va dans le sens de l'évolution de la société. Le principe d'accessibilité constitue en effet un enjeu de société en termes d'urbanisme, d'aménagement du territoire et de citoyenneté. Rendre accessible permet de rompre l'isolement, mais aussi de lutter contre les préjugés.

L'accessibilité a fait l'objet de nombreux débats dans cet hémicycle, depuis plusieurs mois. Nous avons notamment examiné le projet de loi tendant à améliorer le fonctionnement des maisons départementales des personnes handicapées. A cette occasion, sous la férule de groupes de pression, des parlementaires ont tenté de revenir sur le cadre posé par la loi du 11 février 2005.

Les députés du groupe SRC ont alors saisi le Conseil constitutionnel sur le texte. Les sages ont censuré l'article 19 qui introduisait des dérogations aux obligations d'accessibilité des bâtiments neufs pour les personnes handicapées, jugeant que cet article aurait définitivement sacrifié les principes d'accessibilité universelle posé par la loi du 11 février 2005.

La proposition de résolution qui nous est soumise réitère les principes contenus dans la loi du 11 février 2005 et confirme la décision du Conseil constitutionnel.

Oui, l'accessibilité est en lien direct avec le besoin de compensation des personnes en perte d'autonomie et peut être rendue nécessaire tout au long de la vie, que ce soit de façon définitive ou tout à fait temporaire.

A ceux qui mettent en avant l'obstacle financier, je veux dire ceci : plus la société sera accessible à tous et plus le besoin de compensation diminuera, car chacun pourra trouver sa place et son autonomie. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

C'est pourquoi l'accessibilité doit être réalisée dans l'intégralité des activités et des bâtiments que ce soit en matière de culture, de loisirs, de sports, d'architecture et bien sûr, d'accès à l'éducation.

Ainsi, il est fondamental d'édicter toutes les mesures visant à l'étendre et la loi doit faire passer un message fort et symbolique à la nation : notre société a le devoir de garantir à chacun la capacité de dépasser ses déficiences et ses handicaps pour réaliser ses choix de vie et exercer ses droits citoyens.

C'est tout l'objet de cette proposition de résolution dont l'exposé des motifs est particulièrement riche d'enseignements. L'absence d'accessibilité devient un facteur d'exclusion et de discrimination de plus en plus dénoncé. Cette proposition répond aux attentes des personnes handicapées, des associations et de nombre de nos concitoyens. C'est pourquoi le groupe SRC la votera. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Christophe Lagarde

Nous allons maintenant procéder au scrutin public sur l'ensemble de la proposition de résolution.

(Il est procédé au scrutin.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Christophe Lagarde

Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants 275

Nombre de suffrages exprimés 273

Majorité absolue 137

Pour l'adoption 121

Contre 152

(La proposition de résolution n'est pas adoptée.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Christophe Lagarde

L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de résolution de M. Paul Giacobbi et plusieurs de ses collègues portant sur la reconnaissance d'une présomption de lien de causalité entre l'exposition aux radiations suite à un accident nucléaire et la maladie ou le décès (3800).

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Christophe Lagarde

Dans la discussion générale, la parole est à M. Paul Giacobbi.

Debut de section - PermalienPhoto de Paul Giacobbi

Le 27 novembre 2008, il y a trois ans presque jour pour jour, je défendais devant cette assemblée une proposition de loi tendant à la reconnaissance et à l'indemnisation des victimes des essais et accidents nucléaires. Je constatais à cette occasion que cette proposition était la dix-huitième sur le même sujet qui ait été déposée sur le bureau de cette assemblée, la première cependant qui soit arrivée en débat. Le Gouvernement annonçait qu'il était prêt à admettre le principe d'une indemnisation des victimes d'activités nucléaires. Pour autant, il n'a pas poussé très loin dans cette voie puisqu'il a exclu l'indemnisation des victimes d'accidents nucléaires tandis que celle des victimes des essais nucléaires, a été réduite à une dose homéopathique, puisque seuls deux dossiers pourront faire l'objet d'une indemnisation.

Nous avons donc une certaine expérience et une connaissance approfondie des arguments qui nous sont opposés dans cette assemblée, car nous sommes habitués au discours politique de la majorité, mais aussi aux positions du parquet devant les juridictions compétentes. Nous pouvons ainsi classer ces arguments en deux catégories : ceux qui tiennent à une conception générale par laquelle et selon laquelle tout ce qui touche au nucléaire constitue un tout que rien ne saurait atteindre sans ruiner l'ensemble, que j'appelle arguments holistiques, et ceux qui tiennent au droit et aux procédures, que je qualifie d'arguments juridiques.

J'aurais d'autant plus de facilité à réfuter ces arguments que j'ai eu tout loisir, depuis maintenant une dizaine d'années, de les étudier avec attention. Leur réfutation est d'autant plus aisée, même pour un esprit aussi limité et peu documenté que le mien, que les événements qui se sont produits au cours des quatre dernières années viennent renforcer de manière spectaculaire cette entreprise.

S'agissant des arguments holistiques, il y a d'abord bien sûr le principe souvent énoncé selon lequel, puisque le nucléaire est parfait, il n'y a pas d'accident nucléaire, et qu'au surplus, si accident nucléaire il y a, il ne saurait provenir de l'activité nucléaire française, laquelle étend ses bienfaits et son influence sur une part croissante de notre planète.

Bien sûr, il y a eu Tchernobyl pour mettre un peu en cause ce principe fondamental de la foi nucléaire, mais il faut rappeler, et là est tout le débat, qu'à l'époque, un mur de verre, élevé à nos frontières, était censé empêcher le nuage de passer, si nuage il y avait, tandis qu'en tout état de cause les retombées sur le territoire national étaient tenues de manière très officielle pour négligeables et non pathogènes.

On a aussi insisté par la suite sur le fait que Tchernobyl était la conséquence d'une situation très particulière, s'agissant d'installations nucléaires parfaitement obsolètes situées dans un pays en grande mutation politique, dans le désordre caractéristique de l'effondrement de l'empire soviétique, toutes raisons qui faisaient qu'un tel événement n'avait aucun risque de se reproduire à notre époque de stabilité, de convergence économique, de globalisation heureuse et de fin de l'histoire.

Depuis, il y a eu l'accident de Fukushima, intervenu au Japon, dans un des pays les plus développé au monde, les mieux organisés, les plus prospères, tandis que l'effondrement économique et financier du monde occidental que nous sommes en train de vivre depuis le mois d'août 2007 devrait tout de même nous faire réfléchir sur la fragilité des choses, même en matière de technologie.

Les accidents nucléaires existent, ils peuvent se reproduire, et nos pays ne sont pas à tout jamais prospères et organisés. Nous devons donc prendre toutes les précautions par avance, et envisager les conséquences possibles d'un affaiblissement considérable de notre prospérité afin que cla n'entraîne pas un affaiblissement concomitant de nos systèmes de sécurité, notamment dans le domaine du nucléaire. En ce qui concerne les installations nucléaires françaises, nous disposons aujourd'hui du rapport de l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire qui, s'il considère que nos installations sont sûres, n'en prescrit pas moins qu'elles doivent être modifiées pour tenir compte du retour d'expérience de l'événement de Fukushima, en particulier, pour leur permettre de mieux faire face à d'éventuelles catastrophes naturelles.

S'agissant des arguments juridiques, on nous a tout d'abord opposé la loi du 30 octobre 1968, relative à la responsabilité civile dans le domaine de l'énergie nucléaire.

Outre que cette loi n'est que la prise en compte par la France des conventions internationales relatives à la responsabilité civile dans le domaine de l'énergie nucléaire, lesquelles n'ont été ni signées ni ratifiées par de nombreux pays, en particulier par ceux issus de l'ancien bloc soviétique, il se trouve que ces dispositions n'ont pas donné lieu à des mesures réglementaires d'application, de telle sorte qu'elles sont à ce jour inapplicables et qu'elles n'ont évidemment pas été mises en oeuvre à l'occasion des conséquences de l'accident de Tchernobyl.

Je signale au passage que l'article 10 de cette loi toujours en vigueur traite précisément de l'indemnisation, mais de manière remarquablement imparfaite. Cet article reste évidemment purement théorique puisqu'il prévoit un décret « pris sur le rapport du ministre chargé de l'énergie atomique et du ministre des affaires sociales » que nous attendons toujours. Ni Robert Galley, à l'époque chargé des questions atomiques, ni le regretté Maurice Schumann, chargé à l'époque des affaires sociales, ni aucun de leurs successeurs depuis l'automne 1968 n'ont cru bon de donner à ces dispositions la moindre possibilité pratique d'être appliquées.

On a ensuite réfuté notre modeste proposition par d'autres arguments juridiques, en rappelant qu'il existait des voies et moyens ordinaires devant les tribunaux et que les victimes d'irradiations consécutives à l'accident de Tchernobyl ou leurs ayants droit, regroupés en associations, avaient porté l'affaire devant les tribunaux, lesquels l'instruisaient et ne manqueraient pas de décider. Nous savons ce qu'il en est advenu puisque, malgré une excellente instruction, malgré la démonstration que la présentation de l'irradiation avait été erronée, la juridiction a acquitté la seule personne en cause et débouté les victimes requérantes pour la simple raison qu'elles n'étaient pas en état d'apporter la preuve que les maladies qu'elles avaient développées avaient bien pour cause l'irradiation qu'elles avaient subie à l'occasion des retombées de l'accident de Tchernobyl.

J'y insiste parce que nous sommes au coeur du sujet. Nous disposons aujourd'hui d'une démonstration évidente et judiciaire de ce que sans la loi qu'appelle de ses voeux la résolution que je défends devant vous, il ne serait pas possible à une victime, même si elle a développé une maladie radio-induite, et même si elle a démontré avoir subi une irradiation consécutive à un accident nucléaire, d'apporter la preuve d'un lien direct de cause à effet, sauf cas tout à fait exceptionnel d'une affection survenant très rapidement des suites d'une irradiation massive pour laquelle les causes et les conséquences ont été presque immédiatement expertisées par la médecine.

J'ajoute que si loi il y a, encore faudrait-il qu'elle fût applicable et que les décrets pris pour son application ne conduisent pas à la suite dérisoire qui est aujourd'hui donnée à la loi du 5 janvier 2010 relative à l'indemnisation des victimes des essais nucléaires. Je rappelle que, sur 600 cas et 129 dossiers déposés auprès de la commission d'indemnisation, 127 ont fait l'objet d'un refus. Il n'y a pas lieu de penser que cette proportion sera sensiblement modifiée pour les dossiers qui seront déposés ultérieurement.

Au final, nous avons une première loi datant de plusieurs dizaines d'années mais qui ne s'applique pas parce que les décrets nécessaires ne sont toujours pas parus, et une seconde loi tout aussi inapplicable car les décrets devant permettre de la mettre en oeuvre ont été rédigés de telle manière que l'indemnisation est impossible. Quant à la résolution dont nous débattons, sans être excessivement optimiste (Sourires), je ne suis pas certain qu'elle soit massivement approuvée par cette assemblée. Tout cela est vraiment malheureux.

Au-delà du débat juridique ou conceptuel, au-delà de l'opinion qui peut être la nôtre sur les bienfaits ou les méfaits de l'activité nucléaire, il y a des faits qui ne sont plus contestés, et il y a eu des victimes qui ne peuvent plus être abandonnées à leur sort.

S'agissant de Tchernobyl, les faits ne sont plus contestés. Il n'y a plus de différence entre les cartographies officielles de l'exposition des différentes parties du territoire français à l'irradiation et celles qui avaient été publiées, à l'époque, par des organismes privés tels que la CRIIRAD.

A l'autre bout du système, il y a des personnes qui sont victimes de maladies que les médecins considèrent comme des conséquences de ce type d'irradiations. Il y a des études qui progressent visant à démontrer la corrélation qui pourrait exister entre une prévalence accentuée de certaines affections liée à la présence sur les parties de territoire les plus affectées par l'irradiation. Mais nous savons tous l'extrême difficulté rencontrée pour démontrer ce qu'il en est dans ce domaine, surtout lorsqu'il n'existait pas préalablement de registres, en particulier concernant les cancers.

Madame la secrétaire d'État chargée de la santé, mes chers collègues, depuis quelques années, dans notre pays, nous constatons sur le sujet qui nous réunit une volonté claire de transparence et de réactivité. Nous en avons des exemples récents. Il y a quelques jours, on a ainsi pu localiser en Hongrie l'origine d'émissions d'iode 131 repérées à un niveau légèrement anormal dans plusieurs pays européens. Cet effort de transparence est louable et méritoire. Le rapport de l'Institut de radioprotection et de sécurité nucléaire que j'évoquais participe de cette évolution positive.

Mais alors, pourquoi ne pas accorder aux victimes des accidents et des essais nucléaires le bénéfice de la transparence et de l'indépendance qui, par ailleurs, progresse en matière de prévention des risques liés à l'activité nucléaire ? C'est la question que je me pose ; j'espère que l'Assemblée y répondra et qu'elle fera évoluer la situation positivement. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Dolez

Monsieur le président, madame la secrétaire d'État chargée de la santé, mes chers collègues, vingt-cinq ans après l'explosion de la centrale nucléaire de Tchernobyl, la proposition de résolution de nos collègues du groupe SRC entend faciliter l'indemnisation des victimes en invitant le Gouvernement à établir un principe de « présomption d'un lien de causalité entre, d'une part, la ou les maladies affectant toute personne résidant sur un territoire ayant été, de manière significative, contaminé du fait d'un accident nucléaire et, d'autre part, l'accident nucléaire ».

Cette proposition de résolution s'inscrit dans un vaste mouvement de prise de conscience des difficultés que rencontrent les victimes d'essais ou d'accidents nucléaires pour obtenir l'indemnisation à laquelle elles peuvent légitimement prétendre.

Ces dernières années, à l'Assemblée nationale et au Sénat, cette prise de conscience s'est traduite par le dépôt de nombreuses propositions de loi et propositions de résolution demandant de création d'une commission d'enquête. Elles ont été présentées par presque tous les groupes politiques. Pour notre part, nous avons déposé deux propositions de loi, l'une en 2002 et l'autre en 2008, relatives au suivi sanitaire des essais nucléaires français.

S'agissant des victimes des essais nucléaires, la loi du 5 janvier 2010 relative à la reconnaissance et à l'indemnisation des victimes a, malgré tout, permis certaines avancées. A ainsi été introduite une présomption simple de causalité entre la maladie et les essais nucléaires, lorsque les conditions d'indemnisation prévues par la loi sont réunies. Le renversement de la charge de la preuve qui est ainsi opéré constitue une amélioration pour les victimes, même si, comme vient de le rappeler M. Giacobbi, les décrets d'application viennent malheureusement réduire l'efficacité et l'impact de cette loi.

L'indemnisation des victimes d'accidents nucléaires se heurte toujours à des procédures complexes et inadaptées. S'agissant des victimes des conséquences de Tchernobyl, il convient de rappeler que la Cour de justice de la République avait classé sans suite la plainte d'une victime atteinte d'un cancer de la thyroïde lié, selon la personne malade, au passage du nuage de Tchernobyl en France, en 1986. Cette plainte visait cinq anciens ministres. La victime reprochait de ne pas avoir été suffisamment informée, au même titre que l'ensemble de la population, des risques entraînés par l'explosion du réacteur quatre de la centrale ukrainienne. Toutefois, la commission des requêtes de la Cour de justice a rendu le 23 octobre 2003, une décision de classement non susceptible de recours. Cette décision était motivée par l'absence de « lien de causalité scientifiquement démontré » entre le passage du nuage de Tchernobyl au-dessus de la résidence de la victime et la maladie dont elle a été reconnue atteinte en 2000.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Dolez

De manière générale, lorsqu'on examine les arrêts rendus par les différentes juridictions, on s'aperçoit qu'à défaut d'expertises médicales solides et pertinentes les demandes sont rejetées systématiquement.

