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Séance en hémicycle du 6 octobre 2009 à 15h00

Résumé de la séance

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La séance

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Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. François Brottes, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.

Debut de section - PermalienPhoto de François Brottes

Monsieur le Premier ministre, la consultation citoyenne concernant la privatisation annoncée de La Poste a été un immense succès de mobilisation populaire. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR. – Protestations sur les bancs des groupes UMP et NC.)

Pourtant, il en aura fallu du courage aux maires, pour résister aux pressions des préfets, aux assignations devant les tribunaux – j'imagine sur ordre du Gouvernement. Sachez, monsieur le Premier ministre, que cette forme de délit d'entrave – j'ose prononcer le terme – de la part de l'État a choqué beaucoup de Français, même parmi ceux qui soutiennent votre Gouvernement.

Tout faire pour éviter de donner la parole au peuple ! Sachez que le mépris, la terreur ou l'intimidation n'arrêtent jamais le combat pour une cause juste et bien comprise ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR. – Protestations sur les bancs des groupes UMP et NC.) Cette cause aura rassemblé une soixantaine d'organisations politiques, syndicales et associatives qui n'ont pas ménagé leur peine pour expliquer et mobiliser.

La Poste, c'est peut-être le dernier service public qui vient chez vous tous les jours, auquel vous pouvez toujours vous adresser, quelle que soit votre condition sociale.

Changer son statut, c'est irrémédiablement changer sa nature et trahir ses missions. Les précédents ne manquent pas : Gaz de France a ainsi été privatisé récemment, alors que Nicolas Sarkozy promettait de ne jamais le faire.

Vous savez pertinemment, monsieur le Premier ministre, que ce changement de statut n'est pas imposé par qui que ce soit, que La Poste peut continuer son développement en restant un établissement public.

Vous contestez les résultats de la consultation, vous tournez en dérision l'attachement des Français aux services publics. Jamais dans vos engagements électoraux vous n'avez évoqué la privatisation de La Poste ! Alors oui, il faut consulter les Français dans la clarté.

Le groupe socialiste, dès le 15 octobre prochain, prendra ici une nouvelle initiative pour autoriser officiellement un référendum à ce sujet.

La question est simple : votre gouvernement entend-t-il, dans nos villes et nos campagnes, une colère républicaine franche, le refus du rouleau compresseur et de l'arrogance ? (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR. – Protestations sur les bancs des groupes UMP et NC.)

Vous avez par deux fois déjà reculé l'échéance. Quelle va être votre attitude en réponse à la mobilisation citoyenne contre la privatisation de La Poste ? (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR. – Exclamations sur les bancs des groupes UMP et NC.)

Debut de section - PermalienFrançois Fillon, Premier ministre

Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, monsieur François Brottes, qui parle de privatisation ? (« Nous ! » sur les bancs des groupes SRC et GDR.) La gauche ! Et pourquoi la gauche parle-t-elle de privatisation ? Parce qu'elle a une grande expérience en la matière ! (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

En effet, il faut que les Français se souviennent que c'est la gauche qui, en 1997, a ouvert le capital de France Télécom, une première fois à hauteur de 21 %, et une deuxième fois, un an plus tard, à hauteur de 13 % ! (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe UMP.)

C'est la gauche qui a ouvert le capital de Thomson, du Gan, du CIC, de la CNP, d'Eramet, d'Air France, du Crédit Lyonnais, de l'Aérospatiale et, pour finir, des Autoroutes du sud de la France. (Exclamations et applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienFrançois Fillon, Premier ministre

Alors, vous avez beaucoup à vous faire pardonner, mais ce n'est pas une raison pour travestir la vérité et pour refuser d'accompagner un grand service public dans sa modernisation.

Privatiser, c'est vendre une partie du bien public. Avec le changement de statut, ce que le Gouvernement propose au Parlement, c'est d'apporter 2,7 milliards d'euros de fonds publics à La Poste, afin qu'elle puisse se moderniser et faire face aux changements de notre économie (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

Tout le monde sait que l'activité de courrier diminue et qu'elle ne va cesser de décroître, parce qu'elle est remplacée par le courrier électronique. En même temps, tout le monde sait que le développement de l'internet va provoquer une croissance exponentielle de l'activité de messagerie.

Si l'on ne fait rien pour La Poste – ce que vous proposez-, celle-ci va voir son coeur de métier disparaître…

Debut de section - PermalienFrançois Fillon, Premier ministre

…et ce seront des étrangères – par exemple la poste allemande – qui viendront sur le territoire français distribuer les colis commandés par les Français via internet.

Eh bien, nous ne voulons pas de cela ! Nous voulons que La Poste soit un grand service public stratégique,…

Debut de section - PermalienFrançois Fillon, Premier ministre

…qu'elle soit présente sur l'ensemble du territoire. Pour cela, La Poste a besoin de fonds publics, afin d'investir dans une nouvelle chaîne de logistique, dans des TGV, des avions, de nouveaux centres de tri.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland Muzeau

Elle n'a pas besoin de changer de statut pour cela !

Debut de section - PermalienFrançois Fillon, Premier ministre

Le débat a eu lieu à l'intérieur de l'entreprise. La commission à laquelle vous avez participé, monsieur Brottes, et qui était présidée par M. Ailleret, a démontré qu'il était nécessaire de changer le statut de La Poste, de la faire évoluer et de lui donner les moyens d'investir.

Eh bien, maintenant, la parole va être aux représentants du peuple,…

Debut de section - PermalienFrançois Fillon, Premier ministre

…puisque le projet de loi du Gouvernement sera examiné par le Sénat au début du mois de novembre, et par l'Assemblée nationale en décembre. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Michel Herbillon, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Herbillon

Monsieur le secrétaire d'État chargé des affaires européennes, le « oui » massif des Irlandais au traité de Lisbonne est une très bonne nouvelle. Il permet de clore enfin le long chapitre institutionnel qui nous occupe depuis tant d'années, et offre les conditions d'un nouveau départ pour la construction européenne.

Désormais, grâce au traité de Lisbonne, l'Europe aura un visage et s'incarnera dans une présidence stable. Elle sera dotée d'un Haut représentant pour les affaires étrangères et la politique de sécurité.

L'Europe sera aussi plus efficace, puisqu'elle pourra décider dans de très nombreux domaines à la majorité qualifiée, et non à l'unanimité, souvent synonyme de paralysie. Elle sera enfin plus proche des citoyens, donnera plus de pouvoirs aux parlements nationaux et au Parlement européen.

Avec le traité de Lisbonne, l'Europe se dote des moyens d'agir et de peser dans le monde. Ce résultat est une grande satisfaction pour la France et un très beau succès pour le Président de la République, qui a été à l'origine du traité simplifié signé par les vingt-sept pays européens à Lisbonne.

Mais il faut maintenant faire vivre ce nouvel espoir. Aussi, monsieur le secrétaire d'État, je souhaite connaître les initiatives que le Gouvernement entend prendre avec nos partenaires européens pour que le traité de Lisbonne, qui a été approuvé par l'ensemble des peuples de l'Union, soit par leur parlement, soit par référendum, entre en vigueur rapidement. Quels sont le calendrier et les modalités retenus pour la désignation du Président de l'Union, du Haut représentant pour les affaires étrangères et la mise en place de la nouvelle Commission ? Enfin, ne convient-il pas de tirer profit de cet élan et de prendre une initiative commune pour répondre aux défis de la crise économique et financière, du chômage, du réchauffement climatique et de la nécessaire émergence d'un nouveau modèle de croissance durable en Europe ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. le secrétaire d'État chargé des affaires européennes.

Debut de section - PermalienPierre Lellouche, secrétaire d'état chargé des affaires européennes

Vous avez rappelé, monsieur Herbillon, le rôle éminent du Président de la République s'agissant de l'existence même d'un traité simplifié ; le second référendum irlandais a également été rendu possible par sa ténacité, qu'illustre son voyage en Irlande en août 2008.

Debut de section - PermalienPierre Lellouche, secrétaire d'état chargé des affaires européennes

C'est sous la présidence française que les Irlandais ont obtenu les garanties, notamment en matière de droit de la famille et de neutralité, qui ont permis un dialogue apaisé entre tous les partis politiques et les syndicats. Cet événement est une grande victoire pour l'Irlande comme pour l'Europe, qui va pouvoir travailler, mais aussi pour la France.

Il reste deux haies procédurales à franchir : la signature et le dépôt des instruments de ratification. Si l'issue devrait être rapide en Pologne, la situation en République tchèque est plus compliquée : la Cour constitutionnelle a été saisie, et le Président de la République ne peut signer avant le terme de la procédure.

Reste que la Cour constitutionnelle tchèque, à l'unanimité de ses quinze juges, s'est prononcée sur le traité il y a un an et que l'Assemblée nationale et le Sénat l'ont ratifié au mois de mai : toute l'Europe, c'est désormais un fait politique acquis, l'a donc ratifié. Enfin, j'insiste sur ce point, tous les chefs d'État et de Gouvernement de l'Union se sont engagés à mettre en place les institutions avant la fin de l'année.

Dernière remarque : au terme de la procédure juridictionnelle, la procédure de dépôt des instruments de ratification n'est pas une question d'opportunité politique ; elle s'impose à tous les pays au nom du respect de l'expression démocratique. (Applaudissements sur les bancs des groupe UMP et NC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. François Asensi, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.

Debut de section - PermalienPhoto de François Asensi

Je vous ai écouté avec attention, monsieur le Premier ministre ; hélas, les Français ne croient plus votre Gouvernement.

Debut de section - PermalienPhoto de François Asensi

Ils ont bien compris que celui-ci utilisait toujours le même mode opératoire, le passage à un statut de droit privé conduisant inéluctablement à la privatisation. Ils se souviennent notamment des engagements non tenus sur France Télécom et Gaz de France.

Debut de section - PermalienPhoto de François Asensi

Les Français refusent ces privatisations car ils en mesurent les dégâts : dégradation du service à l'usager, licenciements, hausse des prix et inégalités entre les territoires.

Alors que tous les textes d'application de la dernière réforme constitutionnelle ont été déposés, le référendum d'initiative citoyenne n'est toujours pas à l'ordre du jour, ce qu'aucune complexité technique ni aucun hasard du calendrier ne justifie. Craignez-vous donc l'avis des Français ?

Debut de section - PermalienPhoto de Richard Mallié

Vous avez voté contre la réforme constitutionnelle !

Debut de section - PermalienPhoto de François Asensi

Cette réforme, bien qu'imparfaite, doit être présentée au Parlement sans délai, et le projet de loi relatif à La Poste retiré.

Chaque député n'a pas inscrit la privatisation de La Poste dans son programme ! Puisque vous prétendez donner la parole au peuple, monsieur le Premier ministre, allez donc à sa rencontre en organisant un référendum d'initiative populaire, comme le prévoit l'article 11 révisé de la Constitution, et retirez votre projet de loi.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. le ministre chargé de l'industrie. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

Monsieur Roy, je vous rappelle à l'ordre…

Monsieur le ministre, vous avez la parole.

Debut de section - PermalienChristian Estrosi, ministre chargé de l'industrie

Vous demandez, monsieur Asensi, le retrait du projet de loi tendant à moderniser La Poste, projet qui lui garantira un statut à 100 % public. Comme l'a rappelé M. le Premier ministre, l'activité relative au courrier a diminué de 10 %, et diminuera de près de 50 % d'ici trois ou quatre ans ; quant à la dette de La Poste, elle s'élève à 6 milliards d'euros. Bref, cette entreprise serait en danger de mort sans la modernisation que nous proposons, laquelle, je le répète, lui garantira un statut intégralement public.

Grâce aux 2,7 milliards d'euros prévus, la Banque postale se mettra au niveau de ses concurrentes tout en continuant de répondre aux besoins des personnes les plus vulnérables, notamment avec le livret A. Nous moderniserons aussi le service Chronopost, et donnerons à La Poste les moyens de se mettre à l'heure du courrier électronique.

Debut de section - PermalienChristian Estrosi, ministre chargé de l'industrie

Enfin, nous diversifierons ses missions, notamment dans le domaine logistique. Vous parlez d'un référendum d'initiative populaire, lequel sera en effet possible dans quelques mois, une fois voté le projet de loi organique. Si les Français jugent que nous n'avons pas modernisé La Poste avec suffisamment d'élan et de dynamisme, il suffira que près de 4,5 millions d'entre eux se rassemblent pour remettre notre réforme en cause. Mais ils ont compris que, à la manipulation d'une question posée par M. Besancenot et à un scrutin dépouillé par le parti socialiste (Protestations sur les bancs des groupes SRC et GDR – Applaudissements sur les bancs du groupe UMP), nous préférons leur donner la parole afin de donner à La Poste un élan qui lui permettra de relever les défis de demain : ils ne s'y tromperont pas, et continueront de nous encourager. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. François Rochebloine, pour le groupe Nouveau Centre.

Debut de section - PermalienPhoto de François Rochebloine

Ma question s'adresse à M. le ministre de l'alimentation, de l'agriculture et de la pêche.

Comme nous l'avions décidé avec François Sauvadet, président de notre groupe, le Nouveau Centre interpellera chaque semaine le Gouvernement tant que la crise de la production laitière ne sera pas réglée. (Applaudissements sur les bancs du groupe NC.)

Cette crise est particulièrement grave. On espérait beaucoup du Conseil des ministres européens de l'agriculture. La déception est à la hauteur des espérances.

L'exécutif européen s'est contenté d'accepter la mise en place d'un groupe d'experts de haut niveau. Celui-ci est chargé de faire des propositions et de rendre ses conclusions en juin 2010. Cela est inacceptable. Ce n'est pas la réponse que les agriculteurs et nous-mêmes attendions de l'Europe, L'urgence est là. On ne peut renvoyer à demain un problème aussi grave. Aujourd'hui, ce sont les producteurs laitiers qui sont concernés ; demain, c'est l'ensemble des productions agricoles qui sera en difficulté. Ce n'est pas cette Europe-là que le groupe Nouveau Centre attend.

Dans l'immédiat, ce sont des mesures de soutien qui doivent être mises en place, permettant d'assurer aux producteurs un revenu minimum. À plus long terme, il faut engager une réflexion sur la politique agricole commune si l'on ne veut pas connaître en plus une désertification rurale préjudiciable à l'aménagement de notre territoire.

Monsieur le ministre, nous connaissons votre attachement au monde agricole. Celui-ci ne peut plus attendre.

Debut de section - PermalienPhoto de François Rochebloine

C'est un appel au secours qu'il vous adresse. Aussi, il souhaite connaître vos éléments de réponse sur une crise sans précédent. Quels sont-ils ? (Applaudissements sur les bancs du groupe NC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Bruno Le Maire, ministre de l'alimentation, de l'agriculture et de la pêche.

Debut de section - PermalienBruno le Maire, ministre de l'alimentation, de l'agriculture et de la pêche

Monsieur le député, en me rendant hier à la réunion des vingt-sept ministres européens de l'agriculture, que nous avions demandée avec l'Allemagne, je n'avais qu'une idée en tête : apporter une réponse concrète, immédiate et forte à la détresse des producteurs de lait, en France comme en Europe.

Debut de section - PermalienBruno le Maire, ministre de l'alimentation, de l'agriculture et de la pêche

Hier, nous avons obtenu une avancée majeure. L'Europe a décidé de s'engager dans la voie d'une régulation européenne du marché du lait. Ce n'est pas une décision technique, c'est un choix politique.

Debut de section - PermalienBruno le Maire, ministre de l'alimentation, de l'agriculture et de la pêche

Ce n'est pas une décision pour quelques semaines, c'est un choix qui nous engage pour plusieurs années.

Pour autant, est-ce que je me satisfais de la situation actuelle et des décisions prises hier ? Ma réponse est « non ». Je regrette que la présidence suédoise n'ait pas pris suffisamment conscience de la détresse des producteurs de lait en France et en Europe. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.) Je demande à la présidence suédoise d'aller plus loin et plus fort. Je propose une nouvelle réunion, la troisième, des vingt ministres de l'agriculture qui, à l'initiative de la France et de l'Europe, ont signé un appel en faveur de la régulation européenne du marché du lait dès la semaine prochaine, avant le Conseil des ministres de l'agriculture du 16 octobre. Je demande l'ouverture immédiate de l'organisation commune de marché de façon à nous permettre de mettre en place immédiatement les accords entre producteurs et industriels pour rééquilibrer les relations en faveur des producteurs de lait en France et en Europe. Je demande à la Commission européenne d'adresser une lettre de cadrage pour le budget 2010 au prochain Conseil du 16 octobre, qui prenne en compte les difficultés financières de tous les exploitants laitiers en France et en Europe. Nous avons pris l'initiative de la régulation en France, avec les Allemands. Nous avons pris l'initiative de la régulation européenne du marché du lait. Ma conviction et ma détermination sont totales : je ne céderai pas d'un pouce ! (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Michel Françaix, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Françaix

Monsieur le Premier ministre, votre gouvernement suggère de rétribuer, de payer les élèves assidus à l'école. Comme pour La Poste, c'est sans doute ce que vous appelez la modernisation du service public !

Monsieur le haut-commissaire aux solidarités, en créant ce réflexe pavlovien du « tout à l'argent », vous mordez à l'hameçon, vous cédez à la mode où tout serait marchandise, où tout serait mercantile et monnayable.

On aurait pu espérer de votre part un peu plus de résistance. Vouloir réduire l'éducation à une affaire de gros sous est plus qu'une aberration, plus qu'un mauvais coup. Vous le sentez bien, c'est un faux sens à l'égard de l'école républicaine, c'est un contresens par rapport à celle de la société de la connaissance à laquelle vous dites être attaché, c'est un non-sens vis-à-vis de la politique de civilisation, vantée et glorifiée par le Président de la République, qui ne sera, bien sûr, jamais mise en place.

À l'heure où le Président de la République fait semblant de se battre contre les traders, vous imaginez d'offrir des bonus aux enfants méritants ! Expliquez plutôt à notre ministre de l'éducation, aujourd'hui aux abonnés absents, que nous avons besoin d'un vrai pacte éducatif. L'école, c'est l'apprentissage de l'effort, du plaisir et du respect. Non à l'américanisation de notre société et à ce XXIe siècle bling-bling ! On ne troque pas la transmission du savoir contre une poignée de dollars…

Pour terminer, permettez-moi une suggestion, monsieur le Premier ministre : si l'on commençait par payer dignement les professeurs, avant de s'occuper de payer les élèves ? (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR. - Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Martin Hirsch, haut-commissaire aux solidarités actives contre la pauvreté, haut-commissaire à la jeunesse.

Debut de section - PermalienMartin Hirsch, haut-commissaire aux solidarités actives contre la pauvreté, haut-commissaire à la jeunesse

Monsieur le député, parce que vous savez qu'une politique résolue de lutte contre le décrochage est menée par le ministre de l'éducation nationale et l'ensemble du Gouvernement avec les enseignants (Rires et exclamations sur les bancs du groupe SRC), il ne vous reste comme seule arme que la caricature et les ricanements pour essayer de déformer notre action. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP. - Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.) Il n'est pas question de payer les élèves : nous avons lancé toute une série de projets avec les acteurs associatifs et la collectivité éducative pour soutenir des projets innovants, dont celui-là, parmi 250 autres projets également soutenus.

Debut de section - PermalienMartin Hirsch, haut-commissaire aux solidarités actives contre la pauvreté, haut-commissaire à la jeunesse

Il ne s'agit pas de payer les élèves, mais de financer un projet collectif de la classe, co-construit par les professeurs et les élèves.

En vous voyant si hostiles, je vous rappelle que vous avez lu Éric Morin ; vous l'avez invité aux universités d'été, tant du parti socialiste que de l'UMP, vous l'avez écouté parce qu'il apportait des idées neuves, croyait à l'expérimentation et défendait les incitations en faveur des élèves modestes, et vous l'avez applaudi.

Pour notre part, nous ne nous arrêtons pas aux bouquins : nous essayons d'agir concrètement, avec détermination, avec les praticiens de terrain, dans la guerre contre le décrochage. Vous n'avez pas osé le souligner, mais nous pouvons maintenant octroyer le dixième mois de bourse demandé par les étudiants depuis dix ans, sous conditions d'assiduité et d'avoir passé dix mois effectifs à l'école. Vous le voyez, il y a bien une politique en faveur des jeunes, pour l'éducation, une politique la tête haute pour le service public et la réussite de tous ! (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Daniel Fidelin, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Fidelin

Monsieur le président, ma question, à laquelle je souhaite associer mon collègue Georges Colombier, s'adresse à M. le ministre de l'alimentation, de l'agriculture et de la pêche.

Monsieur le ministre, les agriculteurs français et européens, nous le savons tous, subissent la crise la plus grave que le secteur agricole, toutes productions confondues, ait connue ces trente dernières années.

Confrontés, ces dernières années, à des mises aux normes importantes de leurs exploitations, confrontés également à des problématiques environnementales et à des coûts de main-d'oeuvre élevés, les producteurs, notamment laitiers, doivent faire face depuis plusieurs mois à un effondrement des prix.

Devant cette situation, le Gouvernement n'est pas resté les bras croisés : des aides de trésorerie sont notamment proposées et la mise en place de prêts relais est facilitée. Cependant, pour répondre à cette crise structurelle, nous savons tous que les solutions seront européennes ou ne seront pas.

Je voudrais ici saluer votre travail, monsieur le ministre, vous qui, depuis des semaines, parcourez l'Europe pour convaincre vos collègues de signer la déclaration franco-allemande pour une nouvelle régulation du secteur laitier et qui avez pu obtenir hier la tenue d'une réunion extraordinaire des ministres de l'agriculture.

Parallèlement à ce travail que vous avez entrepris au niveau européen, vous n'avez pas négligé les nécessaires séances d'explication en direction des agriculteurs, comme j'ai pu le constater, lors de votre visite, le 11 septembre dernier, dans ma circonscription.

Ma question est simple. Afin de répondre aux fortes attentes de la profession agricole, je souhaiterais que vous puissiez indiquer à la représentation nationale quelles décisions ont pu être prises par vous-même et vos homologues, hier, à Bruxelles. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Bruno Le Maire, ministre de l'alimentation, de l'agriculture et de la pêche.

Debut de section - PermalienBruno le Maire, ministre de l'alimentation, de l'agriculture et de la pêche

Monsieur Fidelin, je sais toute l'attention que vous portez à la situation particulièrement difficile des producteurs de lait. J'ai eu l'occasion de visiter une exploitation avec vous, dans votre circonscription, voici quelques semaines.

Qu'a-t-il été concrètement décidé hier à Bruxelles ?

Plusieurs députés du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. Rien !

Debut de section - PermalienBruno le Maire, ministre de l'alimentation, de l'agriculture et de la pêche

Il a été décidé la mise en place d'une régulation européenne du marché du lait pour remplacer les quotas dont la disparition était programmée pour 2015. Hier, le choix, c'était l'abandon des quotas et rien pour les remplacer aujourd'hui, c'est l'abandon des quotas et une régulation européenne du marché pour les remplacer.

Qu'y a-t-il dans cette régulation ? Il y a, premièrement, la nécessité de rééquilibrer les accords entre producteurs et industriels en faveur des producteurs de lait afin de leur garantir un revenu stable et décent dans les années à venir. Il y a, deuxièmement, la nécessité d'améliorer les instruments d'intervention à l'échelle européenne, de façon à ce qu'ils n'interviennent pas deux ou trois mois dans l'année, mais douze mois sur douze, vingt-quatre heures sur vingt-quatre, pour faire face à toutes les crises agricoles que nous pouvons rencontrer. Il y a, troisièmement, la mise en place de nouveaux instruments pour lisser les prix, notamment sur les produits dérivés du lait – le beurre et la poudre –, et l'étude de la mise en place d'un marché, à terme, dans le domaine du lait. Il y a, en dernier lieu, l'idée de faire la transparence totale sur les volumes à l'échelle européenne afin d'informer les industriels, évitant ainsi que l'on ne retrouve les situations de surproduction de lait que nous avons trop souvent connues à l'échelle européenne.

Ce groupe de travail à haut niveau commencera sa tâche le 13 octobre prochain et devra rendre ses conclusions en 2010. Il publiera mensuellement des rapports.

Vous pouvez compter une fois encore sur la détermination totale du Gouvernement français et des gouvernements des vingt États membres représentant la majorité qualifiée de l'Union européenne pour faire avancer concrètement et rapidement ces travaux. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Alfred Marie-Jeanne, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.

Debut de section - PermalienPhoto de Alfred Marie-Jeanne

Ma question s'adresse à M. Jean-Louis Borloo,ministre d'État, ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer, en charge des technologies vertes et des négociations sur le climat.

Deux arrêtés préfectoraux ont interdit la pêche en Martinique dans les rivières mais aussi dans plusieurs baies semi-fermées contaminées par la chlordécone.Les taux de contamination des poissons et des crustacés dépassent très largement les seuils tolérés par l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments.Pourtant, cela fait bien une trentaine d'années que l'on sait les méfaits de cette molécule dangereuse dont la rémanence est plus que séculaire, paraît-il.

À maintes reprises, et notamment en 2006, à l'occasion de l'examen du projet de loi sur l'eau et les milieux aquatiques, j'interpellais la ministre de l'environnement de l'époque sur une véritable politique de dépollution, sur l'institution d'un fonds dédié à cela, et sur l'indemnisation du préjudice causé. Je n'ai pas obtenu de réponse. Entre-temps, la moitié des aquaculteurs ont déposé leur bilan. Quant aux agriculteurs, ils sont plus qu'inquiets, et les marins pêcheurs sont aux abois.

Aujourd'hui, un plan de recherches pluridisciplinaires s'impose.

Il ne s'agit pas de réveiller des démons. Mais, au regard de l'ampleur du sinistre, le plan d'action chlordécone 2008-2010 prévu ne répond ni aux urgences ni aux attentes sur le moyen et le long terme.

Dans ce contexte de pollution diffuse et chronique, c'est un ensemble de mesures sans précédent qu'il faut mettre en place face à une population de plus en plus perplexe et désemparée. C'est sur ce point que j'ai l'honneur de vous interroger. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à Mme Marie-Luce Penchard, secrétaire d'État chargée de l'outre-mer.

Debut de section - PermalienMarie-Luce Penchard, secrétaire d'état chargée de l'outre-mer

Monsieur Marie-Jeanne, vous avez raison, depuis 1998, des mesures ont été prises par l'État pour traiter la question de la pollution des sols et des mers des territoires de la Guadeloupe et de la Martinique. Mais le gouvernement de François Fillon a voulu aller beaucoup plus loin, puisqu'il a considéré que ce risque de contamination devait être l'une des priorités du Plan national santé environnement. Nous disposons aujourd'hui d'un plan d'action pour lutter contre cette contamination, qui comporte quatre volets. Le premier concerne l'amélioration de la surveillance de l'environnement et de la santé de la population. Il faut continuer à réduire l'exposition de cette population et proposer des mesures d'accompagnement pour les agriculteurs, ce qui a été fait pour les jardins familiaux, notamment. Enfin, je citerai l'important volet de communication et d'information de la population sur les questions de santé et sur les questions alimentaires. Tout cela se déroule en toute transparence.

Il est vrai que, dans le cadre de ce contrôle, l'État a été amené à opérer un certain nombre de prélèvements qui ont montré que nos ressources maritimes étaient contaminées. À ce titre, le préfet a pris un arrêté de suspension.

