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Intervention de Marietta Karamanli

Réunion du 7 décembre 2011 à 15h00
Débat sur la situation de l'industrie ferroviaire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMarietta Karamanli :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous devons nous féliciter que la représentation nationale ait souhaité et ait pu s'interroger sur le contexte, les opportunités et les contraintes du secteur industriel ferroviaire, qui devrait, alors que les transports collectifs sont une des clés de la croissance durable, pouvoir se maintenir, se développer et se renouveler.

Je remercie aussi l'ensemble des membres de la commission, en particulier son président et son rapporteur, maîtres d'oeuvre du rapport qui sert de base à notre discussion.

Je ferai deux observations.

La première porte sur la relation qui existe entre une industrie nationale et le développement des services qu'elle permet et sur lequel elle doit s'appuyer. Le constat de cette relation est significatif s'agissant d'un secteur qui est un des supports des échanges économiques car il participe au transport des marchandises et à la mobilité des personnes.

Alors que le rapport souligne la variété des entreprises du secteur, la fragilité de certaines d'entre elles, mais aussi la vitrine que représente le train à grande vitesse, force est de constater que les opérateurs que sont la SNCF et RFF ont, en lien avec les grandes entreprises du secteur, privilégié la vitrine, c'est-à-dire le TGV et les lignes à grande vitesse.

Dans le département de la Sarthe, par exemple, la SNCF et RFF invoquent l'absence de créneaux pour justifier que les TER de la ligne Le Mans-Paris circulent quelques minutes avant ou après les heures utiles aux usagers : ils sont ainsi des centaines, salariés et lycéens, à ne plus avoir que des trains arrivant en gare quelques minutes seulement avant l'embauche ou le début des cours, et en repartant quelques minutes seulement après qu'ils ont quitté leur entreprise ou leur lycée.

J'ai demandé que l'on développe à la fois les trains rapides et les TER sur l'ensemble de la ligne classique entre Le Mans et Paris. Mais, là non plus, il n'existe pas de vrai projet pour faire vivre la ligne classique rapide avec des dessertes bien conçues. Hormis les liaisons entre grandes métropoles régionales, les transports ferroviaires entre villes, grandes et petites, ne sont plus la priorité des opérateurs : celle des constructeurs est de développer les trains à grande vitesse et celle de notre commerce est d'exporter cette industrie de pointe.

Peut-être cette vision stratégique est-elle désormais erronée. À force de privilégier l'un des bouts de la chaîne, nous sommes en train de faire céder l'autre. Gommer les besoins qui n'entrent pas dans les priorités d'en haut, c'est gommer aussi les solutions industrielles, les inventions originales de transports qui, demain, feront nos entreprises et nos exportations. Une qualité « Made in France », adaptée aux besoins de déplacements d'une grande partie de nos concitoyens et d'une majorité d'Européens hors des grandes lignes à très grande vitesse, voilà ce que serait un choix stratégique, économique, écologique et commercial judicieux. Les décisions dites stratégiques ne doivent pas oublier une partie des usagers français.

Ma deuxième observation a trait aux conditions de notre renouveau industriel dans un secteur potentiellement porteur. La commission, son président et son rapporteur ont formulé de nombreuses recommandations, qui sont autant d'outils d'aide à la prise de décisions structurantes pour la filière ferroviaire.

L'emploi est à la fois une résultante et une composante de notre politique industrielle. Loin des considérations générales, je souhaite rappeler que des décisions prises dans la gestion courante conduisent à réduire l'emploi non seulement dans le domaine de la construction, mais aussi dans celui de la maintenance des trains. Cela affaiblit à la fois les moyens de la SNCF et les entreprises locales qui travaillent pour elle. Il y a trois ans, les ateliers du Mans comptaient encore 250 agents. Ce centre de niveau 3 va passer au niveau 2. Les grosses maintenances ne se feront plus au centre d'une étoile ferroviaire, mais en bout de ligne. Resteront quelques dizaines d'agents, à condition que les collectivités financent les travaux nécessaires. Il s'agit là de l'une de ces multiples décisions qui conduisent à l'affaiblissement d'une politique de filière.

J'en viens maintenant aux conditions globales du renouveau. La solution du repli sur soi est illusoire. Il est tout aussi illusoire de penser contraindre des pays émergents à acheter Alstom plutôt que Siemens, ou empêcher la Chine, qui investit chaque année 50 milliards d'euros dans le ferroviaire, d'exporter ce qu'elle saura bientôt fabriquer seule. Je ne suis pas naïve, je sais que le commerce international changera encore, mais cela n'empêche pas de chercher à mieux le réguler.

Pour ce qui nous concerne, nous devons, de façon pragmatique, combler trois déficits : le déficit d'expérimentation, en préparant les nouveaux modes de transports ferroviaires qui aideront au maillage de notre tissu industriel et serviront de vitrine à notre savoir-faire ; le déficit de solidarité au plan européen, en définissant, au niveau communautaire, une filière ferroviaire capable, comme dans le secteur aéronautique, de concurrencer les grands constructeurs étrangers, ce qui suppose la mise en oeuvre parallèle de nouveaux travaux de consolidation des lignes transeuropéennes, nationales et régionales ; enfin, le déficit de l'innovation, par une politique de recherche-développement forte dans ce domaine.

Certes, ce ne sont pas les seules conditions du développement de l'industrie ferroviaire ; ce sont néanmoins des pistes pour aller de l'avant et nous permettre de relever pour la première fois, de façon décisive, le défi qui nous est lancé. J'espère, monsieur le ministre, que vous saurez fixer le cap. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

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