L'arrêt du 19 mars 2008 rendu par la cour administrative d'appel de Paris précise ainsi que, quand bien même « les autorités administratives françaises auraient commis, dans la gestion de la crise sanitaire résultant du passage sur la France en 1986 du nuage radioactif provenant de l'explosion de la centrale nucléaire de Tchernobyl, une faute de nature à engager la responsabilité de l'État », le lien causal doit être démontré par les intéressés entre leur pathologie et le passage du nuage radioactif.

L'impossibilité dans laquelle se trouvent les victimes de démontrer ce lien de causalité a une nouvelle fois été illustrée par le non-lieu général rendu, le 7 septembre 2011, par la cour d'appel de Paris dans l'enquête ouverte en 2001 sur l'impact du nuage de Tchernobyl en France.

Comme le requérait le ministère public, la cour d'appel a considéré que les analyses scientifiques versées au dossier s'accordaient pour établir que la catastrophe nucléaire de 1986 n'avait pas eu de conséquences sanitaires mesurables en France ; en particulier, aucun lien n'a été établi avec des maladies de la thyroïde.

Les associations, en particulier l'Association française des malades de la thyroïde, qui a formé un pourvoi en cassation, dénoncent cette décision, dans laquelle elles voient à juste titre un véritable déni de justice.

Considérant qu'il est grand temps d'adopter une législation permettant d'inverser la charge de la preuve en faveur des victimes d'accidents nucléaires, les députés communistes, républicains et du parti de gauche voteront cette proposition de résolution. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Leteurtre

Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, la proposition de résolution qui nous est aujourd'hui soumise traite d'un sujet que nous connaissons bien, puisqu'il a fait l'objet de plusieurs propositions de loi et de commissions d'enquête, auxquelles j'ai d'ailleurs eu l'occasion de participer.

Au lendemain du tremblement de terre et du tsunami qui ont frappé le Japon le 11 mars 2011, la situation de plusieurs centrales nucléaires japonaises a ravivé l'inquiétude des pays qui ont choisi l'énergie nucléaire et celle des populations. Aussi la ministre de l'écologie, Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, a-t-elle déclaré que la France allait contrôler la sûreté de toutes ses centrales nucléaires et a qualifié d'acquise l'idée d'un débat sur la politique énergétique et le nucléaire français.

Je crois utile de rappeler quelques vérités concernant notre politique nucléaire. Tout d'abord, il ne s'agit pas de remettre en cause son bien-fondé. En effet, depuis les années 1960, notre politique de dissuasion nucléaire fait l'objet d'un quasi-consensus : des essais nucléaires ont été menés par des gouvernements de toutes sensibilités politiques. Cette politique assure l'indépendance énergétique et militaire de notre pays, garantissant à la France son rang dans le monde.

Néanmoins, il est important de reconnaître que cette politique a eu des conséquences sur la santé de certains de nos concitoyens, militaires ou civils, ayant participé à des expérimentations ou ayant résidé à proximité des sites concernés. Au reste, tous les États qui ont procédé à des essais nucléaires ont admis que ceux-ci avaient pu avoir des conséquences sanitaires dommageables et ont prévu des mécanismes d'indemnisation. C'est notamment le cas des États-Unis, du Royaume-Uni, de l'Australie et du Canada. Notre pays avait lui aussi le devoir de reconnaître et de réparer les conséquences de ses essais nucléaires, et je crois pouvoir dire qu'un consensus national a été trouvé sur ce sujet. La nécessité d'indemniser les victimes de ces essais a en effet été reconnue lors de l'adoption, en 2009, du projet de loi d'Hervé Morin, alors ministre de la défense, sur l'indemnisation des victimes d'essais nucléaires.

Force est de constater que, face à ce problème, les pouvoirs publics ne sont pas restés inactifs, puisqu'ils se sont engagés, au cours des dernières années, à améliorer l'indemnisation et le suivi sanitaire des victimes des essais nucléaires.

Mais, si un lien de causalité peut être établi entre les essais nucléaires et les victimes de ceux-ci, la présomption d'un tel lien entre les pathologies radio-induites et les accidents nucléaires semble difficilement acceptable non seulement sur le plan juridique mais aussi sur le plan scientifique. Il revient au juge, et à lui seul, d'établir l'existence d'un éventuel lien de causalité, selon des critères qui relèvent du cas par cas. En tant qu'ancien expert, j'affirme que l'on ne peut définir des critères de reconnaissance aussi vagues que ceux qui sont proposés dans le texte qui nous est soumis. C'est, je le répète, à la jurisprudence de les établir au cas par cas ; une proposition de résolution visant à systématiser le lien de causalité ne résoudrait pas le problème.

On sait aujourd'hui combien il est difficile, et vous l'avez rappelé, d'établir un lien de causalité dans ce domaine, précisément parce qu'il est extrêmement difficile de définir des critères de reconnaissance, en raison de la multitude de cas particuliers. Qu'il me soit donc permis de douter très sincèrement de la pertinence d'une résolution aussi généraliste que celle qui nous est soumise et qui semble balayer d'un revers de main la mise en place de critères juridiques clairs et précis pour l'établissement de la preuve. C'est la négation de la procédure juridique.

N'oublions pas que les différents accidents nucléaires qui se sont produits à travers le monde dépendent du niveau de l'accident ou de l'incident, de l'environnement direct et, enfin, des mesures de protection de la population qui ont été prises immédiatement ou en amont. L'ensemble de ces curseurs doivent être examinés au cas par cas : globaliser le problème ne répondrait pas à la volonté de réparation des familles si le lien de causalité était établi.

Enfin, il ne me paraît pas non plus adapté de viser les accidents nucléaires civils, puisque des régimes juridiques d'indemnisation sont déjà prévus par des conventions internationales – convention de Paris de 1960 et convention de Bruxelles de 1963 – ainsi que par la loi du 30 octobre 1968 relative à la responsabilité civile dans le domaine de l'énergie nucléaire. Cette question relève, à n'en pas douter, des régimes internationaux de responsabilité civile en matière de dommages nucléaires.

Pour toutes ces raisons, le groupe Nouveau Centre votera fermement contre cette proposition de résolution.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Bodin

Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, le groupe socialiste a demandé l'inscription à l'ordre du jour d'une proposition de résolution portant sur la reconnaissance d'une présomption de lien de causalité entre l'exposition aux radiations suite à un accident nucléaire et la maladie ou le décès. Ce texte renvoie aux difficultés réelles rencontrées par des personnes malades qui souffrent, qui s'interrogent légitimement sur la cause de leur affection, sur un possible lien avec l'accident de Tchernobyl, et qui recherchent une preuve scientifique pouvant lier leur maladie à cet accident.

Il est hors de question pour le groupe UMP de sous-estimer ces préoccupations. Je tiens d'ailleurs à rappeler que, ces dernières années, les pouvoirs publics se sont engagés à améliorer l'indemnisation et le suivi sanitaire des victimes dans le domaine nucléaire. L'État a ainsi instauré un dispositif précis et encadré. En effet, la loi du 5 janvier 2010 relative à la reconnaissance et à l'indemnisation des victimes des essais nucléaires français et le décret du 11 juin 2010 prévoient une procédure d'indemnisation pour les personnes atteintes de maladies résultant d'une exposition à des rayonnements ionisants. Cette procédure concerne les personnels qui ont participé aux essais nucléaires français réalisés au Sahara et en Polynésie entre 1960 et 1996, ainsi que les populations locales certifiant avoir séjourné ou résidé dans la zone des essais. Les maladies sont inscrites sur une liste fixée par décret en Conseil d'État, conformément aux travaux reconnus par la communauté scientifique internationale, et un comité d'indemnisation a été créé spécialement afin d'instruire les demandes et de déterminer les modalités de calcul des indemnisations. Ainsi, chaque année, le projet de loi de finances prévoit les crédits nécessaires pour réparer les conséquences sanitaires des essais nucléaires français menés depuis cinquante ans. Pour 2012, une enveloppe de 10 millions d'euros a été inscrite et adoptée par notre assemblée. Contrairement à ce que vous souhaitez faire croire, le Gouvernement et la majorité accordent donc la plus grande attention aux personnes exposées qui ont déclaré des maladies radio-induites

L'État est également très attentif à la sécurité de notre parc nucléaire. Je suis d'accord avec vous, monsieur Giacobbi, pour dire que l'industrie nucléaire présente des risques et doit donc être encadrée. Tel est le rôle de l'Autorité de sûreté nucléaire – l'ASN –, chargée du contrôle de la sûreté nucléaire et de la radioprotection, qui a mis en place des inspections régulières. Tout incident, aussi minime soit-il, toute anomalie, fait l'objet d'un rapport. Ce système est transparent. Les rapports de l'ASN sont publics et présentés au Gouvernement et au Parlement, sous le contrôle attentif de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques.

Immédiatement après le dramatique accident de la centrale de Fukushima au Japon, le 11 mars dernier, le Président de la République a souhaité que soient réalisées des évaluations complémentaires de nos centrales. Les exploitants ont remis leurs conclusions le 15 septembre dernier. Le mois dernier, l'IRSN – l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire – a présenté, à partir de l'analyse de ces documents, un rapport d'évaluation de la résistance de nos centrales à différents risques naturels : inondations, risques sismiques. Il en conclut que, même si certains points sont à améliorer, notamment pour renforcer la prévention des accidents à la lumière de ce qui s'est passé à Fukushima, nos centrales sont sûres et il n'y a pas lieu de les fermer. L'ASN réalisera, sur la base de ces conclusions, un rapport final sur la sécurité des centrales avant la fin de l'année ou début 2012. Cet audit complet a pour objectif de s'assurer que notre parc nucléaire est sûr, qu'il ne porte pas atteinte à la santé de la population et que tous les accidents, même les plus impensables, sont pris en compte.

Pour revenir à l'objet du texte que nous examinons ce soir, la création d'une présomption générale d'un lien de causalité entre l'accident nucléaire de Tchernobyl et la maladie pose de nombreux problèmes juridiques et pratiques. Instaurer une présomption de causalité générale signifierait tout d'abord que le législateur se substitue aux autorités scientifiques et médicales, notamment à l'Institut de veille sanitaire.

Instaurer une présomption de causalité a priori et automatique signifierait, ensuite, assimiler sous un même régime, d'une part, les personnes qui ont été réellement exposées et, d'autre part, celles qui sont malades pour des raisons extérieures à l'exposition.

Debut de section - PermalienPhoto de Paul Giacobbi

La proposition de résolution dit le contraire !

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Bodin

Non seulement une telle assimilation serait injuste, mais elle conduirait inévitablement à des demandes abusives.

En outre, votre proposition de résolution pose plus de questions qu'elle n'apporte de réponses. En effet, qui indemnisera ? Quelles maladies seraient définies ? Quels territoires seraient pris en compte et comment seraient-ils délimités ? Quelles générations seraient concernées ? Envisagez-vous de tenir compte de l'exposition directe ou indirecte ? Enfin, comment s'assurer qu'il n'y ait pas de demandes abusives ?

L'absence de critères précis nuirait inévitablement à une prise en charge efficace. C'est pourquoi le groupe UMP votera contre cette proposition de résolution.

Debut de section - PermalienPhoto de Christiane Taubira

Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, vous me permettrez de commencer mon intervention en rendant hommage au travail accompli par notre collègue Paul Giacobbi, dont je veux saluer l'opiniâtreté – il a consacré dix années à ce sujet – et la tempérance – venant de moi, c'est un compliment de poids –, car il a toujours eu le souci de dissocier scrupuleusement la question de la réparation due aux victimes présentant des pathologies radio-induites de celle du choix stratégique de l'industrie nucléaire.

Par ailleurs, il fait le choix de l'efficacité, en optant pour une proposition de résolution. Il s'agit pour lui de collaborer autant que faire se peut avec le Gouvernement afin d'élaborer des dispositions législatives permettant de traiter correctement cette question, qui – les précédents orateurs l'ont rappelé – n'est pas neuve pour nous, puisqu'une loi relative à l'indemnisation des victimes des essais nucléaires a été votée en janvier 2010.

Cette proposition de résolution s'inspire d'un certain nombre de principes, au premier rang desquels le respect dû aux victimes. Elle se caractérise également par une grande prudence par rapport aux données médicales et statistiques ; une vraie rigueur, tenant compte de l'état des connaissances ; une attitude d'écoute et de dialogue, parce que nous savons que des controverses subsistent – ce qui n'empêche pas la proposition de résolution d'en appeler à la responsabilité de l'État et des institutions publiques, notamment dans leurs rapports avec les citoyens. Je ne nierai pas que cette proposition de résolution est également inspirée par une certaine empathie à l'égard des victimes : quelles que soient les réparations matérielles ou financières que nous pourrons leur consentir, nous ne serons jamais en mesure de leur restituer l'intégralité de leur capital santé.

Notre démarche est donc à la fois une démarche de responsabilité et de solidarité, visant à préserver la dignité des victimes. Cette dignité est, je le souligne, singulièrement mise à mal par les dénégations qui leur sont opposées et qui constituent implicitement autant d'accusations de fraude et de mensonge. Pour notre part, nous proposons de sortir de cette logique de suspicion pour faire le choix de la confiance, qui est l'un des piliers du contrat social, l'État redevenant alors l'institution ayant vocation à protéger les citoyens.

En 1986, la catastrophe de Tchernobyl a été marquée par deux facteurs créant une combinaison infernale : d'une part, le déplacement d'un nuage radioactif, d'autre part, des événements climatiques particuliers, à savoir des pluies abondantes dans plusieurs régions, notamment celles de Nice, du Rhône et de la Corse. C'est cette combinaison qui fait que l'effet radioactif ne peut pas être contesté dans les régions concernées.

La question de l'opportunité de recourir à une stratégie nucléaire dans les domaines civil et militaire donne régulièrement lieu à des débats très vifs – c'est encore le cas en ce moment. Mais ce n'est pas le sujet de cette proposition de résolution. Certes, nous avons des divergences sur cette question, mais notre proposition de résolution, qui a justement pour objet de nous rassembler sur une éthique de la responsabilité et de la transparence, transcende ces divergences.

Je rappelle que les publics les plus exposés, les plus vulnérables, ont été les femmes enceintes de plus de douze semaines et les enfants en bas âge, en qui il est difficile de voir des ennemis de l'État ! Ce sont pourtant ces victimes qui doivent affronter l'institution judiciaire et faire la preuve, alors même qu'elles disposent de moyens bien inférieurs à ceux de l'État, de l'existence d'un lien de causalité entre les pathologies ophtalmiques, thyroïdiennes, cardiovasculaires, respiratoires, cancéreuses, dont elles sont atteintes, et leur présence sur le parcours du nuage – un nuage qui, nous disait-on, n'avait pas franchi la frontière ! Cette situation est profondément injuste, insupportable et aléatoire. Comment accepter de voir des victimes en butte à un appareil d'État montrant de l'hostilité à leur égard ? Par ailleurs, on ne peut rejeter sur le juge ce qui constitue bel et bien une défaillance de la loi : le législateur et le pouvoir exécutif ne peuvent se défausser de leur responsabilité sur la justice.

Le lien de causalité d'origine est établi depuis une dizaine d'années par le Sénat américain, qui a adopté une loi établissant une liste de dix-huit pathologies radio-induites. En France, la loi du 5 janvier 2010 établit une présomption de causalité – qui a, depuis, été assez largement remise en cause dans son exécution – au profit des victimes d'essais nucléaires. À l'époque de Tchernobyl, tous les pays n'ont pas eu l'attitude de dénégation de la France : ainsi, l'Allemagne et l'Italie ont reconnu que le nuage était passé sur leur territoire, et donné des consignes publiques.

Toute la question qui se pose à nous aujourd'hui est de savoir si nous voulons être cohérents avec le contenu de la loi de 2010, qui n'a donné lieu qu'à deux indemnisations sur 632 dossiers déposés ! Autant dire que nous avons mis en place un système d'indemnisation qui n'indemnise personne ! Il y a deux raisons à cela : d'une part, le fonds d'indemnisation n'est pas autonome, mais géré par l'administration du ministère de la défense ; d'autre part, la méthode mise en oeuvre n'est pas efficace, dans la mesure où elle a consisté à réintroduire sournoisement un effet de seuil.