Nous attendons aujourd'hui l'avis de l'Agence française de sécurité sanitaire. En fonction des résultats, le Gouvernement sera amené à modifier sa position. Bruno Le Maire et moi-même sommes particulièrement attentifs et tenons compte des inquiétudes des marins pêcheurs.

Sachez toutefois que, dans ce dossier, le Gouvernement a fait ce qu'il convenait puisqu'il a appliqué le principe de précaution, qui s'impose en matière de santé publique. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. François Vannson, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.

Debut de section - PermalienPhoto de François Vannson

Ma question s'adresse à Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi.

Si la plupart des entreprises françaises ont souffert depuis le début de la crise, ce sont les PME qui ont payé le plus lourd tribut. En effet, leur trésorerie a éprouvé des difficultés à surmonter plusieurs mois consécutifs de baisse du chiffre d'affaires.

Selon les économistes, les PME françaises pâtissent avant tout de l'insuffisance de leurs capitaux propres. En conséquence, dès que leur trésorerie est déstabilisée par une conjoncture difficile, comme c'est le cas actuellement, elles sont fragilisées.

Conscient de ces difficultés, le Président de la République a annoncé hier devant plus de 2 000 dirigeants de petites et moyennes entreprises son plan d'action en faveur du financement des PME. Il a fait part de son intention de débloquer 2 milliards d'euros pour leur permettre de renforcer leurs fonds propres.

Les sommes débloquées alimenteront une gamme de produits qui seront gérés pour moitié par le Fonds stratégique d'investissement et pour l'autre par Oséo, la banque publique de financement des PME.

Nous ne pouvons que saluer cette mesure importante qui répond à une partie des propositions que la majorité et le Gouvernement ont faites pour soutenir nos entreprises.

Confrontées à une crise sans précédent, et je peux en témoigner dans le département des Vosges, les petites et moyennes entreprises attendent un engagement plein et entier du Gouvernement. Pouvez-vous, madame la ministre, détailler devant la représentation nationale les mesures annoncées hier par le Président de la République ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi.

Debut de section - PermalienChristine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi

Monsieur le député, je sais l'attachement que vous témoignez aux petites et moyennes entreprises dans les Vosges et ailleurs.

Il y a un an, souvenez-vous, nous étions dans l'urgence absolue parce qu'il fallait tout simplement réamorcer les circuits économiques et agir pour que les petites et moyennes entreprises soient financées. C'est ce que vous avez fait.

Ensuite, il a fallu relancer. Sous l'autorité de Patrick Devedjian, le plan de relance a été lancé. Il produit tous ses effets. Aujourd'hui, la France est, avec l'Allemagne, le seul pays à dégager une croissance positive au deuxième trimestre, et j'espère vivement qu'il en sera de même au troisième trimestre.

Maintenant, il faut absolument que nous arrivions à soutenir la croissance, car nous ne sommes pas sortis de la crise. Nous devons impérativement agir sur deux leviers, pour soutenir l'investissement dans le secteur privé, afin que ce dernier prenne le relais du financement public.

Ces deux leviers, vous les connaissez : il faut faire en sorte que l'investissement productif ne soit pas taxé inutilement – nous en débattrons dans le projet de loi de finances – et il faut bien entendu que l'investissement productif puisse être financé.

Aujourd'hui, nous le savons, les entreprises ont déstocké. Il faut qu'elles restockent. C'est particulièrement vrai pour les petites et moyennes entreprises, ainsi que pour les entreprises de taille intermédiaire.

Deux outils ont été mis en oeuvre, comme l'a annoncé le Président de la République hier, à hauteur de 2 milliards d'euros. Le premier milliard sera mobilisé auprès du Fonds stratégique d'investissement, qui bénéficiera des réseaux de la Caisse des dépôts et consignations en région. Il est disponible aujourd'hui. Le second sera mobilisable auprès d'Oséo et de l'ensemble de son réseau dans les régions. Il sera disponible dans le délai d'un mois. Il s'agira de l'équivalent de prêts participatifs qui viendront renforcer en quasi-fonds propres le financement des entreprises. Par ces deux milliards, nous entendons soutenir le financement des PME. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Pascal Deguilhem, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.

Debut de section - PermalienPhoto de Pascal Deguilhem

Ma question s'adresse une nouvelle fois à M. le ministre de l'agriculture, et j'y associe bien volontiers mes collègues Michel Vernier, Colette Langlade, Germinal Peiro et Jacques Valax.

Monsieur le ministre, vous revenez du conseil européen des ministres de l'agriculture. Votre détermination, nous dites-vous, est totale, mais votre panier est totalement vide.

À Bruxelles, aucune chance n'a été donnée à un relèvement du prix du lait payé aux producteurs. Le ministre suédois de l'agriculture lui-même, qui présidait cette réunion, a affirmé au contraire vouloir davantage libéraliser le marché laitier.

La seule proposition, nous la connaissons maintenant, est la mise en place d'un groupe d'experts qui rendra ses conclusions en juin 2010. De qui se moque-t-on ?

La situation, nous la connaissons. La crise est là. Les meilleurs experts, vous les avez sous la main : ce sont les agriculteurs eux-mêmes. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.) Allez-vous entendre leurs propositions pour sauver un secteur d'activité économique aussi stratégique que l'automobile ou la banque ?

Ces agriculteurs ne pourront attendre neuf mois. D'ici là, nombre d'entre eux auront disparu. Le temps des belles paroles est terminé, il faut agir par la preuve.

La situation est explosive. Ce ne sont pas seulement les producteurs laitiers qui souffrent, même si, dans mon département, ils vont faire les vendanges pour assurer la fin du mois. C'est une grande partie de notre agriculture paysanne qui est en détresse.

Que leur proposez-vous ici sur les instruments de régulation ? Que proposez-vous pour mieux organiser le marché en vue d'une meilleure répartition des marges tout au long de la filière ? Que répondez-vous aux demandes de mesures d'urgence concernant les charges sociales et les différentes taxes ? Allez-vous procéder, et quand, au versement des aides des différents plans d'urgence et de soutien précédents ?

Mettre en place un système de régulation efficace des marchés agricoles garantissant des prix rémunérateurs pour les producteurs et donc stabiliser les revenus, c'est ce qu'attend la profession agricole. Allez-vous lui répondre ? (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Bruno Le Maire, ministre de l'alimentation, de l'agriculture et de la pêche.

Debut de section - PermalienBruno le Maire, ministre de l'alimentation, de l'agriculture et de la pêche

Monsieur le député, je vous remercie de me donner l'occasion de préciser ce qui a été fait pour répondre à la détresse des producteurs de lait et des agriculteurs, qui est au coeur de mes préoccupations depuis le jour où j'ai pris les fonctions qui m'ont été confiées par le Premier ministre et par le Président de la République.

Je note d'ailleurs que les députés européens socialistes avec lesquels je me suis entretenu dans le cadre de la commission de l'agriculture du Parlement européen ont eu, eux, la clairvoyance de reconnaître que la France avait pris la tête de la régulation européenne du marché du lait et nous ont remerciés. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et sur plusieurs bancs du groupe NC.)

Debut de section - PermalienBruno le Maire, ministre de l'alimentation, de l'agriculture et de la pêche

Des actions ont été conduites sur tous les champs d'intervention possibles.

Nous avons pris des mesures immédiates. La trésorerie des producteurs de lait, c'est une vraie question, vous avez raison. Pour la renforcer, nous avons débloqué deux fois 30 millions d'euros. Nous avons demandé au Crédit agricole de débloquer 250 millions d'euros de prêts remboursables à partir de 2011 seulement, à un taux préférentiel. Nous avons décidé de débloquer les aides de la PAC au 16 octobre plutôt qu'au 1er décembre de façon à répondre à ces problèmes de trésorerie. S'il faut faire plus, nous ferons plus. S'il faut faire mieux, nous ferons mieux.

Debut de section - PermalienBruno le Maire, ministre de l'alimentation, de l'agriculture et de la pêche

Nous allons par ailleurs mettre en place des accords entre industriels et producteurs qui permettront aux producteurs de mieux défendre leurs intérêts face aux industriels et de disposer d'un revenu stable et décent dans les années à venir. Vous voulez des preuves ? Eh bien, les choix qui ont été faits par le gouvernement français en matière de rapprochement entre Entremont et Sodiaal pour construire un grand ensemble coopératif national sont bien la preuve que nous sommes du côté des producteurs et que nous défendons leurs intérêts.

Je vous le répète, écoutez ce que vous disent vos collègues socialistes de la commission de l'agriculture du Parlement européen, qui nous remercient de ce qui a été fait pour la régulation européenne du marché du lait. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Georges Mothron, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Georges Mothron

Monsieur le ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales,…

Debut de section - PermalienPhoto de Georges Mothron

…le parti socialiste veut sans arrêt donner au Président de la République et à sa majorité des leçons de démocratie. (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.) C'est l'hôpital qui se moque de la charité ! On l'a vu avec les fraudes, maintenant avouées, lors de l'élection de sa première secrétaire. (Mêmes mouvements.)

Le problème, c'est que cela devient une habitude. On le voit en effet aujourd'hui au conseil général du Val-d'Oise. Après l'élection partielle du conseiller général du canton d'Argenteuil, le parti socialiste a perdu d'un siège la majorité qu'il détenait depuis 2008. Quoi de plus naturel, pour des démocrates, que de passer le relais à l'équipe gagnante ? Eh bien non ! Le président s'accroche à son siège, qu'il refuse de quitter, élu pour trois ans par une majorité qui n'existe plus.

Debut de section - PermalienPhoto de Georges Mothron

Pour se maintenir, il cherche une faille dans la nouvelle majorité en proposant de se démettre si une majorité d'élus le lui demande. C'est fait depuis hier : les vingt signatures sont là, il les a eues conformément à sa demande. Et devinez quoi ? Il n'a pas démissionné ! (« Et alors ? » sur les bancs des groupes SRC et GDR.– « Hou ! » sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Georges Mothron

Le maintien actuel du président du conseil général du Val-d'Oise est totalement illégitime et amoral. (« Oui ! » sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Glavany

Vous n'avez pas de leçon de morale à nous donner !

Debut de section - PermalienPhoto de Georges Mothron

Après un vote démocratique faisant émerger une nouvelle majorité défavorable à l'actuel président, ce refus d'accepter la réalité constitue ni plus ni moins qu'un déni de démocratie. Cela donne à nos électeurs une déplorable image du politique, celle d'un homme s'accrochant à son siège de manière illégitime, pour une fonction, des indemnités, du pouvoir, sans en avoir la légitimité démocratique. (Vives exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

C'est pourquoi, monsieur le ministre, je vous prie de bien vouloir me faire connaître votre sentiment sur cette situation, qui conduit le conseil général du Val-d'Oise droit dans le mur et pénalise, avant toute chose, mes concitoyens valdoisiens. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Brice Hortefeux, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales.

Debut de section - PermalienBrice Hortefeux, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales

Monsieur le député, vous avez rappelé quelle était la situation. À l'occasion d'une élection partielle, le dimanche 27 septembre, le candidat soutenu par l'UMP a en effet conquis le siège d'Argenteuil. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienBrice Hortefeux, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales

À la suite de cette élection, il a rejoint le groupe Union pour le Val-d'Oise. Ce groupe dispose aujourd'hui de vingt sièges, tandis que les autres groupes en rassemblent dix-neuf. Cela signifie donc que le président du conseil général est minoritaire devant son assemblée. (« Et alors ? » sur les bancs des groupes SRC et GDR.) C'est une réalité arithmétique et une vérité politique : l'opposition d'hier est devenue la majorité d'aujourd'hui.

Que dit le droit ? Vous le savez, aucun texte ne contraint le responsable d'un exécutif local à démissionner à l'issue d'une élection cantonale partielle. Il est même possible qu'il siège jusqu'au renouvellement triennal suivant, c'est-à-dire, dans le cas présent, jusqu'en 2011. (Exclamations sur les bancs des groupes UMP et NC.)

C'est une réalité juridique. Toutefois, monsieur Mothron, au-delà de la réalité juridique, il faut effectivement se poser un certain nombre de questions. Lorsque les urnes expriment une demande de changement, lorsque les électeurs démontrent leur volonté d'alternance,…

Debut de section - PermalienBrice Hortefeux, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales

…lorsque la majorité d'hier devient l'opposition d'aujourd'hui, est-il normal, légitime, raisonnable de n'en tenir aucun compte et de bafouer ainsi la volonté populaire ? (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Debut de section - PermalienBrice Hortefeux, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales

J'espère donc que, sur tous les bancs de cette assemblée, il y aura accord autour de principes sains : la volonté des électeurs doit être respectée et la règle de la majorité appliquée. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et sur quelques bancs du groupe NC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à Mme Annick Lepetit, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.

Debut de section - PermalienPhoto de Annick Lepetit

Monsieur le Premier ministre, je souhaite appeler votre attention sur le contenu du projet de loi relatif au Grand Paris, qui pose de graves questions sur l'avenir de la région Île-de-France et révèle d'inquiétantes contradictions au sein de votre gouvernement.

Avec le plan de mobilisation pour les transports publics en Île-de-France, les collectivités locales se sont engagées sur des projets concrets. Elles se sont accordées, sous l'égide du STIF, sur un calendrier et un plan de financement, notamment pour désaturer la ligne 13 avec le prolongement de la ligne 14, ou pour réaliser la rocade autour de Paris.

Pourtant, votre texte met fin à toutes ces avancées en confiant au Grand Paris la réalisation de ces projets et en clôturant arbitrairement les procédures déjà engagées.

En outre, le Gouvernement dévoile ses contradictions au grand jour. D'abord en son sein, où les différentes versions du projet de loi font bruyamment dissension. Quelle sera celle présentée demain en conseil des ministres ?

Ensuite, comment voulez-vous simplifier et accélérer les procédures alors même que vous suspendez tous les projets de transports déjà en cours en attendant la création d'un nouvel établissement ? Pourquoi ajouter au millefeuille administratif, que vous dénoncez, une nouvelle structure ? Comment sera-t-elle financée, et par qui ? Les collectivités locales – c'est-à-dire les contribuables – vont-elles encore être sollicitées ?

Bref, démontrez-nous, monsieur le Premier ministre, que votre texte n'est pas le prélude à la mainmise du gouvernement sur les collectivités, à commencer par la région capitale. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Christian Blanc, secrétaire d'État chargé du développement de la région capitale.

Debut de section - PermalienChristian Blanc, secrétaire d'état chargé du développement de la région capitale

Madame la députée, vous m'interrogez sur le projet de loi que je présenterai demain au conseil des ministres. Vous le savez, le Grand Paris est un grand projet d'intérêt national aux effets économiques et sociaux décisifs. Son objet porte sur la réalisation d'un réseau de transports par métro automatique, sur le développement économique et urbain, notamment des territoires qu'il dessert, ainsi que sur la mise en oeuvre du projet de pôle de développement scientifique et technologique du plateau de Saclay.

Vous évoquez, non sans ardeur, un avant-projet de loi qui, selon vous, dessaisirait les collectivités territoriales de leurs prérogatives. Or, depuis la fin du mois d'août, il a été soumis à une large concertation. (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Debut de section - PermalienChristian Blanc, secrétaire d'état chargé du développement de la région capitale

Au-delà du président du conseil régional et des présidents des conseils généraux, j'ai rencontré plus de 120 élus de la région capitale. Nos discussions ont entraîné des modifications substantielles, sous l'autorité du Premier ministre, sur des points que vous évoquez.

Loin de retirer aux élus leurs prérogatives, le projet fait de la contractualisation le coeur de la loi. À titre d'exemple, le droit de préemption fera, contrairement au droit en vigueur, l'objet d'une codécision entre l'État et les communes, qui en seront les premières bénéficiaires.

Le Grand Paris, mesdames et messieurs les députés, est un projet d'intérêt général limité dans le temps et l'espace. Nous devons faire preuve d'efficacité et de rapidité, et pour cela d'un souci de partenariat fort. Comme l'a dit le Président de la République : « Le Grand Paris, c'est l'État qui donne l'impulsion nécessaire, c'est aussi l'État qui associe, qui ne décide pas seul : un tel projet ne peut réussir que s'il est partagé par tous. » (Applaudissements sur quelques bancs des groupes UMP et NC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. André Schneider, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.

Debut de section - PermalienPhoto de André Schneider

Ma question s'adresse à M. le secrétaire d'État chargé des affaires européennes.

S'agissant du Conseil de l'Europe, l'histoire a donné raison à Winston Churchill. Ce dernier plaidait pour un « groupe européen » qui « pourrait donner un sens à un patriotisme plus important et une citoyenneté commune aux peuples égarés de ce turbulent et formidable continent ». Il ajoutait que « dans l'ordre de ce qui doit être accompli, il doit y avoir un acte de foi auquel des millions de familles parlant de nombreuses langues devront consciemment prendre part ».

La semaine dernière, à Strasbourg, le Conseil de l'Europe a fêté ses soixante ans d'existence. Vous y avez passé, monsieur le secrétaire d'État, toute la journée de jeudi, et l'ensemble de la délégation française était très honorée de cette marque d'attention du Gouvernement à l'égard d'une vénérable institution.

Oui, mes chers collègues, le Conseil de l'Europe, c'est le temple de la démocratie, le sanctuaire des droits de l'homme, le souffle de la liberté dans la grande Europe. (Applaudissements sur de nombreux bancs des groupes UMP et NC.) Quelle autre institution que son assemblée parlementaire permet un tel dialogue entre tous les États européens ?

Mais, si nous pouvons dresser un bilan flatteur de ses soixante premières années, il est tout aussi certain que des faiblesses et des incertitudes existent, et que nous devrons faire des choix. Il faut faire évoluer le Conseil de l'Europe si nous voulons que le prochain bilan soit également positif. Les défis sont nombreux et l'assemblée parlementaire du Conseil s'interroge sur son avenir.

Monsieur le secrétaire d'État, comment voyez-vous l'avenir du Conseil de l'Europe, et quelles mesures le gouvernement envisage-t-il de mettre en oeuvre pour conforter le rôle irremplaçable de cette institution ? (Applaudissements sur de nombreux bancs des groupes UMP et NC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Pierre Lellouche, secrétaire d'État chargé des affaires européennes.

Debut de section - PermalienPierre Lellouche, secrétaire d'état chargé des affaires européennes

Monsieur André Schneider, je vous remercie d'avoir posé une question sur le Conseil de l'Europe car, après soixante ans d'existence, c'est toujours une très belle institution, dont nous, Français, pouvons être fiers puisqu'elle est située à Strasbourg, regroupe quarante-sept États et défend nos valeurs : la démocratie, la liberté de la presse, le droit des minorités.

Debut de section - PermalienPierre Lellouche, secrétaire d'état chargé des affaires européennes

Il était donc normal que j'aille à Strasbourg représenter le Gouvernement pour célébrer le soixantième anniversaire de cette institution, qui vient de se doter d'un nouveau secrétaire général, M. Jagland, ancien Premier ministre de la Norvège.

Je tiens à le dire aux téléspectateurs qui nous regardent…

Plusieurs députés du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. Et pas à nous ?

Debut de section - PermalienPierre Lellouche, secrétaire d'état chargé des affaires européennes

…ainsi qu'à vous, députés de l'opposition, parce que vous y êtes représentés : le Conseil de l'Europe a trois fonctions importantes. Tout d'abord, via la Cour européenne des droits de l'homme, il constitue un mécanisme formidable de défense des droits de l'homme pour 800 millions d'Européens, dans quarante-sept pays. Ensuite, son assemblée parlementaire est un lieu de dialogue avec tous les pays du continent qui ne sont pas dans l'Union européenne : la Russie, le Caucase, la Turquie par exemple. Enfin, c'est un lieu qui permet de garantir la vocation internationale de Strasbourg : quarante-sept ambassadeurs, quarante-sept délégations y résident, et vous savez combien le Gouvernement et le Parlement, gauche et droite confondues, sont attachés à cela.

Un dernier mot : oui, nous voulons nous réinvestir dans le Conseil pour le redynamiser. Nous serons aux côtés des parlementaires qui s'y attellent. Je veux rendre hommage aux trente-six parlementaires, députés et sénateurs, de droite ou de gauche, qui, sous l'égide de Jean-Claude Mignon, d'André Schneider et de beaucoup d'autres, donnent beaucoup d'eux-mêmes pour cette institution en s'intéressant aux droits de l'homme et aux minorités. Merci à vous tous, nous serons à vos côtés. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Michel Lefait, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Lefait

Monsieur le secrétaire d'État à l'emploi, à la fin du mois d'octobre, 650 000 jeunes de plus, diplômés ou non, se retrouveront sur le marché du travail. Vous aurez compris que je veux à nouveau vous alerter sur l'extrême gravité du chômage des jeunes, qui explose et reste l'une des plaies ouvertes de notre société. Depuis des mois, à grand renfort de publicité, vous multipliez les dispositifs et les plans censés lutter contre ce fléau. Mais ils se révèlent tous plus inopérants les uns que les autres.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Lefait

Décrets d'application retardés, entreprises et public mal ciblés, mesures mal calibrées : force est de constater que votre politique pour l'emploi des jeunes est marquée du sceau de l'échec et de l'inefficacité ! Je n'en veux pour preuve que la mesure-phare de votre dernier plan, bâti à la hâte en avril dernier : la prime à l'embauche des stagiaires en CDI : elle connaît à ce jour un flop retentissant ! Et ce ne sont pas les mesurettes ni les remèdes homéopathiques annoncés à Avignon la semaine dernière, et qui concernent moins d'un jeune sur dix, qui inverseront la tendance. Non, monsieur le secrétaire d'État, ce n'est pas d'un RSA au rabais – qui ne s'adresse d'ailleurs qu'à une infime minorité – que notre jeunesse a besoin, mais d'un emploi stable avec un vrai salaire !

Devant un aussi maigre bilan et l'insupportable angoisse de tous ces jeunes qui se voient condamnés à une précarité sans fin, ma question sera aussi simple que leur impatience est grande : quand reconnaîtrez-vous que les solutions que vous avez appliquées jusqu'ici sont hors de proportion avec l'ampleur du désastre ? Quand prendrez-vous la véritable mesure du drame qui touche notre jeunesse désespérée de n'avoir aucune perspective d'avenir ? (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Laurent Wauquiez, secrétaire d'État chargé de l'emploi.

Debut de section - PermalienLaurent Wauquiez, secrétaire d'état chargé de l'emploi

Monsieur Lefait, sur la question de l'emploi des jeunes, nous n'avons pas attendu pour agir. Sur ce point au moins, votre intervention était équitable : vous avez reconnu que, dès avril, un plan d'urgence pour l'emploi des jeunes a été adopté. Depuis, conformément à ce que m'a demandé Christine Lagarde, j'ai travaillé d'arrache-pied sur le terrain avec les missions locales, les partenaires sociaux et les entreprises, ainsi qu'avec les organismes d'apprentissage – qui apprécieront la façon dont vous avez salué leur travail –, pour mettre en oeuvre les mesures du plan. Où en sommes-nous ?

S'agissant de l'apprentissage, nous avions un risque d'effondrement des entrées : en août, elles ont doublé par rapport à juillet, et, en septembre, nous sommes quasiment au même niveau qu'avant la crise.

Pour ce qui est du dispositif « zéro charges », destiné à faciliter l'embauche de jeunes dans les très petites entreprises, un dispositif simple et apprécié sur le terrain, j'indique que la moitié des 500 000 embauches ont bénéficié à des jeunes. Je suppose que ce sujet vous intéresse, monsieur Lefait, et que vous avez donc noté que les résultats ne se sont pas fait attendre : alors que nous avions de très mauvais chiffres pour le premier trimestre de l'année 2009, l'emploi des jeunes a beaucoup mieux résisté sur le deuxième trimestre et au début du troisième.

Debut de section - PermalienLaurent Wauquiez, secrétaire d'état chargé de l'emploi

Cela étant, il est hors de question de se satisfaire de la situation actuelle. Le Président de la République souhaite que nous avancions, d'une part, sur le sujet de l'autonomie et, d'autre part, dans le renforcement des mesures favorisant l'apprentissage parce que ce sont de vraies mesures de soutien à l'emploi des jeunes.

Monsieur le député, je comprends que vous éprouviez des remords en la matière. En effet, les socialistes se sont contentés de deux propositions vis-à-vis des jeunes : ou bien les inviter à rester un peu plus longtemps sur les bancs de l'université pour éviter d'encombrer les statistiques du chômage (Protestations sur les bancs du groupe SRC) ; ou bien les cantonner dans des emplois-jeunes qui étaient des emplois sans lendemain. (Mêmes mouvements.) Nous, nous préférons miser sur l'apprentissage et sur le premier accès à l'emploi, clef de l'autonomie. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Charles de La Verpillière, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles de La Verpillière

Ma question s'adresse à M. le ministre de l'alimentation, de l'agriculture et de la pêche.

Cet été, la chrysomèle, qui est, nul ne l'ignore, un parasite du maïs, a été décelée en plusieurs endroits du département de l'Ain. Un traitement par épandage de deltaméthrine a été réalisé par hélicoptère, fin août, sur le territoire des communes de Leyment et Château-Gaillard.

Personne ne conteste la nécessité de lutter contre cet insecte nuisible, mais la technique utilisée a suscité de nombreuses craintes et interrogations. En premier lieu, une grande incertitude, pour ne pas dire une grande inquiétude, demeure à propos des caractéristiques de la deltaméthrine. Quels risques ce produit fait-il courir à la santé humaine, aux animaux, aux eaux de surface et souterraines, à l'environnement en général ? En deuxième lieu, l'information des élus, des professionnels concernés et des riverains a parfois été jugée insuffisante et tardive. Enfin, les coûts directs, pour les agriculteurs concernés, et indirects, pour les apiculteurs, par exemple, contraints de déplacer leurs ruches, paraissent excessifs et appellent une prise en charge par la puissance publique.

J'en viens donc à me demander si la destruction de la chrysomèle par épandage aérien de deltaméthrine est la bonne solution. Il y a d'autre méthodes, préventives et plus respectueuses de l'environnement, tels les traitements aux semis ou surtout la rotation des cultures. Dans ce dernier cas, il conviendrait, au moins les premières années, d'aider les agriculteurs à adapter leurs exploitations.

Sur tous ces points, je vous remercie, monsieur le ministre, de nous apporter des précisions et de nous éclairer quant aux intentions du Gouvernement. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Bruno Le Maire, ministre de l'alimentation, de l'agriculture et de la pêche.

Debut de section - PermalienBruno le Maire, ministre de l'alimentation, de l'agriculture et de la pêche

Monsieur Charles de La Verpillière, vous avez raison, la chrysomèle du maïs est un véritable fléau pour les cultures, dans votre département comme dans beaucoup d'autres. Il existe, pour l'éradiquer, deux méthodes. La première est une méthode réactive par épandage d'insecticide, avec toutes les conséquences que vous avez indiquées et sur lesquelles j'ai demandé au laboratoire d'étude des végétaux de nous remettre rapidement ses conclusions. Je ne suis pas certain, en effet, qu'il s'agisse de la solution la plus adéquate en termes de coût et de respect de l'environnement, et je comprends l'inquiétude que peuvent ressentir ceux de nos concitoyens qui vivent à proximité des zones d'épandage.

