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Intervention de Françoise Imbert

Réunion du 6 octobre 2009 à 15h00
Fusion des professions d'avocat et d'avoué — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaFrançoise Imbert :

Monsieur le président, madame la garde des sceaux, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, quel est l'objectif du projet de examinons aujourd'hui ? Selon le texte qui nous est présenté, il s'agit d'une grande simplification de l'accès à la justice en appel, d'un effort de modernisation. Il s'agit également de rendre moins coûteuse la procédure d'appel.

Au 1er janvier 2011, les avoués deviendront des avocats et les justiciables pourront se faire représenter par l'avocat qui les a représentés en première instance ou par tout autre avocat. Il ne s'agit pas d'une fusion mais d'une véritable absorption de la profession d'avoué par celle d'avocat.

Mes collègues de la commission des lois demandent la modification de l'intitulé du projet de loi, qui deviendrait « Réforme de la représentation devant les cours d'appel » ; ils lui donnent par là même un sens plus technique.

Pour moi, il s'agit de la suppression pure et simple d'une profession. Où se trouve la simplification et quel est l'intérêt du justiciable ? Que deviennent les études d'avoués et le personnel qui y travaille ? Il a été dit et répété qu'en supprimant cette profession, on se mettait en conformité avec les exigences de la directive européenne du 12 décembre 2006 sur les services. Or la profession d'avoué est parfaitement compatible avec cette directive.

Actuellement, cette charge représente, pour les 28 cours d'appel concernées par la réforme, 230 offices, plus de 420 avoués, près de 2000 salariés.

La profession d'avoué, c'est un savoir-faire unique dont on voudrait se priver, l'avoué étant un professionnel dont le processus de formation est bien éloigné de celui des avocats.

La spécialisation de ces professionnels du droit était jusqu'à maintenant une assurance de bonne justice. Ils sont experts en procédure civile, matière souvent ignorée des avocats, et chacun sait que les règles de procédure sont la garantie d'une bonne justice.

La tarification de cette profession constitue également une garantie d'accès à la justice, la demande tarifaire étant fixée par décret et proportionnelle à l'importance du litige examiné. Les honoraires de l'avocat, eux, sont libres et dépassent largement les frais d'avoué.

Supprimer cette profession, à l'heure où les réformes de procédure rendent plus strictes les conditions de l'appel, est un facteur de fragilisation de l'institution judiciaire et certainement d'allongement des délais de procédure.

De plus, la mise en place d'une communication électronique représentera une charge de travail à laquelle les avocats ne sont pas préparés, ainsi qu'un coût supplémentaire qu'ils répercuteront forcément sur leurs clients.

Enfin, les conséquences sociales pour la profession d'avoué sont désastreuses. Comment considérer l'indemnisation octroyée aux avoués au regard du préjudice subi ? Dans la poursuite de leurs fonctions, tous les avoués pourront-ils intégrer la profession d'avocat ou la magistrature ? Surtout, que vont devenir les salariés des offices, dont l'immense majorité va être licenciée ? La moyenne d'âge de la profession atteint quarante-trois ans. Ce sont surtout des femmes, qui sont peu diplômées, mais qui ont bénéficié d'une formation très spécialisée. Leur réembauche chez les avocats est pratiquement exclue, et vous le savez.

Vous avez annoncé, madame la ministre, quelques mesures, mais nous restons sceptiques.

L'application de cette loi aura des conséquences très graves, catastrophiques, dirai-je, pour l'institution judiciaire et pour tous ceux qui la servent. Il s'agit aujourd'hui de refuser un texte mal préparé, qui met à mal l'égalité devant l'accès à la justice, qui ne garantit en aucune façon un meilleur fonctionnement de la justice et qui ne garantit pas vraiment le devenir de centaines de salariés.

Pour toutes ces raisons, madame la garde des sceaux, nous ne pourrons pas voter ce texte. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

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