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Intervention de Claude Leteurtre

Réunion du 7 décembre 2011 à 15h00
Lien de causalité entre l'exposition aux radiations à la suite d'un accident nucléaire et la maladie ou le décès. — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaClaude Leteurtre :

Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, la proposition de résolution qui nous est aujourd'hui soumise traite d'un sujet que nous connaissons bien, puisqu'il a fait l'objet de plusieurs propositions de loi et de commissions d'enquête, auxquelles j'ai d'ailleurs eu l'occasion de participer.

Au lendemain du tremblement de terre et du tsunami qui ont frappé le Japon le 11 mars 2011, la situation de plusieurs centrales nucléaires japonaises a ravivé l'inquiétude des pays qui ont choisi l'énergie nucléaire et celle des populations. Aussi la ministre de l'écologie, Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, a-t-elle déclaré que la France allait contrôler la sûreté de toutes ses centrales nucléaires et a qualifié d'acquise l'idée d'un débat sur la politique énergétique et le nucléaire français.

Je crois utile de rappeler quelques vérités concernant notre politique nucléaire. Tout d'abord, il ne s'agit pas de remettre en cause son bien-fondé. En effet, depuis les années 1960, notre politique de dissuasion nucléaire fait l'objet d'un quasi-consensus : des essais nucléaires ont été menés par des gouvernements de toutes sensibilités politiques. Cette politique assure l'indépendance énergétique et militaire de notre pays, garantissant à la France son rang dans le monde.

Néanmoins, il est important de reconnaître que cette politique a eu des conséquences sur la santé de certains de nos concitoyens, militaires ou civils, ayant participé à des expérimentations ou ayant résidé à proximité des sites concernés. Au reste, tous les États qui ont procédé à des essais nucléaires ont admis que ceux-ci avaient pu avoir des conséquences sanitaires dommageables et ont prévu des mécanismes d'indemnisation. C'est notamment le cas des États-Unis, du Royaume-Uni, de l'Australie et du Canada. Notre pays avait lui aussi le devoir de reconnaître et de réparer les conséquences de ses essais nucléaires, et je crois pouvoir dire qu'un consensus national a été trouvé sur ce sujet. La nécessité d'indemniser les victimes de ces essais a en effet été reconnue lors de l'adoption, en 2009, du projet de loi d'Hervé Morin, alors ministre de la défense, sur l'indemnisation des victimes d'essais nucléaires.

Force est de constater que, face à ce problème, les pouvoirs publics ne sont pas restés inactifs, puisqu'ils se sont engagés, au cours des dernières années, à améliorer l'indemnisation et le suivi sanitaire des victimes des essais nucléaires.

Mais, si un lien de causalité peut être établi entre les essais nucléaires et les victimes de ceux-ci, la présomption d'un tel lien entre les pathologies radio-induites et les accidents nucléaires semble difficilement acceptable non seulement sur le plan juridique mais aussi sur le plan scientifique. Il revient au juge, et à lui seul, d'établir l'existence d'un éventuel lien de causalité, selon des critères qui relèvent du cas par cas. En tant qu'ancien expert, j'affirme que l'on ne peut définir des critères de reconnaissance aussi vagues que ceux qui sont proposés dans le texte qui nous est soumis. C'est, je le répète, à la jurisprudence de les établir au cas par cas ; une proposition de résolution visant à systématiser le lien de causalité ne résoudrait pas le problème.

On sait aujourd'hui combien il est difficile, et vous l'avez rappelé, d'établir un lien de causalité dans ce domaine, précisément parce qu'il est extrêmement difficile de définir des critères de reconnaissance, en raison de la multitude de cas particuliers. Qu'il me soit donc permis de douter très sincèrement de la pertinence d'une résolution aussi généraliste que celle qui nous est soumise et qui semble balayer d'un revers de main la mise en place de critères juridiques clairs et précis pour l'établissement de la preuve. C'est la négation de la procédure juridique.

N'oublions pas que les différents accidents nucléaires qui se sont produits à travers le monde dépendent du niveau de l'accident ou de l'incident, de l'environnement direct et, enfin, des mesures de protection de la population qui ont été prises immédiatement ou en amont. L'ensemble de ces curseurs doivent être examinés au cas par cas : globaliser le problème ne répondrait pas à la volonté de réparation des familles si le lien de causalité était établi.

Enfin, il ne me paraît pas non plus adapté de viser les accidents nucléaires civils, puisque des régimes juridiques d'indemnisation sont déjà prévus par des conventions internationales – convention de Paris de 1960 et convention de Bruxelles de 1963 – ainsi que par la loi du 30 octobre 1968 relative à la responsabilité civile dans le domaine de l'énergie nucléaire. Cette question relève, à n'en pas douter, des régimes internationaux de responsabilité civile en matière de dommages nucléaires.

Pour toutes ces raisons, le groupe Nouveau Centre votera fermement contre cette proposition de résolution.

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