La seconde méthode est efficace mais coûteuse. Elle consiste à mettre en place une rotation des cultures dans l'ensemble des départements qui pourraient être touchés. J'ai décidé de débloquer une aide spécifique de l'État de 350 euros à l'hectare pour tous les agriculteurs qui s'engageraient dans cette voie, et je tiens d'ailleurs à féliciter les associations de cultivateurs qui ont mis en place des dispositifs de soutien à la rotation.

Enfin, au-delà de la crise du lait dont nous avons largement débattu aujourd'hui, c'est toute l'agriculture française qui souffre. Notre objectif à tous doit donc être de trouver des réponses structurelles qui permettent à tous les agriculteurs de France de faire face aux aléas climatiques, sanitaires et économiques de plus en plus nombreux et de plus en plus rudes qu'ils auront à affronter dans les mois et les années à venir. Je souhaite que le futur projet de loi de modernisation de l'agriculture et de la pêche apporte aux agriculteurs et aux pêcheurs de France les réponses qu'ils attendent. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à Mme Dominique Orliac, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Orliac

Ma question s'adresse à Mme la ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi et concerne la détestable et irrationnelle gestion des ressources humaines et des sites d'activité de l'entreprise France Télécom-Orange.

Malgré sa privatisation en 2004, l'État en demeure l'actionnaire principal ; il y conserve donc une très grande influence, comme en témoigne, madame la ministre, la récente nomination de votre ancien directeur de cabinet, Stéphane Richard, au poste de directeur général adjoint. Il devrait être le successeur de Didier Lombard, lequel est désormais « passé de mode », si je puis m'exprimer ainsi.

Il faut espérer que ce changement de tête et la suspension provisoire des mutations – belle promesse faite à la sortie du ministère, mais qui semble loin d'être appliquée à l'échelon local – suffiront à mettre un terme à la série de vingt-quatre suicides en dix-huit mois.

Ce qui est certain, en tout cas, c'est que cette seule nomination ne suffira pas à sortir durablement cette entreprise de la profonde crise humaine qu'elle traverse. Car aujourd'hui France Télécom est gravement malade : une grande partie de son personnel vit dans l'angoisse. En cause : la politique et le management de la direction pour imposer à marche forcée une mutation commerciale. Les annonces de délocalisation de sites se succèdent, obligeant toujours les salariés à déménager, souvent au mépris des réalités économiques locales.

J'en sais quelque chose, puisque je me bats, depuis plusieurs mois maintenant, aux côtés des salariés de France Télécom du site de Terre-Rouge à Cahors. Élus, syndicats, population et salariés, nous nous opposons au transfert annoncé d'une cinquantaine d'emplois vers Montauban. Cet exemple illustre bien la détresse psychologique dans laquelle se trouvent plongés les personnels et leurs proches : ils ne veulent pas partir et recommencer leur vie ailleurs, avec les conséquences familiales et financières que cela entraîne. Notre économie rurale, déjà fragilisée par votre politique ne tolérera pas de nouvelles disparitions d'emplois ni d'autres fermetures de sites. Nous sommes déterminés et nous nous battrons pour conserver notre site France Télécom à Cahors.

Madame la ministre, l'État, en sa qualité d'actionnaire principal, va-t-il imposer à France Télécom de changer de politique et d'abandonner les délocalisations d'agences ainsi que les mutations forcées de salariés ?

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi.

Debut de section - PermalienChristine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi

Madame Orliac, le Gouvernement a exprimé à plusieurs reprises sa préoccupation au sujet de France Télécom. Didier Lombard a été reçu par Xavier Darcos, puis par moi-même. C'était indispensable pour que nous puissions prendre connaissance des mesures déjà prises et de celles envisagées pour les compléter.

Il n'appartient pas à l'État, fût-ce en sa qualité d'actionnaire, d'intervenir directement dans la direction et la gestion de l'entreprise. Il est de sa responsabilité, en revanche, de s'assurer que l'ensemble de la stratégie est mise au service à la fois d'une grande entreprise et des cent soixante mille salariés qui y travaillent.

Trois objectifs très clairs ont été fixés : l'accompagnement des familles, le renforcement du dispositif de prévention des suicides, la refondation des relations sociales au sein de France Télécom.

À l'heure où je vous parle, une réunion a lieu entre la direction générale – le président-directeur général et le nouveau directeur général adjoint – et l'ensemble des organisations syndicales, afin de fixer les lignes directrices de la refondation du dialogue social. Il s'agit de rétablir le dialogue et l'écoute, puis de définir ensemble les nouvelles règles applicables dans l'entreprise pour permettre à tous les salariés d'être fiers de France Télécom et d'y accomplir l'essentiel de ce qu'ils peuvent accomplir. Le Gouvernement sera attentif à ce que ces objectifs soient respectés.

Je voudrais par ailleurs vous mettre en garde contre toute instrumentalisation des drames humains que connaît actuellement France Télécom. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

France Télécom

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures cinq, est reprise à seize heures vingt.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi portant fusion des professions d'avocat et d'avoué près les cours d'appel (nos 1709, 1931).

La parole est à Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d'État, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés.

Debut de section - PermalienMichèle Alliot-Marie, ministre d'état, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés

Monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames et messieurs les députés, le projet de loi soumis à votre examen vise à simplifier la représentation des parties devant les cours d'appel. À cette fin, il unifie les professions d'avoué et d'avocat à compter du 1er janvier 2011.

Ce texte a fait l'objet d'un certain nombre de débats, notamment en commission ; je me réjouis de nos échanges, et je voudrais saluer l'implication de la commission des lois et de son président, ainsi que le travail de votre rapporteur – un travail important, qui a permis de mieux cerner les difficultés et contribué à dégager les meilleures solutions possibles.

Nous le savons – car nous l'entendons sur le terrain, dans nos permanences –, les Français considèrent la justice comme trop lente – nous y reviendrons : je vous ferai des propositions à ce sujet –, trop complexe, trop lourde, trop chère. Or si nous voulons que les Français prennent conscience que la justice est au coeur de nos institutions, et qu'elle constitue un élément essentiel de la cohésion nationale, il nous faut répondre à leurs critiques, et donc mettre en oeuvre une véritable stratégie de modernisation et de simplification. C'est dans une telle stratégie que s'inscrit la réforme de la représentation devant les cours d'appel.

Aujourd'hui, les règles de représentation en cour d'appel sont, reconnaissons-le, complexes et coûteuses. Elles sont surtout – et c'est essentiel pour le regard que nos concitoyens portent sur la justice – mal comprises. De surcroît, elles posent un problème de compatibilité avec le droit communautaire : il faut en avoir conscience, même si ce n'est pas la raison première de cette réforme.

Il ne s'agit pas, je tiens à le préciser, de critiquer en quoi que ce soit les avoués ou leurs collaborateurs : leur professionnalisme, leurs qualités de juristes et leur dévouement au service des justiciables ne sont nullement en cause. Ce qui est en cause, c'est la réalité d'une procédure héritée du xve siècle : la scission entre, d'une part, les avoués et, de l'autre, les avocats.

Ce problème a été identifié depuis longtemps : l'unification des deux professions a été mise en oeuvre pour les juridictions de première instance dès 1971. Quarante ans après, le Gouvernement estime utile, normal, nécessaire, de compléter la réforme. C'est ce que nous vous proposons.

Mon objectif – j'ai eu l'occasion de le dire, en commission ou dans cet hémicycle – est de rendre la justice plus lisible, plus accessible, plus proche du citoyen, de lui permettre de faire face à l'ouverture internationale et de se tourner résolument vers l'avenir. La justice est porteuse des valeurs et des principes de la démocratie ; elle doit aussi savoir utiliser les apports de notre temps pour devenir plus efficace, plus rapide, plus ouverte, plus transparente.

Aujourd'hui, avoués et avocats ont les mêmes diplômes, la même connaissance du droit, les mêmes qualités de conseil. Il faut en tirer toutes les conséquences, et donc concevoir une modernisation globale de la procédure d'appel – mais aussi, bien sûr, prévoir des mesures d'accompagnement adaptées aux conséquences de la réforme.

L'unification des professions d'avoué et d'avocat, je le souligne, s'inscrit dans une modernisation globale de la procédure d'appel. Trois finalités sont recherchées : recentrer la représentation sur les avocats ; diminuer les coûts pour le justiciable ; développer les nouvelles technologies.

Simplifier les procédures, c'est d'abord recentrer la représentation sur les avocats, c'est-à-dire offrir au justiciable la possibilité d'un interlocuteur unique en appel : le projet de loi prévoit que l'ensemble des avocats du ressort de la cour d'appel pourront représenter leurs clients devant cette juridiction. En conséquence, les offices d'avoués seront supprimés.

Les avoués deviendront automatiquement avocats – sauf, bien entendu, s'ils y renoncent. Ils seront inscrits d'office au tableau du barreau établi auprès du tribunal de grande instance dans lequel se trouve leur office. Ils pourront toutefois choisir, s'ils le souhaitent, une inscription auprès de n'importe quel autre barreau de France.

Il s'agit ensuite de diminuer les coûts pour le justiciable. Le tarif de postulation sera supprimé en appel. Cette suppression représente une diminution réelle du coût de la justice pour le justiciable.

Les honoraires de l'avocat seront librement fixés en accord avec le justiciable. Bien entendu, je compte sur le sens de la responsabilité des avocats – je leur en ai parlé – pour ne pas galvauder la réforme.

La partie perdante doit participer davantage aux coûts de la procédure. Une fraction des honoraires d'avocat sera désormais mise à la charge de la partie perdante, au titre des dépens prévus par l'article 695 du code de procédure civile.

Il s'agit enfin de développer les nouvelles technologies. La dématérialisation – j'ai déjà eu l'occasion de l'évoquer lors d'autres débats – est un atout réel pour la sécurité des transmissions, pour l'efficacité des procédures et pour la rationalisation des dossiers. C'est d'autant plus vrai à l'heure où les avocats seront appelés à exercer dans des cours d'appel parfois très éloignées de leur cabinet.

L'obligation d'introduire l'instance par voie électronique, à peine d'irrecevabilité, est prévue par un décret en cours d'examen au Conseil d'État. D'abord applicable à la seule déclaration d'appel à compter du 1er janvier 2011, cette obligation sera progressivement étendue à toute la procédure. C'est là, je crois, un élément important de rapidité, mais aussi de sécurité.

Pour favoriser le dialogue entre chefs de cour et avocats, le projet de loi prévoit qu'un avocat, désigné parmi les bâtonniers du ressort, sera chargé de traiter des questions relatives à la communication électronique.

Voilà ce qu'il en est du dispositif général lié à la procédure.

Mesdames et messieurs les députés, le Gouvernement mesure bien l'ampleur de la réforme. À ce titre, depuis mon arrivée au ministère de la justice, je me suis particulièrement attachée à limiter les conséquences négatives qui pourraient en résulter pour les avoués et leurs salariés. Des mesures d'accompagnement étaient donc prévues par le projet de loi initial, qui ont été améliorées depuis. Elles répondent à une triple exigence : elles entendent d'abord favoriser l'activité ou la reprise d'activité du plus grand nombre possible des avoués et des salariés sur la base du libre choix en prévoyant des passerelles vers d'autres professions du droit ; elles prévoient ensuite une juste indemnité pour le préjudice subi ; elles essaient enfin d'éviter les ruptures brutales en aménageant une période transitoire, indispensable pour une réforme de cette importance.

En ce qui concerne les passerelles vers les autres professions judiciaires et juridiques, l'accès à la profession d'avocat sera automatique pour les avoués qui le souhaitent. De même, pour leurs collaborateurs juristes, les conditions seront assouplies. Par ailleurs, l'accès aux métiers d'officiers publics ministériels sera facilité pour les avoués et leurs collaborateurs, compte tenu de leur degré de formation et d'expérience. Les décrets nécessaires seront publiés avant la fin de l'année et l'ensemble de ces passerelles seront mises en oeuvre dès 2010.

En outre, dans le cadre du projet de loi de finances pour 2010, c'est-à-dire tout de suite, j'ai obtenu que soient créés, dans les services judiciaires, 380 postes qui seront réservés aux salariés d'avoués.

Debut de section - PermalienMichèle Alliot-Marie, ministre d'état, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés

Ces postes seront ouverts dans les trois catégories de la fonction publique : A, B et C.

Un concours adapté, avec une épreuve valorisant l'expérience professionnelle, sera organisé pour les salariés qui souhaitent devenir greffiers. Pour ceux qui désirent rejoindre la catégorie C, la sélection s'effectuera par dossier et entretien dès le mois d'avril prochain.

Debut de section - PermalienMichèle Alliot-Marie, ministre d'état, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés

Le projet prévoit ce que l'on considère comme une juste indemnisation de la fermeture des offices d'avoués. Dès ma nomination comme garde des sceaux, j'ai souhaité améliorer le texte initial. Celui-ci prévoyait une indemnisation à hauteur de 66 % de la valeur de l'office calculée sur la base de l'activité des cinq dernières années.

Nous avons eu, en commission des lois, des discussions riches qui nous ont permis de progresser et d'améliorer la réforme sur ce point fondamental.

Pour les avoués, le préjudice est réparé sur la base d'une indemnité intervenant dans un délai raisonnable – en effet, le délai est également à prendre en compte – et adaptée aux situations.

J'avais proposé en commission, il y a une dizaine de jours, que l'indemnité soit portée de 66 % à 92 % de la valeur de l'office, dans la mesure où le rapport du magistrat chargé de la préparation de ce texte avait souligné, après un contact avec la profession, que 8 % de l'activité ne relevait pas du monopole des avoués.

Un certain nombre de voix, dont la vôtre, monsieur le rapporteur, se sont élevées depuis notre dernière rencontre. Aujourd'hui, j'ai l'honneur de vous annoncer que le Gouvernement dépose un amendement qui porte cette indemnité à 100 % de la valeur de l'office. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienMichèle Alliot-Marie, ministre d'état, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés

Pour les avoués qui ont acquis récemment leur office, l'indemnité sera portée à un montant égal à la somme de l'apport personnel et du capital restant dû au titre de l'emprunt contracté pour l'acquisition.

Dans tous les offices, les indemnités de licenciement versées aux salariés seront remboursées intégralement. L'indemnisation interviendra dans un délai raisonnable.

Dès le début de l'année 2010, les avoués pourront bénéficier d'un acompte sur l'indemnisation qui leur sera due. Cet acompte s'élèvera à 50 % du dernier chiffre d'affaires connu.

Les avoués endettés – nous avons essayé de prendre en compte toutes les situations – pourront obtenir le remboursement du capital restant dû au 1er janvier 2010 et la prise en charge des éventuelles pénalités de remboursement anticipé. Pendant toute l'année 2010, ils pourront ainsi bénéficier des revenus tirés de l'office sans avoir à supporter les remboursements d'emprunt.

Une attention particulière a été portée aux salariés. Plusieurs cas de figure se présentent. S'ils suivent leur employeur dans sa nouvelle profession d'avocat, les salariés conserveront les avantages qu'ils auront acquis en application de leur convention collective.

J'ai souhaité par ailleurs que l'indemnisation prenne mieux en compte l'ancienneté des salariés d'avoués. Un problème se posait pour ceux qui sont licenciés, puisque l'indemnisation unique portait sur quatorze mois de salaire quelle que soit l'ancienneté. S'agissant de salariés dont la moyenne d'âge est souvent élevée et dont la durée d'activité professionnelle était donc importante, cela pouvait paraître pénalisant. Un amendement du Gouvernement proposera que, à partir de quinze ans d'ancienneté, le taux d'indemnisation augmente tous les cinq ans d'ancienneté, sans plafonnement possible. Les indemnités seront donc sensiblement plus avantageuses que ce que prévoyait initialement le projet, tout particulièrement pour les salariés dont l'expérience professionnelle dépasse vingt-cinq ans.

Debut de section - PermalienMichèle Alliot-Marie, ministre d'état, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés

Ainsi, un salarié d'avoué totalisant trente-cinq années d'ancienneté verra ses indemnités passer de quatorze mois dans le projet initial à plus de vingt-sept mois, soit un quasi-doublement.

J'ajoute que les indemnités ne seront pas soumises à l'impôt sur le revenu, et qu'elles n'entraîneront pas de différé dans le versement des indemnités de chômage.

Enfin, l'aménagement d'une période transitoire qu'exige une réforme de ce type a été préféré à la fusion immédiate des professions, qui soulevait un certain nombre de difficultés.

J'ai eu l'occasion de le réaffirmer devant le Conseil national des barreaux, une période transitoire est indispensable pour préparer la reconversion des avoués et répondre aux conséquences sociales des fermetures d'offices. Je sais que certains, en particulier parmi les avocats, voudraient s'y opposer. Je crois qu'il faut, là aussi, être pragmatiques et trouver une réponse raisonnable.

Ce temps ne doit être ni infini ni excessif, mais il est nécessaire. Il ne s'agit ni de créer des distorsions dans la concurrence entre avoués et avocats, ni de faire durer, notamment pour les salariés d'avoués, une trop longue période d'incertitude.

On a parlé de trois ou cinq années. Le projet de loi déposé avant mon arrivée place Vendôme prévoyait un an, à compter du 1er janvier 2010. Je vous propose de maintenir ce délai, qui permet à la fois d'assurer le glissement, le « tuilage », et de régler un certain nombre de situations.

Pendant cette période, les avoués qui le souhaitent pourront aussi exercer la profession d'avocat. Ils seront inscrits de plein droit au barreau de leur choix et ils pourront ainsi, au fur et à mesure, se constituer une clientèle. Je ne crois pas que cela créera une concurrence déloyale à l'égard des avocats.

Mesdames et messieurs les députés, au moment où nous débutons l'examen de ce texte, je veux réaffirmer que le Gouvernement forme de grandes ambitions pour l'avenir de notre justice, à la hauteur de l'enjeu d'unité nationale que la justice doit représenter. La recomposition des professions du droit est l'un des aspects essentiels de cette construction de l'avenir de la justice.

Les intérêts catégoriels sont une préoccupation tout à fait légitime. L'intérêt général doit cependant demeurer notre guide. En fusionnant les professions d'avocat et d'avoué, le Gouvernement vous propose de franchir une étape supplémentaire dans la volonté d'avoir une justice en phase avec les attentes de nos concitoyens, en harmonie avec les exigences du xxie siècle. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Gilles Bourdouleix, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.

Debut de section - PermalienPhoto de Gilles Bourdouleix

Monsieur le président, madame la ministre d'État, monsieur le secrétaire d'État à la justice, chers collègues, je ne reviendrai pas sur le bien-fondé de cette « réforme de la représentation devant les cours d'appel » – puisque tel est désormais son titre –, car Mme la garde des sceaux l'a parfaitement expliqué. J'exprime cependant le regret que nous n'ayons pas réfléchi à une réforme plus globale, qui nous aurait permis de nous interroger par exemple sur la postulation ou la territorialité, autant de questions que nous serons inévitablement amenés à traiter au fil du temps.

La représentation devant les cours d'appel va connaître des évolutions importantes, en raison notamment des progrès de la communication électronique. Il faut accélérer le processus de façon que le 1er janvier 2011, lorsque la profession d'avoué aura définitivement disparu et que la fusion avec la profession d'avocat aura été terminée, nous ne connaissions pas un engorgement fâcheux devant les cours d'appel.

Le principe de la réforme est acquis, nous sommes un grand nombre sur ces bancs à en être convaincus. Pour ma part, à travers le travail de rapporteur qui m'a été confié, et tout au long des nombreuses auditions que j'ai pu conduire, je me suis attaché avant tout aux modalités et aux conséquences de la réforme.

Je rappellerai deux chiffres : la profession d'avoué regroupe aujourd'hui un peu plus de 440 avoués et près de 1 850 salariés. Vous l'avez rappelé, madame la ministre d'État, ces professionnels compétents ont exercé depuis toujours leur travail avec beaucoup d'engagement. Alors que nous n'avons rien à leur reprocher, nous supprimons pourtant leur profession, même si la mission qui est la leur sera toujours accomplie. Je me suis attaché, tout au long de mon travail de rapporteur, à bien mesurer les conséquences sociales et humaines d'une réforme dont beaucoup de modalités initiales me paraissaient totalement injustes.

On m'a reproché d'avoir été attendri par les remarques des avoués ou des salariés d'avoués. Mais je ne crois pas qu'on puisse trouver négatif le fait qu'un élu de la nation s'attendrisse devant les angoisses, les inquiétudes de concitoyens qui voient leur profession s'arrêter. Je ne crois pas qu'on puisse critiquer le fait qu'un élu de la nation essaie, avec ses collègues et, bien sûr, avec le soutien du ministère, d'améliorer les conditions dans lesquelles une telle réforme pourrait se mettre en oeuvre.

Debut de section - PermalienPhoto de Gilles Bourdouleix

Et, s'il le fallait, nous pourrions même inscrire dans la Constitution le devoir de s'attendrir des élus de la nation, parce que notre mission est de répondre aux attentes de nos concitoyens, de faire évoluer la législation, de mettre en place certaines réformes dans le respect des intérêts de celles et ceux qui auront, à un moment ou à un autre, à en souffrir. Certes, les avoués peuvent se diriger vers d'autres métiers juridiques, et en priorité vers celui d'avocat, qui se rapproche le plus de leur profession, mais il ne faut pas oublier que la quasi-totalité de la clientèle des avoués est aujourd'hui constituée d'avocats. Le 1er janvier 2011, un avoué qui deviendra avocat commencera un métier nouveau sans avoir immédiatement une clientèle lui permettant d'assurer normalement son avenir.

Quant aux salariés, ils pourront devenir salariés de l'avoué devenu avocat. Je rappelle cependant qu'un avocat emploie actuellement 0,8 salarié en moyenne, et un avoué 4,3. Ainsi, non seulement le nouvel avocat n'aura pas tout de suite les moyens d'avoir des collaborateurs, mais leurs effectifs seront quasiment divisés par cinq. C'est pourquoi il était important de faire évoluer le texte et je tiens à rendre hommage au travail que vous avez effectué, madame la ministre.

(M. Maurice Leroy remplace M. Bernard Accoyer au fauteuil de la présidence.)

Debut de section - PermalienPhoto de Gilles Bourdouleix

Si nous avons déposé des amendements dont certains étaient irrecevables au titre de l'article 40, c'était pour attirer l'attention sur la nécessité d'améliorer ce texte. Nous avons particulièrement insisté sur trois articles sur lesquels je reviendrai pour mettre en lumière les importantes avancées auxquelles il a été procédé.

D'abord, l'article 8, un peu technique, relatif à la question des caisses de retraite, aboutissait, dans sa rédaction initiale, à une situation absurde. Un avoué devenant huissier aurait ainsi pu voir sa carrière passée d'avoué gérée par la caisse des avocats et sa nouvelle carrière d'huissier gérée par l'actuelle caisse des huissiers et avoués. Le Gouvernement a bien voulu déposer un amendement visant à inverser le système, et nous sommes très satisfaits de cette évolution.

Ensuite, à l'article 13, qui concerne l'indemnisation des avoués, la proposition initiale de 66 % n'était pas acceptable. Pour moi, il s'agissait d'une véritable spoliation – je le dis même si le mot est fort. Vous avez bien voulu, madame la ministre, faire un effort très important en commission, la semaine dernière, en portant ce chiffre à 92 %. Nous vous avons demandé de fixer cette indemnisation à 100 % et vous avez fait preuve d'une écoute remarquable. Cet effort légitime en direction des avoués répondra à l'attente de la profession.

Venons-en à l'article 14, que nous avons supprimé en commission et qui porte sur l'indemnisation des salariés. Pour l'avenir des salariés, deux aspects sont liés : le reclassement et l'indemnisation. Au-delà de toutes les indemnisations, la première des dignités, c'est d'avoir un travail. Dès lors, il faut saluer tout ce qui a pu être fait pour permettre aux salariés d'avoués de retrouver le plus rapidement possible un travail, en particulier dans le domaine professionnel qui est le leur, celui dans lequel ils excellent. À cet égard, l'annonce que vous avez faite, et qui se concrétisera dans le projet de loi de finances, de la création de 380 postes dans les institutions judiciaires – 19 en catégorie A, 139 en catégorie B et 222 en catégorie C – est une avancée importante. Cela concernera 380 collaborateurs d'avoués, sachant que certains d'entre eux ont un niveau de diplôme leur permettant d'aller vers la profession d'avocat et que d'autres approcheront alors de l'âge de la retraite. Dans une profession très largement féminine, où l'ancienneté est généralement importante, où beaucoup ont démarré avec peu de diplômes et ont appris sur le tas un métier qu'ils exercent – je le répète – avec beaucoup de compétence, il fallait être attentif à la possibilité de reclassement et un effort est ainsi fait pour 380 de ces personnes. Je souhaite que cela réponde à leur attente.

Il y aura certainement d'autres efforts à faire. Lorsque l'on est chargé d'une collectivité territoriale, comme c'est mon cas en tant que maire, il faut être attentif aux dossiers qui peuvent nous être envoyés, dans le ressort de la cour d'appel dont nous dépendons, par des collaborateurs d'avoués qui voudraient entrer dans la fonction publique et pourraient, dans le respect du statut, y trouver un débouché professionnel pour leur avenir. Il y a là un effort important que je tiens, encore une fois, à souligner, de même que je veux saluer la qualité de votre écoute, madame la ministre.

Dans le projet de loi initial, l'indemnisation ne pouvait dépasser quatorze mois de salaire. J'avais déposé un amendement, certes irrecevable, mais qui s'inspirait de ce qui avait été fait en 2000 pour les salariés des commissaires-priseurs : encore, à l'époque, ne s'agissait-il que d'en finir avec le monopole, sans remettre en cause l'existence d'une profession, comme c'est le cas aujourd'hui. Je proposais donc un mois par année d'ancienneté, à concurrence de trente mois. Vous avez fait évoluer le texte de manière très positive, car une attention particulière est portée à celles et ceux qui ont le plus d'ancienneté et qui, par définition, auront donc le plus de difficultés à trouver une nouvelle solution pour leur avenir professionnel. Le texte permet aussi des avancées sur des anciennetés moyennes – cas le plus fréquent pour les salariés d'avoués.

Voilà autant d'évolutions que je tiens à saluer. Celles et ceux qui me connaissent savent que je ne manie pas la langue de bois. Quand je dis que je suis satisfait d'une évolution, c'est que c'est vrai. Je tiens à vous adresser à nouveau, madame la ministre, tous les remerciements du rapporteur pour l'écoute dont vous avez fait preuve afin de faire évoluer ce texte. Dans la mesure où il s'agit d'une réforme de la justice, il eût été fâcheux qu'elle ne fût pas juste ! Vous avez su allier la nécessité de faire évoluer notre justice avec la volonté de justice dans le traitement des conséquences de cette évolution pour celles et ceux qui auront le plus à en souffrir. Je tiens à vous en remercier et j'espère que nous pourrons ainsi assurer à la fois la bonne réforme de cette représentation devant les cours d'appel et l'avenir des avoués et de leurs salariés. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Maurice Leroy

J'ai reçu de M. Jean-Marc Ayrault et des membres du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche une motion de rejet préalable déposée en application de l'article 91, alinéa 5, du règlement.

La parole est à M. Jean-Michel Clément.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Michel Clément

Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, j'ai l'honneur de défendre à cette tribune la motion de rejet préalable sur le projet de loi portant réforme de la représentation devant les cours d'appel. Initialement intitulé « projet de loi portant fusion des professions d'avocat et d'avoué près les cours d'appel », ce texte ne fait en réalité qu'évoluer en rhétorique, Mme Dati ayant déclaré, le 10 juin 2008, vouloir supprimer la profession des avoués pour le 1er janvier 2010.