Force est de reconnaître qu'il y a eu faute. Ce n'est peut-être ni le moment ni le lieu de trancher quant aux responsabilités, mais c'est un fait, il y a eu faute, par tromperie ou par négligence, sous l'autorité de certains scientifiques, de fonctionnaires ou de responsables de l'exécutif, et les victimes ont le droit de réclamer réparation. Nous plaidons donc pour l'adoption de cette proposition de résolution qui accomplit un acte de justice, dans le respect de la dignité des victimes, et rappelle que l'État est là pour protéger les citoyens. Nous vous appelons à voter ce texte sans dévier vers des débats inopportuns relatifs à la pertinence du choix stratégique du nucléaire dans l'industrie civile ou militaire, mais en tenant compte du fait qu'en 1986 des défaillances et des négligences, qui pourront éventuellement être appréciées et jugées par ailleurs – certaines l'ont été –, ont exposé des citoyens à des pathologies qui, aujourd'hui, les pénalisent considérablement dans leur vie quotidienne. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Debut de section - PermalienPhoto de Simon Renucci

Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, en 1986 a eu lieu la catastrophe nucléaire de Tchernobyl. Alors que l'État avait affirmé que le nuage radioactif engendré par l'explosion s'était arrêté aux frontières, aujourd'hui encore l'impact sanitaire de cette catastrophe reste mal évalué. Les territoires de l'est de la France, les Alpes, la vallée du Rhône, la ville de Nice et sa région, ainsi que la Corse ont été particulièrement contaminés, notamment en raison d'importantes précipitations survenues dans la période ayant suivi l'accident.

Cette proposition de résolution est un premier pas vers la reconnaissance d'une présomption d'un lien de causalité entre l'exposition aux radiations suite à un accident nucléaire et la maladie ou le décès. Un article unique visant à reconnaître la « protection de la santé » n'est pas un vain mot en cette période de crise de confiance, où l'accès aux soins se fait de plus en plus difficilement.

Nombreux sont ceux qui doutent de cette présomption de lien de causalité, mais je tiens à préciser que je milite uniquement dans un cadre juridique protectionniste, visant à rétablir la confiance en sortant du flou qui ne permet pas aux justiciables d'être entendus. Le rapport de l'INVS sur la période 1998-2001 précise : « il ressort du bilan des conséquences sanitaires de l'accident de Tchernobyl que la glande thyroïde est l'organe qui a constitué la cible principale des retombées radioactives » ; la fixation de l'iode radioactif sur la glande thyroïde est effectivement est phénomène bien connu.

« Le seul impact démontré à ce jour est l'augmentation des cancers de la thyroïde chez les personnes qui, au moment de l'accident, étaient enfants ou adolescents et vivaient dans les régions les plus contaminées. »

La reconnaissance d'une présomption est d'autant plus nécessaire qu'à défaut d'expertises médicales solides et pertinentes les demandes des justiciables seront rejetées systématiquement, comme l'ont dit les orateurs qui m'ont précédé. Or ces expertises ont un coût et les victimes potentielles sont souvent démunies quand il s'agit de prouver le lien entre la maladie et l'accident nucléaire. C'est pourquoi, au-delà même de cette proposition de résolution, il est essentiel de réfléchir à la mise en place par l'État de mesures efficaces d'évaluation des retombées radioactives, ainsi que de mesures permettant de disposer d'éléments de référence pouvant si nécessaire constituer une preuve.

Les conséquences sanitaires ne peuvent être ignorées, surtout après la catastrophe de Fukushima. En effet, à la suite de l'explosion, les nombreuses retombées ont rendu impropres à la consommation de nombreux produits alimentaires et des végétaux. Dans l'atlas de la contamination française et européenne, publié en 2002 par le CRIIRAD et le géophysicien André Paris, la pollution en Corse apparaît très nettement. La production laitière, l'herbe, les animaux et les cultures ont dès lors pu être contaminés.

La Corse affiche aujourd'hui le taux record en France de cancers de la thyroïde. Ce constat interpelle et mériterait une étude plus précise. D'aucuns diront que l'amélioration du dépistage explique en partie cette situation. Si un meilleur dépistage a indéniablement une incidence sur les chiffres, il n'explique pas tout. À ce sujet, je déplore l'absence d'un registre des cancers en Corse, ce qui s'explique par le fait que notre population est inférieure à 500 000 habitants.

Officiellement, vingt ans après l'explosion du réacteur nucléaire de Tchernobyl, le nuage radioactif n'a pratiquement pas fait de victimes en France ! Cependant, la gravité des dysfonctionnements et des troubles sanitaires et médicaux doivent être reconnus grâce à une législation adaptée, car la population ne dispose d'aucune mesure de protection en matière de santé publique en cas d'accident, du fait de la difficulté à prouver une relation de cause à effet. Je rends hommage à M. Giacobbi pour sa ténacité car, dans ce domaine, sa proposition de résolution peut constituer la première pierre d'un système juridique basé sur la présomption. Certes, il ne s'agit pas de confondre l'industrie nucléaire et les accidents, mais il est bon d'engager la réflexion sur ce thème, afin que l'on ne se trouve plus jamais pris au dépourvu comme on a pu l'être à la suite de l'accident de Tchernobyl : c'est en procédant de la sorte que nous restaurerons la confiance.

À mon sens, cette résolution nous engage, elle engage notre responsabilité et celle du Gouvernement. La crise de confiance qu'engendre cette situation ne peut être combattue qu'en faisant appel au respect de la dignité des victimes…

Debut de section - PermalienPhoto de Simon Renucci

…ainsi qu'à l'expression de la vérité et à l'équité. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Patrick Gille

Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, vingt-cinq ans après Tchernobyl, l'accident de Fukushima, survenu au printemps dernier, a malheureusement rappelé que le risque nucléaire était une réalité. Il nous invite aujourd'hui à dresser un état des lieux des règles applicables en matière de réparation financière à la suite d'un accident nucléaire.

En France, la responsabilité des exploitants d'installations nucléaires est un régime dérogatoire au principe de l'indemnisation intégrale des dommages. L'objectif de ce dispositif est très clair : il s'agit de ne pas entraver le développement de l'industrie nucléaire et de la préserver de l'ampleur des dommages qu'elle est susceptible d'occasionner. La responsabilité de l'exploitant nucléaire est donc limitée à 700 millions d'euros par accident nucléaire. Il est également prévu une indemnisation complémentaire par l'État du lieu de situation de l'installation.

À cette responsabilité limitée de l'industrie nucléaire il faut ajouter les difficultés rencontrées par les victimes pour apporter la preuve scientifique du lien entre leur état de santé et leur présence sur des lieux contaminés par un accident nucléaire. Ainsi, à l'heure actuelle, il n'existe pas en France de véritable mécanisme d'indemnisation des accidents nucléaires. Cette situation, nous la connaissons bien, car c'est celle à laquelle sont confrontées depuis des décennies les victimes des essais nucléaires.

S'il ne faut pas mélanger les notions de nucléaire civil et de nucléaire militaire, et encore moins un accident nucléaire et un essai nucléaire, c'est-à-dire l'explosion d'une bombe – qui présente un danger aussi bien quand il s'agit de l'explosion réussie d'une bombe dans l'atmosphère que quand il s'agit d'un essai souterrain raté, comme ce fut le cas avec l'accident de Béryl, au Sahara –, on peut néanmoins s'arrêter un instant sur la question de l'indemnisation des victimes des essais nucléaires par irradiation ou contamination.

Ces dernières années, une jurisprudence abondante a permis de faire progresser la reconnaissance d'un lien de causalité entre l'exposition aux rayonnements ionisants lors des essais nucléaires et le développement de maladies dites radio-induites. De nombreux pays, en particulier des pays anglo-saxons dont les États-Unis, ont légiféré dans ce sens. Il y a maintenant urgence à ce que la France adopte elle aussi un cadre législatif permettant l'établissement d'une présomption de causalité entre les maladies radio-induites et les essais nucléaires, ouvrant enfin droit à une réparation intégrale des préjudices subis.

Au terme d'un long combat, mené par les associations de victimes – je pense notamment à l'Association des vétérans d'essais nucléaires – mais aussi par des parlementaires, puisque pas moins de dix-huit propositions de loi ont été déposées, la dernière étant celle de notre collègue Christiane Taubira, que j'avais cosignée et que nous avons défendue en séance, le Gouvernement a été forcé de déposer en 2009 un projet de loi relatif à la reconnaissance et à l'indemnisation des victimes des essais nucléaires.

Si cette loi, dite loi Morin, marque une avancée pour la reconnaissance des victimes, nous nous étions finalement abstenus sur ce texte qui proposait une indemnisation a minima.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Patrick Gille

En effet, si le principe de présomption de causalité a été enfin inscrit dans la loi, grâce aux sénateurs, il a ensuite été restreint avec l'adoption d'un codicille limitant considérablement son application : « l'intéressé bénéficie d'une présomption de causalité à moins qu'au regard de la nature de la maladie et des conditions de son exposition le risque attribuable aux essais nucléaires puisse être considéré comme négligeable ».

Le décret d'application, sorti quelques mois plus tard, est venu confirmer nos réserves et nos craintes. Le processus d'indemnisation ne respecte pas l'esprit de la loi, selon laquelle le demandeur devait bénéficier de la présomption de causalité, sous réserve que certaines conditions soient remplies : la présence sur les lieux de tir au moment de l'essai et le développement de maladies radio-induites reconnues, comme les cancers.

Mes chers collègues, la loi que nous avons votée ne fonctionne pas car le principe de présomption de causalité, c'est-à-dire l'inversion de la charge de la preuve, a été retourné, voire détourné – je n'hésite pas à le dire – par le comité d'indemnisation qui a été mis en place. Celui-ci a profité de l'ambiguïté de la loi que je viens de rappeler pour réintroduire un calcul de probabilité sous la forme d'un logarithme très complexe qui est extrêmement défavorable aux demandeurs. Concrètement, depuis la mise en oeuvre de cette loi, sur les 632 dossiers reçus par la commission, 278 ont été examinés et seules deux personnes vont être indemnisées. C'est un véritable scandale !

L'espoir apporté par l'adoption de la loi aux victimes et à leurs familles a laissé place à une profonde amertume. C'est pourquoi j'ai voulu profiter de ma présence à cette tribune pour indiquer qu'il faut impérativement revoir ce décret d'application et réaffirmer fortement le principe de présomption de causalité.

Cet exemple atteste que, si ce principe n'est pas inscrit purement et simplement dans le droit français, la prise en charge du risque nucléaire restera aléatoire et les victimes soumises à de lourdes et coûteuses procédures judiciaires, qui aboutissent rarement à une indemnisation. Mais peut-être est-ce ce qui est recherché. Si, au contraire, vous pensez que le risque nucléaire existe et qu'il doit être pris en compte en toute responsabilité, votez ce projet de résolution. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Christophe Lagarde

La discussion générale est close.

La parole est à Mme Nora Berra, secrétaire d'État chargée de la santé.

Debut de section - PermalienNora Berra, secrétaire d'état chargée de la santé

Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, le projet de résolution qui est discuté aujourd'hui pose le problème de l'établissement d'un lien de causalité entre l'exposition aux radiations suite à un accident nucléaire et la survenue de pathologies ou le décès.

L'exposé des motifs évoque la question de la responsabilité, mais je vous précise qu'il existe déjà un régime de responsabilité dérogatoire. Celui-ci dispense la victime de prouver, non pas la relation de cause à effet, mais la faute de l'exploitant en cas d'accident nucléaire. L'exploitant nucléaire est l'unique responsable des conséquences d'un accident nucléaire survenu dans son installation, même s'il n'a pas commis de faute. L'indemnisation des victimes en est donc facilitée.

En effet, la loi du 30 octobre 1968 prévoit, en ce qui concerne les dommages corporels, en fonction de l'irradiation et de la contamination reçues et du délai dans lequel l'affection a été constatée, une liste non limitative des affections qui sont présumées avoir pour origine l'accident. Un mécanisme de présomption existe déjà, mais il ne peut être mis en oeuvre que postérieurement à un accident, dans la mesure où il est nécessaire d'en connaître les caractéristiques pour lister lesdites affections.

Debut de section - PermalienNora Berra, secrétaire d'état chargée de la santé

De plus, la présomption générale proposée ne serait pas conforme aux engagements de la France prévus par la Convention de Paris de juillet 1960 sur la responsabilité civile dans le domaine de l'énergie nucléaire et par la Convention complémentaire de Bruxelles de janvier 1963. En effet, les parties à cette convention s'engagent à compléter les montants d'indemnisation offerts par la garantie de l'exploitant et par l'État sur le territoire duquel l'accident est survenu.

Si un dispositif comme celui que vous proposez avait pour effet de faire bénéficier d'une présomption de causalité des affections sans aucun lien avec l'accident et sans lien avec l'exposition aux rayonnements ionisants,…

Debut de section - PermalienPhoto de Paul Giacobbi

N'importe quoi ! Cela n'a rigoureusement rien à voir avec le texte !

Debut de section - PermalienPhoto de Christiane Taubira

Ce que vous dites est surtout en lien avec des mensonges !

Debut de section - PermalienNora Berra, secrétaire d'état chargée de la santé

…les fonds disponibles au titre du régime de responsabilité civile nucléaire, notamment les fonds publics, seraient affectés à la réparation de dommages qui ne sont pas normalement couverts par ce régime.

Vous l'avez compris, personne ne nie le lien entre irradiation et cancer. Il a été objectivé de façon formelle, par exemple chez les personnes directement exposées sur le site de Tchernobyl ou vivant à proximité.

En France, les différents travaux menés par l'Institut de veille sanitaire n'ont jamais mis en évidence un lien de causalité entre le passage du nuage et l'augmentation de l'incidence du cancer de la thyroïde, notamment en Corse. Ainsi, dans l'affaire de Tchernobyl, les multiples études épidémiologiques ont prouvé que l'incidence du nuage sur la multiplication des affections constatées en France était très faible, voire non quantifiable. Une présomption légale de causalité serait donc totalement contraire aux données scientifiques. Le lien de causalité ne peut pas se décréter ; il doit se démontrer. L'Institut de veille sanitaire est le mieux à même de mettre en évidence une modification de l'état de santé de la population dans une zone touchée et de la comparer à l'évolution constatée dans les zones non touchées. Par exemple, devant une augmentation du nombre de cancers thyroïdiens, il est important de rappeler que de multiples facteurs de risque – environnementaux, nutritionnels ou génétiques – doivent être examinés afin d'établir des liens de causalité et de prendre des mesures correctives sur l'ensemble de ces facteurs de risque.

Toujours en ce qui concerne la situation en Corse, l'augmentation des cancers de la thyroïde évoquée, et que nous ne remettons pas en question, a débuté dès 1982, c'est-à-dire avant même le passage du nuage. Dès lors, celui-ci ne peut être tenu pour seul responsable de cette augmentation, et ne retenir que cette hypothèse, à travers un lien de causalité automatique, c'est nier la réalité corse et priver de fait la population de vraies réponses et des actions correctives qui pourraient être mises en place.

Je vous précise d'ailleurs que la Corse va bénéficier de la mise en place du système multi-sources de surveillance des cancers. Ce dispositif, actuellement développé par l'Institut de veille sanitaire, est entièrement automatisé et croise des données très fines et spécifiques à une zone géographique. Les premières données de l'analyse épidémiologique seront disponibles dès la fin de l'année 2012 et nous permettront notamment, madame Taubira, d'avoir des données spécifiques pour les enfants. Ce système procurera une analyse régionale réactive, au niveau territorial, de l'incidence des principaux cancers. Comme vous, je tiens à ce que la Corse bénéficie d'un dispositif de surveillance qui soit le plus fin possible, moderne et réactif.

Vous évoquez aussi dans votre exposé des motifs, monsieur Giacobbi, l'absence de diffusion d'informations qui auraient été à la disposition des autorités en 1986 et qui n'auraient pas été utilisées et rendues publiques à l'époque. L'exemple récent de la catastrophe japonaise a démontré la transparence du système de surveillance en France aujourd'hui, aussi bien pour la mesure des radiations, avec le travail de l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire, que pour l'impact sanitaire potentiel, avec celui de l'INVS.

