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Intervention de Gérard Charasse

Réunion du 6 octobre 2009 à 15h00
Fusion des professions d'avocat et d'avoué — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaGérard Charasse :

Monsieur le président, madame la garde des sceaux, monsieur le secrétaire d'État, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, le projet de loi qui nous est soumis, expurgé en commission des références initiales à la fusion des professions d'avocat et d'avoué et à la suppression de celle d'avoué, est intitulé désormais « Réforme de la représentation devant les cours d'appel ».

Ce projet de loi ne ferait-il alors que s'inscrire dans le cadre de la réforme de la procédure d'appel illustrée par le rapport Magendie et d'une politique d'ensemble de modernisation de notre système judiciaire ? En réalité, « réforme », « modernisation » sont autant de mots fétiches du pouvoir en place qui cachent une réalité beaucoup plus cruelle. Car, premier constat, le Gouvernement demande notre aval à un texte dont la conséquence immédiate est le licenciement de près de 2 000 personnes du privé, au moment où le chômage explose.

Deuxième constat : dans la mesure où rien, ni l'intérêt général ni le droit communautaire, n'imposait au Gouvernement d'achever la démarche entreprise en 1971, le texte conduit, en fait, à supprimer sans motif valable la profession d'avoué. Pourtant, en tant que spécialistes de l'appel et fins connaisseurs de la procédure devant les cours d'appel, les avoués effectuent un travail de fond réel et spécifique. Ils rendent un service précieux aux justiciables et complémentaire à celui des avocats. Qui plus est, leurs tarifs sont réglementés, ce qui contribue à garantir l'accès à la justice pour tous les justiciables, indépendamment de leurs moyens. La suppression des avoués ne contribuera pas à rendre la justice moins chère ! C'est tout le contraire, puisque les avocats – dont les honoraires ne sont pas, pour leur part, réglementés – pourront augmenter le coût de leurs prestations en estimant, de façon légitime, qu'ils exercent à la fois leurs fonctions antérieures et celles remplies jusqu'alors par les avoués.

Troisième constat : il a fallu attendre l'examen du texte en commission pour que le Gouvernement reconnaisse que, lorsque la loi licencie, elle doit apporter une juste indemnisation. C'est bien la moindre des choses. Je tiens, à ce titre, à saluer le travail de la commission, qui aurait mérité d'ailleurs d'être poursuivi. C'est grâce à ce travail que le Gouvernement se trouve contraint de modifier l'article 13 et de présenter en séance une nouvelle version de l'article 14 du texte initial concernant l'indemnisation des personnes licenciées. Mais de quelle indemnisation s'agit-il ? Nous le savons maintenant en ce qui concerne les avoués eux-mêmes et les salariés des études d'avoués.

Toutefois, les annonces que vous venez de faire, madame la garde des sceaux, ne nous paraissent pas suffisantes s'agissant du reclassement et de l'accompagnement dans la recherche d'emploi des personnes qui en seront privées par cette loi. Ainsi, même si vous nous proposez un article 13 modifié et un nouvel article 14 plus équilibré au bénéfice des personnes licenciées, il reste que le dispositif d'indemnisation n'est pas financé par l'État mais par l'ensemble des justiciables, par le biais d'une taxe – encore une ! – que ce gouvernement tient d'ores et déjà pour acquise alors que son principe n'a pas encore été discuté par la représentation nationale ! Il y a là une sorte de désinvolture. En fait, il n'y a pas d'autre justification à la suppression des avoués que la dérive volontaire vers un modèle de justice à l'américaine ou à l'anglaise qui ne correspond pas à notre vision de la République et des relations entre les hommes.

Avec leurs collègues du groupe SRC, les députés radicaux de gauche et apparentés ont formulé un certain nombre de propositions susceptibles d'améliorer le texte. L'adoption d'une partie de ces propositions serait de nature à lever certaines de nos craintes et préoccupations. Mais si le Gouvernement restait sur ses positions actuelles, alors les députés radicaux de gauche et apparentés n'auraient d'autre choix que de voter contre un texte qui rompt l'égalité devant les charges publiques, n'attache pas suffisamment d'importance et donc de moyens au reclassement de personnels qui restent lésés ; un texte qui prend des libertés avec la Constitution et néglige l'intérêt du justiciable. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

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