Le Gouvernement justifie cette décision, d'une part, par « la volonté d'achever cette réforme pour moderniser la justice et pour assurer le respect par la France de ses engagements européens » et, d'autre part, suite à « plusieurs rapports et notamment celui de la commission pour la libération de la croissance française présidée par M. Attali, et celui de la commission présidée par Maître Jean-Michel Darrois, consacré aux professions du droit », qui « ont mis en lumière la nécessité de simplifier la démarche du justiciable et de réduire le coût du procès en appel ».

Louable ambition, mais piètre méthode !

L'argument de la transposition de la directive « services » est irrecevable. Celle-ci ne pose en effet aucune obligation de réforme de la profession d'avoué. Son objet est simple : il s'agit d'assurer la libre prestation des services dans l'Union européenne. De nombreuses analyses viennent contredire l'interprétation que fait le Gouvernement de la directive « services ». M. le rapporteur lui-même est incapable de trancher la question. Les enjeux sont donc ailleurs.

Par cette motion, j'entends démontrer que le texte présenté en l'état par le Gouvernement n'est ni opportun ni conforme à nos principes constitutionnels.

Les défaillances de ce texte ne sont pas étrangères à ses conditions d'élaboration. Obsédé par l'idée de faire vite, on oublie de faire bien. C'est devenu la marque de fabrique de ce gouvernement. Comme l'écrit Guy Carcassonne, « alors que Jean Foyer adjurait de ne légiférer que d'une main tremblante, le législateur tremble, certes, mais d'excitation et d'impatience ». Encore une fois, la précipitation l'emporte sur la raison. Cela mérite d'être rappelé : quand la loi est bâclée, elle n'exprime plus la volonté générale conformément à l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen.

Nous le savons, la profession d'avoué recèle des situations très nuancées selon les cours. Des voix se sont élevées pour contester le principe même de leur charge, tant du côté des justiciables que du côté de la magistrature ou des avocats. Une réforme était devenue inéluctable, d'autant que tout le monde s'accorde pour dire qu'il faut réformer la procédure civile. Postulation, représentation devant les cours, dématérialisation des procédures, tout cela doit être abordé.

Ce n'est donc nullement le principe même de la réforme de la représentation devant les cours d'appel que je viens contester à cette tribune. Ce sont les conditions dans lesquelles cette réforme a été menée. Une telle réforme aurait pu, aurait dû s'inscrire dans le cadre d'une réflexion globale sur le service public de la justice. L'intérêt des justiciables et le respect des droits des avoués et de leurs salariés : tels sont les deux objectifs que le Gouvernement n'aurait jamais dû perdre de vue.

Une telle réforme aurait pu, aurait dû être menée après une phase de concertation. Il eût été nécessaire de procéder à des consultations préalables plus importantes, de recueillir les avis éclairés des professionnels concernés, des salariés et des justiciables. Jamais nos lois ne sont plus efficaces que lorsque leurs destinataires sont associés à leur élaboration !

Le Gouvernement a fait le choix d'entreprendre cette réforme de manière mesquine et étriquée. Au final, c'est non seulement la qualité du service public de la justice qui est condamnée à en pâtir, mais le sort des avoués et de leurs salariés qui est ici gravement négligé.

Brutal, irréfléchi, ce projet, s'il était adopté, créerait davantage de problèmes qu'il n'apporterait de solutions. Monsieur le rapporteur, vous l'avez vous-même reconnu au terme de votre intervention en commission des lois pour relever que, en l'état, vous ne le voteriez pas. Cet aveu, pour peu commun qu'il soit venant d'un parlementaire de la majorité, n'en démontre pas moins l'absence de préparation de ce texte. Pour preuve : nous prenons connaissance, en commençant notre débat, de nouvelles dispositions qui concernent l'avenir de 2 500 personnes !

L'enjeu n'est pas des moindres, madame la ministre : il s'agit, ni plus ni moins, de la suppression d'une profession. Cette suppression affecterait non seulement les avoués, mais aussi leurs nombreux collaborateurs et salariés, condamnés à se reconvertir vers d'autres métiers. In fine, cette suppression affecterait la qualité du service public de la justice, et donc les justiciables.

Parlons des avoués qui subiront, du fait de cette loi, de nombreux préjudices. Il s'agit en effet d'envisager la suppression pure et simple d'une profession dont l'origine remonte à l'article 91 de la loi du 28 avril 1816. Les avoués à la cour, comme tous les officiers ministériels, sont cessionnaires du droit de créance de leurs prédécesseurs, dès lors que ce dernier a contracté un emprunt auprès des titulaires de charges et que cet emprunt se renouvelle à chaque mutation dans la personne de ces titulaires. Même si ce droit de présentation fut rapidement critiqué, le ministre des finances déclarait à l'occasion de la discussion du budget de 1838 que « de tous les sacrifices que les malheurs du temps ont forcé de faire en 1816, il n'en est pas de plus onéreux, de plus funeste, que celui qui a créé la vénalité des charges et amené les conséquences que tout le monde déplore, et le Gouvernement plus que qui que ce soit ». Vous verrez que ces propos sont d'une grande actualité deux siècles plus tard.

En 1835, dans son traité de droit public et administratif, le professeur Foucart relevait que « les conséquences de la loi de 1816 sont très difficiles à réparer, car les titulaires des charges ont traité sous la garantie de la loi, et il n'est pas possible de leur enlever sans indemnité le droit qu'elle leur assure ». Et d'ajouter : « Ce ne serait qu'autant que la prospérité financière de la France lui permettrait de rembourser le prix des charges, qu'on pourrait abolir le droit de présentation. »

Ce rappel historique étant fait, on peut se demander si la situation a changé. Le droit à indemnisation ne peut être contesté. Il a été scrupuleusement respecté dans l'histoire récente des officiers ministériels, chaque fois que l'État a entrepris une réforme visant à supprimer une profession ou à modifier ses conditions d'exercice.

Le premier préjudice subi par les avoués est lié à la privation de leur droit de présentation. Parce que la loi fera baisser la valeur économique de leurs offices, ils subiront une atteinte au droit de propriété. Ce sera le cas des jeunes avoués qui se sont endettés pour acheter une charge dont ils se retrouveront dépossédés, et auxquels on ne proposera de rembourser que le capital restant dû.

En 2005, lors de la réforme de la profession de commissaire-priseur, le Conseil d'État a considéré que « la dépréciation de la valeur pécuniaire de leur droit de présentation résultant […] de la suppression par la loi du 10 juillet 2000 de leur monopole, porte atteinte à un droit patrimonial ». C'est aussi la position de la Cour européenne des droits de l'homme, qui estime que le droit de propriété a une portée autonome ne se limitant pas à la propriété des biens corporels. Enfin, dans sa décision n° 2000-440 concernant les courtiers et les conducteurs de navire, le Conseil constitutionnel a considéré que la suppression d'une profession devait être compensée par une indemnisation suffisante et par l'existence de possibilités de reclassement.

Le préjudice patrimonial résulte de la perte par l'officier ministériel de son droit à présenter un successeur, laquelle entraîne la disparition de l'office et place celui qui en était titulaire dans l'impossibilité d'exercer sa profession. Contrairement à ce que prétendent le rapport Attali et le Gouvernement, il s'agit de la perte de la totalité d'un bien – et non seulement de ses deux tiers ou de 92 % –, dont la valeur doit encore être discutée. Voilà qui donnera du grain à moudre au Conseil constitutionnel et qui pourrait bien grever le budget de l'État.

Le Conseil d'État a certes apporté quelques nuances dans son arrêt du 19 novembre 2004, mais les limites acceptées par la Haute Juridiction seront-elles tolérées par les juges constitutionnels ou par ceux de Strasbourg ? Le risque qu'une telle disposition soit censurée est bien réel.

Un office est un bien incorporel, dont la valeur ne se réduit pas à celle du droit de présentation. Cet impératif qui, formulé dans d'autres termes, a contribué à faire échouer la réforme de Maupeou sur les Parlements, ne peut être méconnu ni en droit européen ni en droit interne. Son coût sera supporté par l'État – c'est-à-dire, concrètement, par les citoyens constituant le monde des justiciables actuels et potentiels – après le détour d'une taxe nouvelle sur les affaires civiles, grâce au financement des fonds d'indemnisation.

Le Gouvernement a certes prévu de dédommager les avoués de la privation de leur droit de présentation, mais cette indemnisation préalable est-elle suffisante, autrement dit est-elle « juste » au sens de l'article 17 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen ? Nous ne le pensons pas.

Le second préjudice que subiront les avoués, le préjudice de carrière, n'est pas davantage contestable. L'adoption du projet de loi les contraindrait à repartir de zéro. Si le texte leur offre la possibilité d'exercer la profession d'avocat, la brutalité de la réforme induira une concurrence déloyale entre les avocats, qui disposent de leur clientèle, et les avoués fraîchement reconvertis, qui mettront entre trois et cinq ans pour s'en constituer une. Il est en effet prouvé que celle des avoués procède quasi exclusivement – à 94,6 % selon les chiffres établis à partir des constats d'huissier opérés à la demande de la profession – des avocats eux-mêmes, prescripteurs à la cour d'appel. Moins de 10 % de leur chiffre d'affaires vient d'une clientèle propre, puisque les affaires hors monopole en représentent moins de 1 % du total et que les dossiers sans avocat ne constituent que 5,4 % des affaires traitées dans le cadre de la représentation obligatoire. Ainsi, la mise en concurrence risque d'être fatale à de nombreuses études d'avoués. Or le projet de loi ne prévoit pas d'indemniser ce préjudice.

Si le préjudice économique de carrière, dit aussi perte de chance, peut répondre à la notion de « bien » au sens européen, il relève en tout état de cause et, à défaut, de la rupture de l'égalité devant les charges publiques, soit sur le fondement de la responsabilité de l'État pour faute, soit sur celui de la responsabilité sans faute du fait de la loi.

Par ailleurs, la suppression brutale de la profession aura un effet direct sur l'emploi de celles et ceux qui collaborent au sein des études d'avoués. Des milliers d'emplois se trouvent ainsi menacés. L'étude d'impact présentée par le Gouvernement admet que le licenciement d'une part importante de ces 1 850 salariés sera inévitable. Ce sont à 90 % des femmes, d'une moyenne d'âge de quarante-trois ans. Leur niveau de qualification est faible, puisque leur compétence a souvent été acquise à l'intérieur même de l'étude.

Selon le rapport Copé sur les professions du droit, « ces salariés sont donc presque certains de ne pas pouvoir être embauchés par des avocats ou des notaires et de se retrouver au chômage ». Ce qui les attend n'est donc qu'un licenciement économique du fait de la loi. Voilà quelle mesure que le Gouvernement projette de nous faire voter, au coeur d'une grave crise économique qui frappe durement les professions du droit – les notaires n'ont-ils pas abondamment licencié, ces derniers temps ?

Il revenait au législateur de fixer les modalités de calcul des indemnités de licenciement et surtout de mettre en place un accompagnement des salariés licenciés. Pourquoi, dans la version soumise à la commission des lois, le projet reste-t-il largement en deçà des dispositions de loi du 10 juillet 2000 relative aux commissaires-priseurs et à leurs salariés ? Son article 49 prévoit que, « en cas de licenciement économique pour motif économique survenant en conséquence directe de l'entrée en vigueur de la présente loi, les indemnités de licenciement dues par les commissaires-priseurs sont calculées à raison d'un mois de salaire par année d'ancienneté dans la profession dans la limite de trente mois », et ce pour tous les salariés, sans distinction d'âge ni d'emploi. Pourquoi faire moins aujourd'hui ?

Debut de section - PermalienMichèle Alliot-Marie, ministre d'état, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés

Nous faisons plus, au contraire ! Corrigez votre fiche !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Michel Clément

Faute d'accord, les quelques dispositions en faveur des salariés qui vont être licenciés ont été supprimées en commission des lois. Aucune indication n'a été donnée avant notre débat sur les décrets en préparation. Pire, l'article 14 a été supprimé, ce qui nous a interdit de déposer tout amendement. Il n'est pas acceptable de laisser ces salariés dans l'angoisse d'une échéance que l'on ne peut encore fixer avec précision. Le Gouvernement, pourtant prompt à dénoncer les patrons voyous, ferait bien de s'en souvenir, et de prévoir la juste réparation à laquelle ces salariés ont droit.

Quant au reclassement, les solutions proposées ne concernent en réalité que les avoués et leurs collaborateurs diplômés, qui pourront se tourner vers la profession d'avocat ou des fonctions judiciaires. Les autres, plus nombreux, sont les grands oubliés de la réforme.

M. Verpeaux, éminent professeur consulté sur ce projet, estime que, « compte tenu de la situation économique de certaines professions juridiques, il est sans doute illusoire d'envisager un reclassement massif de ces personnes dans les professions existantes » comme celles d'avocats, d'huissiers ou de notaires. Dans ces conditions, pourquoi la loi ne prévoit-elle pas des possibilités de reclassement dans des administrations publiques par la validation des acquis de l'expérience ? Il est possible de mettre en place de telles passerelles. La loi du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques, qui prévoyait de supprimer les offices d'avoués près les tribunaux de grande instance, assurait aux salariés, dans ses articles 50 et suivants, des possibilités réelles et durables de reconversion. Pourquoi l'État n'assume-t-il pas aujourd'hui ses responsabilités de manière équitable vis-à-vis des salariés qu'il met au chômage ? Est-ce la fameuse règle du non-remplacement d'un fonctionnaire sur deux qui y fait obstacle ?

Le Gouvernement a consenti un effort pour les avoués, en acceptant de passer en quelques jours à une indemnisation de 66 % à 92 %, puis à 100 %, ce dont je me réjouis. Mais il a laissé leurs salariés dans l'expectative.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Michel Clément

La période transitoire reste objet de spéculation et l'indemnisation ne prend pas en compte les situations individuelles – formation, âge, expérience –, sur lesquelles nous avons insisté. L'inquiétude des salariés est réelle, d'autant que les décrets sont inconnus et que les amendements du Gouvernement n'ont pas été communiqués aux députés avant le vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Michel Clément

Comment se prononcer sur un texte dont on ne connaît pas la teneur ? Rappelons-le : nous dénonçons non seulement le coeur froid de la droite, mais une atteinte à nos principes constitutionnels. La loi provoquera en effet une rupture caractérisée du principe d'égalité devant les charges publiques, méconnaissant ainsi l'article 13 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen.

Le Conseil constitutionnel, garant du respect du bloc de constitutionnalité, a invoqué cet article chaque fois que la collectivité entendait faire peser, au nom de l'intérêt général, des charges particulières sur une catégorie de citoyens ou d'administrés. Or comment nier que la suppression complète de la profession d'avoué fait peser une telle charge sur les salariés concernés ? Dans sa décision n° 2000-440, le juge constitutionnel exigeait non seulement une juste indemnisation des salariés, mais aussi l'existence de possibilités de reclassement. Une telle jurisprudence expose le projet qui nous est soumis à la censure du Conseil constitutionnel.

À cet égard, il n'est pas responsable de renvoyer à un décret le soin de préciser « les modalités de désignation et de fonctionnement du fonds d'indemnisation », « les modalités de reclassement des avoués et de leurs collaborateurs » ou « du sort de la bourse commune ». Ce sont autant d'aveux d'incompétence du législateur, qui aurait dû poser lui-même les garanties de nature à protéger les salariés menacés.

Enfin, la brutalité de la réforme risque de coûter cher au service public de la justice autant qu'aux justiciables. Le Gouvernement a perdu de vue la question essentielle : la réforme apportera-t-elle un progrès au justiciable ?

Les risques de dysfonctionnement sont bien réels. Plusieurs voix se sont fait entendre pour alerter le Gouvernement sur l'impréparation de la réforme. Manuel Ducasse, vice-président de la conférence des bâtonniers, l'a mis en garde contre une réforme trop vite engagée. Le projet ne tient aucunement compte des contraintes technologiques qu'elle implique. En effet, il ne suffit pas de déclarer la nécessité de dématérialiser des actes de procédure. Ni les avocats ni les greffes n'y sont techniquement préparés à ce jour. Une telle précipitation pourrait se traduire par de graves dysfonctionnements, par une perte de temps et par une surcharge de travail pour les greffes.

Pour les justiciables, la réforme aura également un impact négatif. Le coût des procédures d'appel risque de s'élever, alors que l'objectif du Gouvernement était au contraire de les faire baisser. À l'entendre, le recours obligatoire à l'avoué, dont les émoluments s'ajoutent aux honoraires de l'avocat, est mal perçu par les justiciables. En supprimant la profession d'avoué et en les plaçant face à un professionnel unique, il voudrait faire baisser les coûts qu'ils supportent. Mais l'argument ne résiste pas à l'analyse. Les sommes aujourd'hui perçues par les avoués le seront demain par les avocats – à cette différence près que les honoraires appliqués par les avocats seront libres, alors qu'aujourd'hui, dans un souci d'égalité sociale, ils sont réglementés.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Michel Clément

La libéralisation des honoraires conduira mécaniquement à une flambée des tarifs. Ce fut le cas avec les commissaires-priseurs dont les honoraires ont augmenté de près de 80 % à la suite d'une réforme comparable. En outre, le financement de la réforme pèsera exclusivement sur les justiciables, alors qu'elle est censée leur profiter.

Les indemnisations versées aux avoués comme à leurs salariés seront en effet financées par une taxe payée par les justiciables. On nous dit que le projet de budget en fixera le montant. Mais ni l'assiette ni le taux de cette taxe ne sont connus. Nous avons entendu parler de 88 euros, puis de 350 euros. Jusqu'où ira-t-on ? Nous ne le savons pas. Ce que nous savons, c'est qui paiera.

Finalement, c'est l'État qui retire tous les bénéfices cette affaire : en fiscalisant la plus-value résultant de la suppression des offices pour fait du prince, il va prélever un impôt sur les avoués expropriés, et il fait supporter aux justiciables, en fait aux seuls appelants, la charge de l'indemnisation, puisque c'est une taxe qu'ils paieront qui abondera le fonds d'indemnisation. Ainsi le coût de cette réforme commode pour le Gouvernement sera supporté par les justiciables.

Au surplus, cette décision risque de porter atteinte aux droits de la défense. Derrière cette réforme, se cache en réalité la volonté d'écarter la présence de l'avocat devant le magistrat. Allons-nous vers la conduite interactive du procès ? Allons-nous vers des audiences par vidéoconférence ? L'hypothèse a été envisagée, mais les articles 432 et suivants du code de procédure civile attestent toujours l'importance de la parole. On ne saurait, au nom de l'efficacité et de la modernité, recourir à une technique vidéo au risque de déshumaniser le procès.

L'exposé des motifs du projet de loi sacrifie à cette modernité techniciste sans prendre conscience de ses limites. Quid de la présence du plaideur qui veut entendre et voir son procès ? Ce n'est pas l'ordinateur qui plaidera, c'est l'être humain. Il faut juger les affaires humaines, humainement, tout en conjuguant les moyens nouveaux et les relations interpersonnelles, relevait à juste titre le professeur Croze dans un récent article.

La disparition de l'avoué préfigure une réforme beaucoup plus profonde, au nom d'une prétendue efficacité dans l'organisation, qui laisserait de côté d'abord ceux qui instrumentalisent la procédure, puis les plaideurs, et enfin le justiciable.

C'est là une nouvelle illustration de la crise qui affecte la production de lois. Parce que le Gouvernement est sommé de faire vite, parce que la consultation et la réflexion sont à ses yeux une pure perte de temps, les projets de loi sont votés à la chaîne et nourrissent une inflation législative qui dissimule mal la réalité : l'action de ce Gouvernement est inefficace. Non seulement l'objectif affiché ne sera pas atteint, mais l'application de cette loi provoquera de nombreux dysfonctionnements du service public de la justice, sans compter qu'elle ouvre la voie à une atteinte beaucoup plus profonde aux droits du justiciable.

Pour toutes ces raisons, je vous appelle à voter la motion de rejet préalable. Notre responsabilité de représentants de la nation nous impose de penser la loi et, en conséquence, de refuser d'enregistrer la volonté capricieuse de l'exécutif. Je crains, hélas, que la logique du fait majoritaire ne l'emporte encore une fois sur cet impérieux devoir. Au moins l'opposition aura-t-elle joué son rôle en exhortant la majorité à ne pas méconnaître les principes de valeur constitutionnelle qui sont les fondements de notre République. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Debut de section - PermalienPhoto de Maurice Leroy

La parole est à M. Jean-Marie Bockel, secrétaire d'État à la justice.

Debut de section - PermalienJean-Marie Bockel, secrétaire d'état à la justice

Monsieur Clément, Mme la garde des sceaux a déjà répondu par avance dans son discours à certains arguments que vous développez dans votre plaidoyer. Je reviens sur quelques éléments.

D'abord, vous le savez, la directive « services » est applicable aux avoués : leur activité ne participe pas de l'exercice de l'autorité publique…

Debut de section - PermalienJean-Marie Bockel, secrétaire d'état à la justice

… que vise l'article 45 du traité instituant la communauté européenne. Ce n'est guère contestable.

Debut de section - PermalienJean-Marie Bockel, secrétaire d'état à la justice

Leur mission est de représenter les parties devant les cours d'appel, dans les contentieux civils pour lesquels la représentation est obligatoire. Or la Cour de justice des communautés européennes a jugé, dans un arrêté déjà ancien du 21 juin 1974, que l'activité de représentation et de défense en justice ne relève pas de l'article 45.

De surcroît, la réglementation et l'organisation de la profession d'avoué sont incompatibles avec les dispositions de la directive « services » sur la liberté d'établissement des prestataires. C'est vrai en particulier du régime d'autorisation et notamment de la limitation du nombre des offices : la directive n'envisage la possibilité de limiter le nombre d'autorisations pour une activité donnée qu'en raison de la rareté des ressources naturelles ou des capacités techniques utilisables. Et le système des offices n'est pas compatible avec les articles 12 et 13 de la directive sur la sélection entre plusieurs candidats et les procédures d'autorisation.

Quant à la concertation, que vous jugez insuffisante (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe SRC), elle a été engagée en juin dernier, dès l'annonce de la réforme avec les représentants des avoués et de leurs salariés, grâce à la mission confiée à Michel Mazard, avocat général auprès de la Cour de cassation, qui les a rencontrés pendant plusieurs mois dans toute la France. De cette écoute, nous nous sommes inspirés pour faire évoluer le projet initial. Depuis quelques mois, avec Mme la garde des sceaux, nous avons accéléré le rythme de la concertation, en commission et dans d'autres circonstances. Vous avez pu constater que cette concertation était fructueuse aux évolutions du projet initial. Les avancées qu'a fort bien évoquées le rapporteur peuvent être reconnues par la profession.

D'autre part, ce projet s'inscrit dans une volonté globale du Gouvernement, qui se traduit par le fait que la procédure d'appel sera réformée en parallèle. La dématérialisation des procédures devant les cours d'appel, dont vous vous êtes inquiété, progressera avec la postulation électronique pour rendre la justice non pas expéditive, mais plus rapide, conformément à l'attente des justiciables. Vous avez présenté cette démarche de manière un peu caricaturale, car la procédure sera mise en oeuvre de façon très progressive entre 2011, date de la fin de la période de transition, et 2013 : les cours d'appel auront le temps de s'organiser. Que je sache, pour la réforme de 1971, quand il n'était pas encore question de dématérialisation, les professions, les cours d'appel et les justiciables en ont eu la possibilité.

Par ailleurs, le Gouvernement a été attentif au devenir des avoués. Comme l'a rappelé la garde des sceaux, il a prévu une indemnisation au niveau qui convient et pris en compte d'autres demandes sur l'aménagement de la période transitoire, l'octroi d'une avance de 50 % avant même la fusion, ou le remboursement des emprunts en cours. Selon vous, des avoués devraient repartir de zéro. Mais, dans les ultimes propositions, l'indemnisation de la valeur de l'office est fixée à 100 %, soit bien plus que les 50 % accordés aux commissaires-priseurs lors de la réforme de 2000, ou que les 65 % accordés aux courtiers interprètes. Et si les avoués qui ne prendront pas leur retraite décident d'opérer une reconversion professionnelle, ils ne partiront pas de rien. Ils ont déjà une formation, une expérience qui a une valeur, une pratique de différentes missions, outre celles prévues par le monopole ; ils bénéficieront de l'avance de 50 %, et des possibilités leur sont offertes dans des professions voisines, pas seulement celle d'avocat.

S'agissant des salariés, vous ne connaissiez peut-être pas, lorsque vous avez rédigé votre intervention, le dispositif présenté par la garde des sceaux, qui est aussi le fruit du dialogue comme on l'a évoqué en commission, et qui s'est poursuivi depuis avec la volonté d'améliorer leur situation. Il constitue un progrès notable pour la prise en compte de l'ancienneté, non seulement dans l'étude mais dans la profession. Bien entendu, il y a également des passerelles pour les salariés, en fonction de leurs diplômes, vers les autres professions juridiques, et vers la fonction publique avec la création de 380 postes dans les greffes. Pour d'autres – et certains ont déjà commencé une reconversion professionnelle – un dispositif spécifique sera mis en place dans chaque cour d'appel pour offrir un accompagnement personnalisé dans la formation et la recherche d'emploi, voire d'un soutien financier de l'État à la création d'entreprise. Dans tous les cas, cette démarche sera adaptée aux situations personnelles.

Vous évoquez le coût pour les justiciables. Les montants que vous citez, y compris les plus élevés, sont inférieurs au coût moyen des services d'un avoué en appel. La situation du justiciable ne sera donc en rien plus défavorable, et parler d'une atteinte aux droits de la défense n'est guère raisonnable. D'ailleurs l'expérience montre que les réformes précédentes, dont celle évoquée par la garde des sceaux, n'ont pas été préjudiciables aux droits de la défense.

De toute façon, cette réforme était indispensable. La retarder encore n'aurait rien réglé. Nous avons pris le temps nécessaire, jusqu'au dernier moment, pour aboutir à la proposition la plus favorable. Le Gouvernement s'oppose donc à votre motion.

Debut de section - PermalienPhoto de Gilles Bourdouleix

Je voudrais préciser deux aspects et faire une mise au point.

D'abord, M. Clément dit que la taxe passe de 85 euros à plus de 300 euros. Mais il ne dit pas qu'une taxe de 85 euros s'appliquait déjà en première instance, alors que le montant de 300 euros ou plus – ce sera à déterminer – ne sera exigible qu'en appel. C'est normal, puisqu'il s'agit d'une réforme de la procédure d'appel.

Ensuite, l'article 14, relatif à l'indemnisation des salariés, a été rejeté en commission la semaine dernière à l'unanimité des présents, de tous les groupes. Même si, en fonction de l'ancienneté, nous n'avons pas atteint les montants fixés en 2000 lors de la réforme des commissaires-priseurs, nous sommes bien loin des indemnités prévues dans la convention collective et même des indemnités légales, puisqu'il est prévu le double : ainsi, pour vingt ans d'ancienneté, les indemnités étaient de cinq mois de salaire dans la convention collective et elles seront de 11,33 mois. Et, pour les plus anciens, les montants sont importants : avec quarante ans d'ancienneté, l'indemnité sera de trente-quatre mois de salaire. Certes, ils arrivaient à l'âge de la retraite et n'auront pas à se reclasser. Mais cette indemnité leur permettra d'assumer le traumatisme que représente la fin de leur profession.