Enfin, je tiens à vous préciser que le texte du Sénat américain auquel renvoie l'exposé des motifs concerne, non pas la population générale, mais des populations de travailleurs directement exposées aux rayonnements, par exemple dans les mines d'uranium. Il n'est donc pas possible de faire le lien entre la situation des États-Unis et la nôtre.

Debut de section - PermalienNora Berra, secrétaire d'état chargée de la santé

Pour toutes ces raisons, le Gouvernement n'est pas favorable à l'adoption de ce texte. (Murmures sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Christophe Lagarde

Sur le vote de l'ensemble de la proposition de résolution, je suis saisi par le groupe SRC d'une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Christophe Lagarde

La parole est à M. Paul Giacobbi, pour une explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Paul Giacobbi

Madame la secrétaire d'État, je suis arrivé dans cet hémicycle sans aucun esprit polémique, mais je ne peux pas laisser dire des choses qui, sur le plan juridique, sont risibles. Je le déclare très franchement, voire brutalement : faire appel à la loi de 1968, qui est parfaitement inapplicable, est absurde et stupide, de même que le fait d'évoquer une confusion entre des conventions internationales et la situation en France. Il se trouve que je connais un tout petit peu ce sujet ; on s'y heurte notamment dans l'Union indienne, qui m'est chère. Je pourrais vous en parler pendant des heures. Vous confondez autour et alentours ; c'est grotesque.

Comment peut-on dire à des Français qui séjournaient, au moment de Tchernobyl, dans une partie de territoire où ils ont été soumis à une irradiation excessive – cela n'est plus contesté aujourd'hui, y compris par les sources officielles, et il n'y a pas de différence entre les cartes d'irradiation officielles et celles de la CRIIRAD – qu'ils devront s'adresser à l'Ukraine ? Cela me paraît tout aussi absurde. Et vous dites que l'on a progressé, dans la mesure où les personnes concernées n'ont pas besoin de démontrer la faute de l'exploitant ukrainien de la centrale de Tchernobyl ! Mesurez-vous, mes chers collègues, à quel point tout cela est dénué de sens ?

Il est également absurde de dire que notre proposition de résolution entraînerait un régime automatique. L'idée, que chacun connaît, est de disposer d'abord d'une carte très précise. Encore une fois, s'agissant de Tchernobyl, il n'y a aucun doute : on connaît très bien la carte d'irradiation, avec les valeurs exactes, et elle n'est pas contestée. C'est seulement ensuite, et à partir d'une liste de maladies radio-induites – il existe de telles listes, par exemple aux États-Unis –, qu'il ne serait plus nécessaire de faire la preuve du lien de cause à effet.

Cela ne veut pas dire du tout que l'on introduit une causalité générale. Vous nous avez répondu que toute personne ayant séjourné en France et ayant une affection thyroïdienne ou cancéreuse pourrait dire que c'est à cause de Tchernobyl. Pas du tout : il faudra démontrer que l'on a bien été dans un lieu et il conviendra de fixer un seuil. Par conséquent, il faudra en faire la démonstration.

Quant aux essais nucléaires, il est tout de même invraisemblable d'en parler encore en disant que la France a fait ce qu'il fallait. Alors que des milliers de personnes ont été soumises aux essais nucléaires, soit par imprudence, soit, dans un certain nombre de cas, à des fins d'expérimentation – il faut appeler un chat un chat –, il n'y en a que deux dont le dossier d'indemnisation sera peut-être pris en considération. Dans ces conditions, dire que l'on a fait ce qu'il fallait, c'est vraiment absurde.

Par ailleurs, vous nous dites qu'il faut prendre position pour ou contre l'industrie nucléaire civile ou militaire. Mais cela n'a rigoureusement rien à voir !

Debut de section - PermalienPhoto de Paul Giacobbi

On peut être, comme je le suis personnellement, très attaché à l'industrie nucléaire, de même qu'à la dissuasion nucléaire, et considérer que, comme pour toute activité humaine, il faut bien, à un moment donné, en assumer les risques, d'autant plus qu'on les connaît : en l'espèce, ils sont limités, mais ils existent.

Cette proposition de résolution visait à faire réfléchir et c'est bien ce qui se passera. Chacun prendra ses responsabilités. Vous réfutez notre démarche avec des arguments juridiques qui prêtent à rire, même si, vu le sujet, je n'en ai pas envie. Quant aux arguments scientifiques avancés, ils ne sont pas toujours infondés, mais il faut aussi prendre en compte l'impossibilité, aujourd'hui, pour la victime d'un accident nucléaire qui peut démontrer qu'elle a été irradiée, d'être indemnisée, de la même façon que c'est quasiment impossible pour la victime d'un essai nucléaire. Il faudrait peut-être qu'un jour, dans ce pays, comme on l'a fait dans d'autres, on puisse dire les choses !

Enfin, et j'en termine, monsieur le président,…

Debut de section - PermalienPhoto de Paul Giacobbi

…Mme la secrétaire d'État a rappelé très justement – comme je l'ai fait moi-même –qu'il y a aujourd'hui une transparence de l'information. Mais il a été établi qu'en France, à l'époque de Tchernobyl, on a faussé les statistiques et les échelles, que l'on a établi des moyennes, que l'on a répandu une fausse information et que l'on n'a pas pris, contrairement à ce qui s'est produit dans les autres pays européens, des précautions d'ailleurs tout à fait anodines et qui n'auraient troublé aucunement l'ordre public. Voilà la réalité.

C'est pourquoi je demande à cette assemblée de réfléchir avant de voter. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Christophe Lagarde

Nous allons maintenant procéder au scrutin public sur l'article unique de la proposition de résolution.

(Il est procédé au scrutin.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Christophe Lagarde

Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants 74

Nombre de suffrages exprimés 74

Majorité absolue 38

Pour l'adoption 19

Contre 55

(La proposition de résolution n'est pas adoptée.)

Vote sur l'article unique

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Christophe Lagarde

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-huit heures trente, est reprise à dix-huit heures quarante.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Christophe Lagarde

L'ordre du jour appelle le débat sur la situation de l'industrie ferroviaire.

L'organisation de ce débat ayant été demandée par le groupe GDR, la parole est au premier orateur de ce groupe,M. Alain Bocquet.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Bocquet

Monsieur le président, monsieur le ministre chargé des transports, mes chers collègues, ce débat, proposé par les députés communistes et du Parti de gauche, intervient dans un moment très critique pour notre économie, marqué par le renforcement des difficultés du monde du travail, l'augmentation forte du chômage et de nouveaux reculs frappant l'industrie. Les plans successifs d'austérité que le Gouvernement vient d'imposer ne feront qu'enfoncer la France dans la crise.

En conclusion des états généraux de l'industrie, en mars 2010, M. Nicolas Sarkozy s'était fait fort d'augmenter notre production industrielle en cinq ans, d'obtenir d'ici à 2015 qu'il y ait plus d'exportations que d'importations et de pérenniser l'emploi. Vingt mois après, on continue de perdre des milliers d'emplois industriels ; il me suffit de prendre l'exemple de ma région, le Nord-Pas-de-Calais : 26 000 emplois perdus en trois ans. Quant au déficit extérieur de la France, loin de se résorber, il atteint 75 milliards d'euros en 2011, après les 66 milliards de 2010.

La production de l'industrie diminue en volume, les industriels revoient leurs investissements à la baisse et, avec le durcissement du crédit en 2010, trois fois plus de PME qu'en 2007 se sont vu refuser un prêt par les banques : c'est une perspective de récession inquiétante qui se dessine pour l'industrie française. Il est temps de changer de cap.

C'est dans ce contexte que se situe notre débat, contexte d'autant plus alarmant que les enjeux ne sont pas minces. Face à l'internationalisation des échanges – des hommes ou des marchandises –, face à l'urbanisation et à l'apparition d'immenses métropoles sur tous les continents alors que 300 villes de plus d'un million d'habitants n'ont pas de métro, le ferroviaire est une réponse majeure au problème des transports, y compris des transports propres car il consomme deux fois à cinq fois moins d'énergie que la route.

Or si, dans les années récentes, quatre contrats-cadres ont prévu 2 155 commandes de tram-trains, TER ou TGV, on ne compte à l'heure actuelle que 397 commandes fermes au profit d'Alstom ou de Bombardier. La baisse suicidaire des crédits publics due à la politique d'austérité crée une situation très critique. Les constructeurs craignent une baisse de charge dès 2016. Sans commande en 2012 de la SNCF, de la RATP ou des collectivités, on risque donc d'être confronté à l'arrêt immédiat des embauches, à des difficultés accrues pour la sous-traitance, à des préparations de plans sociaux et au blocage de l'effort de recherche, alors même que l'innovation est décisive pour gagner des marchés. La question de la visibilité à moyen et à long terme est essentielle pour l'industrie ferroviaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Bocquet

Cette question est posée avec force.

La commission d'enquête que j'ai eu l'honneur de présider a rappelé que l'industrie ferroviaire représente un chiffre d'affaires de 4 milliards d'euros et recense 21 000 emplois, auxquels s'ajoutent ceux de la SNCF et de la RATP dans le domaine de la maintenance. La commission a effectué pendant six mois un travail sur le terrain, dans nos régions ferroviaires ; elle s'est rendue à la Commission de Bruxelles, en Pologne même, procédant aux auditions de l'ensemble des parties concernées, dont vous-même, monsieur le ministre. Au terme de ce travail, elle a adopté en juin, à l'unanimité, le rapport de M. Paternotte, assorti de vingt-cinq propositions et d'un calendrier de leur mise en oeuvre.

Ces propositions couvrent un champ très vaste, à commencer par le rôle moteur qui devrait être celui de la SNCF pour structurer la filière. L'industrie ferroviaire est en effet une industrie éclatée, avec un millier de PME ultradépendantes des grands donneurs d'ordres, parfois même contraintes à la délocalisation, et peu d'entreprises de taille intermédiaire présentes à l'international et capables d'investir dans la recherche-développement.

Elle a besoin d'un pilote pour s'organiser, produire, innover, conquérir des marchés à l'international, en chassant en meute, si je puis dire. En juin, la commission demandait à la SNCF de préciser dans les six mois sa politique d'investissement à cinq ans pour le renouvellement du matériel roulant. Le délai étant échu, cette question prioritaire demeure posée.

Les propositions évoquaient la situation de l'industrie du fret ferroviaire et la nécessité pour ses acteurs d'accéder à des garanties de financement « pour lancer dès 2011, écrivions-nous, un programme de construction de wagons ».

L'État a aussi un rôle à jouer auprès de la SNCF quand il s'agit de pérenniser de tels partenariats industriels et commerciaux, de réaliser un audit général du parc fret, et d'enrayer la chute du fret ferroviaire – qui a accusé un recul de 40 % en dix ans dans notre pays tandis qu'il progressait de 45 % en Allemagne au cours de la même période.

La commission avait demandé à la France d'intervenir auprès de l'Union européenne pour que soit constitué un consortium du ferroviaire, sorte d'Airbus du rail, indispensable face à une concurrence mondiale grandissante, alors que nous conservons toujours l'avance technologique et les savoir-faire. Elle avait aussi demandé à la France d'intervenir pour que la Commission européenne fasse respecter l'exigence de réciprocité d'ouverture des marchés dans les négociations d'accords de libre-échange.

Nous avions évoqué la nécessité d'accélérer l'essor des autoroutes ferroviaires, de résorber la pénurie des sillons d'essais, d'accroître la part du ferroviaire dans les investissements d'avenir. Nous avions soutenu l'idée d'encourager les regroupements de proximité de fournisseurs et sous-traitants, et celle de créer un fonds de modernisation des équipements ferroviaires abondé par l'État et les grands constructeurs.

Enfin, je rappelle que nous avions préconisé la mise en oeuvre de dispositions visant à organiser la filière ferroviaire sur la base d'un recensement de marchés cibles.

Toutes ces propositions de pistes ont été adoptées dans le cadre d'une commission d'enquête parlementaire où, de toutes parts, s'exprimait l'urgence d'initiatives fortes pour pallier les difficultés, soutenir les PME, préserver l'emploi, structurer la filière sur le plan national et européen, au moment où le ferroviaire innove en permanence et où le marché du rail va connaître une croissance soutenue que l'on annonce à 2,4 % en moyenne d'ici à 2016.

Le Gouvernement a choisi de différer l'essentiel des prolongements qu'appellent ces travaux, en organisant des assises du ferroviaire qui ne rendront leurs conclusions qu'au premier trimestre 2012. Dans la presse, on a pu lire que ce n'était pas « le débat public attendu », que pour la SNCF « la question de la pertinence de l'ouverture à la concurrence n'est jamais posée », que « l'enjeu du service public n'est pas abordé ».

Il est beaucoup question de compétitivité, précisément à propos de la filière ferroviaire. La compétitivité est une question majeure que vous réduisez à la vieille antienne du poids des salaires et des cotisations qui pèsent sur les entreprises. Or l'INSEE indique que le coût du travail horaire dans l'industrie manufacturière est moins élevé en France qu'en Allemagne, et que l'on travaille plus chez nous que chez nos voisins : 1 554 heures par an contre 1 390 heures.

En fait, la compétitivité dépend des efforts consentis en faveur de la recherche et d'une coopération accrue entre les grands groupes et les PME – il s'agit de passer de la sous-traitance à la co-traitance, de ne plus chercher à étrangler son fournisseur. La compétitivité dépend aussi de l'effort de formation. À cet égard, je regrette que, dans ma région Nord-Pas-de-Calais, où est concentré l'essentiel de l'industrie ferroviaire, aucun lycée ne prépare et qualifie les futurs ingénieurs ou techniciens du secteur.

Tous ces constats, auquel s'ajoute celui de l'urgence d'une relance de la politique industrielle, s'appliquent point par point à la situation d'une filière ferroviaire à la croisée des chemins. Je renouvelle donc au Gouvernement la demande de mise en oeuvre urgente de dispositions – j'ai évoqué les plus essentielles – visant à la structuration et à la consolidation de notre filière ferroviaire, à la mise en oeuvre d'initiatives de la France auprès de l'Europe, à la défense et au développement de l'emploi.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Hunault

Monsieur le président, monsieur le ministre, chers collègues, je me réjouis à mon tour de l'initiative du groupe qui a organisé ce débat. La présence du ministre des transports montre que le Gouvernement partage l'intérêt de la représentation nationale pour cette question majeure : l'avenir de l'industrie ferroviaire en France.

Alain Bocquet avait également pris l'initiative de créer une commission d'enquête à ce sujet. Le rapporteur, Yanick Paternotte, et certains collègues ici présents – dont votre excellent suppléant, monsieur le ministre – ont témoigné leur attachement à l'industrie ferroviaire au cours des travaux de cette commission. Des visites de lieux de production ont été effectués dans ce cadre, et je me souviens que vous étiez venu jusqu'à Châteaubriant, preuve de cette volonté partagée.

Plutôt que de volonté, il faudrait parler d'exigence car l'avenir d'un pan entier de notre industrie est en jeu, avec ses dizaines de milliers d'emplois et le vrai savoir-faire d'entreprises spécialisées et d'une multitude de sous-traitants.

Au-delà des travaux de la commission parlementaire et de nos débats, nous devons avoir une vision sur les moyens de conforter l'industrie ferroviaire.

Contrairement à l'orateur précédent, je crois que le Gouvernement a témoigné de ce souci de préserver l'industrie. En prenant la parole à cette tribune au nom de mes collègues du Nouveau Centre, je voudrais vous faire partager une réflexion autour des pôles d'excellence et de compétitivité que nous avons créés depuis une dizaine d'années, autour d'industries bien identifiées, en y associant la recherche et la formation.

M. Bocquet vient de suggérer que des formations soient dédiées aux métiers de l'industrie ferroviaire. Les régions, qui sont compétentes pour les schémas de formation et savent coller aux réalités du terrain et au savoir-faire industriel, ont un rôle à jouer en ce domaine.

Dans la compétition mondiale, nous devons affirmer notre volonté politique partagée de défendre les emplois et nous en donner les moyens. Les pôles d'excellence sont une piste qui a démontré son efficacité dans le domaine de l'aérospatial : ce secteur compte plus d'emplois dans la région nantaise qu'à Toulouse.

