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Intervention de Gérard Voisin

Réunion du 7 décembre 2011 à 15h00
Débat sur la situation de l'industrie ferroviaire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaGérard Voisin :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, depuis quelques années, nous insistons, dès que nous parlons des transports, sur la nécessité de développer le rail, afin de lui donner le lustre qu'il pouvait avoir en 1920, année de son apogée. Les différents textes qui constituent le Grenelle de l'environnement en sont un bon exemple.

Il faut faire aimer le rail pour relancer l'industrie ferroviaire. Or, le rail ne s'est jamais porté aussi mal : il manque chaque année un milliard d'euros pour que le système puisse trouver son équilibre financier. L'endettement de Réseau ferré de France, déjà insupportable aujourd'hui, devrait doubler dans les vingt ans qui viennent.

Le Gouvernement porte ce dossier à bras-le-corps et jamais la nation n'a consenti un tel effort pour la réhabilitation du réseau ferré. Mais notre industrie ferroviaire est victime de la situation financière de ses principaux clients et du manque de visibilité qui en résulte. Nous nous trouvons devant un paradoxe : une insuffisance de financement et des ambitions considérables. Il nous faut donc résoudre la quadrature du cercle.

Le débat sur l'ouverture à la concurrence du système ferroviaire est complexe car les pays européens ont, dans le passé, développé des réseaux incompatibles. L'unification européenne des normes ferroviaires n'est toujours pas complètement achevée, ce qui freine le développement de l'industrie ferroviaire.

Il est aujourd'hui trop tôt pour mesurer d'éventuels bienfaits de la concurrence qui, contrairement à ce que nous pourrions penser, concernera peu la grande vitesse mais pourrait, si la question sociale est harmonieusement réglée, avoir des conséquences significatives dans le transport régional.

Il convient également de ne pas dissimuler l'échec rencontré dans le développement du fret ferroviaire. Ce secteur nécessite des solutions volontaristes qui imposent le transfert autoritaire d'une partie du trafic de transit des poids lourds en France. Il y va de la qualité de l'air que nous respirons et de la sécurité routière.

À la différence du ciel, de la route ou de la mer, qu'un nouvel opérateur peut emprunter en principe librement, le réseau ferré comporte une limite physique de capacité. Or, en France, ce dernier est souvent saturé ou vieillissant.

Par ailleurs, nous devons constater l'échec en France de la libéralisation du fret ferroviaire, ce qui contraste avec la situation allemande.

En toute hypothèse, le secteur ferroviaire constitue un maillon essentiel d'une politique européenne des transports pour laquelle la libéralisation est un outil indispensable. Mais il faut se garder de confondre outil et finalité.

À la différence de l'aérien, la concurrence aura peu d'effets pour les passagers car le secteur ferroviaire ne s'ouvre qu'avec difficulté, sous le poids des questions de personnel. En effet, il est difficilement envisageable que la SNCF supporte une charge salariale supérieure d'un tiers à celle de ses concurrents.

La véritable concurrence, dont personne ne parle, viendra de l'autorisation d'ouvrir des lignes de bus concurrentes des lignes de chemin de fer et qui transporteront les passagers les moins fortunés. Ce phénomène est déjà en cours puisque le cabotage sur les lignes internationales est en passe d'être autorisé.

Je voudrais insister sur la difficulté qu'il y a à gérer une période de transition qui s'étendra sur une dizaine d'années durant lesquelles de nouvelles habitudes devront être prises et l'outil industriel devra s'adapter.

Nous devons engager une politique résolue de lutte contre le trafic routier de transit sur notre territoire. Le tiers du trafic poids lourds est constitué de véhicules en transit faisant le plein de gazole au Luxembourg, ce qui coûte 600 millions d'euros au budget de l'État en raison des moindres recettes de la TIPP.

Nous devrions réfléchir à une politique similaire à celle mise en oeuvre par la Suisse qui a obligé les poids lourds transitant sur son territoire à emprunter les navettes ferroviaires. Dès que les infrastructures seront prêtes, il faudra que la politique de l'État suive cette voie car, en garantissant un volume suffisant de trafic aux opérateurs, nous pouvons mettre en place des infrastructures qui n'impliquent pas le recours aux contribuables.

Cela signifie également que notre industrie ferroviaire doit faire de la construction des navettes destinées à transporter les poids lourds une priorité.

Par contre, le développement du fer ne doit pas être conçu comme un obstacle à l'amélioration du réseau routier, car une grande partie des déplacements de demain continueront à se faire par des moyens de transport individuels, voitures ou camions. Il n'est pas économiquement raisonnable de soutenir que le fer pourrait occuper demain la place qu'il avait en 1920. Les autres modes de transport ont beaucoup évolué, sont rapides et performants.

Il convient donc de se méfier d'un discours qui ne parle que du transport collectif ferroviaire et néglige les autres modes de transport. Il nous faut réaliser un équilibre.

L'idée que la totalité des taxes prélevées sur le transport routier devrait aller abonder le réseau ferré est discutable et je suis convaincu que des gains de productivité très importants peuvent être accomplis. Je veux notamment parler de la nécessité de réformer la partition des propriétés entre la SNCF et RFF issue de la réforme de 1997 qui aboutit aujourd'hui à des absurdités. Je ne prendrai qu'un seul exemple, celui des gares, propriété SNCF, et des quais et des voies, propriété de RFF. J'ai pu constater, à l'occasion de la rénovation de la gare de Mâcon, dans ma circonscription, les difficultés ubuesques et lourdes de conséquences liées à cette situation. La SNCF a fort bien rénové la gare dans le périmètre qui lui revient, pour un investissement de 2,2 millions d'euros. Par contre, pour se rendre sur les quais, propriété de RFF, il faut emprunter un tunnel accessible uniquement par des escaliers, donc impraticable pour les personnes handicapées ou à mobilité réduite, de façon permanente ou temporaire.

L'incompréhension est totale pour les usagers et pour l'élu national et local que je suis : comment est-il possible que l'obligation d'accessibilité qui s'impose à RFF n'ait pas été remplie à l'occasion de la rénovation de cette gare, et que des décisions conjointes n'aient pas été prises par la SNCF et RFF pour que soient effectués ces travaux prioritaires exigés par la loi en toutes circonstances pour tout lieu accueillant du public ?

L'industrie ferroviaire ne pourra être prospère que si l'architecture de gestion des chemins de fer est plus claire et si le financement des très lourds investissements nécessaires pour conduire la rénovation de nos chemins de fer est précisé.

Le contexte actuel a un avantage : la fiscalité et les concours budgétaires ont aujourd'hui atteint leurs limites. Il nous faudra donc innover : c'est difficile mais exaltant.

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