Je conclurai par une mise au point. Monsieur Clément, vous avez rappelé que, la semaine dernière, à l'issue des débats en commission, j'avais déclaré que je ne voterais pas ce projet de loi. Évidemment, il s'agissait du texte tel que nous le connaissions alors. D'ailleurs, je peux même vous confier que, ce matin, en me rasant, je pensais que je ne voterais pas le projet de loi en l'état. Seulement, depuis, il y a eu d'importantes évolutions que Mme la ministre d'État a énumérées, en particulier en ce qui concerne l'indemnisation des avoués, et des efforts ont été consentis à l'égard des personnels, tant en matière d'indemnités que de reclassement. Ainsi, la création de 380 postes représente un effort budgétaire extrêmement important qui n'est pas seulement ponctuel, comme le montant consacré aux indemnités, mais qui doit être reconduit année après année. Certes, on peut toujours demander qu'une indemnité soit augmentée, mais l'effort pérenne fait en termes d'emplois me semble plus important.

Debut de section - PermalienPhoto de Maurice Leroy

Nous en venons aux explications de vote sur la motion de rejet préalable.

La parole est à M. Philippe Gosselin, pour le groupe UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Gosselin

Notre collègue Jean-Michel Clément évoque, à juste titre, certains principes à valeur constitutionnelle, comme le droit de propriété. Je me réjouis de voir le droit de propriété défendu avec autant de fougue sur les bancs où il siège. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de George Pau-Langevin

Le droit de propriété est inscrit dans la Déclaration des droits de l'homme !

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Gosselin

Je n'ai pas le sentiment que vous l'ayez toujours défendu de la même façon, mais je prends acte de votre position. Vous progressez et, avec mes collègues de la majorité, nous nous en réjouissons.

Le droit de propriété nous tient particulièrement à coeur, à nous aussi. C'est pourquoi nous nous sommes battus jusqu'à ce matin avec le Gouvernement, dans un dialogue constructif, pour obtenir une juste indemnisation. Nous avons donc entendu avec beaucoup d'intérêt l'annonce judicieuse faite par Mme la ministre d'État relative à l'indemnisation à 100 %. Il s'agit d'un élément concret et important.

La situation des personnels tracassait l'ensemble des membres de la commission des lois, au-delà des députés UMP. Il n'était pas possible de laisser 1 800 personnes sur le carreau en les faisant passer par pertes et profits. Sur ce point aussi, je note que des progrès considérables ont été accomplis puisque près de quatre cents postes de catégories A, B, voire C, seront ouverts. L'ensemble des situations a donc été pris en compte au mieux.

En conséquence, le groupe UMP ne pourra évidemment pas voter la motion de rejet préalable.

Debut de section - PermalienPhoto de Maurice Leroy

La parole est à M. Dominique Raimbourg, pour le groupe SRC.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Raimbourg

Je voudrais vous faire part de six observations qui justifient que nous votions la motion de rejet préalable.

Une première observation porte sur une question de forme puisque nous apprenons à la dernière minute que des modifications seront apportées au projet de loi – même si tout le monde peut se réjouir des annonces faites ce matin et des avancées relatives aux salariés.

Le rapporteur nous a indiqué qu'il s'était rasé aujourd'hui en pensant voter contre le projet et qu'à midi il avait décidé de voter pour. Cela prouve, d'une part, que ce texte n'était pas prêt, et, d'autre part, qu'avant ces dernières semaines nous en étions au niveau zéro de la concertation.

Une deuxième observation porte sur la situation des salariés. Certes, elle a évolué, mais nous n'avons que peu de précisions sur la façon dont ils seront traités.

Par ailleurs, troisième observation, nous n'avons aucune visibilité en ce qui concerne les décrets d'application. M. le secrétaire d'État nous indique qu'une cellule de reclassement aidera les salariés, cour d'appel par cour d'appel, mais ces précisions ne figurent pas dans le projet de loi, et nous ne savons pas exactement ce qui se passera. On nous indique encore que 380 postes seront créés et nous nous en réjouissons, mais quand ces créations auront-elles lieu ? Comment les salariés des avoués seront-ils formés au travail de procédure des greffes qui est différent de leur métier actuel ? Comment seront-ils répartis ? De tout cela, nous ne savons rien.

Quatrièmement, l'indemnisation de la charge doit se faire à 100 %, mais qu'en est-il de l'indemnisation du préjudice effectivement subi par les avoués en raison de leur perte de revenus ? Nous ne savons pas comment les choses évolueront dans le temps.

Une cinquième observation concerne l'intérêt général, dont il faut se préoccuper au-delà des intérêts catégoriels –sur ce point, madame la ministre, vous avez raison. Comment la justice fonctionnera-t-elle demain ? Un « branchement électronique » existe actuellement entre les cours d'appel et les 440 offices d'avoués. Comment le lien se fera-t-il avec les 50 000 cabinets d'avocats ? Comment cette technique, mise au point au prix d'efforts financiers et d'une mobilisation de la part de l'administration et des offices d'avoués, fonctionnera-t-elle dans le futur ?

Une dernière observation porte sur le coût de cette réforme pour le justiciable qui sera désormais redevable d'une taxe. D'ores et déjà, avec habileté, les avocats montent au créneau : évidemment, selon eux, le travail effectué en remplacement des avoués devra être payé et ils évoquent un coût unitaire de 800 euros par procédure d'appel. Autrement dit, la réforme ne se traduira pas par une baisse des coûts pour le justiciable.

Ces six observations concernent tant la forme que la défense des intérêts des professionnels en cause ou encore l'intérêt général. Elles nous amènent à appeler à voter la motion de rejet préalable. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Dolez

Notre groupe votera la motion de rejet préalable présenté par notre collègue Jean-Michel Clément. En effet, nous considérons que cette réforme, si elle était appliquée, serait lourde de conséquences aussi bien pour le justiciable et le fonctionnement de la justice, que sur le plan financier et social.

À vrai dire, madame la ministre, nous considérons que cette réforme n'est pas opportune. Aucune des raisons que vous avez avancées ne justifie la suppression de la profession d'avoué. Monsieur Bockel, cette suppression ne répond pas à une exigence européenne. À supposer que la directive « services » soit applicable – la question mérite un véritable débat mais, pour ma part, je considère qu'elle ne l'est pas –, elle ne remettrait pas en cause l'existence de la profession. Elle nous obligerait seulement à prévoir des aménagements aux conditions d'accès à celle-ci. J'en veux pour preuve que l'Espagne et le Portugal, où existent des professions comparables à celle de nos avoués, ne se sont nullement engagés sur la voie de leur suppression.

Par ailleurs, je constate que le projet de loi ne remet pas en cause la postulation, ce qui est heureux, alors qu'il supprime la profession d'avoué qui en est pourtant l'essence même. L'étude d'impact publiée en annexe du projet de loi reconnaît d'ailleurs que : « Les avoués sont de très bons connaisseurs de la procédure d'appel et de la jurisprudence de leur cour. Ce sont des interlocuteurs utiles pour les chefs de cour, par exemple, dans le cadre de la mise en oeuvre de la communication électronique. » Finalement, alors que la postulation n'est pas remise en cause et que le rôle des avoués est salué, on vient supprimer leur profession ! Vous avouerez que cela est difficile à comprendre et à accepter.

Les avoués sont utiles, leur rôle est reconnu par les chefs de cour et par de très nombreux avocats. Les acteurs de la vie judiciaire, dans leur quasi-totalité, sont attachés à la postulation, dont ils soulignent la nécessité pour une justice de qualité, équitable, efficace, rapide et humaine. Celle-ci ne peut exister que si elle est assurée dans de bonnes conditions et par les bons interlocuteurs, c'est-à-dire, pour ce qui concerne les cours d'appel, par les avoués.

Nous sommes résolument opposés à ce texte et nous voterons la motion de rejet préalable. Nous nous demandons avec beaucoup d'inquiétude si cette réforme n'en annonce pas d'autres qui viseraient à accélérer l'évolution du système judiciaire français et de ses spécificités vers le modèle anglo-saxon, ce que nous condamnons d'avance.

Debut de section - PermalienPhoto de Maurice Leroy

La parole est à M. Olivier Jardé, pour le groupe Nouveau Centre.

Debut de section - PermalienPhoto de Olivier Jardé

Le Nouveau Centre ne remet pas en cause l'objet de cette réforme. Toutefois, nous exprimerons tout à l'heure plus longuement nos interrogations sur plusieurs points.

Le délai de un an prévu pour l'entrée en vigueur de la réforme nous semble court. En effet, il faudrait tenir compte des particularités de la procédure d'appel, mais aussi de la période de transition entre le statut d'avoué et celui d'avocat pour les jeunes avoués touchés par la réforme.

Le droit de présentation, qui est un droit patrimonial, doit être indemnisé. Je remercie Mme la garde des sceaux de l'avoir précisé. Toutefois, les méthodes de calcul doivent être très claires. Selon nous, il faut impérativement retenir le mode de calcul des offices ministériels, dit produit demi-net, déjà appliqué en 1971.

L'indemnisation doit-elle être versée à l'avoué ou à sa société ? Pour le Nouveau Centre, elle doit revenir en totalité à l'avoué et ne pas être fiscalisée.

Les jeunes avoués subiront un préjudice de carrière : il devra être totalement pris en compte.

Enfin, il ne faut pas oublier le personnel à la fois dévoué et très compétent des offices d'avoués. Or, dans le projet de loi, l'indemnisation est limitée à 27,33 années. Pourquoi ne pas tenir compte de la totalité des carrières ?

Debut de section - PermalienMichèle Alliot-Marie, ministre d'état, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés

C'est déjà prévu : il y a eu déplafonnement !

Debut de section - PermalienPhoto de Olivier Jardé

Nous ne voterons pas la motion de rejet préalable, mais nous serons très attentifs aux débats sur le projet de loi.

(La motion de rejet préalable, mise aux voix, n'est pas adoptée.)

Debut de section - PermalienPhoto de Maurice Leroy

J'ai reçu de M. Jean-Marc Ayrault et des membres du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche une motion de renvoi en commission déposée en application de l'article 91, alinéa 6, du règlement.

La parole est à M. Jacques Valax.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Valax

Monsieur le président, madame la garde des sceaux, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, j'ai l'honneur de présenter cette motion de renvoi en commission sur un texte dont tout le monde s'accorde à reconnaître le caractère inopportun, mal préparé, réducteur, bref, inutile et insatisfaisant.

Il ne m'appartient pas de me prononcer sur les motivations véritables du Gouvernement lorsque ce projet de loi a été mis en chantier, mais je veux d'ores et déjà stigmatiser l'absence de calme, de concertation et de discussions qui a présidé au premier contact entre la chancellerie et les professions d'avoués et de salariés d'avoués.

Aujourd'hui, ce texte suscite les plus grandes inquiétudes de la part de l'ensemble des professionnels concernés. Il entraîne des conséquences sociales pour l'avenir de 2 500 personnes, et des conséquences financières qui nous apparaissent aujourd'hui manifestement insupportables pour l'État, à moins, comme le prévoyait le projet de loi initial, que l'on ne veuille spolier une catégorie socioprofessionnelle qui exerçait ses activités sous forme libérale, mais dont l'intervention a permis au service public de la justice de fonctionner normalement jusqu'à ce jour.

Je veux critiquer la genèse de ce projet de loi et la hâte, voire la sauvagerie, avec laquelle la chancellerie a cru pouvoir imposer sa façon de penser. Je parle, madame la garde des sceaux, d'une période aujourd'hui révolue, et je salue au passage le sens de la négociation et de la concertation dont vous faites preuve aujourd'hui.

Il n'en reste pas moins qu'un certain nombre de reproches demeurent justifiés. Je rappelle, tout d'abord, qu'aucune étude d'impact n'avait été prévue. Ce n'est que parce que la chambre nationale des avoués est intervenue que le projet de loi est finalement précédé de ce document prévu par la loi organique relative à l'application de l'article 39 de la Constitution.

Cette étude d'impact, rédigée à la hâte par les services de la chancellerie, est loin de présenter les garanties d'objectivité et d'exhaustivité que l'on était en droit d'attendre avant l'examen d'un texte qui, dans un contexte fortement marqué par la progression du chômage, supprime 235 entreprises et l'emploi de 1 800 salariés. Du reste, elle fit l'objet, dès sa publication, d'une critique sévère, mais objective, de la chambre nationale des avoués près les cours d'appel, qui a rappelé certaines vérités, que je cite très rapidement et qui sont au nombre de huit.

Cette étude d'impact dénature le champ réel de l'activité des avoués, en mettant l'accent sur des possibilités offertes par la réglementation qui n'ont jamais été mises en oeuvre par les avoués.

Elle laisse entendre à tort que les revenus des avoués ont fortement progressé à partir de 2003 du fait de la forte réévaluation du tarif, ce qui ne correspond en rien à la réalité.

Elle justifie le principe de la réforme non seulement par la nécessité de moderniser la justice et de faciliter l'accès au juge d'appel, mais aussi par les exigences posées par le droit européen, ce qui est tout à fait erroné.

La réforme ne rendra pas l'accès au juge moins coûteux et plus simple pour la majorité des justiciables, dont les plus modestes.

La programmation d'une période transitoire de un an, prétendument à l'avantage des avoués, est totalement insuffisante pour permettre à ces derniers de se reconvertir dans la profession d'avocat et de tenter de se constituer une clientèle, sachant qu'ils devront, au cours de la même année 2010, poursuivre leur activité et liquider leurs études.

Loin d'améliorer le fonctionnement de la justice d'appel, la réforme proposée par le Gouvernement risque, du fait du calendrier retenu, de désorganiser totalement le fonctionnement des cours d'appel, dès lors que la plupart des avocats se trouveront dans l'incapacité de communiquer leurs dossiers d'appel dans les formes requises à partir du 1er janvier 2011.

S'agissant des avoués, l'indemnisation prévue par le projet de loi, qui se limitait – puisque ce point a fait l'objet d'amendements – à la prise en compte de 66 %, dans un premier temps, puis de 92 % de la valeur du droit de présentation des études, méconnaissait tant les exigences constitutionnelles que les conventions internationales signées par la France. Je reviendrai sur l'indemnisation à hauteur de 100 % proposée aujourd'hui.

Alors que la suppression de leur emploi serait la conséquence directe d'une décision de l'État, les salariés des études d'avoués et leurs instances professionnelles se voient proposer une indemnisation et des possibilités de reclassement manifestement insuffisantes.

Ces critiques adressées à l'étude d'impact par les professionnels sont aujourd'hui avérées et demeurent d'actualité. Entre-temps et pendant de nombreux mois, plus aucun contact n'a été pris par la chancellerie avec les professionnels, bien que Mme Rachida Dati, alors ministre de la justice, ait annoncé, non sans une certaine brutalité, la suppression de la profession d'avoué à compter du 1er janvier 2010, dans le cadre d'un projet de réforme visant à simplifier l'accès à la justice en appel.

À ce moment-là, différents mouvements furent organisés par les professionnels concernés par cette étrange mesure et les premières questions commencèrent à être posées par les parlementaires, toutes origines politiques confondues. L'essentiel de ces questions consistait à rappeler que, au moment où notre pays traverse une crise sociale et économique sans précédent, il paraît inopportun qu'une telle réforme, dont le coût social et budgétaire est évident, soit ainsi menée dans l'urgence.

C'est dans ces conditions de rapidité absolue et d'impréparation manifeste que le projet de loi portant fusion des professions d'avocat et d'avoué près des cours d'appels était déposé au mois de juin 2009 devant la commission des lois. Il était in fine rappelé que, pour faciliter la transition professionnelle des avoués, la fusion interviendrait au 1er janvier 2011, tout en laissant la possibilité à ces derniers d'exercer simultanément la profession d'avocat dès le 1er janvier 2010. Il était également rappelé, avec une délicatesse non feinte, que, puisqu'il convenait que le fonctionnement des cours d'appel ne soit pas affecté par l'extension à tous les avocats de leur ressort de la faculté de s'adresser à elles, l'introduction de l'instance par voie électronique devant ces juridictions serait rendue obligatoire par voie réglementaire. Or rien n'est dit sur les moyens affectés à la mise en oeuvre réelle de cette généralisation de l'instance par voie électronique.

Tel est donc le texte dont nous sommes aujourd'hui saisis et dont le groupe SRC demande le renvoi en commission.

Avant d'examiner les risques – car il s'agit bien de risques – qu'entraînerait l'application immédiate de ce texte, dont l'impréparation a été dénoncée par tous, je voudrais souligner un point particulier, qui est loin d'être neutre et négligeable.

Si le fondement de la décision de supprimer les avoués était bien, comme cela a été dit, la diminution des coûts de justice, le groupe auquel j'appartiens aurait pu être sensible à l'argumentation. Hélas, il n'en est rien. En effet, on s'aperçoit que les seules personnes satisfaites de cette disparition programmée des avoués sont les avocats – et il ne s'agit pas ici pour moi de renier la profession à laquelle j'ai appartenu pendant près de trente ans –, lesquels viennent d'indiquer très clairement qu'ils souhaitaient que les tarifs de la postulation soient revus et qu'une rémunération spécifique soit appliquée pour la postulation devant la cour d'appel.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Valax

Il apparaît même, si l'on étudie les textes déposés par la profession d'avocat, que les tarifs sollicités par ces derniers seraient sensiblement supérieurs à ceux pratiqués aujourd'hui par les avoués. Autrement dit, les seuls qui seraient satisfaits de la suppression de la profession d'avoué viennent solliciter pour eux-mêmes un avantage financier, avantage à cause duquel on a supprimé la profession d'avoué.

Nous sommes donc confrontés à une situation absolument invraisemblable, madame la ministre, puisque, aux 220 avoués insatisfaits que vous allez supprimer, on risque de substituer un groupement de 48 000 à 50 000 avocats désireux de faire valoir leurs droits et leurs exigences.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Valax

On ouvre ainsi la boîte de Pandore. Il s'agit objectivement d'un point très sensible.

Quant aux mécontents, ils sont nombreux et ils ont peut-être raison de l'être.

La chambre nationale des avoués – je l'ai déjà dit et je le répète – juge ce projet de loi à la fois prématuré, inconstitutionnel, non respectueux des conventions internationales, porteur, au plus mauvais moment, d'une aggravation sensible du chômage – nous parlons de 1 800 salariés – et contraire à l'objectif affiché de diminution du coût de la justice.

L'association des jeunes avoués – l'AJA – et l'association syndicale des avoués dénoncent les conditions détestables de la réforme. Sur le principe, ces associations considèrent que ce projet de loi impréparé est susceptible de nuire à l'organisation judiciaire et qu'il est mortifère pour le personnel. À ce sujet, on ne peut que redouter l'impact psychologique que l'application aussi brutale d'une réforme elle-même très brutale risquerait d'avoir sur le personnel salarié. Je ne veux effectuer ici aucun parallèle avec le personnel de France Télécom (Murmures sur les bancs du groupe UMP), mais il apparaît que les mesures de réorganisation brusques et non concertées sont susceptibles d'être à l'origine de problèmes psychologiques dont le Gouvernement lui-même reconnaît, lorsqu'il s'agit de France Télécom, qu'ils sont inadmissibles et graves pour l'équilibre individuel des salariés de l'entreprise.

Ces deux associations syndicales estiment qu'elles sont victimes d'une spoliation, ce qui est manifestement le cas. Nous ne pouvons l'accepter.

L'association nationale du personnel des avoués non syndiqués – l'ANPANS –, qui juge ce projet de loi particulièrement lacunaire et rappelle que seuls quelques articles – notamment l'article 14, qui a du reste été supprimé par la commission lors de sa dernière réunion – concernent les salariés, a raison d'exprimer de vives inquiétudes quant à l'avenir du personnel.

Cette réforme, dictée, nous dit-on, par le souci de simplifier les procédures et de moderniser, pouvait être envisagée sur une période d'une dizaine d'années, à condition d'être intégrée dans le cadre d'une réforme globale de l'organisation judiciaire. Tel n'est pas le cas, et nous ne pouvons que le regretter. C'est une raison supplémentaire qui nous amène à demander le renvoi de ce texte en commission.

J'en viens maintenant très rapidement aux quelques arguments que nous connaissons, les uns et les autres, et qui confirment, une fois encore, le fait que cette réforme est manifestement hâtive et insuffisamment préparée.

Celle-ci n'était pas rendue nécessaire par des contraintes européennes, contrairement à ce qui a été indiqué.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Valax

En effet, n'en déplaise à la chancellerie, la transposition de la directive « services » n'impose aucune réforme de la profession d'avoué. Jacques Toubon lui-même – que vous connaissez mieux que moi – assure que cette directive exclut les avoués de son champ d'application. Dès lors, aucun caractère d'urgence n'existait.

Par ailleurs, on peut se demander si cette réforme n'est pas l'arbre qui cache la forêt. Je m'explique. De nombreuses réformes de la justice ont été programmées, au premier rang desquelles figurait la collégialité de l'instruction,…

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Valax

…dont on nous disait qu'elle dépendait de la réforme de la carte judiciaire. Ainsi, on a cru que les pôles de l'instruction seraient créés au 1er janvier 2010, puisque c'est la date qui avait été annoncée. Or nous attendons toujours leur mise en place, comme nous attendons toujours une véritable réforme de la postulation. En réalité, le monde judiciaire demeure statique ; on ne constate aucune évolution. Aussi, pour pouvoir affirmer que l'on agit, on sacrifie une profession. Mais cette action est, sinon maléfique – le mot est un peu trop fort –,…

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Valax

…du moins maladroite et injustifiée.

Enfin et surtout, cette réforme brutale va être lancée sans que les instruments techniques et informatiques ni la formation de nouveaux personnels soient au point. Comme nous l'avons rappelé, les avoués sont les seuls à utiliser une communication électronique dite structurée avec les greffes et les cours d'appel. Celle-ci est confidentielle et se distingue d'un courriel habituel par le fait que les données échangées ne nécessitent aucun traitement de la part du greffe. L'adoption du projet de loi conduira nécessairement à l'abandon de cette technologie, qui vient pourtant d'être développée par les avoués.

Selon un rapport du groupe UMP de l'Assemblée nationale de janvier 2009, dit « rapport Copé », cette réforme impliquerait que la chancellerie demande aux avocats de se doter du système de communication électronique avec les cours d'appel dont sont équipés actuellement les avoués et dont le coût serait d'environ 30 000 euros par cabinet d'avocat. Les avocats n'y semblent pas prêts, pour des raisons autant financières que psychologiques et techniques.

En outre, les cours d'appel ne sont pas prêtes, en termes techniques et humains, à la généralisation de la dématérialisation. Sur ce point particulier, il eût été important d'attendre et de mettre en place une réforme globale et cohérente de l'organisation judiciaire. J'ajoute que, si les avoués étaient indemnisés de l'intégralité de leurs préjudices – et l'on ne peut accepter qu'il en soit autrement –, le coût total de la réforme serait de l'ordre de 900 millions d'euros.

J'entends bien qu'il s'agit d'une décision du Gouvernement. Le Président Sarkozy a, dit-on, l'intention de supprimer la moitié des élus français afin de réaliser une économie substantielle de 70 millions d'euros. Il est d'autant plus étonnant de constater qu'aujourd'hui vous décidez hâtivement, abusivement et péremptoirement de supprimer 220 études d'avoué, ce qui va entraîner une dépense de 900 millions d'euros ! J'ai demandé ce matin au président de la commission des lois qui allait financer cette somme exorbitante.

Par ailleurs, l'indemnisation va finalement s'élever à 100 % de la valeur de la charge d'avoué. Si c'est bien le minimum que les avoués étaient en droit d'attendre, rien n'a été dit au sujet de la fiscalité et des préjudices annexes, notamment celui de devoir renoncer, du jour au lendemain, à une profession choisie de longue date. Quid, enfin, de la reconversion des jeunes avoués qui, après avoir décidé de se lancer par passion dans cette profession, s'en voient brusquement écartés ?

J'ai beaucoup parlé des études d'avoué mais rassurez-vous, je n'oublie pas que je suis un élu de gauche, et j'ai bien l'intention d'évoquer le sort des salariés d'avoués, un point qui constitue pour nous une cause dirimante de refus d'accepter ce texte. En effet, rien n'a été dit, rien n'a été fait, ou si peu, pour les salariés. Si l'article 14 du projet de loi a été retiré, à ce jour le Gouvernement n'a concrétisé par écrit aucune des propositions qui ont été avancées oralement.

Les défenseurs de la profession, nombreux aujourd'hui sur les bancs de l'UMP, semblent d'ailleurs s'intéresser davantage aux avoués eux-mêmes qu'à leurs salariés – je le dis sans esprit de polémique. Sans aller jusqu'à dire que vous avez fait passer le taux d'indemnisation de 90 % à 100 % par solidarité de classe (Protestations sur les bancs du groupe UMP),…

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Gosselin

C'est injurieux ! Vous-même, n'êtes-vous pas avocat, maître ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Valax

…je constate que vous n'avez pas été tellement sensibles aux préoccupations des salariés, qui demandaient une indemnisation portant sur 30 mois. Or le texte initial de l'article 14 prévoyait une indemnisation à hauteur de 14 mois ; si l'on se réfère aux explications très précises qui nous ont été données par Mme la ministre, ces 14 mois ne seront portés qu'à 14,8 ou 15 mois. Et c'est seulement à la condition de disposer de 25 ans d'ancienneté que les salariés pourraient percevoir une indemnité de 16 mois – étant précisé que l'ancienneté moyenne dans la profession est de 16,4 années. Les salariés justifiant de 25 ans d'ancienneté représentent une part infime de la profession : autant dire que vous n'avez rien fait pour les salariés !

Vous parlez de créer 380 postes de greffier mais, compte tenu de la volonté affichée par le Président de la République de supprimer des postes de fonctionnaires, j'ai du mal à croire que cette mesure sera effectivement reconduite chaque année durant dix ans, comme vous le dites. Il faudrait en tout état de cause qu'elle le soit au moins pendant cinq ou six ans pour intégrer à la fonction publique les 1 480 salariés d'avoués qui vont perdre leur emploi.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Valax

C'est bien ce que je dis : au rythme de 380 postes de greffier par an, il faudra que cette mesure soit reconduite au moins cinq ans pour recaser les 1 850 salariés d'avoués.

Par ailleurs, la question de la conservation des acquis va nécessairement se poser pour les ex-salariés d'avoués. En devenant salariés d'avocats, ils continueront à bénéficier de leur convention collective. Mais soyons réalistes – j'ai été avocat, je sais de quoi je parle –, à compétences égales, un avocat préférera toujours embaucher un salarié à 1 500 euros nets plutôt qu'un autre qu'il serait obligé de rémunérer 1 800 euros, du fait de l'application d'une convention collective. Il ne faut pas nous prendre pour des demeurés : les salariés d'avoués, dont le salaire est au-dessus de la moyenne, ne retrouveront pas facilement un poste présentant les mêmes avantages au sein d'un cabinet d'avocats ou ailleurs. Il ne leur restera donc que la possibilité d'intégrer le statut de la fonction publique, ce qui impliquera nécessairement une baisse de leur rémunération. La profession est donc sacrifiée.

Il me semble que nous n'avons pas suffisamment évoqué les avantages auxquels peuvent prétendre les 1 850 salariés concernés, ce qui constitue une raison supplémentaire de renvoyer ce texte en commission.