Venons-en au rôle de l'État. Comparaison n'est pas raison mais permettez-moi de vous rappeler ce que nous avons fait pour les Chantiers de l'Atlantique : à travers le Fonds stratégique d'investissement, une partie du capital a été contrôlée par l'État. Actuellement, les Chantiers ont un carnet de commande rempli parce qu'ils ont su se diversifier, mais si l'État n'était pas entré au capital, il y aurait 5 000 emplois en moins à Saint-Nazaire. Il ne faut donc pas nous renvoyer les obligations à la figure ; nous avons des responsabilités partagées.

Monsieur le ministre, nous avons aussi des propositions à vous faire. Alain Bocquet vous a parlé des formations. Pour ma part, j'estime que nous devrions travailler ensemble sur une piste : l'utilisation du Fonds stratégique d'investissement et de fonds dédiés à l'industrie ferroviaire.

Revenons à la régionalisation des TER. C'est le Gouvernement, sous la douzième législature, qui a confié aux régions la compétence des TER, ce qui a donné un formidable élan à la construction des trains régionaux.

Alors que mon prédécesseur à cette tribune a mis en cause le rôle de l'exécutif, je voudrais rappeler que c'est sous l'autorité du Président de la République que vous avez, monsieur le ministre, il y a un peu moins de deux mois, affirmé la volonté de maintenir les lignes interrégionales dans une exigence d'aménagement du territoire, mais aussi pour ouvrir un nouvel horizon à des donneurs d'ordres dont le carnet de commandes offre peu de visibilité, comme nous le savons puisque la régionalisation est déjà bien avancée. Certaines pistes peuvent donc être explorées pour conforter l'industrie ferroviaire dédiée au transport de voyageurs.

Concernant le fret, il faut affirmer une volonté politique.

Vous ne serez pas surpris si je m'appuie sur ce que je connais le mieux : l'entreprise ABRFI de Châteaubriant. Dans le cadre d'un partenariat de recherche de fonds extérieurs et d'une ouverture du capital, il y a des marchés à conquérir en Europe. Il est un peu étonnant, monsieur le ministre, que la SNCF et ses filiales soient assez restrictives sur les commandes. Mais je dois saluer leurs efforts pour partager la maintenance, pour soutenir l'emploi dans certaines entreprises comme ABRFI.

Il faut identifier les besoins du fret. Nous devons décliner les conclusions du Grenelle de l'environnement : affirmer la nécessité d'une vraie politique du fret représentait une formidable avancée, considérant le nombre de poids lourds sur nos routes. Les besoins existent ; il n'y a aucune raison pour que cela ne marche pas.

La conjoncture difficile constitue un défi. Monsieur le ministre des transports, vous êtes au banc du Gouvernement, ce qui est le signe d'une volonté politique, et je vous en remercie encore. Ces questions sont tellement transversales qu'elles nécessiteraient presque la présence des ministres de l'industrie et de l'économie. Mais je sais que vous êtes très attaché à ces questions.

Au nom de mes collègues du Nouveau Centre, j'ai participé aux travaux de la commission d'enquête parlementaire et j'ai voté ses conclusions, lesquelles ne sont pas une fin en soi mais plutôt des pistes de réflexion. Ce débat est un peu une piqûre de rappel motivée par l'exigence d'agir, car il y a des emplois en jeu et des ouvriers qui suivent nos débats.

Opposition et majorité n'ont pas la même analyse concernant la réaction à la crise. Pour ma part, il me semble que nous nous sommes dotés d'outils indispensables, notamment de fonds dédiés qui permettent d'agir.

La Caisse des dépôts intervient dans certains domaines industriels à travers le FSI. Monsieur le ministre, si vous ne donnez pas vraiment les instructions pour le domaine de l'industrie ferroviaire, une plus grande lenteur sera peut-être fatale à certaines entreprises. La Caisse des dépôts est très sollicitée actuellement ; elle paraît très efficace dans le domaine de la finance. Il faut rappeler que l'industrie est un secteur essentiel. La part de l'emploi ouvrier a trop baissé en France pour que l'on ne maintienne pas ceux qui existent.

Quelles que soient nos différences au sein de cet hémicycle, nous partageons au moins une exigence, une volonté. À l'issue de ce débat – qui se veut plus, j'y insiste, une contribution à la réflexion que l'annonce de propositions toutes faites – nous devons trouver les moyens de prolonger le travail de la commission d'enquête et de nous mobiliser pour la défense de l'industrie ferroviaire, sous votre autorité, monsieur le ministre. Il ne s'agit pas de le faire à n'importe quel prix dans la compétition internationale, mais en utilisant des outils capables de faire émerger cette excellence, de maintenir et de développer l'emploi.

Debut de section - PermalienPhoto de Yanick Paternotte

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, il y a six mois, avec Alain Bocquet, j'avais l'honneur de remettre au président de notre assemblée mon rapport sur la situation de l'industrie ferroviaire française. Ce rapport était le fruit des investigations de la commission d'enquête qui a travaillé pendant six mois – en bonne intelligence, je tiens à le souligner – sur un sujet qui, comme chacun le sait, m'intéresse particulièrement.

La France dispose d'atouts indéniables, nul ne peut le nier. Grâce à nos industriels, notre savoir-faire est reconnu internationalement, tant et si bien que l'on serait presque tenté de croire que la locomotive fut l'invention d'un Français.

Notre réseau est l'un des plus développés au monde, grâce notamment aux grands travaux menés sous l'impulsion de Charles de Freycinet au cours des premières années de la IIIe République et dans le droit fil de ce qu'avait initié Napoléon III en son temps.

Notre TGV est le témoin de la technologie française et occupe l'une des premières places dans l'histoire des inventions du siècle passé. En somme, le rail est presque constitutif de notre histoire moderne, à tel point qu'aux yeux de Fernand Braudel, l'identité française se résumait en deux choses : l'école de Jules Ferry et le chemin de fer.

Quelle tristesse, dès lors, de voir l'industrie ferroviaire parfois reléguée au rang de vieillerie, parmi les images d'Épinal, malmenée face à d'autres secteurs réputés plus nobles, comme l'aéronautique ou l'automobile ! L'industrie ferroviaire est pourtant l'une des plus sophistiquées qui soit et mérite d'être encouragée, en cette période où la crise frappe durement nos entreprises, en particulier nos PME.

Nos industries ferroviaires évoluent aujourd'hui dans un monde de plus en plus concurrentiel, marqué par la domination de la Chine qui occupe désormais la première place, devant l'Allemagne, pour le chiffre d'affaires. Dans ce contexte, la filière française a besoin de se moderniser, ce qui passe avant tout par une meilleure structuration. Des initiatives ont été lancées par les professionnels, au travers d'organisations comme la Fédération des industries ferroviaires, la FIF, ou l'Association des industries ferroviaires, l'AIF, et par les pouvoirs publics, au travers du Comité stratégique de la filière ferroviaire, le CS2F.

Ces instances ont identifié des réformes d'urgence de nature à refondre les rapports entre les donneurs d'ordres et les sous-traitants, à l'origine de l'essentiel de la valeur ajoutée du secteur. La structuration de la filière passe notamment par les regroupements de proximité et la mise en place d'un fonds de modernisation des équipementiers ferroviaires ; les deux orateurs qui m'ont précédé ont évoqué ce fonds, je ne doute pas que les suivants feront de même.

Au-delà des grands groupes, les équipementiers français capables de répondre à la concurrence internationale sont trop peu nombreux, mais il en reste encore : Faiveley, Lohr, GHH-Valdunes, par exemple. À côté de ces quelques exceptions survit difficilement une myriade de petits équipementiers mono-produit et mono-client, ce qui les fragilise à l'extrême, si bien qu'ils sont d'ores et déjà quasi condamnés.

Des marchés sont pourtant à conquérir à l'heure où le train, le métro et le tramway sont plus que jamais des transports d'avenir. Les exigences du développement durable ont en effet consacré les moyens de transport propres, et le rail apparaît aujourd'hui comme une alternative crédible à la route et au transport aérien. Des marchés sont donc ouverts, dans les pays développés et les pays émergents.

Néanmoins, force est de constater que les industriels français pâtissent souvent d'une forme de concurrence déloyale dès lors qu'ils viennent contester la position d'un producteur local. En Allemagne, Siemens semble incontournable, de même que CAF en Espagne. En dehors de l'Union européenne, les marchés japonais, coréens et chinois sont quasiment imprenables, à moins de consentir à un transfert de technologie qui peut menacer la pérennité des efforts de recherche et développement sur nos territoires. Cette situation est d'autant plus regrettable que l'Union européenne et la France présentent un fort taux d'ouverture à la concurrence.

Ma position est claire, et ne croyez pas que ces quelques mois passés auprès d'Alain Bocquet me conduisent aujourd'hui à prôner un protectionnisme de mauvais aloi ! (Sourires.) Je souhaite simplement que nous puissions agir afin de faire respecter les règles du commerce international, et j'insiste sur le mot « règles ». Au niveau européen, la France doit porter la voie de la régulation du commerce international, quitte à soutenir devant l'Organisation mondiale du commerce des initiatives comme celle de l'Union européenne au sujet des matières premières. La Commission européenne, pour sa part, a peut-être parfois tendance à multiplier les accords commerciaux sans porter une attention suffisante aux clauses de réciprocité. La libéralisation des marchés n'a de sens que si elle est régulée, il est bon de le rappeler.

Nos entreprises doivent également bénéficier du renouvellement du marché du rail dans notre pays. Au cours des dernières années, les industries ferroviaires françaises ont profité de la modernisation du transport régional engagée par les régions et du renouveau du tramway dans les communes. Les collectivités territoriales sont d'importants commanditaires – elles l'étaient, c'est sûr, mais elles le sont encore – et, face à la concurrence internationale, les pouvoirs publics doivent se montrer exemplaires lors de la passation des marchés publics et ne pas hésiter à exploiter au mieux les possibilités de notre législation pour valoriser le mieux-disant.

La SNCF a également une part importante de responsabilité. À plusieurs reprises, Guillaume Pepy a affirmé son désir de prendre en main le pilotage de la filière ferroviaire, renouant ainsi avec la tradition historique de la SNCF. Cette dernière doit établir une politique d'investissement claire à l'heure où les matériels roulants sont vieillissants. Elle se doit également de préciser le modèle du TGV de demain afin d'engager un programme de renouvellement de sa flotte.

Quant au fret ferroviaire, il est dans une situation des plus inquiétantes. La France dispose encore de rares industriels sur ce segment d'activité : Lohr Industrie, Arbel Fauvet Rail, les Ateliers bretons de réalisations ferroviaires. Ces entreprises sont dans une situation périlleuse à laquelle seule la relance du fret peut remédier.

Certains recommandent de sortir le fret de la compétence de la SNCF en le filialisant. Il convient en tout cas de mener un audit sur le parc fret SNCF.

D'aucuns considèrent que les entreprises de matériel de fret sont condamnées, incapables qu'elles sont de faire face à la concurrence des pays de l'Est aujourd'hui, de l'Inde et de la Chine demain. Pourtant, des alternatives existent, en particulier celle d'une filière industrielle européenne, celle d'un « Airbus du rail » pour reprendre une expression de plus en plus courante.

Debut de section - PermalienPhoto de Yanick Paternotte

Oui, mais c'est parce que l'on ne m'a pas attribué le temps de parole que je demandais.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Christophe Lagarde

C'est le problème de votre groupe, monsieur Paternotte, pas celui de la présidence !

Debut de section - PermalienPhoto de Yanick Paternotte

Je sais bien, mais les trains n'arrivent pas toujours à l'heure, monsieur le président !

Debut de section - PermalienPhoto de Yanick Paternotte

Tout à fait, nous sommes dans les clous.

Le Grenelle de l'environnement a fixé l'objectif, à l'horizon 2022, d'un passage à 25 % de la part du fret non routier. Pour y parvenir, nous devons considérer qu'il faut, dans le cadre des contrats de projet État-région, commencer par électrifier le réseau fret afin de le rendre conforme aux objectifs du Grenelle.

Plus largement, l'Europe doit se doter d'un consortium capable de peser face aux nouveaux entrants et définir une stratégie industrielle d'envergure qui suscite le rapprochement des acteurs privés, qui sont d'ailleurs tous conscients du fait que le rapprochement est une impérieuse nécessité.

J'espère, monsieur le ministre, que, la semaine prochaine, lors de la clôture des assises du ferroviaire, les mesures préconisées par la commission d'enquête parlementaire seront retenues. Cela permettra, par exemple, de lancer définitivement le projet européen de fret TGV Carex, dont vous savez qu'il me tient particulièrement à coeur.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Grellier

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je veux tout d'abord, comme les orateurs qui m'ont précédé, saluer au nom de mon groupe, l'initiative de nos collègues du groupe GDR qui ont demandé l'organisation de ce débat. Il fait suite à la commission d'enquête sur l'avenir de l'industrie ferroviaire qui a travaillé tout au long du premier semestre de cette année 2011.

Chacun avait pu saluer la qualité des travaux de cette commission d'enquête présidée par notre collègue Alain Bocquet et dont le rapporteur était Yanick Paternotte, travaux menés avec l'aide des administrateurs de l'Assemblée nationale, qui ont contribué à assurer leur cohérence en même temps qu'ils ont veillé à un certain pragmatisme par rapport aux objectifs poursuivis.

C'est ce pragmatisme, je pense, qui avait permis, à l'issue des nombreuses auditions mais aussi des visites ciblées sur le terrain, de retenir vingt-cinq propositions d'action avec des degrés d'urgence différents en fonction des situations que nous avions rencontrées tout au long des travaux de notre commission.

Le débat d'aujourd'hui nous permet, si je puis dire, d'exercer un « droit de suite ». Il s'agit de vérifier si nos propositions et recommandations ont été entendues et si vous pouvez, monsieur le ministre, nous indiquer de quelle manière le gouvernement a pris en compte les sept actions et recommandations que nous souhaitions voir mises en oeuvre dans les six mois, c'est-à-dire à la fin de cette année 2011, compte tenu de l'urgence, à nos yeux, d'un soutien à l'industrie ferroviaire et afin, surtout, de préparer son avenir.

Avant de revenir sur ces différentes mesures qualifiées de prioritaires, nous attendons de vous, monsieur le ministre, que vous puissiez clarifier votre démarche globale. En effet, vous avez pris l'initiative, avec votre ministre de tutelle, Mme Kosciusko-Morizet, de lancer à l'automne les Assises du ferroviaire, qui permettront peut-être de reprendre tout ou partie des conclusions de notre commission d'enquête puisque ce sont, à première vue, les mêmes acteurs qui sont auditionnés et qui participent à ces Assises.

Plus globalement, vous pouvez vous appuyer sur d'autres travaux et réflexions qui ont pu être conduits. Je pense notamment aux États généraux de l'industrie qui se sont tenus fin 2009-début 2010 et ont débouché sur les Comités stratégiques de filières, dont le Comité stratégique de la filière ferroviaire, le CS2F ; aux travaux et au bilan des pôles de compétitivité dédiés mis en place en 2006 ; à la mission d'information sur la compétitivité de l'économie française et le financement de la protection sociale, dont l'initiative revient au président de l'Assemblée nationale, et même si elle n'a pu conclure ses travaux faute d'accord entre les deux rapporteurs ; au rapport rendu, sur les mêmes thèmes, par le Conseil économique, social et environnemental, commandé par le Premier ministre et publié au mois d'octobre dernier ; au rapport de l'inspection générale des finances du mois d'août dernier, sans parler d'autres écrits tous plus intéressants les uns que les autres mais qui, trop souvent, restent au fond des tiroirs et ne débouchent sur aucune action significative.

J'ai même pu constater que vous avez vous-même missionné le cabinet privé de M. Abate pour faire un audit, a priori, d'ailleurs, sur le même périmètre que celui étudié par la commission d'enquête.