En conclusion, sans pour autant s'opposer à une réforme de l'organisation judiciaire dans sa globalité, dans laquelle la suppression des avoués pourrait avoir toute sa place, cette réforme nous paraît à la fois prématurée, bâclée et insuffisante. L'intérêt du justiciable doit primer sur tout. Parce que l'intérêt du justiciable et l'intérêt des salariés sont des préoccupations fondamentales et essentielles pour nous, nous demandons que ce texte fasse l'objet d'un renvoi en commission. Pour paraphraser ce qu'a dit tout à l'heure M. le rapporteur, ce texte n'est pas juste, tant il marque une vraie différence de traitement entre les employeurs et les salariés.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Valax

À elle seule, cette raison justifie que je demande, au nom de mon groupe, le renvoi de ce texte en commission. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Maurice Leroy

La parole est à M. le rapporteur de la commission des lois.

Debut de section - PermalienPhoto de Gilles Bourdouleix

Nous avons entendu un certain nombre de choses qui ne manquent pas de nous faire réagir très fermement.

Quand M. Valax prétend que le travail en commission a été insatisfaisant, je veux rappeler que le texte a considérablement évolué depuis sa forme initiale, au prix d'un travail important effectué en commission.

Debut de section - PermalienPhoto de Gilles Bourdouleix

Je le répète, un travail important a été accompli, avec une grande écoute de la part de la chancellerie.

Par ailleurs, vous nous avez parlé de sauvagerie. Je ne me demanderai pas s'il y a de bons sauvages, mais je veux cependant rappeler que le rapport Bouchet, commandé par Mme Lebranchu à l'époque où elle était garde des sceaux, soulignait le bien-fondé d'une réforme qui comprendrait la disparition de la profession d'avoué. Visiblement, les positions sur ce point ont quelque peu évolué sur certains bancs – très récemment, d'ailleurs, car lors des auditions, certains de nos collègues du groupe SRC ne m'ont pas paru franchement défavorables à la réforme entraînant la disparition de la profession d'avoué.

Comme je l'ai déjà dit, je peux partager l'idée selon laquelle nous aurions pu prendre un peu plus de temps pour mettre au point une réforme plus globale. Mais cette question est tout de même évoquée depuis deux ans et demi – une période difficile à vivre pour les avoués et leurs salariés – et il me semble que le traumatisme serait encore plus fort si l'on repoussait une nouvelle fois la réforme. À un moment donné, il faut savoir prendre une décision, même si l'on peut regretter certaines de ses conséquences, afin de mettre fin à l'angoisse des personnes concernées.

Entendre dire que nous ne sommes pas préoccupés des salariés,…

Debut de section - PermalienPhoto de Gilles Bourdouleix

C'est même la marque d'une mauvaise foi extraordinaire car, je le rappelle, nous avons voté la suppression de l'article 14 à l'unanimité, considérant que cet article n'apportait pas assez aux salariés. C'est donc dans l'intérêt des salariés que nous l'avons supprimé, et il faut un certain culot pour prétendre le contraire !

En ce qui concerne la directive européenne, je ne suis pas loin de partager votre avis, mais puisqu'une évolution a été décidée, il nous faut désormais avancer dans cette direction. Repousser la réforme ne serait bon pour personne.

Pour ce qui est de l'amendement relatif à l'ancienneté, on ne va peut-être pas aussi loin que certains – y compris moi-même – l'auraient souhaité, mais une avancée considérable a tout de même été accomplie dans ce domaine par rapport à ce qui était prévu initialement.

Quand vous nous expliquez qu'un avocat s'apprêtant à recruter un salarié donnera la préférence à celui qui lui coûtera le moins cher du fait de son ancienneté moindre,…

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Valax

Non ! Du fait de la convention collective à laquelle il est rattaché !

Debut de section - PermalienPhoto de Gilles Bourdouleix

…je suis extrêmement surpris, car l'amendement déposé à l'article 9 par votre groupe vise à ajouter, à la première phrase de l'alinéa 5, après la première occurrence du mot : « avocats », les mots : « les avocats déjà en exercice ». Tout en demandant que les salariés d'avoués bénéficient de leur ancienneté, vous venez nous expliquer que cela sera totalement inopérant ! Je vous expliquerai tout à l'heure que la commission est défavorable à cet amendement, justement parce qu'il reviendrait à favoriser d'autres embauches que celles des anciens salariés d'avoués. Je vois une grande incohérence entre ce que vous venez de dire et le contenu de l'amendement que vous proposez.

Pour conclure sur ce point, je me coucherai ce soir en ayant bonne conscience, en me disant que le travail que nous avons effectué a fait évoluer le texte. Il est facile de venir affirmer en séance – à laquelle assistent des avoués et des salariés d'avoués – que l'on est contre le projet alors que l'on est, en réalité, tout à fait pour, comme on l'a fait savoir en d'autres lieux et d'autres temps. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Il est beaucoup plus honnête, courageux et difficile de faire évoluer le texte dans l'intérêt des avoués et de leurs salariés, pour faire en sorte que la réforme – qui se fera de toute façon – soit la plus acceptable possible. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Maurice Leroy

Nous en arrivons aux explications de vote.

La parole est à M. Jean-Michel Clément, pour le groupe SRC.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Michel Clément

Je veux d'abord dire à Mme la garde des sceaux que nous sommes conscients du fait que l'héritage laissé par Mme Dati est lourd.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Michel Clément

L'état des dossiers que vous avez trouvés à votre arrivée, madame la ministre, explique sans doute les conditions dans lesquelles nous sommes amenés à légiférer. C'est en effet en juin 2008 qu'a été annoncée brutalement la fin d'une profession importante dans l'organisation de notre justice – une suppression décrétée de manière péremptoire et sans aucune concertation préalable avec les professionnels concernés. Cela n'est pas sans rappeler, comme l'a dit tout à l'heure notre collègue Valax, les conditions dans lesquelles la carte judiciaire a été réformée.

Nous vous savons gré d'avoir su faire avancer ce texte jusqu'au dernier moment – puisque certains éléments n'ont été portés à notre connaissance que dans cet hémicycle. Je veux tout de même rappeler les conditions – qui mériteraient presque d'être qualifiées de rocambolesques – dans lesquelles nous avons débattu.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Gosselin

Je ne vois pas ce qu'il y a de rocambolesque là-dedans !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Michel Clément

Je me souviens de la réunion de la commission des lois qui s'est tenue il y a quinze jours, où la majorité a montré un certain embarras, ne voyant pas comment nous allions pouvoir débattre d'un texte dont nombre d'entre vous ne voulaient pas entendre parler !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Michel Clément

Il a fallu une intervention de Mme la garde des sceaux pour qu'il nous soit annoncé, en début d'après-midi, que des avancées pourraient être possibles sur certains points, notamment en matière d'indemnisation des professionnels risquant de se trouver spoliés. Quand nous avons demandé quel sort serait réservé aux salariés, il nous a été répondu qu'il fallait encore réfléchir ; si l'article 14 a été supprimé à l'unanimité, ce n'est donc pas pour les raisons qu'invoque M. le rapporteur.

Pour notre part, nous avions fait des propositions d'indemnisation différentes de celles inscrites dans le projet de loi. On nous a alors répondu qu'il fallait voir, qu'il fallait réfléchir. En fait, nous sommes sortis de la commission des lois sans obtenir de précisions, et nous n'en avons pas plus actuellement sur le contenu des décrets qui vont compléter le texte dont nous débattons.

Autre élément que je voudrais verser pour étayer la demande de renvoi en commission : les moyens électroniques – annoncés comme la panacée et la solution à tout – vont désorganiser complètement la justice. Je crains que, finalement, nous n'allions vers de grandes difficultés au cours des deux ou trois années à venir.

Enfin, pourquoi devons-nous revenir débattre devant cette profession ? Plusieurs rapports ont été commandités qui auraient dû servir à l'élaboration d'une grande loi, au terme d'une réflexion collective sur la réforme de l'organisation de notre justice, en intégrant la place des avoués. Au lieu de cela, on procède par petites touches, sans concertation et sans visibilité quant à l'amélioration du fonctionnement de notre justice, dont tout le monde s'accorde à souligner les insuffisances.

Dans cette situation, nous serions donc bien inspirés de revenir en commission pour reprendre le débat sur les conditions d'une réforme de la procédure civile où les avoués trouveraient toute leur place. C'est pourquoi je soutiens cette motion de renvoi en commission ; toutes les conditions sont loin d'avoir été remplies pour la tenue d'un débat sérieux et serein. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Gosselin

Comme souvent, je note des anathèmes et certains mots qui caricaturent un peu le sujet. Votre qualificatif de rocambolesque est assez rocambolesque et curieux. Nous étions ensemble en commission des lois où, en effet, s'est manifesté un certain trouble, un certain embarras. Je crois que nous étions tous d'accord pour ne pas adopter l'article 14, car nous étions tous conscients de la nécessité d'une juste indemnisation des avoués et d'une juste reconnaissance des situations et des besoins des salariés.

Opposer les avoués et les salariés, sur la base d'arguments de classe, comme vous le faites monsieur Valax, est peu digne de la fonction que vous exercez.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Gosselin

Pour tout dire, c'est une très mauvaise plaidoirie : comme chacun sait, ce qui est excessif est insignifiant ! Les situations des avoués et des salariés sont réellement prises en compte.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Gosselin

On peut effectivement discuter de l'application à la profession d'avoué de la transposition de la directive de 2006, et on peut en douter – je rejoindrai assez facilement notre rapporteur à ce propos.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Gosselin

Il n'empêche que notre réforme se situe dans un cadre plus large : celui de la modernisation de nos institutions judiciaires. Il faut la voir comme une pierre de l'édifice. À un autre moment, la réforme de la carte judiciaire a aussi provoqué quelques grincements de dents ici et là – je peux en témoigner personnellement. C'est un ensemble et le présent texte s'inscrit aussi dans une forme de continuité avec la réforme de 1971.

Certaines de vos arguties qui témoignent plutôt de mauvaise foi me semblent difficilement acceptables. Dans ces conditions, vous comprendrez que le groupe UMP ne votera pas en faveur de la motion de renvoi en commission. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Dolez

Tout à l'heure, j'ai expliqué que notre groupe jugeait cette réforme totalement inopportune, ce qui aurait justifié à notre avis l'adoption de la motion de rejet préalable. Comme cela n'a pas été le cas – nous le regrettons –, nous approuvons la demande du groupe SRC d'un renvoi en commission.

En effet, nous considérons que les conséquences et les risques de cette réforme n'ont pas été véritablement mesurés, ainsi que le révèle clairement l'étude d'impact.

Au moins trois grandes questions méritent d'être revues de manière très précise. D'abord, il faut réexaminer la situation des quelque 1 850 salariés des études d'avoués sur laquelle mon collègue Michel Vaxès va revenir abondamment au cours de la discussion générale.

Ensuite, il faut revenir sur le coût de cette réforme qui va être supporté par le justiciable. Contrairement à l'argument avancé, la réforme ne va pas se traduire par une baisse du prix du procès pour le justiciable mais par une augmentation, nous le craignons.

Enfin, je voulais surtout appuyer la demande de renvoi en commission sur un point : si l'on prend la peine de les écouter, nombre de professionnels – beaucoup de magistrats des cours d'appel et la quasi-totalité des chefs de cour notamment – pensent que cette réforme va se traduire par une certaine désorganisation des cours d'appel et entraîner davantage de retards dans l'examen des dossiers. Les cours d'appel, qui avaient des interlocuteurs efficaces, reconnus et rompus à la procédure, cour par cour, vont se retrouver après cette réforme face à des milliers d'interlocuteurs potentiels.

Voilà pourquoi, monsieur le président, nous considérons que notre assemblée serait bien inspirée de voter pour ce renvoi en commission. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Olivier Jardé

Même si le Nouveau Centre ne votera pas en faveur de cette motion de renvoi, je voudrais insister sur plusieurs points.

Pendant cette période transitoire, les professionnels vont opérer plusieurs changements : ils vont continuer à être avoués puis devenir des avocats ; ils vont liquider leur société ; ils vont procéder à des licenciements ou enregistrer des démissions de salariés – ce qui prend beaucoup de temps ; ils vont devoir régler des problèmes de locaux car ils ne sont pas tous propriétaires – résilier des baux, en signer d'autres.

Madame la garde de sceaux, j'ai bien noté que vous aviez supprimé la limitation de l'ancienneté. Il y a peu, les employés des commissaires priseurs ont bénéficié d'une indemnisation équivalant à un mois par année d'ancienneté. Ceci pourrait être une nouvelle voie de réflexion pour ce projet de loi.

Néanmoins, je ne voterai pas pour cette motion de renvoi. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Vuilque

C'est très conséquent !

(La motion de renvoi en commission, mise aux voix, n'est pas adoptée.)

Debut de section - PermalienPhoto de Maurice Leroy

Dans la discussion générale, la parole est à M. Philippe Gosselin.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Gosselin

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, évoqué dans le rapport dit Attali de 2008, annoncé par la garde des sceaux au mois de juin 2008, le projet de loi prévoyant la fusion des professions d'avocat et d'avoué près les cours d'appel a été enregistré à la présidence de l'Assemblée nationale le 3 juin 2009.

Beaucoup de choses ont été dites depuis un an – parfois tout et son contraire –, et force est de constater que de nombreuses avancées ont été réalisées au cours des dernières semaines, particulièrement au cours des derniers jours, grâce à l'actuelle garde des sceaux et grâce aussi aux échanges fructueux, constructifs, permanents, entre le Gouvernement et la majorité. Ces échanges qui ont eu lieu jusqu'à ce matin ont permis les annonces faites tout à l'heure, et je tenais à vous en remercier encore, madame la ministre.

On peut comprendre les interrogations légitimes des avoués et des personnels au moment de leur disparition sous leur forme actuelle. Évidemment, nous devions être irréprochables dans le traitement de cette affaire.

Si l'intérêt général doit toujours primer – c'est bien le cas avec ce texte qui tend à une justice mieux administrée et plus proche du justiciable –, l'intérêt particulier, individuel, est lui aussi respectable et légitime quand il s'agit de l'avenir de personnes dont la profession est supprimée. Environ 440 avoués et 2 000 salariés sont concernés.

Il ne s'agit pas de faire pleurer dans les chaumières, mais si une meilleure administration de la justice est en jeu, elle est inséparable – j'insiste – du respect des situations humaines, sociales et financières que le projet peut engendrer. Sur ce point, comme l'indiquent les annonces faites tout à l'heure, nous avons été entendus ces derniers temps.

Revenons sur les trois principaux aspects de la réforme : ses principes juridiques ; l'indemnisation des avouées et leur statut ; le sort réservé de façon équivalente dans mon propos aux salariés.

Tout d'abord, rappelons que la fusion des professions d'avoué et d'avocat devant les cours d'appel est une préconisation du rapport Darrois sur les professions du droit. Elle ne tombe pas comme cela, par hasard. Elle s'inscrit dans une logique de simplification du droit, poursuivie par le Gouvernement et que nous souhaitons sur ces bancs, et engagée par le Parlement, plus spécialement par la commission des lois, sous la houlette de son président, Jean-Luc Warsmann.

La profession d'avoué est ancienne et éminemment respectable. Je ne reviendrai pas sur une longue histoire qui commence avec la Révolution française et les décrets de 1791, puis se poursuit avec la patrimonialité en 1816 et l'ordonnance du 2 novembre 1945. C'est un patrimoine, en effet, d'une certaine façon.

Les avoués sont des officiers ministériels qui représentent les parties devants les cours auprès desquelles ils sont établis. Dans les procédures devant les cours d'appel, les avoués sont donc les seuls à pouvoir représenter les parties au procès. Il est important de le rappeler. Les avoués interviennent notamment pour les appels des décisions contentieuses des tribunaux d'instance, des tribunaux de grande instance et des tribunaux de commerce.

Actuellement, c'est vrai que le recours obligatoire à un avoué en cas d'appel est une mesure difficilement compréhensible par les justiciables, et ce monopole est sans doute de plus en plus difficile à justifier.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Gosselin

Une directive européenne de 2006, relative aux services dans le marché intérieur, que la France doit transposer avant le 28 décembre 2009 – j'espère que nous serons un peu meilleur élève que nous ne le sommes parfois en matière de transposition de directives – implique une forme de libéralisation.

Or il semblerait que le maintien des offices d'avoués puisse représenter une atteinte à la libre circulation des services prônée par cette directive. Ce point fait débat, notre rapporteur l'a rappelé tout à l'heure et, personnellement, je doute aussi un peu du bien fondé de cet argument. Peu importe, car ce n'est pas l'argument essentiel de la réforme : le projet que nous examinons relève d'une politique d'ensemble, d'une politique de modernisation de notre système judiciaire.

Il s'agit de poursuivre une réforme entamée il y a quarante ans, tout en facilitant l'accès au juge d'appel pour tous. En effet, en décembre 1971 déjà, les offices d'avoués près les tribunaux de grande instance avaient été supprimés. Bien sûr, il en avait sans doute résulté un certain traumatisme pour les avoués et leurs collaborateurs mais, que je sache, la face de la justice n'en avait pas été défigurée, et nul ne soutiendrait aujourd'hui la nécessité de revenir en arrière.

C'est une réforme globale, courageuse, difficile, qui s'accompagne d'une dématérialisation plus poussée, et donc une modernisation de l'ensemble.

Si le fond pose des problèmes importants mais pas insolubles, il faut régler deux grandes questions touchant aux avoués eux-mêmes et à leurs collaborateurs. À cet égard, les garanties apportées ce matin, qui figuraient pour partie dans le projet initial, me semblent sérieuses. Cette dernière mouture du texte lève une grande partie des ambiguïtés, et je tenais à vous en remercier une fois encore, madame la ministre.

L'avenir professionnel des avoués est lié à leur indemnisation. Le texte prévoit qu'ils deviendront avocats de plein droit, sauf s'ils y renoncent, sachant qu'il existera aussi des passerelles vers d'autres professions du droit : notaire, huissier, greffier, etc. Les dispositions réglant les dispenses d'examen ou de stage pour accéder à ces fonctions seront fixées par décret en Conseil d'État.

Cela ne me semble pas poser de problème particulier : le règlement saura s'adapter s'il en est besoin. Compte tenu des dispositions transitoires prévues pour 2011, dont nous débattrons peut-être avec certains amendements, le texte ne pose pas de difficultés majeures ; en tout cas les principes ne sont nullement bafoués.

Le point essentiel, donc, reste sans doute l'indemnisation de la charge, indemnisation qui, dans le projet initial, s'élevait à 66 % de la valeur déterminée de l'office. Ce chiffre très insuffisant a, c'est vrai, semé le trouble, et c'est à juste titre que l'on a évoqué des droits constitutionnels, tant le pourcentage retenu s'apparentait à une forme de spoliation inacceptable pour les avoués et les salariés. Je salue à cet égard l'avancée annoncée tout à l'heure : elle nous permettra, je l'espère, de trouver une majorité. Après une proposition intermédiaire de 92 %, peu compréhensible – pourquoi une retenue de 8 %, même si certains rapports l'évoquaient, et non de 2 % ou de 5 % ? –, la décision d'une indemnisation à 100 % est la plus réaliste. La sagesse de votre annonce, madame la garde des sceaux, est conforme au respect du droit de propriété et montre votre sens de l'écoute. Il reviendra bien sûr à notre assemblée d'examiner attentivement les dispositions en profondeur, mais l'ambiguïté me semble levée.

Le dernier point, mais non le moindre, concerne les salariés. On ne peut passer sous silence le sort de 1 800 personnes et de leurs familles. L'étude d'impact a bien montré l'existence de difficultés spécifiques découlant de l'âge moyen ou de la féminisation, laquelle – que l'on ne se méprenne pas sur mes propos – ne pose évidemment pas de problème en elle-même. Là encore, on a un peu tardé à donner des gages sérieux ; mais force est de constater que les avancées ont été très nombreuses au cours de ces derniers jours. Elles expliquent que, sans parler de revirement, la majorité ou certains de ses membres jugent désormais le texte acceptable.

Les mesures d'accompagnement financier et de reclassement, nonobstant certaines situations personnelles ou familiales qui peuvent rendre celui-ci plus difficile, me semblent claires. L'ouverture de 380 postes de catégories A, B et C dans les services judiciaires dès le printemps de 2010 est une avancée indéniable. C'est à la direction des services judiciaires qu'il reviendra de proposer ces postes en fonction des besoins des cours d'appel, mais aussi, bien sûr, de ceux des salariés d'avoués concernés : il ne s'agit pas de plaquer des schémas sans tenir compte des souhaits des uns et des autres.

On évoquera aussi les nombreuses passerelles, dont les niveaux seront fixés par décret, vers les autres professions juridiques et judiciaires, ainsi que la commission tripartite chargée de conclure des conventions permettant un accompagnement personnalisé – j'insiste sur ce terme –, que nous avons largement pris en compte avec la création d'une cellule de reclassement dans chaque cour d'appel. En plus de ce dispositif, des aides supplémentaires pourront être octroyées pour favoriser la création ou la reprise d'entreprises.

Quant aux aspects financiers, les indemnités connaîtront une augmentation significative, notamment pour les personnes ayant le plus d'ancienneté ; comme les indemnités de licenciement, elles ne seront pas soumises à l'impôt sur le revenu et n'entraîneront pas de différé spécifique dans le versement des indemnités de chômage. Les avancées nous semblent donc importantes, les situations humaines et professionnelles ayant été largement prises en compte.

Le texte initial suscitait, reconnaissons-le, des craintes et des hésitations, y compris dans certains rangs de la majorité dont je faisais partie : je me suis exprimé en ce sens en commission. Sur l'article 14, les approches ont pu diverger, mais c'est finalement à l'unanimité que celui-ci a été rejeté. Le texte initial a donc été largement modifié et amélioré, comme l'attestent d'ailleurs les annonces de Mme la garde des sceaux cet après-midi. La situation des avoués comme celle de leurs salariés a été prise en compte ; prétendre le contraire serait démagogique. Nous avons fait en sorte que la réforme soit la plus acceptable possible ; je crois que c'est le cas. Voilà pourquoi j'espère que nous la mènerons à bien, dans l'intérêt des justiciables. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de George Pau-Langevin

Monsieur le président, madame la garde des sceaux, mes chers collègues, le texte a effectivement été amélioré en commission ; mais, pour l'apprécier, il faut se poser la question de son utilité : est-il utile pour pallier les maux dont souffre notre système judiciaire ? Améliorera-t-il la situation des justiciables ? Nous sommes obligés de constater que non.

Le justiciable paiera-t-il moins cher ? On peut en douter, car les honoraires des avoués sont fixes, alors que ceux des avocats sont libres.

Debut de section - PermalienPhoto de George Pau-Langevin

Pour effectuer un travail nouveau pour eux, les avocats se feront de toute évidence rémunérer. Je n'ai bien entendu rien contre la profession d'avocat, que j'ai moi-même exercée, mais les avoués se payaient grâce à la masse des dossiers qu'ils traitaient. Si l'avocat engage une procédure en appel, il est clair qu'il se fera rémunérer pour cela.

Les procédures seront-elles plus rapides, selon le souci que nous partageons tous ? Bien au contraire : les cafouillages à prévoir, loin de les accélérer, les exposeront à des risques de nullité, puisque les avoués épaulent avantageusement les avocats dans la procédure civile, qu'ils connaissent bien.

Debut de section - PermalienPhoto de George Pau-Langevin

M. Perben n'a-t-il pas déclaré que, lorsqu'il était garde des sceaux, il n'avait pas jugé utile de supprimer la profession d'avoué ? Bref, la question de l'opportunité de cette réforme reste posée.

Celle-ci présente-t-elle un intérêt en termes d'emploi, ce qui serait un argument en cette période de crise économique et de chômage ? Nous avons vu que non : des milliers de salariés, qui effectuent un travail utile, se verront ainsi jetés sur le carreau par la simple volonté du Gouvernement.

On a par ailleurs évoqué le coût. Malgré les difficultés budgétaires, le Gouvernement décide une réforme dont le coût s'élève à 900 millions d'euros ! On ne comprend pas ce qui justifie une telle dépense.

Pour financer la réforme, un fonds d'indemnisation sera créé, alimenté par une taxe évidemment acquittée par les justiciables. Bref, en plus d'être dur pour les salariés et inutile, ce texte sera coûteux.

S'agissant enfin des communications électroniques, la précipitation de la présente réforme ne permet pas d'assurer les transferts de compétences.

La justice, selon l'éminent juriste François Terré, souffre d'une triple crise : une crise de confiance, une crise de croissance et une crise de conscience. Une crise de croissance car, compte tenu de la disparition de nombreuses régulations institutionnelles, les contentieux se multiplient ; une crise de confiance car les justiciables se méfient de la justice et se demandent si elle n'est pas aux ordres du pouvoir – certaines procédures très médiatisées alimentent ce sentiment ; une crise de conscience, enfin, car les magistrats s'interrogent sur leur statut social et sur la mission que leur confie la société pour régler beaucoup de ses problèmes.

Le présent texte portera-t-il remède à l'un de ces trois maux ? Non. Or nous avons à réformer la justice en profondeur. Même si le travail en commission a permis d'améliorer l'indemnisation des avoués et les conditions de la réforme, celle-ci ne règlera aucun des problèmes majeurs de la justice, et ne répondra pas davantage aux besoins des justiciables ; c'est pourquoi elle nous semble inopportune. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Vaxès

Monsieur le président, madame la garde des sceaux, mes chers collègues, ce projet de loi illustre parfaitement, et à lui seul, le déséquilibre patent entre les pouvoirs exorbitants de l'exécutif et l'impuissance tout aussi patente du législatif pour l'élaboration de la loi.

Je commencerai par une remarque relative à la méthode. Le Gouvernement s'est abrité derrière la directive « Services » du 12 décembre 2006 pour justifier le bien-fondé de sa réforme. Pourtant, des spécialistes reconnus en droit communautaire ont une analyse opposée à la sienne. Je vous épargnerai leur démonstration, puisque le Gouvernement, la commission des lois et notre rapporteur en ont été destinataires. Je noterai seulement qu'il est bien plus aisé, mais bien moins courageux, de faire endosser à l'Europe la responsabilité d'une réforme qui n'est ni acceptée ni comprise par les premiers intéressés. Si la méthode est éculée, elle n'en est pas moins redoutable : l'Europe a décidé, la France s'incline !

Pour ce qui concerne les priorités du Gouvernement, allons à l'essentiel. Une fois encore, le Gouvernement démontre qu'il n'éprouve aucune gêne pour traiter de manière totalement déséquilibrée les victimes de ses décisions. La suppression de la profession d'avoué touche en effet l'ensemble de l'organisation des études : 433 avoués et 1 852 salariés.

À l'évidence, ce sont ceux qui ont le plus besoin de l'aide du Gouvernement qui sont le plus mal traités par lui : je veux parler des salariés des avoués, et plus spécifiquement des employés non cadres. Selon la CREPA, la Caisse de retraite du personnel des avocats et des avoués, ils seraient 1 687. Ces personnels administratifs sont à 90 % des femmes souvent seules ayant des enfants à charge. Ils effectuent des tâches très spécifiques aux procédures d'appel en matière civile ; leur âge moyen est de quarante-deux ans, et 24 % d'entre eux ont plus de cinquante ans. Pour cette catégorie salariale, à la fois moins diplômée et plus spécialisée dans des tâches juridiques propres à la procédure d'appel, la reconversion professionnelle sera beaucoup plus difficile. Pourtant, le projet de loi ne leur consacre que deux petits articles sur trente-trois ! Ils sont donc les grands oubliés de la réforme, pour reprendre l'expression de Michel Verpeaux, professeur de droit public à l'université de Paris I.

Le devenir des avoués, qui ne comprennent toujours pas la raison de cette réforme et que la disparition de leur profession jette au désespoir, a été, il est vrai, examiné avec une grande attention. Le projet de loi s'attache à garantir leur reconversion professionnelle puisqu'ils pourront exercer les professions d'avocat, d'avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation, de notaire, de commissaire-priseur judiciaire, de greffier au tribunal de commerce, d'huissier de justice, d'administrateur judiciaire et de mandataire judiciaire.

La privation de leur droit de présentation sera indemnisée. Cette indemnité, qui s'élevait à 66 % de la valeur de leur office dans le projet de loi initial, a été portée dans un premier temps à 92 % par un amendement gouvernemental. Elle sera à hauteur de 100 % – a-t-on appris ce matin et cela vient d'être confirmé – également grâce à un amendement gouvernemental. Nous nous en réjouissons pour eux, mais vous comprendrez que nous regrettions encore plus que leurs employés n'aient pas été traités avec la même considération.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Vaxès

Pourtant, la suppression de leur emploi sera la conséquence directe d'une décision gouvernementale. Cette perte d'emploi sera d'autant plus traumatisante qu'elle ne sera pas la conséquence d'une faute de leur part. Ils devront changer de métier, avec ce que cela implique, à un certain âge et après une longue expérience, comme perte de repères familiers de travail et comme angoisse.

Leur indemnisation, telle que la prévoyait initialement l'article 14, est une insulte. Quant à leurs possibilités de reclassement, le projet de loi n'aborde même pas ce point. Pour l'indemnisation de leur licenciement économique, le texte prévoyait le double du montant légal fixé par le code du travail, soit, pour un salarié ayant quarante années d'ancienneté, quatorze mois de salaire !

Devant l'iniquité de cette disposition et la colère qu'elle a suscitée, le Gouvernement a revu sa copie, mais l'effort consenti reste décevant, et d'ores et déjà les salariés ont fait connaître leur déception, notamment tous ceux – c'est la majorité – qui ne justifient pas d'une très grande ancienneté et qui seront licenciés.

Concernant leur reconversion professionnelle, le projet de loi est muet. N'escomptons pas que l'ensemble des employés puisse se reconvertir dans les cabinets d'avocats. D'abord parce que le marché est saturé et que cette saturation a été aggravée par la suppression des tribunaux décidée dans le cadre de la carte judiciaire. Ensuite parce que la composition salariale d'une étude d'avoués diffère de celle d'un cabinet d'avocats. Le ratio de salariés par avoué s'élève à 4,95, contre 0,8 pour un avocat.

Or qu'a prévu le Gouvernement pour leur devenir professionnel ? Rien, sinon « un plan de reclassement » qui les mènera de stages en emplois précaires. Le seul engagement concret pris par la nouvelle garde des sceaux, est l'ouverture, dans le projet de budget pour 2010, d'environ 380 emplois qui seront réservés dans les juridictions aux salariés venant des études d'avoués. C'est mieux, mais largement insuffisant et insatisfaisant puisqu'il restera 1 500 salariés qui auront beaucoup de difficultés à retrouver un emploi équivalant à celui que vous leur avez supprimé.

Pourquoi une telle distorsion entre les mesures prévues pour les avoués et celles prévues pour leurs employés? Je souhaite que le Gouvernement réponde à cette question. Ce souhait devrait devenir une exigence de la représentation nationale ; mais en avons-nous encore le pouvoir ? Ligotés par l'article 40, nous sommes empêchés de proposer les amendements que nous aurions pourtant voulu mettre en débat. Le rapporteur lui-même l'a regretté puisque plusieurs de ses amendements se sont vu réserver le triste sort de tomber sous le coup de l'article 40.

Nous aurions par exemple proposé de revoir l'indemnité de licenciement prévue par l'article 14, ce que le Gouvernement a été contraint de faire sans aller jusqu'à ce qui a été consenti aux salariés des commissaires priseurs.

Nous aurions proposé que l'indemnité de fin de carrière soit versée aux salariés des avoués, bien qu'ils ne puissent pas finir leur carrière au sein d'une étude d'avoué, comme ils l'auraient pourtant souhaité.

Nous aurions proposé que les licenciements réalisés depuis l'annonce de la réforme puissent être pris en considération et que les salariés démissionnaires, du fait et depuis l'annonce de la réforme, puissent bénéficier de ces indemnités.

Nous aurions demandé la mise en place d'un système de préretraite pour les salariés de plus de cinquante-cinq ans.

Nous aurions aussi proposé la mise en oeuvre du congé de reclassement tel que défini par les articles L.1233-71 à L.1233-76 et R. 1223-17 à R.1233-36 du code du travail.

Nous aurions déposé un amendement visant à une compensation temporaire de la baisse de rémunération dans l'éventualité où un salarié accepterait un emploi moins bien rémunéré, en vertu des articles R.5123-9 et suivants du code du travail.

Nous aurions proposé de voter l'attribution d'une enveloppe budgétaire d'aide à la mobilité géographique, ainsi qu'à la création d'entreprise et à la reconversion des salariés pour des formations qualifiantes.

Nous aurions également demandé une garantie de la Caisse des dépôts et consignations pour les emprunts immobiliers souscrits sans assurance chômage.

Si nous disposions d'un réel pouvoir législatif, voilà ce que nous aurions pu mettre en débat. Ces amendements n'auraient peut-être pas tous été adoptés, mais ils auraient au moins été discutés. Non : nous ne pouvons, malheureusement, que nous en remettre au Gouvernement pour qu'il répare le préjudice subi par les salariés de son fait, en leur donnant les moyens d'une vraie reconversion professionnelle.

Je terminerai cette intervention par un point qui n'est pas mis en avant par le Gouvernement. Dans l'exposé des motifs, un des arguments censé convaincre de l'utilité de cette réforme est l'économie qu'elle présenterait pour les justiciables, car elle réduirait le coût de l'accès à la justice en appel. Pourtant, c'est bien le justiciable qui financera le coût de cette réforme.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Vaxès

En effet, une taxe – qui serait de l'ordre de 85 ou 300 euros selon la juridiction – sera levée à l'ouverture des nouveaux dossiers d'appel. De plus, de l'avis des praticiens, il n'est absolument pas garanti que cette réforme de la représentation devant les cours d'appel représente un gain pour les justiciables.

Madame la garde des sceaux, les améliorations que vous avez proposées par rapport au texte préparé par votre prédécesseur restent insuffisantes, notamment pour les salariés qui ne justifient pas d'une très grande ancienneté, alors qu'ils sont en majorité dans ce cas. Dans ces conditions, nous ne pourrons voter ce texte en l'état. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Olivier Jardé

Monsieur le président, madame la ministre d'État, mes chers collègues, le 9 juin 2008, la garde des sceaux avait annoncé la suppression de l'obligation pour le justiciable en appel de recourir aux services d'un avoué, ce qui modifie profondément la représentation devant la cour d'appel, mais concerne également toute une profession et ses salariés.

Dans son rapport, Me Darrois insistait sur la nécessité pour notre système judiciaire de gagner en lisibilité. Il prenait l'exemple d'une procédure classique de divorce qui nécessite quatre intervenants : l'avocat pour assister, l'avoué pour les cas d'appel, l'huissier pour faire exécuter la décision, le notaire, enfin, pour liquider les biens.

Le Nouveau Centre ne remet pas en cause l'objet de cette réforme. Néanmoins, nous posons quatre questions concernant la date d'application de cette modification. Un an nous semble être un délai relativement court du fait de la particularité de la procédure d'appel, mais aussi de la transition de la profession d'avoué en avocat. Un an supplémentaire nous paraîtrait tout à fait justifié.

Je suis assez attaché à la notion de tarif encadrant la rémunération des actes accomplis. Les avocats fixent librement leurs honoraires. Je leur fais pleinement confiance pour être modérés. Néanmoins, pour les petites affaires, garder un encadrement me semble intéressant, voire nécessaire.

Le droit de présentation des avoués est un droit patrimonial. Du fait de la suppression des avoués, ce droit doit être indemnisé par l'État. Vous l'avez affirmé, madame la garde des sceaux, cette indemnisation doit se faire à hauteur de 100 %, avec la méthode de calcul des offices ministériels, dit produit DOMI-NET du site du ministère de la justice, comme toutes les cessions depuis 1971. Le groupe Nouveau Centre souhaite que ce même barème soit appliqué.

Cette indemnisation doit être consentie individuellement à l'avoué, quelle que soit la forme de la structure dans laquelle il exerce et le régime fiscal de sa société. S'agissant d'une indemnisation, celle-ci doit se faire sans fiscalité.

Pour les jeunes avoués qui n'exercent que depuis quelques années, il existe manifestement un préjudice de carrière, lequel doit être indemnisé en plus du droit de présentation. Nous sommes en effet dans une situation totalement différente de celle de 1971, où les avoués de TGI se sont facilement transformés en avocats. En l'occurrence, il n'y a pas de clientèle d'avoués de cour d'appel et leur transformation sera beaucoup plus difficile.

Dans cette période transitoire, les avoués auront de multiples fonctions : ils seront à la fois avoués, futurs avocats, ils devront liquider leurs sociétés, gérer le problème de leurs salariés, de leurs locaux souvent soumis à des baux et dans lesquels il faudra procéder à des transformations.

Enfin, la suppression de la profession d'avoué entraîne des difficultés pour les salariés. J'ai bien entendu, madame la garde des sceaux, que vous avez supprimé la limitation de l'ancienneté. Cela étant, il faudrait une indemnisation, semblable à celle consentie aux commissaires priseurs, d'un mois par année d'ancienneté, non de quinze jours comme vous le proposez.

Si le Nouveau Centre n'est pas opposé à cette réforme, il sera très attentif, lors des débats, au sort du personnel et à l'indemnisation des avoués. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Morel-A-L'Huissier

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je remercie d'abord le rapporteur pour la qualité de ses propos et sa manière très directe d'aborder le projet de loi.

Nous devons discuter aujourd'hui du devenir de quelques centaines de personnes qui vont perdre leur métier. Ce texte de loi, malheureusement mal ficelé au départ, laissait encore place ce matin à une large discussion avec vous-même, madame la ministre. Je ne conteste ni la philosophie du texte ni la nécessaire modernisation du système de justice, mais cela ne doit pas conduire à pénaliser les salariés ou les professionnels. Il faut prendre des décisions, mais celles-ci doivent être justes.

Nous sommes en mesure de donner une compensation aux avoués et à leurs salariés pour la perte de leur emploi et nous nous devons de le faire. L'avancée des débats sur le statut des salariés, votre propre implication – que je tiens à saluer – ont participé à une plus juste indemnisation des salariés. Cette indemnisation, non soumise à l'impôt sur le revenu, qui prend en compte l'ancienneté et fait qu'un salarié de quarante ans aura droit à trente-quatre mois d'indemnisation, est un bon compromis.

Cependant, concernant la reconversion, le texte reste un peu flou. Comment tous ces salariés seront-ils réintégrés ? Vous parlez de 380 postes d'intégration dans le système judiciaire. Cela ne correspond pas au chiffre de 1 850 employés, même si l'on tient compte des départs à la retraite.

Pour ce qui est des avoués, je plaide, comme d'autres collègues du groupe UMP, notamment Valérie Rosso-Debord et Christine Marin, pour une indemnisation totale du préjudice subi. En effet, plus qu'un emploi, ils vont perdre leur métier. Certains sont de jeunes diplômés, d'autres ont passé leur vie à rembourser un emprunt pour payer leur étude. Il faut donc les indemniser en conséquence. Dois-je rappeler que c'est bien la loi qui va provoquer cette perte d'emploi ?

L'indemnisation de la perte du droit de présentation doit être totale, pas seulement suffisante – comme on l'entend dire trop souvent – et, selon moi, non fiscalisée. Le préjudice de la perte doit être remboursé à 100 % – des avancées ont été faites ce matin – selon les méthodes de l'expropriation et avec un droit à réemploi de 20 %. C'est la position que j'ai soutenue en commission des lois et que j'ai exprimée à nouveau ce matin.

Vous avez prévu une reconversion dans la profession d'avocat et un accompagnement à la reconversion dans d'autres métiers du droit. Mais un avoué à la cour ne possède pas, par définition, de clientèle. Il doit donc se réinstaller et repartir de zéro. Une indemnité de réemploi pourrait lui permettre, par exemple, de racheter des parts dans un cabinet d'avocats ou d'envisager toute autre forme de reconversion.

Il reste à bien expliciter les modalités, tant pour les avoués que pour les salariés. Les amendements du Gouvernement vont dans ce sens, mais je souhaite que les débats fixent clairement les choses. Je crains toujours, en effet, des analyses au cas par cas.

La loi est le cadre juridique nécessaire pour éviter certaines dérives. Dernièrement, il nous a été suffisamment reproché de faire des lois un peu trop complexes ou insuffisamment précises. Dans ce projet, le cadre légal doit être clair et précis.

Telles sont les idées que je souhaitais soutenir pour l'examen de ce projet de loi. Je n'oublie pas les pressions parlementaires de l'UMP et je salue, une nouvelle fois, madame la garde des sceaux, votre propre implication puisque vous n'êtes pas à l'origine du texte proposé en juin 2009. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Charasse

Monsieur le président, madame la garde des sceaux, monsieur le secrétaire d'État, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, le projet de loi qui nous est soumis, expurgé en commission des références initiales à la fusion des professions d'avocat et d'avoué et à la suppression de celle d'avoué, est intitulé désormais « Réforme de la représentation devant les cours d'appel ».

Ce projet de loi ne ferait-il alors que s'inscrire dans le cadre de la réforme de la procédure d'appel illustrée par le rapport Magendie et d'une politique d'ensemble de modernisation de notre système judiciaire ? En réalité, « réforme », « modernisation » sont autant de mots fétiches du pouvoir en place qui cachent une réalité beaucoup plus cruelle. Car, premier constat, le Gouvernement demande notre aval à un texte dont la conséquence immédiate est le licenciement de près de 2 000 personnes du privé, au moment où le chômage explose.

Deuxième constat : dans la mesure où rien, ni l'intérêt général ni le droit communautaire, n'imposait au Gouvernement d'achever la démarche entreprise en 1971, le texte conduit, en fait, à supprimer sans motif valable la profession d'avoué. Pourtant, en tant que spécialistes de l'appel et fins connaisseurs de la procédure devant les cours d'appel, les avoués effectuent un travail de fond réel et spécifique. Ils rendent un service précieux aux justiciables et complémentaire à celui des avocats. Qui plus est, leurs tarifs sont réglementés, ce qui contribue à garantir l'accès à la justice pour tous les justiciables, indépendamment de leurs moyens. La suppression des avoués ne contribuera pas à rendre la justice moins chère ! C'est tout le contraire, puisque les avocats – dont les honoraires ne sont pas, pour leur part, réglementés – pourront augmenter le coût de leurs prestations en estimant, de façon légitime, qu'ils exercent à la fois leurs fonctions antérieures et celles remplies jusqu'alors par les avoués.

Troisième constat : il a fallu attendre l'examen du texte en commission pour que le Gouvernement reconnaisse que, lorsque la loi licencie, elle doit apporter une juste indemnisation. C'est bien la moindre des choses. Je tiens, à ce titre, à saluer le travail de la commission, qui aurait mérité d'ailleurs d'être poursuivi. C'est grâce à ce travail que le Gouvernement se trouve contraint de modifier l'article 13 et de présenter en séance une nouvelle version de l'article 14 du texte initial concernant l'indemnisation des personnes licenciées. Mais de quelle indemnisation s'agit-il ? Nous le savons maintenant en ce qui concerne les avoués eux-mêmes et les salariés des études d'avoués.

Toutefois, les annonces que vous venez de faire, madame la garde des sceaux, ne nous paraissent pas suffisantes s'agissant du reclassement et de l'accompagnement dans la recherche d'emploi des personnes qui en seront privées par cette loi. Ainsi, même si vous nous proposez un article 13 modifié et un nouvel article 14 plus équilibré au bénéfice des personnes licenciées, il reste que le dispositif d'indemnisation n'est pas financé par l'État mais par l'ensemble des justiciables, par le biais d'une taxe – encore une ! – que ce gouvernement tient d'ores et déjà pour acquise alors que son principe n'a pas encore été discuté par la représentation nationale ! Il y a là une sorte de désinvolture. En fait, il n'y a pas d'autre justification à la suppression des avoués que la dérive volontaire vers un modèle de justice à l'américaine ou à l'anglaise qui ne correspond pas à notre vision de la République et des relations entre les hommes.

Avec leurs collègues du groupe SRC, les députés radicaux de gauche et apparentés ont formulé un certain nombre de propositions susceptibles d'améliorer le texte. L'adoption d'une partie de ces propositions serait de nature à lever certaines de nos craintes et préoccupations. Mais si le Gouvernement restait sur ses positions actuelles, alors les députés radicaux de gauche et apparentés n'auraient d'autre choix que de voter contre un texte qui rompt l'égalité devant les charges publiques, n'attache pas suffisamment d'importance et donc de moyens au reclassement de personnels qui restent lésés ; un texte qui prend des libertés avec la Constitution et néglige l'intérêt du justiciable. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Robert Lecou

Monsieur le président, madame la garde des sceaux, monsieur le secrétaire d'État, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, nous débattons d'un projet de loi portant fusion des professions d'avoué et d'avocat. Nous allons donc faire disparaître une profession juridique réglementée – celle d'avoué – après avoir supprimé, en 1971, les offices d'avoués près les tribunaux de grande instance.

Ce projet de loi s'inscrit dans le cadre de la modernisation et de la simplification de notre justice, une justice imprégnée du droit romain qui, grâce à certaines professions –je pense à celle de notaire – inspire des pays comme la Chine. Ce constat, gratifiant pour notre organisation judiciaire, doit nous interpeller afin d'éviter de tomber dans le travers de ce qui me paraît être la caractéristique du système anglo-saxon : la judiciarisation de la société.

Certes, la fusion des professions d'avoué et d'avocat ne traduit en rien cette évolution, mais je n'ai pu m'empêcher de faire cette remarque, d'autant que, dans le cadre des débats sur la fameuse directive « Services », notre assemblée avait préconisé, avec le Parlement européen, que les professions judiciaires réglementées soient toutes exclues du champ d'application de cette directive.

Mes observations préalables se justifient d'autant plus, selon moi, que, dans une période marquée par le chômage, nous allons supprimer 235 études qui emploient aujourd'hui 1 850 salariés.

Si l'objectif de cette réforme – la simplification pour le justiciable – ne peut nous laisser indifférents, nous devons nous attacher aux conséquences de ce texte. Je pense, bien entendu, à ceux qui vont le subir : les avoués dans leur ensemble – et plus particulièrement ceux proches de la retraite ou les jeunes récemment installés – et, bien entendu, les salariés des études d'avoués, qui doivent recevoir une juste indemnisation pour le préjudice subi et bénéficier d'un juste accompagnement pour garantir la continuité de leur activité.

C'est dans ce cadre, madame la garde des sceaux, que vous nous avez fait aujourd'hui des annonces qui vont dans le bon sens. S'agissant de l'indemnisation des avoués, nous devions éviter la spoliation et défendre une juste indemnisation – la seule équitable – à hauteur de 100 %. Votre annonce répond à cette exigence légitime. Elle nous a rassurés. Il convient de l'inscrire dans le marbre de la loi. Concernant l'indemnisation des salariés qui subiront le licenciement, il sera là aussi nécessaire de confirmer les avancées que vous nous avez annoncées : une indemnisation convenable doit correspondre à leur ancienneté et répondre ainsi à une attente justifiée.

Il est bien entendu primordial de favoriser la continuation de l'activité. Pour cela, les passerelles que vous proposez vers les autres professions juridiques, mais aussi vers l'institution judiciaire, et notamment la création de 380 postes – que vous avez là aussi annoncée –, favoriseront certainement l'intégration dans les métiers de la justice des salariés des catégories A, B et C.

Toutes ces améliorations sont incontestables. Vous avez fait d'un projet initial inacceptable un projet acceptable. Nous allons débattre de tous ces points.

Ces avancées, je le rappelle, nous permettront, dans le cadre d'une concertation que vous avez grandement améliorée, de favoriser le justiciable. Tel doit être notre principal objectif.

Je souhaite que la suppression de cette charge, qui s'inscrivait pourtant dans le droit français et faisait l'honneur d'une profession auxiliaire efficace de la justice, permette au justiciable, grâce à une justice modernisée et simplifiée, d'y trouver son compte. Nous devons toutefois être vigilants pour que la juste indemnisation et le légitime accompagnement des personnels concernés soient gravés dans notre loi d'aujourd'hui. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Pascale Crozon

Monsieur le président, madame la garde des sceaux, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, je tiens, en préambule, à remercier M. le rapporteur d'avoir communiqué un chiffre qui, à lui seul, devrait susciter notre plus grande prudence : notre pays compte aujourd'hui 4,5 salariés par avoué contre seulement 0,8 par avocat. C'est dire que, même dans le contexte économique le plus favorable, même avec les salariés les mieux qualifiés sur le marché de l'emploi et même avec la meilleure volonté du monde, nous ne parviendrions pas à reclasser l'ensemble des 1 852 salariés qui travaillent aujourd'hui auprès des avoués.

Nul n'est besoin de trop s'attarder sur le contexte que chacun connaît et les quelque 600 000 chômeurs supplémentaires que notre économie aura créés tout au long de l'année 2009. Il est néanmoins certain que cela ne va guère inciter les avoués à se reconvertir dans le métier d'avocat, d'autant que 41 % d'entre eux auront plus de cinquante-cinq ans en 2010 et qu'il leur faudra compter au mieux trois à quatre années avant de se bâtir une clientèle. C'est donc peu dire, madame la garde des sceaux, que toutes les personnes concernées – les avoués et leurs salariés – s'interrogent sur le sens inouï du timing qui vous conduit à envisager précisément aujourd'hui une réforme, certes annoncée de longue date, mais qui a toutes les chances de se transformer en gouffre social.

Cette perspective est d'autant plus certaine que les populations concernées comptent parmi les plus fragiles en termes de réinsertion sur le marché de l'emploi. L'étude d'impact social réalisée par l'IDDEM est à ce propos particulièrement instructive : 90 % de ces salariés sont des femmes qui, pour 55 % d'entre elles, ont un niveau de qualification inférieur ou égal au bac. Elles ont, en réalité, appris sur le tas un métier qu'elles occupent en moyenne depuis plus de quinze ans, voire depuis plus de trente ans pour près de 15 % d'entre elles, et 48 % n'ont jamais, je dis bien jamais, exercé aucune autre profession que celle que vous proposez aujourd'hui de supprimer. Disons-le simplement, la majorité de ces salariées n'aspirait qu'à achever sereinement leur carrière au sein de leur étude, où leur degré d'expérience et de compétence leur garantissait un revenu assez nettement supérieur à ce que le marché du travail semble aujourd'hui à même de leur proposer.

C'est donc un véritable séisme professionnel, social et psychologique qui s'annonce pour ces femmes que j'ai reçues à ma permanence villeurbannaise et que je tiens aujourd'hui à saluer pour la dignité et responsabilité qui est la leur depuis que l'examen de ce texte est annoncé.

Au fond, jamais elles n'auront tenté d'arrêter un train dont elles sentent bien qu'il devait passer tôt ou tard, et leurs revendications n'ont rien d'extravagant. Elles demandent simplement l'égalité des droits et la même considération que celle accordée en pareille situation par exemple aux salariés des commissaires priseurs. Nous reconnaissons vos efforts, madame la ministre, mais une partie d'entre elles seront confrontées au chômage. Je vous rappelle que le taux de chômage des femmes dans notre pays est élevé, plus élevé que celui des hommes. C'est pourquoi d'ailleurs je suis très sensible à leur situation.

J'en viens à mon dernier point : la mauvaise volonté manifeste dont votre gouvernement a fait preuve face à l'enjeu de l'accompagnement social de ces salariées. Sur le calcul des indemnités – cela s'est arrangé mais il y aurait encore beaucoup d'efforts à faire –, sur les possibilités de départ à la retraite, les passerelles entre professions, la garantie des emprunts contractés, l'aide à la reprise ou à la création d'entreprise, peu des préoccupations exprimées par les salariées, hélas, ont été prises en considération.

Les députés de l'opposition mais aussi de la majorité, et votre propre rapporteur, ont déposé à ces sujets des amendements tombant sous le coup de l'article 40 mais ayant pour but d'attirer votre attention sur ces manquements manifestes.

Ces mesures de justice sociale coûtent bien évidemment de l'argent, à l'heure où votre gouvernement a laissé filer les déficits et s'apprête à y ajouter aujourd'hui 900 millions d'euros. Si vous n'avez pas les moyens, si vous ne voulez pas vous donner les moyens d'offrir à chaque salarié dont vous allez supprimer l'emploi une existence digne et une chance significative de rebondir, alors ne faites pas cette réforme, et n'attendez pas des députés socialistes, alors que chaque jour apporte son écot de plans sociaux, qu'ils votent un projet de loi qui supprimerait directement 1 000 ou 1 500 emplois supplémentaires. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Debut de section - PermalienPhoto de Christine Marin

Monsieur le président, madame la ministre d'État, mes chers collègues, la réforme de la représentation devant les cours d'appel a connu depuis plus d'un an bien des avatars. Je l'ai suivie dans le cadre du rapport sur l'évolution des professions réglementées, que j'ai réalisé avec mon collègue Jean-Pierre Marcon pour mon groupe politique, à la demande de Jean-François Copé.

C'est le rapport Attali qui, en proposant la suppression totale de la profession d'avoué, a été le coup d'envoi de ce projet. Sa volonté réformatrice était tout à fait louable. Clarification des professions juridiques, prise en compte du contexte européen, objectif d'un meilleur service rendu aux justiciables, ces grands principes à l'origine de la proposition sur les avoués ne semblent pas contestables. Disons-le, le rapport Attali a eu le mérite, par l'électrochoc qu'il a constitué, de stimuler la réflexion au point que, souvent, la nécessité de la réforme et l'impossibilité de l'immobilisme ont été largement reconnues.

Cependant, il faut le dire aussi, l'idée de cette réforme n'a pas été assez bien présentée au départ.

D'abord, l'annonce de la suppression de la profession a été faite quelques jours après les résultats des examens 2008 pour l'accès à la fonction d'avoué. Ce n'était pas forcément le meilleur moment. On a aussi trop souvent parlé des avoués comme d'un doublon par rapport à une certaine valeur ajoutée des avocats, alors que l'on aurait pu tout aussi bien présenter la chose de manière inverse.

Surtout, on n'avait pas assez pris en compte les conséquences sociales de la réforme. Dès cette époque, nous avions ainsi, Jean-Pierre Marcon et moi-même, dans notre rapport pour le groupe UMP, pointé diverses difficultés que nous avions constatées, qui étaient évidentes et qu'il était impossible d'ignorer. Les avoués n'ayant actuellement, à quelques rares exceptions près, qu'une clientèle d'avocats, ils démarreraient leur activité d'avocat sans réelle clientèle. On savait bien que les avocats, aujourd'hui clients des avoués, n'auraient majoritairement plus recours à eux après la réforme. Et comme on avait conscience qu'il fallait trois à cinq ans pour se constituer une clientèle, on savait bien que les revenus des avoués étaient loin d'être assurés.