Les auditions nous ont permis de prendre conscience du délitement de cette filière, dont un certain nombre d'acteurs industriels ont été victimes. Cependant, une partie des difficultés constatées peuvent être similaires aux maux chroniques dont souffrent, de manière générale, de nombreuses autres filières de l'industrie française : difficultés de relations entre les grands donneurs d'ordres et les sous-traitants ou les équipementiers ; difficultés de transmission des entreprises patrimoniales, souvent aggravées par des problèmes de financement et de recapitalisation ; difficultés pour connaître la stratégie des pouvoirs publics, atténuées, cependant, dans le cas de la filière ferroviaire, par les gros efforts fournis depuis 2004 par les conseils régionaux en matière de développement des TER et d'investissement en matériel, même s'ils doivent respecter les procédures d'appel d'offres ; difficultés pour traduire les travaux en matière d'innovation et de recherche en véritables projets industriels. Pourtant, c'est un paradoxe, nous avons pu constater, dans cette filière comme dans d'autres, un savoir-faire de qualité acquis depuis de nombreuses années.

Une autre spécificité de cette filière qui s'est structurée au fil du temps tient au rôle qu'a pu jouer la SNCF en tant qu'élément leader et acteur des principales décisions stratégiques. Pour paraphraser le président Bocquet, c'était la mère-poule qui s'occupait de l'ensemble de sa couvée et guidait les poussins qui la composaient, assurant ainsi un développement relativement homogène. (Sourires.) Pour répondre aux exigences des directives et réglementations européennes, cette structuration très hiérarchisée dans sa diversité a ensuite été réorganisée pour introduire une prétendue concurrence. Las, au lieu de dynamiser ce secteur industriel, cette évolution a provoqué une sorte de démantèlement très préjudiciable, qui s'est traduit par un affaiblissement, notamment face à la concurrence européenne et en termes de pertes d'activité et d'emplois.

Il est donc utile de s'interroger, aujourd'hui encore, sur l'organisation d'un système auquel manque manifestement un pilote qui coordonne, qui impulse, qui donne des perspectives. De même est-il permis de s'interroger sur une sorte de dilution des responsabilités entre Réseau ferré de France et la SNCF, avec sa stratégie de filiales et son organisation et son management de plus en plus centralisés, au détriment d'un certain nombre de territoires. Il faudra certainement se poser un jour les bonnes questions sur ces sujets, même si, pour l'heure, nous souhaitons que le cap de la mise en place du cadencement, le 11 décembre prochain, soit franchi sans trop de difficultés. Il faut se soucier de corriger les éventuels problèmes ou erreurs, et aussi permettre à l'ensemble du secteur ferroviaire d'envisager un nouvel avenir.

Abordons maintenant, plus concrètement, les recommandations de la commission d'enquête, en commençant par les plus urgentes.

Avez-vous pu demander à la SNCF et à ses principales filiales de définir une stratégie claire de développement et une politique d'investissement à moyen terme d'ici à cinq ans ?

Avez-vous pu proposer au CS2F de constituer une force de frappe industrielle par une meilleure organisation des acteurs par rapport aux besoins du marché ?

Avez-vous pu lancer avec la SNCF, ses filiales et les autres intervenants un programme de construction de wagons fret de manière à sauvegarder le savoir-faire français, après avoir rapidement procédé à un audit de l'état du parc mais aussi de sa maintenance ?

Avez-vous pu accélérer le développement des autoroutes ferroviaires, en particulier celle de l'Atlantique, dont le blocage était incompréhensible ?

Avez-vous pu lever les entraves dues à la pénurie de sillons d'essais ?

Avez-vous pu augmenter de manière significative l'enveloppe de financement dédiée au secteur ferroviaire dans le cadre des investissements d'avenir ?

Toutes ces actions visent à traiter une situation d'urgence, étant entendu que, dans l'année qui vient, il sera aussi urgent d'aborder la gouvernance d'Eurostar ; de favoriser la recherche et d'en simplifier les procédures de financement ; d'encourager des regroupements de proximité réunissant fournisseurs et sous-traitants ; d'inciter RFF mais aussi l'État et les conseils régionaux, à travers les contrats de projet, à électrifier les lignes de fret ; de créer un fonds de modernisation des équipements ferroviaires sur le modèle de celui de l'automobile ; de mieux utiliser le code des marchés publics, en s'appuyant notamment sur la notion de réciprocité mais aussi sur un partenariat et une coopération mieux construits et plus développés entre les grands donneurs d'ordre et les sous-traitants, avec des notions de certification et de recensement des marchés ciblés.

Je n'aborde pas les propositions à dix-huit mois, qui sont tout aussi importantes, mais j'attends des réponses claires et étayées, monsieur le ministre, sur tous les points que je viens de mentionner. En effet, on retrouve, dans les principales conclusions de toutes les instances de réflexion qui ont été organisées, qu'elles se nomment états généraux, assises, commission, mission ou audit, une constante : c'est la demande forte d'un État stratège, d'autant qu'il apparaît de plus en plus que la compétitivité de notre économie et celle de nos principales filières industrielles ne tiennent pas forcément à des problèmes de coûts, qu'elles sont surtout des problématiques hors coûts, donc structurelles et en conséquence plus globales, qui demandent d'agir avec cohérence sur plusieurs leviers.

Monsieur le ministre, pour la filière de l'industrie ferroviaire, inscrivez-vous votre action dans la dynamique d'un État stratège ? Et quelle en est votre conception ? Par ailleurs, comment le situez-vous concrètement dans votre action et celle du Gouvernement ? Car enfin, s'il y a une demande répétée d'un État stratège, c'est qu'il y a un constat partagé de son absence.

Par ailleurs, puisque c'est d'actualité, que pensez-vous de l'annonce du groupe Veolia qui a souhaité se dégager du transport de voyageurs, secteur où il avait fusionné avec Transdev, pour s'engager dans le ferroviaire. Quelle est la position du Gouvernement sur cette évolution ? (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Dolez

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je vous proposerai deux séries de réflexions.

La première concerne les travaux de la commission d'enquête et les recommandations qu'elle a adoptées à l'unanimité.

Ces recommandations sont de nature à inverser la tendance et à refuser le fatalisme de la désindustrialisation. Encore faudrait-il que les acteurs concernés s'en saisissent, à commencer par l'État et la SNCF, car le temps presse.

Tous ceux qui viennent de s'exprimer l'ont dit, il est urgent, devant la situation alarmante du fret, de sauvegarder la maîtrise que possèdent nos entreprises ABRF ou AFR Titagarh.

Il est urgent de donner un souffle nouveau au fret pour se mettre en accord avec les orientations du Grenelle de l'environnement grâce à une politique de grande ampleur. Et il est urgent de revenir sur la décision catastrophique annoncée au mois de juillet 2009 par la SNCF d'abandonner la pratique du wagon isolé.

Il est urgent, enfin, devant les difficultés des équipementiers et des sous-traitants, de créer les conditions pour sauvegarder une industrie qui risque de disparaître en partie. C'est vrai, en particulier, dans une région qui nous est chère, à Alain Bocquet et à moi-même, le Nord-Pas-de-Calais, capitale ferroviaire de notre pays et de l'Europe occidentale. C'est tout le sens du projet de pôle ferroviaire industriel régional qui a pour objectif de créer une filière innovante et stable grâce à une synergie entre les constructeurs et les sous-traitants.

Ma deuxième série de réflexions concerne les Assises du ferroviaire que le Gouvernement a lancées à la mi-septembre. Si nous voulons que le débat aille au fond du problème et qu'il soit utile, la question de la pertinence de l'ouverture à la concurrence doit être posée, comme l'a dit Alain Bocquet. Or, ce n'est pas le cas jusqu'à présent. Dans ces conditions, nous pouvons craindre que les conclusions de ces assises ne soient déjà écrites et qu'elles n'aboutissent à l'idée que l'ouverture à la concurrence est inévitable.

Je profite de cette tribune pour interroger le Gouvernement sur les graves menaces que représente la refonte en cours du premier paquet ferroviaire européen. Le mandat est désormais donné à la commission de Bruxelles de proposer en 2012 un texte législatif introduisant la libéralisation totale du trafic de voyageurs.

Le premier train privé de voyageurs entre la France et l'Italie arrivera sur les rails français dans quelques jours. À cette occasion, je tiens à souligner l'opposition résolue de notre groupe à toute privatisation des chemins de fer. Je rappelle également que, pour nous, une politique volontariste passe évidemment par la maîtrise publique des choix d'investissement et de financement, mais aussi par un renforcement des moyens matériels et humains.

La question posée, et qui devrait être au coeur des Assises du ferroviaire, est celle de l'enjeu de ce service public. Il s'agit de permettre à la filière de répondre aux besoins des populations tout en prenant en compte les exigences écologiques.

Cela suppose un report modal massif de la route vers le rail, un schéma national d'infrastructures multimodal et de nouvelles lignes de TGV, mais aussi un plan ambitieux de régénération et de modernisation du réseau secondaire, ce qui créerait des débouchés importants pour notre industrie.

C'est de cette manière, par des choix en matière d'investissements et d'infrastructures, que le service public pourra être à la hauteur de la situation. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.)

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Voisin

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, depuis quelques années, nous insistons, dès que nous parlons des transports, sur la nécessité de développer le rail, afin de lui donner le lustre qu'il pouvait avoir en 1920, année de son apogée. Les différents textes qui constituent le Grenelle de l'environnement en sont un bon exemple.

Il faut faire aimer le rail pour relancer l'industrie ferroviaire. Or, le rail ne s'est jamais porté aussi mal : il manque chaque année un milliard d'euros pour que le système puisse trouver son équilibre financier. L'endettement de Réseau ferré de France, déjà insupportable aujourd'hui, devrait doubler dans les vingt ans qui viennent.

Le Gouvernement porte ce dossier à bras-le-corps et jamais la nation n'a consenti un tel effort pour la réhabilitation du réseau ferré. Mais notre industrie ferroviaire est victime de la situation financière de ses principaux clients et du manque de visibilité qui en résulte. Nous nous trouvons devant un paradoxe : une insuffisance de financement et des ambitions considérables. Il nous faut donc résoudre la quadrature du cercle.

Le débat sur l'ouverture à la concurrence du système ferroviaire est complexe car les pays européens ont, dans le passé, développé des réseaux incompatibles. L'unification européenne des normes ferroviaires n'est toujours pas complètement achevée, ce qui freine le développement de l'industrie ferroviaire.

Il est aujourd'hui trop tôt pour mesurer d'éventuels bienfaits de la concurrence qui, contrairement à ce que nous pourrions penser, concernera peu la grande vitesse mais pourrait, si la question sociale est harmonieusement réglée, avoir des conséquences significatives dans le transport régional.

Il convient également de ne pas dissimuler l'échec rencontré dans le développement du fret ferroviaire. Ce secteur nécessite des solutions volontaristes qui imposent le transfert autoritaire d'une partie du trafic de transit des poids lourds en France. Il y va de la qualité de l'air que nous respirons et de la sécurité routière.

À la différence du ciel, de la route ou de la mer, qu'un nouvel opérateur peut emprunter en principe librement, le réseau ferré comporte une limite physique de capacité. Or, en France, ce dernier est souvent saturé ou vieillissant.

Par ailleurs, nous devons constater l'échec en France de la libéralisation du fret ferroviaire, ce qui contraste avec la situation allemande.

En toute hypothèse, le secteur ferroviaire constitue un maillon essentiel d'une politique européenne des transports pour laquelle la libéralisation est un outil indispensable. Mais il faut se garder de confondre outil et finalité.

À la différence de l'aérien, la concurrence aura peu d'effets pour les passagers car le secteur ferroviaire ne s'ouvre qu'avec difficulté, sous le poids des questions de personnel. En effet, il est difficilement envisageable que la SNCF supporte une charge salariale supérieure d'un tiers à celle de ses concurrents.

La véritable concurrence, dont personne ne parle, viendra de l'autorisation d'ouvrir des lignes de bus concurrentes des lignes de chemin de fer et qui transporteront les passagers les moins fortunés. Ce phénomène est déjà en cours puisque le cabotage sur les lignes internationales est en passe d'être autorisé.

Je voudrais insister sur la difficulté qu'il y a à gérer une période de transition qui s'étendra sur une dizaine d'années durant lesquelles de nouvelles habitudes devront être prises et l'outil industriel devra s'adapter.

Nous devons engager une politique résolue de lutte contre le trafic routier de transit sur notre territoire. Le tiers du trafic poids lourds est constitué de véhicules en transit faisant le plein de gazole au Luxembourg, ce qui coûte 600 millions d'euros au budget de l'État en raison des moindres recettes de la TIPP.

Nous devrions réfléchir à une politique similaire à celle mise en oeuvre par la Suisse qui a obligé les poids lourds transitant sur son territoire à emprunter les navettes ferroviaires. Dès que les infrastructures seront prêtes, il faudra que la politique de l'État suive cette voie car, en garantissant un volume suffisant de trafic aux opérateurs, nous pouvons mettre en place des infrastructures qui n'impliquent pas le recours aux contribuables.

Cela signifie également que notre industrie ferroviaire doit faire de la construction des navettes destinées à transporter les poids lourds une priorité.

Par contre, le développement du fer ne doit pas être conçu comme un obstacle à l'amélioration du réseau routier, car une grande partie des déplacements de demain continueront à se faire par des moyens de transport individuels, voitures ou camions. Il n'est pas économiquement raisonnable de soutenir que le fer pourrait occuper demain la place qu'il avait en 1920. Les autres modes de transport ont beaucoup évolué, sont rapides et performants.

Il convient donc de se méfier d'un discours qui ne parle que du transport collectif ferroviaire et néglige les autres modes de transport. Il nous faut réaliser un équilibre.

L'idée que la totalité des taxes prélevées sur le transport routier devrait aller abonder le réseau ferré est discutable et je suis convaincu que des gains de productivité très importants peuvent être accomplis. Je veux notamment parler de la nécessité de réformer la partition des propriétés entre la SNCF et RFF issue de la réforme de 1997 qui aboutit aujourd'hui à des absurdités. Je ne prendrai qu'un seul exemple, celui des gares, propriété SNCF, et des quais et des voies, propriété de RFF. J'ai pu constater, à l'occasion de la rénovation de la gare de Mâcon, dans ma circonscription, les difficultés ubuesques et lourdes de conséquences liées à cette situation. La SNCF a fort bien rénové la gare dans le périmètre qui lui revient, pour un investissement de 2,2 millions d'euros. Par contre, pour se rendre sur les quais, propriété de RFF, il faut emprunter un tunnel accessible uniquement par des escaliers, donc impraticable pour les personnes handicapées ou à mobilité réduite, de façon permanente ou temporaire.

L'incompréhension est totale pour les usagers et pour l'élu national et local que je suis : comment est-il possible que l'obligation d'accessibilité qui s'impose à RFF n'ait pas été remplie à l'occasion de la rénovation de cette gare, et que des décisions conjointes n'aient pas été prises par la SNCF et RFF pour que soient effectués ces travaux prioritaires exigés par la loi en toutes circonstances pour tout lieu accueillant du public ?

L'industrie ferroviaire ne pourra être prospère que si l'architecture de gestion des chemins de fer est plus claire et si le financement des très lourds investissements nécessaires pour conduire la rénovation de nos chemins de fer est précisé.

Le contexte actuel a un avantage : la fiscalité et les concours budgétaires ont aujourd'hui atteint leurs limites. Il nous faudra donc innover : c'est difficile mais exaltant.

Debut de section - PermalienPhoto de Marietta Karamanli

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous devons nous féliciter que la représentation nationale ait souhaité et ait pu s'interroger sur le contexte, les opportunités et les contraintes du secteur industriel ferroviaire, qui devrait, alors que les transports collectifs sont une des clés de la croissance durable, pouvoir se maintenir, se développer et se renouveler.

Je remercie aussi l'ensemble des membres de la commission, en particulier son président et son rapporteur, maîtres d'oeuvre du rapport qui sert de base à notre discussion.

Je ferai deux observations.

La première porte sur la relation qui existe entre une industrie nationale et le développement des services qu'elle permet et sur lequel elle doit s'appuyer. Le constat de cette relation est significatif s'agissant d'un secteur qui est un des supports des échanges économiques car il participe au transport des marchandises et à la mobilité des personnes.