Nous avions noté également l'impact que risquaient de subir les salariés des avoués, qui seraient inévitablement exposés au risque du chômage.

Nous avions relayé ces constats auprès de l'ancienne garde des sceaux, en faisant des propositions alternatives pour une meilleure réforme, afin de garantir son efficacité et de compenser ses conséquences sociales. Nous avions notamment plaidé pour des passerelles vers la magistrature, et aussi pour une période transitoire allongée au cours de laquelle les ex-avoués auraient pu se reconvertir dans le métier d'avocat.

Le premier texte ne répondait pas vraiment à ces difficultés et n'intégrait pas non plus nos propositions. Son inachèvement était symbolisé par l'ambiguïté de son titre : « Fusion des professions d'avocat et d'avoué », alors que l'on ne pouvait évidemment pas mettre les deux professions sur le même plan.

Heureusement, un gros travail de concertation a été réalisé, qui a permis d'aboutir à un résultat déjà appréciable, que nous pourrons constater au cours de la discussion du texte. Au groupe UMP, nous y avons pris notre part, en recevant les représentants des avoués et ceux de leurs salariés à de très nombreuses reprises, en prenant le temps de discuter avec eux, en réfléchissant avec eux aux possibilités d'amélioration de la réforme et en faisant remonter leurs préoccupations jusqu'au Gouvernement. Vous avez, madame la ministre, apporté à nos interpellations une écoute que je salue, et à laquelle nous devons une grande part des progrès substantiels qui ont été réalisés entre le projet initial et le projet actuel.

En 2007, Nicolas Sarkozy s'était clairement identifié aux yeux des Français comme le candidat de l'indispensable rupture, mais, dans son programme présidentiel, il écrivait aussi la chose suivante : « Je crois que l'on prend de meilleures décisions si l'on prend le temps d'écouter ceux qui sont concernés sur le terrain, et que les réformes sont mieux appliquées si chacun a pu au préalable les comprendre et les accepter. »

L'ambition réformatrice du rapport Attali, le groupe UMP l'a gardée intacte, mais nous avons aussi voulu que la concertation ait lieu, et je crois donc que de grands progrès ont déjà été réalisés. Je sais que nous avons été entendus, en particulier pour l'indemnisation des avoués à 100 %, qui est indispensable, ainsi que pour une meilleure modulation des indemnités de licenciement des salariés en fonction de l'ancienneté.

Néanmoins, j'ai déposé avec plusieurs de mes collègues, des amendements sur des points qui nous paraissent appeler d'autres efforts pour présenter au final une réforme à la fois vraiment efficace et vraiment juste. Je pense aux passerelles prévues pour les collaborateurs d'avoués qui sont diplômés, et à la date d'effet de la réforme, qui doit faire l'objet d'un débat. Je suis certaine que nous pourrons en discuter dans un esprit constructif. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Imbert

Monsieur le président, madame la garde des sceaux, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, quel est l'objectif du projet de examinons aujourd'hui ? Selon le texte qui nous est présenté, il s'agit d'une grande simplification de l'accès à la justice en appel, d'un effort de modernisation. Il s'agit également de rendre moins coûteuse la procédure d'appel.

Au 1er janvier 2011, les avoués deviendront des avocats et les justiciables pourront se faire représenter par l'avocat qui les a représentés en première instance ou par tout autre avocat. Il ne s'agit pas d'une fusion mais d'une véritable absorption de la profession d'avoué par celle d'avocat.

Mes collègues de la commission des lois demandent la modification de l'intitulé du projet de loi, qui deviendrait « Réforme de la représentation devant les cours d'appel » ; ils lui donnent par là même un sens plus technique.

Pour moi, il s'agit de la suppression pure et simple d'une profession. Où se trouve la simplification et quel est l'intérêt du justiciable ? Que deviennent les études d'avoués et le personnel qui y travaille ? Il a été dit et répété qu'en supprimant cette profession, on se mettait en conformité avec les exigences de la directive européenne du 12 décembre 2006 sur les services. Or la profession d'avoué est parfaitement compatible avec cette directive.

Actuellement, cette charge représente, pour les 28 cours d'appel concernées par la réforme, 230 offices, plus de 420 avoués, près de 2000 salariés.

La profession d'avoué, c'est un savoir-faire unique dont on voudrait se priver, l'avoué étant un professionnel dont le processus de formation est bien éloigné de celui des avocats.

La spécialisation de ces professionnels du droit était jusqu'à maintenant une assurance de bonne justice. Ils sont experts en procédure civile, matière souvent ignorée des avocats, et chacun sait que les règles de procédure sont la garantie d'une bonne justice.

La tarification de cette profession constitue également une garantie d'accès à la justice, la demande tarifaire étant fixée par décret et proportionnelle à l'importance du litige examiné. Les honoraires de l'avocat, eux, sont libres et dépassent largement les frais d'avoué.

Supprimer cette profession, à l'heure où les réformes de procédure rendent plus strictes les conditions de l'appel, est un facteur de fragilisation de l'institution judiciaire et certainement d'allongement des délais de procédure.

De plus, la mise en place d'une communication électronique représentera une charge de travail à laquelle les avocats ne sont pas préparés, ainsi qu'un coût supplémentaire qu'ils répercuteront forcément sur leurs clients.

Enfin, les conséquences sociales pour la profession d'avoué sont désastreuses. Comment considérer l'indemnisation octroyée aux avoués au regard du préjudice subi ? Dans la poursuite de leurs fonctions, tous les avoués pourront-ils intégrer la profession d'avocat ou la magistrature ? Surtout, que vont devenir les salariés des offices, dont l'immense majorité va être licenciée ? La moyenne d'âge de la profession atteint quarante-trois ans. Ce sont surtout des femmes, qui sont peu diplômées, mais qui ont bénéficié d'une formation très spécialisée. Leur réembauche chez les avocats est pratiquement exclue, et vous le savez.

Vous avez annoncé, madame la ministre, quelques mesures, mais nous restons sceptiques.

L'application de cette loi aura des conséquences très graves, catastrophiques, dirai-je, pour l'institution judiciaire et pour tous ceux qui la servent. Il s'agit aujourd'hui de refuser un texte mal préparé, qui met à mal l'égalité devant l'accès à la justice, qui ne garantit en aucune façon un meilleur fonctionnement de la justice et qui ne garantit pas vraiment le devenir de centaines de salariés.

Pour toutes ces raisons, madame la garde des sceaux, nous ne pourrons pas voter ce texte. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Marcon

Monsieur le président, madame la garde des sceaux, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, la réforme de la représentation devant les cours d'appel est considérée généralement comme une affaire de spécialistes. Elle ne passionne pas nos concitoyens. Pourtant, nous pouvons tous être concernés un jour ou l'autre si nous sommes contraints de déposer un recours en appel, et nous devrons alors recourir à la présence obligatoire d'un intervenant supplémentaire pour la défense de nos intérêts, tout au moins dans le cadre de la juridiction actuelle. C'est une obligation qui n'est pas toujours très bien comprise par les justiciables.

Pour ma part, l'opportunité de conduire avec ma collègue Christine Marin un groupe de travail sur les professions réglementées m'a permis de mieux appréhender l'activité de ces officiers ministériels d'un statut très particulier, puisque titulaires de leur fonction grâce à une charge acquise mais nécessitant impérativement l'agrément des pouvoirs publics, et peut-être me suis-je laissé attendrir, comme notre rapporteur, mais ce n'est pas nécessairement un aveu de faiblesse.

Sur le fond, madame la ministre, la réforme proposée me paraît tout à fait justifiée dans la mesure où elle apporte plus de visibilité et de simplicité dans la défense des citoyens et où elle vise à réduire le coût des procès en appel.

Par ailleurs, elle permet à notre pays de tenir ses engagements européens, en transposant la directive relative aux services dans le marché intérieur.

Sur la forme, je voudrais toutefois faire trois observations, que nous avons déjà exprimées dans les conclusions du groupe de travail sur les professions réglementées et qui feront l'objet d'amendements.

La première porte sur la juste et équitable indemnisation que nous devons aux avoués, privés d'une charge qu'ils ont dû payer. En effet, la suppression des avoués est une décision de l'État. J'ai bien entendu qu'un amendement gouvernemental porterait cette indemnisation à 100 % du prix de la charge, alors qu'elle était prévue à 66 % dans la rédaction initiale du projet de loi. Il s'agit d'une avancée majeure, que nous sollicitons depuis le début. Chacun sait en effet que la plupart des avoués n'ont pas d'autres activités que celles exercées dans le cadre des procédures d'appel pour lesquelles leurs clients sont des avocats. Nous prenons acte de votre proposition, madame la garde des sceaux, et nous l'acceptons.

Ma deuxième observation porte sur la juste et équitable indemnisation des salariés licenciés. Dans le respect du principe d'égalité devant la loi, les salariés des avoués devraient obtenir une indemnisation identique à celle qui avait été accordée aux salariés des sociétés de vente volontaire aux enchères publiques. Malgré des avancées certaines, notamment en faveur des salariés ayant la plus forte ancienneté, nous ne comprenons pas très bien cette différence de traitement.

Ma troisième observation concerne la position des avoués qui renoncent à d'autres professions de droit. Le texte ne fait pas mention de l'intégration dans la magistrature, ce qui me paraît regrettable dans la mesure où la formation et la pratique professionnelle des avoués sont très proches de celles des magistrats. La possibilité de passerelles, avec stages de formation professionnelle, devrait être facilitée par la loi.

En conclusion, madame la garde des sceaux, au terme du travail approfondi de coproduction avec le Gouvernement, nous apprécions grandement les avancées significatives apportées au texte initial. Même si nous regrettons qu'un certain nombre d'amendements aient été déclarés irrecevables au titre de l'article 40 de la Constitution – c'est la règle et nous l'acceptons –, nous sommes convaincus que cette réforme va dans le bon sens. Nous la voterons, en espérant que, dans un dernier sursaut, la période transitoire sera allongée afin de permettre aux ex-avoués de se reconvertir dans le métier d'avocat. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Maurice Leroy

La parole est à Mme Laurence Dumont, dernière oratrice inscrite.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Dumont

Monsieur le président, madame la garde des sceaux, chers collègues, les débats que nous avons eus en commission – je rappelle les incidents qui les ont émaillés : il n'est pas si commun que le rapporteur et la majorité s'apprêtent à refuser un texte à défaut d'améliorations, lesquelles sont en partie intervenues – ces débats, donc, résument l'incongruité de ce projet de loi, en ce qui concerne tant les modalités qui ont présidé à son élaboration que son contenu même.

L'empressement à supprimer la profession d'avoué et l'absence de démonstration que cela conduirait à une meilleure administration de la justice viennent accentuer l'impression que nous avons affaire à une réforme de circonstance sans justification particulière.

J'ai interpellé à plusieurs reprises votre prédécesseure, madame la ministre, depuis l'annonce de la suppression pure et simple de cette profession. Au-delà de l'absence totale de concertation, et de l'inexistence d'un quelconque impératif européen, j'avais dénoncé l'absence de prise en considération des conséquences de cette suppression sur la situation des avoués et de leur personnel. J'avais aussi constaté la faiblesse de la démonstration des effets réels de ce projet en termes d'améliorations pour le justiciable.

Même si je reconnais une écoute plus attentive de votre part que de celle de votre prédécesseure, je ne peux me satisfaire des quelques propositions que le Gouvernement a présentées, et ce d'autant moins qu'elles dépendent de la loi de finances, dont nous ne disposons pas de tous les éléments au moment où nous parlons.

L'État supprime une profession ; il doit en prendre la totale responsabilité, tant au niveau des avoués et de leurs salariés que de celui des justiciables.

Pour les avoués, il est de votre devoir non seulement de rembourser totalement la valeur de leur office mais aussi de les indemniser pour réparation du préjudice subi par la suppression de leur charge.

Pour les salariés d'avoués, nous n'avons pas adopté l'article 14, et nous attendons de votre part une proposition qui permette à l'État d'assumer pleinement sa responsabilité, tant au niveau de l'indemnisation des licenciements que pour le reclassement. Certes, des avancées ont été réalisées in extremis, mais pour les salariés ayant le moins d'ancienneté, les progrès sont seulement de quelques mois d'indemnisation supplémentaires, ce qui n'est pas du tout suffisant.

Actuellement, nous ne disposons donc pas d'éléments satisfaisants. On ne peut prendre pour argument, comme l'a fait le collègue qui m'a précédé, le fait que « les temps ont changé » pour justifier le refus d'une indemnisation équivalente à celle accordée dans des situations similaires plus anciennes.

En outre, nous promettre des ouvertures de postes au niveau des juridictions reste sans effet réel et revient à nous demander de signer un chèque en blanc sur l'avenir de ces personnes, sans aucune garantie.

Enfin, je doute que l'accès des justiciables à la procédure d'appel soit amélioré, non seulement pendant la période de transition mais aussi lorsque la réforme sera réalisée, à moins, comme l'a remarqué notre collègue Dominique Perben, membre de la majorité, que vous ayez prévu de « recruter des magistrats et des greffiers supplémentaires ».

Dois-je vous rappeler, madame la garde des sceaux, les chiffres de votre ministère, selon lesquels le taux d'appel en matière civile et commerciale est grandement inférieur au taux d'appel en matière sociale parce que les avoués régulent et filtrent les procédures dans ces domaines ? Selon les mêmes sources, les délais moyens d'évacuation des appels pris en charge par les avoués sont moins longs de huit mois en moyenne.

De même, le fait que le tarif de postulation disparaisse ne garantit absolument pas une baisse des frais de justice, alors que celle-ci sera plus longue à être rendue. Les honoraires libres et non réglementés des avocats et les « frais obligatoires » sous-entendus dans votre texte sont de nature à augmenter le coût de la procédure d'appel, pourtant déjà dissuasif, notamment pour ceux qui ne bénéficient pas de l'aide juridictionnelle.

En conclusion, madame la garde des sceaux, ce texte n'est pas suffisamment abouti, sa mise en oeuvre n'est pas urgente, les solutions qu'il propose ne sont à ce stade pas satisfaisantes et dépendent trop de la loi de finances. Il n'est pas envisageable de voter aujourd'hui sur la base de propositions susceptibles de ne pas être suivies d'effet dans le cadre des arbitrages financiers que nous devons rendre. Il est urgent d'attendre et de se prononcer une fois que vous aurez inscrit au budget l'ensemble des garanties financières a minima qui doivent accompagner cette loi.

Par respect pour tous ces salariés, dont je rappelle qu'il s'agit en majorité de femmes, nous demandons toutes ces clarifications. En attendant, nous voterons contre votre texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Maurice Leroy

La discussion générale est close.

La parole est à Mme la garde des sceaux.

Debut de section - PermalienMichèle Alliot-Marie, ministre d'état, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés

Mesdames et messieurs les députés, je voudrais tout d'abord adresser mes remerciements au rapporteur et aux orateurs. Chacun a pu exprimer ses préoccupations sur la réforme. Je remercie particulièrement les députés de la majorité d'avoir souligné les avancées très importantes qui ont été obtenues dans le cadre de nos discussions. Je remercie également les députés de l'opposition, qui ont eux-mêmes reconnu des avancées, même si – c'est un peu la règle du jeu – ils les jugent insuffisantes.

Les uns et les autres ont contribué, contrairement à ce que j'ai pu entendre, à ce que la profession soit écoutée le plus largement possible. Cela a été le cas du rapporteur, de Mme Marin, de M. Marcon, des groupes parlementaires, ainsi que de mon cabinet.

Je ne reviendrai pas à tout ce que j'ai dit dans ma présentation, où je vous ai expliqué que la réforme était nécessaire pour que nous nous inscrivions dans une démarche globale de modernisation. Cela ne signifie pas qu'un seul texte y suffise : il est évident qu'un projet général de réforme nous retiendrait des heures et des heures, et comporterait plusieurs milliers d'articles. Cette réforme va donc se poursuivre ; nous discuterons bientôt de celle de la procédure pénale, par exemple. C'est la totalité de ces textes qui permettra à notre pays de disposer d'une justice plus lisible, plus rapide et moins coûteuse.

Dans la mesure où je vous réponds immédiatement après vos interventions, je ne peux le faire, comme à mon habitude, avec un ensemble construit, plus agréable à écouter. Je me contenterai d'essayer de répondre aux diverses questions que vous m'avez posées.

Je commencerai par M. Gosselin, qui a bien voulu relever que les situations individuelles avaient été prises en considération dans tous les domaines, et qui a salué les avancées intervenues.

Monsieur le député, les décrets nécessaires à la mise en oeuvre de la loi sont essentiellement de deux ordres : d'une part, un décret en Conseil d'État sur les passerelles, la désignation du bâtonnier référent dans chaque cour d'appel et les conséquences de la suppression de la bourse commune ; d'autre part, un décret simple, notamment sur la soulte entre les caisses de retraite si elles ne se mettent pas d'accord entre elles et les modalités d'organisation de la commission d'indemnisation.

Ces décrets seront publiés dès que la loi sera votée ; il est normal d'attendre le texte définitif de la loi pour cela. Néanmoins, si vous le souhaitez, je tiens à votre disposition l'avant-projet de décret en Conseil d'État. J'essaye de procéder de cette façon chaque fois qu'il est possible de le faire, afin que la représentation nationale soit totalement informée sur la façon dont la loi sera appliquée. Vous pourrez prendre ce texte au banc du Gouvernement, si vous le souhaitez.

Debut de section - PermalienMichèle Alliot-Marie, ministre d'état, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés

En ce qui concerne l'accompagnement des salariés, que vous avez évoqué ainsi que plusieurs autres orateurs, nous travaillons avec la Caisse des dépôts et consignations afin d'améliorer l'accompagnement au-delà même de ce qui sera prévu par la commission tripartite, notamment pour soutenir les projets de création d'entreprise que ces salariés voudront mener à bien.

Mme Pau-Langevin a relevé un certain nombre de risques. Elle est dans son rôle, mais elle me permet en même temps de rectifier plusieurs propos qui ne sont pas exacts.

Tout d'abord, le montant des indemnisations n'est pas de 900 millions d'euros, comme je l'ai entendu à plusieurs reprises, mais de 330 millions d'euros exactement.

En outre, ce n'est pas le budget de l'État qui sera mis à contribution, en dehors des emplois créés, mais une taxe payée en appel.

J'ai également entendu que le coût augmenterait pour le justiciable. Ce n'est pas le cas. Aujourd'hui, l'appelant paie en moyenne 900 euros à l'avoué. Demain, la taxe sera inférieure à 350 euros. Cela représente donc une économie.

Debut de section - PermalienMichèle Alliot-Marie, ministre d'état, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés

Si j'en parle, c'est parce que les chiffres sont là. La réforme contribue à ce que la justice soit moins onéreuse pour le justiciable.

De façon plus générale, ce texte est utile au justiciable en ce sens que, si les juristes comprennent bien la dualité d'intervention des avoués et des avocats, celle-ci est mal comprise du justiciable, et ce d'autant plus qu'elle n'existe pas en première instance. Une telle dualité est aujourd'hui très difficilement compréhensible pour nos concitoyens qui n'ont pas bénéficié d'une initiation juridique.

S'agissant de la communication électronique, sujet dont vous avez souligné l'importance, elle sera mise en place progressivement entre 2011 et 2013. L'expérience montre qu'un tel délai sera largement suffisant pour que chacun puisse se mettre en situation de répondre à ces nouvelles exigences.

Par ailleurs, on a invoqué à plusieurs reprises la prétendue incapacité des avocats à postuler devant les cours d'appel. Mais s'ils ont su postuler devant le tribunal de grande instance après la réforme de 1971, on ne voit pas pourquoi ils ne sauraient pas le faire devant la cour d'appel.

Monsieur Vaxès, vous avez dit, comme plusieurs autres intervenants, que nous faisons porter à l'Europe la responsabilité de la réforme en prétextant nous conformer à la directive européenne sur les services. Je vous dis « non » parce que nous endossons entièrement la responsabilité de cette réforme, dont tout l'intérêt est, pour moi, la modernisation et la clarification qu'elle induit. Certes, Jean-Marie Bockel a indiqué les raisons pour lesquelles nous considérons que la directive « Services » ne permet pas de maintenir le statut des avoués, mais ce n'est qu'un des éléments qui justifient cette réforme. Je n'ai pas l'habitude de m'abriter derrière l'Europe quand il me faut prendre de bonnes décisions qui contribuent à la modernisation.

De même, je ne peux partager votre analyse à propos des salariés. Vous dites qu'ils sont oubliés ; non, ils ne le sont pas. J'ai d'ailleurs reçu hier l'Association nationale des personnels d'avoués. Vous avez évoqué notamment le cas des moins qualifiés : je vous rappelle que 222 postes de catégorie C sont créés. De plus, les indemnités de licenciement seront très nettement supérieures aux indemnités légales, non plafonnées et susceptibles d'être versées au-delà d'une durée de trente mois. Grâce aux discussions que nous avons eues avec les intéressés et au travail mené le rapporteur, nous avons fait progresser considérablement l'indemnisation. Je souligne que les dispositions que je viens de mentionner entreront en vigueur dès 2010, donc avant même la fusion des avoués et des avocats.

M. Jardé a manifesté la crainte que le délai d'un an avant la fusion ne soit un peu court. Mais je rappelle que, pendant la période transitoire, nous permettons aux avoués d'exercer la profession d'avocat. Il est évident que nous ne pouvons pas laisser perdurer trop longtemps cette possibilité car elle crée un véritable déséquilibre et une distorsion de concurrence. De plus, il faut bien se rendre compte qu'une telle période intermédiaire, dans laquelle on n'est plus dans la situation précédente sans être encore dans la situation nouvelle, est psychologiquement très inconfortable. C'est pourquoi le délai d'un an me paraît raisonnable.

S'agissant du tarif réglementé, je rappelle qu'il est supprimé parce que les honoraires des avocats sont libres. Mais nous sommes en train de travailler sur un dispositif qui permettrait qu'une partie des frais d'avocat du gagnant soit prise en charge par le perdant. À ce titre, je vais réformer le calcul des dépens pour y inclure une fraction des honoraires. Cela répond aux préoccupations relatives au renchérissement de la procédure.

M. Morel-A-L'Huissier a évoqué les problèmes de fiscalité. J'indique que c'est le droit commun qui s'applique. Trois SCP ont choisi de payer l'impôt sur les sociétés, et l'obligation fiscale est alors assumée par la société, tandis que, dans les 174 autres, les indemnités étant réparties entre chaque associé au prorata de ses droits dans la SCP, la fiscalité va porter sur la plus-value et sur elle seule. Fiscalement, c'est la situation la plus simple et la plus normale possible.

J'en viens à M. Charasse. J'ai déjà répondu aux arguments portant sur la directive « Services » ainsi qu'aux interrogations sur l'indemnisation et le reclassement des salariés. Quant à la taxe qui financera la réforme, elle sera discutée dans le cadre d'un projet de loi de finances rectificative.

Monsieur Lecou, vous avez insisté sur l'avenir des jeunes avoués – puisque pour les avoués près de la retraite, les mesures que nous avons prises sont de grande ampleur et constituent une véritable prise en charge, le calcul de l'indemnisation prenant en compte la durée et les résultats financiers de leur travail. Je souligne que le projet de loi garantit aux jeunes avoués l'indemnisation de leur apport personnel augmenté du capital restant dû si cette somme est supérieure à la plus-value de leur office. Dans tous les cas, ils seront indemnisés, et auront la possibilité de choisir comme critère d'indemnisation la valeur de l'office ou leur apport personnel augmenté du capital restant dû. En ce qui concerne l'indemnisation des salariés, j'ai déposé un amendement qui permettra de mieux indemniser ceux ayant le plus d'ancienneté.

Madame Crozon, s'agissant des délais de mise en oeuvre, je souligne que la réforme a bien été annoncée en 2008 – vous l'avez d'ailleurs dit vous-même. Un certain nombre de personnes concernées ont d'ores et déjà pris leurs dispositions. Cela leur a permis d'allonger la période transitoire. Dès 2010, des passerelles entre les deux professions seront établies, un accompagnement individualisé sera proposé et des postes seront ouverts dans les juridictions. Il faut aujourd'hui délimiter cette période d'incertitude qui n'est bonne pour personne.

Madame Marin, vous savez que le rapport que vous avez rédigé avec M. Marcon a largement nourri la réflexion et les décisions du Gouvernement. Certes, la période transitoire n'est pas aussi longue que vous le souhaitez, mais j'ai déjà dit les raisons pour lesquelles il me semble injustifié de laisser perdurer trop longtemps une situation d'incertitude pour les uns et de concurrence déséquilibrée pour les autres. J'ajoute que nous avons en grande partie pris en compte vos propositions en matière d'indemnisation.

Madame Imbert, vous avez argué de la méconnaissance de la procédure d'appel par les avocats. Mais ils ont parfaitement su s'adapter aux transformations quand la réforme du statut des avoués a concerné les tribunaux de grande instance. De toute façon, l'obligation de se former à cette nouvelle matière les concerne, comme à l'occasion de toute réforme. Ils reçoivent au cours de leurs études une initiation aux procédures, qu'ils mettent en pratique au cours de leur carrière et, de plus, ils sont soumis à une obligation de formation continue de vingt heures par an.

Je vous sais gré, monsieur Marcon, d'avoir reconnu les efforts qui ont été faits pour prendre en compte vos préoccupations et vos propositions. Nous sommes parvenus à une indemnisation qui est juste et équitable, à la fois pour les avoués et pour les salariés. En ce qui concerne la passerelle vers la magistrature, notamment pour les salariés, nous sommes en train de travailler sur un texte qui permettrait de diminuer l'ancienneté requise pour accéder au premier grade de la magistrature. Mais cela exigerait de modifier une loi organique. En l'état actuel du droit, nous ne pouvons donc pas introduire cette disposition dans le présent projet. Mais je peux vous affirmer qu'elle sera concrétisée. D'autre part, je tiens à vous signaler que trois avoués viennent d'être retenus par la commission d'intégration pour entrer dans la magistrature. L'intégration est d'ores et déjà possible, et nous allons la favoriser en réduisant l'ancienneté requise.

J'espère que, dans mes réponses, je n'ai oublié personne...

Debut de section - PermalienJean-Marie Bockel, secrétaire d'état à la justice

Mme Dumont !

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Dumont

Vous ne m'avez pas écoutée, madame la ministre d'État !

Debut de section - PermalienMichèle Alliot-Marie, ministre d'état, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés

Si, et même attentivement. Vous avez notamment regretté une certaine précipitation dans l'examen de ce projet de loi, mais tel n'est pas le cas et je pense avoir déjà répondu sur ce point.

En ce qui concerne l'indemnisation, je pense aussi avoir répondu. Si toutefois vous souhaitez des précisions supplémentaires, nous pourrons les aborder lors de la séance de ce soir. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Maurice Leroy

Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures trente :

Suite du projet de loi portant fusion des professions d'avocat et d'avoué devant les cours d'appel.

La séance est levée.

(La séance est levée à vingt heures.)

Le Directeur du service du compte rendu de la séance de l'Assemblée nationale,

Claude Azéma