Alors que le rapport souligne la variété des entreprises du secteur, la fragilité de certaines d'entre elles, mais aussi la vitrine que représente le train à grande vitesse, force est de constater que les opérateurs que sont la SNCF et RFF ont, en lien avec les grandes entreprises du secteur, privilégié la vitrine, c'est-à-dire le TGV et les lignes à grande vitesse.

Dans le département de la Sarthe, par exemple, la SNCF et RFF invoquent l'absence de créneaux pour justifier que les TER de la ligne Le Mans-Paris circulent quelques minutes avant ou après les heures utiles aux usagers : ils sont ainsi des centaines, salariés et lycéens, à ne plus avoir que des trains arrivant en gare quelques minutes seulement avant l'embauche ou le début des cours, et en repartant quelques minutes seulement après qu'ils ont quitté leur entreprise ou leur lycée.

J'ai demandé que l'on développe à la fois les trains rapides et les TER sur l'ensemble de la ligne classique entre Le Mans et Paris. Mais, là non plus, il n'existe pas de vrai projet pour faire vivre la ligne classique rapide avec des dessertes bien conçues. Hormis les liaisons entre grandes métropoles régionales, les transports ferroviaires entre villes, grandes et petites, ne sont plus la priorité des opérateurs : celle des constructeurs est de développer les trains à grande vitesse et celle de notre commerce est d'exporter cette industrie de pointe.

Peut-être cette vision stratégique est-elle désormais erronée. À force de privilégier l'un des bouts de la chaîne, nous sommes en train de faire céder l'autre. Gommer les besoins qui n'entrent pas dans les priorités d'en haut, c'est gommer aussi les solutions industrielles, les inventions originales de transports qui, demain, feront nos entreprises et nos exportations. Une qualité « Made in France », adaptée aux besoins de déplacements d'une grande partie de nos concitoyens et d'une majorité d'Européens hors des grandes lignes à très grande vitesse, voilà ce que serait un choix stratégique, économique, écologique et commercial judicieux. Les décisions dites stratégiques ne doivent pas oublier une partie des usagers français.

Ma deuxième observation a trait aux conditions de notre renouveau industriel dans un secteur potentiellement porteur. La commission, son président et son rapporteur ont formulé de nombreuses recommandations, qui sont autant d'outils d'aide à la prise de décisions structurantes pour la filière ferroviaire.

L'emploi est à la fois une résultante et une composante de notre politique industrielle. Loin des considérations générales, je souhaite rappeler que des décisions prises dans la gestion courante conduisent à réduire l'emploi non seulement dans le domaine de la construction, mais aussi dans celui de la maintenance des trains. Cela affaiblit à la fois les moyens de la SNCF et les entreprises locales qui travaillent pour elle. Il y a trois ans, les ateliers du Mans comptaient encore 250 agents. Ce centre de niveau 3 va passer au niveau 2. Les grosses maintenances ne se feront plus au centre d'une étoile ferroviaire, mais en bout de ligne. Resteront quelques dizaines d'agents, à condition que les collectivités financent les travaux nécessaires. Il s'agit là de l'une de ces multiples décisions qui conduisent à l'affaiblissement d'une politique de filière.

J'en viens maintenant aux conditions globales du renouveau. La solution du repli sur soi est illusoire. Il est tout aussi illusoire de penser contraindre des pays émergents à acheter Alstom plutôt que Siemens, ou empêcher la Chine, qui investit chaque année 50 milliards d'euros dans le ferroviaire, d'exporter ce qu'elle saura bientôt fabriquer seule. Je ne suis pas naïve, je sais que le commerce international changera encore, mais cela n'empêche pas de chercher à mieux le réguler.

Pour ce qui nous concerne, nous devons, de façon pragmatique, combler trois déficits : le déficit d'expérimentation, en préparant les nouveaux modes de transports ferroviaires qui aideront au maillage de notre tissu industriel et serviront de vitrine à notre savoir-faire ; le déficit de solidarité au plan européen, en définissant, au niveau communautaire, une filière ferroviaire capable, comme dans le secteur aéronautique, de concurrencer les grands constructeurs étrangers, ce qui suppose la mise en oeuvre parallèle de nouveaux travaux de consolidation des lignes transeuropéennes, nationales et régionales ; enfin, le déficit de l'innovation, par une politique de recherche-développement forte dans ce domaine.

Certes, ce ne sont pas les seules conditions du développement de l'industrie ferroviaire ; ce sont néanmoins des pistes pour aller de l'avant et nous permettre de relever pour la première fois, de façon décisive, le défi qui nous est lancé. J'espère, monsieur le ministre, que vous saurez fixer le cap. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Branget

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, à quelques jours de la grande révolution des horaires et de la première étape de l'ouverture à la concurrence que va connaître la SNCF sur le réseau national, et à quelques semaines de la remise des conclusions des Assises du ferroviaire, réunies, sous l'égide de Mme Nathalie Kosciusko-Morizet et de vous-même, monsieur le ministre, nous répondons dans ce débat à une attente de nos collègues du groupe GDR.

Peut-être aurait-il été intéressant d'attendre le mois de janvier, une fois tous ces bouleversements stratégiques intervenus, pour débattre en nous fondant sur les premiers retours d'expérience et, surtout, sur les orientations et les propositions des Assises du ferroviaire.

De nombreux constats sont aujourd'hui unanimement partagés, qu'ils concernent la complexification de la gestion de l'infrastructure ferroviaire, le manque d'entretien du réseau, le sous-investissement ou le non-remboursement de la dette ; autant de problèmes structurels qui affaiblissent considérablement un secteur pourtant confronté à des défis de taille.

Tel qu'il fonctionne, le système issu de la création de Réseau ferré de France en 1998 et du transfert de compétence du transport régional aux régions depuis 2002, semble avoir atteint son point de rupture en termes de coût supporté par la collectivité et les finances publiques.

Le secteur ferroviaire doit trouver un nouveau souffle, et c'est à cette ambition que se sont attelés les groupes de travail au sein des Assises du ferroviaire. En tant que membre de ces assises, je souhaite profiter de ce débat pour avancer deux ou trois réflexions issues du travail de la commission « L'économie du ferroviaire », sans évoquer, faute de temps, la gouvernance, la problématique du fret ou encore l'industrie ferroviaire dans notre pays.

Le redressement du déséquilibre structurel exige une réforme d'envergure afin d'élargir les perspectives de développement du marché du ferroviaire. Pour cela, la France dispose d'atouts décisifs et inestimables, qui lui permettent de développer des moyens de transport sûrs et non polluants, capables de répondre à une forte demande.

Cette réflexion plus générale ne peut que s'articuler autour de la place du train dans la chaîne globale de transport : le ferroviaire doit être considéré comme un maillon complémentaire des autres modes de transport – avion, route ou fluvial. La saturation du réseau routier ou le manque de sillons nous y obligeront.

Cette recherche d'une plus grande intermodalité ne peut s'effectuer que par un regroupement des compétences, puisque l'État, les régions, les départements et les communes se partagent aujourd'hui l'aménagement des transports. Cela permettrait peut-être d'éviter d'absurdes situations de concurrence, sur un même trajet, entre des services ferroviaires et routiers financés par des collectivités publiques différentes, tel le TER financé par la région et le réseau de cars financé par le département. Il faut, dans certains cas, considérer le car comme une alternative crédible au train. Sur certains parcours, le très faible taux de remplissage des TER justifierait que l'on y réfléchisse, pour des raisons financières, mais aussi écologiques.

Debut de section - PermalienThierry Mariani, ministre chargé des transports

Nous sommes d'accord !

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Branget

Un car modernisé aux dernières normes euro peut en effet offrir un bilan CO2 bien plus positif qu'un train thermique peu fréquenté.

La politique ferroviaire serait une impasse pour le développement durable et l'aménagement du territoire si elle oubliait les liaisons intermédiaires entre villes de moyenne importance. La priorité doit être donnée à la rénovation du réseau existant, afin de stabiliser l'âge du réseau en renouvelant les lignes les plus fréquentées, qui ont été délaissées, ces dernières années, au profit du réseau LGV.

Le développement du réseau à grande vitesse prévu dans le Grenelle de l'environnement fait peser une hypothèque sur le système. Les objectifs du Grenelle sont certes très ambitieux, et je les ai défendus avec conviction, mais, au regard de la conjoncture et de l'ampleur des investissements, ils seront sans doute révisés.

Quatre projets d'investissement sont en cours, pour un total de 15 milliards d'euros. Si l'on réalisait la quinzaine de projets prévus dans le calendrier du Grenelle, il faudrait ajouter à cette somme environ 100 milliards d'euros d'investissements, coût presque exclusivement supporté par les collectivités publiques. Il apparaît aujourd'hui difficile de mener de front la remise en état du réseau existant et la poursuite du développement du réseau à grande vitesse.

Monsieur le ministre, faudra-t-il – je ne le souhaite pas – parler de moratoire sur les nouveaux projets, à l'exclusion de ceux couverts par un contrat déjà en cours, dans l'attente d'une programmation qui garantisse au préalable le financement de la remise à niveau et de la modernisation du réseau actuel ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Line Reynaud

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, à l'initiative du groupe de la Gauche démocrate et républicaine, notre assemblée est aujourd'hui amenée à débattre d'un sujet important : la situation de l'industrie ferroviaire dans notre pays. Celle-ci n'échappe pas à la crise et connaît, comme de nombreux autres secteurs industriels, tels le nucléaire et l'avion Rafale, de grosses déconvenues en matière de contrats à l'étranger. En octobre dernier, nous apprenions ainsi que l'Arabie saoudite avait choisi nos voisins espagnols pour construire leur future ligne à grande vitesse entre Djeddah, La Mecque et Médine, pour transporter les pèlerins sur les lieux saints. Le « ticket français » formé par la SNCF et Alstom a ainsi vu lui échapper un contrat de 7 milliards d'euros. C'est dire si le thème de notre débat est d'actualité.

Je ne reviendrai pas sur toute la politique industrielle du Gouvernement. Force est de constater qu'elle est assez inexistante depuis dix ans et que le ferroviaire, comme de nombreuses autres industries, en paye aujourd'hui le prix fort. En France, plus de 1 000 entreprises et 20 000 salariés travaillent dans ce secteur à titre exclusif ou principal, voire en complément de leur activité première. Certes, avec un chiffre d'affaires de 4 milliards d'euros par an, l'industrie ferroviaire nationale est la troisième au monde derrière celles de la Chine et de l'Allemagne. Il n'en faut pas moins tout faire pour la conforter.

Le rapport élaboré par la commission d'enquête est d'une très grande qualité. Il a d'ailleurs été, je tiens à le rappeler, adopté à l'unanimité. Vous avez formulé, monsieur le rapporteur, vingt-cinq recommandations, que vous avez classées dans un échéancier qui permet de prioriser les différentes mesures proposées. C'est là, je tiens à le souligner, une excellente initiative.

Je voudrais tout d'abord évoquer la situation de l'industrie du fret. Dans ce domaine, vous souhaitez que soit lancé, dès 2011, un programme de construction de wagons, afin de sauvegarder le savoir-faire français, ainsi que de régénération de wagons, l'âge moyen du parc dépassant les trente ans. Pour y parvenir, il est indispensable que la SNCF mette bon ordre dans sa stratégie de fret, ce qui, reconnaissons-le, est loin d'être fait. La stratégie du fret de la SNCF n'est ni claire pour les industriels ni à la hauteur de ce qui avait été annoncé dans le plan fret. De trop nombreux indices laissent à penser que la route pourrait être favorisée.

Certains membres de la commission d'enquête l'ont souligné : la stratégie de la filiale SNCF Geodis est pour le moins surprenante et semble favoriser le transport par la route, comme les nombreux investissements réalisés par Calberson, France Express, Geodis BM le prouvent. J'ai dû intervenir récemment auprès de la direction de SNCF Geodis pour que des trains de fret soient remis en circulation au départ de la gare de Cognac. À la suite d'importants travaux sur cette ligne de chemin de fer à voie unique, cette entreprise avait été contrainte de transférer son activité sur la route ; toutefois, six mois après la réouverture de l'axe ferroviaire entièrement refait à neuf, les camions continuaient de rouler. Il a fallu une intervention énergique des élus et même de votre prédécesseur, M. Bussereau, pour que le trafic reprenne à compter du 12 décembre prochain. L'industrie du cognac est l'un des secteurs phares de la région : elle dégage 2 milliards d'euros de chiffre d'affaires annuel et représente 170 millions de caisses à transporter. Ce simple exemple illustre la situation du fret dans notre pays.

Monsieur le ministre, allez-vous demander à la SNCF de mettre fin à cet imbroglio et d'édicter une politique claire et lisible pour tous dans le domaine du fret ? Quelles mesures pourriez-vous mettre en oeuvre en commun avec votre collègue ministre de l'écologie afin d'encourager le développement du fret en France ?

Parmi vos autres propositions, monsieur Paternotte, figure notamment la création d'un géant européen de la construction ferroviaire, regroupant le constructeur français Alstom et l'allemand Siemens. Il serait en mesure de contrer la concurrence chinoise et nord-américaine. Vous proposez toute une méthodologie par étapes pour y parvenir. Néanmoins, pour que cette union puisse se réaliser, les gouvernements doivent intervenir et le couple franco-allemand a un rôle important à jouer. Le gouvernement français est-il favorable à cette proposition ? Pouvez-vous, monsieur le ministre, indiquer à notre assemblée comment cette proposition est perçue par nos partenaires allemands ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Christophe Lagarde

La parole est à M. Thierry Mariani, ministre chargé des transports.

Debut de section - PermalienThierry Mariani, ministre chargé des transports

Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, vous avez souhaité organiser un débat sur la situation de l'industrie ferroviaire française auquel je suis ravi de participer. Comme je vous l'avais indiqué en mai dernier, dans le cadre des travaux de la commission d'enquête conduite par Alain Bocquet et dont le rapporteur était Yanick Paternotte, il s'agit d'un sujet qui me tient particulièrement à coeur, en tant que ministre des transports, bien sûr, mais aussi en tant que citoyen français et usager du rail.

Comme vous le savez, nous avons lancé, le 15 septembre dernier, avec Nathalie Kosciusko-Morizet, les Assises du ferroviaire, afin d'ouvrir un débat national sur l'avenir du modèle ferroviaire français. Les différentes commissions qui ont été constituées sont composées non seulement de professionnels du secteur, mais aussi d'économistes, de chefs d'entreprise et, bien évidemment, de parlementaires, comme Yanick Paternotte et Françoise Branget, qui sont présents dans cet hémicycle.

L'enjeu de ces assises est de permettre à l'ensemble des participants de débattre le plus largement possible sur les évolutions nécessaires à notre système ferroviaire. Tous les sujets ont ainsi été mis sur la table et approfondis. Les mesures préconisées par votre commission d'enquête et celles envisagées par la commission Abate sont reprises dans les travaux des assises. Nous avons en effet souhaité dédier spécifiquement une commission de ces assises à la filière ferroviaire française, dont Yanick Paternotte fait partie. Elle est présidée par Bruno Angles, ingénieur des Ponts et Chaussées, dont je tiens à saluer le travail réalisé au cours de ces trois derniers mois. Lors de la réunion plénière des assises du 22 novembre dernier, cette commission a en effet jeté les bases d'un scénario offensif et compétitif pour l'industrie française.

Ses propositions doivent être encore précisées dans un rapport qui sera présenté d'ici à quelques jours, lors de la plénière finale des assises, le 15 décembre. Mais je souhaite d'ores et déjà vous indiquer les quelques pistes qui mériteraient d'être retenues.

Je me tourne vers le président et le rapporteur de la commission d'enquête pour souligner la qualité du travail accompli. J'ai bien noté que le rapport avait été adopté à l'unanimité, ce qui est assez rare dans cette assemblée. Cela montre que, sur le diagnostic mais aussi sur les remèdes, il y a une certaine convergence dans cet hémicycle, quels que soient les bancs.

Revenons maintenant aux propositions que j'évoquais il y a un instant.

D'abord, nous devons tous garder à l'esprit que l'industrie ferroviaire française est une référence dans le monde entier. Le ferroviaire est porteur des principaux défis de notre pays, Françoise Branget l'a parfaitement décrit : c'est l'une des façons de se déplacer les plus respectueuses de l'environnement, consacrée par le Grenelle de l'environnement.

La construction de quatre nouvelles lignes à grande vitesse est lancée simultanément ; les 140 kilomètres de la première phase de la ligne à grande vitesse Rhin-Rhône ont été inaugurés par le Président de la République il y a quelques semaines.

Le ferroviaire est aussi une solution à de nombreux enjeux d'aménagement du territoire. Notre défi est de réussir en même temps les projets nouveaux et la fiabilisation du réseau existant. Les projets ferroviaires ont également, vous le savez, une forte dimension industrielle, tant pour ce qui concerne les voies, les aiguillages et la signalisation que pour le matériel roulant. Cette activité représente au total 4 milliards d'euros de chiffre d'affaires par an, dont un quart à l'export, sur un marché mondial où la concurrence est de plus en plus forte.

La France a trop longtemps laissé son industrie se délocaliser. Nous devons aujourd'hui parier sur nos points forts et le ferroviaire en fait partie. C'est vrai non seulement pour la grande vitesse ferroviaire, mais aussi pour les métros, les tramways, l'ingénierie ou encore les infrastructures.

La France se doit de disposer d'une filière nationale solide, grâce à Alstom, notre fleuron national, mais aussi à Bombardier, qui emploie plus de 2 000 personnes en France, ainsi qu'à l'ensemble des sous-traitants de la filière.

Une filière solide, c'est une filière soutenue. Je pense notamment aux constructeurs de wagons, qui ont gravement souffert de la crise du fret français et qui sont aujourd'hui fragilisés. Nous devons préserver les 21 000 emplois industriels privés du secteur.

Debut de section - PermalienThierry Mariani, ministre chargé des transports

Comme Yanick Paternotte l'a rappelé, ainsi que ceux d'entre vous dont les circonscriptions abritent les principales entreprises du secteur, le recul du fret ferroviaire et la crise financière ont très durement frappé les trois constructeurs français de wagons de fret : AFR Titagarh à Douai, ABRF à Châteaubriant – entreprise chère à Michel Hunault – et Lohr en Alsace. Pour sortir par le haut de cette crise, le Gouvernement a lancé, fin 2009, l'engagement national pour le fret ferroviaire, qui représente 7 milliards d'euros d'investissements, en particulier dans l'infrastructure, d'ici à 2020.

Pour répondre à Marietta Karamanli, je suis convaincu que la principale difficulté du fret ferroviaire, aujourd'hui, n'est pas son coût, mais son manque de fiabilité et de flexibilité. Nous continuons à travailler avec RFF et la SNCF pour redonner au fret une productivité et une qualité de service à la hauteur des enjeux.

À cet égard, vous avez souligné, monsieur Paternotte, votre attachement au projet Carex. Cet attachement, je le partage : comme vous le savez, les travaux menés par RFF et la SNCF ont permis d'améliorer la visibilité de ce projet d'alliance du fret et de la grande vitesse, qui devrait relier le Benelux, Londres, Lyon et Roissy. Aujourd'hui, les analyses se poursuivent afin de vérifier la soutenabilité économique de ce beau projet industriel, qui est de nature à améliorer grandement la qualité de service, à faire valoir de nouveau le savoir-faire français et à redynamiser ce mode de transport.

Si nous réussissons, la demande pour le fret ferroviaire dynamisera les commandes de matériel roulant neuf comme les contrats de maintenance.

Debut de section - PermalienThierry Mariani, ministre chargé des transports

Les entreprises françaises ont le dynamisme et le savoir-faire pour gagner des contrats face à leurs concurrents européens, la concurrence asiatique étant limitée par le coût de transport des wagons.

Nous sommes tous d'accord pour dire que la France manque d'entreprises de taille intermédiaire – les ETI –, ces entreprises assez importantes en volume de production pour avoir une vraie force de frappe à l'export et une capacité importante de recherche et développement en interne. Ce problème n'est malheureusement pas, dans notre pays, spécifique à l'industrie ferroviaire. Mais la France a tout de même deux ETI dans ce secteur : Faiveley, qui a réussi le pari de son développement, et Lohr. Nous tenons donc particulièrement à protéger ces entreprises, toutes deux particulièrement innovantes. Dans le cas de Lohr, notre priorité est de conclure au plus vite le contrat de l'autoroute ferroviaire Atlantique, qui conduira à la commande de 278 wagons Modalohr.

Je vais maintenant répondre à Michel Hunault, particulièrement mobilisé pour défendre l'activité du groupe AORF-ABRF, qui est l'une de nos grandes entreprises françaises de construction et de réparation de wagons. Ce groupe, spécialisé notamment dans les porte-conteneurs et les porte-autos, a été doublement touché, au même moment, par la crise du fret ferroviaire et par les difficultés du secteur automobile. L'État s'implique, notamment via le Comité interministériel de restructuration industrielle – le CIRI –, dans la sauvegarde de ces 280 emplois, basés principalement à Châteaubriant, et je sais l'importance qu'y accorde Michel Hunault, qui continue à se mobiliser sur ce dossier de façon pressante. Pour un parlementaire, c'est plutôt une qualité ! (Sourires.)

J'ai rencontré à plusieurs reprises le directeur général, Éric Vinassac, et je pense, comme lui, que les meilleures perspectives de développement résident dans la qualité de service que sa société est à même d'offrir à la SNCF, pour obtenir des commandes. Là encore, c'est par un véritable développement du fret ferroviaire que nous conforterons cette activité sur le long terme.

Pour finir de répondre à Michel Hunault, je tiens aussi à rappeler la décision du Président de la République de créer un fonds de modernisation des entreprises ferroviaires. Nous y travaillons actuellement, en lien avec Éric Besson, ministre chargé de l'industrie.

Par ailleurs, je sais que Douai et toute sa région se mobilisent autour de la société Arbel Fauvet Rail-Titagarh – AFR Titagarh. Cette entreprise performante, chère à Marc Dolez, que j'avais reçu avec Jacques Vernier, a aussi souffert des difficultés du fret.

Debut de section - PermalienThierry Mariani, ministre chargé des transports

AFR Titagarh est actuellement mobilisée par une commande de 400 wagons-citernes, passée par SNCF-ERMEWA en août, qui lui garantit environ deux ans de travail. Les wagons-citernes, c'est le choix d'un produit à haute valeur ajoutée, qui permet de valoriser les technologies françaises. De nombreuses matières potentiellement dangereuses, comme les hydrocarbures et les produits chimiques, ont vocation à être transportées par rail. Pour poursuivre cette politique, nous avons besoin d'entreprises comme AFR Titagarh, qui nous garantit à la fois la fourniture et la maintenance du contenant.

S'agissant du transport de matières dangereuses, je sais que Jean-Christophe Lagarde est très sensible à la question, notamment en ce qui concerne la gare de Drancy et son avenir. Nous nous sommes rencontrés à plusieurs reprises cette semaine ; comme il préside la séance…

Debut de section - PermalienThierry Mariani, ministre chargé des transports

…il a pris de l'avance ! (Sourires.) Je lui rappelle que j'ai saisi la SNCF et RFF, qui vont s'assurer que les procédures en place garantissent un niveau de sécurité maximale sur ce site.

Dans un deuxième temps, je leur ai demandé d'étudier des solutions alternatives pour que les produits les plus dangereux transitent par un autre site sans pour autant multiplier les circulations à Drancy. Il importe en tout cas que ces produits soient transportés par le rail, le transport par route restant à éviter chaque fois que c'est possible pour des raisons de sécurité. Cela étant, le fret ferroviaire doit avoir lieu dans le respect de la sécurité.

Une filière solide, c'est aussi une filière innovante, avec des entreprises qui ouvrent la voie à un transport plus performant et plus écologique, dans l'esprit du Grenelle de l'environnement.

Un autre grand défi du monde ferroviaire des prochaines années, c'est le développement du transport de passagers. Les commandes de matériels de demain seront surtout fonction des choix des autorités organisatrices ou le fait des opérateurs existants ou nouveaux. Le transport international de passagers a en effet été ouvert à la concurrence fin 2009, Gérard Voisin l'a évoqué. Une entreprise privée mettra d'ailleurs en place, dans quelques jours, des trains de nuit entre la France et l'Italie.

La France n'a pas encore ouvert à la concurrence le transport national, mais le Gouvernement étudie les pistes explorées par le sénateur Francis Grignon dans les conclusions de son rapport à ce sujet. Là encore, de nouveaux opérateurs peuvent signifier de nouvelles forces de proposition en termes de matériel roulant et de qualité de service, et donc de nouvelles commandes.

Je souhaite par ailleurs rassurer Gérard Voisin sur l'ouverture à la concurrence des dessertes intérieures de transport routier de voyageurs par voie de cabotage sur des liaisons internationales. Il s'agit d'une évolution récente de la législation européenne, qui permettra à un nombre croissant d'usagers d'accéder à de nouveaux services de transport par autocar de longue distance, à l'intérieur des pays membres de l'Union européenne. J'ai autorisé, dans ce cadre, le 5 septembre dernier, l'exploitation de 230 dessertes interrégionales de transport par autocar. Nous avons là un exemple concret des effets positifs de l'ouverture du marché du transport pour les voyageurs. Pour autant, cette ouverture se fera de manière régulée, car le développement de ces nouvelles dessertes routières doit enrichir l'offre de transport et ne pas avoir pour effet de compromettre l'équilibre économique des contrats de service public de transport dans le cadre desquels sont exploités les TET et les TER. C'est pourquoi j'ai demandé qu'un bilan des conditions de cohabitation de ces nouvelles dessertes avec les autres services existants soit régulièrement dressé.

Gérard Voisin m'a également interrogé sur les conditions d'accessibilité de la gare de Mâcon Ville, qui vient d'être rénovée sous la maîtrise d'ouvrage de la SNCF. Conformément au schéma directeur d'accessibilité des services ferroviaires nationaux, le bâtiment voyageurs est désormais accessible. Les travaux relevant de la maîtrise d'ouvrage de RFF, notamment ceux permettant l'accès aux quais, sont en phase d'études préliminaires, avec une prévision de réalisation au plus tard en 2014. La gare de Mâcon Ville sera donc accessible aux personnes handicapées et à mobilité réduite avant le 13 février 2015, échéance prévue par la loi.

Debut de section - PermalienThierry Mariani, ministre chargé des transports

Comme vous, monsieur Voisin, j'estime nécessaire que RFF et la SNCF accentuent dorénavant leurs efforts afin de coordonner leurs opérations de mise en accessibilité des gares – je précise à nouveau que l'échéance du 13 février 2015 est celle prévue par la loi.

Vous le savez, les besoins en matière de mobilité ne vont aller qu'en s'accroissant, tant pour les marchandises que pour les personnes. L'enjeu est donc à la fois de favoriser le développement du fret ferroviaire et d'améliorer la qualité du service rendu aux voyageurs : transporter toujours plus de personnes, notamment en zone urbaine, dans des conditions de régularité et de confort améliorées, et dans le respect de l'environnement.

S'agissant du transport de marchandises, évoqué par Marie-Line Reynaud, le Président de la République a demandé à Guillaume Pépy, lors de sa nomination à la présidence de la SNCF en 2008, de construire un leader du fret et de la logistique à l'échelle mondiale. La SNCF a donc réorganisé son activité de transport de marchandises par la création de la branche SNCF-Geodis, afin de proposer à ses clients chargeurs des solutions compétitives, multimodales et internationales pour gérer leur chaîne logistique. Pour s'inscrire dans les objectifs du Grenelle de l'environnement et de l'Engagement national pour le fret ferroviaire, la branche SNCF-Geodis doit s'appuyer sur le développement du fret ferroviaire en exploitant les atouts de ce mode pour la massification des flux de marchandises, mais également en le tournant résolument vers l'avenir avec le développement de nouveaux services comme le transport combiné et les autoroutes ferroviaires.

La capacité de ce mode à s'adapter aux évolutions demandées par le marché, notamment en termes de fiabilité, de rapidité, de réactivité, de taille de lots et de complémentarité avec les autres modes, conditionne ses chances de réussite. Par son expérience, son savoir-faire et sa place centrale dans un contexte nouvellement concurrentiel, le groupe SNCF doit être en mesure de relever ce défi au service de l'économie française et européenne.

Comme les orateurs de gauche et de droite que nous avons entendus, le ministre que je suis ne se satisfait absolument pas de l'évolution du fret dans notre pays. Nous ne pouvons tous que partager ce constat. Plusieurs d'entre vous ont comparé le fret français et le fret allemand. Il est vrai qu'il fonctionne mieux en Allemagne, mais il faut dire aussi que, dans ce pays, les flux sont massifiés. Nous prenons le même chemin avec les trains longs. Nous essayons de faire le lien avec la réforme portuaire, laquelle est désormais achevée. En effet, pour que le fret fonctionne mieux dans notre pays, il doit certainement être mieux connecté aux portes d'entrée de notre territoire, et je pense en particulier aux ports.

Une filière solide, c'est, enfin, une filière pleinement compétitive et offensive à l'export dans un contexte de mondialisation accrue. Comme cela a été souligné, face à la concurrence naissante de pays comme la Corée ou la Chine sur le marché de l'industrie ferroviaire, nos entreprises doivent bel et bien se positionner à ce niveau, même si le marché national reste un point d'appui essentiel. Pour répondre sur ce point à Yanick Paternotte, nous travaillons, avec les industriels, à l'ouverture des marchés, dans le cadre des négociations commerciales internationales, afin que les normes, notamment européennes, permettent de donner toutes leurs chances aux technologies françaises.

Pour faire face à cette concurrence, Alain Bocquet et les membres de la commission d'enquête ont proposé la formation d'un « Airbus du rail », idée relayée aujourd'hui par Marie-Line Reynaud. Cette question est étudiée actuellement par la commission de la filière ferroviaire française, au sein des Assises du ferroviaire. Mais je peux déjà vous dire qu'elle a, d'ores et déjà, un très grand mérite : celui de nous rappeler que nous sommes dans un contexte européen et mondial.

C'est pourquoi, afin de rester en pointe, l'industrie ferroviaire française doit investir dans la recherche et le développement et former des ingénieurs et des techniciens de haut niveau. C'est à ce stade que l'« État stratège » joue pleinement son rôle, et je réponds ainsi aux observations, d'ailleurs souvent fondées, de Jean Grellier.

En ce sens, le projet Railenium, en cours de mise en place dans le Nord-Pas-de-Calais, avec la participation de presque tous les acteurs du secteur, est un élément de réponse à la plupart de ces enjeux. Même s'il se focalise dans un premier temps sur l'industrie de la voie, il aura vocation, à terme, à devenir un centre d'excellence pour le matériel roulant.

Vous le voyez, mesdames, messieurs les députés, notre politique ferroviaire se veut ambitieuse et déterminée, même si le contexte actuel est délicat, a fortiori dans la phase de transition que nous traversons. Je sais pouvoir compter sur la mobilisation de l'ensemble des acteurs de l'industrie pour remettre le fret ferroviaire sur les rails. Je compte aussi sur l'ensemble des députés, et particulièrement sur ceux qui assistent à cette séance et qui ont participé à la commission d'enquête, laquelle nous a rendu, voici maintenant six mois, un excellent travail. Soyez assurés qu'en ce qui me concerne, je suis extrêmement attentif, comme l'ont montré, je crois, mes derniers choix, à ce que, dans le respect, bien sûr, des règles de la concurrence internationale, cette filière ne soit pas oubliée par nos acteurs nationaux. (Applaudissements sur tous les bancs.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Christophe Lagarde

Nous avons terminé le débat sur la situation de l'industrie ferroviaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Christophe Lagarde

Prochaine séance, jeudi 8 décembre 2011 à neuf heures trente :

Questions orales sans débat.

La séance est levée.

(La séance est levée à vingt heures cinq.)

Le Directeur du service du compte rendu de la séance de l'Assemblée nationale,

Nicolas Véron